Sémiotique de l’action chez les auteurs de violences sexuelles et non sexuelles

Annales Medico-Psychologiques xxx (2013) xxx–xxx

G Model

AMEPSY-1725; No. of Pages 6

Memoire

Semiotique de l’action chez les auteurs de violences sexuelleset non sexuelles

Semiotic of action of sexuals and non-sexuals offenders

Philippe Huon a,*, Christine Rebourg-Roesler b, Joelle Lighezzolo-Alnot b

a Centre hospitalier, 68250 Rouffach, Franceb Laboratoire InterPsy, universite de Nancy II, 3, place Godefroi-de-Bouillon, BP 3317, 54015 Nancy cedex, France

I N F O A R T I C L E

Historique de l’article :

Disponible sur Internet le xxx

Mots cles :

Conscience

Linguistique enonciative

Passage a l’acte

Pragmatique

Semiotique de l’action

Keywords:

Acting out

Enunciative linguistic

Pragmatic

Semiotic of action

R E S U M E

Objectif. – Cette etude vise a comprendre le fonctionnement psychique d’un sujet ayant commis un

passage a l’acte delictuel sexuel et non sexuel, selon le niveau de conscience de son acte et la qualite de

son appropriation subjective, dans une approche croisant les champs de la linguistique et de la

psychologie clinique.

Methode. – Une situation d’enonciation generee par un remaniement de la consigne du subtest

Arrangement d’Images de la WAIS-R a ete proposee : « raconter une histoire ». Cette procedure est

appliquee a 80 sujets masculins mis en examen pour passage a l’acte delictueux et expertises, repartis en

deux groupes, infraction sexuelle et infraction non sexuelle. Les textes, analyses avec des outils

empruntes a la linguistique enonciative et cognitive et la pragmatique du langage, ont ete rassembles en

trois constellations signifiantes differentes traduisant la conscience qu’un sujet a de son acte : partielle,

totale ou absente, conscience dependant du registre du fonctionnement psychique.

Resultats. – Une approche semiologique de l’agir – geste immotive, comportement impulsif et conduite

intentionnelle finalisee – est degagee, eclairee sous l’angle de la psychopathologie clinique.

� 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

A B S T R A C T

This study is situated at the meeting point of linguistic and clinical psychology fields. It attempts to find a

link between the nature of a narrative and pragmatic structure of a discourse and the mental system of a

subject who committed a criminal act.

Objective. – The understanding of an offender’s relationship with his act, from the perspective of his

level of conscience and the quality of his subjective appropriation.

Method. – Forty sexual offenders and forty non-sexual offenders are examined in the context of a

psychological expertise with an original method using the tools of the WAIS-R ‘‘Arrangement d’Images’’,

an iconic material. The subject is asked to ‘‘tell a story’’ so as to come up with a particular initial situation.

The database of this study is the totality of these 800 stories. The texts are analysed according to two

narrative and pragmatic axis with tools taken from the enunciative linguistic, the cognitive linguistic, the

pragmatic of the language and the semiotic of action. The structure of these texts is based on a

‘‘description – story’’ axis. They are identified in different types of stories: ocular evidence, act of

evidence and evidence of a witness. The narrative-pragmatic modalities of the declaration, studied under

the aspects of the temporality, the logic and the action, are written down in a specifically built analysis

grid. These modalities are gathered in meaningful clusters that convey three distinctive ways of seeing

the subjective link of the subject towards his act: a meaningful cluster for his perplexity, a second one for

his lucidity, and a third one for his minimization.

Results. – With a semiological approach of the acting and through the clinical psychopathology

viewpoint, it becomes possible to classify the subjects in three groups and to understand and

differentiate an unmotivated act, an impulsive behaviour and a finalised intentional behaviour: the

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

* Auteur correspondant. 11, rue des Bains, 68000 Colmar, France.

Adresse e-mail : [email protected] (P. Huon).

Pour citer cet article : Huon P, et al. Semiotique de l’action chez les auteurs de violences sexuelles et non sexuelles. Ann Med Psychol(Paris) (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2013.08.005

0003-4487/$ – see front matter � 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.

http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2013.08.005


mailto:[email protected]


http://www.sciencedirect.com/science/journal/00034487


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subject’s capacity to understand the aim and finality of an act: motivation, project, planning; the

subject’s capacity to conceive a series of successive and coordinated actions, adjusting the method as the

opportunities come by but without prior intention, indicate an impulsive and opportunist functioning

without elaborating a cognitive strategy; the subject’s incapacity to understand the situation as a whole,

the absence of a clear motivation to carry out the act, the presence of unmotivated acts, the

uncontrollable tropism towards the object or the sensory source.

� 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

1. Introduction

Cette contribution scientifique a l’interface de la linguistique etde la psychologie clinique a pour origine un travail de these intituleDe l’image au recit : modalites narrativo-pragmatiques et psycho-

pathologie du passage a l’acte chez des delinquants sexuels et non

sexuels [11]. L’approche theorique s’appuie sur les travaux deRebourg [15], qui a fonde « une lecture semiotique et linguistique »du texte Rorschach, applicable a d’autres outils iconiques.

2. Cadre de l’etude

2.1. Population

Quatre-vingts dossiers d’expertise judiciaire comportant unentretien clinique, des epreuves de niveau (WAIS), un Boston

Aphasia Examination de Goodglass et des epreuves projectives(Rorschach, TAT) ont ete repartis en deux groupes : 40 auteurs deviolence et d’abus sexuel (S), et 40 auteurs d’infraction nonsexuelle (P), en excluant toute pathologie psychiatrique averee.

2.2. Un outil particulier : « l’Arrangement d’Images »

L’etude a ete menee a partir des dix items du subtestArrangement d’Images (AI) de la WAIS-R. L’epreuve imposant deranger les cartons dans un ordre chronologique, la consigne initialea ete completee en demandant aux sujets de « raconter l’histoire »figuree par l’agencement des cartons. Une banque de donnees de800 textes a ainsi ete constituee.

Cette recherche porte sur une psychopathologie de l’enoncia-tion dans le champ de la clinique de l’agir et sur le rapport etablientre la nature des textes et la nature de la subjectivite enonciativedu sujet.

Il n’y a d’histoire, au sens litteraire du terme, que s’il y a mise enintrigue, qui suppose articulation ou narrativite, mise en sens etdenouement. Sans intrigue, il n’y a qu’une exposition des faits oudescription.

Selon Revaz [14], « une intrigue bien nouee » comporte « unpersonnage central type dont les actions apparaissent motivees etexplicables par son caractere de deroulement chronologique dansun univers stable et coherent, une representation du reel ». Nousretiendrons ces ingredients narratifs.

2.3. Subjectivite enonciative, fonctionnement mental et passage a

l’acte

Les signes que nous avons objectives n’ont pas ete prisisolement, mais organises en trois constellations signifiantes.Ces signes sont : le rapport au temps, a l’espace, au reel, a l’autre, al’action, a soi-meme, et a la loi.

Ils permettent d’en inferer la facon d’etre au monde du sujet enaccord avec la position structuraliste [4].

2.4. La cooperation du sujet

La cooperation du sujet en situation d’evaluation est la premierecondition de la validite des donnees obtenues. Elle depend du projet

Pour citer cet article : Huon P, et al. Semiotique de l’action chez les a(Paris) (2013), http://dx.doi.org/10.1016/j.amp.2013.08.005

du sujet d’informer plus ou moins, reellement ou avec dissimulation,le destinataire sur la forme et les contenus de sa pensee.

Les pragmaticiens ont appele cette part du sujet, en relationavec les modalites relationnelles qu’il souhaite mettre en placeavec le destinataire, le « principe de cooperation » que Grice [9]definit ainsi : « Que votre contribution conversationnellecorresponde a ce qui est exige de vous, au stade atteint parcelle-ci, par le but ou la direction acceptee de l’echange parle danslequel vous etes engage. »

Selon ce principe, la communication decoule d’un consensusentre deux interlocuteurs et se deroule selon certains schemaspreetablis qui obeissent a des regles de procedure dont lesinterlocuteurs partagent la connaissance. Ces regles creent unsysteme de droits et de devoirs appeles « maximesconversationnelles » par Grice.

Le principe de cooperation s’exprime a l’AI par une volonte dedemonstrativite et d’argumentativite de la part du locuteur quivise a mettre en relief une action principale et eclairer le sens de laconduite du heros.

Le caractere logique du texte peut montrer des defaillances etnecessiter, pour combler les ellipses ou eclairer les incongruites, untravail consequent du cote du destinataire qui doit alors, soitregarder lui-meme les images pour comprendre, soit rendre lisible,par un travail d’explicitation textuelle, les arguments d’arriere-plan non formules.

Ainsi, le sens plein du texte AI couple ce qui est dit avec ce quiest montre et avec ce qui n’est pas dit explicitement mais qui existeen filigrane et doit etre rendu lisible.

2.5. Les enjeux psychologiques a l’AI

La dimension figurative de l’AI force le principe de realite etpresente une forte canalisation cognitive. Malgre la force duprincipe de realite, certaines reponses s’ecartent de la narrationsouhaitee et revelent un ecart qualitatif inquietant de certainstextes, du cote narratif et du cote pragmatique.

3. Le point d’origine de l’enonciation d’un texte AI

En principe, le texte AI doit comporter dans son tissu discursif latrace d’un point d’origine enonciatif qui temoigne de ce que le sujetvoit et dit, le plus souvent sous forme de « je ». Ce point d’origine« je » doit comprendre et faire part au destinataire des intentions etdu but du heros.

La necessite de cette reference subjective fondamentale est lacle du declenchement de phenomenes meta-representationnels(prise de conscience de la signification des faits presentes surl’image) par lesquels le locuteur communique a la fois sa proprepensee au sujet d’un fait et son interpretation de la penseestrategique d’un heros.

Des instruments linguistiques dits « pragmatiques » sontnecessaires pour partager cette experience de transmission visuelleavec le psychologue et lui faciliter la comprehension de l’histoire :

� les deictiques spatiaux qui ont une fonction de pointage et dequadrillage perceptivo-cognitif de l’espace et visent a montrer audestinataire la ou l’objet se trouve (ici, la, en haut. . .) ;

uteurs de violences sexuelles et non sexuelles. Ann Med Psychol


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� les deictiques temporels qui visent a organiser les differentstemps de la perception et de la pensee du locuteur en sous-unites(d’abord je vois, apres, enfin il y a. . .) ;� les deictiques de personnes qui visent a designer les personnages

sur l’image pour leur reperage (il, elle, celui-ci. . .) ;� les modalites metadiscursives qui precisent l’opinion du locuteur

et en informent le destinataire (commentaires, associations,precisions, jugement, opinion. . .).

Ce point d’origine de l’enonciation est operationnel et efficientpour certains locuteurs dont la subjectivite est assumee etdifferenciee, « je vois, je donne un sens et je vous dis que », selectifpour d’autres locuteurs dont la subjectivite est partielle et quiignore certains faits « je vois certaines choses et je les traite ». Enrevanche, pour les locuteurs dont la subjectivite est esquissee,voire absente, l’origine de l’enonciation est indeterminee,enigmatique, voire exterieure, « je crois voir mais je ne sais passi c’est bien moi qui vois – je vois mais je ne comprends pas ce quise passe ».

4. La semiotique de l’action a l’Arrangement d’Images

Le lien entre recit et action est indissociable. Revaz [14] signaleque « le recit est ‘‘representation d’actions’’ ». Todorov [18] etBremond [6,7] les assimilent l’un a l’autre : « L’action ne peut etrepensee [. . .] qu’a travers sa mise en recit. » Pour Carr [8] ou Scheffel,« la forme narrative n’est pas un costume qui vient recouvrirquelque chose d’autre, mais la structure meme de l’experiencehumaine et de l’action ».

Ricœur [16] parle de semantique de l’action qu’ildefinit comme « l’etude du reseau conceptuel dans lequel nousarticulons l’ordre du faire humain : projets, intentions, motifs,circonstances ».

L’action portee par certains verbes a l’AI presente unedimension intentionnelle ou non intentionnelle et nous renseignesur la composante de l’acte au regard des notions d’intention, demoyen et de but.

Nous avons parcouru l’activite humaine en la hierarchisant, dela mecanique du geste robotique de-subjectivee a la conduitehumaine intentionnalisee, finalise cela a travers une approchesemiotique de l’action et avons retenu les trois notions demouvement, comportement et conduite.

4.1. Mouvement

Le mouvement se traduit dans l’enonciation par le decryptaged’une forme animee, « qui bouge » ou « identification cinetique ».

Dans l’enonciation, le mouvement s’enonce le plus souventsous la forme d’un proces-verbal binaire. Cette forme enonciative« sujet-verbe indetermine » s’accorde bien au registre de ladescription, perception impersonnelle et desincarnee. JANET(S12, Item 2) : « Il roule. Il marche. La dame. La, il s’arrete, ilsort de la voiture. La, il marche avec la dame. »

Le mouvement identifie ou pointe ici ne donne lieu a aucunesignification de la part du locuteur qui constate simplement qu’il sepasse quelque chose sans y attribuer un sens. Searle [17] dit :« Dans le cas du mouvement physique, l’agent n’a pas de projet, ilagit tout simplement. »

Ce type d’enonciation renvoie a des mouvements physiquesobserves de l’exterieur comme le ferait une camera. Cette formed’activite n’est pas reliee a des representations d’etats intention-nels chez le personnage observe.

Ce locuteur peut etablir une distinction entre les registresanime/non anime, entre statique et cinematique mais n’elaborepas la distinction vivant/non vivant. Le mouvement est mecanique,voire robotique.


4.2. Comportement

Qualifier une action de comportement suppose pour ledestinataire psychologue d’avoir identifie plus qu’une perceptionde surface, plus qu’une « vibration stationnaire » selon l’expressionde Patocka [13], a savoir une intention de la realisation du geste.

Le destinataire doit percevoir clairement que le personnage faitquelque chose intentionnellement.

La somme d’actions isolees qui se suivent, constitue un tout quiproduit un resultat. JANET (P6, Item 2) : « Le gars roule. La femme sepromene. Il dit stop. Il descend. Il se promene avec la dame. »

A partir du reperage d’une forme en mouvement (« le garsroule »), le locuteur procede a une enumeration coherente d’actionssuccessives qui s’orientent au fur et a mesure de l’enonciation versune action que le destinataire considerera comme un objectif (« sepromene »). Cependant, l’objectif apparaıt « en cours de route »,incidemment.

Dans cette chaıne d’actions, un instant (« il dit stop ») vientrompre le fond temporel de la duree dans laquelle sont pris lesdeux personnages : « le gars roule, la femme se promene. » Le faitcontingent (la femme se promene) devient une occasion pour leheros de realiser une action (« il dit stop ») qui va rompre l’etatinitial de ce heros et inflechir le cours du temps. C’est l’occasion quicree l’opportunite, qui genere une action possible.

Dans l’exemple suivant, chaque action, prise isolement, se situedans une demarche d’allure descriptive. Cependant, la successionlogique et ordonnee des sequences, telle qu’elle est envisagee ici,releve du principe de contiguıte propre a la notion de comportement.Pour le heros, un « stimulus » perceptif va constituer une occasion demotiver son deplacement en voiture, sans but au depart. Le fait percuactive la vigilance, devient un stimulus qui reoriente l’action dupersonnage, en fonction de cette perception nouvelle.

JANET (P14, Item 2) : « Il roule, il a vu la meuf. Elle marche sur letrottoir. Il descend. Il marche avec elle. »

Deja en 1710, Leibnitz [12] parlait de « consecution empirique »,expression ancetre, pourrions-nous dire, de la denomination plusmoderne de « suite logique d’actions de base » ou comportement.Baldy [1] definit le comportement d’un point de vue operationnelet l’application que l’on peut en faire au niveau de AI peut etre tireede cette definition.

Un comportement est compose de « schemas situationnels oudes scenes (la gare, l’ecole, la maison) dont la memorisationpreserve un isomorphisme spatial avec l’agencement reel deschoses (et) par des sequences d’actions habituelles ou des schemasevenementiels (scripts) qui se deroulent invariablement de lameme facon et dont l’acquisition preserve un isomorphismetemporel avec le deroulement normal. Ces schemas connectent surla base de contiguıtes spatiales (schema situationnel), chronolo-giques ou causales (schema evenementiel) des connaissancesfactuelles ou declaratives sur le monde, des procedures d’action enrapport avec notre experience ou des attentes relatives a notreenvironnement physique et social ».

Ainsi, la notion de comportement renvoie a la realisation d’une« serie ordonnee d’actions, qui s’enchaınent par contiguıte », etdont le cours peut etre inflechi ou non, a un moment de sonderoulement, par un stimulus sensoriel qui declenche une nouvelleserie d’actions contigues. Les actions elementaires sont ordonneeschronologiquement selon une logique factuelle.

L’explicitation de la notion de patterns sensori-moteurs par Blancet Brouillet [5] illustre bien l’idee d’un guidage perceptif de l’action,que nous avons attribue au comportement. « Ce sont les bouclessensori-motrices (c’est-a-dire les interdependances qui se creententre les entrees sensorielles et les reponses motrices) qui sont lesveritables mediations entre l’individu et l’objet et non desrepresentations computo-symboliques issues d’un langagemental. »




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Le plus souvent, la suite logique d’actions definit un parcoursphysique entre le heros et le personnage secondaire, qui abolitprogressivement leur distance spatiale jusqu’au contact physique.

La notion de comportement renvoie au domaine del’impulsion : « Quelque chose est vu, quelque chose est agi. »

4.3. Conduite

Weber [19], dans son analyse des motifs de l’action, parle de la« signification subjective » que revet l’action. Il differencie l’actiontraditionnelle, pur reflexe ou mecanique (mouvement), de l’actionaffectuelle (comportement) commise sous le coup d’une impulsionet de l’action rationnelle (conduite) qui doit faire l’objet d’un acteinterpretatif. La conduite constitue le niveau le plus abouti del’action car elle integre l’activite mentale de l’individu qui luipermet de se projeter dans une representation du passe et du futurdans le but de donner un sens a ces actes.

La traduction linguistique de la conduite des personnages, atravers les verbes, en tant que revelateur d’une intentionnalite etd’une finalite porteuse de sens, constitue le cœur de la mise enintrigue des textes. En inscrivant les actions des personnagesdans une conduite, le locuteur temoigne de ses capacitesd’anticipation, de planification et de finalisation d’un projet.Cette conduite passe par le choix de verbes mentaux quitraduisent une activite meta-representationnelle : representa-tion d’eux-memes, representation linguistique de la temporalite,de la causalite et de l’action. La conduite est le registre de l’actionle plus sophistique.

THNU-THUN (S31, Item 6) : « C’est quelqu’un qui apparemments’enfuit, il doit etre recherche. Il se cache pour pas qu’on leretrouve. Il se cache derriere un arbre et voit une personne qui esten train de se baigner. Il change ses vetements. Il decide de partiravec, histoire de pas etre reconnu. »

Narrativite, deroulement logique et construction d’un senshistorique sont ici presentes.

5. Resultats : trois constellations signifiantes a l’origine de troissubjectivites enonciatives

Pour chacun des sujets de notre etude, une constellationsignifiante a pu etre degagee qui vise a decrire, a travers unesemiotique de l’action, la position subjective d’un sujet qui passe al’acte et le rapport de conscience du sujet a cet acte.

5.1. La constellation signifiante C1 ou « perplexite » (15S et 14P)

Pour les sujets de cette constellation C1 (36 %), l’ensemble desingredients narratifs attendus n’ont pas ete donnes. Il y a donc lal’indice d’une mauvaise selection et d’un traitement partiel desinformations. Les textes de bas niveau de narrativite sont enrelation avec un dysfonctionnement psychique majeur de l’ordrede l’identite fondamentale et de troubles communicationnels.

Le sujet ne parvient pas a selectionner une porte d’entreethematique. Les themes abordes sont multiples, discontinus,immotives ou bien une seule thematique pietine, marquee parl’ambivalence et la perplexite.

Le decryptage des formes et des mouvements est fastidieux.Ainsi, le heros bouge, « fait », mais semble ballotte d’image enimage et de hasard en hasard sans barometre interieur.

Les actions sont envisagees dans leur repetition, jamais dansleur successivite. Une meme action vaut parfois pour despersonnages differents, rendant le texte confus.

Pour ces sujets qui apprehendent le mouvement sans but niintention, la question qu’ils se posent est « qu’est-ce que c’est ? »,« que fait-il ? » et non pas « comment le sujet agit, dans quel but et aquel moment ? ».


HUNT (S1, Item 6) : « La, c’est une personne qui est en fuite. La,elle se cache derriere un arbre. La, elle prend les affaires de labaigneuse. La, elle est de nouveau prisonniere (?) La, c’etait despoliciers et la, des policieres (?) »

THUN (S15, Item 6) : « Ca, c’est des chasseurs. Ils vont a la chasse,d’un bonhomme. Aussi (?) La, il est cache. Il est cache (?) Il est cachederriere un arbre. La, il a pique la ceinture (?) Je sais pas, mais jevois qu’il a pris la ceinture (?) La police qui recherche quelqu’un quiest en fuite (?) Une fille qui nage, elle nage la fille. »

Les sujets de la constellation signifiante C1, dans leurdescription sous forme de juxtaposition d’enonces independantsproposent une taxinomie improbable et fallacieuse. Dans lestextes, en effet, il n’y a pas l’organisation d’une nomenclature, uneorganisation qui distribuerait le lexique selon des seriesorganisees. Parfois, un effort cognitif existe, celui d’introduiredes deictiques (« la ») pour serier les images selon des listescardinales.

UNTH (S10, Item 6) : « La, je suppose que c’est un etang. Elle sebaigne et la, y a donc un garcon qui vient. La y a, ben, y a deuxdames avec un chien qui le chassent. La, c’est les forces de l’ordrequi le cherchent (?) Puisqu’il a voulu se baigner avec la fille. C’estdonc interdit de toute maniere. Puisque la, il importune la fille amon avis. »

Les modalites meta-discursives a disposition du locuteur pours’exprimer, nuancer, completer ou se desengager sont utilisees icipour exprimer la perplexite, le doute et un questionnement sur levisible.

UNTH (S12, Item 6) : « Je vois trop de choses la-dessous. La, y ades femmes qui suivent qui ? La, y a des messieurs qui suiventqui ? »

La comprehension du texte s’accompagne d’une obligation ducote du destinataire a effectuer un travail de « desambiguısationreferentielle », a savoir : ou voit-il ce qu’il voit, de qui et de quoiparle-t-il ? Ce travail souvent echoue, laissant le destinataireperplexe, en echo a la perplexite et a l’impotence du locuteur qui nesemble pas avoir les moyens d’un bon decryptage du reel.

Pour qualifier la nature discursive de la constellation C1, nousempruntons l’expression a Hamon [10] de « porte-regard absent »qui postule que « le desir de regarder devra etre justifie par lamention d’un trait psychologique ou caracteriel ». Ainsi, voir estjustifie par un savoir, mais pour les sujets de cetteconstellation C1 chez lesquels on constate une absence de tenuetemporelle et logique dans la conduite, une absence d’intention, derepresentation, d’objectif, les choses sont vues, parfois mal vues,mais apparemment jamais ressenties, au sens de s’identifier a, fairecomme, participer de. . . Ce processus d’identification ou empathiefaisant defaut, toute l’action du personnage s’en trouve deperson-nalisee et mecanisee.

Debarrassee de tout « porte-regard », la description est optique,de-subjectivee. Les actions sont citees sans coordination niconsecutivite, le locuteur voit des gestes ou des mouvementsmais il n’identifie ni des comportements ni des conduites. Si l’œilpermet de voir, le regard lui seul permet d’« organiser dans unedescription la distribution interne en introduisant dans lanomenclature lexicale une taxinomie, un ordre. . . La visiondeclenche une division, le contemplateur decoupe l’objet con-temple en un templum, selon une grille qui en ventilera les parties,ceci en regime oral d’enonciation ». Ce regard fait defaut dans cetteconstellation signifiante C1 et pose toute la question de lasubjectivite du locuteur, subjectivite absente. Quelqu’un voit,c’est tout. Ces sujets nous obligent a nous poser la question du sensde l’acte lorsqu’il est commis de facon deviante.

Il n’y a, chez ces sujets, aucune conscience de l’acte commis et cedysfonctionnement, qui touche a la fois la pensee et l’affectivite, nereleve en aucun cas d’une dissimulation ou d’une denegation dutype « je ne dis pas mais je le sais et je l’ai fait ».



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La question du point d’origine de l’enonciation absent pose celled’une subjectivite defaillante, inexistante.

Notre constellation C1 nous permet d’apprehender le champcriminel psychotique tel que decrit dans l’article 122-1 du codepenal (« n’est pas penalement responsable la personne qui etaitatteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ouneuropsychique ayant aboli son discernement ou le controle deses actes ») autrement que sous ces formes psychotiquesmanifestement delirantes et dissociatives.

Cette constellation C1 rassemble un ensemble de problema-tiques psychotiques au sens de Bergeret : caractere psychotiquenon decompense sur un mode hallucinatoire et delirant. Cetteproblematique est a entendre comme facon d’etre au monderelativement stable. Certains passages a l’acte (le « recours a l’acte »selon Balier) sont la alors comme ultime rempart a une « angoissed’effondrement », pour faire barrage a un derapage delirant etechapper a la desintegration psychique.

5.2. La constellation signifiante C2 ou conscience (12S et 9P)

Cette constellation, presente chez un sujet sur quatre (26 %) denotre population generale (15 % de sujets S et 11 % de sujets P),temoigne d’un meilleur niveau de narrativite. Ces sujets fontpreuve d’une capacite d’apprehension d’une conduite et de la priseen consideration de variables multiples, de leur combinaisonchronologique et logique.

Tout sujet C2 a la capacite d’identifier la thematique generaled’une histoire et par la sa meta-representation d’ensemble.

On a note la qualification adequate et explicite du herosprincipal considere comme pivot et moteur de l’histoire et laconsideration des autres personnages dans un role secondaire. Lahierarchisation des places existe, chacun des personnages a sonrole.

Le heros principal clairement designe est le cœur, le pivot d’uneaction premeditee, pensee prealablement, envisagee selon safacilitation ou son empechement et comprise comme un toutcoherent et signifiant.

En outre, dans la gestion temporelle du recit, une modulationsubtile existe entre duree/moment/instant. Sur fond de duree,differents moments successifs existent a l’interieur desquels desinstants ou incidents narratifs provoquent des changements.

Dans le cadre de la constellation signifiante C2, le point tresimportant a relever est la prevalence tres significative de l’usaged’un deictique spatial unique a visee de mise en relief d’une actionparmi d’autres, transformant ladite action en lieu de l’acme del’intrigue.

HUNT (S11, Item 6) : « Pour moi, c’est quelqu’un qui sort deprison, il s’est fait rechercher. Il voit une jeune femme qui a lesvetements la, qui s’est baignee. Il lui emprunte ses vetements, illaisse les siens. Je pense que la jeune femme aussi etait en prison.Elle a fait une fuite. Par malheur, il a pris les vetements aussi dequelqu’un qui etait en prison. »

Dans ce texte, ou la richesse du lexique est correlee a la qualitedramatique narrative, le sujet fait le choix d’un deictique spatialunique qui marque un focus sur un fait bien particulier qui vaprendre ainsi un poids rhetorique. Ainsi, dit ce locuteur, il voit unejeune femme qui a les vetements la. Ce detail prend toute sonimportance et sert de pivot et lieu de rebondissement.

D’autres ont fait usage d’un deictique spatial initial qui, donneen premiere intention, vient dire au destinataire que « la » il fautregarder, il s’y joue une histoire. Ce deictique dans le discours a unevaleur d’incipit, d’introduction ou d’invitation et egalement unefonction de synthese. Le deictique spatial initial vient pointer toutela situation transitionnelle que represente le test.

Le deictique spatial initial a une dimension d’ouverturetheatrale et une claire visee communicationnelle.


L’autre inscription du locuteur dans le texte peut passer danstous les commentaires et precisions, comme autant de voix off dansl’histoire. Ils temoignent bien la d’un « porte-regard » et d’unedelimitation judicieuse entre la scene, lieu des personnages et lescoulisses, lieu du locuteur.

L’exploitation des maximes conversationnelles temoigne, chezeux, d’une manipulation active de la communication a leur profit etparfois la recherche d’un certain effet rhetorique.

Au total, la majorite des sujets de cette constellation ontl’aptitude a dire bien et suffisamment pour se faire entendre. Cela aete confirme par l’absence de travail de desambiguısationreferentielle du cote du destinataire, le lisible saisissant l’ensembledu visible, de facon suffisamment explicite.

Quelqu’un tient l’histoire du debut a la fin et prend toute laresponsabilite de son enonciation.

On a pu alors faire l’hypothese que ces sujets, structures auniveau narrativo-pragmatique, structures au niveau cognitif, ont lapleine conscience de ce qu’ils font ou ont fait. Ils ont en tout etat decause les outils pour comprendre, anticiper et poser un objectif. Ilssont dans le registre de l’intentionnalite, de la representation d’untout.

La deviation est alors envisagee comme un contenu qu’ilsdecident d’exposer ou non au regard judiciaire, en pleine maıtrise.Ainsi, parmi les sujets qui nient les faits, certains ont pu lescommettre dans la realite et d’autres non, mais tous ont la maıtrisede leur communication. Ils ont le controle et la maıtrise sur ce qu’ilscommuniquent et les outils cognitifs necessaires pour ne pascommuniquer une realite deviante, si elle a eu lieu.

5.3. La constellation signifiante C3 ou minimisation (12S 17P)

Aucun des sujets de cette constellation (36 %) n’est parvenu aderouler un schema narratif complet. Le sujet de la constellationsignifiante C3 est capable de proposer un scenario, mais celui-ci estune version orientee des faits se decalant du scenario voulu etpreinscrit par l’auteur du test.

HUNT (S34, Item 6) : « Un evade, les gendarmes le cherchent. Y aune nana. Il se cache, la demoiselle se baigne. Il veut la rejoindre. Ilse fait courser, a moitie deshabille. Elle crie : a l’attaqueur ! Auvioleur ! »

Dans cet exemple, la reference implicite a « voir » suivieimmediatement d’une action « se rapprocher de », donne unecouleur particuliere a l’activite du personnage. Dans ce tropisme dutype voir/agir, la pulsion scopique est directement branchee sur lecomportement, comme sous le sceau d’un arc reflexe, comporte-ment declenche et non mediatise par la pensee ou l’intention.

Le binome stimulus sensoriel visuel/reponse comportementalene permet aucune mediation. Il n’y a plus l’idee d’intentionprealable ou de premeditation, il y a juste une occasion inattenduequi « fait le larron ».

On peut faire l’hypothese que le comportement prend alors uneallure reflexe. Une action a lieu pour obtenir un resultat immediat.Nous sommes toujours la dans l’idee d’une sequence action/reaction.

THUN (S35, Item 6) : « C’est un prisonnier qui s’evade d’uneprison. Il se cache pour eviter les surveillants, les policiers. Et apres,la, il voit une jeune fille en train de se baigner. Il en profite pourprendre ses habits (?) Comme ca, il sait pas reconnaıtre, il se fait pasreconnaıtre. »

Le recours au deictique temporel « apres » (neuf sujets), toucheexclusivement cette constellation et a pour fonction d’exposer endeux temps consecutifs deux thematiques ou deux actionsindependantes. Le deictique temporel serait l’outil linguistique adisposition pour exprimer le clivage des propositions. Ainsi, dansles exemples suivants, le deictique temporel vient marquer unerupture dans le cours du recit et modifier l’orientation de l’intrigue.




G Model


HUNT (P21, Item 6) : « Y a un detenu qui se cache de la policederriere un buisson. Il apercoit une femme qui se baigne dans unlac, je pense. Il met les habits de cette dame. Et apres, il se faitsuivre par des policiers, par des femmes policiers (?) Parce que c’estun detenu et il s’est habille en femme (?) Dans la police il a aussides femmes. »

Aucun des sujets n’a fait part d’un doute ou d’une perplexite parrapport au visible mais procede a une reevaluation des donnees dela realite et reoriente son recit. Quelque chose de la realite estoblitere ou interprete de facon erronee.

Nous avons mis en regard le concept de « minimisation » [2] ou« contenus de pensees idiosyncrasiques refletant des conceptua-lisations irrealistes ou deformees » nommees « distorsionscognitives » par Beck [3] avec les evenements observes a l’AI. Cemecanisme consiste a negliger une des variables du schemanarratif dans un but de preservation du principe de plaisir et dedeni d’un element de la realite qui viendrait empecher et contrarierla toute-puissance du sujet.

Le niveau de cooperation avec le destinataire est relativementsatisfaisant puisque le psychologue n’a jamais ete mis en difficultedans son travail de desambiguısation referentielle.

Ce qui fait sens pour un sujet de la constellation C3, c’est laproximite et la co-presence de deux indices dont l’un constitue unsignal.

Les signes comportementaux externes ont valeur de signal etdeclenchent de facon reflexe un comportement du cote du sujet, sansmediation cognitive qui permettrait d’inhiber ce comportement.

6. Conclusions

Apres l’explication des differents signes en co-presenceconfigurant des constellations signifiantes specifiques, on pourraitresumer l’esprit de ces trois constellations signifiantes par latraduction de la faillite narrativo-pragmatique des textes obtenusdans le discours spontane lors de d’expertise de nos sujets :

� C1 : pole perplexite : « on dit que je l’ai fait mais je sais pas si je l’aifait » ;� C2 : pole conscience : « je ne l’ai pas fait ou je l’ai fait et je l’avoue

en pleine conscience » ou « je l’ai fait et je le nie en pleineconscience » ;� C3 : pole minimisation : « je l’ai fait un peu mais pas totalement »

ou « je l’ai fait comme ca mais pas comme ca ».

Nous avons opte dans cette recherche pour une approche a lafrontiere de la linguistique et de la psychologie clinique afin decerner davantage les modalites du fonctionnement cognitif qui sous-tendent les differentes formes d’agir en etudiant les modalitesnarratives et pragmatiques du discours du sujet dans le contexte del’expertise psychologique et plus particulierement dans la situationd’enonciation de l’Arrangement d’Images de la WAIS-R.

Ce travail ne nous a pas permis de differencier les deux sous-populations, auteurs d’agression sexuelle et auteurs d’agressionnon sexuelle.


En effet, plus que la nature de l’acte commis (sexuel/nonsexuel), c’est la conscience ou non de cet acte quel qu’il soit et lesens que prend l’acte pour le sujet qui font la difference entre cestrois constellations signifiantes.

En cela, nous rejoignons l’ensemble des auteurs etdes chercheurs qui s’accordent pour dire que la notion depassage a l’acte est une notion trans-structurelle d’un point devue psychodynamique ou multifactorielle d’un point de vueepidemiologique. On ne peut faire une classification psycho-pathologique des individus a partir de la qualification d’unacte en termes d’inceste, de pedophilie, de vol, de viol, demeurtre.

En revanche, le reperage de l’acte delictueux en termes desemiotique de l’action a permis de rendre compte du sens queprend un acte pour un sujet en fonction de son niveau derepresentation et de comprehension de celui-ci inscrit entre lesdeux poles : action mecanique desubjectivee et action marquee parune interiorite dynamique et vivante.

Declaration d’interets

Les auteurs declarent ne pas avoir de conflits d’interets enrelation avec cet article.

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http://refhub.elsevier.com/S0003-4487(13)00288-6/sbref0005









































Documents

Sémiotique de l’action chez les auteurs de violences sexuelles et non sexuelles