3
--î] :l.r r:,.:;iil.ii:ttii.:,r1l.t:l ln '';*§4* ,*æ* -ffi '.'.'.'"*"*.- Prospçctive tus*' La pub offici nale sous l'æil du sémiologu Ca lva n isé s par Michel-Edoua rd Leclerc, les pharmaciens ont pris la parole. Affichage, buzz marketing ou encore flash mob ont depuis contourné les interdits ordinaux. Mais pour Madame Michu, ces messages étaient-ils clairs ? " Pharmacien Manager » a demandé à une sémiolinguiste, Elodie Mielczareck, d'en décrypter Ie sens profond. uel message les pharmaciens voulaient-ils émettre ? A qui se sont-ils adressés en réalité ? Et de quelle manière ? En mettant en regard la publicité Leclerc et les différentes réponses des officinaux(,), Elodie Miek%â* a dégagé les grandes lignes d'une communication pas si simple à manier@. Ceci sachant que le propos de cette analyse n'est pas de juger mais d'apporter un autre éclairage sur les échanges passionnés du printemps dernier. [a question de I'efficacité Face à l'affirmation de Michel-Edouard Leclerc, les différentes campagnes analysées optaient pour des stratégies différentes, e allant des réponses directes aux réponses détournées.. E11es ne s'opposaient pas à la proposition Leclerc mais pouuoient,po- radoxa lement, s' interpréter comme un ocq uiescement à celle-ci, explique Elodie Mielcz areck.Le constot et l'offre sont implicites, ce qui rend difficile lo lisibilité du messoge." §oir schéma t) * - Les compagnes "Non M. Leclerc" et"Jugez vous-même,,sonl des réponses directes qui réfutent le constat explicite de Michet- Ëdouard Leclerc et I'offre implicite de la parapharmacie, oinsi que la réduction de prix onnoncée.Toutes deux s'inscriuent dons la reuendication d'un prix modeste. a "La boîte de petits pois..."et"Tombez malade...', jouent da- uontage sur le brouillage des codes.Lo réponse est détournée,ne répondant pos directement à lo campagne Leclerc ;elle tend à si- gnifier que le médicament est un produit de luxe. æ "N'avalons pas n'importe quoi", réponse également indi- recte, insiste sur le registre de l'expertise du phormocien (,,n,im- porte quoi"renuoyont à la non-expertise),de même que les cam- pognes"M.Bonsens" el'Au cæur de ma vie, ma pharmacie,,. * Ces deux dernières compagnes s'interprètent quant à elles comme des réponses indirectes à la campogne Leclerc. Ce sont des compognes de sensibiliscition et non de reuendicotion.En re- uanche, elles seules mettent en ouant un chomp sémantique ,,eu- phorique" (positifl,contrairement aux autres compagnes qui sui- uent la tonolité Leclerc en s'inscriuant dons un chomp sémantique "dysphoriq ue" (négatifl " Décryptage : Se pose ici la question de l'efficacité. euel est l,ob- jectif de chacune de ces campagnes ? Répondre à Michel- Pharmacien Manager - Hors série juilletiaoût zoog

Sémiologie : campagne Leclerc pharmacie

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Sémiologie : campagne Leclerc pharmacie

--î] iÏ:l.r r:,.:;iil.ii:ttii.:,r1l.t:l

ln '';*§4*,*æ*

-ffi

'.'.'.'"*"*.-

Prospçctive tus*'

La pub offici nalesous l'æil du sémiologu

Ca lva n isé s par Michel-Edoua rd Leclerc,les pharmaciens ont pris la parole. Affichage,

buzz marketing ou encore flash mob ontdepuis contourné les interdits ordinaux.

Mais pour Madame Michu, ces messagesétaient-ils clairs ? " Pharmacien Manager »

a demandé à une sémiolinguiste, ElodieMielczareck, d'en décrypter Ie sens profond.

uel message les pharmaciens voulaient-ils émettre? A qui se sont-ils adressés en réalité ? Et de quellemanière ? En mettant en regard la publicité Leclercet les différentes réponses des officinaux(,), Elodie

Miek%â* a dégagé les grandes lignes d'une communicationpas si simple à manier@. Ceci sachant que le propos de cetteanalyse n'est pas de juger mais d'apporter un autre éclairage surles échanges passionnés du printemps dernier.

[a question de I'efficacitéFace à l'affirmation de Michel-Edouard Leclerc, les différentescampagnes analysées optaient pour des stratégies différentes,

eallant des réponses directes aux réponses détournées.. E11es

ne s'opposaient pas à la proposition Leclerc mais pouuoient,po-radoxa lement, s' interpréter comme un ocq uiescement à celle-ci,explique Elodie Mielcz areck.Le constot et l'offre sont implicites,ce qui rend difficile lo lisibilité du messoge." §oir schéma t)* - Les compagnes "Non M. Leclerc" et"Jugez vous-même,,sonl

des réponses directes qui réfutent le constat explicite de Michet-Ëdouard Leclerc et I'offre implicite de la parapharmacie, oinsique la réduction de prix onnoncée.Toutes deux s'inscriuent donsla reuendication d'un prix modeste.a "La boîte de petits pois..."et"Tombez malade...', jouent da-

uontage sur le brouillage des codes.Lo réponse est détournée,nerépondant pos directement à lo campagne Leclerc ;elle tend à si-gnifier que le médicament est un produit de luxe.æ "N'avalons pas n'importe quoi", réponse également indi-

recte, insiste sur le registre de l'expertise du phormocien (,,n,im-porte quoi"renuoyont à la non-expertise),de même que les cam-pognes"M.Bonsens" el'Au cæur de ma vie, ma pharmacie,,.* Ces deux dernières compagnes s'interprètent quant à elles

comme des réponses indirectes à la campogne Leclerc. Ce sontdes compognes de sensibiliscition et non de reuendicotion.En re-uanche, elles seules mettent en ouant un chomp sémantique ,,eu-

phorique" (positifl,contrairement aux autres compagnes qui sui-uent la tonolité Leclerc en s'inscriuant dons un chompsémantique "dysphoriq ue" (négatifl "Décryptage : Se pose ici la question de l'efficacité. euel est l,ob-jectif de chacune de ces campagnes ? Répondre à Michel-

Pharmacien Manager - Hors série juilletiaoût zoog

Page 2: Sémiologie : campagne Leclerc pharmacie

Edouard Leclerc ou proposer une offre claire auclient ? Il semblerait en effet que revendiquer le sa-

voir-faire du pharmacien n'apporte pas d'élémentnouveau,le client à qui s'adresse le message ne lecontestant ef fectivement pas.

Positionnement linguistiqueAprès analyse des réponses stratégiques, ce sontles positionnements linguistiques et Ies slogansqui ont été étudiés,sur la base d'un carré sémioti-que établi à partir de la notion fls « luxe » propo-sée par Leclerc et bâti autour de quatre termes : «

cher r,u payant r,u luxe » et « accessible ».Les cam-pagnes ont été réparties dans ce carré (voirschéma 2).

.La campagne Leclerc se situe du côté de lanotion de luxe (« Jugez vous-même » de Ia notionde cherté) tandis que « Tombez malade » se placeentre les deux.ç " Les deux campognes de sensibilisotion ("mapharmacie" e/"M. Bonsens") se placent du côté del'accessibilité et de lo gratuité,en mettont en oüontle conseil et l'expertise du phormocien.* "Non, M. Leclerc", en contradiction auec la com-

pogne Leclerc, ne met pas pour outont en ouont lagrotuité des seruices mois plutôt leur accessibilité.* Les campagnes centroles, dont lo uocotion es-

sentielle est d'olerter sur l'étot de sonté, se situentquant à elles douantage dons la notion de "gro-

tuité"et de"luxe",et induisent indirectement que cequi est à lo fois gratuit et un luxe, c'est... lo santé.* Les offichettes Famiÿprix et Pharmouie répon-

dent à lo question prix éuoquée par Leclerc,tout ens'inscriuant douantage dons une logique de promo-tion,qui est uéritablement celle de lo gronde distibu-tion ".Pour Elodie Mielczareck, u le plus intéressant ré-

side dons les mocro-uniuers mis en controste. quirenuoient directement au cæur du débat officinaloctuel. Deux éléments sont porticulièrement lisi-bles. Dans un premier temps, l'opposition entre lct

logique de morché (produits) et la logique de don(créatio n de lie n) - resp e ctiueme nt "Tomb ez ma-lade","Jugez-vous même", Familyprix Dersus"mapharmacie","M. Bonsens","Non M. Leclerc" - meten éuidence lo problémotique "troditionnelle" de

CONSÊNTEMENTRôpoiso dir*cte

= constat oppasé expliciteilês pflx ne ænt pas rcins

chers en grandedastribution) et ofire

implicite

@

PRIX RWENDIOUE

6

fÔOMPETENCEPROFÊSSIONNÉLLEREVENDIÔUEE c..l

pns Iqrol

v&ffi

,. { Au.æ!r dê nra vie ôaûhàrmà.ie,

#;ÿ-rl§, :l:::',&&

:

Rèponse détournéê

:constai imp,icite (lesmédicâments vendus sont tropche.s) et offre implicite

LOGIQTJE DË fulARCHE

=création d'équivalenceentre les produits

'IVîEDrcAMENT

Repênêe indirêaie

=constat explicite presqueidentique (les rÉdicaments

vendüs snt lrcp chers et otrreexdicit€

VERITE

DIAGNOSTIC

LOGIQIJI DI"] ÛON

=création de liens

vie ma pharnêcie »

i IMPOSTUREi

CONTRÉ FACON

;ç;. çz * e ?.i: r.\ * ,.,, a) {é .*, * ,Ë rr1

?*8"4..x*1 ,: :. .. .. .,.&j3,'4...1 { ". '. ,'<r...:2 i,"i'no',^,.,rt:i*_y*;:-"''Y"*é:. à.{"".'."'ii. "i1#lêl".i" . f i', q,..'*'r::i Æ-r:.;*i.-.\-.j *,.ia:;. "i.

Ce carré* permet de rendre compte desvaleurs profondes d'un corpus en mettanten regard différents univers sémantiquespour en établir une typologie précise. lci,le corpus est composé dela première campagne Leclerc, de troiscampagnes nationales - « Non, M.Leclerc " (affiches), " Tombez malade

aujourd'hui » (lnternet et affiches) et " Au bilisation « M. Bonsens "). Le corpus estcæur de ma vie ma pharmacie, (TV et homogène (tous les éléments sont visi-affiches) - et des campagnes visibles en bles sous forme d'affichage) ; même lapharmacie pour sensibiliser le public (" campagne télévisée apparaît dans le cor-N'avalons pas n'importe quoi ! ", pus sous forme de roman-photo et le site« Le médicament n'est pas une boîte de lnternet évoqué en affichage. llest égale-petits pois »t, « Consommateurs, jugez ment représentatif, car les éléments ana-vous-mêmes / » et la campagne de sensi- lysés sont nombreux.

- Proposé par AlgirdasJulien Areima1 " Sémantique structurale ", Paris : PUF,1996.

Point dê.1épadlL'âffirmâlioil cie L{clêrr=@nstât exolicitê llêsmédicamentg vendus IenDharmaciel sont hoo cÏeE) etoffre implidie

I_ *-"1pharmacien Manager - Hors série juillet/août zoo8 i§,ffi;il'îrâ€l'lt *q#,{ffi;@ë]çË;*.ry

Page 3: Sémiologie : campagne Leclerc pharmacie

l'officine : commerçont uersus professionnel desctnté.

Dans un second temps, lo uérité scientifique s'op-pose à l'imposture uio les références induites à l'ex-pertise ou la non-expertise. Cor c'est bel et bien l'ex-pertise qui est ou ccpur du débot ..Décryptage : Rappelons-le : le client consomma-teur n'a jamais remis en doute I'expertise du phar-macien. De fait, les messages émis semblent pluscorrespondre à un débat professionnel (dont la vi-sée est de défendre un statut) qu'à une proposi-tion quelconque à destination des clients (objectifhabituel d'une campagne de pub grand public,

quels que soientles médias rete-nus).Dans CE

contexte, tandisque les pharma-ciens revendi-quent haut.et fortleur expertise à lafois pour soigner et pour per-mettre à ceux qui sont enbonne santé de le rester, laproposition de Leclerc appa-ralt clairement : elle glissed'une logique de vente deproduits sans contre-indica-tion pour personnes enbonne santé (type complé-ments alimentaires) à une lo-gique de vente de produitslourds (médicaments), sans

être réellement contredite par les réponses émises. " Dnns lechomp sémiotique apparaissent effectiuement les quotre logiquessuiuontes : "effe en bonne sonté, c'est grotuit","être malode, çacotte cher","se soigner est un luxe","se mointenir en forme est oc-cessible"... ., poursuit Elodie Mielczareck. Il est clair que les ré-ponses émises ne vont pas nécessairement dans la directionvoulue par les officinaux .

Positionnement iconique et formelLe « mappins , ci-contre permet de voir quelles campagnesusent des mêmes procédés iconiques que celle de Leclerc.

" Schémotiquement,les compognes qui mettent en nuant du texteparaissent peu digestes Qe message étont complexe à receuoir sion ne lit pas l'offiche, il suppose que le récepteur o du temps à luico n s acrer), I e s ro m a n s-p h o t o s (e t films W " bimbos" ef "mè res j u i-

ves") arnsr que les affiches en BD ("M.Bonsens") paroissent pluslégères et en décalage, cor moins ancrées dans kt réalité des au-tres cclmpognes. La campctgne "M. Bonsens" peut même prtrattreinfontilisonte,les deux filmsW s'inscriuont quant à eux dans le re-

-,.,, ,* t!;:l:i*§.

PHOTOGRAPHIE, ILLUSTRATIOI{

IMAGINAIRÊ

gistre du comméroge,ce qui est en totale opposition ouec le choixdes mots et de la photogrophie de lo compogne Leclerc ".Décryptage : Le ton et I'image sont également connotés (inter-prétation au second plan) et vecteurs de sens. Attention de nepas réintroduire à travers la communication la barrière ducomptoir :le pharmacien ayant le savoir qu'il dispense au clientqui ne sait pas. Cela ne correspond pas aux remarques que se

font souvent Ies officinaux qui constatent de plus en plus queleurs clients en savent quelquefois plus qu'eux.Tout simplementparce que ce ne sont pas les informations santé qui manquent,via les médias et Internet.

Elodie Mielczareclç avec Anne Vernes,r Lire en page 22o Ce trauail sera complété (quelle communi«ttion idéale ?) et tronsmis à la fa-culté de ParisV René Descartes en uue de ualider une UE de sémioloqie.

It'1Y4

Yr*§'b{3.§}*, X& T3*12g*

*rweb,it d* m§*q,

*.Y3 Wir#% §"*Sp§*** â*

d*

pL$*§**, §$ *§âçisi,o,1i"ïr:;rt,. ir ,r],i)* *

**xtl *x {r â}§** }}

f {i ITç q? }; : *',, n o;;- r11i6]:-rr i 1.1, 1 Jf! 'r §:q ;:'f, \, L! ' -a

,arc§ Wm'{â'{fffi#*ieffi§,ît tl|."r i .*Y:"!if 1{ ' I""t y\.§:" {_-r.ga*YE: j

elYz*. æ.Y'*.

ilf t i i;1Ë'i ;-i,i.a i d:'

ü*r*rffieffiüe"..

a8"*&efl"Ët,

I

&"ItJg.xBB

+

il

T

diÉid*{iaüë. i *ç§ {æ :ç t'tr}{' e,4'#% f}id;i ki,à'Ç;ryË. â#f 4 6.S* &# ëdl,râEÿ * .: ti* §'u* 4e

*:&,*§wæ ffiwwwffiffiffiwweffi

Le terme " sémiologie " vientdu grec et signifie " discourssur les signes ». C'est RolandBarthes, écrivain et sémiolo-gue (r9r5-r98o), qui en a faitune discipline universitaire(en disséquant notamment,dans Mythologie5 la une deParis Match,le catch ouencore le Tour de France),

puis un outil de décryptageidéologique. Chaque mes-sage étant une constructionqui ne va pas de soi, le sémio-logue a pourtâche de

déconstruire cet assemblagearbitraire et prétendumentnaturel. La description dumessage s'effectue en« immanence ,, c'est-à-direhors des volontés (conscien-

tes ou inconscientes) del'émetteur et des présuppo-sés (conscients ou incons-cients) du récepteur. Le

sémiologue doit échapper à

ses propres projections cultu-relles et personnelles, commes'il regardait I'objet de sonanalyse depuis l'espace...

ffiffi* Pharmacien Manager - Hors série juillet/aoùt zooSffi