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Sbrothbrapie locale. IUdcmisme de l’immunitd passive, Par A.BE-KA. . Professenr B I’Iostitnt Pastenr, Paris. Oomment agissent les serums antiinfectieux? Depuia les re- oherches de Pfeiffer et, surtout, depuis cellea de Bordet, leur aotion s’identifie avec celle des anticorps qu’ila renferment: on ne voit dam ces serume que cles substances bactericides, semibi- hatrices ou agglutinantes, c’est dire, autant d‘anticorps res- ponsables, B des degres variables, de l’immunit6 qu’Ehrlich appela passive. Ces anticorps, seula ou associes, qui, dam l’esprit dea micro- biologistes, protdgent l’organisme contre l’infection, vieent prin- cipalement l’egent infectieux sur lequel ils se fixent: lee anti- corps ont pour fonction de sensibilieer ce dernier B l’6gard de l’action fermentative des leucocytes ou de l’alexine. Metchnikoff, hostile au debut B cette conception de l’immu- nit&, finit par s’y rdier: $En parcourant l’ensemble dee faits sur l’immunite produite sous l’influence dea serums antiinfec- tieux, ou prevent&, on e’assure facilement qu’ila rentrent dam deux categories principalee; d’un c6t6, il y a action directe de ces serums sur les microbes, action soit microbicide proprement dite, soit agglutinative ou fixatrice; d‘un autre c8t6, il se produit une stimulation de la defense phagocytaire, qui aboutit B la destruc- tion definitive des microbes.*’ Il est cependant juste d‘ajouter que ce n’eet pas sans une cer- t h e reserve que notre MaStre fit sienne cette conception de l’immunit6. Tout en reconnaiesant que da production de la L’ImmnnitA dans les maladies infectieuses, Paris 1901; p. 339.

Sérothérapie locale : Mécanisme de l'immunité passive

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Sbrothbrapie locale. IUdcmisme de l’immunitd passive,

Par

A.BE-KA. . Professenr B I’Iostitnt Pastenr, Paris.

Oomment agissent les serums antiinfectieux? Depuia les re- oherches de Pfeiffer et, surtout, depuis cellea de Bordet, leur aotion s’identifie avec celle des anticorps qu’ila renferment: on ne voit dam ces serume que cles substances bactericides, semibi- hatrices ou agglutinantes, c’est dire, autant d‘anticorps res- ponsables, B des degres variables, de l’immunit6 qu’Ehrlich appela passive.

Ces anticorps, seula ou associes, qui, dam l’esprit dea micro- biologistes, protdgent l’organisme contre l’infection, vieent prin- cipalement l’egent infectieux sur lequel ils se fixent: lee anti- corps ont pour fonction de sensibilieer ce dernier B l’6gard de l’action fermentative des leucocytes ou de l’alexine.

Metchnikoff, hostile au debut B cette conception de l’immu- nit&, finit par s’y rdier: $En parcourant l’ensemble dee faits sur l’immunite produite sous l’influence dea serums antiinfec- tieux, ou prevent&, on e’assure facilement qu’ila rentrent dam deux categories principalee; d’un c6t6, il y a action directe de ces serums sur les microbes, action soit microbicide proprement dite, soit agglutinative ou fixatrice; d‘un autre c8t6, il se produit une stimulation de la defense phagocytaire, qui aboutit B la destruc- tion definitive des microbes.*’ Il est cependant juste d‘ajouter que ce n’eet pas sans une cer-

t h e reserve que notre MaStre fit sienne cette conception de l’immunit6. Tout en reconnaiesant que da production de la

L’ImmnnitA dans les maladies infectieuses, Paris 1901; p. 339.

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aensibilisatrice est B peu prhs constante dans l’immunith acquke contre les microbes et qu’elle constitue un des caractares les plus essentiels de cette catbgorie de l’immunit6b (ibid. p. 266), Metch- nikoff ne put, s’empbcher d’admettre que, en dehors des actions sur les microbes, il exiate encore *une action stimulante des 86-

rums des animaux vaccines sur les phagocytes des animaux neufm (ibid. p. 284). Il alla mbme jusqu’h accorder une prepon- derance aux stimulines dont l’action est ))facilitbe et renforcee par les fixateurs (ou sensibilisatricesl et peut-btre quelquefois par les agglutinines,.

L’idQe de stimulines qui, dans lea serums spbcifiques, exer- ceraient sur les globules blancs une action uniforme, indQpen- damment de la nature dea serums employes, ne pouvait pas satisfaire l’eeprit: la cause de la specificite Btait Qvidemment ailleurs.

Ausai Metchnikoff n’y insista-t-il pas; mais, il ne renonpa pas B l’id6e que l’immunitk n’btait pas, toute, dam les anticorps con- nus. *En dehors des fixateurs et agglutinines, lea humeurs de l’organisme ayant acquis l’immunit6, possedent t r h probable- ment, disait-il, d’autres proprietbs qui doivent jouer un r61e plus ou moins grand dans l’immunit6 acquiaeo (ibid. p. 683).

Nous croyons btre en Qtat de montrer aujourd’hui que ces uautres propriQt6aw, invoquees par Metchnikoff, que faisait pre- aentir son g b i e intuitif, n’htaient pas une vue de l’esprit, mais ont une exisbence rQelle.

Si le pouvoir protecteur des serums antimicrobiens residait tout entier dans les anticorps connus, ces sbrums devraient agir pareillement, quelle que fat leur voie de pCn6tration dans l’orga- &me. La voie de p6netration des s6rums specifiques importait peu jusqu’8 present, qu’un serum thkrapeutique fat inject6 sous la peau, dans le pbritoine ou dans lea veines, le fait Qtait considere comme d’importance secondaire; cela ne pouvait avoir d’influence, croyait-on, que sur la rapiditk de l’apparition de l’immunitb, le serum Qtant resorb6 par la voie veineuse plus facilement que par la voie peritoneale et encore plus facilement que par la voie sous-cutanhe. En d’autres termes, la difference que Yon observait, en faisant varier la porte d’entrbe des s h m s , etait envisagee comme une question d’ordre seulement quantitatif.

Oependant, pour peu que l’on examine les faits de prhs, on ne peut pas s’empikher de conclure que cette question, relative

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B la voie par laquelle on fait p6n6trer dam l’organisme les ~ 6 ~ m . 9 , eat plus qualitative que quantitative.

Les faits, B l’exposb desquels nous allons passer maintenant, ne sont pas nouveaux en eux-mkmes: les uns sont connus depuis longtemps, d‘autres sont Venus $ notre connaissance depuis peu. Comme il h i t difficile de les faire entrer dans le cadre courant de l’immunit6 passive, on les signalait c o m e des faits aberrants, en les laiasant jusqu’au plus ample inform6 dam l’ombre. Ce sont, pr6cbBment sur ces faits que nous nous proposom d’imister ici, esperant en tirer des enseignements utiles, pour Bclairer la th6orie et la pratique de la s6roth6rapie antiinfectieuee.

En rapportant lee experiences sur la valeur du 8&um anti- chrbonneux, prbpar6 au moyen dea agressines, Matzumoto en cite une, parmi beaucoup d’autres, qui merite une attention particulihre. Pour titrer le pouvoir preventif de son s h m , il e’adreese $ dea lspim auxquels il inocule sous la peau une dose mortelle de virus charbonneux. Le serum eat inject6, suivant le cas, sous la peau ou dans lea veines, en quantit6 variable; des lapins t6moins reqoivent la m6me dose de virus et lee quantit6s Qquivalentes de serum normal.

C’eet ce titrage du sBrum qui a donne un r6sultat inattendu. Lee tkmoine auxquels il a 6th inject6, B titre pdventif, du

serum normal sous la peau, pub des bactbridies, sont morts d’infection charbonneuse dam lea d6lais p r h s .

Lee lapins auxquele il a 6th inject6 du serum anticharbonneux dans lee veines, puis du virus sous la peau, sont morts B peu pres dam le mbme ddai que les t6moins.

Seuls, lee lapins auxquels il a Bt6 inject6 du serum antichar- bonneux soue la peau, puis du virus, ont survBcu.

Fait plus intereesant encore, tandis qu’avec 2-3 cc. de serum anticharbonneux, inject6 dans les veines, il a 6th impossible d’em- pikher la mort, il a suffi d’injecter 0.26 cc. de serum sous la pew, pour que l’animal eiit la vie sauve.

En signalant ce phhomene paradoxal, Matzumoto fait re- marquer - sans s’y arr6ter d‘ailleurs - qu’il doit 6tre mi8 sur le compte de la nature dermotrope de la bactbridie, telle que now l’avons Btablie au sujet du charbon chez le cobaye. Dana son esprit, les anticorps charbonneux, introduits dam la circulation g6n6rale, subissent de la perte avant d’arriver aux cellules r6- ceptives de la peau, chose qui n’arrive pas, d’aprhs lui, lors-

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qu’on porte les anticorps directement dam le tissu sous- cutan&

Notons que, si cette interpretation Qtait conforme B la rhalit8, le m6me phhomene aurait dQ se produire pour d’autres shrums sphcifiques. L’explication, que donne l’auteur japonais, nous parait d’autant moins vraisemblable que l’bcart, entre la quan- tit6 de serum anticharbonneux injectbe dans lea veines et celle injecthe sous la peau, est trop grand pour que l’on puisse incri- miner uniquement une perte de serum en cours de route. Sam entrer dans lea details, contentons-nous pour le moment de signa- ler le fait, B savoir que la skrotherapie anticharbonneuse, app- liquee localement, se montre notablement plus efficace que la serothkrapie gknbrale.

La difference d’action, suivant la porte d’entree, ressort, avec plus de nettete encore, pour le sbum antim&ingococcipue. Au debut de la shrothhrapie, ce sQrum, comme tous les autres, Qtait administre par la voie sous-cutanhe. Mais, presque aussit&, les cliniciens n’eurent qu’une voix pour declarer que ce serum eat tout B fait inefficace dans la meningite chrhbro-spinale; des statis- tiques, apportbes de differents cdths, en faisaient d’ailleurs foi: la mortalit6 Btait aussi Blevbe chez les trait& que chez les non trait&.

DBa qu’on substitua B la voie sous-cutanbe la voie intrarachi- dienne, le serum antimeningococcique retrouva d’emblhe l’una- nimitk dans le sen8 inverse: son action curative fut universellement reconnue.

Pour expliquer ce phhnomdne, on a declare que les anticorps, pour btre efficaces, doivent btre portes dans le liquide cbphalo- rachidien, c’est-&-dire en contact immediat avec lea m6ningocoques. Les meninges, &ant peu permeables au serum, les anticorps intro- duits sous la peau, disait-on, sont dans l’imposaibilit6 d’atteindre leur but, de dQtruire lea germes. Comme la barridre meningee se dresse aussi bien devant le serum inject6 par la voie sanguine, cette voie Bgdement se trouve inopkrante; il ne reste donc au clinicien, en toute logique, qu’a introduire les anticorps dam l’espace sous-arachnoidien: face aux mhingocoques, les anticorps retrouvent tout leur pouvoir. Telle est l’explication aujourd’hui universellement adoptbe.

Est-elle exacte? D’abord, les meninges opposent-elles rdellement une barridre

infranchissable, comme on se plait B l’affirmer?

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L’existence dans l’organisme d’une cavit6 close, inaccessible B tout &change, para€t a rpriori bien peu probable. Rappelons- nous lea experiences de Netter et Debre, lesquelles ne sont pas en faveur de la barrihre infranchissable. gee savants n’ont- ils pas montre que le s6rum, introduit dam la cavit6 rachidienne, se retrouve dejil, cinq-six minutes aprhs, dans le sang? Ne sait- on pas, d’autre part, que le serum therapeutique, introduit dans la cavite spinale, den Qlimine rapidement, trop rapidement mbme au gr6 des cliniciens, car on set oblige de renouveler lee injections intra-rachidiennes pluaieurs fois, pour obtenir un effet curatif. On peut nous objecter, certes, qu’il s’agit en ces cas de la phk- tration du serum du dedans en dehors, c’est-&-dire, de la cavite rachidienne dans le sang. La remarque eat juste; mais, n’est-il pas logique de supposer que, ai la cavite rachidienne se laisse si facilement p6n6trer du dedans en dehors, ss permthbilite dans le sens inverse ne devrait pas 8tre impossible?

Passons au mode d’action du serum antim6ningococcique. I1 est un fait certain: inject6 par la voie intra-rachidienne, ce sQ- rum est d’une efficacite inconteatable. L’explication de ce fait par& simple, au premier abord: le serum agit sur lea menin- gocoques B la manihre d’un antiseptique sphcifique. N’observe- t-on pas dam lea m6ningites, traitees par le shrum, des change- menta morphologiques qui semblent, em effet, ne lsisser aucun doute sur son mode d‘action? N’assiste-t-on pas, en effet, B la dksintegration progressive des mhingocoques, kquelle finit par rendre ceux-ci invisible8 dam le liquide c6r6bro-spinal? Lea poly- nucleaires neufs arrivent ensuite en masse et remplacent les glo- bules pyoides d6truits.

Cet ‘ ensemble de phhomhnes prouve-t-il rbellement que le serum antimhingococcique est doue d’un pouvoir bact6riolytique2 Oette conclusion ne parait pas jwtifibe, d‘abord, parce que lee experiences montrent que ce serum in &TO eat incapable d’exercer la moindre action nuisible sur lea mbningocoques. Mais, serait-il mdme fortement bactericide, rien ne prouve qu’il pourrait at- teindre les mhingocoques in viuo loges, pour la plupart, B l’in- terieur des globules blancs.

Si le serum en question n’agit pas sur les mhningocoques, il reste 21 admettre, d’aprhs la doctrine courante, qu’il agit sur les leucocytes, en excitant leur pouvoir phagocytaire. A la suite de l’injection du serum, en effet, on observe des meningocoques

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extra-cellulaires devenir facilement la proie des phagocytes. Mais ne doit-on pas se demander d’oh vient cette excitation exercke par le serum mhingococcique sur les globules blancs?

Que ce skrum soit it mbme de renforcer l’acte phagocytaire, rien n’est plus probable; mais, qu’il puisse renforcer cet acte d’une fapon specifique, la chose parait difficile B concevoir. Or, dans le cas particulier, l’hction du skrum est rigoureusement spbcifique; car, elle est nulle dans la mknirlgite B staphylocoques, B atreptocoques, B pneumocoques, mbme B pseudomhningocoques ou Q parambningocoques.

Bref, l’effet bienfaisant du skrum antimhingococcique ne saurait s’expliquer ni par son action sur les mkningocoques, ni par son action sur les phagocytes. I1 existe, Bvidemment, un autre facteur qui preside B son activit6. Pour le moment, retenons le fait que, pour btre efficace, dans la meningite cerkbrospinale, la skrothhrapie doit btre appliquke localement.

On connatt sujourd’hui des mkningites dans lesquelles le skrum, mbme inject6 par la voie intra-rachidienne, n’agit pas. On dit qu’il n’agit pas parce qu’il n’arrive pas A baigner tout l’axe nerveux; le cas se prksente quand la cavitk sous-arachnoidienne est cloisonnke par l’exaghration des tractus normaux; ou bien encore, dans les ventriculites mdningococciques oh l’obturation des orifices de Magendie et de Luschka entrave la circulation du liquide cbphalo-rachidien. Dans ces cas, on procede B l’in- jection du serum dans les ventricules, qui se trouvent isolhs des espaces aous-arachnoidiens. D’une fapon ghnhrale, on recom- mande d‘injecter directement dans la region atteinte *par les voies qui ‘permettrout de mettre le serum en contact avec les mkningocoques,. (Dopter.)

Si, pour justifier les injections de serum dam l’espace sous- arachnoidien ou dans les ventricules, il eat permis d’invoquer des barri6res que les anticorps, introduits sous la peau, ne sauraient franchir, cet argument n’est point valable pour les infections mhningococciques, localiskes dans les articulations ou au niveau des yeux. Or, mbme dans ces cas, la clinique nous apprend que rien ne vaut une application du skrum lo00 doknti.

Depuis les observations de Barbier, de Teissier, de Netter et d’autres encore, on sait que, dam les arthrites de nature mknin- gococcique, la serothkrapie gknerale est insuffisante, que la lesion suppurative ne cede qu’aux injections intra-articulaires du s6rum;

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la gu6rison s’effectue, en pareil cas, sans hisser la moindre gene fonctionnelle. Une seule injection de serum suffit, le plus souvent, pour que l’articulation revienne 8. 1’6tat d’integritb parfaite.

Lea complications respiratoires de meningococcies sont d‘or- dinaire favorablement influencees par le serum inject6 dans lea veines; il y a des cas cependant oii le serum doit btre introduit au sein mbme de l’organe infectd. Ainsi,’ dam la pleuresie purulente, le meningocoque ne cede qu’aux injections intrapleurales de s6rum. d l est vraisemblable, ajoute Dopter, que dans la pbricardite purulente B mhningocoque, des injections intra-p&ricardiques produiraient des effets aussi heureux.9

Quant aux complications oculaires, assez fr6quentes au cours de l’infection B m6ningocoque, elles ne sont justiciables que de la s6rothhpie locale. Netter cite des cas d’irido-choroidite m6- ningococcique, traitha avec succ&s par des injections intra-ocu- laires de serum.

Dana un cas trhs grave d’ulchre corneen mhhgococcique, Clantonnet pratiqua la s6roth6rapie locale, en instillation; ce cas, instructif au point de vue ghnbral, merite d’btre signal&. Un homme, en d6fervescence d’une meningite c6r6brospinale, fait un ulcere corden, progressant avec une d6sesp6rante rapidit6. On lui imtille dans l’oeil du serum antimdningococcique. Dee le lendemain de la premiere instillation, on vit l’ulchre s’arrbter dam son extension. Le aurlendemain, l’ulchre perdit son aspect purulent, pour prendre une teinte gelatheuse, demi-transpa- rente. La reparation s’opBra rapidement lee jours suivants, et bientiit l’ulchration fut remplacee par une taie relativement peu &endue. Seule la serothhpie antimhingococcique locale put avoir raison de cette affection oculaire.

Au sujet du mode d’action du sbum antigonocoocique, nous trouvons des observations de plus haut inthrbt dam le memoire de Terrien, Debre et Paraf. Cles auteurs, ont d‘abord montr6 que l’injection dea gonocoques dam la chambre anthrieure du lapin provoque une ophtalmie, csracthrisee par une irido-cyclite suppurative d‘allure torpide, A tendance exsudative, trea marqde, avec infiltrations cornhenne et irienne, formation de spechies et hypopyon abondants. (lette ophtalmie Bvolue en dix-quinze jours; elle se termine par une occlusion totale de la pupille, avec exeudat dam le champ pupillaire et opacit6 partielle de la corn6e.

Lorsque, vingt-quatre heures aprhs l’inoculation de gonocoques,

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on injecte dans la chambre anterieure du serum antigonococcique, l’bvolution de la maladie change complhtement. Non seulement la gravite des lesions est beaucoup moindre, mais la guerison mbme s’obtient assez rapidement. Chez les animaux ayant r e p du serum, leu sequelles pathologiques, si importantes dans les cas non trait&, sont presque nulles. Dejit d8s le lendemain de l’in- jection du serum, quelquefois le soir mbme, on constate une difference manifeste entre l’oeil trait6 et l’oeil tbmoin. Dans l’oeil traith, la rougeur conjonctivale et perikeratique est moins accusee; le trouble de la chambre anterieure eat moins marque; les exsudats sont moins abondants; l’hypopyon est moins conside- rable et plus lent it se collecter. Les phhomhnes inflammatoires regressent rapidement, si bien qu’au bout de quatre B six jours a p r h l’injection de skrum, l’iris reprend son brillant, les emu- dats disparaissent, laissant seulement, it la limite du champ pupillaire, un fin lis6r6, le bordant sur tout le pourtour. Jamais on ne constate de pannus annulaire, comme dam les yeux ser- vant de thmoins.

On peut donc conclure, avec les auteurs, que la serotherapie antigonococcique est en ce cas remarquablement efficace. Ajoutons que l’action de ce serum est strictement spbcifique; tout autre serum - antidiphterique ou antimeningococcique - est dbpourvu du moindre effet curatif, en injection intraoculaire.

Or, fait intkressant, le serum antigonococcique n’est actif qu’en application locale. L’experience montre, en effet, que son action eat nulle lorsque, au lieu d’btre introduit dans la chambre an- tkrieure, il eat inject6 dans la conjonctive. D’autre part, l’ex- perience montre que Yon a beau injecter dans les muscles ou dans lea veines jusqu’a 10 cc. de serum antigonococcique, on n’obtient aucun effet thhrapeutique: les lesions Qvoluent dans ce cas exac- tement comme chez les animaux tkmoins. Donc, seule la sero- therapie locale est efficace.

Notons, pour memoire, que, d’apr8s Ies observations des cli- niciens, la rectite blennorragique, rebelle aux injections sous- cutanees de serum antigonococcique, est susceptible d’btre am& lioree par des applications locales de serum antigonococcique, c’est-it-dire en lavages, en instillations ou en pansements.

De mbme, dam la vaginite ou dans la vulvite blennorragique, des lavages au skrum antigonococcique ou des applications de tampons, imbibes de ce serum, attenuent rapidement les pheno- mhnes inflammatoires.

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Oii le s6rum antigonococcique parait &re particulihrement utile, dam la clinique, c’est dam la conjonctivite et dam l’ophtal- mie du nouveau-n6. Chevallereau et Offret ont pr6sent6, B la Soci6t6 d‘0phtalmologie de Paris, deux conjonctivites, chez un adulte et chez une fillette, traitbes par instillations de serum an- tigonococcique. Dam le premier can, il s’agissait d’une forme grave de conjonctivite gonococcique; vingt heures apr6s l’appli- cation locale de ahrum, lea ph6nomhnes aigus ont c6d6, et la sbcrQ- tion purulente a disparu en m o b de 48 heures. Dam le second cas, il s’agissait d’une fillette atteinte d’une conjonctivite gonococcique unilatbrale, avec infiltration des deux tiers de la cornhe; la s6cr8- tion a disparu quatre jours a p r b le debut du traitement; la complication cornbenne s’est rapidement amhliorbe. $Le serum a une action d’autant plus efficace, font remarquer ces auteurs, que le gonocoque eat plus en surface; il faut que l’oeil baigne, pour Jns i dire, sans arrdt dans le s6rum.9

Offret a rapport6 l’histoire de cinq ophtalmies gonococciques, czhez des nouveaux-n6s, trait68 par I’emploi local de serum an- tigonococcique (de Blaizot). Les cinq ophtalmiee ont ht6 gu6ries en t r b peu de temps, de 4 B 10 jours. Ohaque fois, lea symptbmes inflammatoires ont disparu en moins de 24 heures. Lea lbsions corn6ennes ont 6t6 Bgalement trhs rapidement et t r b favorable- ment influencbes; les ulcbrations cornbennes ont disparu sans laiaser aucune trace. Or, on sait qu’avec les moyens ordinaires, l’ophtalmie gonococcique du nouvau-n6 dure, en moyenne, de 3 B 7 semaines; que les ulc6ratiom de la cornhe aboutissent, en gbnbral, ii la perforation; en tout cas, quelle que soit l’issue de l’ulchre cornben, on sait qu’il persiste toujours des taies, cica- trices indbll6bilea. Offret termine son article en disant que ula gonococcie oculaire du nouveau-n6 a trouvb son remhde dans l’emploi du serum antim6ningococciquen.

Oomme on le voit, les faits cliniques concordent complhtement avec lea faits de laboratoire, en ce qui concerne l’efficacitb de la sbrothkrapie antigonococcique seulement en application locale.

Le ahurn antbtreptococciqu, susceptible de rendre service dans les infections gbn6rales, est d’un faible secours dsna les strepto- coccies localis6ea. Dana 1’6rysiphle, notamment, le s6rum inject6 sous la peau, dam lea muscles ou dans les veines, eat souvent utile pour combattre lee phhomhnes g6n6raux, mais il n’a aucune prise sur l’bruption cutanhe. aette remarque s’applique Qgale-

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ment b d’autrea manifestations streptococciques, ayant pour siege la peau ou lea muqueuses. Aussi, devant la carence du serum antistreptococcique, assiste-t-on aujourd’hui b des tentatives de plus en plus frequentes d’utiliser des pansements B l’antivirus streptococcique.

Montel, de Saigon, eut l’idQe d’employer le serum antistrepto- coccique loco dolenti, en badigeonnages sur lea teguments at- teints.

Apr8s lavage de la rhgion infectde B l’eau bouillie, il badigeonne la region malade, trois fois par jour, avec un pinceau souple ou un simple tampon de coton, imbibQ de serum antistreptococcique. Le badigeonnage eat pratique de fapon B depasser largement les limites du mal. Le ahrum, laissh B shcher sur place, realhe dam ces conditions un veritable laquage de la peau. Aucun autre traitement n’eet employd.

D h la premiere application de sQrum, dans les cinq minutes qui suivent le badigeonnage, on assiste b une reaction vasculaire intense, au sein des t h u s malades; outre la rougeur des tissus, le malade accuse une sensation de chaleur et de tension, qui dure souvent pendant plus d’une demi-heure.

Ce traitement a 6th employe par Montel non seulement dans I’Brysip8le de la face, mais encore dans l’Qrysip8le chirurgical et dans des lymphangites BrysipBlateuses, provoquees par des l6sions d’impetigo. Dam tous ces cas, l’auteur a vu des l6sions retrockder d8s le premier badigeonnage de serum et gukrir com- plhtement en deux b cinq jours.

Montel recommande d’employer dans l’Brysip&le, concurrem- ment avec le badigeonnage, le serum en injection intradermique, tout autour de la region infectde. Au voisinage immediat du bourrelet Qrythhmateux, il injecte, dans la peau, de distance en distance, deux b trois gouttes de serum antistreptococcique. (lea injections intracutanees constituent, d’apr8s Montel, un adjuvant precieux des applications cutanees proprement dites, et assurent une gudrison plus rapide encore que lea badigeonnagea seuls. Notons, en pamant, que cette technique de sbrotherapie locale eat identique B celle que l’on emploie dans l’antivirustherapie de l’Qr ysip ale.

Le traitement, tel que le pratique Montel, eat specifique; le serum antistreptococcique n’a aucun effet sur lea lesions cuta- nees ou muqueuses qui sont d’origine staphylococcique; seule la sdrotherapie antistreptococcique eat efficace dam l’brysip8le.

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Le m6me auteur, s’inspirant de notre conception de l’immunith locale, a employ6 le &urn antidy8e&iqus, en application directe sur la muqueuse intestinale. Voici comment il prochde.

Aprhs un lavage Bvacuateur, au moyen d’une solution ren- fermant du bicarbonate de soude et de l’eau oxygen6e, Montel administre B sea malades, matin eti soir, du serum antidysenterique, en lavement; il y ajoute un peu de laudanum. Les lavements sont faits au moyen d’une sonde B enthroclyse de NQlaton, le malade &ant couch6.

En rhgle g6n6rale, dhs le premier lavement au ahrum, le t h - nesme cede et tous les autres sympt6mes s’amendent conside- rablement. Au lieu d’une selle toutes lee heures, le malade garde son lavement; il peut dormir tranquillement toute la nuit. Peu de temps aprhs, la fihvre tombe et le sang disparait des Bvacua- tiom. DBs le troisihme lavement, les selles redeviennent normales.

L’auteur a obtenu d‘aussi excellents r h l t a t s avec du serum antidysent6rique administr6 par la voie buccale. Dam la pratique journalihre, il recommande de combiner les deux proc6d6s, c’est- 21-dire de donner le s6rum simultanhment par voie buccale et par voie rectale.

Le nombre des cas de dysenterie (Shiga-Kruse, Flexner, His, Saigon, Denier), traiths par cette mhthode, avec succhs, a d6- p e ~ d la centaine. ,La supkriorit6 de cette technique sur la m6- thode classique, conclut Montel, nous parait incontestable; elle eat plus facile B mettre en oeuvre; les rksultats sont plus rapides; la cessation des douleurs, du thnesme, des nausQes, est presque imm6diate; de plus, les accidents s6riques sont supprim8s.t)

Le skrurn polyvalent de Leclainche et Vallbe est prepare, on le sait, avec des microbes varihs, tels que staphylocoques, strep- tocoques, colibacilles, pyocyaniquea, proteus, vibrions septiques et perfringem, tous capables d’attaquer la peau et d’y provoquer des l6sions souvent gravea. Le s h m polyvalent a 6th employ6, surtout pendant la guerre, avec beaucoup de succhs, dans le traitement des plaies en application directe, Bur la peau. Voici comment ces savants r6sument l’effet produit par ces pansements.

La douleur s’att6nue et disparait presque aussit6t aprhs leur application. Dam nombre de cas, le pus disparait dans lea 24- 48 heures. Dans les cas graves, lee caracthres de la suppuration sont modifi6s: le pus fhtide, sanieux, fait place B un lkger suinte- men@ la plaio se d6terge; les enduits qui la recouvrent disparais-

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SI~ROTE~RAPIE LOCALE. 41 1

sent; lea sphachles s’Bliminent; lea lambeaux non detaches se re- parent.

La transformation de 1’8tat local est suivie de la disparition des phenomhnes secondaires, tels que oedhme, lymphangites, loca- liseea ou diffuses, adhites. La temperature, chez lea fhbrici- tants, s’abais8e di% les premiers pansements. Ohez d’aucuns, l’application du serum provoque une reaction thermique, leg &re et fugace; maia l’8tat g6nQral ne den ameliore pas moins, et le malade ne tarde pas B accuser une sensation de bien-btre. La cicatrisation survient rapidement; l’aspect dea cicatrices est irreprochable.

Des pansements au serum polyvalent ont 6th employes dam des traumatismes divers: plaies de guerre, anthrax, phlegmons, abchs, affections cutanbee suppurantes, infections oculaires, engelures, briilures. Oes pansements Btaient Bgalement indiques dans lea interventions chirurgicales, au cours desquellea ils r6a- lisaient une veritable antisepsie physiologique. ,Sur des plaies qui ne pouvaient btre reuniea d’emblee par suture totale, Qcrivent P. et L. Bazy, nous faisons un tr&s large emploi du serum poly- valent. Nous en obtenons lea meilleurs rksultats. Lea pansements sont indolores. Lea chairs se conservent dans un Qtat tout A fait remarquable; les bords de la plaie restent admirablement souples; le fond bourgeonne avec une trhs grande rapidit8.o

La serotherapie locale, sous forme de pansements, mhches, injections dans lea sereuses et cavites, instillations dans lea trajets, eat spircifique. Son action ne saurait en aucune fapon btre idenfiee avec celle des s6rums normaux. Ainsi, le serum polyvalent est employe avec succ&s chez le cheval dans le traite- ment des plaies, alors que celles-ci ne sont nullement influencees par application du serum normal homologue. De plus, l’effica- cite des pansements au serum polyvalent eat loin d’avoir un ca- racthre general; elle eat limithe aux infections qui aont provoquees par les germes ntilises pour la preparation du s6rum en question

La spkcificitc5 de cette skrotherapie locale ressort encore du fait qu’en clinique on obtient des ameliorations inconteatables 1s oh d’autres mkdications et, notamment, le serum normal de cheval, frais ou chauffh, ont Bchouh.

Pour ce qui eat de l’innocuite de cette shotherspie locale, Leclainche et Vallee font remarquer que ale traitement local des plaies au serum realise la p8n6tration lente qui - Besredka 1’8 montre - assure la dhsanaphylactisation; il suffirait, B lui seul,

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pour bi ter tout accident serique alarmant, et l’innocuitb de la methode eat admiae par tous les observateurs consciencieux et BClairBS8.

Quel est le mecanisme de cette s&roth&apie, prhconisee par Leclainche et Vallee? Ces auteurs estiment qu’il repose sur la presence dans le serum de sensibilisatrices sp6cifiques, c’est-&-dire, dea anticorps qui prennent part B la creation de l’immunit6 passive, lors de l’injection de serum par la voie parenterale.

Nous allow y revenir; faisons seulement remarquer que, pour &re efficace, le serum polyvalent doit &re m i s en contact imm6- diat avec la lesion, ~ i l doit atteindre des tissua irrigu~!~s, anato- miquement capables de la reaction sollicitbe,. (Leclainche et Vallhe.)

Jusqu’ici il a 6th question des s6rums antiinfectieux, prepares avec des germes ayant surtout des affinitbs pour la peau ou pour l’intestin. Ces sBrums, nous avons pu le constater, se montrent surtout ou uniquement actifs, lorsqu’ils sont mis en presence de t h u s receptifs. On pouvait se demander si les Serums anti- toxiques, prepares avec des germes toxigbnes, ayant une affinite pour lea elements nerveux, ne seraient pas Qgalement capables d’exercer une action specifique locale.

Nos recherches, faites en collaboration avec Nakagawa, ont port6 sur le ehum antit#unipPLe. Ue choix nous fut dicte par le caractbre du tetanos exp6rimental. On sait que l’animal, in- ject& avec la toxine tetanique sous la peau, ne manque jamais de prbsenter, au dbbut, de la raideur, localisee au niveau de la region injecthe. Le tbtanos appara€t de la sorte, au commence- ment, sou8 les aspects d’une affection locale. I1 &ait, d8s lors, nature1 de se demander si cette affection ne serait pas justiciable d‘un traitement specifique local.

Nos experiences ont port6 sur des cobayes. Aux urn, il a B t B applique, sur la face abdominale, un pansement au serum anti- thtanique; B d’autres, devant servir de temoins, un pansement au serum normal, ou au serum antidiphthrique, ou au serum anti- streptococcique. Dana plusieurs experiences, les s6rums liquides ont 6th remplaces par des crbmes vaselinees et lanolin6es, au serum mtithtanique. Pour Bviter le contact direct avec le serum la toxine tetanique a

6th toujours injecthe sous la peau. Elle Btait introduite, sui- vant l’exphrience, tant6t vingt-quatre heures apr8s l’application

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BBROTHBRAPIE LOCALE. 418

du pansement, tantBt une trois heures apres le panse- ment.

Sans entrer dans les details de ces experiences, citons quel- ques faits, susceptibles d’hclairer le mecanisme de cette sero- therapie locale.

I1 ressort de nos experiences que lea cobayes, soumis B l’action du pansement antiGtanique, resistent B la toxine injectbe le lendemain; les cobayes rbsistent, alors mbme que la toxine est injecthe trois heures avant l’application du pansement.

L’action exercde par le pansement est strictement sphcifique: des pansements faits avec des serums autres que le serum antitd- tanique, ne possedent aucun pouvoir protecteur. Fait important it noter, le pansement antitetanique est d’autant plus actif que la peau sur laquelle il porte, avait subi, au prhalable, un trauma- tisme plus marquh, c’est-&dire que lea cellules nerveuses devant subir le contact du serum antitetanique avaient ktd mises B nu d’une faqon plus siire.

L’action du serum antitetanique, applique sur une region determinee, est-elle generale ou locale?

Pour le savoir, il a Btd inject6 B un lot de cobayes de la toxine sous la peau du ventre; B un autre lot de cobayes, la toxine a BtB in- jectee sous la peau de la cuisse. Une heure aprbs, on appliqua, h tous les cobayes, des pansements antitdtaniques sur le ventre.

L’exphrience a montrh que seuls survivent dans ces conditions les cobayes ayant r e p la toxine sous la peau du ventre. L’action du pansement antitetanique est donc locale; elle s’exerce sur place; elle est nulle B distance.

Lorsqu’on intensifie le pouvoir absorbant de la peau, en incorporant le skrum dans de la crhme, l’immunitk peut devenir gknhrale; employe sous forme liquide, en pansement, le serum agit surtout sur la peau qui est comprise dans l’aire du panse- ment, c’est-1-dire, localement.

En s’impirant des experiences que nous venons de relater sur le serum antithtanique, Masaichi Kamakura entreprit des recher - ches sur le sbum antivaccinal.

Ces recherche8 ont port6 sur des lapins albinos, particuli6re- ment sensibles au virus vaccinal. La lymphe, plus ou moins dilude, dtait appliqde, au moyen d’une brosse l dents, sur la peau rasee et scarifide, ou bien injectee directenient dans la peau, l la dilution de 1 : 100.

e8-290081. Acia med . Scardinar. t‘ol. L S S .

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Le serum antivaccinal provenait des lapins ayant r e p du virus vaccinal dans la peau, pub, quelque temps aprb, une assee grande quantite de virus sous la peau; la saignee 8 blanc etait pratiquee trois semaines aprb la dernidre injection.

Les poils du dos &ant coupes ras, on reservait le cat6 droit du lapin au Serum sphcifique, le c6t6 gauche au serum normal. Pour se mettre A l’abri des pertes de substances, lore de leur application sur la peau, l’auteur avait recours B des pansements qu’il en- roulait autour du corps de l’animal.

Dans une des expbriences, les serums - specifique ou normal - ont 6th appliqu6s Bur la peau du doe, PUG, deux heures aprhs, le virus etait inmu16 dans la peau. Dans une autre experience, le virus etait inject6 d’abord; lea S ~ N ~ S furent appliques ensuite, deux A trois fois par jour. Dens lea deux cas, on pouvait constater une immunit6 locale indiecutable du cat6 droit; cette immunite reseortait surtout par compareieon avec le cat6 gauche qui ser- vait de thmoin.

DBsirant se rendre compte jusqu’A quel point .les serums sp6- cifiques pouvaient agir Bur une Qruption vaccinale d6jS coneti- tube, l’auteur a inocul6 B deux lapins du virus, d’abord. Le traitement ne commenp que trois ou quatre jours aprds, au mo- ment oh l’hption Btait dhj8 bien marquee; les applioations du serum Btaient ensuite continuhes jusqu’au septidme jour. L’effet produit par le Serum ainsi employ6, A titre curatif, a 6th des plus manifestes. Fait interessant, mbme aprb l’application du serum, l’bruption continuait 8 se developper encore pendant 24 heures; l’auteur en conclut qu’une phiode de 24 heures eat n6- ceseaire avant que l’immunit4 locale fasse son apparition.

Dans une autre aerie $experiences, relatives A la duree de l’immunitb, l’auteur a 6tabli que l’immunit6, conferee par l’appli- cation du serum antivaccinal, ne dure pas plus de cinq jours; elle n’a pas Bt6 constathe aprds six jours. En r6sum6, l’immunit6 cr66e par le serum antivaccinal, en appli-

cation locale, ne s’btend pas B l’organisme entier, c’est-8-dire, elle n’est pas g6nhrale; elle est limiue B la region qui est en con- tact avec le pansement. Cette immunit4 ne peut pas &re attri- buhe, d’autre part, comme l’ont montr6 les exp6riences de Kama- kura, 8 l’action directe du serum sur le virus; il s’agit donc d’une immunit6 de mbme ordre que celle que nous avons constatbe, avec Nakagawa, pour le serum antitbtanique.

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Nous venons de passer en revue different8 types de sbrums sp6- cifiquea: nous avom examid dea s&rums uniquement antiin- fectieux et un serum uniquement antitoxique, un serum B. la fois antiinfectieux et antitoxique, des serums mono- et polyvalents, des abruma qui ont fait leura preuves dans la therapeutique et d‘autres qui ont seulement un interkt experimental, et, enfin, un serum prdpar6 avec un germe inconnu. Lorsqu’on confronte tous ces serums entre eux, on ne peut ne pas btre frappe de l’uni- formite de leur mode d’action in vivo. Au point de vue de la nature de l’immunite qu’ils confdrent, ces s~rums se rapprochent singulihrement des antivirus microbiens.

Ce qui caracterise lea serums que nous venom de paaser en re- vue, c’eat qu’ils deploient le maximum de leur pouvoir preventif quand ils sont en contact immediat avec les tissus ausceptibles d’btre attaqub par le virus; d’autre part, ces adrums manifeatent le maximum de pouvoir curatif quand ils sont appliquhs directe- ment sur lee tissus dejh attaqubs. On n’a qu’h se reporter aux pages prhchdentea, pour s’assurer que cette rhgle ne souffre aucune exception.

Si lea serums en question tenaient leur pouvoir specifique uniquement des anticorps, on s’attendrait B ce qu’ils agissent pareillement, inject& dans le sang ou sous la peau; on ne com- prendrait pas pourquoi ils ont besoin d’btre mis en contact imm8- diat avec lea tiasus rhceptifs.

Prenons un exemple concret, choisi parmi ceux rapport68 plus haut, soit le serum antigonococcique. Nous avons vu que ce serum exerce une action, prkventive et curative, remarquable dans l’ophtalmie, lorsqu’il est inject6 dans la chambre ante- rieure et qu’il n’agit pas du tout lorsqu’il eat inject6 dans le sang.

A la lumidre de la conception courante de l’immunitk, la de- struction des gonocoques, au cours de l’ophtalmie, devrait btre l’ceuvre ou des phagocytes nstimulhm par le serum specifique (Metchnikoff) ou bien de l’action combinhe 9des deux substances,, la sensibilisatrice et l’alexine (Bordet).

L’hypothhse des stimulines ne saurait btre valable, car nom savons par l’experience que, employe dans lea conditions iden- tiques. le d rum antidiphtkrique ou antimbningococcique ne produisent aucun effet. Rien ne nous autorise a priori B. supposer que lea phagocytes soient aptes B faire la discrimination entre un serum spkcifique et un serum non ap8cifique.

La seconde hypothese parait, de prime abord, plus plausible:

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on peut, en effet, admettre que le serum antigonococcique agisse directement sur lea gonocoquea, encore que les experiences in vitro ne permettent d’y reveler ni substance bactericide, ni sub- stance agglutinante, ni precipitante. Supposons - pour faire la partie belle aux adeptes de la theorie des deux substances- que le serum antigonococcique soit actif de par sa sensibili- satrice, laquell$ se fixe sur les microbes, lea attenue et lea rend plus acceseibles B l’action de l’alexine. Soit. Mais, d’oii vien- drait l’alexine au niveau de l’oeil? Pourquoi d’autre part, la sensibilisatrice - en admettant qu’elle fiit en cause - se mon- trerait-elle impuissante lorsque le serum antigonococcique eat introduit dans le torrent circulatoire?

Les mbmes questions se posent dans le cas de 1s seroth6rapie antidysentbrique locale. Pourquoi la sensibiliaatrice du serum antidysentbrique, laquelle est facile B mettre en evidence, serait-elle moins active, introduite dans le sang, qu’appliqube directement sur la muqueuse malade? En admettant que la sensibilisatrice piit intervenir dans ce cas; comment se procu- rerait-elle de l’alexine nbcessaire dans le rectum?

Les mbmes questions et d‘autres encore, sur lesquelles il serait fastidieux d’insister, se posent B propos de chacun des sbrum spbcifiques, sans que les theories courantes de l’immunite puissent y repondre d’une fason satisfaisante.

Dans un de nos ouvrages,l nous avons expose comment nous nous reprbsentons la constitution des serums antimicrobiens et leur mode d’action dans l’organisme, lorsqu’ils sont employes A titre preventif ou curatif.

Nous avons Bmis l’hypothhse, d’aprhs laquelle lea microbes, inject& aux animaux, en vue de la preparation des serums, donnent naissance B deux sortes de substances: d’une part, des agglutinines, precipitines, sensibilisatrices, soit des anticorps du stroma de microbe et, d’autre part, des antivirus speci- fiques. Lea uns et lee autres, au fur et h memre que l’immunisa- tion se poursuit, s’accumulent dans le sang. h i s , B un moment donne, quand le sang en eat saturh, l’blaboration de ces sub- stances s’arrbte. ,Lee sbrums specifiques renferment, avons- nous k i t , B la fois des antivirus -1es mbmes que nous con- statons au cours des vaccinations actives - et des anticorps.))

Immnnisation locale et Psnsemente ep6ciflqoea. Yasron & Co, Bdit., 1925, _-

pp. 235-237.

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B ~ R O T I I h A P I E LOCALE. 417

A la lumi8re de cette hypothGse, s’expliquent la plupart des faits, sinon tous, que nous avons dbcrits au sujet de la sbrothkrapie locale.

Si les skrums antimicrobiens appliques localement - sur la peau, dans la chambre antkrieure, sur la muqueuse intestinale, dans les cavitds rachidienne, pbricardiaque, pleurale ou articu- laire - sont plus efficaces qu’en injections parentbrales, ce n’est pas parce qu’ils ont l’occasion d’exercer, 8. leur aise, une action soit sur les phagocytes soit sur les microbes; l’hypoth8se d’une simple action stimulante des skrums spkcifiques sur les leuco- cytes se trouve d’emblke exclue; quant 8. leur action directe sur lea microbes, elle ne saurait 6tre importante, si toutefois elle existe, &ant donne que la plupart de ces microbes, ensemencbs dans leurs sbrums correspondants, ne refusent point d’y croitre et de s’y multiplier.

A notre &via, si les skrums antimicrobiens, ou antiinfectieux, sont si actifs en application locale, la raison principale en reside dans leur affinitd pour lea cellules rbceptives, cette affinitk leur venant de leut teneur en antivirus sphcifiques.

Si le skrum anticharbonneux, par exemple, agit en injection sous-cutanbe beaucoup mieux qu’en injection intraveineuse, comme 1’s montrd Matzumoto, ce n’est pas parce que ce sbrum attbnue la virulence des bacthridiw ou parce qu’il poashde un pouvoir bactbricide; cw qualit68 lui sont htranghrw. Si le skrum en question eat actif en injection sous-cutanhe, c’est perce que l’antivirus charbonneux, qu’il renferme, s’adsorbe par lee cellules rbceptives de la peau, B la suite de quoi ces cellules deviennent rbfractaires aux bacthridies.

De. m6me, si le skrum antimbningococcique, qui eat inactif en injection sous-cutanbe ou intra-veineuse, se montre, par contre, curatif en injections intra-rachidienne, ventriculaire ou articulaire, dans la mkningite, ou la ventriculite, ou l’arthrite B mkningocoque, ce n’eat pas parce qu’il eat capable de dktruire les mkningocoques -cette action btant nulle, du moins, in vitro-mais parce que l’antivirus mbningococcique, en vertu de son affinitk pour lee cellules tapissant les mhninges, lea ventricules ou lea articula- tions, vaccine les cellules rbceptives dea parois correspondantes contre la toxine mkningococcique.

L’itinbraire b parcourir - pour arriver du t h u souri-cutank et du sang jusqu’aux cellules rbceptives - comporte un chemin dhtournb; on cmqoit d8s lor8 que lea voies sous-cutanbes et intra-

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veineuses aoient inoperantes en cas de mhningitee cloisonnhes, de ventriculites ou d‘arthrite mhingococcique. Ce que nous venons d’exposer au sujet du serum anticharbonneux ou anti- mhingococcique s’applique integralement aux autres serums antimicr obiens.

Nous sommes amen& 8. admettre que le principe actif, qui intervient dam la shrotherapie locale, est le mbme qui pr6- aide B la vaccinothhpie locale et, trhs vraisemblablement, aussi au processue d’immuno-transfusion, decrite par Wright. Dana tous ces cas, le rGle principal revient B I’antivirus qui entre en reaction avec lea cellules r6ceptives et les vaccine par adsorp- tion, sans concours d’anticorps.

Loin de n o u de pretendre que, pour btre efficace, la s6ro- therapie doit toujours atre pratiquee localement. Lea serums anticharbonneux, antidysenthrique et d’autres encore ne man- quent pas d’btre aussi actifs, lorsqu’ih sont inject68 sous 1s peau ou dans lee veines. Mais, on realise une Bconomie de temps et de produits, loraqu’on applique ces serums directement au niveau des organes 6Iectivement rhceptifs; tout c o m e dans le cas de vaccins antimicrobiens, on rdalise des Qconomiee de mbme ordre, lorsqu’on leur fait Qviter des dhtours, resultant des injections sous- cutan6ea, et qu’on lea met en contact avec lea cellulea r6ceptives. Dane lee cas des s6rums, comme dam celui des vaccins, on R tout intArbt B emprunter des parcours les plus courts, ceux que suivent lea v i rus eux-mbmes.

Lorsqu’on lit lee observations cliniques, relatant lea effets de la shothempie locale, dans lea cas d‘Qrysipdle, par exemple, ou des plaies infectbee, ou des dysenteries, et qu’on lea rapproche des resultats obtenus, dens lea marnee infections, par la vaccino- therapie locale, non seulement on constate les mhmes modifi- cations, se succedant dans le mbme ordre, mais on trouve encore sous la plume dea auteurs jusqu’aux expressions qui sont lea mbmes, lorsqu’il s’agit d’indiquer les diverse8 phases qui prQ- chdent la gu6rison.

L’immunit6 que confdre la s6roth6rapie locale s’Btablit rapide- ment, sans pour cela btre instantanbe; lans lee experiences sur la vaccine, par exemple, l’immunit6 exige une phiode de 24 heures environ. La d u r h de l’immunit6 confhree par la drothh- rspie locale eat courte; dens le cas du serum antivaccinal, cette dude eat de cinq-six jours.

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Nous retrouvons les mdmee caracthes dans l’immunitb que conf8re la vaccinotherapie locale: apparition rapide, durke courte et specificit6 rigoweuse. Comment rhsister d8s lors B la tentation de conclure que dam lea deux cas, le m6canisme de l’immunite soit sensiblement le mdme.

L’ktude de la serotherapie locale, qui fait ressortir le rdle de l’antivirus, ainei que le rapport qui existe entre l’immunit6 passive et active, a encore l’avantage de sugghrer une hypothbe de tra- vail, susceptible d’avoir une porthe pratique.

On sait que, B de rare8 exceptions pr8s, lea serums antimicro- biens n’ont pas justifie lea csperances que l’on avait fondees sur eux, au dhbut. Ne serait-ce pas parce qu’on employait jusqu’8 present ces serums, sans se prhoccuper de leurs affinites? Aussi peut-on se demander si lee. ahrums, antityphique, anticholerique et autres encore, ne gagneraient pas B dtre port& directement au niveau des cellules receptives, lee mi3mes cellules, que lea virus ‘

C’est vers la meilleure utilisation des serums antimicrobiens, selon le principe que nous venons d’enoncer, que sont actuelle- ment orienthes lea recherches dans notre laboratoire.

, typhiques ou cholhrique affectent en premier lieu?

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