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Sédation consciente au MEOPA: Un réel regain d’intérêt CONSCIOUS SEDATION WITH THE PREMIXED 50% NITROUS OXIDE AND OXYGEN: REEL RENEWED INTEREST Auteurs : R. Fawzi : Spécialiste en Odontologie Pédiatrique, Faculté de Médecine Dentaire de Rabat Y. DELBOIS : MCU-PH Odontologie Pédiatrique, Université Victor Segalen, UFR d’Odontologie, Bordeaux, France J. NANCY : MCU-PH Odontologie Pédiatrique, Université Victor Segalen, UFR d’Odontologie, Bordeaux, France S. PARFAIT, Assistante en Odontologie Pédiatrique, Université Victor Segalen, UFR d’Odontologie, Bordeaux, France R. AMEZIANE : Professeur de l’enseignement supérieur, Faculté de Médecine Dentaire de Rabat. RÉSUMÉ La sédation consciente par inhalation du mélange équimolaire d’oxygène et du protoxyde d’azote (MEOPA) constitue en Odontologie Pédiatrique une excellente solution pour réduire l’anxiété et améliorer la coopération, permettant ainsi la réalisation des soins dentaires dans des meilleures conditions. Sa facilité d’administration, sa rapidité d’induction et d’élimination et le peu d’effets indésirables qu’il engendre font du mélange équimolaire d’oxygène et du protoxyde d’azote un agent sédatif de choix. La sédation consciente se

Sédation consciente au MEOPA: Un réel regain d’intérêt

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Page 1: Sédation consciente au MEOPA: Un réel regain d’intérêt

Sédation consciente au MEOPA:

Un réel regain d’intérêt

CONSCIOUS SEDATION WITH THE PREMIXED 50% NITROUS

OXIDE

AND OXYGEN: REEL RENEWED INTEREST

Auteurs :

R. Fawzi : Spécialiste en Odontologie

Pédiatrique, Faculté de Médecine Dentaire de

Rabat

Y. DELBOIS : MCU-PH Odontologie

Pédiatrique, Université Victor Segalen, UFR

d’Odontologie, Bordeaux, France

J. NANCY : MCU-PH Odontologie

Pédiatrique, Université Victor Segalen, UFR

d’Odontologie, Bordeaux, France

S. PARFAIT, Assistante en Odontologie

Pédiatrique, Université Victor Segalen, UFR

d’Odontologie, Bordeaux, France

R. AMEZIANE : Professeur de

l’enseignement supérieur, Faculté de

Médecine Dentaire de Rabat.

RÉSUMÉ

La sédation consciente par inhalation du mélange équimolaire d’oxygène et du protoxyde

d’azote (MEOPA) constitue en Odontologie Pédiatrique une excellente solution pour réduire

l’anxiété et améliorer la coopération, permettant ainsi la réalisation des soins dentaires dans

des meilleures conditions. Sa facilité d’administration, sa rapidité d’induction et

d’élimination et le peu d’effets indésirables qu’il engendre font du mélange équimolaire

d’oxygène et du protoxyde d’azote un agent sédatif de choix. La sédation consciente se

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révèle, de surcroît, être une alternative efficace à l’anesthésie générale chez les enfants peu

coopérants, anxieux ou mentalement déficients devant bénéficier de soins dentaires.

Depuis la prise en compte prioritaire de la douleur provoquée par les soins, le MEOPA

connaît actuellement un réel regain d’intérêt. Sa possibilité de prescription et/ou

d’administration par des praticiens non anesthésistes contribue à cet engouement.

Le MEOPA est un auxiliaire précieux de notre exercice dès lors qu’il est administré selon

un protocole bien établi et qu’on respecte les contre-indications d’usage.

Mots clés : sédation consciente, mélange équimolaire oxygène–protoxyde d’azote, analgésie,

odontologie pédiatrique.

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En Odontologie Pédiatrique, le praticien est souvent confronté à la prise

en charge d’enfants difficiles, non coopérants aux soins, pour lesquels

le recours à une technique de sédation s’avère indispensable. L’agent

sédatif idéal serait un médicament efficace associant rapidité

d’induction et d’élimination, facilement administrable, ayant peu ou pas

d’effets indésirables et n’induisant pas de dépendance. Le MEOPA est

actuellement le produit qui répond le mieux à ces critères : il s’agit d’un

Mélange Equimolaire d’Oxygène et de Protoxyde d’Azote à

concentration fixe (50/50). L'emploi d’un pourcentage supérieur de

protoxyde d’azote est réservé aux seuls anesthésistes et n’intéresse donc

pas l’Odontologie pédiatrique dans les conditions de soins

ambulatoires.

Après une utilisation assez marginale, le MEOPA connaît actuellement

un réel regain d’intérêt depuis la prise en compte prioritaire de la

douleur provoquée par les soins. Sa possibilité de prescription et/ou

d’administration par des praticiens non anesthésistes contribue à cet

engouement. Mais l’extension rapide de la technique en milieu

pédiatrique a déclenché des réactions de méfiance ou de réticence

concernant la sécurité d’une méthode utilisée par des praticiens non

anesthésistes.

Une utilisation appropriée du MEOPA impose de connaître, outre ses

principales propriétés, ses conditions d’administration et ses limites.

HISTORIQUE (7,12)

Le protoxyde d’azote (N2O) est l’agent le plus ancien employé en

anesthésie. Ce gaz a été découvert en 1772 par Joseph Priesley et son

activité antalgique et euphorisante fut remarquée par son élève Davy en

1800 qui le surnommait « gaz hilarant » en raison des accès de rire qu’il

déclenche parfois. Aux Etats-Unis, sa pratique devient un spectacle, les

séances publiques d’administration de protoxyde d’azote se multiplient

afin de montrer ses effets euphorisants. C’est après avoir assisté à un de

ces spectacles de foire, qu’un dentiste de Hardford (USA), Horace

Wells tenta de l’utiliser en dentisterie en 1844. Après seulement une

Page 4: Sédation consciente au MEOPA: Un réel regain d’intérêt

vingtaine de cas réussis en cabinet, Wells organise une démonstration

devant les autorités de la Harvard Medical School qui se solde par un

échec. Cet échec est expliqué par l’empressement et l’impréparation de

Wells à faire une démonstration publique : l’extraction a été réalisée sur

un sujet a priori peu réceptif, dans une ambiance défavorable. Cette

expérience négative nuit bien évidemment au développement de l’usage

du protoxyde d’azote, auquel on préféra l’éther et le chloroforme.

Son utilisation moderne en dehors du bloc opératoire date du début des

années 1960. En effet, en 1961, Tunstall prépara un mélange à

concentration fixe 50/50 de protoxyde d’azote et d’oxygène dans un

même cylindre prêt à l’emploi dont le nom commercial anglais est

Entonox® (Mélange Equimolaire d’Oxygène et de Protoxyde d’Azote

ou MEOPA). Il fut initialement utilisé pour les douleurs du travail de

l’accouchement. Secondairement cette méthode antalgique va se

développer au sein des services hospitaliers, dans les ambulances et

surtout en chirurgie stomatologique (5). Depuis, de nombreux travaux

ont été publiés sur l’utilisation du MEOPA dans différentes situations

cliniques.

DONNEES PHARMACOLOGIQUES

Le protoxyde d’azote est un gaz incolore, insipide, non irritant et de

saveur douceâtre très discrètement sucrée (7). Il présente à son

avantage, une pharmacocinétique particulièrement rapide (5). Très peu

soluble dans le sang et les tissus, le N2O est très vite capté et franchit

rapidement la barrière alvéolocapillaire pour diffuser dans l’ensemble

des secteurs de l’organisme. Le protoxyde d’azote ne se combine avec

aucun tissu organique. Il est transporté dans le plasma uniquement sous

forme dissoute. Sa faible liposolubilité explique sa faible puissance

anesthésique.

En raison d’une pénétration rapide dans le cerveau, le début de l’action

survient après quelques inspirations. L'effet analgésique est d'intensité

variable selon l'état psychique des patients. Le N2O agirait au niveau

des récepteurs morphiniques, soit directement, soit en libérant des

Page 5: Sédation consciente au MEOPA: Un réel regain d’intérêt

médiateurs opiacés et stimule la sécrétion des endomorphines. Son effet

dure tant que l'inhalation se poursuit. Le pic de l’effet analgésique est

obtenu après trois à cinq minutes d’inhalation (9).

Non métabolisé ou transformé par l’organisme, le N2O est éliminé

inchangé, avec une cessation rapide des effets en l’espace de deux à

trois minutes y compris après une administration prolongée (7).

EFFETS CLINIQUES (6, 12,13)

Les effets cliniques sont remarquables et spécifiques :

Une sédation consciente est obtenue au bout de 2 à 3 minutes

d’inhalation. L'état de conscience est modifié mais le sujet reste

vigile, capable de réagir avec l'environnement et de dialoguer

avec l’entourage. Le patient conserve le contrôle de ses réflexes

pharyngo-laryngés et de ses mouvements respiratoires.

Une analgésie de surface rend la plupart des effractions

cutanées ou muqueuses peu ou pas douloureuses. L’enfant sent

qu’on le touche et peut avoir des réactions de retrait. Ce type

d’analgésie n’élève que « relativement » le seuil de perception

de la douleur et n’a absolument pas vocation à l’abolir

totalement. On parle alors « d’analgésie relative ». L’anesthésie

locale lors des soins générant la douleur est, dans la plupart des

cas, un complément essentiel.

Une anxiolyse associée à une euphorie sont observées après 2

à 3 minutes d'inhalation. Le visage est calme, détendu, détaché

avec parfois des accès de rire. Cette hilarité peut d'ailleurs être

facilement stimulée et provoquée par des histoires drôles.

Une amnésie d'intensité variable, intéressante cliniquement, est

souvent rapportée.

Une augmentation de la suggestibilité et de l’influençabilité

est induite par le MEOPA permettant d’orienter le tour de la

pensée.

En revanche, des effets psychodysleptiques déplaisants sont également

possibles :

Page 6: Sédation consciente au MEOPA: Un réel regain d’intérêt

Des modifications de la perception de l'environnement se

manifestant par une impression de distanciation de la réalité

avec épisodes de pseudo-rêve : " j'ai rêvé que j'étais à l'hôpital

avec des infirmières et des médecins autour de moi... ". La perte

de la notion de temps est parfois décrite par les enfants.

Des modifications des perceptions sensorielles sont parfois

rapportées. La fonction corticale est rapidement diminuée, et

toutes les formes de sensation sont affectées.

o Auditives : hypoacousie objective et hyperacousie

subjective avec impression de sons éloignés,

o Visuelles: vision double, floue,

o Tactiles : paresthésies (picotements, fourmillements)

au niveau péribuccal et des extrémités,

o Odorat : effet anosmique partiel (diminution de

l’odorat).

EFFETS INDESIRABLES

Il existe de rares effets adverses (moins de 10%). Relativement bénins,

ils sont quasi réversibles après l’arrêt de l’inhalation. En aucun cas, ils

ne mettent en jeu le pronostic vital (1,10,11).

Nausées – Vomissements en raison d’un dérèglement de la

mécanique de la déglutition mais qui sont sans incidence

clinique car les réflexes laryngés protecteurs sont respectés.

Cependant, ces effets peuvent être gênants jusqu’à interrompre

les soins.

Malaises – Dysphories peuvent s'observer chez des patients

souffrant d’une claustrophobie ou chez certains enfants très

anxieux, qui paniquent quand ils se sentent "partir". Ils peuvent

être surpris voire "désorientés" par les perceptions sensorielles

nouvelles procurées par l'inhalation du MEOPA. Ces patients

ont des difficultés à lâcher prise.

Excitation- agitation dues soit à un effet antalgique insuffisant,

soit à un effet d’excitation paradoxale comme décrit avec tous

Page 7: Sédation consciente au MEOPA: Un réel regain d’intérêt

les produits sédatifs et anxiolytiques chez l'enfant

(barbituriques, benzodiazépines...)

Sédation parfois profonde peut s'observer chez certains

patients. Il s’agit souvent d’une susceptibilité individuelle de la

même manière qu’il le serait avec des sédatifs oraux. C’est

pourquoi, il est indispensable de garder le contact verbal avec le

patient.

Des céphalées bénignes sont parfois rapportées.

INDICATIONS

Cette méthode concerne, d’une manière générale, les patients dont la

coopération à l’état vigile est insuffisante pour permettre le diagnostic,

la prévention ou le traitement des pathologies bucco-dentaires, mais qui

acceptent d’être aidés pour être soignés : un minimum de coopération

est requis au départ et pendant toute la durée des soins. La sédation

consciente sous MEOPA est particulièrement utilisée pour des soins de

courte durée ne dépassant pas 30 minutes chez (6) :

- les enfants anxieux et pusillanimes,

- les enfants handicapés qui ont souvent un passé médical

chargé responsables d’une peur et d’une attitude d’opposition

aux soins en général.

- les enfants présentant une pathologie mal contrôlée telle que

l’asthme. La relaxation diminue le risque de crise pendant la

séance.

Le MEOPA est surtout indiqué chez l’enfant à partir de l’âge de quatre

ans. Chez le sujet plus jeune, le taux de succès est moindre :

l’autoadministration est difficile à obtenir et la contention physique

induit une agitation qui ne pourra pas être contrôlée par le MEOPA (5).

CONTRES INDICATIONS

Les contre-indications sont peu nombreuses et sont surtout liées à la

grande capacité de diffusion du protoxyde d'azote dans les espaces

organiques clos, ce qui majore les volumes et les pressions (8,12).

Certaines sont liées à l’acte lui même.

Page 8: Sédation consciente au MEOPA: Un réel regain d’intérêt

CONTRE INDICATIONS ABSOLUES

Hypertension intracrânienne: Le N2O augmente le volume et

le débit sanguin cérébral et donc la pression intracrânienne.

Présence d’une cavité aérienne close dans l’organisme

(pneumothorax non drainé, embolie gazeuse, bulle

d’emphysème, distension gazeuse abdominale, obstruction

sinusienne…).

Traumatisme crânien non évalué

Traumatisme maxillo-facial intéressant la région d’application

du masque

État hémodynamique précaire.

Insuffisance cardiaque : Le N2O diminue la contractilité

myocardique (effet inotrope négatif).

Altération de l’état de conscience non évaluée (empêche la

coopération du patient)

CONTRE-INDICATIONS RELATIVES :

D’ordre général :

Obstacle anatomique à la respiration nasale (grosses

amygdales, végétations adénoïdes volumineuses, déviation du

septum nasal…).

Rhume, bronchite ou toux où il est préférable de reporter la

séance jusqu’à la guérison du patient.

Personnes sous antidépresseurs, barbituriques, psychotropes :

Le protoxyde d’azote potentialisant les effets des

benzodiazépines et des morphiniques, le risque de dépression

respiratoire, de somnolence, de vomissements et de chute

tensionnelle, est exceptionnel mais réel (2).

Contre-indications liées à l’acte lui-même (13,14) :

durée d’intervention trop longue

interventions itératives répétées à moins d’une semaine

d’intervalle

Page 9: Sédation consciente au MEOPA: Un réel regain d’intérêt

refus catégorique de l’enfant du masque nasal.

ADMINISTRATION DU MEOPA

La pratique de la sédation consciente par inhalation du MEOPA se fait

en mode ambulatoire par un personnel médical ou paramédical

spécifiquement formé et dont les connaissances sont périodiquement

réévaluées (14).

Comme tout médicament, l’administration du MEOPA nécessite une

prescription médicale nominative écrite dans le dossier du patient (7).

Après l’évaluation du comportement de l’enfant et de sa coopération,

ou suite à une tentative de soin n’ayant pas aboutie, la technique peut

être proposée à l’enfant et à ses parents. Les effets du MEOPA et la

réalisation du geste doivent être expliqués. Cette explication se voudra

rassurante et mettra en exergue les effets analgésiques que

l’administration du gaz procure à l’enfant, mais elle portera aussi sur

les effets indésirables et les limites de la technique. Il faut laisser le

temps aux enfants et aux parents de poser des questions, faire

reformuler ce qui a été présenté. L’obtention du consentement des

parents est obligatoire. Un délai d’une semaine par exemple entre la

présentation de la technique et du matériel et la sédation effective est le

meilleur garant du recueil du consentement éclairé.

Equipement nécessaire (5, 7,13,14):

Deux systèmes sont utilisés actuellement. Le premier système distribue

initialement de l’oxygène pur puis peu à peu, permet l’incorporation

progressive de protoxyde d’azote sans dépasser les 50% (3). Le

deuxième système que nous utilisons dispense, d’emblée, un mélange

équimolaire oxygène-protoxyde d’azote (MEOPA) dont le pourcentage

est de 50/50 pour les deux gaz, évitant ainsi toute erreur de

manipulation et d’hypoxie accidentelle (6).

Il comporte:

o une bouteille contenant le mélange à concentration fixe

50/50 avec un chariot de transport adapté pour déplacer les

Page 10: Sédation consciente au MEOPA: Un réel regain d’intérêt

bouteilles auprès des patients et éviter les risques de chute

(fig1).

o un manodétendeur qui permet la sortie du gaz

o un débitmètre permettant de régler le débit du gaz de 0 à 15

l l’adaptant ainsi à chaque enfant

o un ballon réservoir standard 2 1

o un kit comprenant : une tubulure reliée au manomètre et au

ballon

o une valve d’anesthésie type Ruben, valve antiretour évitant

la ré-inhalation du gaz expiré

o un jeu de masques faciaux nasaux ou naso-buccaux de tailles

différentes. (tailles 1, 2 et 3 sont les plus fréquemment

utilisées)

o un filtre antibactérien à usage unique qui s’intercale entre la

valve et le masque facial

o des accessoires ludiques : masques parfumés ; sifflets

(facultatif)

o un flacon à fabriquer des bulles de savon.

Ce type de matériel requiert une gestion rigoureuse, le démontage et le

remontage de la valve anti-retour posent souvent des problèmes

importants (fig2).

Précautions d'emploi :

Le personnel doit vérifier l’intégralité du matériel s’assurant, entre

autre, du contenu de la bouteille, de la température du stockage (la

bouteille ne doit pas être stockée à une température inférieure à - 5°C

car il y a possibilité de séparation des deux gaz exposant le sujet à un

risque d’hypoxie (7)). Le matériel d'urgence, et notamment celui

nécessaire à une ventilation artificielle, doit être vérifié et à portée de

main.

L’administration doit se faire dans un local aéré ou facilement

ventilable pour limiter l’exposition du personnel soignant.

Page 11: Sédation consciente au MEOPA: Un réel regain d’intérêt

Protocole d’administration :

Première séance :

L’acte est rarement réalisé au cours de la première séance qui sera

consacrée à établir des liens de confiance entre l’enfant et le praticien.

L’enfant sera d’abord familiarisé avec l'environnement et le matériel en

lui présentant la technique sous une forme très simple. Une simulation

de la technique de sédation est réalisée en lui apprenant le mode de

ventilation buccal/nasal par application du masque (fig3).

Chez l’enfant très difficile, l’association de la méthode avec une

prémédication sédative médicamenteuse peut être indiquée. En effet,

les anxiolytiques tel que l’hydroxyzine (Atarax®

) à la dose de 1 mg/Kg,

augmente sensiblement le niveau de sédation et représente donc un bon

complément pour les enfants très difficiles (13).

Deuxième Séance :

La qualité du résultat final est la sommation de petits " détails " qu'il est

essentiel de respecter. Il faut réunir toutes les conditions avant de

commencer l'inhalation à savoir (7):

Veiller au calme de l'environnement dans lequel se déroule

l'inhalation. Une amplification des bruits, source de stress

chez les enfants, est très courante avec le MEOPA.

Mettre l'enfant en confiance : présence parentale est

souhaitée.

Prévenir des différentes sensations ressenties quelquefois

sous MEOPA (distorsion des sons, fourmillements, rêves,

euphorie...). Expliquer les changements sensoriels que

l'enfant va ressentir, « tu vas te sentir bizarre, tu vas avoir

envie de rire » ; il faudra lui expliquer que le gaz lui

permettra d'avoir moins peur et qu'il aura beaucoup moins

mal. L'utilisation des rituels ludiques apporte une aide

significative

Modalités d’administration du MEOPA (5,13).

Page 12: Sédation consciente au MEOPA: Un réel regain d’intérêt

La présence de deux personnes au minimum est nécessaire, une

réalisant le geste thérapeutique, l’autre s’occupe de l’administration du

gaz.

Il n’est pas nécessaire que l’enfant soit à jeun car le MEOPA ne

déprime pas les réflexes laryngés (6). Cependant étant donné la

possibilité de nausées ou vomissements intercurrents, il reste judicieux

d’obtenir un jeûn de 2 heures avant l’inhalation programmée.

L’inhalation est réalisée au moyen d’un masque facial, adapté à la

morphologie du patient. Il faut toujours privilégier l’auto-

administration (fig4), mais elle n’est pas toujours possible surtout chez

les enfants âgés de moins de quatre ans. Une des difficultés de ce

protocole consiste à faire accepter "spontanément" le masque par

l'enfant; sinon la contrainte physique induira une agitation qui ne pourra

pas être contrôlée par le MEOPA. L'obstacle sera d'autant plus grand

que l'enfant a déjà eu des expériences "malheureuses" avec le masque.

En cas de non-coopération de l'enfant, la contention doit être limitée au

maximum car elle est elle-même bien souvent génératrice d'agitation.

La contention souple consiste à ne jamais bloquer la tête de l'enfant tout

en lui appliquant le masque sur le visage et en gardant toujours le

contact verbal.

L’inhalation du MEOPA doit être continue pendant une durée

minimale de 3 minutes, masque parfaitement étanche sur le visage, Une

vérification constante de l'absence de fuite entre visage et masque doit

être effectuée. Recommencer pendant 3 mn si l'enfant enlève le

masque. Le débit du mélange gazeux est déterminé par la ventilation

spontanée du patient et doit être suffisant pour maintenir le ballon

gonflé sans tension et non collabé même à la fin de l’inspiration. S’il

est plat, le débit est insuffisant pour la capacité respiratoire du petit

patient, et doit donc être augmenté (fig5).

La surveillance continue est essentiellement clinique (contact verbal,

coloration cutanée, fréquence respiratoire).

L’inhalation est maintenue jusqu’à l’obtention d’une détente

objectivable de l’enfant. Elle est souvent accompagnée de

fourmillement des extrémités et d’une paresthésie péri-buccale.

Page 13: Sédation consciente au MEOPA: Un réel regain d’intérêt

Sitôt la relaxation acquise, l’anesthésie locale peut être réalisée puis les

soins entrepris. A 50% de protoxyde d’azote, le mélange gazeux a un

effet analgésique suffisant pour couvrir l’effet nociceptif des injections

anesthésiques. L’anesthésie locale reste indispensable car la sensation

de douleur peut amener à nouveau un comportement agité et

décourager l’enfant. Pour certains enfants, il faut poursuivre l'inhalation

durant toute la durée des soins (fig6), pour d’autres, l’anxiété est liée

seulement à certains actes (notamment l’anesthésie) et l’inhalation sera

fractionnée. Quel que soit le mode d’inhalation, le dialogue doit être

maintenu avec l’enfant.

Dès la fin du geste, il faut arrêter progressivement l'administration du

mélange gazeux. L'effet se dissipe rapidement après le retrait du

masque, l'enfant récupère son état initial en quelques minutes. Aucun

effet rémanent n’est à craindre, néanmoins le repos est conseillé cinq

minutes après l’arrêt du MEOPA. Avant de mettre l'enfant debout, le

faire asseoir, surveiller les premiers pas, évaluer la satisfaction de

l'enfant, l'inciter à exprimer ce qu'il a ressenti.

A la fin des soins, il faut procéder à la décontamination, le nettoyage et

la désinfection du matériel en contact avec les sécrétions et les voies

aériennes de l’enfant. Le filtre doit être jeté, le kit doit être décontaminé

et le masque peut être gardé pour une prochaine administration chez le

même patient.

CONCLUSION :

Les soins sous sédation consciente représente une alternative

intéressante à l’anesthésie générale : elle diminue la prise de risque

consentie par le praticien lors d’une anesthésie générale de confort,

souvent réclamée par les parents et permettent également de réduire les

coûts de santé.

Le MEOPA se révèle être un auxiliaire précieux de notre exercice à

condition de maîtriser convenablement son administration et de

respecter les contre-indications d’usage. Alors, cet outil profite non

seulement au praticien, en lui fournissant une occasion d’exercer son

Page 14: Sédation consciente au MEOPA: Un réel regain d’intérêt

talent et au patient, en lui permettant de recevoir des soins appropriés,

mais encore à la collectivité, en réduisant de façon notable la charge

financière induite par la prise en charge de cas semblables sous

anesthésie générale. Nous devons faire sa promotion sans angélisme

mais sans culpabilité ni résignation : c’est à ce prix que le MEOPA

pourra intégrer définitivement la panoplie thérapeutique du chirurgien-

dentiste, soucieux de l’exercice de son devoir et du bien-être de ses

patients.

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ICONOGRAPHIE

Page 16: Sédation consciente au MEOPA: Un réel regain d’intérêt

Figure 1 : Bouteille contenant le mélange

à concentration fixe 50/50 avec un chariot

de transport adapté pour déplacer les

bouteilles auprès des patients.

(Service Odontologie, hôpital saint André, Bordeaux)

Figure 2 : Montage du masque, filtre, valve

anti-retour et ballon.

Le tout sera relié à la bouteille.

(Service Odontologie, hôpital saint André, Bordeaux)

Page 17: Sédation consciente au MEOPA: Un réel regain d’intérêt

Figure 3 : Simulation de la technique à vide

au cours de la première séance

La présence des parents est toujours souhaitable.

(Service Odontologie, hôpital saint André, Bordeaux)

Figure 4 : L’inhalation est continue pendant

une durée de 3 minutes, masque

parfaitement étanche sur le visage.

Favoriser toujours l’auto-administration.

(Service Odontologie, hôpital saint André, Bordeaux)

Page 18: Sédation consciente au MEOPA: Un réel regain d’intérêt

Figure 5 : Le débit du mélange gazeux est

déterminé par le ballon qui doit être

gonflé sans tension et non collabé.

(Service Odontologie, hôpital saint André, Bordeaux)

Figure 6 : Réalisation des soins avec

poursuite de l’inhalation par voie nasale.

(Service Odontologie, hôpital saint André, Bordeaux)

SUMMARY

Conscious sedation with the premixed 50% nitrous oxide and oxygen (N²O/O²)

in Paediatric Dentistry constitutes an excellent solution to reduce the anxiety,

and to improve the cooperation thus allowing the realization of the dental care

in the best conditions. Its facility of administration, its rapidity of induction and

elimination and its safety for patient and operators make this gas a sedative

Page 19: Sédation consciente au MEOPA: Un réel regain d’intérêt

agent of choice. It appears, in addition, being an effective alternative to the

general anaesthesia at children not very cooperating, anxious or mentally

deficient, having to profit from dental care.

Since we first consider the pain provoked by the care, the N²O/O² now knows

such a revival. Its possibility of administration by experts not anaesthetists

contribute to this renewed interest.

The N²O/O² proves to be an invaluable auxiliary of our practice since it is

managed according to a protocol well defined respecting the contra-indications

of use.

Key words: conscious sedation premixed 50% nitrous oxide and oxygen,

analgesia, paediatric dentistry