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912 CORRESPONDANCE travers un masque laryng6 apr6s avoir initialement but6 h l'extr6mit6 de ce dernier. Cette solution, utilis6e avec succ6s dans 4 cas d'intubation difficile pr6visible, a permis de surseoir h l'emploi d'un fibroscope souple. En r6ponse, nous souhaiterions faire les deux commentaires suivants : Cette technique 6vite certes le recours h un fibroscope souple. Mais elle requiert une lubrifica- tion maximale de la sonde et les manoeuvres ris- quent de d6placer le masque. Le terme de ~ for- ~ant 16g6rement, fait toujours craindre des d6rives dans des mains non averties. Enfin, si le fibroscope n'est pour l'instant accessible qu'h une minorit6, il faut esp6rer que dans les ann6es venir, cet appareil 6quipera chaque ensemble de sites anesth6siques et que les m6decins auront pu se familiariser avec sa manipulation. Le deuxi6me commentaire concerne la r6f6rence 1: HEATH et ALLAGAIN ont publi6 leur travail dans Anaesthesia, 1991; 46:545-548 et dans European Journal of Anaesthesiology, 1991 ; suppl 4: 41-45. Ils effectuent une rotation de 90° pour introduire la sonde d'intubation ~ travers le ML et rapportent 90 % de succ6s en cas d'intubation sans pression du cricoide et seulement 56 % de succ6s si une telle pression est appliqu6e. Leur s6rie n'implique que des patients normaux. I1 est donc difficile d'extrapoler ces donn6es aux patients dont l'intubation difficile est pr6visible ou non, et leurs r6sultats ne permettent pas d'affirmer qu'ils n'ont pas rencontr6 de probl6me d'intubation. I1 parait n6anmoins logique de tenter cette manoeuvre en premi6re intention avant de recourir l'emploi d'un fibroscope. A. STEIB Service d'Anesth6sie-R6animation chirurgical¢ H6pitaux Universitaires de Strasbourg H6pital de Hautepierre 67200 Strasbourg ,~nn Fr Anesth R~anim, 13: 912-913, 1993 S6dation ou ventilation ? La lettre de R. GALINSKI (Ann Fr Anesth Rda- nim, 13: 770-771, 1994) appeUe de notre part les commentaires suivants : Les objectifs de la XI e Conf6rence de Consensus de la Soci6t6 de R6animation de Langue Fran- ~aise, organis6e avec la participation de la SFAR, 6taient de d6finir le concept et la pratique de la s6dation en r6animation. Le jury, pr6sid6 par B. RI~GNIER, a r6pondu aux questions pos6es apr6s avoir entendu les experts. Cette Conf6rence a requ le label de l'Agence Nationale pour le D6veloppe- ment de l'Evaluation M6dicale (ANDEM). Les conclusions ont 6t6 claires et pr6cises ; elles sont d6taill6es par ailleurs [2]. Bri6vement, on peut dire que les objectifs de la s6dation s'orien- tent selon trois axes: la lutte contre l'anxi6t6, la lutte contre la douleur et l'adaptation au respira- teur. L'adaptation au respirateur ne se conqoit qu'apr6s un examen clinique pr6cis dont le but est d'61iminer une cause organique ; le recours ~ une s6dation n'intervient g6n6ralement que dans le cadre du syndrome de d6tresse respiratoire de l'adulte (SDRA). Face ~ ces conclusions, l'argumentation de R. GALINSKI porte sur deux points importants: 1) la s6dation alt6re la perception de la demande ventilatoire du patient; 2)la s6dation chez un patient sous ventilation artificielle g6ne l'interprE- tation de signes fonctionnels et cliniques. Cette argumentation am6ne plusieurs remarques, par ail- leurs d6taill6es par les experts et le jury: Comme le rappeUe R. GALINSKI, la ~demande ventilatoire,, dans les ann6es 60, aboutissait h pallier une d6faillance monovisc6rale, en l'occurrence une insu~fisance respiratoire aigu6, dans des circonstances cliniques pr6cises : polio- my61ites, intoxications m6dicamenteuses, trauma- tismes graves du thorax, d6compensations de l'insuffisant respiratoire chronique... Cette notion de ~ demande ventilatoire ~ reposait essentielle-

Sédation ou ventilation ?

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Page 1: Sédation ou ventilation ?

912 CORRESPONDANCE

travers un masque laryng6 apr6s avoir initialement but6 h l'extr6mit6 de ce dernier. Cette solution, utilis6e avec succ6s dans 4 cas d'intubation difficile pr6visible, a permis de surseoir h l'emploi d'un fibroscope souple.

En r6ponse, nous souhaiterions faire les deux commentaires suivants :

Cette technique 6vite certes le recours h un fibroscope souple. Mais elle requiert une lubrifica- tion maximale de la sonde et les manoeuvres ris- quent de d6placer le masque. Le terme de ~ for- ~ant 16g6rement, fait toujours craindre des d6rives dans des mains non averties. Enfin, si le fibroscope n'est pour l'instant accessible qu'h une minorit6, il faut esp6rer que dans les ann6es venir, cet appareil 6quipera chaque ensemble de sites anesth6siques et que les m6decins auront pu se familiariser avec sa manipulation.

Le deuxi6me commentaire concerne la r6f6rence 1: HEATH et ALLAGAIN ont publi6 leur travail

dans Anaesthesia, 1991; 4 6 : 5 4 5 - 5 4 8 et dans European Journal of Anaesthesiology, 1991 ; suppl 4 : 41-45. Ils effectuent une rotation de 90 ° pour introduire la sonde d'intubation ~ travers le ML et rapportent 90 % de succ6s en cas d'intubation sans pression du cricoide et seulement 56 % de succ6s si une telle pression est appliqu6e. Leur s6rie n'implique que des patients normaux. I1 est donc difficile d'extrapoler ces donn6es aux patients dont l'intubation difficile est pr6visible ou non, et leurs r6sultats ne permettent pas d'affirmer qu'ils n'ont pas rencontr6 de probl6me d'intubation.

I1 parait n6anmoins logique de tenter cette manoeuvre en premi6re intention avant de recourir

l'emploi d'un fibroscope.

A. STEIB Service d'Anesth6sie-R6animation chirurgical¢

H6pitaux Universitaires de Strasbourg H6pital de Hautepierre

67200 Strasbourg

,~nn Fr Anesth R~anim, 13: 912-913, 1993

S6dation ou ventilation ?

La lettre de R. GALINSKI (Ann Fr Anesth Rda- nim, 13: 770-771, 1994) appeUe de notre part les commentaires suivants :

Les objectifs de la XI e Conf6rence de Consensus de la Soci6t6 de R6animation de Langue Fran- ~aise, organis6e avec la participation de la SFAR, 6taient de d6finir le concept et la pratique de la s6dation en r6animation. Le jury, pr6sid6 par B. RI~GNIER, a r6pondu aux questions pos6es apr6s avoir entendu les experts. Cette Conf6rence a requ le label de l'Agence Nationale pour le D6veloppe- ment de l'Evaluation M6dicale (ANDEM).

Les conclusions ont 6t6 claires et pr6cises ; elles sont d6taill6es par ailleurs [2]. Bri6vement, on peut dire que les objectifs de la s6dation s'orien- tent selon trois axes: la lutte contre l'anxi6t6, la lutte contre la douleur et l'adaptation au respira- teur. L'adaptation au respirateur ne se conqoit qu'apr6s un examen clinique pr6cis dont le but est d'61iminer une cause organique ; le recours ~ une

s6dation n'intervient g6n6ralement que dans le cadre du syndrome de d6tresse respiratoire de l'adulte (SDRA).

Face ~ ces conclusions, l'argumentation de R. GALINSKI porte sur deux points importants: 1) la s6dation alt6re la perception de la demande ventilatoire du patient; 2 ) l a s6dation chez un patient sous ventilation artificielle g6ne l'interprE- tation de signes fonctionnels et cliniques. Cette argumentation am6ne plusieurs remarques, par ail- leurs d6taill6es par les experts et le ju ry :

Comme le rappeUe R. GALINSKI, la ~demande ventilatoire,, dans les ann6es 60, aboutissait h pallier une d6faillance monovisc6rale, en l'occurrence une insu~fisance respiratoire aigu6, dans des circonstances cliniques pr6cises : polio- my61ites, intoxications m6dicamenteuses, trauma- tismes graves du thorax, d6compensations de l'insuffisant respiratoire chronique... Cette notion de ~ demande ventilatoire ~ reposait essentielle-

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CORRESPONDANCE 913

ment sur le bon sens clinique, sans crit~res pr6cis cliniques ou gazom6triques. Le patient restait sous ventilation m6canique pendant une dur6e varia- b le ; h l'exception du t6tanos ofJ les benzodiaz6- pines et les curates 6taient utilis6s, l'adaptation au respirateur s'effectuait le plus souvent par une hyperventilation et donc une hypocapnie, dont les cons6quences n'6taient peut-~tre pas toujours appr6ci6es ~ leur juste valeur. Cependant, ces m6thodes ont le m6rite d'avoir permis h de nom- breux patients de passer un cap difficile. Les com- plications iatrog6niques n'6taient pas nulles et il a fallu plusieurs ann6es avant que les respirateurs soient dot6s d'alarme de d6branchement ou de pressions excessives dans les voies aEriennes. De m6me, il faut garder en m6moire certaines compli- cations de la r6animation au cours de ces dEfail- lances monovisc6rales, par exemple les h6morra- gies digestives de stress, dont la fr6quence actuelle a largement diminu6. Le v6cu du s6jour en r6ani- mation a 6t6 surtout 6tudi6 au d6but des ann6es 80: les ponctions veineuses et intramuscu- laires rEp6t6es, et les aspirations trach6ales 6taient au premier rang des gestes ressentis ~ distance comme souvenirs douloureux [1].

- - L e simple crit~re de ~ demande ventila- toire ~, par ailleurs mal document6 et mal 6valu6, s'est rapidement r6v616 insuffisant dans d'autres indications graves t6moignant d'un d6faut d'oxyg6- nation p6riph6rique, comme l'insuffisance cardia- que aigu~, le choc septique ou certaines acidoses m6taboliques. Parall~lement, le recrutement des services de r6animation se modifiait profond6- ment ; ils se trouvent d6sormais confront6s ~ des d6faillances multivisc6rales et non plus monovisc6- rales, et h des modalit6s de ventilation artificielle, moins monolithiques et plus adapt6es aux atteintes sous-jacentes. Ainsi, la s6dation devient indispen- sable dans le cadre des SDRA, d~s lors que s'y associe une hypercapnie permissive. Ceci a permis d'6valuer, ces derni~res ann6es, les besoins tissu- laires en 02 par l'individualisation et l'interrelation de trois param~tres mesurables : le transport d'O2 (TO2), la consommation d'O2 ('QO2) et l'extraction p6riph6rique d'O2 (EOz).

La r6flexion th6orique qui doit 6tre conduite autour de la s6dation s'articule donc sur la modifi- cation 6ventuelle de TO2, ~rO2 et EO2, entrain6e par cette s6dation. Cela peut &re relativement facile pour TO2 ; une s6dation conduit ~ une chute du d6bit cardiaque et donc de TO2, quand les indications sont real pos6es ou les modalit6s ina- dapt6es. A l'inverse, la s6dation peut ~tre large- ment b6n6fique quand elle permet l'adaptation au respirateur et .donc am61iore TOE. Cela est plus difficile pour VO2 ou EO2 et l'influence de la s6dation sur ces deux param~tres reste encore 6tudier [3].

En conclusion, la volont6 du jury de la Conf6- rence de Consensus a 6t6 d'exprimer la n6cessit6 de prendre en compte l'anxi6t6 et la douleur inh6- rentes ~ un s6jour en r6animation. Dans ce cadre, les m6thodes non m6dicamenteuses doivent 6tre largement d6velopp6es. L'adjonction de m6dica- ments anxiolytiques et/ou analg6siques peut com- pl6ter cette prise en charge mais doit ob6ir A des r~gles strictes de prescription et de surveillance. Parall~lement, les patients ayant un SDRA ou un syndrome de d6faillance multivisc6rale doivent b6n6ficier d'une th6rapeutique ~ s6dative ~, dans le but d'optimiser l'oxyg6nation tissulaire. L'6va- luation document6e de ces recommandations dolt constituer une priorit6 pour les ann6es ~ venir.

J.L. POURRIAT Membre du Bureau du Consensus de la SRLF

et du Comit6 d'Organisation de la XV Conf6rence de Consensus

BIBLIOGRAPHIE

1. PARKER MM, SCHUBERT WW, SHELHAMER JH, PARILLO JE. Perceptions of a critically ill patient experiencing therapeu- tic paralysis in an ICU. Crit Care Med, 12 : 69-71, 1984.

2. SI~DATION EN RI~ANIMATION : concept et pratique. X F Con- f6rence de Consensus de la SRLF. R~an Urg, 2 : 437-517, 1993.

3. VAN DER LINDEN P, GILBART E, ENGELMAN E, SCHMARTZ D, VINCENT J L Effects of anesthetic agents on systemic critical O 2 delivery. J Appl Physiol, 71 : 83-93, 1991.