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SciencesPo. PROCEDURE D'ADMISSION EN MASTER Lundi 4 mars 2013 NOTE DE SYNTHESE - SUJET 2 durée de l'épreuve : 4 heures A/ A partir des documents ci-joints et de vos connaissances, vous rédigerez une note de synthèse sur les problèmes juridiques et politiques posés par l'existence de la Cour pénale internationale. LISTE DES DOCUMENTS Document 1 Mieux comprendre la Cour pénale internationale Site officiel de la CPI Document 2 CPI : après Taylor, à qui le tour ? Jeune Afrique -14 mai 2012 Document 3 Document 4 Mali : la CPI ouvre une enquête sur des crimes de guerre Jeune Afrique - 16 janvier 2013 La Cour pénale internationale prononce première condamnation Stéphane Maupas -v^^ Le Monde-12 iuillet2012 Document 5 Un acteur majeur dans les relations internationales. Natalie Nougayréde Le Monde-^Iuillet 2012 Documente La justice des vainqueurs : De Nuremberg à Bagdad (extrait) 1 DaniloZolo —' Ed. Jacqueline Chambon - 2009 Document 7 La Cour pénale internationale en question. Sharon Weill Le Monde diplomatique - 1^^ août 2011 Document 8 La complémentarité de la CPI vis-à-vis des juridictions nationales La documentation française Site officiel de la CPI Document 9 Une justice tâtonnante (extraits). Monique Chemillier-Gendreau Revue Projet 303 - 2008 1

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SciencesPo.

PROCEDURE D'ADMISSION EN MASTER Lundi 4 mars 2013

NOTE DE SYNTHESE - SUJET 2 durée de l'épreuve : 4 heures

A/ A partir des documents ci-joints et de vos connaissances, vous rédigerez une note de synthèse sur les problèmes juridiques et politiques posés par l'existence de la Cour pénale internationale.

LISTE DES DOCUMENTS

Document 1 Mieux comprendre la Cour pénale internationale Site officiel de la CPI

Document 2 CPI : après Taylor, à qui le tour ? Jeune Afrique -14 mai 2012

Document 3

Document 4

Mali : la CPI ouvre une enquête sur des crimes de guerre Jeune Afrique - 16 janvier 2013

La Cour pénale internationale prononce sà première condamnation Stéphane Maupas -v ^ Le Monde-12 iuillet2012

Document 5 Un acteur majeur dans les relations internationales. Natalie Nougayréde Le Monde-^Iuillet 2012

Documente La justice des vainqueurs : De Nuremberg à Bagdad (extrait) 1 DaniloZolo — ' Ed. Jacqueline Chambon - 2009

Document 7 La Cour pénale internationale en question. Sharon Weill Le Monde diplomatique - 1 ^ août 2011

Document 8 La complémentarité de la CPI vis-à-vis des juridictions nationales La documentation française Site officiel de la CPI

Document 9 Une justice tâtonnante (extraits). Monique Chemillier-Gendreau Revue Projet n° 303 - 2008

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Document 10 Entretien avec Sylvie Bukhari-de Pontual (extraits) Revue Projet n° 303 - 2008

Document 11 Mettre en cause la légitimité de la violence d'Etat. Elisabeth Claverie Revue Quaderni (extraits). Printemps 2012

Document 12 Fonds au profit des victimes Rapport sur l'état d'avancement des programmes (extrait) Site officiel de la CPI - hiver 2012

Document 13 Dessin de Stephff Courrier international 15 juillet 2008

B/ Questions (les calculatrices sont interdites, une règle double-décimètre transparente est autorisée) :

1. Comment comprenez-vous ce dessin de Stephff (document 13, page 28) publié dans Courrier international du 15 juillet 2008 ? (2 points)

2. A partir du tableau du document 12 (page 26) :

• Donnez la contribution au Fonds en euros de la Suède en 2011. Quel pourcentage du total des contributions au Fonds en 2011 cette contribution représente-t-elle ? (1 point)

• Quel pourcentage du total des 10 739 400 euros collectés auprès des Etats membres depuis 2004 représente la somme collectée auprès des Etats membres en 2010 ? (1 point)

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Document 1 : Mieux comprendre la Cour pénale internationale Site officiel de la CPI

« (...) les crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale ne sauraient rester impunis (...) »

Préambule du Statut de Rome

Le 17 juillet 1998, 120 Etats ont adopté à Rome le statut - le Statut de Rome de la Cour pénale internationale - instituant la Cour pénale internationale (CPI). Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, des Etats ont décidé d'accepter la compétence d'une cour pénale internationale permanente, chargée de poursuivre les crimes les plus graves commis sur leur territoire ou par leurs ressortissants, à compter de l'entrée en vigueur du Statut de Rome, le 1 ^ juillet 2002. La Cour pénale internationale ne remplace pas les tribunaux nationaux. Le Statut de Rome rappelle que chaque Etat a le devoir d'exercer sa compétence pénale vis-à-vis des responsables de crimes internationaux. La Cour ne peut intervenir que dans le cas où un Etat est dans l'incapacité ou n'a pas la volonté de mener véritablement à bien des enquêtes et de traduire en justice les auteurs de crimes. La finalité première de la Cour est d'aider à mettre un terme à l'impunité des auteurs des crimes les plus graves touchant l'ensemble de la communauté internationale, et de contribuer ainsi à leur prévention. Une opinion publique bien informée peut contribuer à garantir durablement le respect de la justice internationale ainsi que sa mise en oeuvre. Le présent guide vise à favoriser une meilleure compréhension de la CPI en répondant aux questions les plus fréquemment posées à son propos.

I. La Cour pénale internationale en un coup d'oeil

1. Qu'est-ce que la Cour pénale internationale (CRI) ? La Cour pénale internationale (« la CPI » ou « la Cour ») est une cour internationale permanente, qui a été créée en vue d'ouvrir des enquêtes, de poursuivre et de juger des personnes accusées d'avoir commis les crimes les plus graves touchant l'ensemble de la communauté internationale, à savoir le crime de génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre et le crime d'agression.

2. Pourquoi la CPI a-t-elle été créée ? Certains des crimes les plus odieux ont été commis au cours des conflits qui ont émaillé le XXe siècle. Nombre de ces violations du droit international sont, malheureusement, restées impunies. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, ont été institués les tribunaux de Nuremberg et de Tokyo. En 1948, lors de l'adoption de la Convention pour la prévention et la répression du crime de Génocide, l'Assemblée générale des Nations Unies a reconnu la nécessité de créer une cour internationale permanente, appelée à se prononcer sur des atrocités semblables à celles qui venaient d'être commises. Le projet d'instituer un système de justice pénale internationale est réapparu, après la fin de la guerre froide. Alors que les négociations sur le Statut de la CPI suivaient leur cours au sein de l'Organisation des Nations Unies, le monde était témoin de crimes odieux sur le territoire de l'ex-Yougoslavie et au Rwanda. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a réagi à ces atrocités en procédant, dans les deux cas, à la création d'un tribunal ad hoc. Ces événements n'ont pas manqué de peser, de façon déterminante, sur la décision de convoquer à Rome, durant l'été 1998, la conférence qui a institué la CPI.

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Document 1 (suite)

3. Qu'est-ce que le Statut de Rome ? Le 17 juillet 1998, une conférence de 160 Etats a créé, sur la base d'un traité, la première cour pénale internationale permanente. Le traité, adopté lors de cette conférence, est connu sous le nom de « Statut de Rome ». Le Statut définit, entre autres, les crimes relevant de la compétence de la Cour, les règles de procédure et les mécanismes de coopération entre les Etats et la Cour. Les pays qui ont accepté ces règles sont dénommés « Etats parties » et sont représentés au sein de l'Assemblée des Etats parties. L'Assemblée des Etats parties, qui se réunit au moins une fois par an, fixe les orientations générales qui s'appliquent à l'administration de la Cour et délibère sur son activité. Au cours de ces réunions, les Etats parties examinent l'activité des groupes de travail créés par les Etats et toute autre question d'importance pour la Cour, débattent de nouveaux projets et adoptent le budget annuel de la CPI.

4. Combien de pays ont ratifié le Statut de Rome ? Au l^r février 2012, 120 pays sont Etats parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale. Parmi eux, 33 sont membres du groupe des Etats d'Afrique, 18 sont des Etats d'Asie et du Pacifique, 18 sont des Etats d'Europe orientale, 26 sont des Etats d'Amérique latine et des Caraïbes, et 25 sont membres du Groupe des Etats d'Europe occidentale et autres Etats.

5. Où se trouve le siège de la Cour ? La Cour pénale internationale a son siège à La Haye, aux Pays-Bas. Le Statut de Rome prévoit que la Cour peut siéger ailleurs si les juges l'estiment souhaitable. La Cour a créé également des bureaux dans les zones où elle mène des enquêtes. , t >^

6. Comment la Cour est-elle financée ? La Cour est financée par les contributions des Etats parties et par les contributions volontaires de gouvernements, d'organisations internationales, de particuliers, d'entreprises et d'autres entités.

7. En quoi la CPI se distingue-t-elle des autres juridictions ? La CPI est une juridiction autonome de caractère permanent, alors que les tribunaux spéciaux pour l'ex Yougoslavie et le Rwanda, de même que d'autres tribunaux du même type, créés dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies pour connaître de situations particulières, ne disposent que d'un mandat et d'une compétence limités. La CPI, qui juge des personnes, se distingue également de la Cour internationale de Justice, l'organe judiciaire principal de l'ONU, qui est chargée de régler les différends entre Etats. Le Tribunal spécial pour l'ex-Yougoslavie et la Cour internationale de Justice, ont aussi leur siège à La Haye.

8. La CPI est-elle un bureau ou une agence de l'Organisation des Nations Unies ? Non. La Cour pénale internationale est une entité indépendante, créée pour juger des crimes relevant de sa compétence, sans avoir besoin d'un mandat spécial de l'Organisation des Nations Unies. Le 4 octobre 2004, la CPI et l'ONU ont conclu un accord régissant leurs relations institutionnelles.

9. La Cour a-t-elle vocation à remplacer les tribunaux nationaux ? Non. La CPI ne se substitue pas aux systèmes nationaux de justice pénale; elle en est le complément. Elle ne peut enquêter et, lorsque cela se justifie, poursuivre et juger des personnes, qu^ si l'Etat concerné n'a pas ouvert d'enquêtes, se trouve réellement dans l'incapacité de le faire ou n'a pas

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Document 1 (suite et fin) ^ dVoJ V A A A . t VdL.U^K^^-'^ l'intention d'agir en ce sens comme pourraient le montrer, notamment, les cas de retard injustifié dans une procédure ou de procédures visant à soustraire des personnes à la responsabil i té pénale qui leur incombe. Il s'agit, en l'occurrence, du principe de complémentar i té, qui vise à donner la priorité aux systèmes nationaux. Les Etats gardent la responsabil ité première pour juger ces crimes les plus graves.

10. Dans quelles conditions la Cour exerce-t-elle sa compétence ? Lorsqu'un Etat devient partie au Statut de Rome, il accepte de se soumettre à la compétence de la Cour pour les crimes visés dans cet instrument. La Cour peut exercer sa compétence dans des situations répondant à une des conditions suivantes : lorsque l'auteur présumé est ressortissant d'un Etat partie ou lorsque le crime a été commis sur le territoire d'un Etat partie. Un Etat non partie au Statut peut décider d'accepter la compétence de la Cour. Ces conditions ne s'appliquent pas dans le cas où une situation est déférée au Procureur par le Conseil de sécurité des Nations Unies agissant en vertu du chapitre VII de la Charte de l'Organisation des Nations Unies.

11. La compétence de la Cour est-elle limitée dans le temps ? La compétence de la Cour ne s'étend qu'aux faits survenus après l'entrée en vigueur de son Statut, à la date du 1^ juillet 2002. Si un Etat devient partie au Statut après l'entrée en vigueur de celui-ci, la Cour ne peut exercer sa compétence qu'à l'égard des crimes commis après l'entrée en vigueur du Statut pour cet Etat, sauf si ledit Etat a déclaré accepter rétroactivement la compétence de la Cour. Cependant, la Cour ne peut en aucun cas connaître de faits qui se sont produits avant le l^r juillet 2002. ^ Pour tout nouvel Etat partie, le Statut entre en vigueur le premier jour du mois suivant le soixantième jour après la date de dépôt de son instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion.

12. Qui peut se retrouver devant la CPI ? La Cour pénale internationale poursuit des individus, non des groupes ou des Etats. Tout individu qui serait responsable de crimes de la compétence de la Cour peut se retrouver devant la CPI. La politique pénale du Procureur consiste par ailleurs à se concentrer sur les individus qui portent la plus lourde responsabil ité dans les crimes, au regard des preuves collectées, et sans tenir compte de leur éventuelle qualité officielle.

13. SI les principaux responsables exercent de hautes fonctions, politiques ou militaires, ne sont-Ils pas à l'abri de poursuites ? Ne pourraient-ils pas bénéficier d'une immunité ou d'une amnistie ? Aucun individu ne saurait être à l'abri de poursuites en raison des fonctions qu'il exerce ou du poste qu'il occupait au moment où les crimes concernés ont été commis. Agir en qualité de chef d'Etat ou de gouvernement, de ministre ou de parlementaire n'exonère pas de la responsabil ité pénale devant la CPI. Dans certaines circonstances, une personne en position d'autorité peut même être tenue responsable des crimes commis par les personnes qui travaillent sous sa direction ou ses ordres. De même, les amnisties ne sont pas opposables à la CPI. Elles n'empêchent donc pas la Cour d'exercer sa compétence.

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Document 2 : CPI : après Taylor, à qui le tour ? Jeune Afrique - 14 mai 2012

Qui sera le prochain ? Jeune Afrique a mené l'enquête. Le 26 avril, ils étaient nombreux, sur le continent, à suivre le verdict du procès de Charles Taylor. Et à se dire qu'ils pourraient bien un jour, comme l'ancien président libérien, être envoyés à la Cour pénale internationale. Ont-ils des raisons de s'inquiéter ? Enquête.

Dossier réalisé par Pacal Airault, Youssef Aït Akdim, Pierre Boisselet, Malika Groga-Bada, Clarisse Juompan-Yakam, Anne Kappés-grangé et Philippe Perdrix.

Procès historique, jugement historique. Il y avait bien eu Karl Dônitz en 1946. Éphémère président du Reich après le suicide d'Adolf Hitler, il avait dirigé, vingt jours durant, l'Allemagne nazie avant d'être reconnu coupable de crimes de guerre à l'issue du procès de Nuremberg. Depuis, plus rien. Aucun chef d'Etat n'avait plus été condamné par la justice internationale. La reconnaissance de la culpabilité de Charles Taylor, prononcée le 26 avril dernier par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL), revêt donc une importance toute particulière. L'ex-président libérien est en plus le premier chef d'Etat africain jamais condamné par la justice internationale - un précédent qui pourrait faire trembler sur le continent. Car l'Union africaine (UA) a beau dire clairement son opposition à ce que beaucoup appellent « une justice de Blancs » (« Nous sommes pour la lutte contre l'impunité, a déclaré Jean Ping, le président de la Commission de l'UA, en juin 2011. Mais pourquoi [le procureur de la Cour pénale internationale] ne juge-t-il que les Africains ? Est-ce que cela veut dire qu'il ne se passe rien ailleurs ? »), l'étau se resserre. Le Congolais Thomas Lubanga a été reconnu coupable, l'Ivoirien Laurent Gbagbo attend l'ouverture de son procès... Qui sera le prochain ? Jeune Afrique a mené l'enquête,

Omarel-Béchir

Accusé de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité et de génocide au Darfour, le président soudanais est visé par deux mandats d'arrêt internationaux, émis en mars 2009 et en juillet 2010. Et sauf très grosse surprise, il pourrait ne jamais comparaître devant la Cour pénale internationale (CPI). Réélu en 2010, il bénéficie en effet du soutien de nombre de ses pairs de l'Union africaine et de la Ligue arabe, chez qui il se déplace sans crainte, qu'ils soient ou non signataires du traité de Rome, fondateur de la CPI. Chaque fois, l'accueil qui lui est fait est plus celui que l'on réserve à un invité de marque qu'à un criminel en fuite. Des mandats d'arrêt ont également été délivrés contre au moins deux anciens chefs de milice Djandjawid, et eux aussi pourraient ne jamais avoir à rendre de comptes. Mais au fond, pour les dignitaires du régime, la principale menace reste celle d'un coup d'Etat, alors que le pays connaît une grave crise économique depuis la perte des ressources du Sud. « Même dans ce cas, El-Béchir pourrait se réfugier chez un de ses alliés, comme l'Arabie Saoudite ou la Chine », assure Roland Marchai, chercheur au Centre d'études et de recherches internationales.

Hissène Habré

L'affaire Habré, c'est un long feuilleton politico-judiciaire dont les victimes du régime de l'ancien dictateur tchadien désespèrent de voir un jour la fin. Au pouvoir de 1982 à 1990, Habré a plongé le Tchad dans un cauchemar de répression et de suspicion généralisée. Bilan ; des milliers de morts... En exil à Dakar depuis 1990, Habré a été inculpé en 2000 par un juge sénégalais et accusé de crimes contre l'humanité et de torture, mais il est jusqu'à présent parvenu à échapper à un procès. Le Sénégal d'Abdoulaye Wade s'étant dérobé pendant de longues années à son obligation de le juger (Habré a su s'y assurer de nombreux soutiens), c'est la Belgique qui a demandé son extradition, en

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Document 2 (suite)

septembre 2005. Depuis, la procédure traîne en longueur : en 2006, le Sénégal a accepté de juger Habré au nom de l'UA, et en 2010 les donateurs sont parvenus à réunir 8,6 millions d'euros pour organiser le procès - mais depuis, il ne s'est rien passé. Du coup, en mars dernier, c'est devant la Cour internationale de justice (CIJ) que l'affaire a été portée.

Habré finira-t-il par être jugé ? L'entourage du nouveau président sénégalais, Macky Sali, a laissé entendre qu'il souhaitait relancer la procédure dans son propre pays. « Cela prendrait trop de temps de tout recommencer à zéro, fait valoir un défenseur des droits de l'homme. Pendant ce temps, les victimes continuent à mourir. La seule solution rapide, c'est la Belgique. »

Charles Blé Goudé

Pas de poursuites officielles de la CPI, mais l'ancien chef des Jeunes patriotes ivoiriens sait que son tour pourrait venir vite - et il s'y prépare, puisqu'il a demandé à Nick Kaufman, l'avocat de la famille Kaddafi, de défendre ses intérêts. Celui-ci a écrit le 23 avril au procureur de la République, Simplice Koffi Kouadio, pour connaître les intentions de la justice vis-à-vis de son client et s'assurer qu'aucun mandat d'arrêt n'avait été émis contre lui. « Je n'ai aucune réponse pour l'instant », dit-il. Aujourd'hui exilé au Ghana, Blé Goudé occupait le poste de ministre de la Jeunesse dans le dernier gouvernement de Laurent Gbagbo. L'ONU et des ONG lui reprochent d'avoir prononcé un discours, le 25 février 2011, appelant ses partisans à ériger des barrages à Abidjan et à dénoncer les étrangers, ce qui aurait déclenché des crimes perpétrés sur une base partisane et ethnique. En 2006, l'ONU lui avait déjà interdit de voyager et avait gelé ses avoirs à cause de « déclarations publiques répétées préconisant la violence » contre les Nations unies et les étrangers. « Mon client est prêt à se défendre devant toute juridiction internationale, explique Me Kaufman. Mais pas en Côte d'Ivoire, où la justice est partiale».

Chérif Ousmane

Pas de poursuites non plus contre Chérif Ousmane, ex-chef de guerre et proche de Guillaume Soro, qui préside désormais l'Assemblée nationale en Côte d'Ivoire. Chérif Ousmane est le symbole de cette génération d'officiers qui se sont sentis marginalisés et qui ont tenté de prendre le pouvoir en 2002, avant de se replier sur le nord du pays. Devenu l'un des comzones de Bouaké, il a participé à l'assaut final sur Abidjan et ses hommes auraient conquis le quartier de Yopougon, fief des partisans de Gbagbo, au prix d'exécutions sommaires. Selon Human Rights Watch, il aurait ordonné l'exécution de 29 prisonniers en mai 2011. Par ailleurs, un rapport de l'agence de presse des Nations unies, l'Irin, publié en 2004, le soupçonne d'avoir supervisé des forces impliquées dans l'assassinat de mercenaires libériens et sierra-léonais.

Les ONG aimeraient donc les voir, lui et les autres anciens chefs rebelles que sont Ousmane Coulibaly (dit Ben Laden) et Losseni Fofana, devant la justice. Mais Chérif Ousmane est aujourd'hui le numéro deux du Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR), et le président Ouattara, qui dit maintenant souhaiter que justice soit rendue en Côte d'Ivoire, ne semble pas décider à le transférer devant la CPI.

Moussa Dadis Camara Le 28 septembre 2009, des milliers de Guinéens se réunissent au stade du 28-Septembre de Conakry pour dire non à la candidature du chef de la junte. Moussa Dadis Camara, à la présidentielle. Pour disperser les manifestants, l'armée tire à balles réelles. Bilan : 157 morts, 1 200 blessés et 109 cas de viol répertoriés. Pour les enquêteurs onusiens, Dadis a une « responsabilité pénale individuelle » dans

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Document 2 (suite)

les massacres. Tout comme son aide de camp, Aboubacar « Toumba » Diakité, et Moussa Tiégboro Camara, à l'époque ministre chargé de la Lutte contre la drogue et le grand banditisme. En visite en Guinée le 5 avril, Fatou Bensouda, prochaine procureure de la CPI, a prévenu : « Si les hauts responsables ne sont pas poursuivis par les autorités guinéennes, alors la CRI le fera, » Sans doute pour donner un coup d'accélérateur à ia procédure, qui n'a plus bougé depuis l'inculpation par la justice guinéenne, début février, de Moussa Tiégboro Camara. Exilé au Burkina depuis janvier 2010, Dadis, qui avait échappé à une tentative d'assassinat en décembre2009 (perpétrée justement par «Toumba», en cavale depuis), continue de nier toute implication dans les massacres. Il compte encore chez lui de nombreux partisans -ce qui, momentanément du moins, lui assure une certaine tranquillité. A ce jour, aucune poursuite judiciaire n'est engagée contre lui, ni en Guinée ni à la CPI.

Bosco Ntaganda

En août 2006, la CRI a émis un mandat d'arrêt contre Bosco Ntaganda, accusé de crimes de guerre pour avoir enrôlé des enfants entre 2002 et 2003, en Ituri (nord-est de la RD Congo). A l'époque, Ntaganda était membre de l'Union des patriotes congolais (UPC), aux côtés de Thomas Lubanga (reconnu coupable de crimes de guerre par la CRI en mars dernier) puis du Congrès national pour la défense du peuple (CNDR).

Le général « Bosco » a intégré l'armée congolaise en janvier 2009 après l'accord de paix passé entre le CNDR et Kinshasa, mais aujourd'hui les choses se compliquent. La protection dont il bénéficiait n'est plus de mise depuis que de violents combats dans le Nord-Kivu opposent l'armée à des mutins qui lui sont fidèles. « Bosco » se serait retranché dans son fief, dans les montagnes du Masisi. Pourquoi ce revirement ? « Malgré le modus vivendi négocié avec Kinshasa, la chaîne de commandement parallèle qu'il avait mise en place dans les deux Kivus commençait à agacer l'état-major », explique un spécialiste des questions militaires. Par ailleurs, le président Kabila semble vouloir donner des gages à la communauté internationale afin de tourner la page de la présidentielle de novembre 2011. Est-il toutefois prêt à le remettre à la CRI ? Pour l'instant, non. « Nous pouvons l'arrêter nous-mêmes [..,] et le juger ici », a-t-il déclaré le 11 avril.

Félicien Kabuga

Il est accusé de génocide, crimes de guerre, crimes contre l'humanité, selon le mandat d'arrêt du Tribunal pénal international pour le Rw/anda (TPIR) émis le 8 novembre 2001. Dix-huit ans après les faits, le génocidaire rwandais présumé le plus recherché de la planète est toujours en cavale, Ce richissime homme d'affaires est accusé d'être le grand argentier du génocide et l'un des principaux planificateurs des massacres. Lié à la famille de l'ancien président Habyarimana, il était le plus important actionnaire de la radio des Mille Collines et aurait financé l'achat de milliers de machettes. Son dernier pays de résidence avéré, le Kenya, assure qu'il a quitté son territoire - sans toutefois en donner la preuve ni dévoiler sa destination. Kabuga, dont la fortune est estimée à 20 millions de dollars, conserve, semble-t-il, des arguments pour s'assurer de la loyauté de ses mystérieux protecteurs.

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Document 2 (suite)

Américains, Israéliens... la CPI pourrait aussi s'intéresser à eux

La justice Internationale est-elle vraiment... juste ? Selon Human Rights Watch (HRW), des crimes de guerre ont été commis par l'armée israélienne pendant l'opération Plomb durci (27 décembre 2008-18 janvier 2009) dans la bande de Gaza. Si une enquête sérieuse était menée par la CPI, des responsabilités individuelles seraient enfin déterminées, et le ministre de la Défense, Ehoud Barak, pourrait se retrouver sur le banc des accusés. Aucune enquête ne vise non plus l'ex-secrétaire d'Etat américain à la Défense Donald Rumsfeld, qui, toujours selon HRW, est l'architecte d'une politique de mauvais traitements aux prisonniers, en particulier à Abou Ghraib. Idem pour George W. Bush, qui, durant le conflit irakien (2003-2011), a autorisé la torture et les prisons secrètes. Enfin, si des poursuites étaient lancées pour les crimes commis en Tchétchénie, le président pro-Russes Kadyrov serait le principal accusé. Mais, comme le Soudan, ni Israël, ni les Etats-Unis, ni la Russie n'ont ratifié le traité de Rome portant création de la CPI.

A compter du 1er juillet, le TPIR perdra la faculté de rechercher les fugitifs (prélude à la fermeture définitive du tribunal fin 2014), fonction qui sera ensuite assumée par un « mécanisme résiduel », mis en place par l'ONU pour éviter qu'ils échappent à la justice. Le temps presse : Kabuga a 77 ans.

Joseph Kony

Meurtres, esclavage sexuel, pillages, viols, enrôlement d'enfants... La liste des charges qui pèsent contre le chef de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA) est longue. Pas moins de 33 chefs d'accusation relevant du crime de guerre et du crime contre l'humanité. Ex-enfant de choeur, semi-analphabète, Joseph Kony est le fondateur présumé de la LRA, en 1987. Depuis, il a semé la terreur dans son pays, mais aussi au Soudan, en RD Congo et en Centrafrique. En 2005, la CPI a émis un mandat d'arrêt contre lui et quatre autres chefs de la LRA. Sept ans après, Kony est toujours introuvable, mais la traque a été relancée, en partie grâce à l'ONG américaine Invisible Chiidren et à sa vidéo virale Kony 2012, mise en ligne en février. En avril, l'UA, appuyée par les Etats-Unis, a annoncé la mise en place d'une force militaire de 5 000 hommes pour traquer et capturer Kony.

Uhuru Kenyatta

Les violences qui ont suivi la réélection contestée de Mw/ai Kibaki, en décembre 2007, ont fait plus de 1 100 morts, Pour la CPI, ces crimes ont été « préparés » et « planifiés » dans les deux camps par des personnalités de premier plan. D'un côté, Uhuru Kenyatta, proche de Kibaki et richissime héritier de Jomo Kenyatta, le pére de l'indépendance. Vice-Premier ministre et probable candidat à la prochaine présidentielle, il est accusé de crimes contre l'humanité. Mais des proches de Raila Odinga, challengeur de Kibaki, sont également sur la sellette. C'est le cas de William Ruto, ex-ministre de l'Enseignement supérieur, autre probable candidat à la présidentielle. Comme Henry Kosgey (ex-ministre de l'Industrialisation) et comme le journaliste Joshua arap Sang, Ruto est soupçonné d'avoir « organisé le stockage et la distribution des armes, coordonné le transport des agresseurs, promis des récompenses pour la participation aux attaques ».

La CPI a décidé d'ouvrir une enquête après l'échec du gouvernement kenyan à mettre sur pied un tribunal spécial chargé de poursuivre les auteurs des violences. Le 23 janvier, elle a confirmé les charges retenues contre les accusés, qui comparaissaient libres à La Haye, mais le Kenya laisse désormais entendre qu'un procès pourrait être organisé sur son sol (sans préciser toutefois si les

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Document 2 (suite et fin)

accusés de la CPI seront concernés). Or la CRI ne peut conduire des procès que si les Etats n'ont pas la capacité ou la volonté de le faire. Une subtilité qui n'aura pas échappé à Nairobi...

Seif el-lslam Kaddafi

Après des mois de bataille par communiqués interposés, le gouvernement libyen a officiellement contesté, le mai, la compétence de la CPI pour juger Seif el-lslam Kaddafi, ouvrant la voie à l'abandon de la procédure à La Haye. Détenu à Zintan (Libye) depuis son arrestation, le 19 novembre dernier, Seif faisait figure d'héritier de Mouammar Kaddafi. Il est accusé par la CPI d'avoir participé à la répression en Libye, dès le 15 février 2011 à Benghazi, et de s'être rendu coupable de crimes contre l'humanité. L'actuel procureur de la Cour, Luis Moreno-Ocampo, affirme disposer d'un dossier accablant avec les minutes des réunions, le calendrier des opérations de répression à partir de février 2011 et même des preuves que Seif aurait commandité le recrutement de mercenaires tchadiens. Mais lors d'une récente visite à Tripoli, Ocampo a concédé que le procureur général libyen tenait aussi « un dossier solide ». « Il a 30 témoins de plus, des documents et des retranscriptions. Il semble qu'il ait beaucoup de preuves », avait alors déclaré Ocampo. Le fils Kaddafi étant détenu en Libye et pouvant être jugé sur place, la CPI devrait vraisemblablement arrêter la procédure en cours.

Abdallah Senoussi

L'ancien chef des services secrets libyens est lui aussi accusé de chmes contre l'humanité et recherché par la justice internationale. Arrêté à Nouakchott (Mauritanie) le 16 mars dernier, Abdallah Senoussi est depuis très demandé : la Libye, la France et la CPI'veulent son extradition. C'est évidemment Tripoli qui a le plus de questions à poser à l'ex-homme fort du régime Kaddafi, accusé d'avoir supervisé, avec Seif el-lslam, la répression en Libye entre février et août 2011, avec notamment des cas documentés de torture et d'exécutions sommaires. Mais les Libyens ont beaucoup d'autres griefs contre Senoussi : c'est lui que les familles des victimes de la prison d'Abou Salim accusent du massacre de 1 270 prisonniers en juin 1996. Le gouvernement libyen dispose de témoignages attestant de son implication personnelle dans ce massacre. Mais le 15 avril à Nouakchott, le président Ould Abdelaziz a démenti avoir passé un accord pour l'extrader en Libye. Pour autant, cela ne veut pas dire qu'il est prêt à le garder sur son territoire. La CPI a donc encore toutes ses chances.

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