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Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis), enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000. Ancien vice président de la Fédération des Conseils de Parents d’Elèves du départemental de l’Oise et de la région Picardie 1 7 et 8 octobre 2004, 10 février 2005. Module svt0907 référence 234 « Education à la santé » Sémiologie 1 des troubles du comportement alimentaire (T.C.A.) de lÊadolescent et de lÊadulte Jean-Pierre Geslin PROFESSEUR Non ! Nous ne parlerons pas de gourmandise (mais d’hyperphagie prandiale) ou d’envie (mais de compulsion alimentaire)… gourmandise et envie ne sont pas, à proprement parler, des TCA ou Troubles du Comportement Alimentaire… « Les troubles de l’alimentation sont des maladies complexes qui touchent de plus en plus les adolescents… leur incidence atteignant les 5 %, un taux en très forte hausse depuis trois décennies. On divise ces troubles en deux sous-groupes importants : une forme restrictive, selon laquelle l’apport alimentaire est gravement limité (anorexie mentale), et une forme boulimique, selon laquelle des fringales sont suivies de tentatives pour réduire au minimum les effets de cette suralimentation par des vomissements, des purgations, des exercices ou un jeûne (boulimie). L’anorexie mentale et la boulimie peuvent toutes deux s’associer à une morbidité biologique, psychologique et sociologique grave ainsi qu’à une mortalité importante ». Comité de la médecine de l’adolescence , Société canadienne de pédiatrie (SCP). On connaît d’autres troubles du comporte- ment alimentaire comme : * Le « PICA » qui désigne le fait d’absorber des substances non-comestibles comme des cheveux, du bois, du plâtre ou de la pierre, de la terre ou encore des glaçons... * Le mérycisme : régurgitation des aliments afin de les ruminer1 Séméiologie ou sémiologie nom féminin (grec sêmion, signe, et logos, discours). Partie de la médecine qui traite des signes cliniques et des symptômes des maladies.

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Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis), enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.

Ancien vice président de la Fédération des Conseils de Parents d’Elèves du départemental de l’Oise et de la région Picardie

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7 et 8 octobre 2004, 10 février 2005. Module svt0907 référence 234

« Education à la santé »

Sémiologie1 des troubles du comportement

alimentaire (T.C.A.)

de lÊadolescent et de lÊadulte

Jean-Pierre Geslin PROFESSEUR

Non ! Nous ne parlerons pas de gourmandise (mais d’hyperphagie prandiale) ou d’envie (mais de

compulsion alimentaire)… gourmandise et envie ne sont pas, à proprement parler, des TCA ou Troubles

du Comportement Alimentaire…

« Les troubles de l’alimentation sont des maladies complexes qui touchent de plus en plus les adolescents… leur incidence atteignant les 5 %, un taux en très forte hausse depuis trois décennies. On divise ces troubles en deux sous-groupes importants : une forme restrictive, selon laquelle l’apport alimentaire est gravement limité (anorexie mentale), et une forme boulimique, selon laquelle des fringales sont suivies de tentatives pour réduire au minimum les effets de cette suralimentation par des vomissements, des purgations, des exercices ou un jeûne (boulimie).

L’anorexie mentale et la boulimie peuvent toutes deux s’associer à une morbidité biologique, psychologique et sociologique grave ainsi qu’à une mortalité importante ».

Comité de la médecine de l’adolescence, Société canadienne de pédiatrie (SCP).

On connaît d’autres troubles du comporte-ment alimentaire comme : * Le « PICA » qui désigne le fait d’absorber des substances non-comestibles comme des cheveux, du bois, du plâtre ou de la pierre, de la terre ou encore des glaçons...

* Le mérycisme : régurgitation des aliments afin de les ruminer…

1 Séméiologie ou sémiologie nom féminin (grec sêmion, signe, et logos, discours). Partie de la médecine qui traite des signes cliniques et des symptômes des maladies.

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Ce qui suit est extrait (avec quelques ajouts) du polycopié « Croissance et développement de l’enfant » par J-Pierre Geslin.

PICA et géophagie :

Le « PICA » (du nom latin de la pie) est donc un trouble du comportement, plus fréquent dans le sexe féminin, qui consiste en l’absorption de substances non comestibles. On distingue : la trichophagie (absorption de cheveux), la phytophagie (végétaux non - comestibles comme du bois), la lithophagie (plâtre ou cailloux), la géophagie (terre ou argile), la pagophagie (ingestion de glaçons ou de givre) et la rizophagie (grains de riz cru)... Les 4 premières peuvent entraîner la formation d’un corps étranger ou bézoard dans l’estomac. Celui-ci chélate les métaux, est responsable de douleurs abdominales et peut même entraîner une occlusion. Un prolongement intestinal peut induire une mal-absorption voire même une perforation intestinale. On note : une pâleur si peau blanche, une dyspnée ( = difficulté respiratoire) lors de l’effort, une carence en fer et en zinc, une anémie (microcytaire2 avec une hyposidé-rémie3 profonde), une augmentation du volume du foie (hépatomégalie) et de la rate (splénomégalie), un retard de croissance et un retard pubertaire.

LE SATURNISME : Connu depuis l’antiquité, c’est une maladie grave, évoluant de façon silencieuse et due à l’intoxication chronique par des sels de plomb. Elle touche surtout les enfants les plus défavorisés (entre 6 mois et 6 ans) et particulièrement les immigrés africains (71 % des cas)... La consommation d’écailles de pein-tures anciennes et dégradées contenant du plomb (peintures à la céruse autrefois utilisées pour leur étanchéité et interdites en 1948) est à relier à la géophagie. Elle peut être à l’origine du saturnisme qui affecte les cou-ches les plus défavorisées de la population. Le saturnisme hydrique est dû à un taux de plomb trop élevé dans l’eau du robinet.

2 Anémie microcytaire = diminution du volume des globules rouges lié à une diminution de l’hémoglobine qu’il contiennent. Se rencontre dans les carences en fer (= carences martiales) mais aussi dans les thalassémies (troubles héréditaires de la synthèse de l’hémoglobine) et les syndromes inflammatoires prolongés (des globules blancs du type macrophages séquestrent alors le fer nécessaire à la synthèse de l’hémoglobine. 3 Hyposidérémie = diminution du fer dans le sérum. Une hyposidérémie est retrouvée dans les carences en fer et les syndromes inflammatoires prolongés mais pas dans les thalassémies. Un taux normal avec anémie microcytaire évoque une thalassémie.

La géophagie est fréquente en Afrique noire, au Maghreb, en Turquie, en Iran et en Amérique latine. L’argile

ingérée sert d’anti-émétique, de pansement gastrique, de fortifiant, de régulateur du transit intestinal, de

tranquillisant ou d’antidépresseur. C’est un aliment accepté lors de la grossesse et utilisé pour

en diminuer les maux.

Le seuil à partir duquel un enfant est considéré comme intoxiqué est actuellement de 100 microgrammes/litre.

Photographie : centre d’enseignement audiovisuel de PMI de Paris.

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La cause en est la minéralisation trop faible de l’eau qui devient alors acide et attaque les canalisations métalliques et en particulier celles en plomb. Il est possible de neutraliser l’acidité de l’eau par traitement chimique, ceci est d’ailleurs effectué dans les Vosges. 22 départements sont concernés par des eaux trop acides dont la Guyane, la Réunion, la Martinique et la Guadeloupe mais aussi la Haute Vienne, la Creuse, la Corrèze et la Loire... soit 4,8 millions de personnes dont 3,7 millions en métropole. A Saint-Denis (11000 enfants de moins de 6 ans), 14298 logements ont été construits avant 1948 soit 41 % du patrimoine dionysien. Paris compte en 1997 : 100 000 immeubles dont 70 000 ont été construits avant 1948. On estime (en 1997) que dans la région parisienne 20 à 30 % des logements contiennent des matériaux riches en plomb.

Chez l’enfant, 50 % du plomb ingéré est absorbé au niveau du tube digestif (alors que cette absorption n’est que de 10 % chez l’adulte). L’absorption est augmentée par une carence en zinc, en fer ou en calcium. Une fois absorbé, le plomb se fixe sur les globules rouges (dans lesquels il reste longtemps: « 1/2 vie » de 20 à 40 jours) et le squelette (où il s’accumule : le dépôt de plomb est visible à la radiographie sous la forme de fines bandes). Le plomb présent dans le sang ne représente que 2 % du total, 8 % sont dans les tissus mous et 90 % dans les os. La toxicité du plomb est principalement due à l’inactivation d’enzymes (= catalyseurs biologiques). Le blocage des enzymes par le plomb s’effectue par fixation sur des groupes chimiques sulfurés ou par déplacement de cofacteurs métalliques.

Les symptômes de l’intoxication sont très peu spécifiques :

• Vagues douleurs abdominales avec constipation qui dans les fortes intoxications peuvent devenir des douleurs aiguës : « Les coliques de plomb ».

• Arrêt de la croissance staturo-pondérale.

• Diminution des capacités d’apprentissage et de la mémoire avec retard d’acquisition associé à une apathie, une insomnie, une irritabilité et d’autres troubles du comportement. Même à faibles doses (150 voire 100 microgrammes par litre de sang) on signale des baisses de Q.I. Dans les cas les plus graves, la maladie peut devenir une encéphalopathie aiguë avec risques de séquelles invalidantes et même de décès.

• Fatigue et crampes dans les formes bénignes et douleurs fulgurantes (névrites sensitives) dans les formes graves.

• Atteinte rénale (néphropathie au niveau des tubules proximaux) pouvant évoluer vers une insuffisance rénale chronique lors des intoxications graves.

Rapport du groupe de travail de la

commission de toxicovigilance, septembre 1993.

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• A l’analyse de sang, on note une anémie par blocage de la synthèse de l’hémoglobine et les globules rouges apparaissent ponctués de granulations. La limite supérieure est de 100 à 150 microgrammes de plomb par litre de sang. Au-dessus de 350 microgrammes, il faut hospitaliser et à 450 microgrammes entreprendre un traitement chélateur (traitement physico-chimique qui fixe les ions positifs, ici du plomb). Au-delà de 700 mg/litre, cela devient une urgence médicale (traitement répété).

• Le produit chélateur est l’EDTA Na2Ca perfusé dans du soluté glucosé. La cure dure 1 an dans les cas les plus graves.

Prévention : La loi de 1998 institue un signalement obligatoire auprès de la préfecture.

5% des adultes et 2 % des enfants (soit 85 000) ont en France une plombémie supérieure à

la normale selon le rapport de l'INSERM de janvier 1999. 250 000 enfants vivent dans un environnement à risque : essentiellement des

logements anciens (peintures et conduites d'eau).

1) Pour les peintures au plomb, une seule solution à long terme : « sortir les enfants les plus gravement atteints de leur habitat dégradé et insalubre, source de leur intoxication » et «s’attaquer à la réhabilitation des logements ».

Ne pas effectuer les travaux de décontami-nation en laissant les enfants dans les lieux… ���� il est nécessaire de prévoir des appartements relais destinés aux familles touchées par le saturnisme.

���� En attendant la réhabilitation des logements il faut : * lutter contre le PICA. * informer que les sols ne doivent pas être balayés mais lavés avec une serpillière mouillée . * les enfants doivent se laver souvent les mains (surtout avant les repas) et avoir les ongles coupés courts . * la nourriture doit être riche en calcium et en fe r (poissons, viandes blanches, laitages, fruits et légumes variés) qui gênent l’absorption du plomb.

2) Pour la plombémie de l’eau : L’adoption par la France de la directive sur l’eau potable qui vise à réduire la norme plomb de 50 à 10 microgrammes par litre apparaît un progrès. 4 Le remplacement des tuyaux en plomb est estimé fin 1997 à 120 ou 130 milliards de francs étalés sur les 15 prochaines années.

3) La disparition progressive du plomb dans l’essen ce aura sans doute également un effet positif.

4 Une directive européenne de 1998, fixe la teneur de plomb admissible dans l’eau potable à 25 microgrammes par litre au lieu de 50 précédemment. Sa transposition en droit français résulte d’un décret promulgué en décembre 2001. En date du 25 décembre 2003, l’application de ce décret est devenue obligatoire. La norme européenne prévoit un abaissement de ce taux à 10µg/l en… 2013 !

Mesure de la plombémie dans les surfaces réalisée

par le laboratoire d'hygiène de la ville de Paris. Photographie : P. Voisin/Phanie

Les peintures cause ici de 5 cas de saturnisme

à Bordeaux. Photo www.cite-sciences.fr/

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Ce qui suit est un extrait complété d’une partie du polycopié « De la négligence à la violence et à la maltraitance » par J-Pierre Geslin.

Relation entre géophagie et carence en fer :

L’organisme contient 4 grammes de fer chez un adulte. * La majeure partie du fer de l’organisme est localisée dans le sang. Le fer est en effet présent dans l’hémoglobine des globules rouges (2,5 g) et y assure la fixation, le transport et la libération de l’oxygène. * Le fer entre aussi dans la constitution des cytochromes qui assument le transport des électrons dans les chaînes respiratoires des mitochondries de nos cellules. * La transferrine = sidérophiline, présente dans le plasma, est une molécule dont il existe une dizaine de formes. Elle est capable de fixer réversiblement le fer assurant ainsi son transport . * La ferritine et l’hémosidérine sont les formes de stockage du fer localisées dans les organes et cellules de réserve (foie et macrophages). La ferritine constitue la forme labile (0,6 g). Une molécule de ferritine peut contenir jusqu’à 4000 atomes de fer. L’hémosidérine correspond à la forme stable (0,6 g). Ferritine et hémosidérine se distinguent par le fait que seule la première est soluble dans l’eau. * 7 à 12 % des enfants de moins de 5 ans présentent une carence en fer en France en fin 2000. et 80 à 95 % des adolescents ont des apports quotidiens en fer insuffisants.

Lors des entretiens de Bichat de 2000, le Dr Adrien Jettaneh, chef de clinique du service de médecine interne de l’hôpital Jean Verdier à Bondy a expliqué que le PICA, si fréquent chez les enfants en bas âge, les jeunes filles et les femmes enceintes, était associé à une carence en fer (= carence martiale). Aux U.S.A. 50 % des personnes le pratiquent chez les sujets présentant une carence martiale… « Le pica n’est pas une curiosité psychiatrique : son traitement est celui de la carence en fer ».

La cause du pica (pagophagie et géophagie…) serait donc la carence en fer et il est vrai que le pica disparaît après 15 jours de traitement par le fer. Avicenne, médecin et philosophe iranien, dès le Xème siècle, avait d’ailleurs pressenti cette corrélation en traitant le pica par du fer trempé dans du vin. D’autres médecins pensent que c’est l’inverse au moins en cas de géophagie… le fait de manger de la terre fixe le fer qui ne peut donc être absorbé au niveau de l’intestin : le pica serait la cause du manque de fer dans l’organisme et non pas sa conséquence... Remarque : Une équipe du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) a découvert hepcidine (HEPC sur le schéma ci-contre), hormone qui contrôle l’absorption du fer. Les souris, modifiés génétiquement pour fabriquer en excès de l’hepcidine, ne peuvent survivre que si on leur injecte du fer. Libérée par le foie, l’hormone agit directement sur les parois intestinales (au niveau des entérocytes) en bloquant l’entrée du fer. En son absence, le fer passe librement dans l’organisme. Elle pourrait aussi augmenter la séquestration du fer par les macrophages (voir notes page 2). La mise au point de médicaments capables de bloquer l’action de l’hepcidine, afin d’augmenter la quantité de fer absorbé, apparaît proche.

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Sémiologie des troubles du comportement alimentaire (T.C.A.)

Cahiers Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001

http://www-ulpmed.u-strasbg.fr/medecine/enseignement-reforme/nutrition/poly-semiologie.pdf Site éditeur : Université Louis Pasteur de Strasbourg (ULP), Faculté de Médecine

Introduction : L’homme doit résoudre un double problème : – couvrir ses besoins essentiels effectuant un choix parmi une très grande variété d’aliments tout en évitant les substances toxiques ; – s’alimenter de manière discontinue, alors que les dépenses sont permanentes. Pour répondre à ces besoins, la prise alimentaire s’organise en une série d’événements périodiques décrits selon une “séquence comportementale”. La fréquence des troubles du comportement alimentaire augmente dans les sociétés à haut niveau de vie. Les causes de ces troubles du comportement alimentaire sont dominées : 1) par les comportements de restriction, le souci de minceur, 2) la difficulté à faire face aux situations conflictuelles, les difficultés psychologiques… Ces troubles induisent des altérations de l’état nutritionnel parfois sévères : 1) dénutrition dans l’anorexie mentale ; 2) hypokaliémie5 et carences dans la boulimie ; 3) surpoids, obésité et leurs complications en cas de compulsions 6 alimentaires. Leur traitement implique une prise en charge nutritionnelle et psychologique.

I- Analyse de la séquence comportementale alimentai re : Cahiers Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001

Le comportement alimentaire assure, à travers un ensemble de conduites, une triple fonction : – énergétique et nutritionnelle répondant à des besoins biologiques, – hédonique (plaisir) : d’ordre affectif et émotionnel, – symbolique : d’ordre psychologique, relationnel et culturel. Le comportement alimentaire normal intègre ces différentes dimensions. Il participe ainsi à l’homéostasie interne et externe de l’individu, c’est-à-dire au maintien d’un état de bien-être physique, psychologique et social qui définit la santé. L’analyse descriptive du comportement alimentaire porte sur les conduites et les finalités.

A) Séquence comportementale : La prise alimentaire s’organise en une séquence périodique de structure habituellement bien définie, comportant schématiquement trois phases. 1) Phase pré-ingestive : c’est la phase qui précède le repas. Chez l’animal, elle est caractérisée par un état d’éveil et la recherche active de nourriture. Chez l’homme, elle est marquée par le stockage, le choix des aliments, la préparation du repas. 2) Phase ingestive : c’est la phase du repas ou phase prandiale. Elle se déroule en 3 temps : l’initiation du repas, la prise du repas, l’arrêt de la prise alimentaire. 3) Phase post-ingestive : elle débute après le repas et dure jusqu’au repas suivant. En clinique, il n’est pas possible d’observer le comportement alimentaire. La seule source d’information est l’interrogatoire du sujet qui décrit son comportement, les signaux, les sensations qui lui sont associés.

5 Hypokaliémie nom féminin : Insuffisance du taux de potassium dans le sang pouvant provoquer des arythmies cardiaque et une hypotonie. Causes fréquentes : prise régulière de laxatifs ou de certains diurétiques. 6 Compulsion nom féminin. Psychiatrie. Force intérieure par laquelle le sujet est amené irrésistiblement à accomplir certains actes et à laquelle il ne peut résister sans angoisse.

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B) Sensations de faim, d’appétit et satiété : Faim (avant), appétit (avant et pendant) et satiété (après) sont des sensations, des signaux normalement associés à la séquence comportementale. Le médecin les fera décrire par l’interrogatoire pour préciser s’ils interviennent ou non dans l’initiation, la poursuite et l’interruption de la prise alimentaire.

1) La faim : c’est le besoin physiologique de manger sans spécificité (c’est-à-dire sans orientation vers un aliment précis). C’est un ensemble de sensations secondaires à la privation de nourriture. La faim détermine la recherche de nourriture et l’heure de la prise alimentaire. Elle est souvent décrite comme un “creux”, une sensation de “vide gastrique”, elle est parfois accompagnée d’anxiété, d’irritabilité.

2) L’appétit : c’est l’envie de manger un aliment ou un groupe d’aliments définis. En général, ces aliments sont appréciés, le sujet en a déjà fait l’apprentissage et en attend une sensation plaisante. L’appétit inclut une anticipation en général agréable. L’appétit détermine la sélection et la consommation d’aliments spécifiques.

2) Le rassasiement : c’est la sensation éprouvée lors de l’établissement dynamique de la satiété au cours du repas. Le rassasiement détermine la fin du repas et contrôle son volume.

4) La satiété : La satiété est souvent décrite comme une sensation de plénitude gastrique et de bien-être. C’est l’état d’inhibition de la prise alimentaire. Elle dure jusqu’à la réapparition de la faim qui va initier la prise alimentaire suivante (et une nouvelle séquence comportementale).

II- Analyse des désordres de la prise alimentaire : Cahiers Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001

Il faut ici bien distinguer ce qui est un symptôme, autrement dit une caractéristique particulière des conduites alimentaires et les syndromes, regroupement symptomatique d’une entité nosologique répertoriée. Par exemple, l’anorexie est un symptôme qui se rencontre dans différentes circonstances pathologiques ou non, mais “l’anorexie mentale” est un syndrome. Ce sont les symptômes qui sont décrits ici sans préjuger de leur caractère pathologique ou non. Par exemple, il peut être normal de présenter une hyperphagie après un épisode infectieux, mais l’hyperphagie peut être le symptôme d’un syndrome anorexie-boulimie. Si nous insistons sur cette distinction symptôme / syndrome, c’est qu’il existe une tendance à confondre symptôme et syndrome. Pour simplifier, les symptômes sont classés selon qu’ils conduisent à une augmentation ou à une diminution de la prise alimentaire.

A) Hyperphagies : on distingue les hyperphagies prandiale et extra-pr andiales.

1) Hyperphagie prandiale L’hyperphagie prandiale correspond à une augmentation des apports caloriques au moment des repas. Elle peut être liée à : – une augmentation de la faim ou de l’appétit, – une sensibilité excessive au plaisir sensoriel associé aux aliments, – un recul du rassasiement ou à l’absence de satiété, – un dépassement de la satiété. La tachyphagie, c’est-à-dire une rapidité particulière de la prise alimentaire, peut contribuer à l’hyperphagie de même que la tendance à consommer de larges portions.

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L’hyperphagie prandiale est souvent mal identifiée par les patients. Ceux-ci ont une conception de la “norme” alimentaire liée à leur apprentissage préalable (éducation alimentaire) et à leur propre représentation de ce qu’est une alimentation normale.

2) Hyperphagies extra-prandiales * Grignotage : Le grignotage est caractérisé par l’ingestion répétée, quasi-automatique, de petites quantités de divers aliments non spécifiques sans ressentir de faim ou d’appétit, bien que les aliments consommés soient souvent jugés agréables. Il s’agit d’un

comportement “passif” où la disponibilité des aliments, facilement accessibles, joue un rôle essentiel. Il s’associe fréquemment à une sensation d’ennui. Le grignotage est facilement admis par les patients, car il ne s’accompagne pas spécifiquement d’un sentiment de culpabilité. Sa quantification est souvent difficile du fait de son caractère passif, répété et automatique.

* Compulsions alimentaires : Les compulsions alimentaires décrivent une consommation impulsive, brutale d’un aliment (ou une catégorie d’aliments) donné, souvent apprécié, en dehors des repas, typiquement en réponse à une envie plutôt qu’à la faim. Les épisodes s’accompagnent initialement d’un soulagement, voire d’un plaisir, puis d’un sentiment désagréable de culpabilité. La notion de compulsion est indépendante du volume de la prise alimentaire. Ces épisodes surviennent fréquemment en fin de journée en rapport avec l’angoisse vespérale, avec la perte du contrôle social lors du retour à domicile. Les compulsions sont fréquentes chez les patients sous régime. Les auteurs anglo-saxons, dans un registre proche, décri-vent le “craving” (“urgence à manger”) qui correspond à une envie impérieuse et intense de manger.

* Accès boulimique : La crise ou accès boulimiques sont des prises alimentaires massives survenant en dehors des repas en l’absence de sensation de faim. Au cours de l’accès, le sujet ingère de grandes quantités de nourriture au-delà de toute satiété. La notion de perte de contrôle est essentielle. La qualité gustative des aliments est généralement indifférente. C’est en général la contenance gastrique qui constitue le facteur limitant le volume de la prise. Le sujet s’arrête à cause de l’apparition de douleurs gastriques ou par vomissements spontanés. Pendant les crises, le sujet est seul et le comportement boulimique est en général caché à l’entourage. Il est généralement conscient du caractère anormal de son comportement et ressent angoisse et honte.

B) Hypophagie : 1) Anorexie : L’anorexie se définit par l’absence de faim ou de satiété à l’heure habituelle des repas. C’est le maintien d’un état d’inhibition de la prise alimentaire. Il faut distinguer l’anorexie du refus de manger chez des sujets qui perçoivent les signaux de faim…

2) Comportements restrictifs : La restriction dite “cognitive” se définit comme “la tendance à limiter volontairement son alimentation dans le but de perdre du poids ou de ne pas en prendre”. C’est une contrainte exercée de manière prolongée sur le comportement alimentaire. C’est un choix délibéré. Les modalités en sont variables : sauter un repas, jeûner, repas basses calories, etc.

C) Les autres symptômes : Bien d’autres symptômes peuvent être rencontrés : intérêts pour l’alimentation, vol, stockage, camouflage d’aliments, mâchonnement interminable, régurgitation (mérycisme), conduites d’évitement des repas, etc.

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III- Etude synthétique des troubles du comportement alimentaire : Cahiers Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001

Tels sont les principaux symptômes. La question est de savoir s’ils sont banals ou pathologiques, s’ils s’inscrivent dans une pathologie du comportement alimentaire.

A) Du normal au pathologique : Un comportement alimentaire est considéré comme normal s’il satisfait sa triple fonction biologique, affective et relationnelle et contribue au maintien d’un bon état de santé. Le comportement alimentaire peut être modifié dans de nombreuses circonstances. Il peut s’agir d’un mécanisme adaptatif. Tel est le cas de l’hyperphagie du diabète décompensé ou de l’hyperthyroïdie. On ne peut pas parler ici de pathologie primitive du comportement alimentaire. Ailleurs, le désordre alimentaire peut être le symptôme d’une maladie générale : par exemple l’anorexie du patient cancéreux. Pour que l’on considère une caractéristique du comportement alimentaire comme une “pathologie du comportement alimentaire”, les conditions suivantes doivent être requises : – la conduite alimentaire diffère de façon importante sur le plan qualitatif ou quantitatif de la conduite habituelle des individus vivant dans le même environnement nutritionnel, social et culturel, – la conduite alimentaire entraîne des conséquences néfastes sur la santé physique (obésité, dénutrition, carences) ou psychologique (sentiment d’anormalité, exclusion sociale, obsession, dépression...), – la conduite alimentaire témoigne d’une difficulté existentielle, d’une souffrance psychologique ou d’une lésion du système biologique qui contrôle la prise alimentaire. Le désordre du comportement alimentaire représente généralement une réponse répétitive, univoque, systématique à une situation de mal-être. Exceptionnellement, ces troubles peuvent être liés à des désordres organiques (tumeur de l’hypothalamus : y penser en cas de céphalées, troubles visuels, de manifestations endocriniennes). C’est dire l’importance de l’examen clinique qui doit inclure : – une anamnèse pondérale et nutritionnelle, – une évaluation de l’état nutritionnel et somatique, – la recherche des conséquences pathologiques connues des troubles alimentaires (tableau IV), – une évaluation psychologique, – une évaluation de la situation sociale et économique, – la recherche d’autres désordres comportementaux. Les déterminants des troubles du comportement alimentaire sont multiples et souvent intriqués ; biologiques, psychologiques et sociaux. Les déterminants psychologiques peuvent être liés à une situation de mal-être, de mésestime de soi, de dépression, de restriction chronique. Le trouble du comportement alimentaire est un “passage à l’acte” qui apporte un soulagement transitoire. La dépression et l’impulsivité liée à la restriction sont des déterminants fréquents. Sur le plan biologique, il faut insister sur le rôle déclenchant ou facilitateur des régimes, de la restriction calorique. Celle-ci favorise l’impulsivité alimentaire, l’obsession alimentaire. Enfin, les déterminants socio-culturels sont liés à la pression sur l’idéal minceur. Il s’agit d’aider le patient à identifier les origines de ses difficultés psychologiques et de mettre à jour l’influence des régimes trop restrictifs. Faire décrire au patient les circonstances au cours desquelles le symptôme se manifeste est donc essentiel. Le carnet alimentaire aide dans cette démarche.

Dessin de P. Geluck

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Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis), enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.

Ancien vice président de la Fédération des Conseils de Parents d’Elèves du départemental de l’Oise et de la région Picardie

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B) Les principaux syndromes : voir suite…

Anorexie mentale :

L’essentiel concernant l’anorexie mentale

… l’obsession de la minceur « C’est une grève de l’appétit motivée par l’obsession d’être toujours plus mince. Elle débute presque toujours à l’adolescence et touche les filles dans 9 cas sur 10. Ce désir de maigrir à tout prix et de plus en plus, repose sur une perception du corps totalement imaginaire, sans aucun rapport avec la réelle corpulence de la jeune fille. La restriction alimentaire très stricte est souvent dissimulée à l’entourage afin de faire illusion le plus longtemps possible ». Ces restrictions peuvent être associées à de la potomanie, c’est-à-dire une consommation d’eau excessive. « L’adolescente prend parfois, en plus, des laxatifs et se force à vomir lorsqu’elle a consenti à manger. A force de ne rien manger, les mécanismes de faim et de satiété sont altérés ; l’amaigrissement devient pathologique et s’accompagne de carences nutritionnelles. C’est une maladie grave et difficile à traiter, qui peut se terminer par la mort par dénutrition dans les cas graves ».

Dr Béatrice Sénemaud

« L’anorexie mentale est une véritable grève de la faim à titre personnel. Elle peut entraîner certains troubles: des insomnies, une sensation de froid permanent, une fatigue permanente ou au contraire une activité débordante, des pertes de mémoire ou de concentration, une aménorrhée, une dépression. Les anorexiques ne se considèrent pas comme des personnes malades et refusent parfois jusqu’au bout une prise en charge ».

http://www.chu-bordeaux.fr/data/presentation/passer elles/numero23/conseil.htm

Etude détaillée de l’anorexie mentale : Cahiers Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001

C’est le syndrome le plus anciennement répertorié et décrit.

Signes cliniques Les principaux signes (tableau I) sont en dehors de la conduite anorexique : • peur intense de grossir qui ne diminue pas avec la perte de poids, • trouble de l’image du corps, c’est-à-dire d’une impression décrite par le sujet d’être gros même quand il est émacié.

Au moyen âge, les conduites

anorexiques étaient considérées soit comme un signe d’élection divine,

soit au contraire comme un signe de possession démoniaque.

Tableau I Critères diagnostiques de l’anorexie mentale A. Refus de maintenir le poids corporel au niveau ou au-dessus d’un poids minimum normal pour l’âge et pour la taille. B. Peur intense de prendre du poids ou de devenir gros, alors que le poids est inférieur à la normale. C. Altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps, influence excessive du poids ou de la forme corporelle sur l’estime de soi, ou déni de la gravité de la maigreur actuelle. D. Chez les femmes post-pubères, aménorrhée (absence d’au moins trois cycles menstruels consécutifs ou règles ne survenant qu’après traitement hormonal). Spécifier le type : - type restrictif : pendant l’épisode actuel d’anorexie mentale, le sujet n’a pas présenté de crises de boulimie ni recouru aux vomissements provoqués ou à la prise de purgatifs (restricting type), - type avec crises de boulimie, vomissements ou prise de purgatifs (binge eating/purging type).

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La notion de déni est essentielle : la patiente “ne se voit pas” dénutrie ; elle affirme au contraire qu’elle doit perdre du poids, parce qu’elle est trop grosse, • perte de poids d’au moins 25 % du poids initial, ou, si le sujet est âgé de moins de 18 ans, une perte de poids qui, additionnée à la prise de poids prévue par projection à partir des normes de croissance, équivaut à 25 % du poids, • refus de maintenir le poids au-dessus d’un poids normal minimum, • absence de toute affection somatique pouvant rendre compte de cette perte de poids.

2S60

Le diagnostic est facile en pratique clinique à un stade déjà avancé de la maladie. Il est quasi impossible de faire accepter initialement aux malades un objectif pondéral, même normal bas. La malade exprime un mal-être, est angoissée et plus ou moins déprimée. Aucun examen complémentaire n’est requis pour le diagnostic : si la malade refuse d’atteindre un poids même minimal ou de prendre 10 kg, le diagnostic est certain : il n’y a pas lieu de doser les hormones thyroïdiennes, ni de demander des explorations digestives complètes. En revanche, si la malade ne s’oppose pas à un projet de poids normal, le diagnostic est incertain : il faut s’assurer qu’il n’existe pas une autre affection, inflammatoire (VS = vitesse de sédimentation, CRP 7= C-Réactive Protéine), digestive (Crohn8, maladie cœliaque9) ou endocrinienne (hyperthyroïdie, insuffisance corticotrope). Surtout, il faut chercher des éléments qui conditionnent le pronostic : 1. vomissements et/ou crises de boulimie, 2. dénutrition et malnutrition, 3. gravité de la situation psychiatrique. Attention : les marqueurs nutritionnels “usuels” sont en défaut : albuminémie…, transferrinémie, hémoglobinémie, fer sérique, calcémie, phosphorémie, ont longtemps une concentration plasmatique normale. Leur baisse est soit un signe de gravité certain, soit le signe d’une complication infectieuse de la dénutrition ou d’une affection associée. Complications : Les complications et le pronostic sont avant tout le fait de la dénutrition et des vomissements (tableau II). – Dénutrition : amyotrophie et déficit fonctionnel musculaire (muscles striés et notamment cardiaque ; muscles lisses digestifs : reflux gastro-œsophagien, ralentissement de la vidange gastrique, constipation). – Vomissements : hypokaliémie et troubles du rythme cardiaque. C’est pourquoi il faut différencier : – Anorexie mentale restrictive : la malade maigrit par le seul fait des restrictions alimentaires et de l’hyperactivité physique: le risque à court et à long terme est à la dénutrition et aux multiples carences en nutriments. – Anorexie boulimie : la malade s’aide, pour maigrir, de vomissements et/ou de prise de laxatifs (ou diurétiques). Outre les risques ci-dessus, il faut craindre les troubles du rythme cardiaque liés à la dénutrition et aggravés par l’hypokaliémie (et autres déficits en minéraux). Deux autres complications obèrent le pronostic : – Ostéopénie10 et ostéoporose11 : l’ostéopénie touche près de 50 % des malades 5 ans après le diagnostic ; l’ostéoporose affecte près d’un tiers des malades après 10 ans d’évolution.

7 La CRP = C-Réactive Protéine s'élève très rapidement au cours des processus inflammatoires. 8 La maladie de Crohn est une maladie inflammatoire de l'intestin, chronique, de cause mal connue. 9 La maladie cœliaque est un syndrome de malabsorption dû à une intolérance à une fraction du gluten : la gliadine. 10 Ostéopénie : terme issu du grec ostéon : os et pénia : pauvreté. Fragilisation progressive du tissu osseux due à une diminution de la masse minérale osseuse. On dit encore ostéomalacie.

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Elle est fonction de la durée de la maladie, de la longueur de l’aménorrhée, de la réduction des apports énergétiques. Elle ne paraît pas pouvoir être prévenue par des apports de calcium et de vitamine D suffisants. Le déficit en hormones sexuelles et l’hypercorticisme relatif y participent sans doute, mais d’autres facteurs sont impliqués. – Hypofertilité

Les autres complications sont : syndrome de Raynaud, potomanie 12: jusqu’à 8-10 l/j qui peut induire hyponatrémie et troubles de la conscience, rétention hydro-sodée, hypercorticisme modéré, profil hormonal de type “pré-pubertaire”.

Pronostic Le pronostic est lié à la dénutrition et à la survenue de boulimie. Dans la forme restrictive, 5 % des malades meurent de dénutrition après 10 ans d’évolution. Tout doit donc être tenté pour éviter une dénutrition majeure. Dans la forme “boulimique”, 10 % des malades après 10 ans d’évolution dénutrition aggravée d’hypokaliémie. Au cours de la phase de sortie de la dénutrition, quand la malade aura accepté de reprendre du poids, des crises de boulimie peuvent apparaître ou réapparaître.

Physiopathologie : on retiendra : • le contexte psychologique : dépression, manque de confiance, mésestime de soi, trouble de l’image de soi, difficultés relationnelles familiales. La malade se sent rassurée et affermie par la perte de poids. Le jeûne stimule les “hormones de stress” et une hypervigilance. A l’inverse, le repas entraîne faiblesse, somnolence qui accroissent l’angoisse. La dénutrition qui s’installe ralentit la vidange gastrique et le transit digestif, augmentant l’inconfort post-prandial. Elle diminue aussi le goût et les sensations hédoniques autour du repas et favorise le repli sur soi.

Le déni de la réalité corporelle est un autre élément clé ; • la composition corporelle : la perte de poids est autant de la masse maigre que de la masse grasse. Avec l’amai-grissement, l’ostéoporose se développe. En dessous d’un IMC de 15 kg/(m)2, la rétention hydrosodée s’installe et marquera l’étape de renutrition : les œdèmes sont sources d’erreurs d’interprétation du poids pris : la prise de 2 kg d’eau en 3 jours sous régime normosodé normocalorique peut angoisser la malade et rassurer le médecin à tort ! • l’adaptation énergétique : la dépense énergétique (DE) de repos diminue avec la diminution de la masse maigre et la réduction des apports énergétiques ; la DE post-prandiale diminue avec la réduction des apports. L’activité physique peut être importante.

11 Ostéoporose : raréfaction de la masse minérale osseuse sans trouble de la minéralisation (pas de décalcification).

12 La potomanie : il s'agit d'un trouble psychiatrique caractérisé par la prise excessive, parfois quasi permanente, de boissons. L'eau est la boisson la plus fréquemment absorbée.

Tableau II : Manifestations somatiques de l’anorexie mentale et du syndrome boulimie

ANOREXIE • Dénutrition, infection • Ostéoporose • Anomalie de la régulation thermique • Hypercholestérolémie • Troubles ioniques • Bradycardie • Hypotension • Arythmie • Retard à l’évacuation gastrique • Constipation • Lithiases rénales • • Œdèmes

BOULIMIE • Irrégularité menstruelle • Troubles ioniques • Intoxication à l’Ipéca • Dilatation, rupture de l’estomac • Hypertrophie parotidienne • Œsophagite • Ulcération • Fausses-routes • Pneumopathie de déglutition

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Anorexie boulimique …

… la génération Barbie a grandi en manipulant une poupée difforme…

« Je me trouvais un peu ronde. À 17 ans, j'ai donc entrepris un régime composé d'un bol de riz accompagné de fruits et de volaille. Au bout d'un mois, mon menu quotidien se composait essentiellement d'une carotte crue et d'une feuille de laitue, le tout copieusement arrosé de café noir ».

« J'étais aux oiseaux, raconte Claudette. Je flottais... et pas seulement dans mes vêtements. La vie commençait, la vraie vie, à mon goût. J'avais l'impression de m'épanouir, d'être lumineuse. Chaque matin, je m'imposais une heure de gymnastique; et plus je maigrissais, mieux je me sentais. Je n'étais plus menstruée, c'est vrai - mais bon, on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs! Même s'il n'y avait plus rien à compter, je persistais dans mon décompte des calories, maigrissant toujours un peu plus... au cas où j'engraisserais! "

« L'automne venu, j'ai commencé à perdre mes cheveux, d'abord par petites poignées, puis par grosses grappes. J'ai paniqué, deviné que j'étais peut-être allée trop loin... Diagnostic du dermatologue : perte de cheveux due à la malnutrition. J'ai dû couper mes cheveux, absorber des suppléments de magnésium, de zinc, de protéines. J'avais maigri pour devenir plus jolie, plus désirable. La malnutrition, je m'en fichais, mais perdre mes cheveux, pour moi, ç'a été dramatique. Bêtement, il m'a fallu revenir à la case départ. »

« Mais j'ai recommencé à manger avec autant d'excès que lorsque j'avais cessé de le faire. En quelques semaines, je suis passée de rien à n'importe quoi. Mais je tenais néanmoins à conserver une silhouette amincie. Pas question de perdre mes cheveux, c'est vrai... mais pas question de grossir non plus ».

« Alors, j'ai commencé à me faire vomir, après chaque orgie alimentaire. Au début, c'était facile, mais peu à peu cela est devenu une corvée pénible. Parfois je bouffais même davantage pour faciliter l'opération vidange. Mon plus grand souci? Tout vomir après avoir tout bouffé (comme indice, j'avalais des petits pois verts en début de crise). Et surtout, que personne ne devine jamais mon comportement. Enfermée dans la salle de bain, je laissais couler l'eau des robinets afin d'étouffer les bruits suspects. Et il me fallait laisser la salle de bain en ordre, me brosser les dents, rafraîchir mon haleine, me laver les mains... quel cirque ! »

Claudette

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Boulimie nerveuse :

L’essentiel concernant la boulimie nerveuse

« La boulimie est une perte de contrôle du comportement alimentaire avec une pulsion irrésistible à manger. Comme l’anorexie, elle touche les filles, surtout, à l’adolescence. Les crises de boulimie durent une heure ou deux pendant lesquelles l’adolescente mange à toute vitesse n’importe quoi, n’importe comment et sans aucun plaisir, en se cachant des autres. Elle vide le frigidaire en se bourrant des aliments les plus caloriques, puis est prise de douleurs au ventre et vomit. Les boulimiques arrivent donc à maintenir un poids normal car elles ne gardent pas les aliments. Elles prennent parfois des laxatifs. Il faut donc les distinguer des personnes qui mangent trop (hyperphagiques) et deviennent obèses ».

Dr Béatrice Sénemaud

« La boulimie se caractérise par des pulsions alimentaires incontrôlables, suivies de réactions diverses devant la peur de grossir : vomissements, prise de diurétiques, restrictions alimentaires ou jeûne total. Ces troubles se vivent le plus souvent dans la honte et la clandestinité et existent dans divers milieux sociaux. Une même personne peut passer successivement par des périodes anorexiques puis boulimiques ».

http://www.chu-bordeaux.fr/data/presentation/passerelles/numero23/conseil.htm

Etude détaillée de la boulimie nerveuse : Cahiers Nutr. Diét., 36, hors série 1, 2001

Signes cliniques Ce syndrome concerne généralement des sujets jeunes (des femmes, dans l’immense majorité des cas) présentant des crises boulimiques et maintenant un poids normal. Les critères diagnostiques du DSM-IV (manuel de diagnostic psychiatrique nord-américain) sont présentés dans le tableau III. Les points clés du diagnostic sont : la fréquence et la répétition des crises, l’association à des stratégies de contrôle du poids et la notion de perte de contrôle, l’angoisse et la culpabilité. La fréquence, les moments de survenue dans la journée, l’intervalle entre les crises varient d’un sujet à l’autre. La patiente boulimique est consciente du caractère anormal de son comportement alimentaire, mais ceci ne suffit pas à l’empêcher. Le maintien d’un poids normal s’explique par des comportements visant à annuler les effets de la prise alimentaire sur le poids, les plus courants étant les vomissements spontanés ou provoqués. Cette maladie est fréquemment associée aux troubles de la personnalité et nécessite toujours une prise en charge psychiatrique spécifique. Le diagnostic peut être difficile, car les malades n’en parlent pas facilement. Il faut donc savoir mettre la malade en confiance et ne pas avoir l’air de la juger. Il faut chercher les facteurs de risque et les signes indirects : un regard très négatif sur l’alimentation, des propos comme “je ne mange rien” sont évocateurs.

Complications : l es risques somatiques sont liés aux vomissements et à leurs conséquences digestives et hydroélectrolytiques (tableau II).

Tableau III : Critères diagnostiques de la boulimie nerveuse A. Survenue récurrente de crises de boulimie. Une crise de boulimie répond aux deux caractéristiques suivantes : – absorption, en une période de temps limitée, d’une quantité de nourriture largement supérieure à ce que la plupart des gens absorberaient en une période de temps similaire et dans les mêmes circonstances ; – sentiment d’une perte de contrôle sur le comportement alimentaire pendant la crise (par exemple, sentiment de ne pas pouvoir s’arrêter de manger ou de ne pas pouvoir contrôler la nature ou la quantité des aliments consommés). B. Comportements compensatoires inappropriés et récurrents visant à prévenir la prise de poids tels que vomissements provoqués, emplois abusifs de laxatifs, diurétiques, lavements ou autres médicaments, jeûne, exercice physique excessif. C. Les crises de boulimie et les comportements compensatoires inappropriés surviennent tous deux, en moyenne, au moins deux fois par semaine pendant 3 mois. D. L’estime de soi est influencée de manière excessive par le poids et la forme corporelle. E. Le trouble ne survient pas exclusivement pendant des épisodes d’anorexie mentale. Spécifier le type : – type avec vomissements ou prise de purgatifs (purging type), – type sans vomissement ni prise de purgatifs (non purging type).

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Tableau IV : Binge eating disorder A. Survenue récurrente de crises de boulimie. Une crise de boulimie répond aux deux caractéristiques suivantes :

– absorption, en une période de temps limitée, d’une quantité de nourriture largement supérieure à ce que la plupart des gens absorberaient en une période de temps similaire et dans les mêmes circonstances ; – sentiment d’une perte de contrôle sur le comportement alimentaire pendant la crise (par exemple, sentiment de ne pas pouvoir s’arrêter de manger ou de ne pas pouvoir contrôler la nature ou la quantité des aliments consommés). B. Les crises de boulimie sont associées à trois des caractéristiques suivantes (ou plus) : – manger beaucoup plus rapidement que la normale ; – manger jusqu’à éprouver une sensation pénible de distension abdominale ; – manger de grandes quantités de nourriture en l’absence d’une sensation physique de faim ; – manger seul parce que l’on est gêné de la quantité de nourriture que l’on absorbe ; – se sentir dégoûté de soi-même, déprimé ou très coupable après avoir trop mangé. C. Le comportement boulimique est source d’une souffrance marquée. D. Le comportement boulimique survient, en moyenne, au moins deux jours par semaine pendant 6 mois.

E. Le comportement boulimique n’est pas associé au recours régulier à des compensatoires inappropriés (vomissements provoqués, emplois abusifs de laxatifs, diurétiques, jeûne, exercice physique) et ne survient pas exclusivement au cours d’une anorexie mentale ou d’une boulimie.

Physiopathologie : Les troubles du comportement alimentaire sont l’expression d’un mal-être, dont ils représentent en quelque sorte la “réponse” : ils aident les malades à se sentir moins mal, même si l’effet est transitoire. En ce sens, ils agissent comme une conduite de dépendance. Quel que soit le trouble du comportement alimentaire, certains éléments sont souvent retrouvés : manque de confiance, perfectionnisme, maîtrise excessive, peur de “lâcher prise”, problèmes d’identification, difficulté d’expression verbale et émotionnelle, pensée dichotomique, tendance au déni, attachement excessif à l’un des parents, peur de ne pas y arriver (à guérir, à vivre...). C’est pourquoi le traitement de ces troubles conduit très fréquemment à des altérations de l’humeur : irritabilité, instabilité, troubles du sommeil, états dépressifs. En cas de boulimie (y compris dans la forme boulimique de l’anorexie mentale), ceci peut conduire à des tentatives de suicide : c’est le risque majeur. Anorexie-boulimie : Des crises de boulimie peuvent être associées d’emblée ou secondairement au cours de son évolution à l’anorexie mentale. Elles en modifient le tableau clinique et le pronostic (cf. infra).

Binge eating disorder (to binge on something = se gaver)

La différence centrale avec la boulimie est l’absence de comportements compensatoires (vomissements, laxatifs, effort physique intense, etc.). De ce fait, c’est un trouble caractéristique du sujet en surpoids ou obèse. Son diagnostic repose sur des critères précis qu’il faut chercher à plusieurs reprises. La grille des diagnostics du DSMIV permet de guider le diagnostic (tableau IV). Cependant, il ne faut pas s’attacher de manière trop formelle aux critères proposés. Les éléments sémiologiques les plus importants sont : – une prise alimentaire importante associée à une sensation de remplissage, c’est la notion de frénésie alimentaire (binge eating), – la perte de contrôle de l’acte alimentaire que le malade traduit par “je ne peux pas m’en empêcher..., c’est plus fort que moi...”.

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Crises alimentaires nocturnes (night eating syndrome) ou hyperphagie nocturne :

L’essentiel hyperphagie nocturne: Albert Stunkard, un psychiatre américain, décrit en 1955, sous le nom de "Night eating syndrome", un comportement consistant en un besoin impérieux de manger au cours de la nuit. L'individu se réveille régulièrement au milieu de la nuit et ne peut se rendormir qu’après avoir absorbé une copieuse collation, souvent ingurgitée dans un demi-sommeil. Le lendemain matin, il ne lui reste que des souvenirs imprécis de ce qu’il aura consommé durant l’épisode nocturne.

http://www.gros.org/pagesgros/tca.html#Ancreautrestca

Etude détaillée de l’hyperphagie nocturne : C’est une forme particulière d’hyperphagie. Les sujets se réveillent pour manger sur un mode compulsif ou boulimique. Il faut différencier ces prises alimentaires de celles de sujets insomniaques qui mangent parce qu’ils n’arrivent pas à dormir. Bases de la prise en charge : La prise en charge doit être nutritionnelle et psychothérapeutique. Quatre principes de base : – définir un objectif pondéral cohérent et réaliste, – prendre en charge la restriction alimentaire, – traiter les complications somatiques, – conduire à une prise en charge psychologique. L’approche nutritionnelle est essentielle avec pour objectif : • de corriger la malnutrition en fixant des objectifs pondéraux réalistes, • de réduire la restriction alimentaire. Dans l’anorexie mentale, il faut toujours avoir recours en premier lieu à un soutien nutritionnel par voie orale, sauf cas de dénutrition majeurs. Il faut alors avoir recours à la nutrition entérale discontinue d’appoint incontournable quand la survie est en jeu. Dans la boulimie, une approche comportementale (thérapie cognitive et comportementale) peut être indiquée : • information sur les besoins énergétiques et sur les aliments, • valorisation des matières grasses à un juste niveau, • travail sur le comportement à table, • mise en relation entre humeur et prise alimentaire (ou refus de prise alimentaire). La psychothérapie de soutien a pour but d’aider les malades à lutter contre leurs angoisses et leur état dépressif face à la prise de poids (anorexie mentale) ou à la ré-introduction des repas (boulimie). Elle évoluera vers une psychothérapie plus explicative, qui travaillera sur les éléments vus ci-dessus. Les thérapies familiales ont une place importante. 2S62

Conclusion Les troubles du comportement alimentaire sont fréquents et polymorphes. Ils doivent être systématiquement recherchés par un interrogatoire à la fois précis et non culpabilisant. Les TCA sont souvent “cachés”, plus souvent mal identifiés que vraiment “déniés” par les malades. Le rôle du médecin est avant tout de les détecter et éventuellement d’orienter le patient vers des consultations spécialisées, de nutrition clinique ou de psychiatrie. L’intérêt porté à ces problèmes est récent et leur description sémiologique ainsi que leurs conséquences psychologiques sont encore un sujet de recherche clinique.

Octobre 2003

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Stage RR/03-04/svt/2/9 (dispositif 9 module 5) « Education à la santé »

Pour en savoir plus

LÊenfant et lÊadolescent

insuffisamment nourris

Jean-Pierre Geslin PROFESSEUR

I- Etat des lieux en France : Comme aux lendemains de la guerre, la malnutrition enfantine est de retour... On a peine à le croire, mais la malnutrition est bien de retour. Nombreux sont les assistantes sociales, les enseignants, les médecins qui s'aperçoivent depuis plusieurs années de la montée du phénomène. En révélant la chute de fréquentation des cantines dans les collèges et les lycées, un rapport de l'inspection générale de l'Education nationale (IGEN) a permis une prise de conscience collective.

Ils sont de plus en plus nombreux ces enfants : * qui reviennent affamés à la fin du week-end (certaines municipalités accroissent les portions à la cantine le lundi), * qui arrivent tous les matins à l'école sans avoir mangé � En 1998, près de 2 000 000 d’enfants en France (7 millions en Europe) partent à l’école le ventre vide ou avec seulement une boisson � « coup de pompe » de 11h … ceci ne concerne donc pas seulement les familles démunies… * qui ne fréquentent plus la cantine et qui doivent se contenter d'un repas par jour.

LA SITUATION EST AGGRAVEE EN ZONES SENSIBLES ET EN ZEP : La malnutrition affecte surtout les élèves scolarisés en ZEP (= Zones d’Education Prioritaires) � En 1994, dans les collèges de ZEP (ZEP dont la définition se réfère à lutte contre l’échec scolaire), 36 % seulement des enfants étaient demi-pensionnaires, 22 % dans les établissements sensibles (prévention des phénomènes de violence)... contre 60 % ailleurs. La situation ne s’est pas arrangée depuis : dans les collèges publics des ZEP, le niveau de fréquentation en 1998-1999 est de 31 % contre plus de 60 % hors ZEP (Floch, 1999).

... On estime aujourd'hui à 10 % le nombre d'enfants sous-alimentés (et ceci malgré les efforts de certaines municipalités qui abaissent au maximum le coût des repas).

La pauvreté est l'une des explications mais l’évolution de la société fait aussi que certaines familles don-nent moins d'importance à l'alimentation : Dans les familles défavorisées, les repas familiaux sont rares, chaque membre de la famille mange séparément et rapidement, se nourrissant d’aliments industrialisés à haute teneur en graisse et de boissons sucrées. L’enfant pioche dans le réfrigérateur et y recherche ce qui n’exige pas de préparation (ni cuisine ni découpage) et surtout ce qui est sucré (particulièrement jusqu’à 10 ans). L'amertume et l’acidité s’apprennent et ce n'est pas à 15 ans que cela viendra. La consommation de produits laitiers, de fruits et de légumes frais est insuffisante. Les viennoiseries et les biscuits occupent une place trop importante par rapport au pain qui est pourtant un aliment de base moins coûteux ���� surcharges pondérales associées à une carence en calcium et en vitamines.

16 % des garçons de 12 à 19 ans et 35 % des filles du même âge déclarent se sentir trop gros.

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Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis), enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.

Ancien vice président de la Fédération des Conseils de Parents d’Elèves du départemental de l’Oise et de la région Picardie

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II- Les besoins en énergie : Les besoins en énergie (exprimés en Kilocalories ou en KiloJoules) varient selon l’âge, le sexe, l’activité physique et la température ambian te... mais aussi le sujet considéré.

Ages : Rations caloriques : 2-3 ans 1300 Calories (soit 5450

kilojoules) 3-6 ans 1500 à 1900 Calories

7-10 ans et adultes sédentaires

2000 à 2400 Calories.

11-15 ans filles 2300 à 3000 Calories 11-15 ans garçons 2600 à 3300 Calories

Les rations calorifiques doivent donc être identiques chez l’enfant de 7 à 10 ans et chez l’adulte… Ceci est-il toujours respecté ? Chez l’enfant d’âge scolaire, les nutritionnistes e stiment que les apports caloriques doivent être assurés sous la forme de 4 repas par jour :

25 % au petit déjeuner, 30 % au déjeuner, 15 % au g oûter et 30 % au dîner.

La malnutrition a des répercussions sur le développement et la santé de l’enfant. Ces manifestations ne sont néanmoins pas aussi graves, à l’évidence, que celles rencontrées

dans les pays en voie de développement (voir photographies ci-dessous).

Les effets des carences globales graves et des carences graves en protéines sont heureusement rarissimes dans nos régions :

Cas de « marasme » = carence globale (à gauche) et de « kwashiorkor » = carence en

protéines d’origine animale (à droite). Documents extraits de « Biologie-Géologie », classe de 1ère S - Collection Tavernier, 1988 chez Bordas.

Une petite calorie ou micro-thermie ou calorie-gramme est la quantité de

chaleur nécessaire pour élever de 14, 5 à 15, 5 ° Celsius la température d’une

masse de 1 gramme d’eau (purgée d’air et sous la pression

atmosphérique normale). 1 « grande » calorie ou kilocalorie est

égale à 1000 calories. 1 calorie = 4,18 joules.

1kilojoule ou KJ = 1Kilocal / 4,18

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La malnutrition réduit le nombre des communications entre cellules nerveuses et, si elle se produit durant les 2 premières années de la vie, empêche la myélinisation.

Le marasme, fréquent dans les milieux urbains, s'observe surtout pendant la première année de la vie. La maladie se manifeste par une maigreur extrême, l'absence de graisse sous-cutanée, une véritable fonte des masses musculaires qui laisse voir les os. Le poids peut descendre jusqu'à 60% de la valeur normale. Cette maladie est due à une carence globale non seulement en aliments protéiques mais aussi en aliments énergétiques. Le kwashiorkor (se traduit en dialecte Ashanti du Ghana par "Maladie de l’enfant sevré quand son cadet vient de naître»). C’est une maladie fréquente chez des enfants de populations rurales essentiellement d’Afrique tropicale et équatoriale. Ceux-ci sont alimentés correctement pendant 18 mois à 2 ans grâce à l'allaitement maternel. Après sevrage, ils ne se nourrissent plus que de patates douces, de manioc ou de mil. Le corps présente des oedèmes (= présence d’eau dans la peau) importants (ventre et membres inférieurs gonflés, visage bouffi). On note une apathie, une perte de l’appétit, une fonte musculaire, une stéatose hépatique (= foie gras) responsable du ballonnement abdominal, des lésions cutanées et un retard de croissance. Il existe de plus une anémie (Cf. pâleur des enfants à peau claire) et une fragilisation aux infections (par défaut de production d’anticorps du fait des carences). Dans certaines régions particulièrement défavorisées, la maladie est responsable de la mort de 30% des enfants de moins de 5 ans. Elle est absente des populations qui fournissent à leurs enfants, même en faible quantité, de la viande ou du poisson. Cette maladie est essentiellement due à une déficience quantitative et qualitative en protéines (mais aussi en fer, zinc et vitamines).

Ce qui précède fait apparaître que l’organisme à no n seulement des besoins énergétiques (voir page précédente) mais aussi des besoins de matières (eau + sels minéraux +

vitamines + éléments constitutifs des protéines, su cres = glucides, graisses = lipides, acides nucléiques) .

III- Les besoins en matières… UNE RATION ALIMENTAIRE EQUILIBREE : Une ration alimentaire équilibrée respecte certains rapports entre les différents éléments nutritifs et les info rmations dans ce domaine relèvent aussi d’une éducation scolaire . Certains aliments sont surtout source d’énergie (su cres = glucides et graisses = lipides) alors que d’autres (eau, sels minéraux, protides) sont des aliments bâtisseurs = aliments plastiques, c’est-à-dire qu’ils permettent de bâtir l’organisme. 15 % des apports caloriques doivent provenir des pr otides chez l’enfant (12 % chez l’adulte) dont ½ provenant d’animaux et ½ de végétaux. 30 à 35 % doivent provenir des lipides ou « graisse s » et 50 % à 55 % des glucides ou « sucres ».

Apports nécessaires (en poids exprimés en grammes) :

3 ans 50 grammes de protides par jour 200 g de glucides + 55 g de lipides

12 ans 80 grammes de protides par jour 320 g de glucides + 90 g de lipides

« Je veux grandir » : CFES,

Astrapi.

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III- CONSEQUENCE EN FRANCE DES DESEQUILIBRES ET CARENCES : En France les effets du manque de nourriture et des carences ne sont visibles qu’à long terme. « Un enfant qui n'est pas bien nourri ne va pas avoir l'apparence d'enfant mal nourri, ou insuffisamment nourri » explique Jacques Carles, président d'Amalthée.

Ce sont les enseignants qui, au fil des jours et au fil des mois, repèrent les conséquences : * Les instituteurs et professeurs remarquent des chutes d’attention liées à des cas d’hypoglycémie � les jeunes suivent mal en classe. * Les enfants sont plus agités, plus violents.

� SITUATION D’ECHEC SCOLAIRE…

« Ventre creux n'a pas d'oreilles », dit bien l'adage populaire.

On avait oublié que la réussite scolaire dépend de l'alimentation du petit écolier.

� ATTENTION : LE VEGETALISME (REGIME VEGETAL STRICT) NE PEUT ASSURER UN DEVELOPPEMENT SATISFAISANT DE L’ENFANT.

Le régime végétalien ne comporte aucun produit animal ni aucun produit dérivé (œufs, lait, fromages…), il exclut même parfois le miel. Les protéines sont donc apportées par les oléagineux (soja, tournesol, olives…), les légumineuses (pois, haricots, lentilles). Au début, ce régime entraîne souvent du bien-être, mais ultérieurement il est cause de carences. Les végétaliens présentent ainsi des carences en certains acides aminés1, en calcium, en vitamines D et B 12.

L’excès de fibres est cause de carences en zinc et en magnésium.

La vitamine B12 ou (cyano) cobalamine permet des réaction chimiques de déshydrogénation (= H2�) et méthylation (= � CH3). Elle n’existe que dans les produits d’origine animale (viandes et volailles, poisson, lait et produits dérivés + œufs). Attention : les végétaliens doivent impérativement prendre un complément de vitamine B12. Sa carence cause un arrêt de la croissance et une anémie (elle est indispensable à la formation des hématies).

Note 1 : En effet, dans l’espèce humaine, 8 éléments constitutifs des

protéines (on dit 8 acides aminés) sont indispensables : valine, leucine, isoleucine, phénylalanine, tryptophane, thréonine, lysine, méthionine (les 13 autres pouvant être synthétisés par l’organisme) … et parmi ces 8, tous ne sont pas présents (ou en trop faible quantité) dans les protéines végétales (par exemple le tryptophane qui

permet le maintien du poids et la lysine qui permet la croissance).

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���� ATTENTION : DIFFICULTES LIEES AU JEÛNE DU RAMADAN :

La mise en place de l’observatoire de la violence en Seine-Saint-Denis en 1993, sous l’impulsion de monsieur Bottin alors inspecteur d’académie, a conduit à des analyses de plus en plus précises. Elles ont permis d’observer un pic de violence situé fin janvier 1996. On a constaté l’année suivante que le pic était plus proche d’une dizaine de jours du début de l’année.

Il a fallu se rendre à l’évidence : le Ramadán (qui avait débuté en 1996 le 23/01/1996) a visiblement des conséquences sur les jeunes concernés. Il agit sans doute par le biais des modifications du rythme de vie des familles durant cette période ou par la volonté des adolescents de se comporter comme les adultes. On voit aujourd’hui de plus en plus de collégiens et même de jeunes enfants du primaire s’imposer… ou se voir imposer ??? un jeûne qui a de graves conséquences sur leur santé et leur réussite scolaire… Supporter 12 h à 16 h (selon la date) de jeûne et une quantité de sommeil diminuée implique des modifications de paramètres biologiques : glycémie (= taux de sucre dans le sang), insuline (hormone qui diminue la glycémie) et gastrine (hormone qui stimule les sécrétions digestives de l’estomac et du pancréas) (Cf. travaux du professeur Touitou, Salpêtrière 1997). Il faut ajouter une baisse de sécrétion de la mélatonine (hormone contrôlant les rythmes biologiques et produite par la glande pinéale ou épiphyse et en moindre quantité par la rétine) et des modifications des cycles de sécrétion du cortisol (hormone qui accroît la glycémie), de la testostérone (= hormone mâle), de la FSH et de la LH (hormones de l’hypophyse contrôlant la sécrétion des hormones sexuelles), de l’hormone de croissance et de la thyréostimuline (Cf. Life Sciences d’avril 2001). Complément concernant le Ramad án :

(2 extraits de l’Encyclopædia Universalis) :

« Une fois atteinte la puberté , nul n’est totalement dispensé du jeûne, obligation personnelle (fard al-‘ayn) pour tout croyant sain d’esprit. Seuls sont prévus des « allégements » : les malades en danger de mort sont dispensés; peuvent l’être de même les personnes âgées. Mais ces malades, s’ils guérissent, et les vieillards doivent compenser le jeûne par des aumônes. La femme enceinte ou la nourrice, les malades qui ne sont pas en danger de mort, le voyageur (surtout si le voyage présente quelque difficulté), ceux enfin qui sont astreints à un travail pénible ont le droit de rompre le jeûne, mais ils sont tenus ensuite de remplacer scrupuleusement les jours omis, dès qu’ils le peuvent ».

« Les juristes ont beaucoup discuté sur le problème de la détermination du début et de la fin du mois (par l’observation officielle du croissant de la nouvelle lune), sur les pratiques interdites ou permises durant le jour (piqûres médicales, vaccins, etc.), sur les cas de dispenses et les remplacements exigés… Le travail s’en ressent, car le jeûne diurne, les veillées épuisent tout le monde. L’idée suivant laquelle il faudrait continuer à travailler reste alors tout à fait théorique, sauf dans des cas individuels, ce qui a entraîné certains États, comme la Tunisie, à réagir.

Le Ramadán, 9ème mois du calendrier

islamique dure de 28 à 29 jours. C’est un période de jeûne et

de privations (abstention de nourriture, de

boisson, de tabac et de relations

sexuelles du lever au coucher du

soleil). Rappelons que l’année dure 11

jours de moins que la nôtre et que le

Ramadan débute, de ce fait 11 jours plus tôt chaque année.

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Les mécanismes de lÊobésité :

Les faits : Voici quelques chiffres extraits de différentes enquêtes américaines (et rassemblés sur le site http://obnet.chez.tiscali.fr/p04.htm).

5 à 10 millions de jeunes filles ou femmes ainsi qu'un million d'hommes souffrent de troubles du comportement alimentaire. On estime que 50.000 personnes en meurent chaque année (Crowther et al., 1992; Fairburn et al., 1993; Gordon, 1990; Hoek, 1995; Shisslak et al., 1995).

42 % des étudiantes souhaiteraient être plus minces (Collins, 1991). 91 % des femmes d'un campus universitaire ont cherché à contrôler leur poids en pratiquant un régime. 26 % suivent un régime souvent ou en permanence.

Les top-models américains sont plus minces que 98 % des américaines (Smolak, 1996).

51 % des fillettes de 9 et 10 ans se sentent mieux si elles suivent un régime (Mellin et al., 1991). 46 % des 9-11 ans suivent régulièrement un régime et 82 % de leur famille en suivent un aussi (Gustafson-Larson & Terry, 1992).

25 % des américains et 45 % des américaines sont en cours de régime un jour donné (Smolak, 1996).

95 % des personnes ayant suivi un régime ont repris leur poids en moins de 5 ans (Grodstein, 1996).

Localisation du tissu adipeux : * En traversant la peau, on rencontre d'abord la couche cornée de l'épiderme, constituée de cellules mortes puis la couche germinative de ce même épiderme. L'épiderme n'est pas vascularisé. * Sous l'épiderme, on atteint le derme qui est un tissu conjonctif essentiellement constitué de fibres de collagène et d'élastine. Le derme est très vascularisé. * On arrive ensuite à l'hypoderme qui est un tissu graisseux (= adipeux) d'épaisseur variable. Il est constitué de cloisons conjonctives qui déterminent des lobules chargés de stocker les adipocytes (cellules contenant la graisse). L'hypoderme est sillonné par le réseau vasculaire, lymphatique et nerveux à destination du derme. Les adipocytes (environ 35 milliards) prédominent, chez l'homme, dans le haut du corps (abdomen et thorax), tandis que, chez la femme, ils sont plus abondants dans la partie inférieure. La graisse représente « normalement » de 10 à 14 % du poids du corps de l'homme et de 18 à 22 % du poids du corps de la femme.

L'adipocyteL'adipocyteL'adipocyteL'adipocyte ((((ou cellule ou cellule ou cellule ou cellule adipeuse)adipeuse)adipeuse)adipeuse) :::: L'adipocyte est une cellule sphérique et extensible chargée de stocker les acides gras en les transformant en triglycérides (lipogenèse) ou de déstocker les triglycérides en les re-transformant en acide gras (lipolyse). Elle est composée d'une vacuole lipidique (le noyau et le protoplasme étant refoulés vers la périphérie) entourée d’une membrane cytoplasmique portant de nombreux récepteurs (en particulier des récepteurs sympathiques et stéroïdiens). Certains récepteurs, extrêmement sensibles à l'insuline, sont lipogénétiques (stockage) tandis que d’autres sont lipolytiques (déstockage). Les adipocytes se développent à partir de cellules (pré-adipocytes). Il semblerait que 3 périodes du développement soient primordiales dans l'augmentation du nombre d'adipocytes (et donc dans la constitution de la masse graisseuse) : les 3 derniers mois de la grossesse (habitudes nutritionnelles de la mère), la 1ère année post natale et le début de l'adolescence. A partir de 15 ans, le nombre d’adipocytes reste fixe et l’accroissement des réserves est lié à un remplissage des adipocytes (hypertrophie adipocytaire). A l'âge adulte, le nombre des adipocytes étant fixe, l'amaigrissement (dû à la lipolyse) consiste à vider les adipocytes sans en réduire le nombre. La multiplication des adipocytes et la constitution de la masse graisseuse sont freinées par l'exercice physique.

perso.club-internet.fr/ fderad/lipogene.htm.

« Les vésicules lipidiques témoignent des échanges entre l’intérieur et l’extérieur de l’adipocyte ».

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Les triglycérides, les acides gras et le glucose du tissu adipeux : Les triglycérides Ils sont composés d'une molécule de glycérol couplée avec trois chaînes d'acides gras. Les triglycérides sont dégradés dans la lumière du tube intestinal en acides gras et en monoglycérides (digestion), ce qui leur permet de pénétrer la muqueuse intestinale absorbés par l'entérocyte. Ils sont ensuite resynthétisés dans la paroi du grêle en triglycérides. Ensuite ils sont véhiculés dans la lymphe (voie lymphatique) sous forme de chylomicrons (constitués à 86 % de triglycérides). Ils rejoignent la circulation générale toujours sous la forme de chylomicrons. Ceux-ci libèrent leurs triglycérides dans toutes les cellules et se transforment en remnants qui reviennent au foie. Les triglycérides endogènes formés dans le foie à partir du glucose ne peuvent être stockés par celui-ci, sinon, il devient gras (stéatose). Ces triglycérides excédentaires passent dans la circulation sanguine générale dans une lipoprotéine de très basse densité VLDL (very low density lipoprotéin). La lipoprotéine-lipase de l'adipocyte (ou LPL) permet la capture des 2 types de particules (chylomicrons et lipoprotéines de très basse densité ou VLDL). Elle les dégrade ensuite en glycérol et acides gras dits libres (= acides gras non estérifiés = AGNE) pour être à nouveau resynthétisés en triglycérides à l'intérieur de l'adipocyte. Le corps humain, à la différence de l'animal, ne permet la synthèse des triglycérides dans l'adipocyte qu’à partir d’un « glycérol activé », c'est à dire dérivé directement du métabolisme des glucides.

Les acides gras * Comme les triglycérides, ils proviennent pour partie des lipoprotéines de type chylomicrons et VLDL circulant dans le sang et captés au niveau de la membrane de l’adipocyte par le biais de la lipoprotéine-lipase (ou LPL). * Les acides gras sont aussi synthétisés par les adipocytes à partir du glucose et du pyruvate (mais aussi d’acides aminés et d’éthanol). Cette voie est nulle avec un régime à 900 calories, mais atteint 50 % de la lipogenèse avec un régime à 3500 calories. * Les acides gras proviennent enfin de la dégradation des graisses (= lipolyse) du tissu adipeux.

Le glucose : A la fin du repas, 70 % des sucres ingérés passent dans le sang où ils vont être utilisés par l'ensemble de nos cellules pendant les 6 heures qui suivent. Les 30 % restants pénètrent à l'intérieur des adipocytes. Le glucose rentre grâce à des « protéines navettes » : les transporteurs glucose GLUT1 et surtout GLUT4. Le glucose est transformé en triglycérides (graisse) et stockés. Le processus biologique de stockage de graisse à partir des molécules précédentes s'appelle la LIPOGENESE. Le déstockage des graisses se fait lorsque notre organisme manque de carburant, principalement la nuit pendant le sommeil, mais aussi, éventuellement pendant la journée si l'écart entre 2 repas est trop long : le processus biologique de déstockage s'appelle la LIPOLYSE.

Schéma extrait d’un site Internet que nous n’avons pas ensuite retrouvé… que le professeur de faculté

concerné nous excuse…

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Les enzymes de la lipogenèse et de la lipolyse : La lipogenèseLa lipogenèseLa lipogenèseLa lipogenèse :::: La LPL ou « lipase des lipoprotéines » est une enzyme synthétisée par l’adipocyte puis sécrétée par lui et elle va se fixer sur les cellules endothéliales de la lumière des capillaires du tissu adipeux. Elle est capable d’hydrolyser les particules transportant les triglycérides : chylomicrons et VLDL. La lipoprotéine-lipase est activée par la suralimentation et freinée par la sous-alimentation. L'hyperglycémie accélère la lipogenèse et diminue la libération des acides gras non estérifiés (lipolyse).

La lipolyseLa lipolyseLa lipolyseLa lipolyse ou mobilisation des graisses de réserve se

fait grâce à 2 lipases de l’adipocyte qui sont : * la lipase hormono-sensible (LHS) qui hydrolyse les tri et di glycérides et * la monoacylglycérol lipase ou lipase des mono-glycérides = (LGM) qui hydrolyse les monoglycérides. Ces enzymes décomposent les triglycérides en acides gras non estérifiés et en glycérol. Les acides gras ainsi produits sont expulsés de la cellule à moins de trouver sur place un excès de glucose pour reformer des triglycérides. Les acides gras libérés dans la circulation, sont utilisés par les muscles et notamment par le muscle cardiaque. Par contre le glycérol libéré ne peut plus être utilisé. Il est capté par le foie qui le remétabolise en glucose (néoglucogenèse). * Les acides gras non estérifiés (AGNE) sont immédiatement captés par les muscles dans un but énergétique (si le processus d'activité du muscle à ce moment est un processus aérobie). � Les acides gras sont le carburant privilégié des fibres lentes qui les dégradent grâce à leurs nombreuses mitochondries. L'oxydation des acides gras se déroule dans la matrice de ces mitochondries par cycles répétés de 4 réactions enzymatiques (hélice de Lynen). � Les fibres rapides possèdent aussi des mitochondries, quoique en moindre quantité, et de ce fait consomment aussi des acides gras; toutefois leur carburant privilégié reste le glycogène.

* Les acides gras peuvent également être captés par les hépatocytes. Dans ceux-ci, ils peuvent a) entrer dans le cycle de Krebs, b) être intégrés au remétabolisme des triglycérides ou c) être convertis en corps cétoniques et excrétés, essentiellement lors des régimes hypoglucidiques ou lors d'un jeûne prolongé. Notons que l’excrétion des acides gras incomplètement catabolisés en corps cétoniques, se traduit par une haleine sentant l’acétone. Ce phénomène est heureusement auto-régulé, car une production de corps cétoniques trop abondante entraînerait un déséquilibre du pH sanguin ou acidose cause d’un "coma acidocétosique" suivi de mort. L'hypoglycémie accélère la lipolyse et augmente la libération des acides gras non estérifiés.

Schéma extrait d’un site Internet que nous n’avons pas ensuite retrouvé… que le professeur de faculté

concerné nous excuse…

Rappel : le cycle de Krebs ou cycle des

acides tricarboxyliques est l’étape finale de la dégradation des sucres, des acides gras

et des acides amines. Il se déroule en 8 réactions enzymatiques

dans les mitochondries. http://www.snv.jussieu.fr/bmedia/Metabo%20/ck1.htm

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Hormones intervenant dans la lipogenèse et la lipol yse :

Lipogenèse stockage des graisses (réserve) :

Lipolyse déstockage des graisses de réserve : Les hormones du stress : adrénaline et nor-adrénaline, lorsqu’elles se fixent sur les récepteurs bêta de l’adipocyte stimulent l’adénylcyclase et donc la production d’AMP cyclique. L’AMP cyclique active la LHS. On peut dire que l’adrénaline et la noradrénaline sont lipolytiques de manière générale, l'adrénaline pouvant être activatrice de la lipogenèse, quand elle se fixe sur des alpha récepteurs… Hormone somatotrope (GH). In vitro. Hormone parathyroïdienne (PTH). In vitro.

La prostaglandine et les œstrogènes à petites doses stimulent la lipogenèse. Les œstrogènes entraînent de plus une rétention hydro-saline.

Insuline : tient le rôle essentiel dans la liposynthèse. En son absence aucune pénétration de glucose ne se fait dans la cellule. Le nombre de sites récepteurs de l'insuline peut varier de 10000 à 50000 par cellule en fonction de la localisation et du sexe. Ces sites sont augmentés par un régime riche en hydrate de carbone et diminués par le nombre de repas quotidiens. L'insuline: * fait pénétrer le glucose (et les acides gras) à l'intérieur de la cellule, * favorise la transformation du glucose en acides gras, * inhibe la triglycéride-lipase ou lipase hormono-sensible (LHS) responsable de la lipolyse, * neutralise l'effet lipolytique du cortisol et des catécholamines, * fixe les acides aminés neutres concurrents du tryptophane, permettant ainsi la synthèse de la sérotonine diminuant la consommation glucidique, * stimule l'activité de la lipoprotéine-lipase (ou LPL), enzyme en outre responsable de la lipogenèse. * stimule la phosphodiestérase enzyme qui dégrade l’AMP cyclique � moins d’AMP cyclique �Lipase hormonosensible inactivée.

Peptide natriurétique atrial (ANP) d'origine cardiaque et par ailleurs a effets natriurétique et vasodilatateur. L’adrénaline se fixe sur les récepteurs alpha 2 de l’adipocyte et y

diminue l’activité de l’adénylcyclase et donc la production d’AMP cyclique (c’est l’AMP cyclique qui active la LHS cause de lipolyse).

ACTH, alpha MSH et glucagon n’ont pas d’effet lipolytique sur l’adipocyte humain.

Remarque : La stimulation du sympathique active la lipolyse, sa section ou la stimulation du parasympathique l'inhibe.

La LPL ou lipase des lipoprotéines est synthétisée par l’adipocyte puis sécrétée par lui et elle va se fixer sur les cellules endothéliales de la lumière des capillaires du tissu adipeux. Elle est capable d’hydrolyser les particules transportant les triglycérides : chylomicrons et VLDL. Sa synthèse et son activité sont régulées par l’insuline.

L’insuline stimule l’activité de la LPL et le captage du glucose et des acides gras. Les lipases de l’adipocyte sont la lipase hormono-sensible (LHS) qui hydrolyse les tri et di glycérides et la

monoacylglycérol lipase ou lipase des monoglycérides = (LGM ou LMG) qui hydrolyse les monoglycérides.

Schéma extrait de « Régulation hormonale de l’adipocyte » Génésis n°

54 de Mars 2000 par M. Lafontan, directeur de recherche INSERM.

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Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis), enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.

Ancien vice président de la Fédération des Conseils de Parents d’Elèves du départemental de l’Oise et de la région Picardie

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La leptine (du grec leptos, minceur): Hormone de nature protéique constituée de 167 acides aminés sécrétée par les adipocytes sous l’effet de l’insuline. Le placenta (Masuzaki et al 1997) et l'épithélium gastrique (Bado et al 1998) produisent également de la leptine mais en quantité moindre. Chez l'Homme, la sécrétion de leptine est pulsatile et suit un rythme circadien (le maximum s'observe entre 22h00 et 03h00 et le minimum entre 08h00 et 17h00). Elle pénètre dans la circulation, franchit la barrière hémato-méningée puis passe dans le liquide céphalo-rachidien. La leptine agit finalement sur l’hypothalamus provoquant une diminution de l’appétit (ce qui explique son pouvoir amaigrissant) et augmentant la thermogenèse. La leptine est par ailleurs capable d’activer la production de LH-RH au niveau hypothalamique et de stimuler l'entrée du glucose dans la cellule musculaire du muscle squelettique (par un mécanisme différent de celui de l'insuline). Génétiquement, la leptine est codée par le gène Ob dont la mutation, qui a été étudiée en laboratoire chez certaines souris, est à l’origine d’obésité. Les souris ob/ob, outre un excès de tissu adipeux sont diabétiques et stériles. En injectant quotidiennement de la leptine à des souris obèses déficientes en leptine (souris ob/ob), on a constaté chez ces souris : une perte de masse grasse, et une perte de poids, une réduction de la prise alimentaire, une diminution de la glycémie et de l'insulinémie, une augmentation de la dépense énergétique, une élévation de la température corporelle, et une augmentation de l'activité locomotrice. Il est intéressant de noter que la leptine est également capable de restaurer la fertilité chez les souris ob/ob génétiquement déficientes en leptine. La même expérience réalisée sur des souris non obèses a également entraîné une perte de poids, bien que plus modeste. Les souris déficientes en récepteurs de leptine (souris db/db) n'ont pas perdu de poids lors du même traitement. Dans l’espèce humaine, l’obésité est associée à des taux élevés de leptine (plus un sujet a une masse grasse développée, plus sa leptinémie est élevée) ce qui laisse à penser qu’il existe soit une résistance éventuelle à la leptine soit une diminution du passage de la leptine du sang au cerveau soit une anomalie des récepteurs cérébraux de la leptine. Les travaux les plus récents orientent plutôt vers une capacité affaiblie de la barrière hémato-encéphalique à transporter la leptine. Chez la femme, la grossesse est à l'origine d'une hyperleptinémie. La leptine intervient, en modulant l'insulinémie et le métabolisme hépatique de la femme enceinte, de façon à optimiser la croissance et le développement du foetus. La leptine intervient également dans la lactation. Des études récentes montrent que la déficience congénitale en leptine conduit à une hyperphagie et à une prise de poids excessive dès la petite enfance, ainsi qu'à un échec du mécanisme de la puberté au moment de l'adolescence. Chez l'adolescent, la leptinémie augmente graduellement avec l'âge, avant la puberté, suggérant qu'un certain seuil soit à l'origine du déclenchement de la puberté. C'est dans les noyaux arqués de l'hypothalamus que serait détecté le signal leptine d'adiposité, site où la leptine inhibe l'expression du neuropeptide Y (NPY) et augmente l'expression de la pro-opiomélanocortine (POMC). L'insuline inhibe également l'expression du NPY dans les noyaux arqués mais ses autres effets signal au niveau hypothalamique sont inconnus. Des recherches récentes montrent que la leptine et l'insuline déclenchent un phénomène de satiété provoquant le raccourcissement de la prise alimentaire et diminuant la fréquence des prises alimentaires.

Le neuropeptide Y (= NPY) est l’une des substance qui régit le comportement alimentaire et a un effet inhibiteur de la libération de LHRH. NPY produit en excès chez les souris, est associé à des réserves de graisse plus importantes et des prises alimen-taires plus nombreuses (la souris devient obèse). Le NPY a donc une action opposée à celle de la leptine chez le rongeur. L'injection de leptine aux individus obèses diminue le NPY et donc l’appétit. L'industrie pharmaceutique a mis au point des produits antagonistes de ce NPY et aux Etats-Unis, les essais cliniques sur des personnes obèses ont déjà débuté. La pro-opiomélanocortine (= POMC) est un peptide précurseur des opiacés endogènes inhibiteurs de la sécrétion de LHRH.

Souris ob/ob déficiente en leptine

(à gauche) et souris normale.

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Jean-Pierre Geslin, professeur agrégé à l’IUFM de l’académie de Créteil (Seine-Saint-Denis), enseignant en immunopathologie à la faculté de biologie-médecine de Bobigny de 1985 à 2000.

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L’insuline : l’essentiel…

Le pancréas fabrique la moitié de l'insuline pendant la digestion des repas mais produit l’autre moitié en dehors des repas et la nuit. L'insuline est une hormone, produite par des cellules spécialisées du pancréas, qui nous protège en évitant que notre taux de sucre (plus précisément de glucose) dans le sang ne s’élèvent trop. Après un repas riche en hydrates de carbone (plat de pâtes, bol de céréales, sucreries...), l’absorption intestinale amène plus de glucose que nécessaire dans notre sang. En réaction, nous produisons l'insuline qui va faciliter l’entreposage de ce sucre en excès. Notre capacité à entreposer le glucose supplémentaire est limitée (il peut être mis en réserve dans le foie et des muscles). La plus grande partie est envoyée à des cellules spécialisées (les adipocytes) pour être entreposé sous forme de graisses. Pour l’essentiel, l’insuline : * stimule le transport de glucose dans le muscle et le tissu adipeux (en accroissant l'activité intrinsèque de transporteurs et en régulant leur synthèse) mais pas dans le foie. * diminue la libération de glucose par le foie en bloquant la transformation du glycogène en glucose (glycogénolyse hépatique) et en augmentant la transformation du glucose en glycogène. * Par ailleurs, l’insuline inhibe la lipolyse et stimule la synthèse d'acides gras et la lipogenèse.

En dehors des repas et la nuit, la baisse du taux l'insuline permet la libération du sucre qui a été mis en réserve dans le foie (suite aux repas) permettant ainsi de maintenir la glycémie (= taux de glucose dans le sang) à un taux fixe (la glycémie normale est de 1 g par litre de sang).

Chez le diabétique insulino-dépendant (diabète de type 1 = diabète maigre ou diabète juvénile), le pancréas ne peut plus fabriquer d'insuline même si on le stimule. Il faut donc fournir de l'insuline. Mais si on avale de l'insuline, elle est digérée par l'estomac. Le moyen le plus pratique pour la faire arriver dans le sang, sans passer par l'estomac, est de faire des injections sous la peau. En effet, lorsque l'insuline a été injectée sous la peau, elle diffuse progressivement vers les vaisseaux sanguins avoisinants et passe dans le sang.

On emploie en médecine 2 types d’insulines :

1) Les insulines rapides qui débutent leur action environ 15 minutes après l'injection sous la peau et agissent pendant 4 à 6 heures. Ces insulines sont également appelées « insulines ordinaires ». Elles sont toutes limpides comme de l'eau. Il faut souligner que leur durée d'action est "dose dépendante", c'est-à-dire que la durée d'action augmente avec la quantité injectée. 2) Les insulines retard ont un début d'action plus tardif et un effet plus prolongé. Ces insulines ont toutes un aspect laiteux en raison de la présence des substances destinées à retarder la diffusion sous la peau. Lorsqu'on les laisse au repos pendant quelques heures, il est normal qu'il se produise un dépôt blanchâtre au fond du flacon, de la cartouche ou du stylo. Ce dépôt correspond à des cristaux d'insuline ou aux substances à effet retard qui se trouvent dans le flacon. Avant de prélever l'insuline, il faut toujours retourner plusieurs fois le flacon pour remettre en suspension le «produit retard» qui s'est déposé depuis la dernière injection.

Extrait de "Les médicaments" 3ème édition - P. Allain

http://www.pharmacorama.com/Rubriques/Output/Glycemiea2.php

Les diabètes insulino-résistants (type II) qui affectent 1,2 millions de

français sont associés dans 80 % des cas une obésité (avec répartition surtout

viscérale des graisses). Dans ce type de diabète, le stockage et

l'utilisation du glucose sont diminués au niveau musculaire alors qu'au niveau hépatique, il y a une stimulation de la

production de glucose (néoglucogénèse) qui se trouve exporté dans la circulation.

L’adiponectine est une protéine de 244 acides aminés sécrétée par le tissu

adipeux. Son taux est effondré chez les obèses, en cas de diabète de type 2 et

chez les coronariens. Elle semble jouer un rôle primordial dans le syndrome métabolique (insulino- résistance +

obésité + hypertension + maladie coro-narienne) et dans le diabète de type 2.

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http://www.geocities.com/boss_be_99/la_regulation_d e_la_glycemie.htm