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L’Occident vu par les yeux du Touareg Récit de voyage de Tombouctou à Genève Regards croisés entre le Nord et le Sud Un récit de Shindouk, Touareg nomade Photos de Viola Krebs

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L’Occident vu par

les yeux du Touareg

Récit de voyage deTombouctou à

Genève

Regards croisés entre le Nord et le Sud

Un récit de Shindouk, Touareg nomadePhotos de Viola Krebs

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L’Occident vu par les yeux du Touareg / 3

“ Cet écrit n’est ni une morale, ni un récitspirituel,ni une critique, ni un document politique. Ce n’est rien d’autre qu’une simplevision du monde moderne par un nomadeautodidacte du vingt-et-unième siècle.Dans ce récit de voyage de Tombouctou àGenève, je décris la réalité d’un regard croiséentre le Nord et le Sud, à l’état pur et naturelou à l’état brut et sauvage.

C’est à vous chers amis d'en juger, ou en unmot, ce que les Toubabs pensent des Africainset ce que nous les Africains de façon particulière pensons des occidentaux ouattendons de l’Occident. ”

Shindouk, Tombouctou, 2005

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Introduction

Tout est parti du “bonjour Madame” un jourdu mois de juillet 2003 à 9 heures, autélécentre communautaire de Tombouctou,connu sous le nom de “Maison del’Internet”. Voilà cette femme blonde, élé-gante, à la démarche droite, élancée , têtehaute, le nez pointu, qui, chaque fois qu’elleregarde autour d’elle, se met à renifler levent frais après la pluie. Cette dame me rap-pelle en réalité toute la fierté desAmenokals, chefs traditionnels Touaregs.Émerveillé, pour ne pas dire séduit par cettefemme Toubab au sourire large, réel etfranc, je commence à poser mes mille et unequestions : “Madame, si je comprends bien,vous travaillez dans le volontariat dudéveloppement de la haute technologie.”“Oui”, répond-elle avec beaucoup definesse et gentillesse.

Tout de suite, je me suis rappelé que j’aivécu pendant cinq ans comme réfugiéTouareg en Mauritanie et que les premierssur le terrain étaient des volontaires occi-dentaux, au moment où je venais tout justede perdre ma première fille, ma mère, matante, mon oncle, mes deux cousins à lasuite d’une maladie que les gens ont

appelée à l’époque la famine et le palud-isme. Oui, par manque de nourriture etd’une petite quinine, car on était desréfugiés à la merci de la misère et de lapoussière. Et bien ça c’est autre chose, uneautre histoire.

Aujourd’hui, on est à Tombouctou, en l’an2003, à la maison de l’Internet… L’Internet,est-ce la solution à tous nos problèmes? Jem’accroche à la volontaire, histoire de biencomprendre ce qu’elle veut faire. Je meprésente : “moi je suis le premier internauteTouareg et même le Web Magazine a écritun article sur moi, numéro spécial et excep-tionnel en juin 2001 ‘L’Afrique s’éveille aunet’.” Pour ce magazine qui a fait parler demoi de par le monde, il y a lieu de remerci-er la brave et brillante photographeEmmanuelle Barbara et son collègue Slim.

Je me suis rappelé aussi ma premièreexpérience avec les techniciens del’UNESCO en 1998, envoyés àTombouctou pour faire de la ville le premiervillage Internet de l’Afrique. J’ai eu lachance de faire visiter et connaître la ville etson histoire aux envoyés de l’UNESCO,

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Monsieur Ken, de nationalité anglaise, etSanogo, le franco-malien, paix dans sonâme. C’était juste à mon retour des campsde réfugiés, au moment où je mangeais,malgré moi, sous les acacias de l’hôtelBouctou, les restes des assiettes desToubabs, avec la complicité du cuisinier quin’a pas le droit de divulguer ce secret, car ily va de mon honneur, et de ma dignité.Ensuite, j'allais chez lui pour verser tous lesmois un salaire pour garder le silence, carpour moi et ma tribu manger les restes desautres ou mendier est synonyme de faib-lesse et de honte.

Les principes fondamentaux du Berabishnous enseignent qu’il vaut mieux mourirque la honte, car la mort est obligatoire,mais la honte ne l’est pas. Ici, tout de suite,je vous fais vivre ma rencontre avec latechnologie avant de continuer cette grandeaventure à la page suivante.

On est en octobre 1998 avec Ken et Sanogo,mes clients de l’UNESCO avec qui je parspour leur faire visiter Tombouctou et sonmythe, entre la grande mosquée et l’univer-sité de Sankore.

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Shindouk bien inspiré, mes clients sont con-vertis en amis qui veulent me connaître plusprofondément. Ainsi, autour du thé, sous matente, on m’a expliqué et m’a fait croire quel’Internet est pratiquement la solution à tousles problèmes du monde. Par respect à meshôtes, je conçois.

En réalité, Dieu est mon témoin, je n’avaisjamais entendu parler d’Internet, ni dans unlivre ni à la radio. Je cherche en vain à évitercette discussion qui me semble très com-pliquée, et qui ne m’apporte rien à moi, et

n’apporte rien à ma communauté, car laréalité de mon peuple est autre. On est en-dessous du seuil de l’alphabétisme. Pourchaque mille à deux mille habitants dudésert, vous avez un seul qui sait lire etécrire. C’est bien mon cas; je suis le seul quisait lire et écrire de toute ma tribu qui estcomposée de mille cinq cents habitants.Chez nous, il n’y a que des gens qui ontbesoin d’un verre d’eau de plus, et d’unequinine contre les maux de tête, car un sim-ple mal de tête peut leur coûter la vie.

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Même si l’histoire nous enseigne queTombouctou, qui est à la porte du désert, futle centre nerveux du système culturel et leberceau du savoir de toute l’Afrique del’Ouest, et que vers le 15ème siècle 2500étudiants sont sortis de l’Université deSankore au moment où Christophe Colomba découvert l’Amérique, le désert reste égalà lui-même depuis des millions d’années.Le désert est toujours le même, rien n’achangé. Les sécheresses se succèdent, et par-tent et laissent place au bonheur. Ça a tou-jours été comme ça et ça restera comme ça.

En résumé, j’ai expliqué à mes amis etclients de l’UNESCO que nous, lesnomades, on a d’autres priorités et que,pour utiliser l’Internet, il faut au moinssavoir lire et écrire, remplir certaines condi-tions pour être dans le système, et qu’objec-tivement parlant, nous avons plus besoind’eau, d’une bonne santé et de pâturagespour nos animaux que de toutes ces chosestechniques.

C’est seulement plus tard, pendant monvoyage en Europe, que j’ai découvert que lemonde va à 1000 km à l’heure et que le toutest dans un train qui roule aussi plus vite. Sivous avez la chance que ce train s’arrêtedevant chez vous, n’hésitez pas une seule

seconde, car ce n’est pas tous les jours quece train passe et s’arrête.

Ainsi, en octobre 1998, je deviens le pre-mier internaute Touareg. Le premier à avoirune adresse email: shindouk.guide@voilà.fr,car mes amis et clients de l’UNESCO, après15 jours de discussion, ont gagné la partie etont fini par me convertir en internautenomade, même s’il fallait encore trois anspour savoir lire et envoyer des mails surInternet.

Mais revenons à octobre 2003, à la Maisonde l’Internet, car tout est parti de là. Je pro-pose à la volontaire de venir au désert pourdécouvrir ma réalité et celle de mon peuple,de ma tribu. Ainsi, nous voyageons de nuitsous un ciel brillant à mille milliards d’étoilesqui se sont données rendez-vous cette nuit-là. Mes chameaux marchent doucement,lentement et sûrement, et aussi très vite, carà 22 heures on est dans mon campementautour du feu.

Un cameraman italien nous attend pourfilmer mon quotidien, ma réalité, celle dema tribu, et filmer le premier internauteTouareg nomade de Tombouctou.

Quelques semaines plus tard, j’apprends

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que je suis invité à Genève, au Cyberfesti-val des contenus locaux. Ainsi va la vie, lenomade est invité à voir le pays des blancs,voyager dans un avion ! Oui, ça fait peur,mais ça fait aussi rêver. C’est l’occasion deprendre l’avion et de découvrir chez tout cebeau monde qui vient chez nous à la quêtede je ne sais quoi...

Je partirai voir le pays des Blancs, desméchants, des mécréants, des hommes sans

foi, au pays du chacun pour soi et Dieu pourtous, au pays où chacun a une machine àsous, et il lui suffit juste de rentrer aux toi-lettes pour faire des billets de banque, aupays de l’individualisme à l’extrême. En unmot, au pays de tous les malheurs et de tousles bonheurs, au pays que nous les Africainsaccusons de tous les péchés d’Israël, mais onoublie que les Israéliens sont aussi le peupleélu et béni du BON DIEU. C’est à mon tourde voir et visiter chez eux, ces Occidentaux.

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Ma surprise fut grande lorsque je suismonté dans l’avion, gros comme toutes lesgrandes choses, et à l’intérieur il n’y a pra-tiquement que des Africains, parmi eux troiscompatriotes, deux Dogons et un Songhaiqui sont invités au même titre que moi àGenève. Je me pose encore cette question:qu’est-ce que tout ce beau monde vachercher? Ils ne sont pas les seuls à venirchez nous, les Toubabs, nous aussi, nouspartons chez eux. Alors au moment où tousles passagers attachent leur ceinture et quemon voisin me sourit, histoire de me ras-surer, je lui demande de m’aider pour fer-mer ou serrer ma ceinture, et voici unedame à la voix caramel pour ne pas dire aulait de chamelle ou à la voix au miel quiannonce l’altitude et juste après une extra-ordinaire musique du terroir de la kora deDjelimady et Diabate, la voix douce et à lafois fine, rock et grave. Oui, c’est bien lamusique de chez moi, le grand Mali, le MaliBas.

Même dans l’avion d’Air France, on écoutela musique du Mali, cela me rassure, maiscette image sur l’écran de télévisionaccroché dans l’avion me décourage… Si

tous les passagers doivent passer par sefaire tabasser pour avoir le droit d’entrer enEurope, c’est grave, très grave. Moi, jen’accepterai pas le chipotage, et jamais jen’enlèverai mon pantalon. En réalité, cetteimage n’était pas la bienvenue, car lamusique me faisait déjà rêver de la victoiredu retour à la maison, mais alors je com-mence à douter et me poser cette question“Shindouk pourquoi tu-es là?”

C’est à ce moment précis que l’image a lais-sé la place à la bonne musique qui, cettefois-ci, me donne une seule envie, c’est deretourner chez moi. Cela fait 52 heures quej’ai quitté ma famille, mes amis et j’ai déjàenvie d’être à nouveau avec eux. Ils memanquent beaucoup, et pourtant, je traverserégulièrement les déserts de l’Algérie, duNiger, de la Libye, de la Mauritanie et celuidu Mali qui est mon jardin, à dos dechameau, et en camion. Cela ne me donnejamais une nostalgie pareille.

Revenons à cette image qui m’a tellementfait peur que j’ai du mal à la digérer, car unefois à Tombouctou, au retour de mon voy-age de Genève, j’ai compris qu’on ne

De Tombouctou à Genève...

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chipote personne. Alors pourquoi cetteimage? Je demande à des amis occidentaux.C’est quoi cette image accrochée à l’avion?Après une longue explication, j’étais conva-incu que ce n’était rien d’autre que de lapublicité pour les droits de l’homme. C’esthumiliant quand une simple publicité faitpeur dans l’avion.

Plus tard, je suis à Paris. Là c’est le face-à-face entre la technologie et Shindouk, laguerre commence: le Monsieur de la policeme refuse le passage. La raison est simple:j’ai perdu mon ticket d’embarquementParis-Zurich. Après une longue discussion,ils m’ont fait savoir que là c’est la France etqu’on n’est pas au désert. On m’a envoyé aucomptoir d’information. Je vais directementlà. Je n’avais pas bien compris, car on est aupays des droits, de la liberté et de l’égalité,je dois obligatoirement respecter lesprincipes, en un mot, je dois rester dans làqueue, car c’est par ordre d’arrivée.

Et pourtant, chez moi, si vous êtes étrangerou riche vous n’avez pas besoin derespecter ce principe. Il y a toujours de laplace dans les avions, même s’il n’y a pasune chaise disponible. On te fait asseoir àcôté du pilote sur une Thermos. Mais jevous conseille de ne pas voyager en taxi

brousse car là, le droit et la liberté n’appar-tiennent pas aux pauvres: 1000 francs CFApour chaque poste de contrôle. Eh bien, çac’est une autre histoire.

On est à Paris Charles de Gaulle. J’ouvremes deux sacs dans lesquels se trouventmon sucre, mon thé, mon fourneau, moncharbon etc., et oui mes mille et un papiers,passeport, autorisation, déclaration, invita-tion, recommandation, visa. Une fois aucomptoir, la bonne dame me fait compren-dre que je suis en règle, mais mon avion estpour plus tard, trois heures après. Et jecherche à me reposer et à connaître là où jedois prendre mon avion pour Zurich. Jevous jure de tous les dieux du monde qu’àce moment précis, j’ai reconnu toutes lesvaleurs, et le bonheur dans lequel on setrouve et qui manque à ces gens-là. Chezmoi, au désert, tu peux voyager et partir làoù tu veux, comme tu veux, quand tu veux,sans même avoir une seule invitation ouautorisation. Ca aussi, c’est notre chance ànous. Tu n’as pas besoin d’avoir un passe-port pour traverser et visiter le désert qui esttrois fois plus vaste que le territoire de laFrance. Bref, ici, c’est la France, on est loindu désert et de sa liberté.

Voilà, un escalier qui va très vite... “élec-

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tronique”. Je monte cet escalier et je meretrouve bien arrivé, mais sur mon dos, avecmes deux sacs au-dessus de ma tête. Là, jeme pose la question : comment cela peut-ilarriver. Les autres arrivent sur leurs pieds etmoi sur ma tête, et voilà au loin deuxpoliciers qui meurent de rire et m’interpel-lent en me disant: “Monsieur, il y a toujoursdeux escaliers un électronique et l’autre enbéton!” Là, c’est une expérience acquise.J’ai juré que je ne monterai plus lesescaliers électroniques. Je demande auxpoliciers où est-ce que je prends mon avion.On m’envoie à la salle F4. Une grande salle,grosse, avec ses chaises en uniforme même

couleur. Même pas une mouche. Et pour-tant, j’ai envie de boire, car ça fait 48 heuresque je n’ai pas mangé, je n’ai pas bu, maisla chose la plus importante pour moi reste lethé. Et devant moi une salle où c’est écrit «toilettes ». Je me dirige vers la salle, et aumoment où je m’approche du lavabo, il yl’eau qui gicle. Je fais trois pas en arrièrepar peur; est-ce que je n’ai pas fait unebêtise? Et après plusieurs va-et-vient entrela porte et le lavabo, j’ai compris enfin quec’est normal. Si au désert, chez moi, on abesoin de partir chercher l’eau à 60 mètresde profondeur avec une corvette, unchameau et une corde, ici, on est en France,

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il suffit juste de taper les deux doigts etl’eau gicle, quelle magie! Ca, même les sor-ciers chez nous ne peuvent pas le faire.Après avoir bien bu du lavabo, je retourne àla salle d’attente, toujours personne. Là, jene supporte plus, je fais mon thé, j’ai pré-paré mon thé. Au moment où j’ai posé monverre sur la table, il y a deux policiers quim’interpellent “Monsieur, papiers?” Aprèsune longue discussion, on m’invite àretourner à ma place. Là, mon thé disparaît.Ma colère a été tellement grande que j’airegardé autour de moi pour trouver cespoliciers, mais ils avaient disparu. Plus per-sonne. Les minutes se succèdent, l’attentefut longue.

Enfin, me voilà dans l’avion pour Zurich.Un avion qui a traversé des turbulences ter-ribles et qui d’après moi ne serait jamaisarrivé au complet à destination. Aéroport deZurich. C’est le « ohé » qui m’apaise, car jesuis à terre. Voici Monsieur Antoine, lemodèle de l’intégration occidentale, au loin,avec une plaque où est écrit mon nom, ainsique celui d’autres invités. C’est la joie. C’estla joie, parce que je vois mon nom écrit etporté par un Monsieur qui de loin dégage lasérénité, la gentillesse, la bonté, la sagesse.

Et mon voyage commence. Quel voyage !

Zurich-Genève en voiture. Avec moi,Antoine Dahir. Il y a son grand frère Tufik,et un Bolivien qui vient pour le même festi-val. Après 28 heures de vol, il dort commeun bébé. Bravo!

Et moi, je profite du paysage. Là, je vousdis, il n’y a pas de commentaires à faire.Tout est vert. Tout est beau. Tout est eau.Voilà, au loin le Mont-Blanc. Même lesmontagnes sont blanches. J’ai connu beau-coup de montagnes, mais jamais uneblanche. Il n’y a pas un centimètre où il n’ya pas une maison ou un arbre, et de l’eaupartout. En un mot, le paradis terrestre. Ilparaît que toute la Suisse est arrosée d’unlac. Oui, c’est vrai que chez moi, je peuxparcourir 1000 km sans arbre et sans eau, etnos ancêtres nous ont toujours dit que Dieuest proche de nous.

Je suis d’accord avec eux, car tous lesgrands hommes qui ont marqué l’humanité,d’Abraham à Moïse, en passant par Jésus etMahomet, on approuve leur force dans ledésert, mais le bon Dieu lui même, il a samain en Suisse. Voilà un pays béni du bonDieu et le mérite revient à son peuple, caron ne peut pas avoir le bon Dieu de son côtési on ne le mérite pas.

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Genève, 8 décembre 2003

Et enfin, nous voilà à Genève, avec mesamis, mes frères, car je peux les appelerqu’ainsi.

Derrière cette fraternité, je suis traitécomme un prince. On me dépose devant leForum de Meyrin, dans une salle de mar-bre et de vitres, et là, il faut à tout prix pla-cer ma tente. Le problème c’est que je nepeux pas faire un trou ni placer un piquet ;et la condition pour moi de voyager c’étaitde voyager avec ma maison, c’est-à-direma tente. Après quelques heures de tech-nique et de physique, le nomade a puplacer sa tente au bon milieu de la salle.

Monsieur Arnaud Morillon m’amène àmon hôtel et m’accompagne jusqu’à machambre. Une chambre avec télévision,téléphone, deux lits, une toilette com-plète, et même un frigo, dans un espacequi est réservé aux pigeons chez nous enAfrique. Après une douche à la va-vite jecherche à redescendre. Il fallait attendrecertains clients de l’hôtel pour faire laroute avec eux. Une fois au restaurant,j’ai mangé comme un grand enfant, jeretourne à ma chambre et ce n’était pas

facile. Ma chambre refuse d’ouvrir, carc’est une carte électronique pour ouvriret fermer.

L’attente fut longue. J’avais même prisla décision de passer la nuit devant machambre, car pour rejoindre MonsieurArnaud que j’avais laissé au restaurant,il fallait descendre par l’ascenseur, etmoi, je suis là. Derrière, personne pourmanier cette machine qui me rappellel’avion. Après quelque temps, voilà unMonsieur qui arrive et qui m’accompa-gne jusqu’au restaurant. Là, je demandeà mon ami Arnaud de venir m’ouvrir machambre, sinon je risque de passer lanuit devant ma chambre.

Oui, chez moi dans le désert et mêmeen ville, on peut passer la nuit à la belleétoile, sans même payer un centime eton n’a pas besoin de chercherquelqu’un pour vous ouvrir la ported’entrée. Ainsi est faite la vie: certainspayent des milliers de francs juste pourdormir en sécurité et nous, ça nouscoûte zéro franc. Quel privilège, oui, lebon Dieu est très juste, quelle bellenature.

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Genève, le 9 décembre 2003

Je pars le matin à la rencontre des hommesblancs aux machines à sous, car pour nous,les Africains, les Toubabs sont synonymesde richesse. On nous a fait croire quechaque Toubab a une machine à sous. Il leursuffit juste de rentrer dans les toilettes pourfabriquer des billets de banque. Derrièrecette richesse, une grande méchanceté. Ilssont mécréants, ils sont sans pitié, sans foiet sans loi. Ils sont individualistes à l’ex-trême, car ils ne connaissent même pas lenom de leurs voisins pendant trente ans. Ilsne savent pas dire bonjour. Traités de tousles péchés. En réalité, de toutes ces accusa-tions, il n’y a rien de vrai. On n’a pas besoin

de partir chez eux pour le savoir. Il fautjuste regarder en face et être objectif enverssoi-même. Oui, ils ne connaissent pas leursvoisins, mais ils viennent en aide au dernierréfugié à l’extrême Sud, à l’Est, au Nord, àl’Ouest du continent. Cela donne à réfléchir.

En réalité, les Occidentaux de façongénérale, sont esclaves de leur propre sys-tème. Ils dépendent du temps. Tout esttemps. Tout est consommation. Il faut untéléphone, un téléviseur, un frigo, unevoiture, un chauffage, un climatiseur, desassurances maladie, et même des assurancesà tout risque, des abris au froid quand il fait

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chaud, des abris chauds quand il fait froid.Un abri est toujours du chaud et du froid, laliste est longue et infinie et le tout pourl’avoir c’est l’argent. Pour avoir cet argent,il faut avoir un travail. Et quel travail ! Pasde sentiments. On te paie pour huit heuresde travail. Il faut être là à 7 heures pile, carà 7 heures une minute, tu dois servir le caféà celui qui prend son avion à 7 heures deuxminutes, et l’avion n’attend pas. Il n’y a pasplus compliqué pour expliquer tout cela.

Nous allons nous mettre dans la peau desToubabs, quelques minutes, qui doivent êtredans le système, car ils sont esclaves de leur

propre système, sinon ils vont se retrouverdans la rue comme mendiants ou clochards,sauf que chez eux le mendiant est galant, ila toujours quelque chose à faire ou il joue àla guitare ou à la trompette. Ils n’ont pas laculture de tendre la main. Donc, votre viedépend du travail pour lequel il faut être àl’heure, sinon vous risquez de mettre à l’eautout le système et vous vous retrouvez dansla rue.

En Europe, quand on perd son travail, il y amille et une personnes derrière toi qui atten-dent. Donc, pour trouver du travail, encore,c’est toute une histoire et ça va de votre des-

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tin, car la chose la plus difficile en Europe,c’est bien le travail. La fierté, l’honneur, laréussite, la dignité, la bravoure de l’hommeblanc est son travail. On ne badine pas avecle travail et personne n’a le temps de direbonjour, car ça peut prendre cinq minutes etcinq minutes de retard est synonyme de ren-voi pur et simple. Voilà pourquoi nos amisne disent pas bonjour.

C’est différent de chez moi où, quand unepersonne de la famille a un travail, minimequ’il soit, tout le reste de la famille serepose, s’allonge et attend les repas, lesboubous de fêtes, les ordonnances, et cer-tains même exigent un régime. Chez nous,la famille est large, élastique et tout lemonde fonde espoir sur toi qui travaille. Tun’as pas le droit de dire “non” même s’ilfaut s’endetter; beaucoup sont en prison àcause de rien d’autre que la famille que l’onveut satisfaire à tout prix.

Là aussi, Dieu merci, tu peux venir au tra-vail quand tu veux et parfois même ne pasvenir pour deux jours, car on peut toujoursinventer que la grand-mère qui est mortedepuis longtemps est morte de nouveaupour bénéficier d’un congé funèbre. Ahmon Afrique, que tu es humaine etgénéreuse ! Bien, ici c’est Genève, on est

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loin de tout ça. J’ai marché dans toutes lesdirections, mais je n’ai pas vu cette machineà sous ni quelqu’un la porter. Au contraire,c’est moi qui offre, au nom de mon cherpays, le Mali, et au nom de ma commu-nauté, des petites plaques de sel. Ce sel quireprésente toute notre richesse et notre his-toire, car depuis deux mille ans, mesancêtres et leurs caravanes de sel se succè-dent sur cet océan infini de sable. Toutes lesactivités du monde ont évolué sauf cetteculture du commerce et du transport de sel.Elle reste égale à elle-même, toujours lamême distance, les mêmes hommes, lesmêmes chameaux: quinze jours de voyageen aller-simple, et 15 jours pour le retour àdos de chameau, minimum huit heures demarche par jour, et, en général, cela dépenddu temps, le voyage se fait de nuit, à l’aidedes étoiles par lesquelles on se dirige, aprèsle cadeau en sel.

J’ai même servi du thé sous ma tente deGenève pour les visiteurs qui à chaque foisveulent me payer pour cela. Ils ne compren-nent pas que chez moi, le thé ne se vend pas.Quand on te l’offre, c’est un signe d’amitié,ce qui veut dire que je t’accepte sous matente ou sur mon territoire. Cela s’appelleun pacte de paix à la nomade. Du père del’Europe au Maire de Meyrin, tout ce beau

monde a reçu de ma main un cadeau. Laréalité est contraire de tout ce qu’on pensedes occidentaux. Ils ne sont pas richescomme on le pense, il y a même des pauvresparmi eux. Pour moi, si tous les Occidentauxsont comme les Suisses, retenez une seulechose: qu’il n’y a pas plus humain que lesOccidentaux, sans exception, et cela n’en-gage que moi.

Alors cela me rappelle cette invitation chezles Dahir, une famille libanaise-suisse.Autour de la table le pasteur, Assad, au visagebrillant, sur lequel on lit bonté et la croyanceau bon Dieu, une vraie et honorablereprésentation divine sur notre planète terre.Antoine et Toufic, leurs femmes, leursenfants et Aïche, leur amie marocaine. Surcette table, où tous les fruits du paradis sesont donné rendez-vous cette nuit. Garniavec du vin, que malheureusement, moi jene peux savourer, car ma religion ne me lepermet pas. Mais une chose est sûre et cer-taine, c’était le plus beau et le plus bon, leplus agréable, le plus doux de tous les cous-cous que j’ai mangés de ma vie, car un anaprès, jour par jour, le goût de ce couscousest en moi et restera pour toujours et àjamais, car ce repas vient du cœur et le cœurest sacré. Je profite pour dire que le bonDieu bénisse la famille Dahir à travers leur

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bien le seul franc que j’ai reçu de l’Europe,dix francs suisses, équivalent à 4000 FCFA.Nous les nomades, on ne perd jamais leNord, même à Genève on partage lesmêmes valeurs et principes fondamentaux.Qui dit que les Occidentaux ne sont pashumains? En réalité, à part ce paysage auxcouleurs du bonheur, à la merci du vent dela liberté extérieure, des goudrons, des rueset des gens très propres qui travaillent etcourent dans toutes les directions à larecherche de je ne sais quoi, car personne enOccident ne peut te dire qu’il savoure cebonheur qui est autour de lui. Ils courenttoujours, et toujours pour ne pas être endehors du système, pour ne pas être à lamerci de la rue. Mais il faut les reconnaître,ils ont la tête sur les épaules et partagentbeaucoup leur richesse avec nous. Maisnous, on a toujours besoin de plus, et cela jene sais pas là où on est parti le chercher, carce n’est pas africain. Une seule chose estsûre et certaine, je ne vois pas ce que nousles Africains faisons chez eux, sauf pourvoir et visiter, sinon le bonheur lui-même, laliberté, le savoir-partager, et la générositésous toutes ses formes, c’est bien africain,et je pense aussi que c’est bien notrerichesse, notre destin. Notre salut se trouvelà.

modeste famille, et au nom de celle sans quije ne serais pas venu à Genève, je veuxnommer ici la volontaire, et la Suisse, lepays de l’âme et au cœur humain, pays situéau septième ciel, qui m’a donné l’opportu-nité de vivre la réalité de l’Occident, maseule bénédiction est, et restera que le bonDieu construise votre Europe à votre image,vous êtes bien chez vous et nous sommestrès bien chez nous.

Une autre belle histoire à la Suisse : unedame d’une soixantaine d’années, la nuittombée devant ma tente, car j’attends leconcert des frères Coulibaly au Forum deMeyrin que j’ai l’occasion de voir de près,car ce sont des compatriotes. C’est bon deles voir et les soutenir, patriotisme malienoblige, c’est dans le sang de tous lesMaliens. Lorsque cette bonne dame com-mence à me parler et discuter de ma culture,au fur et à mesure, elle se fait l’avocat deséleveurs de Suisse, comme si elle voulaitme dire qu’on a quelque chose en communqui est l’élevage. Si chez moi, il y a lasécheresse, le manque d’eau, chez eux c’estles mille et une conventions, la folie desvaches et des poulets. Donc après unebonne heure de discussion, on est sorti dumatch zéro à zéro et comme tout bonnomade, on partage tout ce qu’on a. C’est

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L’Occident vu par les yeux du Touareg / 23

Genève, le 13 décembre 2003

Je dis au revoir à la Suisse, dans mesbagages le plus beau cadeau du monde: laBible la parole de DIEU offerte par monami pasteur Assad, les journaux suisses quiont parlé de moi, avec photos à l’appui. Quipeut demander mieux, avec un cœur pleinde joie, de bonheur et moralement satisfait,car je me suis fait aussi de bons amis :Bernard, Arnaud, mon frère Rhida, Zohra.De connaître là-bas des gens qui ne portentpas les costumes trois pièces, qui ne sontpas dans des bureaux climatisés… les sansvoix sont représentés et écoutés. Ca s’ap-pelle la démocratie dans toute sa forme.Oui, même si ce festival est un bébé nouvelle-ment venu au monde, sa différence aux autresc’est qu’il est arrivé au monde avec ses dentsau grand complet. Vive le festival pour quel’humanité toute entière soit en paix.

Pour vous dire, même l'avion de Zurich, lemême par lequel je suis venu, qui m'avaitfait tellement peur, a changé. On ne lereconnaît plus, il vole à haute altitude, touttranquillement. On est juste à côté du soleilet c'est très stable. Une bonne nouvelle ouun cadeau de Noël, l'homme le plus recher-ché au monde vient d'être arrêté: Saddam.C'est la première nouvelle qu'on m'a apprise

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une fois à terre, bref ça me dit rien, mais jesuis content pour mes amis qui pensent qu'ilest un danger pour le monde musulman.Bon, on n'est qu'à 12000 km de cette his-toire, ce n'est pas du tout ma gare.

Bien revenons à ce que les Occidentaux à pre-mière vue pensent de nous autres, lesAfricains. Pour les Occidentaux, l’Africainest synonyme du chameau aux corneslongues. Pour l'Occidental, on boit l’eau parnos narines, car les seules photos qu’il a vuesde l’Afrique et la seule histoire qu’on lit dansles livres et qu’on voit à la télévision date desannées 1800. Quand on lui propose de veniren Afrique, tout de suite, la seule chose qu’ila en tête c’est de partir, car pour lui partir enAfrique c’est porter une pierre à l’humanité,c’est venir en aide à des gens qui ont besoinde lui. Il part de son quartier général avec unprogramme et une enveloppe pour construireun forage, une école, un dispensaire dans unvillage à mille kilomètres de la capitale.Arrivé à la capitale, plein de bonne volonté,voilà sa première rencontre avec les autoritéset excellences. La deuxième rencontre, on leprésente et cela est fait pour commencer letravail, car on lui fait croire que tout le monden’attend que lui au village. La trompette intel-ligente commence, il faut payer les ristournesà l’Etat, sinon pas de travail, et pour travaillersur le terrain, il faut remplir certaines condi-tions: (1) avoir des voitures 4x4 neuves

payées, bien sûr, à la représentation des 4x4sur place, car c’est elle seulement qui répondaux normes de sécurité internationale; (2)louer un appartement qui répond aux normesinternationales des habitats réservés auxexpatriés, propres et climatisés et cela seule lamaison du député ou du ministre répond àcette condition; (3) embaucher obligatoire-ment la fille ou la petite soeur du Ministrecomme secrétaire etc., etc. Il respecte toutesces conditions et enfin sur le terrain, il vient ettrouve que ce ne sont ni des bêtes, ni desvaches, ni des moutons, ni des gens quidansent nus autour du feu, qui sont devant lui,mais des gens qui réfléchissent et parfois sontplus intelligents que lui. Surpris et abattu pourne pas dire humilié par ça, il n’a plus la pos-sibilité de retourner au quartier général. C'estdire qu’il n’est pas capable et qu'il est mêmelâche, donc, comme il n’a rien à perdre et queles conditions de vie ici il ne les a pas enEurope, c’est bon, il reste. Tant pis pour ceuxqui croient que les Africains sont des dupes.Ils se retrouvent enfin avec une envelopped’un millième du total général, ce qui ne vautmême pas le prix d’un voyage de banco,après toutes les dépenses de fonctionnementde son administration et location des maisonset l’achat des voitures, et notre ami n’a alorsd’autre choix que de rester vivre à la pacha...un adage de chez nous l’a toujours dit, lesbornes au pays des aveugles sont rois. Qui ditque les chameaux ont des cornes?

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“ Pourquoi être jaloux de l’autre quand on est conscient que la nature est très juste?Pourquoi accuser l’autre, sinon pourquoi, le pauvre met au monde un enfant qui devientriche un jour, et que le riche met au monde un enfant qui devient délinquant, et le mêmedélinquant un enfant qui devient savant, le cultivateur d’un enfant qui devient présidentde la République, et ce même président met au monde un enfant qui devient vagabond; etpourtant ce n’est pas que le président manquede moyens. ”

Shindouk

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A ma très chère Miranda

“ Tout ce qui est dans la création existe en vous, et tout ce qui existe en vous est dans la création. Il n’y a pas de frontières entre vous et les choses les plus proches.

Et il n’y a pas de distance entre vous et les choses les plus éloignées. Toutes les choses de la plus basse à la plus élevée, de la plus petite à la plus grande, sont en vous dans une complète égalité. Dans un atome, on trouve tous les éléments de la terre dans un mouvement de l’esprit se trouvent tous les mouvements des lois de l’existence dans une goutte d’eau se trouvent tous les secrets de l’océan sans fin.

Dans un aspect de vous, il y a tous les aspects de l’existence (khallali gabral), et sans toi, la vie n’a pas sa raison d’être si les femmes sont des étoiles brillantes, toi tu es mon soleil, et quand le soleil apparaît, les étoiles disparaissent. ”

Shindouk

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Poème à mon cher désert

Toi que je vois immense tel un océan infini de sable, Quand je regarde dans toi c’est l’horizon qui me dit oui je suis présent. C’est bien dans toi et dans toi seul que je sens cette force, cette puissance, même si elle est invisible, intouchable, on la sent proche, et à la longue, on la vit, car de plus en plus il devient proche de nous, mon cher désert, je vois en toi mon premier jour, tous mes problèmes disparaître, comme si je venais de naître à nouveau.

Nouvelle vie, nouvelle mentalité, un vrai lavage de cerveau, tout est clair dans ma tête et mes yeux voient plus clair; c’est ce bien-là que je me suis découvert moi-même, car je me suis toujours posé cette question, qui sommes-nous et c’est là que l’être humain devient égal à lui-même pas plus qu’un grain de sable.

L’être devient objectif, une vraie prise de conscience, et voilà la découverte de soi, de l’autre et par là même occasion le matériel perd sa valeur et la technologie sa raison d’être, c’est à ce moment précis que deux cassettes viennent se placer dans mon cerveau vide de tout problème, car pas de rendez-vous, pas de téléphones, pas de pharmacies, pas de taxis, que le vide pur dans ce vaste empire de paix et de tranquillité.

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La première est mon passé que je vois à la virgule près, et la deuxième est mon futur et le tout en quelques minutes vu et revu mes erreurs du passé et j’essaie de les réparer dans mon intérieur, mettre les points sur les i et c’est LE OUF qui apaise.

Et c’est bien là que je pardonne l’impardonnable pour la simple raison que ceux qui font le mal si seulement ils savaient comme je viens de le découvrir qu’ils ne sont pas plus qu’un grain de sable. Ils ne feront jamais le mal, je pardonne par pitié et par amour. Pour le ciel et pour le bon DIEU.

Là vient s’installer le silence, le silence absolu et j’attends cette voix douce et fine, celle de la vérité, cette même vérité qu’on a du mal à accepter si elle n’est pas de notre côté, je respire dans toi mon cher désert le vent de la liberté, dans l’indépendance illimitée / à la merci du salut du pardon.

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Dans un esprit sain et me voici dans tes îles désertiques à la rencontre des hommes et des femmes libres sous les tentes de la dignité de l’honneur, où se partagent le savoir-vivre, l’hospitalité, la générosité dans toute sa qualité, mais que tu es généreux, mon très cher désert, c’est bien là que je crie victoire, j’ai tout vu, tout reçu, tout découvert, tout gagné. Je découvre même les secrets sacrés qui sont invisibles.

Merci pour tes belles nuits fraîches sous ton toit à mille et une étoiles brillantes, merci pour ta sécurité, car je ne me suis jamais senti en sécurité que dans toi, merci pour ton paysage blanc, jaune, rouge et rose, merci pour tes journées chaudes, tu es incontournable, passage de celui qui va à la recherche du bonheur, du savoir de soi-même et même du bon DIEU, pour ceux qui croient au BON DIEU, voilà à la fois ton soleil levé,et ton coucher à mille et une couleurs.

Voici venu annoncer la nuit, et mon cousin berger qui arrive aux pas dansants des mille chamelles, fatum, fatum, appelant sa femme, allume le feu, sers à mon frère le repas du soir et raconte-lui une de nos belles histoires, j’arrive et avec moi venu serai là, Shindouk.

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PostfaceTombouctou…ville de culture, ville de savoir, ville mystérieuse,Tombouctou au bout du monde.Mais aussi ville de la première Mairie en ligne d’Afrique,projet coordonné par des volontaires.

C’est ainsi que je suis arrivée à Tombouctou, impliquée dans les discussionset préparatifs du Sommet Mondial sur la Société de l’Information, unSommet des Nations Unies tenu en deux phases (Genève 2003 et Tunis2005).

Je voulais mieux connaître les vraies questions liées au fossé numérique.J’étais à la quête d’un carrefour de rencontre entre les belles déclarationsdes Nations Unies et les réalités de millions de gens de par le monde, sou-vent bien loin des textes négociés à la virgule près, des objectifs nobles etambitieux, des visions visionnaires, mais pas toujours réalistes.

Un beau jour en juillet 2003, quand j’ai mis les pieds au télécentre deTombouctou, curieuse et intéressée par la manière dont les nouvelles technologies pourraient s’utiliser à un endroit qui est souvent symbole del’autre bout du monde, j’ai été interpellée par le bonjour sympathique d’unMonsieur Touareg, puis par la discussion qui a suivi.

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Invitée à boire le thé chez ce Monsieur, je me suis rendu compte que son regard critique face aux technologies était rempli de sagesse, remplid’expérience, rempli de messages précieux, si seulement ils pouvaient êtreentendus par ceux qui rédigent les textes et négocient les virgules.

J’ai alors décidé de chercher une manière qui rendrait possible la réalisationd’un documentaire sur l’utilisation d’Internet au Sénégal et au Mali.

Tout à partir de rien, regards croisés entre le Nord et le Sud était le débutd’un échange de visions du monde, d’un échange culturel et d’une amitiéentre un Touareg nomade et une volontaire à la recherche des réalités de terrain.

Je suis très heureuse et fière de pouvoir vous présenter la suite de l’histoire, dans les mots de Shindouk, mon ami Touareg. Si nous avons fait quelquespetits changements d’orthographe, nous n’avons pas touché au message et ausens de son texte.

Je tiens à remercier de tout mon cœur le nomade qui m’a appris tellement dechoses de la vie, du désert, de l’essence même de notre existence.

Trop souvent, dans le Nord, il est question de « sauver le Sud », de le sortirdu sous-développement, de lui donner des leçons. Mais en fait, la questionne devrait pas être posée de cette façon-là... ce qui porte des fruits c’est enfait un dialogue et des échanges, car le Nord peut apprendre beaucoup dechoses des personnes du Sud.

Viola Krebs

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Pour contacter Shindouk:

Shindouk Mahomet Lamine Ould Najim Chef de tribu Oulad Najim Fraction OuladDrisse Berabisha à Tombouctou B.P. 90 Tél. +223 631 91 45 Email: [email protected]

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ICVolontaires, Case postale 7551211 Genève 4, Suisse

Tél. +41 22 800 14 36, Fax: +41 22 800 14 37Email: [email protected], Web: www.icvolunteers.org

Tout à partir de rienRegards croisés entre le Nord et le Sud