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Six cents anciens prisonniers de guerre frangaisremercient le Comity international de la Croix-Rouge 1
Le dimanche 20 juillet, a Bale, le Comite international dela Croix-Rouge etait convi6 a une manifestation profond6mentemouvante : pres de 600 anciens prisonniers de guerre francais,Departement des Vosges, accompagnes de leur femme et deleurs enfants, et a qui etait jointe une delegation des anciensinternes en Suisse de Saint-Louis, sont venus dire leurs remer-ciements au Comite et lui apporter un fanion brod6 auxarmes de leur pays.
Partis de nuit d'Epinal, par train special, ils sont arrivesa Bale le matin, repartis, des la frontiere suisse, en dix-huitvoitures de tramways.
La premiere ceremonie eut lieu dans les jardins du Consulatde France, oil M. Simonet, vice-president, presenta sescamarades. M. Loewenbriick, consul general de France, dansun discours tres vibrant, fit ressortir la signification du gestedes anciens prisonniers de guerre qui avaient fait ce voyagepour apporter eux-m^mes leur message de reconnaissance auComite international de la Croix-Rouge.
C'est par la voix de M. Jacques Cheneviere, ancien vice-pr6sident et membre du Comite international de la Croix-Rouge, que le Comite repondit a ces deux discours : «Votrevenue, dit-il, ne represente pas seulement pour nous un acteque vous avez tenu a, accomplir, elle nous donne la joie de noustrouver en presence d'hommes qui furent l'objet constant denos preoccupations pendant toutes ces annees si dures de laguerre. Apres avoir modestement fait ce que nous pouvionspour alleger quelque peu votre captivite, nous nous trouvonsaujourd'hui devant des amis que, depuis longtemps, nous desi-rions voir et a qui nous sommes heureux de pouvoir serrer lamain. »
Apres ce premier contact, facilite par une tres cordiale recep-tion organisee par le Consulat general de France, les anciens
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Remerciements d'anciensprisonniers de guerre
prisonniers se rendirent au monument de Strasbourg, poury d£poser une couronne.
Puis, ce fut le d6file a travers les rues de Bale que l'annoncede cette manifestation avait remplies d'une tres grande foule.Enfin, precede d'une fanfare forte de 120 musiciens, d'undrapeau et de trois jeunes filles en costumes alsacien et lorrain,le cortege deboucha sur la place du Marche et vint se rangerdevant l'H6tel de Ville. La les attendaient le reprdsentant del'Ambassade de France, a Berne, le capitaine Saulnier ; le con-sul general de France a Bale ; M. C. Miville, conseiller d'Etatde Bale-Ville ; M. Wehrle, secretaire de la Section de Bale dela Croix-Rouge suisse, et la delegation du Comite internationalde la Croix-Rouge, d616gation composee du vice-president encharge, de deux membres du Comite' et de cinq autres hautsfonctionnaires. Apres l'execution de l'hymne suisse, M. Tan-chette, president de l'Association departementale des Vosgesdes anciens prisonniers de guerre francais, prononca le discourssuivant :
Mesdames, Messieurs,
nil y a quelques mois, en Assemblee generale des anciensprisonniers de guerre d'Epinal, etait emise l'idee d'un voyagede reconnaissance des membres de l'Association en Suisse.Cette proposition etait accueillie par de chaleureux applaudis-sements et adoptee a l'unanimite. Mission etait donnee auxdirigeants d'entrer en rapport avec les Autorites suisses et noscamarades de la frontiere, pour donner a. cette manifestationtout son sens intime, et tout l'eclat que les circonstances etnos moyens financiers permettaient.
» II fallait d'abord fixer l'endroit ou aurait lieu la rencontreavec nos bienfaiteurs. Sans doute Geneve etait la ville ou, detout temps, ont ete centralises tous les services de cette oeuvremagnifique qu'est la Croix-Rouge internationale. Mais Geneveest loin des Vosges, et parmi nous, les moins fortunes tenaienteux aussi, a pouvoir manifester leur gratitude au peuple suisse.
»Nos camarades de Saint-Louis, d'autre part, avec lesquelsnous etions entres en contact l'an dernier a. Mulhouse, nous
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Remerciements d'anciensprisonniers de guerre
pressaient de leur rendre visite. Pourquoi, dans ces conditions,ne pas fondre ces deux voyages en un seul et saluer au passageSaint-Louis en nous rendant a Bale. Des pourparlers furentengages. Nos propositions furent accueillies avec tant de cordia-lity que notre choix de Bale pour recevoir le t6moignage de notrereconnaissance fut aussitfit arrdte\
» Ainsi nous nous trouvons r6unis en ce jour qui marqueradans les annales de notre Association, car ce n'est pas une simplerencontre que nous avons preparee avec vous.
» Nous sommes la., prisonniers de guerre internes en Suisseet prisonniers des Stalags et des Oflags d'AUemagne, venusavec nos femmes et nos enfants, vous dire les remerciementsdes Vosgiens, et derriere nous de tous les Francais, pour l'oeuvrede charite, de g6n£rosite materielle et morale que vous avezaccomplie pendant nos annees de captivite, que vous prolon-gez encore actuellement, dans la reception nationale ou per-sonnelle de nos malades et de nos enfants.
» Je laisse a mon camarade Lambert, le soin de vous dire sareconnaissance de prisonnier intern^ en Suisse.
»Au nom des prisonniers d'Allemagne, je veux vous direce que vous avez ete pour nous.
» La defaite venait de nous ecraser, nous etions encore parquetdans nos camps de rassemblement de prisonniers en Alsaceou dans le Nord. Deja la Croix-Rouge nous distribuait des cartespour nous permettre d'avertir nos families que nous n'avionspas succombe dans la bataille. C'etait le point de depart d'untravail de liaison qui n'a pas encore cesse, mSme apres notreretour de captivite.
» Hier c'etait une Spouse, une vieille mere qui ecrivait a laCroix-Rouge pour avoir des nouvelles de son mari, de son enfantperdu dans quelque commando. Aujourd'hui ce sont des parents,une veuve qui, se raccrochant a un supreme espoir, demandentdes recherches sur un disparu. Quel appui moral vous procurezainsi! Non seulement vous r6solvez des cas inextricables, maisencore vous permettez aux families d'espdrer, que le tempsfera son ceuvre d'adoucissement.
» Que dire de votre generosite materielle. Nous etions deshomines dans la fleur de l'age, ou en pleine periode de crois-
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SIX CENTS PRISONNIERS DE GUERREREMERCIENT LE COMITE INTERNATIONAL DE LA CROIX-ROUGE
2. Le chef de la fanfare.
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4. M.Tanchette, president de l'Association des Prisonniers de guerre des Vosgesdonne lecture de l'adresse remise au Comite international de la Croix-Rouge.
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SIX CENTS PRISONNIERS DE GUERREREMERCIENT LE COMITE INTERNATIONAL DE LA CROIX-ROUGE
RECONNAISSANCE AU COMITE INTERNATiONAL OE
LA CROlX^ ROUGE
BAJ.E L£ 2O JUlLLET 1947
8. Page de couverture de Padresse presentee auComite international de la Croix-Rouge.
Remerciements d'anciensprisonniers de guerre
sance. Notre corps avait besoin d'une nourriture substantielle,et l'ennemi ne nous accordait que le strict, necessaire pour empe"-cher notre mort. Vos colis nous sont parvenus, nous apportantles vivres essentiels et aussi les gateries delicates qui nous rappe-laient une autre civilisation que celle dans laquelle nous etionsoblig6s de vivre. Nous avions froid dans nos baraques sans feu,vous nous avez envoye des vdtements dans lesquels etaientglissees des paroles de reconfort.
» Et votre aide n'etait pas limitee a nos simples personnes.Vous veniez au secours de nos families desemparees par 1'absencede leurs chefs. Des caisses et des caisses de v&tements chauds,d'ustensiles de menage, du mobilier me'me, partaient pour laFrance et etaient distribues entre les plus necessiteux, entreles sinistres. Vos delegues parcourant nos regions devastees,constataient la deficience de nos enfants sous-alimentes, etaussitot vous organisiez des departs d'enfants pour vos bellesregions.
» Us passaient plusieurs semaines et parfois plusieurs moisparmi vous et revenaient au foyer, les joues pleines et roses,le cceur joyeux et le corps v6tu par vos soins. Nos malades ontete recus avec la me'me generosite, le me'me devouement. Ceuxqui ont recouvre la sante, le doivent a votre merveilleuse orga-nisation ; ceux qui, plus atteints, ont succombe, ont eu au moins,leurs derniers moments adoucis par les soins eclaires de vosdocteurs, et maternels de vos innrmieres.
» Je parle au passe, et pourtant ce sont la toutes des oeuvresqui continuent.
» Comment vous en remercier ?» Au cours de ces mois de preparation de notre voyage, nous
nous sommes souvent pose cette question. Nous avons penseque notre venue avec nos families serait une preuve de lasincerite de notre reconnaissance.
» Nous avons voulu qu'un temoignage concret de notre pas-sage restat parmi vous, gens de Bale, qui representez, aujour-d'hui, tout le peuple suisse. Nous avons fait broder, a votreintention, par des mains de Francaises, ce fanion.
» Nous sommes heureux de vous le remettre, en vous assurantde l'indefectible attachement des Spinaliens, des Vosgiens,
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Remerciements d'anciensprisonniers de guerre
des Francais, aux Balois, a tous les Suisses, a la Croix-Rougeinternationale.
»Vive l'Esprit de civilisation et de charite.» Vive la Suisse.» Vive la France. »
Puis, la fanfare sonna « Au Drapeau » et un magnifique faniond'honneur, brode aux armes de Lorraine, fut remis a M. Gloor,vice-president en charge du Comite international de la Croix-Rouge. Dans son discours de remerciement, ce dernier fit res-sortir que les sentiments exprimes par les anciens prisonniersde guerre s'adressaient egalement a la Croix-Rouge suisse, auDon Suisse, et a toute la population du pays. II marqua les etapesdu travail du Comite international durant ces severes anneesde guerre et insista sur le fait que la Croix-Rouge devait tou-jours rester au-dessus de toutes les querelles et de toutes lesopinions, pour ne s'attacher qu'a la defense de la personnehumaine. Ces paroles furent saluees par l'execution de «LaMarseillaise », apres quoi, au nom du Gouvernement de Bale,M. le conseiller d'Etat Miville, souhaita la bienvenue aux par-ticipants et les invita a accepter une modeste collation dansla cour de l'Hotel de Ville.
II est difficile de rendre l'atmosphere qui regna durant toutecette manifestation; empreinte d'une tres grande dignite,elle refietait l'emotion que les anciens combattants eprouvaienta accomplir un acte de reconnaissance et la ferveur qui leuravait dicte ce geste. II fut non moins emouvant egalementpour les representants du Comite international de rencontrerces hommes et de recevoir d'eux un temoignage si direct et sisincere. Car, malgre la tres grosse depense que representaitpour eux ce bref sejour sur territoire suisse, tous avaient tenua venir et pour les plus modestes cela representait un grandsacrifice financier. Ce fut aussi pour les membres du Comiteinternational une grande joie que de se trouver parmi ces hommesdurant le repas tres simple qu'ils avaient organise. Et la popu-lation baloise, elle aussi, marqua combien elle comprenait le
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L'oeuvre duComit6 international
sens de cette manifestation. Sur tout le parcours du cortege,de mSme que dans les jardins de la "Schiitzenmatte" ou la fanfaredonna un concert, elle ne menagea pas son enthousiasme :600 hommes qui avaient passe de dures annees derriere les bar-beles venaient, dans un magnifique elan, rendre visite a laCroix-Rouge et a la Suisse. Qu'ils soient remercies d'avoir,par leur presence, affirme l'ideal auquel se consacre la Croix-Rouge et pour lequel elle doit vivre.
Jean DUCHOSAL.
L'oeuvre du Comite internationalpendant la seconde guerre mondiale
(suite et fin) 1
IXLES CLOCHES DE LA PAIX
Le 8 mai 1945, les sirenes hurlent pour la derniere fois enEurope. Trois mois apres, les armees japonaises deposent lesarmes. Le carnage est fini.
II est fini, mais ses traces subsistent. Les blessures saignentencore et saigneront longtemps. II n'y a plus de bombes, maisil n'y a pas encore de pain. Les peuples respirent ; on ne leurfera plus de mal. Mais ils ont encore mal. Et puis, les cloches dela paix ne sonnent pas de la me'me maniere pour tout le monde.Elles marquent, pour les uns l'heure de la liberation, celle de lacaptivite pour d'autres. Elles ne marquent pas encore, pour laCroix-Rouge, l'heure du repos.
A l'Agence centrale, la capitulation allemande se traduit parde nouveaux millions de fiches : toutes les armees d'une grandePuissance prisonnieres d'un seul coup! Le « Service allemand » estdecuple. Mais il n'y a pas seulement les fiches. Les demandes
1 Revue Internationale, mars 1947 ; avril 1947 '• j u i n J947-
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