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Septembre 2020 Introduction - Analyse des effets de la crise Covid CONTEXTE MODE D’EMPLOI La crise induite par la pandémie de la COVID-19 a révélé au grand jour les fragilités structurelles de nos systèmes alimentaires et a contribué à une prise de conscience de la nécessité de les faire évoluer pour les rendre plus résilients . Pour Agrisud, cette crise apparaît comme un moment clé pour renforcer ses argumentaires et porter ses messages de plaidoyer. Afin de développer cette stratégie de plaidoyer, une analyse approfondie a été réalisée sur : les conséquences de la crise sur les exploitations agricoles, les filières, et de manière plus globale les systèmes alimentaires, que ce soit dans nos terrains d’intervention (témoignages) ou en dehors (revue bibliographique), les solutions permettant de renforcer la résilience et la performance des exploitations agricoles familiales et des systèmes alimentaires, et donc leur durabilité. Amont de la production De quoi parle-t-on ? Introduction / définitions clés Titre Effets 1. La main-d’œuvre Effets 2. Les intrants Quels changements dans nos terrains d’intervention ? Issu des témoignages de terrain sur les effets de la crise Ressources bibliographiques utilisées Quels changements observés ailleurs ? Issu de la revue bibliographique sur les effets de la crise dans les pays du Nord et du Sud Zoom sur un élément clé Lecture d’une fiche Comment expliquer les différences d’effets sur les exploitations ? Explication des facteurs qui ont aggravés ou réduits les effets de la crise (variables déterminantes) Effets 3. La production Effets 4. La commercialisation Effets 5. La consommation Liste des fiches « Effets de la crise Covid-19 sur … » Annexe 1. Transport international de marchandises Aval de la production

Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

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Page 1: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

Septembre

2020 Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

CONTEXTE

MODE D’EMPLOI

La crise induite par la pandémie de la COVID-19 a révélé au grand jour les fragilités structurelles de nos systèmes alimentaires

et a contribué à une prise de conscience de la nécessité de les faire évoluer pour les rendre plus résilients. Pour Agrisud, cette

crise apparaît comme un moment clé pour renforcer ses argumentaires et porter ses messages de plaidoyer.

Afin de développer cette stratégie de plaidoyer, une analyse approfondie a été réalisée sur :

► les conséquences de la crise sur les exploitations agricoles, les filières, et de manière plus globale les systèmes

alimentaires, que ce soit dans nos terrains d’intervention (témoignages) ou en dehors (revue bibliographique),

► les solutions permettant de renforcer la résilience et la performance des exploitations agricoles familiales et des

systèmes alimentaires, et donc leur durabilité.

Amont de la

production

De quoi parle-t-on ? Introduction / définitions clés

Titre

Effets 1. La main-d’œuvre

Effets 2. Les intrants

Quels changements dans nos terrains d’intervention ? Issu des témoignages de terrain sur les effets de la crise

Ressources bibliographiques utilisées

Quels changements observés ailleurs ? Issu de la revue bibliographique sur les effets de la crise dans les pays du Nord et du Sud

Zoom sur un élément clé

Lecture d’une fiche Comment expliquer les différences d’effets sur les exploitations ? Explication des facteurs qui ont aggravés ou réduits les effets de la crise (variables déterminantes)

Effets 3. La production Effets 4. La commercialisation

Effets 5. La consommation

Liste des fiches « Effets de la crise Covid-19 sur … »

Annexe 1. Transport

international de

marchandises

Aval de la

production

Page 2: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

Liste des fiches « Quelles solutions face aux crises ? »

Annexe 2. Les différents types de crise

De quoi parle-t-on ? Introduction / définitions clés

Pourquoi est-ce une

partie déterminante

des solutions ?

Éléments qui

rendent les

exploitations

agricoles familiales

et les filières moins

vulnérables face aux

différents types de

crises - cf. annexe 2

Solution 1. L’agro-écologie Solution 2. La « mise en économie » Solution 3. Les projets de

territoires

Lecture d’une fiche

Schéma repositionnant l’approche parmi les 3 solutions complémentaires

La prévention des crises Comment l’approche décrite permet de réduire les risques d’apparition de crises dans le futur

Nos recommandations Les messages de plaidoyer et de sensibilisation portés par Agrisud

Observations issues des témoignages dans les terrains d’intervention d’Agrisud

Observations issues de la bibliographie

Page 3: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

1

Effets 1

Effets de la crise Covid-19 sur… 1. La main-d’œuvre

Zoom sur le coût de la main-d’œuvre

Advenu sur un temps court, la confinement n’a généralement pas eu d’incidence constatable par nos équipes sur le coût de la main-d’œuvre, à quelques exceptions près. En Itasy, à Madagascar, l’abondance soudaine de travailleur-euses disponibles a provoqué une baisse des salaires de l’ordre de 25 à 30 %. Au contraire, dans le petit archipel de Maurice, où la faible disponibilité de la main-d’œuvre agricole est un problème structurel de longue date, les prétentions salariales des employé-es agricoles ont augmenté en raison de l’inflation provoquée par la crise.

DE QUOI PARLE-T-ON ?

La force de travail est l’un des facteurs de production

clés des systèmes de production agricole. Elle peut être familiale (au sein de l’exploitation) et/ou

extérieure (locale, nationale, internationale).

QUELS CHANGEMENTS DANS NOS TERRAINS D’INTERVENTION ?

Des changements positifs… Des changements négatifs...

En ce qui concerne la disponibilité de la main-d’œuvre, les effets de la crise semblent différer selon les terrains

d’intervention d’Agrisud, non seulement d’un pays à l’autre, mais d’une région à l’autre au sein d’un même pays.

Pour certaines exploitations, la main-d’œuvre s’est

faite plus rare (cas du Brésil et de Marrakech). Dès le mois d’avril, la FAO présentait trois canaux par

lesquels la crise était susceptible d’affecter la disponibilité de la main-d’œuvre : la maladie elle-

même, la peur de la maladie et les restrictions de rassemblement et de déplacement. Dans le cas de

Marrakech, certains travailleur-euses temporaires ont manqué, désincité-es au travail par la peur de la

contamination et les aides versées par l’Etat. Cela n’a cependant pas eu d’effets majeurs sur le niveau de production.

Cependant il est également à noter qu’aucun changement n’a été constaté dans certains pays, comme au Sénégal, au Vietnam et en Indonésie, mais aussi dans les communes de Ghassate, Skoura et Asni, au Maroc.

Dans certaines zones, on remarque plutôt une

augmentation de la main-d’œuvre disponible (cas de Madagascar, du Laos, du Cambodge et d’Haïti). En

effet, avec la fermeture des établissements scolaires, une grande partie de la jeunesse s’est trouvée

disponible. On peut ajouter à cela le retour dans les familles, d’une partie de la population urbaine à

Madagascar ; celui des travailleur-euses saisonnier-es parti-es en Thaïlande, dans le cas de Viengkham au

Laos ; ou encore le désœuvrement soudain des travailleur-euses du secteur du tourisme, dans la zone de Siem Reap, au Cambodge.

Juillet/Août

2020

QUELS CHANGEMENTS OBSERVES AILLEURS ?

Dès le début de la pandémie, un communiqué d’IPES-Food pointait que les restrictions risquaient d’entraver l'arrivée de millions de travailleur-euses saisonnier-es qui traversent les frontières chaque année pour travailler dans les exploitations. Au Sud : Selon la FAO, ce risque concernerait en premier lieu les pays du Sud où l’agriculture est plus intensive en travail (car moins mécanisée). Exemple des producteur-rices de cacao en Côte d’Ivoire : la fermeture des frontières a empêché l’appel à des travailleur-euses étranger-es et a mis en péril la deuxième récolte annuelle des fèves. Toutefois, la prédominance d’un travail informel ne garantissant pas de protection sociale a rendu les restrictions de déplacements difficiles à imposer. Certaines populations sont tout simplement contraintes d’arbitrer entre le risque de la maladie et celui de la faim. En effet, le 1er juin, un article du Monde faisait état de la porosité de la frontière nord de la Côte d’Ivoire, face à la main-d’œuvre venue du Mali et du Burkina Faso.

Main-d’œuvre

essentiellement familiale

Recours ponctuel à la

main d’œuvre extérieure

Cas des exploitations familiales (soutenues par Agrisud) :

Page 4: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

2

Effets 1

Bibliographie

Anne-Laure Chouin, La Covid-19 révèle la dépendance de l'agriculture à la

main-d'œuvre étrangère, France culture, 31 mars 2020

Cirad, « Covid-19 & Sécurité alimentaire | Les planteurs de cacao de Côte

d'Ivoire craignent une baisse de leurs revenus », 7 mai 2020

IPES Food, Le COVID-19 et la crise dans les systèmes alimentaires :

Symptômes, causes et solutions potentielles, avril 2020

J. Schmidhuber, J. Pound et B. Qiao, COVID-19: Channels of transmission

to food and agriculture. Rome, FAO, 2020

Y.Gourlay, « En Côte d’Ivoire, travailleurs et commerçants se jouent de la

fermeture des frontières », Le Monde, 1er juin 2020

COMMENT EXPLIQUER LES DIFFERENCES D’EFFETS SUR LES EXPLOITATIONS ?

La crise sanitaire a pu jouer sur la disponibilité, et dans une moindre mesure le coût, de la main d ’œuvre, en positif comme en négatif, selon plusieurs facteurs :

► Degré et durée des restrictions et mesures de confinement,

► Effet psychologique sur la population (peur de la maladie),

► Aides publiques de soutien aux travailleur-euses,

► Possibilités d’emploi dans les autres secteurs...

Cependant, les possibles changements négatifs affectent les exploitations agricoles de façons différentes notamment selon leur niveau de dépendance à la main-d’œuvre extérieure. C’est la raison pour laquelle les exploitations agricoles familiales (main-d’œuvre essentiellement familiale) soutenues par Agrisud ont au final assez peu souffert de ces changements. De manière générale, on constate que les systèmes agricoles dépendant fortement de la main-d’œuvre extérieure et particulièrement de la main-d’œuvre saisonnière étrangère ont été bien plus affectés par la crise. Il s’agit principalement de grandes exploitations spécialisées où la force de travail ne peut être suffisante à l’échelle du territoire. Selon Frédéric Décosse du CNRS, dans les pays du Nord, « les saisonniers étrangers sont présents dans les secteurs les plus intensifs : dès lors qu’une zone agricole se spécialise et s’industrialise, en bref intensifie sa production, des canaux efficaces de recrutement de main-d'œuvre allogène se mettent en place : seule force de travail susceptible d’accepter les conditions de rémunération et de travail proposées». Enfin, il convient de noter que toutes les activités recourant à une main-d’œuvre extérieure ne sont pas nécessairement touchées de la même façon, cela dépend de la coïncidence de la crise avec les besoins en travail. Ainsi, les arboriculteur-rices d’Asni et des oléiculteur-rices de Skoura au Maroc n’ont pas connu de perturbations parce que la crise n’est pas survenue pendant les récoltes, période où des travailleur-euses temporaires sont nécessaires.

Au Nord : les pays du Nord semblent finalement plus impactés par la pénurie de main-d'œuvre agricole, notamment

pour la récolte des fruits et légumes et dans les abattoirs. En France, où 80 % de la main-d'œuvre salariée agricole est d'origine étrangère, le Ministre de l’Agriculture a dû lancer un appel à la main-d’œuvre disponible. Le déficit de

main-d’œuvre était estimé à 200 000 personnes au printemps.

Page 5: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

1

Effets 2

Effets de la crise Covid-19 sur… 2. Les intrants

DE QUOI PARLE-T-ON ?

Les intrants désignent les produits consommés dans le cadre de la

production agricole. Les exploitations soutenues par Agrisud tendent à limiter les besoins en intrants (par des mesures

préventives pour limiter les attaques, par exemple) ou à les autoproduire (fertilisants organiques, traitements phytosanitaires

naturels, etc.).

QUELS CHANGEMENTS DANS NOS TERRAINS D’INTERVENTION ?

Juillet/Août

2020

QUELS CHANGEMENTS OBSERVES AILLEURS ?

Au Nord : D’après la FAO, les pays du Nord ont des systèmes agricoles plus intensifs en intrants qu ’au Sud. Pour

autant, ces pays ont des chaînes logistiques robustes qui semblent avoir bien résisté au choc. Malgré une dépendance extérieure à certains intrants comme les fertilisants minéraux, aucune rupture de la chaine logistique ou

problèmes d’accessibilité n’a été notée dans l’Union européenne.

Dans les élevages bovins français, par exemple, seules quelques difficultés pour l’achat de petit matériel ont pu être

constatées. Au début de la crise, des craintes se sont fait ressentir sur l’approvisionnement en tourteaux de soja pour l’alimentation du bétail, importés principalement du Brésil. Mais après une augmentation des prix au mois de

mars, les cours sont revenus à la normale et l’activité semble avoir été peu touchée.

Au Sud : Les impacts les plus importants sont observés en Afrique, malgré une moindre utilisation d’intrants. Selon

SciDev.Net, au Kenya, la filière du thé pourrait pâtir fortement des restrictions internationales de déplacements, qui ralentissent les importations d’engrais et pesticides et menacent donc la qualité de la production. Plus dramatique

Différents types

d’intrants : Semences

Fertilisants

Produits phytosanitaires

Produits vétérinaires

Aliments pour le bétails

Carburant...

Des changements négatifs...

La crise sanitaire a eu des effets de nature et d’ampleur variables quant à l’approvisionnement des exploitations en

intrants, que ce soit au niveau des prix ou de la disponibilité. Aucun changement positif n’a été relevé.

La disponibilité en intrants a diminué, à cause de la baisse des importations pour ceux

d’origine étrangère et de la tendance des producteurs à faire des stocks pour ceux d’origine nationale. En parallèle, les prix ont significativement augmenté, suivant l’inflation générale,

notamment du fait de la dévaluation de la gourde haïtienne face au dollar américain.

Madagascar

Haïti

Divers intrants de provenance nationale se sont faits rares, ce qui s’est là aussi parfois répercuté sur

les prix : en région Itasy, les prix des aliments pour le bétail ont augmenté car ils étaient temporairement moins disponibles, en raison des restrictions de déplacements.

Bien qu’il n’y ait pas eu de ruptures de stocks, une hausse importante des prix des intrants a

été observée. Pour la plupart, ils sont importés : les prix des semences ont augmenté de l’ordre de 10 %, ceux des pesticides et engrais de l’ordre de 15 %.

Maurice

Mais à nuancer...

Toutes les régions ne sont cependant pas touchées de la même manière. Aucun changement n ’a été observé par

nos équipes au Brésil, au Vietnam, ni au Laos où les producteur-rices sont globalement autonomes. C’est aussi ce qui a protégé la plupart des exploitations agricoles familiales soutenues par Agrisud au Maroc. Au Sénégal, cas

particulier, les producteur-rices ont bénéficié de l’aide de l’Etat pour l’accès aux intrants, avec des subventions pouvant s’élever jusqu’à 100 % des coûts.

Des perturbations moins générales sont survenues dans d’autres pays : au Cambodge, les semences potagères

importées du Vietnam et de Thaïlande se sont raréfiées ; dans la commune de Ghassate au Maroc, les difficultés d’approvisionnement en alimentation pour les ovins, provoquées par la sécheresse, se sont aggravées.

Page 6: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

2

Effets 2

Zoom sur les services agricoles

En plus des intrants, les exploitations agricoles font appel à des services extérieurs dans le cadre de leur activité. On peut en distinguer deux types : ► Les services d’appui à la production, s’agit des prestations de labour, traitement, taille,

services vétérinaires, etc. ► Les services de conseil agricole réalisés généralement par les services techniques

privés ou publics ou par les projets de développement. Parmi les divers services en appui à la production, peu de perturbations ont été relevées, car il s’agit principalement de services de proximité, moins affectés par les restrictions (moins de distance parcourue, moins de restrictions de déplacement en milieu rural…). Par exemple, les Maitres Exploitants à Madagascar ont continué leurs activités même si parfois elles ont été plus limitées dans l’espace (accès seulement aux zones les plus proches). Le conseil agricole a été plus touché par les restrictions de déplacement et de rassemblement car est souvent prodigué par des organismes plus éloignés et tenus de respecter des règles plus strictes (services publics, organisations nationales et internationales…). Au Cambodge, au Vietnam, à Madagascar, à Ghassate au Maroc, et à Bali en Indonésie, les formations et les interventions de technicien-nes agricoles des projets ont été interrompues mais substituées par des appuis à distance (via téléphone notamment). De manière générale, les problèmes liés aux services ne semblent pas avoir eu beaucoup d’impact sur les exploitations agricoles familiales soutenues par Agrisud. Dans la Palmeraie de Marrakech, par exemple, elles y ont globalement très peu recours. A Maurice, les producteur-rices bénéficient des services prodigués gratuitement par l’institution para-étatique Food & Agriculture Research & Extension Institute (FAREI), dont les activités sont revenues à la normale depuis la fin du confinement le 1er juin.

COMMENT EXPLIQUER LES DIFFERENCES D’EFFETS SUR LES EXPLOITATIONS ?

Si les perturbations induites par la crise sont diverses, un déterminant majeur apparaît assez clairement : les

restrictions de déplacement en sont la cause principale, et par conséquent, les exploitations les plus touchées sont celles qui connaissent la plus grande dépendance aux intrants d’origine externe, et particulièrement aux intrants

importés, comme en témoigne le cas de l’archipel de Maurice.

A l’inverse, les exploitations les plus épargnées sont celles qui ont la plus grande autonomie, c’est-à-dire celles dont

les besoins en intrants sont faibles ou qui les autoproduisent. C’est ce que l’on constate au Laos ou au Maroc.

Sur ce dernier terrain, deux autres facteurs de résilience ont été révélés :

► les mécanismes d’entraide entre producteur-rices : à Ghassate et à Marrakech, l’entraide a permis l’approvisionnement en plants et semences pour le maraîchage.

► la constitution de stocks : à Asni, un stock de produits phytosanitaires naturels était disponible.

Toujours au Maroc, l’absence de besoin en intrants à cette période de l’année pour l’arboriculture a été déterminant. La société de conseil McKinsey & Company montre aussi que si l’Afrique de l’Ouest a été globalement épargnée par

les chocs liés aux intrants, c’est parce que la crise est survenue après les principales saisons de plantations : les producteur-rices utilisant des intrants extérieurs ont pu se les procurer avant que le commerce n ’en soit trop

perturbé.

La réduction des risques peut tenir à la nature du système agricole, mais aussi, comme au Sénégal, passer par des politiques de soutien aux producteurs. Cependant, en plus de ne pas être durable, cette solution est parfois

difficilement applicable en temps de crise économique. Ibrahima Coulibaly, président du Réseau des organisations paysannes et des producteurs agricoles de l’Afrique de l’Ouest (Roppa), a exprimé ses craintes à ce sujet : « Nos

Etats ont énormément investi dans les mesures de lutte contre la propagation du coronavirus. […] Dans ce contexte, on se demande si les gouvernements vont pouvoir subventionner les intrants dans le secteur agricole. Depuis la crise

alimentaire de 2007-2008, ils garantissent une subvention à hauteur de 50 % du coût de ces intrants. Mais pour l’instant, rien n’a été annoncé, et cela nous inquiète sérieusement ».

encore selon la FAO, c’est toute l’Afrique de l’Est qui pourrait connaître une crise de la faim face à l’invasion de

criquets qui s’y déroule, alors que la réduction du trafic aérien a multiplié par trois le coût de transport des pesticides importés, dont ceux nécessaires pour combattre ce nuisible. En Afrique de l’Ouest et du Centre, l’Association pour la

promotion de l’élevage au Sahel et en savane (APESS) soulignait aussi, en avril, les risques encourus par les filières agropastorales. Au Burkina Faso, on observait une indisponibilité des semences de qualité destinées aux cultures

fourragères, ce qui laissait entrevoir une baisse de la production fourragère future, c’est-à-dire une situation périlleuse pour les éleveur-euses.

Page 7: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

3

Effets 2

Bibliographie

APESS, Note d’analyse des premiers impacts de la pandémie du COVID

19 sur les Exploitations Familiales Agropastorales membres de l’APESS, 30 avril 2020

MA. Carré, « En situation de pandémie, la question de l’autonomie protéique en alimentaire animale de la France », Réussir, 6 mai 2020

C. Clément, « Covid-19, Paroles d’éleveurs », Terre-net Media, le 19 avril 2020

Commission Européenne, Short term outlook for EU agricultural markets in 2020, avril 2020

A. Faivre, « Ibrahima Coulibaly : “L’agriculture à petite échelle peut nourrir nos pays” », Le Point, 29 mai 2020

J. Ombuor, « Africa’s smallholders to bear the brunt of COVID-19 »,

SciDev.Net, 25 mai 2020.

G. Pais, K. Jayaram and A. van Wamelen, « Safeguarding Africa’s food

systems through and beyond the crisis », McKinsey & Company, 5 juin 2020

J. Schmidhuber, J. Pound et B. Qiao, COVID-19: Channels of transmission to food and agriculture, Rome, FAO, 2020

Page 8: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

1

Effets 3

Effets de la crise Covid-19 sur… 3. La production

DE QUOI PARLE-T-ON ?

La production désigne à la fois les produits

agricoles issus des exploitations (qu’ils soient d’origine végétale, comme les céréales, ou

animale, comme la viande ou le lait) et les processus mis en œuvre par celles-ci pour

obtenir ces produits. Ces processus s’inscrivent dans des systèmes de culture ou d’élevage, qui

déterminent la manière dont sont agencées dans l’espace et dans le temps les différentes

pratiques (itinéraires techniques, etc.).

QUELS CHANGEMENTS DANS NOS TERRAINS D’INTERVENTION ?

Juillet/Août

2020

De manière générale, ce sont plutôt des perturbations concernant les facteurs de production (en amont) et

l’écoulement des produits (en aval) qui ont pu perturber la production, en termes de volume et de diversité :

► Arrêt de certains produits en raison de l’absence de demande : au Sénégal, les exploitations ont temporairement cessé de produire de la laitue et de l’oseille, des aliments habituellement consommés lors des cérémonies religieuses ou familiales, interrompues par le confinement.

► Baisse des volumes de production, et cela pour deux raisons :

(i) la raréfaction des facteurs de production - cf. effets 1 et 2 : dans la région de Marrakech (Maroc), c’est à cause d’un manque de main-d’œuvre que la production maraîchère a légèrement baissé.

(ii) le manque de débouchés - cf. effets 4 : au Brésil, la réduction des débouchés a été un des motifs de la baisse de la production, couplée parfois à une baisse du temps de travail sur les parcelles. Dans le

Vakinankaratra (Madagascar) la production de lait a baissé à la suite d’une chute de près de 50 % des prix de vente. Le Cirad l’explique par l’interruption brutale de la demande urbaine sur la Grande Ile amenant beaucoup

d'exploitations à réduire leurs activités (réduction des rations apportées) voire même à les suspendre (vente du cheptel). A Bali (Indonésie), les exploitations ont produit moins de radis, navets ou encore laitues, des

produits normalement consommés par les touristes.

Dans d’autres pays, il n’y a pas eu d’impact majeur sur le niveau de production : c’est le cas du Maroc (excepté le problème de main-d’œuvre à Marrakech), ainsi que du Laos, du Cambodge et du Vietnam. En Haïti, s’il y a bien eu une

baisse de la production, elle semble bien davantage liée à la sécheresse qu’à la crise sanitaire.

Il semble naturel que la production n’ait pas été touchée immédiatement dans la plupart des cas : les cultures étaient

déjà préparées, et personne n’a pu anticiper la crise. La production n’a baissé que dans des cas de chocs importants à l’amont ou à l’aval. Mais on ne saurait exclure la possibilité de futures baisses, liées aux difficultés d’ordre

économiques que rencontrent désormais les exploitations.

Combinaison de

facteurs de production (terre,

travail, capital)

Destination :

autoconsommation, intra-

consommation, commercialisation

Production

Cf. effets 1 et 2 Cf. effets 3 et 4

Des changements positifs… Des changements négatifs...

Les activités des exploitations agricoles dans nos terrains d’intervention ont été assez peu perturbées par la crise.

Au Brésil, on a parfois observé une diminution du

temps de travail sur les parcelles, par un double effet : la peur de ne pas trouver de débouchés d’une part, et

de l’autre, le temps passé à organiser la logistique pour écouler la production avec des livraisons directes

aux consommateurs. A Maurice, on a constaté aussi bien une augmentation du temps de travail sur les

parcelles, à cause du coût trop important de la main-d’œuvre, qu’en dehors, avec la recrudescence des vols

de légumes qui rend nécessaire le gardiennage.

Le temps de travail a augmenté au Sénégal, mais d’une

façon plus « positive » : les producteurs ont davantage de temps à consacrer aux cultures avec l’arrêt des

marchés hebdomadaires et des cérémonies traditionnelles. On note le même effet en Haïti, où

presque toutes les autres activités habituelles ont été interrompues.

Page 9: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

2

Effets 3

Au Sud : L’Association pour la promotion de l’élevage au Sahel et en savane (APESS) a relevé de sévères

perturbations du calendrier agricole au Bénin, au Niger et en Mauritanie, où cette période est censée être celle des cultures de contre-saison. Au Niger, au Mali, au Tchad et au Burkina Faso, la production aurait justement diminué

pour les cultures de contre-saison : fruits, légumes et fourrages. La production agricole aurait également baissé au Cameroun. Au Burkina Faso, la cueillette des mangues a été ralentie du fait d’une baisse de la demande.

Au Nord : Dans les pays du Nord, les exploitations agricoles ont pour la plupart continué à travailler de la même façon, n’étant pas soumises à des restrictions concernant leur activité. En France, par exemple, les éleveurs de

bovins déclarent que le coronavirus n’a pas eu d’impact sur leur travail. Les problèmes rencontrés ont surtout été ceux liés à la main-d’œuvre notamment pour les récoltes de fruits et légumes - cf. effets 1, mais aussi à des

difficultés d’écoulement de certains produits du fait de baisses de la demande, notamment dues à la fermeture des bars et restaurants – cf. effets 4. Cela a parfois entrainé des pertes (cas du lait en Arizona) et des réductions temporaires de la production.

QUELS CHANGEMENTS OBSERVES AILLEURS ?

COMMENT EXPLIQUER LES DIFFERENCES D’EFFETS SUR LES EXPLOITATIONS ?

Les différences d’effets sur les exploitations en termes de production (quantité, qualité, diversité) sont liées au

niveau de dépendance aux facteurs de production et à certains débouchés réduits par la crise :

► En amont de la production, comme vu dans les fiches effets 1 et 2, les exploitations les plus touchées sont celles étant les plus dépendantes des facteurs externes (notamment venant de l’étranger), qu’il s’agisse de la main-d’œuvre ou des intrants.

► En aval de la production, les exploitations les moins diversifiées en termes de produits et de canaux de commercialisation (courts ou longs, de proximité ou étendus) ont été les plus impactées et ont parfois dû diminuer leur production ou subir des pertes.

L’agriculture bénéficie toutefois d’un certain « effet d’exception », qui explique qu’elle soit relativement épargnée par rapport à d’autres secteur. Premièrement, la demande alimentaire est assez peu élastique, car tout le monde a

besoin de se nourrir même en temps de crise. Deuxièmement, le transport international des marchandises se fait essentiellement par voie maritime et en vrac, un processus largement automatisé et moins touché que, par exemple,

le transport aérien dans les soutes des avions de passagers. Troisièmement, la division internationale du travail est beaucoup moins complexe pour les produits agricoles que pour des produits supérieurs.

La sensibilité variable des pays du Sud aux chocs sur la production agricole La FAO a construit un indicateur synthétique pour évaluer la vulnérabilité des pays aux chocs sur la production

agricole, en prenant en compte quatre variables : la part des consommations intermédiaires dans la production agricole totale (dépendance aux intrants), la quantité de capital fixe par employé agricole (dépendance au capital

fixe), le niveau de production par travailleur (dépendance à la main-d’œuvre), et la part des produits agricoles dans les exportations (dépendance aux exportations agricoles). Le constat est clair : mis à part quelques pays ayant

adopté un système agricole plus industriel, ou trop dépendants des exportations agricoles, les pays du Sud sont globalement moins sensibles que ceux du Nord en cas de choc du côté de la production. Mais leur vulnérabilité

est bien plus importante du côté de la consommation - cf. effets 5.

1 En Haïti, la part d’intrants utilisés ramenée au niveau total de la production est faible, ce qui traduit un modèle

agricole peu intense en intrants d’origine externe. La production est donc peu sensible aux pénuries ou aux hausses de prix des intrants. 2 Plus généralement, l’offre semble en moyenne peu susceptible d’être affectée par des chocs

(en prenant en compte les chocs sur la main-d’œuvre, le capital fixe et les exportations).3En revanche, les consommateur-trices haïtiens sont vulnérables face aux chocs, notamment en raison de la dépendances à l’import.

Haïti Brésil Maroc Séné-gal

Ga-bon

Mada-gascar

Mau-rice

Laos Cam-bodge

Viet-nam

Indo-nésie

Vulnérabilité aux chocs liés à l’intensité en intrants Faible1 Plutôt

élevée Plutôt élevée Faible Plutôt

élevée Faible Plutôt élevée Faible Plutôt

faible Plutôt faible

Plutôt faible

Vulnérabilité aux chocs liés à l’intensité en capital fixe Faible Plutôt

élevée Plutôt faible Faible Plutôt

élevée Faible Plutôt élevée Faible Faible Faible Plutôt

faible Vulnérabilité aux chocs liés

à l’intensité en travail Elevée Plutôt faible

Plutôt élevée Elevée Plutôt

élevée Elevée Plutôt faible Elevée Elevée Ele-

vée Plutôt élevée

Vulnérabilité aux chocs liée à la part d’export. agricoles

Plutôt faible Elevée Plutôt

élevée Plutôt élevée Faible Elevée Elevée Plutôt

élevée Plutôt faible

Plutôt faible

Plutôt élevée

Vulnérabilité globale de la production agricole aux

chocs Faible2 Elevée Plutôt

élevée Plutôt faible

Plutôt faible

Plutôt faible Elevée Plutôt

faible Plutôt faible

Plutôt faible

Plutôt faible

Vulnérabilité globale des

consommateurs aux chocs Elevée3 Faible Plutôt faible Elevée Plutôt

élevée Elevée Elevée Plutôt élevée

Plutôt élevée

Plutôt faible

Plutôt élevée

Page 10: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

3

Effets 3

Bibliographie

APESS, Note d’analyse des premiers impacts de la pandémie du COVID 19 sur les Exploitations Familiales Agropastorales membres de l’APESS, 30 avril 2020 S. Audouin et al., « Covid-19 & Sécurité alimentaire | A Madagascar, le lait ne s’écoule plus », CIRAD, 28 mai 2020 C. Clément, « Covid-19, Paroles d’éleveurs », Terre-net Media, le 19 avril 2020 J. Schmidhuber, J. Pound et B. Qiao, COVID-19: Channels of transmission to food and agriculture, Rome, FAO, 2020

Page 11: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

1

Effets 4

Effets de la crise Covid-19 sur… 4. La commercialisation

Les produits d’une exploitation agricole peuvent être destinés à : (i)

l’autoconsommation, dans ce cas les produits sont consommés par la famille

ou donnés, (ii) l’intraconsommation, les produits sont alors utilisés comme

intrants (semences…), (iii) la commercialisation, les produits sont

vendus.

QUELS CHANGEMENTS DANS NOS TERRAINS D’INTERVENTION ?

Juillet/Août

2020

L’écoulement des produits agricoles a été affecté par la crise sur une majorité des terrains d’intervention d’Agrisud,

de différentes façons :

❶ Difficultés d’accès aux marchés : dans beaucoup de pays, l’accès aux marchés a été perturbé par les diverses

restrictions de rassemblement et de déplacement. D’une part, les restrictions sur les transports et autres politiques de confinement compliquent souvent l’acheminement des marchandises. Dans certains pays le transport de produits

agricoles se fait via les réseaux de transport de personnes qui ont été mis à l’arrêt. D’autre part, certains lieux de ventes ont été ouverts moins fréquemment, voire totalement fermés (Brésil, Laos). L’Institut international de

recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) a relevé le cas des commerces informels urbains, très menacés par les mesures de confinement alors qu’ils représentent parfois un débouché important.

❷ Baisse de la demande : la demande a souvent diminué à cause de la peur de la maladie, des pertes de revenus ou

de l’arrêt du tourisme. Ces baisses de la demande ne touchent pas tous les produits uniformément, pour deux

raisons :

► en cas de baisses de revenus, les ménages renoncent en premier lieu aux denrées les plus chères comme la viande, les produits laitiers, les fruits et les légumes. Ce mécanisme, rappelé par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) dans un rapport, peut être observé à Madagascar ou au Maroc.

► sur presque tous nos terrains, les exploitations subissent l’absence des touristes, qui peuvent être un débouché important pour certains produits « supérieurs » ou peu consommés par la population locale. Les hôtels et restaurants ont fermé leur portes et diminué ou interrompu leurs commandes en produits frais.

Ces différentes perturbations, au niveau de l’accès aux marchés et de la demande, ont eu deux principaux types de

conséquences :

❸ Variation des prix : nous avons noté quelques variations de prix, majoritairement à la baisse. C’est le cas à

Maurice, à Madagascar, au Vietnam, dans la région de Luang Prabang au Laos, et sur l’île de Bali en Indonésie. Mais la rareté de certains produits, dans certaines régions, a aussi pu provoqué des hausses de prix. Il s’agit

principalement de denrées qui ne sont pas produites localement. Ces hausses de prix n ’ont pas bénéficié aux exploitations mais ont plutôt été engendrées par le relèvement des prix des barrières douanières, des coûts

logistiques supplémentaires ou par la spéculation de certains intermédiaires.

❹ Augmentation pertes : dans des cas plus rares, l’impossibilité de transporter les marchandises ou la réduction

brutale de la demande se sont même soldées par des pertes. Ces pertes ont également être pu constatées au niveau

des intermédiaires.

Produits

DE QUOI PARLE-T-ON ?

Consommateur-

rice final-e

Plusieurs agencements possibles pour la commercialisation :

0 ou 1 intermédiaire

= circuit court

Intermédiaires :

transformateur-ices, transporteur-euses,

commerçant-es...

Page 12: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

2

Effets 4

QUELS CHANGEMENTS OBSERVES AILLEURS ?

Ci-dessous, nous avons répertorié quelques effets de la crise observés (non exhaustif) dans certains pays

d’intervention d’Agrisud :

Haïti

Sénégal

Madagascar ❶ Difficultés d’approvisionnement des marchés : le Cirad évoquait notamment le 28 mai la

situation périlleuse des exploitations laitières du Centre de l’île, qui vendent habituellement la moitié de leur production à la capitale, Antananarivo.

❸ Baisse des prix à la campagne : les produits se sont trouvés abondants, faute d’acheteur-

euses de gros volumes : le prix du lait a été réduit de moitié en Vakinankaratra, et ceux des pois de terre et haricots ont chuté jusqu’à 60 % en Itasy. Dans la même région, le quotidien Midi

Magasikara notait le 9 avril que la récolte de carottes avait été bradée.

❹ Produits périssables jetés : notamment le lait et les légumes. Midi Madagasikara cite aussi le

cas des oranges, trop chères pour être toutes vendues à la population locale, paysanne.

Vietnam

❷ Baisse de la demande : comme la volaille ou les poissons d’élevage, en raison de la

fermeture des établissements liés au tourisme.

❸ Baisse du prix des denrées périssables : jusqu’à 50 % dans les régions les plus

touristiques, notamment pour les fruits et légumes.

❹ Produits périssables jetés : comme des truites et des esturgeons, appréciés des touristes,

ainsi que certains fruits et légumes, perdus faute de capacités de stockage.

❶ Maintien de la commercialisation malgré les restrictions d’ouvertures des marchés de

grande ampleur : le Nouvelliste, quotidien haïtien, notait le 29 mai qu’il était impossible aux ménages de se passer des marchés faute de capacités de stockage.

❸ Augmentation des prix : à cause de la sécheresse et de l’inflation générale provoquée par la

crise.

❶ Restrictions d’ouverture des marchés permanents : fermés certains jours pour être

désinfectés. De plus, l’accès aux marchés a été compliqué par l’arrêt des transports.

❸ Valorisation des produits agro-écologique difficile : il y a eu peu de baisses de prix à

proprement parler, mais les exploitations touchées par la fermeture des hôtels et restaurants

(et notamment du Club Med de Cap Skirring) sont contraintes de vendre leur production moins chère sur les marchés, car la qualité y est moins valorisée.

Zoom sur les nouveaux débouchés

Là où la crise a diminué les débouchés, les producteur-rices ont parfois écoulé leurs produits par de nouveaux moyens. Au Brésil, des exploitations ont aussi bénéficié d’achats par des ONG qui les distribuent aux populations vulnérables. A Madagascar, nos équipes ont observé la « débrouille » dont elles faisaient preuve pour acheminer leurs produits vers les marchés ou les routes principales avec les seuls moyens de transport à disposition : motos, vélos… A Ghassate, au Maroc, faute de souk, les produits maraîchers ont été vendus à des marchands ambulants et auto-entreprises d’achat-revente, et quelques animaux d’élevage directement aux particuliers. Enfin aussi bien au Brésil qu’à Maurice ou au Cambodge, nos équipes ont noté un engouement pour les livraisons directes de produits agricoles à domicile.

Au Sud :

❶ Dans de nombreux pays, des marchés ont été fermés en partie ou entièrement.

❷ La demande a pu chuter assez fortement dans ces pays du fait de la perte d’emplois, en particulier dans le

secteur informel, et donc de la diminution du pouvoir d’achat - cf effets 5.

❸ Au Kenya, comme à Madagascar, le prix du lait s’est effondré, passant de 46 centimes de dollar américain le litre

à 27, selon SciDev.Net. France Info évoque de son côté le cas préoccupant des Peuls au Sénégal, un peuple de

Page 13: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

3

Effets 4

pasteurs qui pratiquent habituellement la transhumance. Empêchés de rejoindre des régions où les pâturages sont

abondants, mais aussi d’accéder aux marchés régionaux officiels, fermés, les Peuls vendent leurs animaux sur des marchés illégaux où les prix sont beaucoup plus faibles. Parfois, ils sont contraints de se séparer de bétail de bonne

qualité pour satisfaire leurs besoins immédiats. Plus largement, pour toute la filière agropastorale en Afrique de l’Ouest et du Centre, l’Association pour la promotion de l’élevage au Sahel et en savane (APESS) note un paradoxe :

les prix de vente pour les éleveur-euses ont beaucoup diminué, mais les prix à l’achat pour les consommateur-rices ont généralement augmenté dans le même temps. En fait, avec les restrictions de déplacement et autres

confinements, le nombre de revendeur-euses a baissé créant une situation monopolistique, de plus les coûts de transaction ont augmenté faisant ainsi augmenter les prix.

❹ Pour ce qui est des pertes, CCFD-Terre solidaire prend l’exemple des pommes de terre en Guinée, laissées dans

les champs ou pourries faute de débouchés.

Au Nord :

❶ L’Union Européenne a rapidement pris des mesures pour assurer la disponibilité des produits et des services

essentiels, malgré la fermeture des frontières et les restrictions de déplacement.

❷ La demande a chuté moins fortement que dans les pays en développement, car le niveau de vie élevé et les

politiques de protection sociale permettent aux ménages de maintenir leur consommation alimentaire, voire de

constituer des stocks, malgré l’arrêt de certains pans de l’économie. Les filières les plus touchées en Europe par une baisse de la demande sont celles des produits à haute valeur ajoutée, les produits d’origine animale ou les produits

destinés à l’exportation. En France, ce sont les filières liées au tourisme ou aux évènements festifs qui ont été les plus touchées. Avec la fermeture des bars et restaurants et une baisse de la consommation en supermarché, la

filière viticole française a particulièrement été touchée par la crise. Des aides à la distillation de crise ont été mises en place pour aider les viticulteurs à écouler leurs stocks non-vendus. Aux Etats-Unis, la filière laitière en Arizona a

été très touchée entre mars et avril par la fermeture des lieux de restauration collective, la baisse de la demande des ménages, et un retard dans les exportations vers le Mexique.

❸ Les exploitations tournées vers les exportations ont connu les mêmes difficultés liées aux baisses de prix que

partout ailleurs - voir zoom ci-dessous.

❹ En raison des baisses de la demande une partie de la production a dû être jetée (cas du lait en Arizona) ou

utilisée différemment (cas du vin en France transformé en alcool) .

Zoom sur l’export

Rarement tournées vers les exportations, les exploitations agricoles familiales auprès desquelles intervient Agrisud sont peu à même d’être affectées par les chocs sur les marchés agricoles mondiaux. Seuls quelques cas de ce type ont été relevés. Au Cambodge, les exportations de riz ont été coupées lors de la fermeture provisoire des frontières. En Anosy, dans le Sud de Madagascar, l’accès aux intermédiaires pour les produits destinés aux exportations s’est trouvé compliqué : on a donc constaté une baisse des prix pour le café robusta, qui pourrait toucher également la baie rose. Heureusement, les exploitations sont diversifiées. Dans d’autres pays, certaines cultures sont en partie destinées à l’exportation, mais la crise ne coïncide pas avec la période des ventes : c’est ce qui a été relevé au Laos, ainsi qu’au Maroc pour la production oléicole près de Skoura. Hors des terrains d’intervention d’Agrisud, dans des systèmes tournés largement vers l’exportation, des chocs bien plus importants se sont fait sentir. Le Monde notait le 28 mai une forte baisse des exportations de caoutchouc et de noix de cajou en Côte d’Ivoire. Un autre article, du 1er juin, fait pourtant état de la porosité des frontières du pays, malgré la décision des autorités de la fermer. Le problème principal est, en fait, l’écroulement de la demande en Europe et Amérique du Nord, identifiée par le Cirad. Selon l’Organisation des Nations unies, plus généralement, la crise a suscité une baisse générale de la demande de produits primaires africains. Cette demande amoindrie se répercute sur les prix. Ainsi, la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (UNECA) a relevé la baisse des cours du café, du thé et du cacao. Au niveau global, dans son dernier rapport biannuel sur les marchés alimentaires mondiaux, le 10 juin, la FAO mentionnait certains chocs majeurs tels que l’effondrement des prix de la viande et celui de la demande de produits laitiers. En plus d’un effet sur la demande, la Commission européenne note que les flux de marchandises ont été perturbés par les mesures d’hygiène imposées (moins de containers, moins de trajets non essentiels économiquement…), ce qui a augmenté les coûts de transport et de logistique - cf annexe1.

Page 14: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

4

Effets 4

Bibliographie

Adeline Haverland, La filière viticole dresse le bilan économique de l'épidémie de Covid-19, L’usine Nouvelle, 5 juin 2020. APESS, Note d’analyse des premiers impacts de la pandémie du COVID 19 sur les Exploitations Familiales Agropastorales membres de l’APESS, 30 avril 2020. S. Bennett, « Arizona dairy farmers forced to dump milk during coronavirus pandemic », Fox News, 13 avril 2020. Cirad, « Covid-19 & Sécurité alimentaire | A Madagascar, le lait ne s’écoule plus », 28 mai 2020. Cirad, « Covid-19 & Sécurité alimentaire | Comment la Côte d’Ivoire protège ses systèmes alimentaires locaux », 21 avril 2020. Commission Européenne, Short term outlook for EU agricultural markets in 2020, avril 2020 FAO, Food Outlook : Biannual Report on Global Food Markets, 10 juin 2020. France Info, « Le coronavirus touche durement la vie des Peuls du Sénégal », 7 juin 2020. J. Ombuor, « Africa’s smallholders to bear the brunt of COVID-19 », SciDev.Net, 25 mai 2020. Y. Gourlay, « En Côte d’Ivoire, travailleurs et commerçants se jouent de la fermeture des frontières », Le Monde Afrique, 1er juin 2020. P. Piro, « La pandémie de coronavirus amplifie la crise alimentaire au Sud », CCFD-Terre solidaire, 22 mai 2020. D. Resnick, « COVID-19 lockdowns threaten Africa’s vital informal urban food trade », IFPRI, 31 mars 2020. L. Savoye, « Cacao, noix de cajou, caoutchouc : comment se portent les filières fers de lance de l’agriculture ivoirienne ? », Le Monde Afrique, 28 mai 2020. UN, Impact of COVID-19 in Africa, 20 mai 2020. UNECA, Le COVID-19 en Afrique : Sauver des vies et l’économie, juin 2020.

COMMENT EXPLIQUER LES DIFFERENCES D’EFFETS SUR LES EXPLOITATIONS ?

La crise ne semble pas perturber toutes les exploitations de la même façon en ce qui concerne la

commercialisation.

► Les exploitations tournées uniquement vers les marchés éloignés (exportation notamment) sont plus vulnérables. Les autorités locales peuvent décider de rendre plus ou moins strictes des mesures sur les marchés locaux mais elles ont très peu d’emprise sur la demande internationale. Par exemple, en Côte d’Ivoire, le

Cirad relevait le 21 avril que le gouvernement avait décidé de maintenir les marchés ouverts en y faisant respecter des règles d’hygiène, permettant aux produits de continuer à s’écouler. Il lui est bien moins aisé de garantir une activité normale aux exploitations qui vivent de l’export. Or, selon le Monde, les seules productions

de cacao, noix de cajou et caoutchouc représentent 14 % du PIB du pays et sont largement exportées.

► Les exploitations engagées uniquement dans un circuit court sont plus vulnérables. Faisant intervenir moins d’intermédiaires, on pourrait penser que les circuits courts sont plus sûrs. Pour autant, la crise a touché les exploitations vendant en direct aux restaurants et hôtels, du fait de la fermeture de ceux-ci.

► Les exploitations peu diversifiées (et en particulier produisant uniquement des produits à haute valeur ajoutée) sont plus vulnérables. Au Nord comme au Sud, les produits à haute valeur ajoutée (viande, lait, légumes, fruits…) moins essentiels que les produits de base ont été affectés les premiers par une baisse de la demande, à

l’image des oranges malgaches trop chères pour trouver preneur parmi les populations rurales. A cela s’ajoute les produits liés principalement au tourisme, aux évènements festifs, etc. Des cas de chocs sur la demande liés à

l’arrêt du tourisme ont été observés dans la quasi-totalité des pays où intervient Agrisud : Brésil, Maroc, Sénégal, Madagascar, Maurice, Laos, Cambodge, Vietnam et Indonésie.

Enfin, deux derniers critères peuvent expliquer l’impact plus fort de la crise sur certaines productions : la nature périssable du produit, qui nécessite de trouver un débouché rapidement, et la coïncidence de la crise avec la

période des ventes. Ainsi au Maroc, peu de problèmes ont été notés à Skoura où est produite de l ’huile de l’olive, et à Asni où la saison des récoltes ne débute qu’en juillet.

Page 15: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

1

Effets 5

Effets de la crise Covid-19 sur… 5. La consommation

DE QUOI PARLE-T-ON ?

La consommation d’un produit agricole

désigne à la fois son acquisition et l’utilisation qui en est faite par l’acquéreur.

Si le produit est utilisé dans le cadre d’une autre production, il s’agit de consommation

intermédiaire. Sinon, il s’agit de la consommation finale qui sert directement à

la satisfaction d’un besoin, ici nous nous intéressons plus particulièrement aux

besoins alimentaires.

QUELS CHANGEMENTS DANS NOS TERRAINS D’INTERVENTION ?

Juillet/Août

2020

Définition de la sécurité alimentaire et nutritionnelle : « Situation

dans laquelle tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique, social et économique à une nourriture saine

dont la quantité consommée et la qualité sont suffisantes pour satisfaire les besoins énergétiques et les préférences

alimentaires des personnes, et dont les bienfaits sont renforcés par un environnement dans lequel l’assainissement, les services

de santé et les pratiques de soins sont adéquats, le tout permettant une vie saine et active ».

DISPONIBILITE Systèmes de production et de distribution efficaces

ACCESSIBILITE Physique, sociale, économique

ADEQUATION Aux besoins alimentaires, à la culture...

Baisse généralisée des revenus des ménages

Ou diminution...

Affectant largement l’économie mondiale, la crise n’a pas épargné les terrains d’intervention d’Agrisud, où les

revenus des ménages ont diminué comme partout ailleurs. A Madagascar, l’un des pays les plus pauvres du monde, le Groupe initiatives dont fait partie Agrisud note que la crise a réduit jusque de moitié le budget alimentaire des

ménages urbains et précaires. Une telle baisse ne peut pas être sans conséquence pour la quantité et la qualité de l’alimentation. Nos équipes ont noté une augmentation du chômage en Haïti, au Brésil, au Sénégal, à Madagascar, au

Cambodge, au Laos et au Vietnam. Certains secteurs ont été particulièrement touchés, à commencer par le tourisme : des baisses d’activité très significatives ont été observées dans les trois pays d’Asie du Sud-Est, tout

comme sur les îles d’Haïti et de Maurice. L’industrie laotienne ou les activités de service marocains ont aussi subi sévèrement la crise. En Haïti, on relève aussi une forte diminution des transferts monétaires depuis l’étranger.

Toutes ces baisses de revenus affectent le pouvoir d’achat : par exemple, selon un article du Monde daté du 11 juin, près de 80 % des Brésiliens disent limiter leurs achats à l’essentiel.

Mais dans d’autres cas, les prix ont baissé face à la

baisse de la demande. A Skoura (Maroc), la viande est devenue plus abordable avec l’annulation des

cérémonies et autres réunions où elle est traditionnellement consommée. Le même phénomène

a été observé à Marrakech, ainsi qu’à Bali en Indonésie pour le porc et le poulet. Au Vietnam, les prix des

produits locaux périssables ont généralement baissé.

Augmentation localisée des prix alimentaires...

Au Cambodge, les prix ont augmenté au début de la

crise seulement, au moment où les importations ont été interrompues, avant que ne se constitue un

« marché parallèle » d’import. A Maurice, les prix ont connu une forte hausse pendant le confinement, avant

de retrouver leur niveau habituel. Les importations restent chères, à commencer par les produits laitiers.

Au Maroc, à Skoura, on a noté une hausse du prix des fruits et légumes à cause des coûts supplémentaires

pour les commerçants. C’est en Haïti que la situation est la plus préoccupante : du fait de la fermeture de la frontière avec la République dominicaine, les prix des

denrées de base, principalement importées, ont flambé (riz, huile, farine...). Le Nouvelliste, un

quotidien national, relatait le 2 juin l’impossibilité pour les ménages les plus vulnérables de se procurer de la

nourriture, pas faute de disponibilité mais à cause de prix prohibitifs.

Effets sur l’accessibilité économique de l’alimentation

Page 16: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

2

Effets 5

Au Sud : beaucoup de pays du Sud ont connu, souvent brièvement, des pénuries et des hausses de prix au début de

la crise. Ces chocs ont notamment touché les populations urbaines, selon le Programme alimentaire mondial (PAM), et les denrées périssables ou importées. IPES-Food explique, par exemple, que le confinement imposé au

Ghana a fait bondir de 20 à 33 % le prix des denrées de base. Au Mali, selon le Point, les fruits et légumes se sont faits rares dans les villes, et le prix des pommes de terre a doublé début mars. En Côte d’Ivoire, selon le Cirad, les

problèmes de transports ont empêché l’accès dans certaines régions à l’huile, au sucre, ou aux poissons de mer venus de la côte ou des villes. Le riz a été l’un des produits les plus concernés par les problèmes de disponibilité et

de prix, à cause des restrictions imposées par de gros exportateurs comme l’Inde, le Vietnam et le Myanmar.

Mais c’est surtout les pertes de revenus et la précarité qui pourraient atteindre la sécurité alimentaire de ces pays.

L’Organisation internationale du travail (OIT) évoquait notamment, le 29 avril, une baisse de 80 % du temps de travail dans le secteur informel en Afrique et en Amérique du Sud. Dans un article du mois de mai, le Monde montrait que la récession pourrait durablement affecter les régimes des plus vulnérables qui vont rediriger leurs achats vers des

denrées plus abordables mais moins diversifiées et nutritives.

Au Nord : malgré les scènes de panique et les images de rayons vides, l’Europe n’a pas connu de véritable pénurie

alimentaire. Peu avant l’annonce du confinement en France, le 9 mars, l’hebdomadaire Marianne rapportait une demande doublée sur certains produits, tels que les pâtes ou le poisson en boîte de conserve. Mais ces

perturbations ont peu duré. Plus largement, la plupart des pays du monde ont échappé aux pénuries, en tout cas sur les produits de base, notamment grâce à des conditions assez favorables pour l’agriculture. La FAO annonçait par

exemple, le 2 juillet, une prévision de croissance de 3 % pour la production céréalière mondiale, avec un spectaculaire 13,2 % pour l’Amérique du Nord, mais aussi 1,8 % pour l’Amérique centrale, 1,4 % pour l’Asie, 0,9 % pour

l’Afrique et 0,4 % pour l’Amérique du Sud. Les effets de la crise sanitaire semblent donc en partie atténués.

Si la disponibilité de la nourriture semble globalement maintenue, il en va autrement de l’accessibilité, notamment

économique. Dans de nombreux pays, des pans entiers de l’économie ont cessé de fonctionner et les ménages ont ainsi perdu des revenus. Au niveau mondial, l’OIT a calculé une baisse de 5,4 % du nombre d’heures travaillées au

premier trimestre 2020, et de 14,0 % au deuxième trimestre. Lors de ce deuxième trimestre, le temps travaillé a diminué notamment dans les pays développés : 15,7 % en Europe du Nord, du Sud et de l’Ouest et 15,3 % en Amérique du Nord. Selon le CCFD-Terre Solidaire, l’insécurité alimentaire a augmenté dans ces pays. Les banques

alimentaires font en effet face à un afflux de la demande, en augmentation de 25 à 30 % en Europe de l’Ouest. La qualité des régimes alimentaires peut se voir aussi diminuée, selon IPES-Food, les personnes vulnérables se

tournant vers des produits transformés, souvent moins onéreux.

QUELS CHANGEMENTS OBSERVES AILLEURS ?

COMMENT EXPLIQUER LES DIFFERENCES D’EFFETS SUR LES CONSOMMATEURS ?

Deux déterminants majeurs permettent d’expliquer pourquoi la crise n’a pas le même impact pour les

consommateurs sur tous les terrains :

► la dépendance à un approvisionnement alimentaire venu de l’extérieur,

► les caractéristiques structurelles de la plupart des pays du Sud, notamment la pauvreté, le manque d’infrastructures et de services de bases, l’absence de mesures de protection sociale…

Au niveau des pays, la dépendance aux importations agricoles peut se révéler dangereuse de plusieurs façons.

D’une part, quand le commerce international est empêché, la disponibilité de la nourriture peut se trouver menacée. Les restrictions aux exportations agricoles ont ainsi touché un certain nombre de pays importateurs, comme le

montrent les données recueillies par l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI). Les effets de ces restrictions ont été assez concentrés sur quelques pays, notamment en Asie centrale : au Tadjikistan,

les importations empêchées par les restrictions ont représenté jusqu’à 79 % des calories qui auraient dû être importées. En Afrique ou en Asie du Sud-Est, autres régions les plus touchées, ce chiffre a rarement excédé les 20 %.

Heureusement, la plupart des restrictions ont été éphémères et il n’en reste presque plus d’actives (en juillet 2020).

Effets réduits sur la disponibilité des produits alimentaires

La disponibilité des produits n’a été modifiée que dans des cas assez marginaux. A titre d’exemple, selon le

quotidien marocain Al Bayane, 93 % des ménages du Royaume disaient trouver de tous les produits de base en quantité suffisante au cours d’une enquête réalisée en avril pendant le confinement. Il y a eu à Maurice et en Haïti

quelques pénuries pour des produits importés spécifiques, mais aucune sur des denrées de base. Des pénuries ont aussi été observées dans le Sud de Madagascar, dans la région de Fort Dauphin, dépendante des autres régions

pour certaines productions. A Viengkham au Laos, seuls quelques produits en provenance de Luang Prabang se sont faits rares, et la fermeture des frontières aux importations a été bien trop brève pour menacer l’approvisionnement

alimentaire.

Page 17: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

3

Effets 5

D’autre part, les crises poussent généralement les investisseurs à se réfugier dans des « monnaies refuges », en tête

desquelles le dollar américain. Cela se traduit par une dépréciation des autres monnaies, qui joue défavorablement sur la balance extérieure des pays qui les émettent, s’ils importent plus qu’ils n’exportent. Le rapport biannuel sur les

marchés alimentaires mondiaux, publié par la FAO le 10 juin, comporte une liste des pays importateurs nets ayant vu leur monnaie se déprécier face au dollar. La plupart se situent en Asie centrale et en Afrique. Les terrains d’Agrisud

sont plutôt épargnés, sauf Maurice : la roupie mauricienne a perdu près de 10 % de sa valeur en dollar entre janvier et avril. On comprend ainsi la position peu favorable de l’archipel sur les marchés internationaux et la difficulté,

rapportée par nos équipes, d’accéder à certains produits importés.

Plus encore que la dépendance aux importations, c’est la pauvreté qui menace la sécurité alimentaire. Les

populations les plus pauvres au sein d’un même pays sont les plus à même de voir leur consommation alimentaire diminuer en cas de crise. La loi d’Engel montre que passé un certain niveau de revenu, la consommation alimentaire augmente très peu, et se fixe à un niveau presque invariable. Mais à un niveau de revenu très faible, les variations de

la demande alimentaire sont beaucoup plus sensibles aux évolutions du revenu. C ’est ce qui explique, plus que tout, la différence d’impact de la crise entre les pays du Sud et ceux du Nord. Par ailleurs, l’impact du ralentissement de

l’activité est d’autant plus grave que de nombreux pays du Sud ont un système de protection sociale peu développé. Il ne couvre pas les travailleurs d’un secteur informel encore vaste, et très perturbé par les mesures sanitaires qui le

touchent en premier lieu.

La crise sanitaire amplifie ainsi une insécurité alimentaire et nutritionnelle déjà existante dans les pays les plus

vulnérables. Mais malgré le choc sévère de la crise sur les revenus des ménages dans de nombreux pays, on n’assiste nulle part encore à une crise alimentaire telle que celle qui était survenue entre 2007 et 2008. D ’après la

FAO, on peut l’expliquer surtout par des prix globalement bas, ainsi que des stocks élevés, et une plus grande diversité des approvisionnements internationaux qui atténue les problèmes de dépendance. Mais deux indicateurs

demeurent menaçants pour les pays du Sud : le niveau élevé du chômage, et la hausse de l’endettement due à la dépréciation.

La vulnérabilité importante des pays du Sud aux choc sur la consommation La FAO a construit un indicateur pour évaluer la vulnérabilité de la consommation de produits agricoles aux chocs, par pays, en faisant la moyenne de deux valeurs : la part des dépenses alimentaires dans les dépenses totales des ménages, et la part des importations agricoles dans le total des importations. Si les pays en développement sont moins vulnérables aux chocs sur la production que les pays développés (cf. effets 3), ils sont en revanche plus exposés aux chocs sur la consommation. Toutefois, on observe des différences importantes d’un pays à l’autre, comme en témoigne ce tableau recensant les pays où intervient Agrisud. Une part importante de l’alimentation dans les dépenses reflète presque toujours un faible revenu par tête. Une part importante des produits agricoles dans les importations peut s’expliquer de plusieurs manières, par plusieurs facteurs qui limitent l’autonomie : une agriculture peu productive ou très spécialisée, un pays de petite taille ou insulaire, etc.

1 En Haïti, la part des dépenses alimentaires est importante, car le pays a le revenu par tête le plus faible d ’Amérique. 2 En outre, les produits alimentaires représentent une grande proportion des importations. 3 Globalement, le pays paraît donc très vulnérable aux chocs touchant à la consommation alimentaire. La crise que traverse le pays confirme cette analyse. 4 En revanche, la production agricole est peu sensible aux chocs.

Haïti Brésil Maroc Séné-gal

Gabon Mada-gascar

Mau-rice

Laos Cam-bodge

Viet-nam

Indo-nésie

Vulnérabilité liée à la part de

l’alim. dans les dépenses

Ele-vée1

Plutôt faible

Plutôt élevée Elevée Plutôt

faible Elevée Plutôt élevée Elevée Elevée Plutôt

faible Elevée

Vulnérabilité liée à la part de l’agri. dans les

importations

Ele-vée2 Faible Plutôt

faible Elevée Elevée Plutôt élevée Elevée Plutôt

faible Plutôt faible

Plutôt faible

Plutôt faible

Vulnérabilité globale des consommateurs aux

chocs

Ele-vée3 Faible Plutôt

faible Elevée Plutôt élevée Elevée Elevée Plutôt

élevée Plutôt élevée

Plutôt faible

Plutôt élevée

Vulnérabilité globale de la production aux chocs Faible4 Elevée Plutôt

élevée Plutôt faible

Plutôt faible

Plutôt faible Elevée Plutôt

faible Plutôt faible

Plutôt faible

Plutôt faible

Page 18: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

4

Effets 5

Bibliographie

P. Anthem, « COVID-19 : le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde risque de doubler en 2020 », PAM, 22 avril 2020. CCFD- Terre Solidaire, La pandémie de coronavirus amplifie la crise alimentaire au Sud, 22 mai 2020. Cirad, « Covid-19 & Sécurité alimentaire : les planteurs de cacao de Côte d'Ivoire craignent une baisse de leurs revenus », 7 mai 2020. A. Faivre, « Ibrahima Coulibaly : “L’agriculture à petite échelle peut nourrir nos pays” », Le Point, 29 mai 2020. FAO, Crop Prospects and Food Situation - Quarterly Global Report No. 2, 2 juillet 2020. FAO, Food Outlook : Biannual Report on Global Food Markets: June 2020, 10 juin 2020. S. Grob, « “J’ai tout dépensé pour nous protéger” : ils dévalisent les supermarchés par peur du coronavirus », Marianne, 9 mars 2020. Groupe initiatives, Les effets de la pandémie COVID-19 à Madagascar et des mesures de contrôle : des observations de terrain traduisant une crise multiforme..., 22 juin 2020. IPES-Food, Le COVID-19 et la crise dans les systèmes alimentaires : Symptômes, causes et solutions potentielles, avril 2020 D. Laborde et al., COVID-19 Food Trade Policy Tracker [catalogue de données], IFPRI, 2020. https://www.ifpri.org/project/covid-19-food-trade-policy-tracker. OIT, Observatoire de l’OIT: le COVID-19 et le monde du travail. Cinquième édition, 30 juin 2020. OIT, Observatoire de l’OIT: le COVID-19 et le monde du travail. Troisième édition, 29 avril 2020. J. Schmidhuber, J. Pound et B. Qiao, COVID-19: Channels of transmission to food and agriculture, Rome, FAO, 2020.

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1

Annexe 1

Annexe 1 Transport international de marchandises

Dans un contexte de ralentissement de l’économie au niveau mondial, le commerce international a reculé depuis le

début de l’année 2020. Après une baisse de 3% par rapport à l’année précédente au premier trimestre, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) tablait le 20 avril sur une baisse comprise entre 13 et 32% au deuxième trimestre. Le

22 juin, elle donnait une première estimation de 18,5 %, assez loin donc du scénario le plus pessimiste.

Le secteur de l’agriculture et de l’alimentation est de plus en plus intégré à la mondialisation, si bien qu’il est

susceptible d’être affecté par la contraction du commerce international aussi bien à l’amont qu’à l’aval. D’une part, certaines exploitations agricoles sont vulnérables à des chocs du côté de l’approvisionnement en intrants. On peut

citer le cas des producteurs de thé au Kenya, mis à mal par la baisse des importations en engrais et pesticides - cf. fiche 2. D’autre part, le commerce des produits alimentaires peut se trouver réduit, ce qui est un risque à la fois pour

les producteur-rices - cf. fiche 4 et pour les consommateur-rices - cf. fiche 5.

Les canaux par lesquels la crise sanitaire affecte le commerce de marchandises sont multiples, et il convient de les différencier.

Quelques restrictions d’exportations

Les produits alimentaires peuvent être l’objet de mesures particulières, prises par les pouvoirs publics pour garantir la sécurité alimentaire des populations. Ainsi, les données de l’Institut international de recherche sur les politiques

alimentaires (IFPRI) font état de 22 pays ayant appliqué des restrictions sur les exportations de ces produits pendant la crise. On peut citer le Vietnam qui a interrompu ses exportations en riz du 24 mars au 31 avril ou encore le

Kazakhstan sur divers produits dont le blé et le sucre. Ces restrictions ont représenté jusqu’à 5,21 % du commerce alimentaire en quantité de calories échangées, soit beaucoup moins que les 18,77 % de la crise de 2008. En juillet 2020, seuls deux pays limitent encore leurs exportations : la Turquie (sur le citron) et le Kirghizistan (sur le blé et

d’autres produits).

Des perturbations sur les moyens de transport de marchandises

Mais si les inquiétudes concernant la sécurité alimentaire ont provoqué les restrictions les plus strictes, ce sont

celles concernant la sécurité sanitaire qui ont provoqué les restrictions les plus nombreuses, dans une crise avant tout sanitaire. Ainsi, alors que les limitations aux exportations agricoles se comptent sur les doigts de la main à la mi-juillet, les mesures encadrant les différents modes de transport sont encore nombreuses. La nécessité de réduire les

déplacements humains pour éviter la propagation du virus n’a pas complètement épargné le transport de marchandises.

Les différents moyens de transport ne sont pas tous touchés de la même façon :

► C’est le fret aérien qui connaît les plus fortes perturbations. Avec la mise à l’arrêt presque totale des avions de passagers, qui transportent habituellement dans leurs soutes près de 80 % des marchandises empruntant la voie aérienne, les prix se sont envolés jusqu’à être décuplés sur certaines lignes, selon Francis Seuront, directeur

France de l’activité aérienne de la firme de logistique Kühne + Nagel.

► Le transport maritime fait aussi face à des restrictions, recensées par la firme de logistique maritime Wilhelmsen. Dans presque tous les pays du monde, les navires de commerce sont susceptibles d’être mis en quarantaine si

des cas de contamination sont suspectés ou en cas de passage par un pays « à risque ». Dans la plupart des pays d’Afrique et d’Amérique latine, les changements d’équipage et autres débarquements sont impossibles.

En ne touchant pas autant chaque industrie de transport, la crise a aussi un impact différent en fonction des produits et en fonction des contextes géographiques. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et

l’agriculture (FAO), les petits pays insulaires, plus dépendants que les autres du transport aérien de marchandises, sont ainsi très vulnérables. De même, le transport aérien concernant en premier lieu des produits périssables tels

que les fruits et légumes, sa réduction touche particulièrement les exploitations qui produisent ce type de denrées pour l’export. A l’opposé, des produits de bases, comme les céréales, sont généralement transportés en vrac par voie maritime. Un processus largement automatisé, donc nécessitant peu d’interactions humaines et, par conséquent,

peu vulnérable.

Le transport en vrac est justement l’une des raisons avancées par la FAO pour expliquer l’impact moins fort de la

crise sur l’agriculture que sur d’autres secteurs. Les trois autres sont l’inélasticité de la demande alimentaire aux variations de revenus, la division internationale du travail relativement peu marquée dans le secteur, et les prix bas

dans la conjoncture actuelle qui n’ont pas poussé les Etats au protectionnisme.

Juillet/Août

2020

Page 20: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

2

Annexe 1

Bibliographie

L. Battais, « Covid-19 : le fret aérien dans l’attente des passagers », Stratégies Logistique, 3 juin 2020. D. Laborde et al., COVID-19 Food Trade Policy Tracker [catalogue de données], IFPRI, 2020. https://www.ifpri.org/project/covid-19-food-trade-policy-tracker. Q. Matthieu et T. Pouch, Covid-19 : la menace qui plane que la sécurité alimentaire mondiale, avril 2020. MC, « Forte contraction du commerce au premier semestre 2020 », 22 juin 2020. J. Ombuor, « Africa’s smallholders to bear the brunt of COVID-19 », SciDev.Net, 25 mai 2020. J. Schmidhuber et B. Qiao, Comparing Crises: Great Lockdown versus Great Recession, FAO, 2020. Wilhelmsen, COVID-19 Global Port Restrictions Map [carte interactive], 2020. https://www.wilhelmsen.com/ships-agency/campaigns/coronavirus/coronavirus-map/

Page 21: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

1

Solution 1

Quelles solutions face aux crises ?

1. L’agro-écologie

DE QUOI PARLE-T-ON ?

L’agro-écologie est un ensemble de pratiques agricoles et d’élevage qui permettent de concilier productivité avec faible

pression sur l’environnement et gestion durable des ressources naturelles. Elle prend en compte les interactions entre le sol ,

l’eau, la plante et l’animal dans un objectif d’intégration de l’activité dans le milieu naturel, économique et socio-culturel.

POURQUOI EST-CE UNE PARTIE DETERMINANTE DES SOLUTIONS ?

Septembre

2020

Autres regards : selon le Cirad, la première explication de la résilience de l’agriculture africaine face à la crise est

sa consommation faible d’intrants, concernant en premier lieu les productions vivrières qui permettent d’assurer

au moins la subsistance des populations locales, même quand la diversité alimentaire est menacée.

Observations du terrain : impacts limités sur nos exploitations durant la crise Covid-19 car peu de dépendance

aux intrants et recours possible et majoritaire à la main-d’œuvre familiale - cf. fiches effets 1 et 2.

EXEMPLES DE PRATIQUES AGRO-ECOLOGIQUES MOINDRE VULNERABILITE FACE A...

Gestion de la fertilité basée sur les apports en matière

organique

Indisponibilité ou augmentation des prix des engrais chimiques

de synthèse

Conservation et reproduction des semences Indisponibilité ou augmentation des prix des semences

Production de biopesticides ou phytosanitaires naturels Indisponibilité ou augmentation des prix des pesticides

Complémentarité entre les systèmes d’élevage et de culture Indisponibilité de l’approvisionnement en matière organique

pour la fabrication du compost, etc.

Indisponibilité ou difficultés d’approvisionnement en aliments

pour les animaux

Pratiques réduisant le besoin en main-d’œuvre (paillage,

alternance de cultures, adaptation du calendrier cultural…)

Indisponibilité de la main-d'œuvre extérieure et/ou difficultés

de mobilisation de la main-d'œuvre familiale

Elle permet une moindre dépendance aux facteurs de production

Face aux crises, il n’y a pas une solution unique mais des solutions :

AGRO-ECOLOGIE « MISE EN ECONOMIE » PROJETS DE TERRITOIRES

Page 22: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

2

Solution 1

Autres regards : pendant la crise, les exploitations laitières à Madagascar ont bien résisté selon le Cirad,

malgré la forte baisse des ventes de lait. En effet, leur production est diversifiée (céréales, légumineuses,

fruits et légumes), un facteur de résilience déjà observé lors de crises précédentes sur la Grande Ile.

Zoom sur la résilience des systèmes agro-écologiques

face au changement climatique

Clara Nicholls et Miguel Altieri ont démontré la meilleure résilience des exploitations familiales agro-

écologiques face au changement climatique : elles se rétablissent plus vite face aux catastrophes naturelles

(cas des ouragans notamment) que les systèmes en monoculture. Selon Olivier de Schutter, « la diversité des

espèces et des activités qui va de pair avec les méthodes agro-écologiques permet d’atténuer les risques liés

aux événements météorologiques extrêmes ainsi que l’arrivée de nouveaux parasites, mauvaises herbes et

maladies dus au réchauffement mondial ».

EXEMPLES DE PRATIQUES AGRO-ECOLOGIQUES MOINDRE VULNERABILITE FACE A...

Protection du sol et des plantes grâce au paillage, aux associations

de cultures, à l’embocagement, etc.

Phénomènes météorologiques : fortes

pluies, vents, sécheresse, etc

Conservation de l’eau dans le sol grâce aux apports en matière

organique, au paillage, au buttage au pied des plantes, etc.

Stress hydrique

Gestion de la fertilité des sols basée sur un apport de matière

organique grâce au compost, fumier recyclé, jachères améliorées,

etc.

Dégradation des terres

Lutte contre les maladies et ravageurs privilégiant les

phytosanitaires naturels, le push-pull, etc.

Pression parasitaire

DIFFERENTS NIVEAUX DE DIVERSIFICATION MOINDRE VULNERABILITE FACE A...

Diversification des ateliers de production (élevage,

arboriculture, maraîchage…)

Ruptures d’approvisionnement en intrants : autoproduction

d’intrants (fourrages, compost, etc.) et répartition des risques

si un des ateliers ne peut plus fonctionner

Crise épidémique (ex. PPA) / invasion de ravageurs (ex. criquets)

Diversification au sein des systèmes de culture et d’élevage

(espèces et variétés, races…)

Maladies ou attaques de ravageurs touchant certaines variétés/

races en particulier

Evènements climatiques (sécheresse, excès d’eau...) affectant

une variété/race plus qu'une autre

Diversification des produits agricoles vendus Baisses de la demande ou fluctuation des prix d’un ou plusieurs

produits

Elle permet une meilleure répartition des risques par la diversification

Page 23: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

3

Solution 1

NOS RECOMMANDATIONS POUR UNE TRANSITION AGRO-ECOLOGIQUE

Niveau international Niveau national Niveau local

► Privilégier les financements de la

recherche en lien direct avec les

besoins de développement : la co-

construction avec les partenaires de

recherche-action et recherche

d’accompagnement et valorisation

des résultats sur le terrain

► Renforcer et alimenter les politiques

publiques favorables à la transition

agro-écologique

► Inclure et promouvoir l’agro-écologie

dans les cursus de d’enseignement et

de formation agricoles

► Promouvoir la mise en place de

réglementations reconnaissant la

qualité agro-écologique des produits

► Favoriser l’émergence et la

structuration d’organisation

professionnelles (OP) agro-

écologiques

► Renforcer les organismes nationaux

de recherche sur les systèmes agro-

écologiques (capacité matérielle et

compétences) et en particulier les

unités mixtes de recherche

(transversalité), accompagner les

actions de développement et

valoriser les résultats de la recherche

sur le terrain

► Mettre à niveau les acteurs en appui

au secteur agricole sur l’agro-

écologie

► Mettre en œuvre des politiques

d’aménagement du territoire

favorables à la transition agro-

écologique

► Mettre en place des fournisseurs

d’intrants et services agro-

écologiques

► Mettre en place des services de

conseil et d’accompagnement des

exploitations en agro-écologie (ex.

MEx)

► Décliner au niveau local les

règlementations de reconnaissance

de l’agro-écologie (IGP…)

► Appuyer les centres de formation

professionnelle agricole

► Sensibiliser les consommateurs à

l’alimentation durable

Recommandation transversale : Maintenir et renforcer l’aide au développement destinée à l’appui à une agriculture familiale,

basée sur l’agro-écologie, portée par la bonne intégration des exploitations dans les filières et les marchés et des actions

coordonnées d’acteurs multiples au sein de « projets de territoires ».

Point d’attention : pour l’ensemble des recommandation il est important de rééquilibrer l’aspect agro-technique de l’agro-

écologie et l’aspect économique - cf. solution 2 - « Mise en Economie ».

AU DELA DES SOLUTIONS : LA PREVENTION DES CRISES

► Contribution à l’atténuation du changement climatique : réduction des émissions de gaz à effet de serre (peu d’intrants et

peu de mécanisation motorisée), stockage de carbone dans les sols et la biomasse.

► Réduction des risques de dégradations des agro-écosystèmes (crises écologiques) : pratiques respectueuses des

ressources naturelles (eau, sol, biodiversité) permettant de limiter les risques d’extinction d’espèces ou d’épuisement des

ressources. Le maintien de la biodiversité permet aussi de limiter les phénomènes d’invasions de nuisibles.

► Réduction des risques de crises alimentaires : mode de développement agricole permettant de promouvoir le droit à

l’alimentation (Olivier De Schutter, 2010) : disponibilité, accessibilité et adéquation de la nourriture.

► Réduction des risques de crises sanitaires liées aux zoonoses : pratiques préservant les habitats naturels et promouvant

des pratiques d’élevage peu intensives.

Page 24: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

1

Solution 2

Quelles solutions face aux crises ?

2. La « mise en économie »

DE QUOI PARLE-T-ON ?

L’économie des exploitations recouvre à la fois la gestion des ressources disponibles (foncier, main-d’œuvre, capital) et

l’intégration dans les filières et marchés qui doit permettre :

► D’accéder aux intrants et services nécessaires à la réalisation des cycles de production.

► D’ écouler la production au mieux et de la vendre à un prix suffisant en valorisant sa qualité.

La mise en économie est réalisée par la démarche de conseil de gestion et la structuration des filières.

POURQUOI EST-CE UNE PARTIE DETERMINANTE DES SOLUTIONS ?

Septembre

2020

CAPACITE D’ADAPTATION AU... MOINDRE VULNERABILITE FACE A...

Milieu naturel : évolutions du climat, quantités de ressources

disponibles, etc.

Chocs en lien avec le milieu naturel (intempéries et

changements climatiques, raréfaction des ressources…)

Milieu économique : fonctionnement des filières et des

marchés, comportement des consommateur-rices et de la

concurrence, fluctuation des prix (utilisation des SIM)

Chocs en lien avec le milieu économique (chute brutale de la

demande et des prix, substitution de la demande d’un produit

à un autre…)

Observations du terrain : le conseil de gestion fournit des outils pour développer la résilience. Des

exploitations mieux informées sur leur milieu sont plus enclines à trouver des solutions alternatives en

situation de crise. Par exemple, pendant la crise de la Covid-19, on a vu des exploitations laotiennes

abandonner le chou, produit périssable dont la demande chutait, au profit du manioc dont le prix est

généralement plus bas mais aussi plus stable.

Néanmoins, le conseil de gestion ne permet pas de se prémunir contre tous les risques. La réactivité des

exploitations en termes de choix de culture ou de variétés est dépendante de la durée des cycles agricoles.

Le conseil de gestion se base sur une caractérisation des exploitations et de leur milieu, permettant d’en identifier les atouts et

les contraintes. Il accompagne les exploitations dans l’accès à des informations pertinentes (prix, etc.), l’enregistrement des

données (volumes de production, rendements, etc.) et l’analyse des résultats. Les exploitations sont ainsi en mesure de

prendre les bonnes décisions au bon moment, afin d’améliorer leurs résultats (choix du type de spéculation, fixation du

calendrier agricole, ciblage des acheteurs, périodes et lieux de commercialisation, adaptation de la durée de stockage, etc.) ;

une capacité particulièrement importante en situation de crise.

Elle améliore la capacité des exploitations à adapter leurs systèmes de production au milieu

Face aux crises, il n’y a pas une solution unique mais des solutions :

AGRO-ECOLOGIE « MISE EN ECONOMIE » PROJETS DE TERRITOIRES

Page 25: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

2

Solution 2

Autres éléments d’analyse : dans un rapport daté du 11 mai portant sur la nécessité de réduire les pertes et

le gaspillage des denrées agricoles, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)

recommande de développer les activités de transformation dans certaines zones reculées, où les

exploitations sont nombreuses et font face à un manque d’infrastructures.

Observations du terrain : dans la commune de Ghassate au Maroc, pendant la crise de la Covid-19, Agrisud a

constaté le rôle essentiel des auto-entreprises d’achat-revente de fruits aux légumes. Celles-ci ont fait figure

d’alternative aux souks hebdomadaires, fermés, et ont ainsi contribué à assurer l’approvisionnement

alimentaire des populations.

STRUCTURATION DES FILIERES PAR ... MOINDRE VULNERABILITE FACE A...

La sécurisation des relations entre les exploitations et intermédiaires et/

ou clients (protocoles d’entente, ateliers interprofessionnels…) => filière

responsables issues de relations de confiance basées sur la transparence

et le dialogue entre les partenaires et qui débouchent sur une répartition

équitable de la valeur ajoutée et du risque dans la filière

Perturbations voire arrêt de certains circuits de

commercialisation

L’adéquation de la production locale avec la demande locale—circuits de

proximité à l’échelle du territoire - voir solution. 3 - Projets de territoires

Perturbation voire arrêt de certains circuits de

commercialisation nationaux ou internationaux

L’intégration des exploitations dans plusieurs canaux de

commercialisation (court ou long, de proximité ou plus éloignés…)

Perturbations concentrées sur un type de

débouché (ce qui peut toucher certains types de

circuits courts)

Elle permet de sécuriser la commercialisation par des circuits diversifiés et un climat de confiance

Paroles d’experts : pour Nicolas Bricas, chercheur au Cirad, il serait illusoire de tout faire reposer sur la

production locale, en raison de la quantité disponible mais aussi de la diversité des produits cultivables.

Chaque territoire a ses spécificités, l’important est de promouvoir une diversité des produits cultivés pour

pouvoir reconnecter l’offre et la demande au niveau local, quand cela est possible.

Selon Carole Chazoule, chercheuse à l’Isara, et Matthieu Brun, consultant pour le club Demeter, un système

alimentaire durable doit concilier circuits courts et circuits longs. Les circuits courts et intermédiaires sont

gage d’indépendance, mais les circuits longs ne peuvent pas être simplement abandonnés, car ils permettent

une plus grande diversité alimentaire et offrent des opportunités économiques aux exploitations.

Pour favoriser l’écoulement de la production, l’offre agricole doit correspondre aux besoins (au niveau local mais pas

uniquement) et les relations avec les clients doivent être sécurisées pour assurer un écoulement même en temps de crise. Pour

répartir les risques au mieux, les circuits de commercialisation doivent être diversifiés.

TISSU PROFESSIONNEL LOCAL RENFORCÉ... MOINDRE VULNERABILITE FACE A...

Pour l’approvisionnement des exploitations en intrants et

services (amont) : fournisseurs d’intrants et des services (ex.

MEx)

Ruptures des chaînes d’approvisionnement entrainant

l’indisponibilité ou l’augmentation des prix des intrants ou des

services

Pour l’écoulement de la production (aval) : auto-entreprises

d’achat-revente de produits, ateliers de transformation, etc.

Perturbations de l’écoulement (baisse de la demande ou des

prix, problèmes de logistique, chocs sur les marchés

internationaux…)

Elle favorise le développement de services professionnels de proximité

Page 26: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

3

Solution 2

Niveau international Niveau national Niveau local

► Accompagner les dynamiques privées

et renforcer les filières responsables

► Promouvoir des règles de commerce

international interdisant la

concurrence déloyale

► Renforcer la prise en compte de la

dimension économique dans les

formations des technicien-nes

agricoles

► Développer les systèmes

d’information agricole (SIM…)

► Mettre place des politiques

favorables à l’écoulement des

produits agro-écologiques

► Développer les activités de conseil et

de formation sur le territoire

► Mettre à niveau les acteurs en appui

à l’agriculture

► Appuyer les OP dans leurs missions

de transformation, commercialisation

et conseil à leurs membres

► Permettre/faciliter l’insertion des

producteur-rices dans les filières

socio-éco-responsables

► Sensibiliser les consommateurs à

l’agriculture durable

NOS RECOMMANDATIONS POUR LA MISE EN ECONOMIE DES EXPLOITATIONS

Recommandation transversale : Maintenir et renforcer l’aide au développement destinée à l’appui à une agriculture familiale,

basée sur l’agro-écologie, portée par la bonne intégration des exploitations dans les filières et les marchés et des actions

coordonnées d’acteurs multiples au sein de « projets de territoires ».

Page 27: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

1

Solution 3

Quelles solutions face aux crises ?

3. Les projets de territoires

DE QUOI PARLE-T-ON ?

Septembre

2020

POURQUOI EST-CE UNE PARTIE DETERMINANTE DES SOLUTIONS ?

Les collaborations multi-acteurs et plurisectorielles permettent de réunir les acteurs du territoire et de créer des espaces de

dialogue pour :

► identifier et partager des enjeux pour le territoire ;

► co-construire des stratégies d’intervention, sur la base des enjeux partagés ;

► co-opérer des plans d’action tenant compte des rôles et des moyens de chacun des acteurs.

Zoom sur les Systèmes Alimentaires Territorialisés (SAT)

La notion de système alimentaire territorialisé (ou SAT), a été définie en 2015 par Jean-Louis Rastoin,

professeur émérite à Montpellier SupAgro, comme « un ensemble cohérent et à gouvernance

participative territoriale composé de filières agro-alimentaires durables localisées dans un espace

géographique de dimension régionale ». La solidité des SAT dépend fortement de la cohésion des

acteurs du territoire, un aspect qui ne s’arrête pas à la seule interdépendance économique mais

comprend aussi des notions de confiance et de solidarité.

D’une approche globale du territoire… c’est-à-dire d’une approche multisectorielle et multi-acteurs qui permet de dépasser les

blocages « externes » aux exploitations et aux filières agricoles et qui contrarient leur transition agro-écologique et leur mise en

économie : faiblesses des infrastructures, règlementation défavorable, intérêts divergents des différents secteurs…

L’approche « territoire » implique donc de travailler avec :

► Les acteurs en appui au secteur agricole > services techniques, instituts de formation, organismes de recherche ;

► Les acteurs « gestionnaires » des territoires > autorités locales et traditionnelles ;

► Les acteurs des autres secteurs > tourisme, environnement, urbanisme… dans la mesure où les secteurs ne sont pas

cloisonnés et peuvent représenter des opportunités ou des freins (ex. tourisme = opportunité de nouveaux marchés,

urbanisation = pression sur le foncier…).

Face aux crises, il n’y a pas une solution unique mais des solutions :

AGRO-ECOLOGIE « MISE EN ECONOMIE » PROJETS DE TERRITOIRES

Page 28: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

2

Solution 3

AU DELA DES SOLUTIONS : LA PREVENTION DES CRISES

► Atténuation des risques de crises alimentaires : localisation des approvisionnements

► Atténuation des risques de crises écologiques et climatiques : l’aménagement du territoire et la gestion durable de ses

ressources naturelles contribue à lutter contre le changement climatique (par la reforestation, par exemple) et contre les

crises écologiques. Par la gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) les risques de pénurie ou pollution de l’eau sont

réduits.

► Atténuation des risques de crises sociales : à travers la mise en place de cadres de concertation, l’approche territoire

favorise le dialogue et les relations de confiance entre les différents acteurs du territoire. = instance de concertation où

l’ensemble des catégories même les plus vulnérables sont représentées.

La concertation des acteurs du territoire permet d’assurer la performance et la résilience des systèmes alimentaires

territorialisés (SAT) en :

► mettant en place une politique territoriale cohérente en faveur des exploitations agricoles familiales basée sur l’agro-

écologie et leur insertion dans les filières et marchés, qui permet une meilleure résilience du système alimentaire.

► renforçant la résilience globale du territoire face aux crises : des acteurs qui se connaissent, ont l’habitude de collaborer et

partagent une même vision du développement du territoire sont plus à même de prendre des décisions face aux crises.

NOS RECOMMANDATIONS POUR DES PROJETS DE TERRITOIRES

Niveau local

► Développer les savoirs et savoir-faire des gestionnaires des territoires

(Méthodes de diagnostic, de planification, de gestion du territoire et

d’évaluation des actions)

► Développer les compétences des acteurs en appui au secteur agricole

(agro-écologie et mise en économie)

► Mettre en place des cadres de concertation multi-acteurs et plurisecteurs

► Accompagner l’élaboration et la mise en œuvre de plans de

développement du territoire

Recommandation transversale : Maintenir et renforcer l’aide au développement destinée à une agriculture familiale, basée

sur l’agro-écologie, portée par la bonne intégration des exploitations dans les filières et les marchés et des actions

coordonnées d’acteurs multiples au sein de « projets de territoires ».

Page 29: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

1

Annexe 2

Annexe 2 Les différents types de crises

La pandémie de la Covid-19 et ses conséquences sanitaires et économiques, on mit de nouveau l’attention sur la

question des crises et notamment des différents risques de crises susceptibles de survenir au XXIe siècle. Le mot crise vient du latin crisis qui signifie l’apparition d’une maladie. De manière générale, elle correspond à un

changement brusque, à une rupture d’équilibre.

Ici, nous distinguons 5 types de crise, de manière non exhaustive et en sachant qu’elles sont souvent liées entre elles, une crise pouvant en entraîner une autre (par exemple la crise sanitaire de la Covid-19 a entraîné une crise économique).

Juillet/Août

2020

Les crises sanitaires

Elles touchent la santé des populations et entraînent une augmentation de la mortalité. Elles peuvent être liées à une maladie mais aussi à d’autres types d’évènements tels que des pollutions, des catastrophes climatiques… En ce qui concerne les maladies, la pandémie de la Covid-19 en est le dernier exemple flagrant. Pour autant, les pays du Sud sont coutumiers de ce type de crise : on peut citer Ebola en Afrique de l’Ouest de 2012 à 2016, qui a fait près de 20 000 victimes, ou encore le virus Zika en Amérique du Sud en 2015. Ces trois maladies sont des zoonoses, transmises des animaux aux Hommes, elles représentent 70 % des maladies affectant les êtres humains. Selon les chercheurs, en raison de la destruction des habitats naturels (déforestation, extension de l’agriculture industrielle...), la propagation de telles maladies est accrue. Les crises climatiques et écologiques (voir plus bas) viennent exacerber les risques de crises sanitaires.

Sources :

IPBES, COVID-19 Stimulus Measures - Must Save Lives, Protect Livelihoods, and Safeguard Nature to Reduce the Risk of Future Pandemics, 27 avril 2020.

The Guardian, 'Tip of the iceberg': Is our destruction of nature responsible for Covid-19?, 18 mars 2020.

Les crises économiques

Elles se caractérisent par le changement brutal de la situation économique et peuvent avoir plusieurs conséquences : diminution de la production, diminution de la demande (baisse du pouvoir d’achat, chômage…), diminution des investissements, des taux d’intérêts…. On distingue les récessions qui correspondent à une diminution de l’activité économique (ralentissement de la croissance) sur un temps assez court, et les dépressions qui en sont une forme plus durable et plus sévère. La dernière récession majeure était celle de 2008, induite par la crise financière des subprimes, liée à des phénomènes spéculatifs sur les marchés immobiliers aux Etats-Unis. La pandémie de Covid-19 offre un exemple bien différent, dans lequel la crise économique découle d’un autre type de crise dont les effets affectent les modalités de l’offre et de la demande. Dans le futur, la raréfaction des ressources naturelles (eau douce, sable de construction, minerais, pétrole…), exacerbée par le changement climatique, pourrait se traduire par des baisses durables de la croissance. Un article du Monde de 2016 pointait même le risque, lié à la raréfaction des ressources en eau, que certains pays connaissent une décroissance de l’ordre de 6 % du PIB.

Sources :

Le Monde, La raréfaction des ressources en eau menace la croissance, 3 mai 2016.

Donella H. Meadows an al. Rapport Meadows, The Limit to Growth, A report for the club of Rome's project on the predicament of mankind, Universe Books, 1972.

Les crises socio-politiques

Nous regroupons sous ce terme, de manière non-exhaustive, les conflits armés, les mouvements sociaux (grèves, manifestations, etc.) et les crises institutionnelles (entraînant un changement de régime politique).

Page 30: Septembre Introduction - Analyse des effets de la crise Covid

2

Annexe 2

Les crises écologiques

Elles correspondent aux dégradations du milieu physique, l’atteinte aux ressources naturelles et l’érosion de la biodiversité, en raison de facteurs humains ou naturels. Elles peuvent être liées à la déforestation, aux pollutions, au changement climatique (voir crise climatique), à des invasions de nuisibles, etc. L’invasion de criquets pèlerins qui ravage les cultures en Afrique de l’Est depuis décembre 2019 donne un exemple de ce dernier point.

De manière plus globale, selon l’Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystems Services (IPBES), en moyenne, « 25 % des espèces appartenant aux groupes d’animaux et de végétaux évalués sont menacés ». Aujourd’hui, les scientifiques parlent même de la sixième extinction de masse en ce qui concerne les espèces vertébrées.

Sources :

France Info, La "pire" invasion de criquets pèlerins en Afrique de l'Est depuis 25 ans, 18 janvier 2020

Le Monde, La sixième extinction de masse des animaux s’accélère, 11 juillet 2017

IPBES, Rapport de l’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques, 2019

La crise climatique

Au singulier, elle est liée au changement climatique global provoqué par les émissions de gaz à effets de serre ; mais elle peut se manifester par différentes formes au niveau local : hausse des températures, hausse du niveau des océans, augmentation de la fréquence des catastrophes naturelles (ouragans inondations, incendies, sécheresses…). Elle peut être le déclencheur des crises écologiques, économiques, socio-politiques (déplacements de populations…) ou même sanitaires (maladies…).

Dans son rapport de 2018, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) démontrait que le réchauffement climatique devrait atteindre jusqu’à 3°C d’ici 2100.

Sources :

GIEC, Special Report : Global Warming of 1,5°C, 2018.

Les crises alimentaires

Les crises alimentaires se manifestent par des situations de pénuries alimentaires et/ou de famines. Plus précisément, elles ont lieu lorsque la sécurité alimentaire et nutritionnelle n’est plus assurée, c’est-à-dire que l’accès physique, social et économique à une nourriture saine en quantité et de qualité suffisante n’est pas garantie. Elles peuvent avoir des causes variées : conflits armés, catastrophes climatiques ou écologiques, augmentation des prix des denrées alimentaires de base, etc.

La dernière crise alimentaire à l’échelle mondiale a eu lieu en 2007-2008 avec la flambée des prix sur les marchés internationaux pour diverses raisons, dont la diminution des stocks mondiaux, la spéculation sur les marchés dérivés des matières premières agricoles et le blocage des exportations de certains pays. Elle a entraîné des émeutes de la faim dans de nombreux pays en développement.

Sources :

Bricas N et Goita M, « La crise alimentaire dix ans après : Qu’est-ce qui a changé ? », Grain de Sel(76), p.6-8, 2018.