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Going Viral against HIV L’environnement socio-politique dans la région MENA et VIH Par Maître Rachid Bouchaddakh Avocat à la cour de Tunisie, secrétaire général de l’ADLI Marrakech le 19 juin 2012 (Version resumée) Introduction La région MENA a connu au cours des dernières années des faiblesses qui ont touché son champ sociopolitique : -Violation des droits humains ; -censure des médias ; -développement de la corruption ; -importance des disparités régionales ; -quasi absence d’opposition ; -faibles rôles de la société civile (notamment les associations) ; -manque de débats sociaux et -Vieillissement des dirigeants. 1

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Going Viral against HIV

L’environnement socio-politique dans la région MENA et VIH

Par Maître Rachid Bouchaddakh

Avocat à la cour de Tunisie, secrétaire général de l’ADLI

Marrakech le 19 juin 2012

(Version resumée)

Introduction

La région MENA a connu au cours des dernières années des faiblesses qui ont touché son champ sociopolitique :

-Violation des droits humains ;

-censure des médias ;

-développement de la corruption ;

-importance des disparités régionales ;

-quasi absence d’opposition ;

-faibles rôles de la société civile (notamment les associations) ;

-manque de débats sociaux et

-Vieillissement des dirigeants.

La conjugaison de ces éléments et autres ont accéléré la chute des plus durs des régimes autoritaires, donnant espoir à d autres peuples de la région MENA pour mettre fin à leur régimes totalitaires.

Ces révolutions marquent la fin des régimes qui ont perdu leur légitimité, et le démarrage d’un long processus complexe de réformes, on l’espère, et ce non seulement dans les pays qui ont connu la révolution, mais dans les autres pays de la région, dont les gouvernements

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seraient plus souples pour changer leur politiques et adopter des réformes, ne serait-ce que pour éviter le même sort que leurs voisins, et rester au pouvoir.

(Ainsi, voit-on plus de manifestations au rang des peuples de la région, on remarque un nombre de grandes réformes, tel que la réforme constitutionnelle au Maroc, ou encore des débats sociaux sur des questions tabous jusque là, telle que la violence contre les femmes dans certains pays du moyen orient).

Aujourd’hui il y a une brise de liberté, un vent de changement qui souffle sur la région.

Des personnalités qu’on croyait intouchables demeurent derrière les barreaux, des projets et des plans d’action qu’on nous disait bénéfiques, voire même une fierté pour le pays, font l’objet d’enquête judiciaire pour usurpation d’argent public et de corruption.

En contre partie, des personnes accusées d’être dangereuses et d’ennemis du pays, sont aujourd’hui en tête du pouvoir, et leurs idéologies longuement écartées, forment aujourd’hui la base de leur programme électoral.

Dans cette phase de transition démocratique, la question des droits humains occupe une place privilégiée, susceptible d’influer sur les orientations en matière de riposte à l’infection par le vih/sida ; ces droits qui devraient être placés au centre de la lutte contre le vih/sida, mais qui demeurent toujours le maillon faible et le chaînon manquant dans cette riposte.

La question qui se pose est alors de savoir si la lutte contre le vih, qui peinait à avancer jusque là dans la région, principalement à cause de l’environnement sociopolitique défavorisant peut, elle aussi, connaître un sort meilleur avec tous ces changements que connaît la région.

En effet, la riposte au vih/sida est censée se positionner par rapport aux mutations connues aujourd’hui par la région afin de tirer profit des opportunités offertes par la transition démocratique, et réduire les éventuelles contraintes dues à la résistance au changement.

Il est donc tout à fait légitime d’être optimiste aujourd’hui, et penser que l’environnement sociopolitique dans la région MENA est opportun si on veut promouvoir la lutte conte le vih/sida (première partie), malgré certaines contraintes de taille qu il faudrait bien prendre en considération dans cette lutte (deuxième partie).

Première partie : Environnement opportun

L’environnement est opportun parce que d’abord il faut être conscient des acquis déjà existants aujourd’hui dans la région grâce à un dure travail qui a duré des années, des acquis qui sont là (paragraphe 1), même s ils sont lacunaires ( paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Existence d’acquis

a- Acquis présents

Nous citons à titre indicatif :

- femmes émancipées dans la région, par rapport à la situation de la femme dans des sociétés similaires ailleurs ;

-Codes de statut personnel assez modernes dans ces pays ;2

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-moyens numériques accessibles ;

-existence de lois, de cadres juridiques traitant de vih et maladies sexuellement transmissibles, ( en Tunisie depuis 1992 par exemple) consacrant le principe de non discrimination contre les PVVIH ;

-plans nationaux qui tracent un plan stratégique pour lutter contre VIH et

-associations de lutte contre le VIH dans les pays de la région qui sont très actives, associations qui devancent parfois les lois (exemple de l’ATL en Tunisie, ou de l ALCS au Maroc.)

b- Même s il s agit d’acquis lacunaires

Exemples :

- discrimination à l’égard des femmes dans tous les domaines ;

- loi relative au VIH lacunaires, toujours l’ordre public l’emporte par rapport aux droits des PVVIH par exemple, levée du secret médical, ou encore le principe de non discrimination qui reste sans garanties ;

-droits humains bafoués, Etats policiers, contrôle des libertés, censures (sur Internet par exemple ) ;

- absence d’oppositions, (les partis au pouvoir ont beaucoup fait cavalier unique) ;

- incrimination et marginalisation des groupes vulnérables, pourtant plus touchés dans nos pays (msm, travailleuses de sexe, usagers de drogues ; les enquêtes serocomportementales ont montré que la prévalence du VIH chez ces populations clés est de 0,43% pour les travailleuses de sexe clandestines, 3,1 pour les usagers de drogues, et 4,9 pour les msm )...

Aujourd’hui éviter de débattre autour du commerce de sexe, des rapports sexuels entre hommes, de la consommation de drogues renforcerait leur situation de vulnérabilité.

La nouvelle page de l’histoire de la région pourrait bien prester à notre sens une chance à saisir pour combler ces lacunes.

Paragraphe 2 : la transition démocratique : une opportunité à saisir pour améliorer les acquis de la lutte VIH/Sida

Avec le démarrage du processus tant espéré de démocratisation de la région, on remarque que les gouvernements essaient tant bien que mal à se démocratiser (a), laissant de la place à la société civile dans le champ de l’action publique(b).

a- Démocratisation de l Etat

-plus de volonté pour le respect des libertés, et des droits humains ;

-naissance de partis politiques, d’une opposition véritable politique active ;

-naissance d’associations (un millier en Tunisie après la révolution) ;

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-naissance d’alliance entre des associations de différents domaines ;

-naissance de pluralisme syndical ;

-liberté d’expression, liberté de presse, naissance de nouveaux journaux, de nouvelles chaînes de télévision et de radio (pas encore une antenne qui traite de VIH ou de ce genre de programme sauf peut être une radio marocaine sur le web, et très limitée dans la diffusion) ;

-nombre très élevé de blogs et de sites qui débattent des droits sur le net ;

- levée du contrôle sur le net la veille du départ de Ben Ali en Tunisie ;

-liberté de manifester (un peu trop même) ;

- plus de transparence dans le travail du gouvernement, (débat de la constituante en Tunisie en directe sur les chaînes de télévision, ministres tout le temps interviewés, et appelés a éclaircir leur politiques..) ;

-lutter contre la corruption,(un ministre chargé cela en Tunisie par exemple après la révolution création d’une commission d’enquête sur la corruption et la malversation, la veille du 14 janvier , justice saisie de centaine d’affaires de corruption…) ;

- assainissement des administrations, de la police, et de la justice entre autres ;

-amendements de lois, (relatives aux droits, ou aux secteurs les plus sensibles tels que la presse , le barreau, la magistrature, la police , lois relatives aux associations , lois relatives aux partis politiques, etc…).

-instauration de nouvelles républiques et de constitution ( nouvelle constitution en Tunisie ou réformes constitutionnelles au Maroc).

b- montée de la société civile

Monté qui se mesure sur le plan quantitatif (des associations) , mais surtout à titre qualitatif (nouvelles missions)

En nombre :

1000 associations créées en Tunisie au lendemain du 14 janvier (l’association Rahma pour les PVVIH est le bon exemple à donner en matière de lutte contre le VIH sida, après plusieurs refus durant les cinq dernières années du régime de Ben Ali, ou encore l’association Nabaa el Hayet en Libye qui a connu le même sort ).

-Plusieurs nouvelles coalitions et alliances entre les associations.

-En plus, plusieurs associations étrangères sont en train de s’installer en Tunisie et en Egypte des associations qui se penchent sur les droits humains, sur la cause gays…

-augmentation du nombre des journaux, de télévisions, de radios, ( exemple , apparition d’un magazine gay tunisien pour la première)

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Mais aussi en missions :( approche participative de la société civile : participation a priori à la prise de décision( elle appelle à des changements, elle participe aux politiques, exemple, l’appel du ministre des droits de l’homme en Tunisie à la société civile à apporter son point de vue en vue de préparer le rapport de la Tunisie sur les droits de l’homme devant le comité international des droits de l’homme à Genève) et participation a posteriori ( critiques, communiqués,demandes d’éclaircissements au gouvernement, l’exemple de l ADLI (association de défense des libertés individuelles) qui a dénoncé les propos homophobes du ministre des droits de l’homme même, ou encore des propos contraires à la liberté de culte du ministère des Affaires religieuse)

Montée d’internautes en nombre ( 2millions d’ abonnés en Tunisie à facebook depuis la révolution) et en qualité, (on remarque que facebook qui avait une vocation de relationnel, d’affectif, devient lors de la révolution une plate forme d’échange d’informations, et désormais plus une plate forme de débats politiques, de libre expression et de participation à la vie publique.

Donc l’environnement actuel est fortement propice à renforcer le respect des droits humains et donc à renforcer la lutte contre le VIH qui s’y attache, malgré les nombreuses contraintes.

DEUXIEME PARTIE : les contraintes

Le terrain de démocratisation est glissant, surtout pour les débutants comme c’est le cas de la région. Plusieurs menaces sont de poids ( paragraphe 1), et ne font que rendre plus difficiles les challenges à soulever pour bien mener cette lutte.

Paragraphe 1 : les menaces :

-Menaces chronologiques : l’ère des libertés après un changement politique est toujours éphémère, l’histoire l’a très bien montré ;

-Menaces de déviation : risque d’un nouveau régime totalitariste, montée d’islamisme,en Tunisie comme en Egypte, menaces même de perdre les acquis déjà existants qu’on cherchent à améliorer, exemple d’attaques des maisons closes, attaques de toutes sortes de modernisation(arts, style de vie, mode vestimentaire… pour l’art par exemple : en Egypte , Adel imam inculpé pour ses films , ou encore en Tunisie, où des expositions d’art, une chaîne de télévision ont été attaquées…

-Réactions exagérées face à l’appel de dépénalisation de l’usage de drogues douces ;

-Attaques par des moyens violents, vandalisme, incendies, agressions, atteintes a la vie privée (sur le net)..rien que pour ceux qui ont appelé à la laïcité par exemple.

-Attaques des maisons closes légales en Tunisie.

En plus Ben Ali avant de partir a levé le contrôle sur le net, on croyait qu’on a été libéré, on n’aurait jamais pensé que quelques jours plus tard, il y aura des tunisiens (à tendances islamistes) qui demanderont au juge de fermer des sites, sois disant contre les mœurs.

-Menaces économiques (crise mondiale, global found, crise dans la région d’Afrique du nord à cause de ces événement s justement de révolutions et la crise économique qui s’en suit, la

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question des droits et surtout ceux liés au VIH est loin d‘ être une priorité dans la nouvelle politique de la région ).

Paragraphe 2 : challenges :

-Agir vite et bien, face à la menace chronologique ;

-Veiller à garder les acquis, (droits des femmes, éducation sexuelle, vie privée, accès aux préservatifs, légalisations relative à la prostitution…eux-mêmes menacées aujourd’hui ( en Tunisie par exemple on a pensé à créer un observatoire pour les droits humains et VIH, sous la bienveillance de l’ATL dont la mission entre autres, est de veiller sur les droits acquis et la dénonciation de toutes atteintes) ;

-Collecter les fonds nécessaires du gouvernement et de l’étranger, viser d’autres moyens de mobilisation de fonds) ;

-Trouver un juste compromis entre droits humains (droits universels) et l’héritage culturel de la région (toujours le prétexte de déroger à ces règles de droits) ;

-Viser les leaders (tels que les leaders religieux) et décideurs et décidant s pour pouvoir arriver et toucher les mentalités, toucher la masse ;

- Et en parallèle, appeler à modifier les lois. Car loi et mentalités devraient être visées en parallèle vu que modifier l’une sans l’autre ne peut se faire ;

-Réunir les efforts de chacun dans la société civile pour former une force de poids (alliances des différentes associations des droits humains, femmes, enfants, éducation, politique,.., exemple le Rancs ou le collectif de la société civile (réunissant une centaine d’association des droits humains) en Tunisie ;

-Améliorer l’éducation des jeunes, unique garantie d’un meilleur avenir ;

-Assurer un meilleur accompagnement des populations clés en réduisant les stigmatisations et les discriminations dans les différents contextes pour gagner en efficacité dans la riposte VIH/Sida ;

-Toucher le plus grand nombre de personnes, et les toucher vite, et c’est via l’image, le numérique, internet, facebook, que ça peut se faire, mieux vaut voir une fois qu’ entendre mille fois, il faut montrer, convaincre et pourquoi pas choquer parfois ;

-Profiter non seulement de la transition, mais essayer de la copier dans la lutte contre le VIH /Sida, en déployant plus d’effort via les medias sociaux, qui ont beaucoup aidé a renverser des régimes qu’on croyait intangibles, alors il serait moins dur en principe de changer des mentalités ou des politiques, peut-être qu’avec ces medias, et comme ce qui s’est passé dans le printemps arabe, la lute contre le VIH deviendrait une révolution contre ce virus.

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