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Sémiostylistique. L'effet de l'art

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S É M I O S T Y L I S T I Q U E

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FORMES SÉMIOTIQUES

COLLECTION DIRIGÉE PAR

ANNE HÉNAULT

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G E O R G E S M O L I N I É

Sémio stylistique

L ' E F F E T D E L ' A R T

Presses Universitaires de France

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DU MÊME AUTEUR

Chez le même éditeur

Éléments de stylistique française, 1987 (3 éd., 1997). La Stylistique, « Que sais-je ? », 1989 (4 éd., 1997). Le Français moderne, « Que sais-je ? », 1991. La Stylistique, « Premier Cycle », 1993 (2 éd., 1997).

Avec J. Mazaleyrat

Vocabulaire de la stylistique, « Grands Dictionnaires », 1989.

Avec A. Viala

Approches de la réception - Sémiostylistique et sociopoétique de Le Clézio, 1993.

Chez d'autres éditeurs

Chairéas et Callirhoé, de Chariton ; édition critique avec texte grec et traduction ; Belles Lettres, 1979 (2 éd., 1989).

Du roman grec au roman baroque, Publ. de l'Université de Toulouse-Le Mirail, 1982 ( 2 éd., PUM, 1995).

Dictionnaire de rhétorique, « Le Livre de Poche », 1992.

ISBN 2 13 0 4 9 0 5 5 4

ISSN 0 7 6 7 - 1 9 7 0

D é p ô t l é g a l — 1 é d i t i o n : 1 9 9 8 , j a n v i e r

© P r e s s e s U n i v e r s i t a i r e s d e F r a n c e , 1 9 9 8

108 , b o u l e v a r d S a i n t - G e r m a i n , 7 5 0 0 6 P a r i s

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A A. M.-B.

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A V A N T - P R O P O S

Le texte ici présenté réunit une série d'analyses qui ne constituent que des propositions, certes articulées entre elles pour former un système, mais explicitement données comme des thèses. Ces thèses sont donc toutes et toujours réfutables : je ne cherche d'ailleurs pas à les prou- ver, et encore moins à convaincre qui que ce soit.

Pour avoir une telle prétention, ainsi repoussée, il faudrait croire à la vérité, et au réalisme d'une objectivité : c'est-à-dire qu'il faudrait tomber dans ce qui serait, à mon avis, une confusion entre de la mythologie scientifique, de la foi, et de la stratégie de la séduction. Il est temps de rappeler la paradoxale « vérité » première, essentielle en « sciences humaines » (les guillemets sont-ils là pour souligner le risque d'imposture ?), que le discours construit son prétendu objet.

Trois remarques, à titre de corollaires de cette position de principe.

D'abord, la question de la pensée systématique Un système d'in- terprétation a tendance à forcer, à figer, à tuer ; il est même, de soi, comme naturellement porté à induire une double illusion : qu'il colle effectivement à la réalité, que la réalité existe comme test de sa propre véridicité. Mais le refus de la pensée systématique semble procurer plus d'inconvénients herméneutiques que d'avantages épistémologi- ques : on se condamnerait à l'atomisation et à l'incohérence, à la par- cellisation et à l'arlequinade, si l'on ne tentait une interprétation glo-

1 C'est la question épistémologique précisément posée, par rapport à un objet dit littérature, avec le concept de théorie, par Michel Charles dans Introduction à l'étude des textes (Seuil, 1995).

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balisante. La pensée systématique, à condition d'avoir conscience de ses limites, de ne jamais l'essentialiser, et de ne la croire ni vraie ni épuisante ou exclusive, paraît la voie la plus hypothétiquement intel- ligente.

D'autre part, ce n'est pas parce que l'on pense son système comme réfutable et hypothétique, qu'on doive simultanément le penser comme faible. Outre le fait qu'il y aurait là comme du char- latanisme par rapport au public éventuel, on rappellera que c'est justement et seulement dans la mesure où le système est pensé comme réfutable et hypothétique qu'il est provisoirement fort et occurremment efficace. Le système ici présenté m'apparaît donc, pour le moment, comme plus rentable que d'autres, relativement au questionnement général qui va être indiqué, et, en tout cas, actuel- lement plus rentable que la ou les théorisations qui seraient impli- quées par ses réfutations progressives.

Enfin, je propose cette synthèse après plusieurs autres livres (six sur le domaine), et pas mal d'années de réflexions in vivo devant des publics divers, un peu partout en France et à l'étranger : ce livre leur doit l'être. C'est dire qu'il s'agit de l'état actuel d'un approfondisse- ment bien sûr inachevé, entraînant à des réajustements ou à des modifications théoriques, et tout ensemble bien caractérisé par un cer- tain nombre de lignes de force, ou de lames de fonds épistémologiques et herméneutiques centrales.

Un système programmé comme provisoirement fort obéit à un régime de déplacement progressif des lieux critiques : ce péripatétisme topique accepte la relative stabilisation en époques d'analyse ; c'est donc une époque globalement homogène dont on va ici rendre compte.

En effet, je ne saurais terminer ces prolégomènes, qui ne sont pures précautions oratoires, sans mettre tout de suite les pieds dans le plat. Ne faisons pas semblant de ne pas savoir quel est l'enjeu de l'anthro- pologie culturelle à l'aube du XXI siècle : proposer les bases d 'un nouvel universalisme critique, aussi anti-identitaire qu'anti-essentia- liste, qui permette de penser, de manière unifiée, une triple probléma- tique à la fois : les rapports généraux des arts entre eux sous la forme d'une inter-sémiotique des arts, une théorie de l'art (spécialement de l'art verbal) comme théorie de la jouissance, et, en même temps, l' idée d'un art après Auschwitz.

Ce livre constitue ainsi un élément de cette démarche, de ce devoir-penser.

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I N T R O D U C T I O N

On peut être intéressé par les questions générales de la culture et de l'art. Il a été beaucoup écrit là-dessus - on trouvera en fin de volume une bibliographie sélective qui référence certains critiques. Le plus célèbre des poéticiens français, Gérard Genette, a fini, lui aussi, par réunir l'analyse littéraire et l'analyse globale des arts, cependant que des chercheurs comme Louis Marin ou René Démoris, en France, tra- vaillaient depuis longtemps sur les rapports spécifiques littérature - arts visuels. Le scrupule justement est de savoir de quel lieu on en parle : or, le terme qui vient à ce sujet le plus spontanément à l'esprit, pour désigner cette autorité, est celui de critique (littéraire - d'art) . Puisqu'on va ici parler de stylistique et de sémiotique, il faut peut-être reconsidérer et rejustifier l'emboîtement des disciplines qui est en cause.

Car il s'agit bien, d'abord, d'une décision épistémologique concer- nant l'articulation de champs disciplinaires, dans la mesure où l'on ne croit pas à l'autonomie d'un objet.

Il est bien difficile de ne pas poser, comme préalable à toute inves- tigation spécifique, un horizon, ou un éclairage herméneutique d'ordre socio-philosophique. On admettra à cet égard que ce dont on parle (ou ce dont on va essayer de parler) relève très globalement de l'interrogation sociologique, ce qui veut dire du discours sociologique. On reconnaîtra là une analogie avec la démarche critique de Michel Meyer.

Or, l'interrogation sociologique, on le sait, a été à la fois illustrée et ruinée, de la façon à ce jour la plus radicale, par Theodor W. Adorno : la réfutation de ses thèses semble bien moins rentable

que leur prise en considération. On en prendra donc acte. Et juste- ment, ne pouvant fonder ce dont on veut parler, tout en en parlant

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quand même, sans être déjà arrivé au terme de l'analyse de quelque chose que l'analyse n'a d'autre but que de définir, on s'installera explicitement dans ce qui constitue une apparente contradiction. Et l'on dira : on a affaire à du phénoménal social.

Au même titre qu'une session parlementaire, l'amour, l'agriculture, il y a un ensemble de praxis que, dans un certain nombre et un certain type de sociétés (les nôtres et la nôtre depuis longtemps), on appelle des pratiques d'art, avec tout ce que cela entraîne de présupposés et de conséquences dans l'organisation socio-économique. Il n'est pas si facile de définir la spécificité, puisque l'on pose qu'il y en a une - ce qui cons- titue, théoriquement, une énorme pétition de principe -, de cette praxis-là ; mais on admet, justement, sa reconnaissance institutionnelle et sociale (musées, académies, marchés, enseignement).

Parmi les diverses formes de cette praxis sociale, il y a l'art langa- gier, l'art verbal, que l'on appelle, depuis le XIX siècle, la littérature, même si certains linguistes, notamment dans le sillage de Roman Jakobson, ont préféré parler du domaine poétique, pour emblématiser une sorte de limite, ou de pureté, de l'art verbal. On dira, sans entrer maintenant dans le détail, que l'art verbal a pour spécificité, par rap- port aux autres arts, que son matériau, ce avec quoi il est matérielle- ment fait, est le langage (verbal). Car l'art est d'abord matériel.

Mais le langage, en tant que matériau d'un art particulier, maté- riellement opposable et donc définissable par rapport à d'autres arts, les arts qui ont d'autres matériaux, ce qui veut dire, apparemment, tous les arts autres (les non-verbaux), ce langage n'est saisissable, dans le réel concret de la praxis sociale constatable, que dans la mesure où il est produit, émis, et consommé, reçu : c'est exactement le sens qu'on donne ici au mot discours, et c'est en ce sens que, dans ce livre, on dira que le phénoménal social dont il est question avec l'art verbal, c 'est du discours.

On va s'interroger - c'est l'objet de ce livre - sur l'effet de l 'art, comme moyen de penser l'art (verbal) en effet : on essaiera ainsi de ne pas s'asphyxier dans le cercle vicieux de la définition préalable à l'analyse de l'objet à définir, dans la mesure où l'on part d'une empi- rie sociale, une praxis étiquetée comme art.

On a l'habitude - et je m'en suis longuement expliqué ailleurs - de désigner sous le nom de stylistique l'ensemble des démarches criti-

1 Par exemple dans La stylistique, PUF, 3 éd., 1994.

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ques, au sein des sciences du langage, qui étudient les composantes formelles du discours littéraire comme littéraire, la littérarité, c'est- à-dire le fonctionnement linguistique du discours littéraire comme littéraire. En sens inverse, une telle conception de la stylistique défi- nit autant une révolution qu'une c o n q u ê t e Mais cette approche, aussi nécessaire que délicate, ne pose pas la question des conditions de la littérarité, de sa mesure, de sa valeur à réception : la stylistique sèche, la stylistique matérielle, même érigées et dépassées en stylis- tique interprétative des praxis génériques et du littéraire comme lit- téraire, ce qui forme déjà l'idée d'une discipline également indispen- sable et très intelligente, demeurent prisonnières d'un immanentisme qui essentialise l'objet considéré sans jamais remettre en question son identification.

Il faut donc dépasser le tour de passe-passe du Voilà pourquoi votre fille est muette en essayant de tenir un discours beaucoup plus large- ment caractéristique.

D'où la nécessité de recourir à une autre discipline, qui ait à la fois pour objet premier l'analyse des processus de réalisation ou de mani- festation de la valeur des signes, et précisément de l'ensemble sémiolo- gique verbal (langagier), et qui en même temps propose des modèles de symbolisation de ces processus : la sémiotique. Plus que sur celle de Peirce, on s'appuiera ici systématiquement sur la théorisation de Louis Hjelmslev.

On propose donc une sémiostylistique. Cette théorie, en cours de constitution, s'apparente à ce que j 'ai

appelé la sémiotique de second niveau, c'est-à-dire l'étude de la représen- tativité culturelle des systèmes de valeur anthropologique, étude qui s'insère elle-même dans la sémiotique de la culture, à la façon des démarches de François Rastier en sémantique générale. La théorie de la sémiostylistique, déjà amplement développée et exploi tée repose évidemment sur une élaboration qui s'apparente à du bricolage épis- témologique : je revendique ce bricolage comme une nécessité scienti- fique, à la manière dont Walter Moser, à l'Université de Montréal, parle de recyclage des concepts dans l'évolution des théories de la

1 Pour un dernier panorama épistémologique sur la discipline, on se reportera au numéro de L'Information grammaticale intitulé La stylistique et son domaine, préparé par Anna Jaubert (n° 70, juin 1996). 2 Notamment dans le Vocabulaire de la stylistique, de J. Mazaleyrat et G. Molinié ; PUF, 1989. 3 Voir surtout Approches de la réception - sémiostylistique et sociopoétique de Le Clézio, de Georges Moli- nié et Alain Viala, PUF, 1993.

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connaissance, et j ' a s sume la ré in terpré ta t ion , p o u r les besoins de m a réflexion d ' au jou rd 'hu i , aussi b ien des thèses aristotéliciennes que de celles des linguistiques contempora ines .

Dans le m ê m e esprit, on r encon t r e ra souvent des apories. Celles-ci a p p a r a î t r o n t soit sous la forme d' impossibil i té de penser, dans la mesure où l ' on a u r a a t te in t une limite (provisoire ?) de l ' in te rpré ta - t ion, soit sous la forme de cont rad ic t ion p a r r appo r t à d 'aut res p ropo- sitions de l 'analyse : j e revendique et ces limites et ces contradict ions, dans la mesure où il s 'agit de maximaliser , h y p o t h é t i q u e m e n t et en toute conscience, la rentabil i té de voies hype rbo l iquemen t fermées ou divergentes.

Cet te démarche , enfin, est à r a t t ache r à la p ra t ique de la pensée graduelle, d o n t les inconvénients sont connus (rien n 'est plus stabili- sable), mais d o n t la force semble a u j o u r d ' h u i b ien plus avantageuse que celle des bé tonnages de tous les décombres des idéologies post- essentialistes et post-positivistes des sous-moderni tés de supermarché .

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C H A P I T R E P R E M I E R

I N T E R - S É M I O T I Q U E , T R A N S - S É M I O T I Q U E LE M O N D E ET LE M O N D A I N

On est toujours obligé de tourner autour, surtout quand on se méfie de la chose, qu'on ne sait pas très bien ce que c'est, ni même si c'est quelque chose, alors que tout ensemble on est évidemment confronté à du concret social, à une empirie matérielle, aussi irréfutable, aussi incontestable qu'un faisceau de fantasmes, qu'un film d'hallucinations que d'aucuns peuvent bien qualifier d'illusoires, mais que peut-être moi je vis et je perçois très socialement et très phénoménologiquement. Il y a là une première contradiction, à tout le moins une première ten- sion, qu'on se contentera d'assumer (par force).

En se situant délibérément à l'intérieur de cette tension, on n'a plus le recours de poser un moyen de vérifier, de contrôler, le rapport du sujet - d'une subjectivité consciente - avec ce qui lui serait exté- rieur, qu'on appelle quelquefois le monde. Une grande partie des théories de la connaissance et des philosophies du langage, cependant, on le sait, posent ou supposent, explicitement ou implicitement, qu'il doit y avoir des procédures de contrôle, de vérification, des connais- sances et du langage par le monde - ce qu'ici, donc, l'on nie.

Dans l'horizon des développements des recherches en neuros- ciences et en psychologie cognitive, bien plus qu'en intelligence arti- ficielle, on peut, très grossièrement et tout hypothétiquement, propo- ser, comme modèle possible non contradictoire avec l'esprit des réflexions précédentes, la sommaire synthèse que voici, orientée et

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réduite en fonction de la nécessité de ce que l'on essaie de com- prendre ici.

Le sujet, comme conscience subjective individuelle, est en relation avec ce qui lui est étranger, extérieur, par un ensemble de flashes d'ordre chimico-neuro-psychique. Ce type de contact, à la fois ins- table et permanent, concerne, du point de vue de ce qui est mis en contact, le monde. Acceptons comme pure décision de nomenclature une telle désignation. On préserve en outre ainsi en tout cas l'autono- mie de ce monde, sinon sa facticité.

Mais ce type de contact est sans doute socialement rudimentaire, même s'il est intense. On est conduit à poser le fonctionnement de procédures de médiatisation, appliquées à la sensation de ces flashes. De telles procédures, également entièrement humaines, ont pour fina- lité, pour fonction, de catégoriser le contact avec l'extériorité. On est en droit de penser que la procédure qui, apparemment, aboutit à la catégorisation maximale, la plus factuellement poussée, c'est le pro- cessus symbolique complexe qu'on appelle le langage ; et on soutien- dra logiquement, aussi, que le langage qui catégorise optimalement et spécifiquement, c'est précisément le langage au sens restreint et strict, le langage verbal, le linguistique.

On peut d'emblée tirer un certain nombre de conséquences de ce point de proposition.

Il est commode, pour penser, de désigner, d'étiqueter, les éléments du processus dont on pose la description. Je propose donc, en harmo- nie avec toute une tradition sémiotique, de conférer une appellation exclusive à ce qui est médiatisé par la procédure dont je parle, procé- dure qui s'appréhende bien sûr comme une procédure de symbolisa- tion, et dont l'effectuation optimale et spécifique est réalisée dans la catégorisation verbale, langagière : ce qui est de la sorte produit, c'est du mondain. On dira que le monde est mondanisé par des procédures de médiation qui atteignent une catégorisation maximale par le lan- gage (verbal).

Le mondain, c'est donc du monde médiatisé, et, à la limite, caté- gorisé

La conséquence théorique de cette thèse est importante. On peut l'exprimer en ces termes : tout le mondain est appréhendable ; tout

1 C'est à peu près ce que l'abbé Batteux appelle la nature (Les Beaux Arts réduits à un même principe, 1746 ; rééd. de J.-R. Mantion, Klincksieck, 1989).

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l'appréhendable est du mondain. Ce qui veut dire qu'on n'appré- hende que du mondain, et jamais du monde: le monde est effective- ment indicible.

L'indicibilité du monde a, si l'on peut dire, un sens précis : c'est un corollaire strict de la théorisation proposée. On ne peut dire, ni même exprimer linguistiquement le monde ; ou alors, on parle, en disant ce genre d'expressions, par métaphore, ou, d'une manière plus large, figurément. A partir du moment où le langage est en action, il se meut nécessairement, dans ce cadre d'analyse, à l'intérieur de l'appréhen- dable, donc du mondain, donc du dicible - toutes thèses qui sont de faux truismes. Ces thèses n'ont d'ailleurs rien à voir avec la difficulté, l'opacité, le mystère, à réception, de divers discours.

Est-ce à dire que ne soit jamais mise en jeu, à travers le langage, de l'expérience du monde, et non pas, normalement, du mondain ? Non ; il est possible de penser un nombre limité de cas de cet ordre.

Une situation humaine, sans doute mythique, présocialisée, anté- rieure au développement du logos : pour nous, plutôt que d'état de nature, il faudrait parler de barbarie.

Un état tout à fait initial du développement psychologique de l'enfant.

Dans ces deux cas, il s'agit, peut-on dire, de prémondanisation, ou de mondanisation non aboutie.

Un dérèglement social généralisé de la catégorisation verbale, ce qui situe forcément l'activité relationnelle langagière aux bords du mondain et du monde - c'est ce que l'on appelle la folie.

Un dépassement de la mondanisation, un au-delà de la praxis du logos, une naturalisation du langage, une vampirisation, comme d'un mort-vivant, de la catégorisation, une sorte de trans-médiation qui, paradoxalement, transperce, dénature, inverse le mécanisme de sym- bolisation. Bref, tout cet arsenal d'indications indirectes (ici utilisées par moi), parce que justement le langage «régulier» est en défaut, pour la transgression d'une contre-culture, d'un anti-logos, d'un masque sur une voix morte. Nous sommes hélas bien placés aujourd'hui, à la charnière X X siècles, pour savoir de quoi nous parlons ainsi, et que ce n'est point là pure vaticination spéculative : on pourrait dire que je parle du langage dit langue de bois, ou du langage totalitaire en général ; ne nous voilons pas la face ; nous savons bien, malheureusement, que nous avons fait l'expérience d'une sorte d'ex- cellence technique de ce type, certes vaste, de comportement langa- gier, expérience techniquement parfaite et impeccable, dirimante,

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écrasante absolument, et pratiquement et théoriquement : le langage nazi. L'énormité de l'expression éclate dans le sentiment obscur qu'on a là presque une alliance de mot. Et pourtant, c'est bien de langage qu'il s'agit, au cœur historique de la culture, de la médiation, de la catégorisation les plus hautes ; et de nazisme aussi. Langage démon- danisant ; mondain traversé des silences hurlés.

On reviendra sur cette énormité fondamentale pour notre praxis sociale, si scandaleusement réduite hors champ de la réflexion linguis- tique, comme si de rien n'avait été.

Il faudrait aussi, enfin, faire une place à part, à côté de ces quatre types, au fonctionnement du langage religieux comme religieux, ce qui est très difficile, et pour cause, à conceptualiser non théologiquement : c'est exactement cela qui doit être le signe qu'en l'occurrence, il n'y en a peut-être pas d'approche rationnelle non théologique - tout autre évi- demment est la question d'envisager le langage religieux sans spécificité religieuse, comme comportement social parmi d'autres étiquetages, de même qu'est tout autre l'approche du langage religieux comme pur performatif, à la manière exacte du langage magique ou du langage lit- téraire. Et justement, il conviendrait de ménager, à côté, en tout cas, du troisième type indiqué tout à l'heure - celui du langage de la folie - la particularité éventuelle du langage littéraire, comme forme de para- mondanisation, sans doute caractérisé aussi par son instabilité de caté- gorisabilité (on reviendra bien sûr là-dessus, puisque c'est l'objet du livre ; je rappelle simplement que ce n'est pas la première fois que je pose une analogie entre langage littéraire et langage de la fo l i e à supposer qu'on sache de quoi il s'agit).

La question est de savoir dans quelle mesure il existe d'autres formes de médiation que celle, optimale, de la catégorisation linguis- tique, verbale. On est d'accord qu'il est sans conséquence d'appeler ce champ du possible des systèmes symboliques de médiation, c'est-à- dire des systèmes de symbolisation qui mondanisent, des langages. On peut reformuler la question : existe-t-il, non métaphoriquement, d'au- tres langages que le langage verbal ? On sait que presque tout le monde répond oui, à commencer par les sémioticiens eux-mêmes comme Jacques Fontanille ou les rhétoriciens du Groupe μ, avec, entre autres, leurs travaux sur le signe visuel. On ne va bien sûr pas avoir le front de répondre non.

1 Voir par exemple dans les Éléments de stylistique française, PUF, éd. de 1991.

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Il n'empêche que la question n'est pas simple, et qu'il convient, justement dans la mesure où l'un des enjeux de ce livre est une réflexion sur les arts en général, d'éviter comme la peste (et dans la mesure du possible...) l'imposture de l'image ou du transfert de nomenclature subreptices, cachés dans l'inconscient.

Pour développer à la fois positivement et distinctivement la ques- tion des langages, il faut poser un ordre de matériaux sémiotiques, c'est-à-dire de matériaux socialisés, qui ne sont sémiotiquement finali- sés, c'est-à-dire qui n'acquièrent de fonction symbolique - la monda- nisation du monde par la médiation - qu'à travers leur traitement par des formes particulières reconnaissables et identifiables dans un milieu de réception. Or, paradoxalement, ce n'est pas tant la question des formes sémiotiques qui est délicate, mais bien celle du matériau sémiotique qui fait difficulté.

Apparemment, les choses sont simples ; ne nous privons donc pas de cette apparence.

Comme guide dans cette clarté manifestée, on va suivre, adaptée et schématisée aux besoins, la quadripartition de Hjelmslev. Il s'agit de la structure du système aussi apparemment optimal : le langagier verbal. Le schéma, rappelons-le pour base à l 'amodiant sous notre point de vue, donne ceci.

On a le plan de l'expression et le plan du contenu. Chacun d'eux est subdivisé en substance et en forme. La substance de l'expression (verbale), on admettra (et c'est justement un point sur lequel il faudra revenir), que c'est le son et le dessin. Même si l'on a tendance, spon- tanément, à privilégier le son comme composante substantielle fonda- mentale du langage, on est bien conduit à réintroduire, à part égale, la composante non moins substantielle du dessin, à cause de l'impor- tance de l'écriture dans le développement historique du langage à tra- vers les cultures et à cause des enjeux les plus forts de l'ensemble des praxis d'art.

Pour la forme, on peut préciser avec plus de certitude (hypothé- tique). La forme de l'expression, c'est la sélection et l 'arrangement des lexies (des mots, locutions et groupes), ainsi que le jeu des principales figures. Cela correspond à peu près à ce que la tradition rhétorique désigne sous le nom d'élocution; et c'est aussi à peu près tout ce qu'une

1 On se trouve là en plein dans la problématique annoncée par le titre de la collection : Formes sémiotiques. 2 Voir par exemple les indications dans le Dictionnaire de rhétorique, « Le Livre de Poche », 1992.

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tradition critique désigne sous le nom de style. On reconnaîtra que c'est là une notion très réductrice du style, qui a d'ailleurs longtemps satisfait aussi bien les stylisticiens (qui étaient pour) que les antistylis- ticiens (comme les linguistes purs et durs qui y voyaient justement une idée étriquée ou inconsistante). Quoi qu'il en soit, on a là, avec la forme de l'expression, un ensemble qui est, lui, tout à fait isolable et consistant de déterminations verbales.

La forme du contenu, on la traitera vraiment à notre façon et d'une manière non moins dirimante, en disant qu'elle est composée de : l'ensemble des figures macrostructurales de second niveau, c'est- à-dire des lieux, des grands topoï argumentatifs et narratifs (y compris les multiples et canoniques spécifications des codes du décrire, expli- quer, demander...) ; des pratiques génériques (avec tous les degrés entre l'affichage d'un genre institutionnalisé et revendiqué et le refus non moins affiché d'un code générique, en passant par les divers inter- médiaires de subversion, de mélange, de camouflage ou de novation) ; de la constellation des thèmes et des motifs. Encore une totalité relati- vement constituée et stable, assez peu problématique.

On en arrive à la substance du contenu ; et c'est là que la situation redevient vraiment critique. On se contentera, pour le moment, de la « définir » ainsi : c'est le contenu idéologique, et en même temps l'in- vestissement individuel de chaque producteur de discours. Pour reprendre un exemple fameux (topique), on dira que la substance du contenu des contes de Voltaire, c'est la pensée de Voltaire. Ce n'est pas rien, malgré l'apparent truisme, car cette définition (cette approche) comprend deux ordres bien plus apparemment divergents, voire contraires. C'est sur ce point seulement que l'on va un peu insister ici. Il est en effet remarquable que, de notre point de vue, qui coïncide parfaitement en cela avec certaines des positions fondamentales expli- citement soutenues par Hjelmslev, il y ait un lien essentiel, au niveau de la substance du contenu, entre le général, le partagé, l'imperson- nel, le socio-culturel, le doxique, d'un côté, et le singulier, le substan- tiel, le contingent, l'individuel, de l'autre. C'est là une position de principe de grande portée, dont on mesurera diverses conséquences au cours des analyses qui viendront.

Voyons maintenant, par rapport à cette grille acceptable sans approfondir davantage, comment on peut penser les relations entre différents traitements de matériaux sémiotiques, ce qui veut dire com- ment présenter un parallèle, aussi rigoureux et scrupuleusement res- pectueux que possible de chaque spécificité, entre les traitements for-

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mels de différents matériaux sémiotiques. On devrait dire, à toute rigueur, entre différents matériaux sémiotisés par la doxa de l'accord social. Pour clarifier la vision, on va se situer d'emblée dans des prati- ques reçues socialement comme artistiques, comme de l'art, alors qu'on n'a justement pas encore posé la question de leur érection en art.

Faisant donc, consciemment, comme si cette question-là était résolue, on pourrait suivre le raisonnement suivant. Prenons simple- ment trois arts, à titre de représentativité facile, de tests-limites clairs : le verbal, le pictural, le musical - la littérature, la peinture, la musique Ce que l'on pose, ce sont exactement des homologies. La substance de l'expression, dans le verbal, c'est donc le son et le graphisme ; dans le pictural, c'est le dessin et la couleur ; dans le musical, c'est le son. Pour la forme de l'expression, dans le verbal, la sélection et l'arrangement des lexies ainsi que les principales figures, l'élocution ou style ; dans le pictu- ral, la forme, la sélection et la disposition des traits et des couleurs ; dans le musical, la sélection et l'arrangement des notes, le choix des tons et des modes. La forme du contenu réside, pour le verbal, dans la position à l'égard des grandes contraintes des formes discursives, génériques et thématiques ; pour le pictural, dans les choix généraux des positions thématiques et génériques, ainsi que dans les déterminations que l'on pourrait qualifier de macro-stylistiques (comme abstrait/figuratif ; cubisme/impressionnisme) ; pour le musical, dans la sélection et le trai- tement des formes génériques, thématiques, programmatiques, ainsi que dans les diverses positions de distanciation ou de refus à l'égard de ce type de composantes. Quant à la substance du contenu, le verbal propose, justement, le contenu idéologique ; et le pictural ? et le musi- cal ? C'est là que les choses se compliquent, ou se révèlent : en tout cas, il y a de la résistance, ce qui montre bien qu'on ne se trouve nullement dans l'arbitraire desflattus vocis.

Va-t-on dire que la substance du contenu d'un tableau ou d'un morceau de musique, c'est le titre du tableau ou du morceau ? C'est bien peu de chose. Et que faire quand il n'y a que des titres de type générique ou sériel, comme sonate n° 5 en ut bémol, ou aquarelle n° 19? Voire quand les œuvres sont sans titre, ou avec sans titre ? Comment

On se reportera, pour un exemple particulier, à l'analyse que j'ai établie dans cet esprit à par- tir d'un texte de Félibien dans « Le discours sur les tableaux dans l'esthétique baroque à travers des romans français et espagnols » - Les fins de la peinture, René Démoris (éd.) ; Paris, Desjon- quères, 1990.

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réagir, en outre, devant des œuvres avec titre comme montée de jaune, où l'on cherche d'abord du jaune, le jaune ? La solution viendrait-elle des titres généralement allégoriques, comme la mort, l'épouvante, le désir ? Ou plutôt des relations apparemment plus directement narra- tivo-descriptives comme Les Bergers d'Arcadie ou Der Reiter : dans le tableau de Poussin, on a l'image fixe d'une histoire à articulation manifestement en cours, dont le spectacle est très partiellement orienté par le titre ; dans la pièce de Schumann, on est guidé, par le titre, à entendre un galop de cheval (ce qui n'est pas exactement le bruit d'un cavalier), et on peut imaginer l'action et des réactions face à cette image due au son, sans qu'il y ait du tout suivi de ce ressenti- ment audito-interprétatif au long du morceau, et sans même que le développement d'un tel morceau doive susciter réellement, concrète- ment, un processus interprétatif - on y arrive - conditionné par son titre.

On vient de parcourir ainsi, sommairement, presque sauvage- ment, à peu près tous les principaux cas présentables. La récolte est pour le moins problématique. Au mieux, on aboutit à une narrativi- sation, plus ou moins allégorique, dont le caractère majeur est le flou, l'instabilité, la non-nécessité. Pire, on ne voit pas très bien quelle peut être la spécificité, comme picturale ou comme musicale, de l'homolo- gie, dans les formes de ces matériaux sémiotiques-là, de la substance du contenu telle qu'on l'a présentée pour le verbal.

C'est peut-être la pensée de la substance qui pose problème. On sait - François Rastier l'a rappelé avec éclat - que la substance ne doit pas être conçue comme hylétique, c'est-à-dire comme matérielle- ment essentielle ; cela va dans le sens de notre analyse du phénoménal social. Si l'on revient à la question de la substance de l'expression, on se rend compte que ce n'est vraiment pas simple non plus ; mais cette difficulté symétrique est éclairante. Quand on dit que la substance de l'expression du verbal, c'est le son et le graphisme, du pictural, c'est le dessin et la couleur, du musical, c'est le son, on est, d'une certaine façon, bien content, parce qu'on a dégagé deux résultats. Le premier, c'est qu'effectivement, on n'a pas confondu substance de l'expression de ces matériaux sémiotiques avec support matériel ou canal de leur réalisation : par exemple, le livre, le téléphone, l'imprimante ; la toile ou le bois; le papier ou le disque compact. C'est tout de même la

1 Notamment dans Sémantique interprétative, PUF, 1987.

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moindre des choses, même si tout n'est pas si clair qu'il ne paraît, notamment quant au statut du traitement électronique. Le second résultat, moins méthodologique et plus intéressant, c'est qu'on a réussi à poser les bases d'homologies fortes et sûres. On a le sentiment qu'on a enfin isolé des communautés non métaphoriquement exprimées entre ces trois praxis : le son serait commun au verbal et au musical, le graphisme serait commun au verbal et au pictural. On aurait rigoureusement identifié les composantes d'une unité sémiotiquement expressive à travers des matériaux différents : on pourrait de la sorte parler de langage musical ou de langage pictural, sans craindre de réaliser, comme c'est si souvent le cas dans ce genre de critique avec l'em- ploi du terme langage, un jeu de mots, une approximation, ou une imposture. Cela représente incontestablement une avancée épistémo- logique considérable, ne serait-ce qu'à titre négatif, ou largement prophylactique.

L'ennui, c'est que cette analyse n'est peut-être pas fausse, mais qu'elle est sommaire, parce que, justement, elle est substantielle. Pre- nons un cas. Dire que la substance de l'expression du musical c'est le son, cela paraît irréfutable ; mais pour comprendre ce que cela veut vraiment dire, et surtout ne pas dire, il est utile, maintenant, de déborder au-delà des trois domaines jusqu'ici considérés. Si l'on regarde la sculpture, va-t-on dire que la substance de l'expression, c'est telle ou telle matière, la pierre (le marbre), le bronze, le bois ? Une telle réponse paraît presque naturelle. Et pourtant, ne faudrait-il pas dire plutôt que la substance de l'expression de la sculpture, c'est le volume ? et proposer conséquemment de ranger à un autre niveau le jeu de la composante hylétique, matérielle, comme le bois, le marbre ou le bronze, qui serait davantage du côté de ce qui, dans d'autres praxis, s'appelle le support ? Ce qui invite à revenir sur les termes de nos propos concernant le pictural : ne conviendrait-il pas de préciser que la substance de l'expression du pictural, c'est le dessin (point et trait) et la couleur sur un plan ? - on serait en outre fondé à soutenir cette proposition dans la mesure où, s'insérant dans une théo- risation particulière et homogène, elle rencontre exactement la formu- lation, issue d'une autre base théorique non moins homogène, de Kandinsky Pour le moment, on ne voit pas comment on pourrait

1 Voir par exemple, pour l 'un des aspects de la composante substantielle, le titre Punkt und Linie zu Fläche [1926] ; tr. fr. Point et Ligne sur plan, Folio-Gallimard, 1970-1991.

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a l l e r p l u s l o i n , à p r o p o s d e l ' a p p r o c h e d ' u n e d e s c o m p o s a n t e s d e l a

s u b s t a n c e d e l ' e x p r e s s i o n d u v e r b a l , l e g r a p h i s m e : i l s e m b l e b i e n q u e

c e t t e n o n - s p é c i f i c a t i o n s o i t p l u s r e n t a b l e q u ' u n e é v e n t u e l l e ( e t p r o b l é -

m a t i q u e ) s p é c i f i c a t i o n , r e l a t i v e m e n t à l a c o n s i d é r a t i o n à l a f o i s d e

l ' é v o l u t i o n d e s y s t è m e s d ' é c r i t u r e à t r a v e r s l ' h i s t o i r e d e s c i v i l i s a t i o n s e t

d e s d é v e l o p p e m e n t s d e s p r a t i q u e s g r a p h i q u e s d e p u i s u n s i è c l e ( s a n s

p a r l e r d e l ' a r t d e s m a n u s c r i t s ) .

S i e n r e v a n c h e l ' o n a f f i n e a u s s i l a q u e s t i o n d u s o n , q u i e n g a g e

l ' a n a l y s e p o u r l a s u b s t a n c e d e l ' e x p r e s s i o n d u v e r b a l e t d u m u s i c a l , o n

d o i t p o u v o i r a r r i v e r à u n e d i s t i n c t i o n a u s s i t r i s t e q u e n é c e s s a i r e , e n

c o n s i d é r a n t p a r t i c u l i è r e m e n t l e c a s d u c h a n t . O n p e u t p a r l e r s a n s

c h a n t e r , m ê m e si t o u t e l a n g u e a s a m é l o d i e p r o p r e , m ê m e s i c e r t a i n e s

r é a l i s a t i o n s i d i o l e c t a l e s d e l a m ê m e l a n g u e o n t l e u r s m a r q u e s m é l o d i -

q u e s p r o p r e s , e t m ê m e si o n p e u t p a r l e r d a n s l ' o p é r a - c o m i q u e o u d a n s

d ' a u t r e s f o r m e s d e p r o d u c t i o n s g l o b a l e m e n t m u s i c a l e s , s e l o n d e s m o n -

t a g e s q u i p r é s e n t e n t t o u s l e s m i x t e s i m a g i n a b l e s . O n p e u t a u s s i c h a n -

t e r s a n s p a r l e r , c e q u i s e r é a l i s e , e n g r o s , d a n s d e u x t y p e s d e s i t u a -

t i o n s : d ' u n e p a r t , q u a n d o n n e p r o n o n c e p a s d e s p a r o l e s , m a i s q u ' o n

p r o d u i t d i v e r s e s s o r t e s d e v o c a l i s e s , a c c r o c h é e s o u n o n à d e s p a r o l e s —

v o i l à u n e a n a l y s e s t a b l e d u c ô t é d e l ' é m i s s i o n ; e t d ' a u t r e p a r t , q u a n d ,

à l ' a u d i t i o n , o n n e c o m p r e n d r i e n , c e q u i a r r i v e s o u v e n t , e t p a s s e u l e -

m e n t l o r s q u e l e c h a n t e s t d a n s u n e l a n g u e é t r a n g è r e i n c o n n u e p o u r

t e l s r é c e p t e u r s , s a n s q u e l ' i n t é r ê t n i l e p l a i s i r m u s i c a u x s o i e n t l e m o i n s

d u m o n d e a f f a i b l i s . E t i l y a b i e n s û r d e l a m u s i q u e s a n s c h a n t , c e q u i

n ' a p p o r t e r i e n à l ' a r g u m e n t a i r e i m m é d i a t . D ' o ù l ' o n p e u t c o n c l u r e

q u e l e s o n d o n t i l e s t q u e s t i o n d a n s l a s u b s t a n c e d e l ' e x p r e s s i o n d u

m u s i c a l , c ' e s t l e s o n a u s e n s d e l a p l u s l a r g e e x p a n s i o n d u t e r m e ( o n

p e n s e r a à l a m u s i q u e d e C a g e , p a r e x e m p l e , p o u r m e s u r e r c e t t e

e x p a n s i o n ) , y c o m p r i s l e s o n a n i m a l , i n c l u a n t l e s o n h u m a i n d e l a

v o i x . M a i s i l n e s ' a g i t p a s d u s o n d e l a v o i x h u m a i n e a r t i c u l é e , e n t a n t

q u ' e l l e s o i t a r t i c u l é e , m ê m e s i d e l a v o i x h u m a i n e a r t i c u l é e s e t r o u v e ,

a u s s i , m a t é r i e l l e m e n t i n t é g r a b l e d a n s l e s o n o r e ( m u s i c a l ) ; i n v e r s e -

m e n t , e t s y m é t r i q u e m e n t , l e c h a n t d e p a r o l e s , c o m m e t e l l e s , n e d é t e r -

m i n e p a s d e l a s u b s t a n c e d e l ' e x p r e s s i o n m u s i c a l e , c o m m e m u s i c a l e .

L e s r é a l i s a t i o n s h i s t o r i q u e s d e l a p o é s i e c o m m e c h a n t s o n t a i n s i i n t e r -

p r é t a b l e s e n h a r m o n i e t o t a l e a v e c l ' i d é e d e l ' a c c o m p a g n e m e n t i n s t r u -

m e n t a l , c o m m e o n e n a d e s e x e m p l e s c o n t e m p o r a i n s a v e c l e s œ u v r e s

d e S e n g h o r , c ' e s t - à - d i r e s a n s i m p l i q u e r l a m o i n d r e c o n f u s i o n e n t r e l e s

s u b s t a n c e s d e l ' e x p r e s s i o n d e d e u x p r a t i q u e s s é m i o t i q u e s i r r é d u c t i b l e -

m e n t d i s t i n c t e s : o n a a f f a i r e e n l ' o c c u r r e n c e à u n a r t m i x t e , c o m m e il

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s'en est heureusement beaucoup développé. On reviendra sur ces questions, quand on évoquera le panorama des arts.

Or, le mixte, voire éventuellement la fusion dans les praxis sociales, ne saurait induire, sauf faiblesse d'esprit, confusion dans l'analyse théorique des niveaux de composantes.

Si l'on revient au point spécifique de la substance de l'expression du verbal, du côté de son aspect sonore, il faut donc restreindre l'ap- proche, et préciser que n'est en jeu, dans ce domaine, que le son de la voix humaine articulée dans l'activité phonatoire. La susbstance de l'expression du verbal, c'est de la voix, du son humain en activité de logos, de la parole. On se trouve ainsi décisivement, dès lors, finale- ment ou déjà, selon l'angle de vue, dans du discontinu, dans du dis- tinctif, c'est-à-dire exactement dans du pro-sémantique.

C'est là qu'il fallait arriver, à la zone ultra-sensible, après la boucle presque entièrement réalisée.

On se souvient de la difficulté initialement rencontrée, à propos de la substance du contenu, relative à la quasi-impossibilité de penser une homologie significative, non vide, par rapport à cette compo- sante, dans le traitement de plusieurs matériaux sémiotiques — on avait pris l'emblème, hypothétiquement en praxis d'art, du verbal, du pictural et du musical. A tous nos commentaires du moment, qu'il convient d'éclairer par ce qui vient d'être dit, on ajoutera mainte- nant - et maintenant seulement, car ce parcours préalable était néces- saire pour introduire un tant soit peu de compréhension — le commen- taire de fond, théoriquement préalable à toutes ces considérations, mais dont la portée n'apparaît pas d'abord. C'est que, même sans se situer en praxis d'art — à supposer qu'un tel scrupule méthodologique ait un sens en la matière -, il existe une différence spécifique inalté- rable, irréfragable, infranchissable, qu'aucune homologie ni même analogie ne saurait jamais combler, entre le traitement des sémioses non-verbales et celui de la sémiose verbale : la sémiose verbale, et elle seule, sert de méta-sémiose pour toutes les autres ; et cette relation n'est pas réversible. Le langage verbal sert de métalangage aux lan- gages non-verbaux, non seulement pour parler de ces langages, mais aussi, et surtout - c'est en tout cas le plus sensible à ce point de notre réflexion - pour désigner la substance du contenu, en l'occurrence,

1 Pour alléger la rédaction, on utilisera quelquefois le terme de sémiose à la place de l'expression développée traitement symbolique de matériau sémiotique à travers des formes.

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des autres arts. En effet, dans tous nos efforts, la plupart vains ou décevants, d'exposer de la substance du contenu de ces autres arts (et on n'avait pris, à dessein, que deux autres arts, apparemment aussi simples qu'exemplaires : le pictural, le musical), même en maximali- sant, avec le moins d'hypocrisie théorique possible, les solutions les moins aporétiques, à quoi sommes-nous arrivés, sinon à du verbal, puisque, chaque fois, et au mieux, j'ai aligné des mots, de la phrase, du langagier lexico-syntaxique stricto sensu ? La conclusion apparem- ment la moins délétère à proposer, dans ces conditions, serait d'ad- mettre que, s'il existe de la substance du contenu intégrée dans le tout sémiotique mis en œuvre dans les pratiques des arts non-verbaux, celle-ci est particulièrement instable, et qu'elle ne saurait trouver, à la limite, d'autre manifestation que verbale.

A ce compte-là, le terme de langage pour désigner les médiations symboliques du monde en mondain selon les traitements sémiotiques des matériaux non-verbaux serait utilisé d'une manière presque impropre, quasi figurée, et souvent trompeuse (il est vrai qu'on en a constaté de nombreux dégâts). Et on devrait tirer la conséquence logique, ultime, de cette aperception : dans la mesure où l'on ne réus- sit pas à stabiliser de la substance du contenu avec les traitements sémiotiques des matériaux non-verbaux, sinon à en manifester vague- ment sous forme inévitablement et exclusivement verbale, ne fau- drait-il pas reconnaître, dans la tristesse et dans la honte, qu'il n'y a de substance du contenu que verbale ?

On va évidemment s'élever avec violence contre une telle horreur. Mais auparavant, deux petits commentaires apéritifs. On ne saurait accepter, comme réfutation immédiate et fracassante de cette conclu- sion provisoire (mais intellectuellement forte), la considération du cas des codes non-linguistiques, comme le code de la route ou celui de la navigation maritime : leur extrême clarté, leur grande précision infor- matives sont solidaires de leur figement extrêmement bétonné, limité, à un nombre arrêté de situations à symboliser, n'ouvrant pas à une combinatoire indéfinie de réalisations. Secondement, la proposition de la conclusion provisoire (qu'il n'y aurait de substance du contenu que verbale) n'atténuerait nullement la dignité des productions des arts non-verbaux, et ne relèverait nullement celle des productions de l'art verbal : en effet, un art ne serait pas particulièrement plus fort, au contraitre, parce qu'il est fait avec un matériau qui catégorise maximalement la mondanisation ; on sait bien que l'art verbal, juste- ment parce que son matériau est celui de la catégorisation maximale,

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a beaucoup de mal à se faire reconnaître comme art, à un niveau comparable à celui des arts non-verbaux, précisément à cause de son matériau absolument et ataviquement sémantique. C'est le désespoir inhérent à l'idée, ou à l'effet, de l'art verbal.

Nous revoilà au cœur du problème : c'est le foyer qu'on approche, en tournant autour de plus en plus près, avec la panoplie des notions de sens — sémantique — interprétation. Les termes correspondant sont plu- sieurs fois venus comme spontanément, malgré tout, à la surface des lignes précédentes. On remonte ainsi, ou l'on redescend, par force, au niveau fondamental, préalable à toute élaboration recevable comme artistique. Par rapport à la question implicite, presque jamais explici- tée, donc encore moins posée, qu'est-ce que comprendre (un texte, un objet culturel) ?, on est obligatoirement, quasi instinctivement, en position d'activité herméneutique, c'est-à-dire de demande et de production — d'exigence - de sens. Dès que du comportemental social (comme quelque objet culturel que ce soit) est perçu, reçu, reconnu en tant que tel, le simple contact s'opère comme un acte d'interprétation, c'est-à-dire que l'objet contacté est perçu comme devant avoir une certaine valeur. Il est commode de dire que le sens, grossièrement, c'est ce devoir être-là. Et on ajoutera que l'on se situe à peu près, et même sans doute tout à fait, dans la zone cruciale de l'opération de médiation qui catégorise le monde pour le mondaniser, pour en faire de l'appréhendable mondain, du mondain, tout l'appréhendable. Autrement dit, ce que je suis en train d'expliciter ici avec ces termes, c'est sans doute la même opération cognitive que celle dont je parlais à propos de la mondanisation.

Les pôles de la réflexion sont ainsi apparemment doubles : la ques- tion du tout sémiotique que constitue chaque système à matériau dis- tinct, et la question du rôle spécifique de la substance du contenu dans ce tout ; ou comment cela fonctionne ? Les exigences épistémologi- ques semblent être les suivantes : préserver l'autonomie du monde et du sémiotique (ce que paraît satisfaire la théorie de la différenciation du monde et du mondain, telle qu'on la rappelée en début de cha- pitre) ; préserver la spécificité de la sémiose verbale, telle qu'elle a

Qu 'on ne se méprenne pas sur la portée des analyses ici présentées : on ne va pas remonter ab ovo, ni refaire la synthèse des différentes théories de sémantique générale, descriptive, interpréta- tive, pragmatique, componentielle, liée ou non aux modèles de l'intelligence artificielle. On réfléchit strictement dans le cadre instrumental de la théorisation orientée sur notre questionne- ment spécifique.

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paru s'imposer inévitablement, et lourdement, tout au long des ana- lyses précédentes ; préserver la portée sémiotique des autres systèmes de mondanisation, sans les secondariser par rapport au verbal, et sans davantage les aligner sur ce dernier (ce dont on a constaté l'impossi- bilité). C'est évidemment la dernière de ces exigences, la troisième, qui pose le plus de difficultés; mais elle est essentielle.

On va proposer au moins une distinction de termes, assortie d'une précaution préalable. La quadripartition hjelmslévienne, que nous adoptons pour son efficacité théorique provisoire et instrumentale, ne doit pas être conçue comme un ensemble d'étages ou de comparti- ments grillagés, encore moins bétonnés ou étanches. Même à titre purement spéculatif, on a affaire à du continu graduel, saisissable sous l'aspect de tendances de valeurs dominantes. Il y a donc comme une atmosphère de valeur commune à toutes les composantes de chaque unité de matériau sémiotique (ce qui veut dire, ne l'oublions pas, construit et reçu comme sémiotique).

On ne peut pas dire, sans imposture, que la substance du contenu d'une symphonie de Mozart est homologue, ni même analogue, à celle d'un poème de Rimbaud, ni que le mot sens dans sens d'une symphonie de Mozart ait le même sens que le mot sens dans sens d'un poème de Rimbaud ; semblablement, on ne peut, sans imposture, laisser croire que le mot sémantique dans sémantique musicale a le même sens que le mot sémantique dans sémantique de la métaphore et de la métonymie ou dans tous les emplois non caractérisés du terme en sciences du langage. Inversement, il est manifestement insoutenable de dire que le sens d'une symphonie de Mozart se réduit à indiquer, par exemple, la généricité de cette sym- phonie. Dans le même mouvement argumentatif, Adorno parle, à pro- pos de Schônberg, de l' expression pure des pensées musicales, et Kandinsky évoque souvent les idées attachées aux formes et aux couleurs. Cepen- dant, en tout état de cause, on aura la plus grande peine à admettre l'idée d'une sémantique musicale (oupicturale...) , à cause de la calamiteuse ambiguïté de l'expression ; il faudra trouver une autre terminologie pour désigner ce dont on parle réellement.

Voici une voie pour tenter de s'en sortir. La sagesse, c'est-à-dire la pragmaticité à la fois la plus large et la

plus rigoureuse possible en l'occurrence, est peut-être de repenser

1 On se reportera aux ouvrages canoniques de J.-J. Nattiez, comme Fondements d' une sémiologie de la musique, 10/18 (UGÉ), 1975. 2 Prismen, Suhrkamp Verlag, Frankfurt-am-Main, 1955 ; tr. fr. Prismes, Payot, 1986.

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l'idée de la substance du contenu. Puisqu'on a là le plus essentiel et tout à la fois le plus contingent, donc le plus sensible, c'est de ce côté vraisemblablement que s'aimantent le processus herméneutique, l'at- traction interprétative. On pourrait concevoir la substance du contenu comme une sorte de spectre qui serait balisé par deux pôles : le noétique et le thymique. Chacun de ces deux pôles ne jouerait qu'à la façon de dominante à l'égard de tout le prisme, selon un nombre indéfini de cas de figures : l'un et l'autre l'emplissant à part égale, l'un ou l'autre s'étendant maximalement, ou asymptotiquement, au détri- ment du pôle symétrique, avec en outre une série indéfinie de mélanges indéfiniment dosables entre les deux.

Qu'est-ce que le noétique ? C'est la composante la plus intellectua- listement cognitive (si on veut bien admettre cet horrible jargon post- scolastique : il me semble que son aspérité même dit bien ce qu'elle veut dire), qui a en charge l'ensemble des processus de la médiation symbolique optimale, celle qui aboutit à la catégorisation affichée du mondain.

Qu'est-ce que le thymique? C'est la composante qui gouverne l'ensemble des affects ; on y rangera l'émotif au sens large, ainsi que le champ du ressentiment moral. On verra dans cette approche un renouvellement de la conception aristotélicienne de l'éthique et du pathétique. Pour Aristote, on le sait — et je sais bien aussi que c'est là mon interprétation -, la théorie de l'éthos et du pathos, dans son appa- rente distinctivité oppositionnelle, répond essentiellement à une exi- gence pragmatique d'ordre d'abord rhétorique : la réflexion duale s'insère dans le souci de clarifier le plus efficacement possible les sources générales (les lieux) des discours argumentatifs, dans le cadre de l'examen systématique des preuves techniques (artificielles). La topique éthique et la topique pathétique permettent de catégoriser l'ensemble des domaines du ressentiment, des émotions, de la sensibi- lité : soit sous un aspect plutôt passager, instable, incontrôlé (dési- gnable dans l'histoire culturelle sous la dénomination de passions) — le pathétique ; soit sous l'aspect plus dispositionnel ou plus statique des caractères et des mœurs d'état — l'éthique. On a de bonnes raisons de penser que, d'un point de vue moins rhétoriquement instrumental, la théorie d'Aristote admet son interprétation, à la fois plus large et plus

1 O n retrouve ici la sémiotique du thymique, qui a heureusement dépassé le massif de la sémio- tique narrative, avec les travaux de Jacques Fontanille (et A.-J. Greimas), Sémiotique des passions (Seuil, 1991) et d 'Anne Hénault , Le Pouvoir comme passion (PUF, 1994).

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les enjeux de c e l i v r e s o n t c l a i r s : o n v i s e à p r o p o s e r l a

p r é s e n t a t i o n d ' u n e sémiostylistique, r e l a t i v e m e n t à d e u x

p r o j e t s p r é c i s .

D ' a b o r d , u n e t h é o r i e i n t é g r é e d e l ' a r t ( v e r b a l e t n o n

ve rba l ) ; c o m m a n d é e p a r l ' i d é e q u ' i l n ' y a d ' a r t q u ' e n e f f e t

( s u r e t p a r l e p u b l i c ) . C e t t e t h é o r i e e s t r e l i é e à u n s y s t è m e

s é m i o t i q u e g l o b a l d e p r o d u c t i o n e t d e r é c e p t i o n d e s

é c h a n g e s , c o n s t r u i t s u r l e m o d è l e d u s i m u l a c r e é r o t i q u e ,

E n s u i t e , a t t a c h é à c e t t e r é f l e x i o n , u n e s s a i d e p r i s e e n

c o m p t e , e n s é m i o t i q u e g é n é r a l e d e l a c u l t u r e , e t a p r è s

l ' e f f o n d r e m e n t des i d é o l o g i e s , d e l ' a p r è s - A u s c h w i t z , p a r

La t e n t a t i v e d ' u n r e c e n t r e m e n t s u r l a p e n s é e d u c o r p s ,

à l ' i n v e r s e d e l ' h é r i t a g e d o m i n a n t e n a n t h r o p o l o g i e

c u l t u r e l l e .

Il s ' a g i t a i n s i d ' u n e h y p o t h è s e c o n c e r n a n t l a s i g n i f i c a -

t i o n e t l a v a l e u r s o c i a l e ,

Page 32: Sémiostylistique. L'effet de l'art

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