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Social et médico-social : une spécificité en danger ? : L'année de l'action sociale 2010

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Avant­propos

L’ANNÉE 2010 représente, sans conteste, l’année du grand chambardement pour le secteursocial et médico­social. Inauguré en 2009, avec l’adoption, dans le courant de l’été,de la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », le vaste chantier de la réorganisationdu secteur sera terminé à fin 2010. À cette date, le paysage de l’action sociale etmédico­sociale aura fondamentalement changé.

L’État a achevé la mue de ses services sociaux, conduite dans le cadre de la révision généraledes politiques publiques (RGPP). Au niveau central, la Direction générale de la Cohésion sociale(DGCS) succède à la DGAS. Dotée de compétences élargies, la nouvelle direction abandonne doncl’action sociale pour embrasser la cohésion sociale. Au niveau déconcentré, depuis le 1er janvier2010, les directions régionales de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion sociale (DRJSCS) et lesdirections départementales de la Cohésion sociale (DDCS) ont remplacé les DRASS et les DDASS.

La révolution viendra, plus sûrement, de l’application de la loi « Hôpital, patients, santé etterritoires », qui a, d’ores et déjà, acquis ses lettres de noblesse sous l’appellation loi HPST. Auprogramme : la création des agences régionales de santé (ARS), une nouvelle planification socialeet médico­sociale, une nouvelle procédure de délivrance des autorisations des établissements etservices, la création d’une une Agence nationale d’appui à la performance des établissements desanté et médico­sociaux (ANAP)...

Les préfigurateurs des vingt­six ARS sont en poste depuis l’automne 2009. Leur mission estclaire : mener l’ensemble des opérations nécessaires à l’installation et la mise en place effectivedes ARS en région. Ils endosseront leur habit de directeur général d’ARS dans le courant dupremier semestre 2010. Seront­ils, alors, en mesure d’incarner une autre figure que celle d’un« préfet sanitaire » ? De fait, les principaux acteurs du champ social et médico­social redoutent,par­dessus tout, que l’avènement des ARS se traduise par une dilution du secteur médico­socialau sein du secteur sanitaire. Pour éviter une telle dérive, ils ont demandé que le tout­puissantDG de l’ARS soit assisté d’un adjoint spécifiquement chargé du médico­social. Ils n’ont, jusqu’àprésent, pas été entendus.

Des professionnels du travail social s’émeuvent de l’abandon de l’action sociale au profit de lacohésion sociale. Il n’y aura bientôt plus d’action sociale que les centres communaux, CCAS etCIAS ! Au­delà de la sémantique, voire d’un brin de nostalgie, ces doutes sont plutôt à rapporterau sens même de l’intervention sociale. Pas question d’entonner le triste chant du « malaise destravailleurs sociaux » ! Le mal se révèle, aujourd’hui, plus profond. Le secteur traverse une véritablecrise d’identité. Dans tous ses domaines d’activités, les professionnels, comme les dirigeants,expriment, sans retenue, leur interrogation : qu’est­ce que la société attend de nous ?

De nombreux acteurs sont mal à l’aise face à cette notion de cohésion sociale. « L’usagedu terme “cohésion sociale” témoigne d’une nouvelle appréhension plus globale des enjeux, àl’échelle de la société dans son ensemble et dans un cadre qui dépasse celui des frontières del’hexagone », leur répond la DGCS. Et la nouvelle direction générale de s’appuyer sur la définition

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IV

AVANT­PROPOS

européenne de la cohésion sociale. À savoir : « La capacité d’une société à assurer le bien êtrede tous ses membres, à minimiser les disparités et à éviter la polarisation. Une société cohésiveest une communauté solidaire composée d’individus libres poursuivant des buts communs pardes voies démocratiques. » Il n’est pas certain que cela suffise à les rassurer. Ainsi, L’Année 2010de l’action sociale explore l’avenir du métier d’assistante sociale et l’évolution de la fonction dedirection.

Il ne s’agit pas, ici, de rejeter en bloc les évolutions du secteur. Certaines se révèlent nécessaires,voire indispensables, d’autres sont plus contestables, qui pourraient, à l’avenir, brider les capacitésd’imagination et d’innovation d’un secteur qui n’en a jamais manqué. Qui peut contester lebien­fondé d’une reconfiguration des services déconcentrés de l’État, devenus exsangues au fildes années ? En revanche, le recours quasi­systématique à la technique des appels à projetspour autoriser les établissements et services — qui s’accompagne de la disparition des comitésrégionaux de l’organisation sociale et médico­sociale (CROSMS) — pose question. Nombred’organisations représentant les associations voient, dans cette nouvelle procédure de délivrancedes autorisations, une inversion de la logique ascendante qui a fondé l’histoire de l’action sociale.À savoir : traditionnellement, les innovations nées du terrain, localement, venaient nourrir lespolitiques sociales mises en œuvre à l’échelon national. Ce processus pourra­t­il perdurer ? Lesappels à projets ne seront­ils pas de simples appels d’offres déguisés, favorisant systématiquementle moins gourmand sur le plan financier ? Cette procédure ne risque­t­elle pas de stériliserl’imagination du secteur ?

Seul l’avenir pourra apporter une réponse à ces questions. Rendez­vous donc en 2011, pourdresser un premier bilan des évolutions en cours.

Jean­Yves GUÉGUEN

Directeur de La Lettre des managers de l’action sociale

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Table des matières

Avant­propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . III

Liste des auteurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . XI

Chapitre 1 Naissance de la DGCS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

par Fabrice HEYRIÈS

1. Un repositionnement stratégique 3

2. Une direction élargie 3

3. Une direction pilote et partenaire 4

Chapitre 2 Un social de compétition ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

par Dominique BALMARY

1. Respecter l’équilibre entre responsabilité individuelle et responsabilitécollective 13

2. Respecter l’équilibre entre droits individuels et cadres collectifs 14

3. Respecter l’équilibre entre la puissance de l’État et celle du marché 15

Chapitre 3 Quel rôle pour un syndicat employeur ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

par Jean­Luc DURNEZ

1. Les associations du secteur sanitaire, social et médico­social 21La solidarité et le but non lucratif 21Des services et des organisations en évolution 21Un mode de gouvernance spécifique 22

2. Des risques et des opportunités 22D’importantes réformes institutionnelles 22Des enjeux de ressources humaines 23Des financements à assurer 23

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VI

TABLE DES MATIÈRES

3. La création d’un nouveau syndicat employeur : le Syndicat des employeursassociatifs action sociale et santé (Syneas) 24La défense des valeurs de l’économie sociale et solidaire 24La négociation dans le cadre d’un dialogue social constructif 24L’accompagnement des dirigeants des associations adhérentes 25La fonction de lobbyiste 26Une nouvelle dynamique 26

Chapitre 4 Loi HPST : quel impact pour le secteur social et médico­social ? . . . . 29

par Arnaud VINSONNEAU

1. La création des ARS 32Présentation des agences 32Quelques questions posées 34

2. La nouvelle régulation du secteur social et médico­social 36La future planification sociale et médico­sociale 36Les appels à projet 39La contractualisation obligatoire 42Les opérations de regroupement et de coopération 42

Chapitre 5 MP4 : un an déjà . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

par François CHOBEAUX

1. Archéologie 47

2. La naissance 47

3. Un manifeste diffusé en septembre 2008 47

4. Une organisation et un langage commun qui s’inventent pas à pas 49

5. Trois exemples d’actions et de prises de position 52La question des SSIG 52La suppression du défenseur des enfants 52La création d’un séminaire national « Politiques sociales de solidarité dedemain » 53

6. Fin 2009, un projet qui agit. Un pari ? 53

Chapitre 6 Réformes impactant le secteur de la santé, du médico­social et dusocial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55

par Hubert ALLIER

1. De profonds bouleversements sont à l’œuvre 57

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Table des matières

VII

2. Le positionnement de l’Uniopss 58Les associations revendiquent le statut « non­lucratif » 58Les piliers fondateurs de l’associatif 58Le secteur associatif sera­t­il en capacité de changer de « culture » pouradapter « ces pratiques » ? 58

3. Des enjeux de solidarité face aux réformes en cours 59L’impact de l’Europe 59L’architecture institutionnelle de la République 59La régulation du secteur 60

4. La « concourrence » plutôt que la concurrence 61

Chapitre 7 Handicap et pauvreté : l’urgence du revenu d’existence . . . . . . . . . . . 63

par Jean­Marie BARBIER et Patrice TRIPOTEAU

1. Handicap et pauvreté : un traitement social historiquement distinct 65

2. Handicap : la survie en dessous du seuil de pauvreté 66

3. « Ni pauvre, ni soumis » : l’urgence d’un revenu d’existence ! 67

4. Revenu d’existence : mobiliser et convaincre 68

Chapitre 8 Le lancement de l’évaluation externe des ESMS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71

par Didier CHARLANNE

1. La procédure d’habilitation 73La mise en œuvre 74Refus, suspension ou retrait d’habilitation 75Les candidats à l’habilitation 76

2. L’évaluation externe 77Le déroulement 77Les objectifs de l’évaluation externe 77Structuration de la démarche évaluative 78

3. Les étapes de l’évaluation 78

4. Le rapport d’activité renduà l’Anesm par les organismes habilités 79Les attendus de l’Anesm 79

Chapitre 9 L’évolution du métier d’assistant de service social . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81

par Françoise LÉGLISE

1. Le contexte social actuel 83D

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VIII

TABLE DES MATIÈRES

2. L’évolution des pratiques professionnelles 84L’intervention dans l’urgence 84Le travail social instrumentalisé 85L’informatisation à tout prix 86Le secret professionnel sans cesse remis en question 87

3. L’évolution du métier d’assistant de service social 87Les nouvelles formes de management 87Les nouveaux intervenants 88La validation des acquis de l’expérience (VAE) 89

Chapitre 10 L’avancée en âge des personnes handicapées mentales . . . . . . . . . . . . 91

par Thierry NOUVEL

1. Le vieillissement des personnes handicapées mentales : un constatheureux pourtant source d’angoisse 93L’accroissement de l’espérance de vie des personnes handicapées mentales 93Des ruptures successives 94Une santé plus fragile 96

2. Résultats de l’enquête Unapei 9637,8 % des personnes handicapées mentales accueillies et accompagnéespar les associations de l’Unapei ont plus de 45 ans 96Les solutions innovantes des associations affiliées 97

3. Les revendications de l’Unapei 97Garantir la continuité 98L’indispensable collaboration des secteurs sanitaire et médico­social 98

Chapitre 11 Ancasd : promouvoir le travail social généraliste dans lesdépartements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101

par Marc REVAULT

1. La place stratégique de l’Ancasd 103

2. L’avenir du travail social généraliste 104Atelier 1 : garantir l’évaluation des situations sociales individuelles 105Atelier 2 : développer la prévention, entre obligation de moyens et derésultats 105Atelier 3 : identifier des compétences et des métiers 105Atelier 4 : définir l’accompagnement social, individuel et collectif 105Atelier 5 : inscrire le travail social généraliste dans le territoire 106

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Table des matières

IX

3. L’accompagnement social individuel et collectif 106La problématique 106Une modélisation de l’accompagnement social 108

4. La reconnaissance de l’Ancasd 110

Chapitre 12 Tarification des ESMS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113

par Jean­Pierre HARDY

1. Fin de la tarification en fonction « des charges historiques » relevant du« droit créance » 115

2. Où en est la convergence tarifaire ? 117La qualité de la prise en charge est­elle indifférente au nombre d’heuresde prise en charge éducative effective ? 120Les tarifs plafonds 123

3. Où en sont les référentiels nationaux des coûts ? 123

4. La tarification « en fonction des besoins de la personne »... 127

5. ... et dans la limite des ressources financières disponibles 128

6. Pour conclure : nouvelle régulation ou dérégulation ? 130

7. Annexe : réforme de la tarification des SSIAD en 2011 ? 131

Chapitre 13 La fièvre délinquante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 135

par Michel FRANZA

1. La délinquance, en parler toujours, la régler... un jour peut­être 138

2. Le rapport Varinard : une occasion manquée, malgré la volonté deréformer 138

3. Un avant­projet de Code de justice pénale des mineurs, quatre livres sansvigueur 140

4. Sept dispositions qui contreviennent aux principes d’une refondation de lajustice des mineurs 141

Chapitre 14 Quel avenir pour les ESAT ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143

par Gérard ZRIBI

1. Un décalage entre les textes et la réalité 146

2. Trop de textes tuent la norme, trop de textes tuent l’initiative 146

3. Un consensus associatif sur la situation actuelle 146D

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X

TABLE DES MATIÈRES

4. Un environnement administratif mouvant, de nouvelles règles budgétairescritiquables 147Les liens entre le sanitaire et le social 147Le nouvel environnement administratif des ESAT 147

5. Des questions en suspens, des évaluations nécessaires 148Des réponses nécessairement plus variées et flexibles, mais des outilsadministratifs excessivement rigides 148Des processus d’évaluation lisibles par tous et utiles aux usagers 149

6. Éléments bibliographiques 150

Chapitre 15 Situations de handicap : lever les obstacles par les principesd’accessibilité et de conception universelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151

par Jean­Marie BARBIER et Patrice TRIPOTEAU

1. Accessibilité universelle, conception universelle : « l’accès à tout pourtous » 153

2. 2015 : une échéance, un défi sociétal 154

Chapitre 16 La dimension managériale dans la fonction de direction . . . . . . . . . . . 157

par Daniel GUAQUÈRE et François NOBLE

1. Une reconfiguration de la fonction de direction 159Agir dans un nouveau champ de contraintes 159Le management : quelle place dans l’entreprise sociale ? 159Dans le cadre d’une entreprise associative 162

2. Construction de l’argumentaire 163

3. Pour des « bonnes pratiques » managériales 164La gouvernance associative 164Planification du secteur et stratégie associative 165La direction 167Organisation du travail 170Emplois et formation 172Sécurité et gestion des risques 174Animation des équipes et communication 175Évaluation 176Négociation et gestion des conflits 177Innovations 178

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Liste des auteurs

Hubert ALLIER

Directeur général de l’Union nationaleinterfédérale des œuvres et organismes privéssanitaires et sociaux (Uniopss)

Dominique BALMARY

Président de l’Union nationale interfédéraledes œuvres et organismes privés sanitaireset sociaux (Uniopss)

Jean­Marie BARBIER

Président de l’Association des paralysésde France (APF)

Didier CHARLANNE

Directeur de l’Agence nationale del’évaluation sociale et médico­sociale (Anesm)

François CHOBEAUX

Vice­président du Mouvementpour une parole politique des professionnelsdu champ social (MP4)

Jean­Luc DURNEZ

Directeur général du Syndicat des employeursassociatifs action sociale et santé (Syneas)

Michel FRANZA

Directeur général de l’Union nationaledes associations de Sauvegarde de l’enfance,de l’adolescence et des adultes (Unasea)

Daniel GUAQUÈRE

Directeur de l’Association nationaledes cadres du social (Andesi)

Jean­Pierre HARDY

Inspecteur hors classe de l’action sanitaireet sociale, chargé d’enseignement à l’EHESP

Fabrice HEYRIÈS

Directeur général de la Cohésion sociale(DGCS)

Françoise LÉGLISE

Présidente de l’Association nationaledes assistants de service social (Anas)

François NOBLE

Responsable de formation à l’Associationnationale des cadres du social (Andesi)

Thierry NOUVEL

Directeur général de l’Union nationaledes associations de parents, de personneshandicapées mentales et de leurs amis(Unapei)

Marc REVAULT

Président de l’Association nationale des cadresde l’action sociale des départements (Ancasd)

Patrice TRIPOTEAU

Directeur des actions nationales del’Association des paralysés de France (APF)

Arnaud VINSONNEAU

Adjoint au Directeur général de l’Uniopssen charge du développement des relationsinstitutionnel

Gérard ZRIBI

Président de l’Association nationaledes directeurs et cadres des Esat (Andicat)

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Chapitre 1

Naissance de la DGCS

Une grande direction d’administration centrale

dédiée à la cohésion sociale

Fabrice HEYRIÈS

Directeur général de la Cohésion sociale

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2

L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

PLAN DU CHAPITRE

1. Un repositionnement stratégique 3

2. Une direction élargie 3

3. Une direction pilote et partenaire 4

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1 • Naissance de la DGCS

3

L’ANNÉE 2010 marque la naissance dela direction générale de la Cohésionsociale, une direction d’administra­tion centrale entièrement dédiée àla promotion de la cohésion sociale.

Outre l’intervention en faveur des personnesvulnérables, cette nouvelle entité a vocation àimpulser une dynamique de cohésion socialesusceptible de développer un nouveau vivreensemble, plus humaniste et solidaire.

Née de la fusion entre plusieurs direc­tions d’administration centrale et délégationsinterministérielles1 , la direction générale dela Cohésion sociale incarne un nouveau posi­tionnement de l’État dans la conduite despolitiques sociales : un positionnement recen­tré sur la stratégie et sur une fonction de pilotedes politiques de cohésion sociale, pilotagequi doit se mettre en œuvre dans un largeesprit de concertation et de partenariat.

C’est cette ambition nouvelle qu’il convientde présenter.

1. UN REPOSITIONNEMENTSTRATÉGIQUE

La cohésion sociale ne se décrète pas, ellese bâtit au quotidien et en commun. C’est de ceconstat que le projet d’une direction généralede la Cohésion sociale a germé. À l’unanimité,les observateurs s’accordaient à estimer que leconcept d’action sociale, qui avait prouvé sonutilité mais aussi ses limites, ne s’avérait pluspertinent pour structurer l’action publique.

Dans une société de plus en plus frag­mentée, notamment du fait des difficultéséconomiques, il semblait plus que jamaisnécessaire de conforter les mécanismes de soli­

darité institutionnelle tout en développant lesliens sociaux.

L’usage du terme « cohésion sociale »témoigne d’une nouvelle appréhension plusglobale des enjeux, à l’échelle de la sociétédans son ensemble et dans un cadre quidépasse celui des frontières de l’Hexagone.Selon la définition européenne, la cohésionse définit comme « la capacité d’une sociétéà assurer le bien être de tous ses membres,à minimiser les disparités et à éviter la pola­risation. Une société cohésive est une com­munauté solidaire composée d’individus librespoursuivant des buts communs par des voiesdémocratiques ».

Afin de rénover le pilotage des politiquesde solidarité, il s’agit d’ouvrir le prisme àtravers lequel l’État considérait son interven­tion. Sans abandonner l’action en direction despublics les plus fragiles, la direction généralede la Cohésion sociale se positionne donc surle terrain du développement social et de lapromotion de l’égalité entre les citoyens.

Les objectifs de la nouvelle directionreflètent cette ouverture puisqu’elle dévelop­pera des actions dans des domaines tels quela promotion de l’accès aux droits, la par­ticipation des usagers, la prise en comptedes territoires qui concentrent les difficultéssociales — notamment les zones rurales et leszones prioritaires de la politique de la ville —,la promotion du bénévolat et du volontariat,le renforcement des liens entre l’économiqueet le social, etc.

2. UNE DIRECTION ÉLARGIE

Pour donner corps à cette ambition dedévelopper la « cohésion sociale », il fallait

1. DGAS, SDFE, DIF, DIIESES et DIPH.D

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

revoir les modes d’intervention des servicesde l’État. L’organisation de l’administration,centrale en particulier, n’avait pas connu deréforme significative depuis plusieurs décen­nies. Le pilotage des politiques sociales souf­frait de l’éclatement de structures dont lescompétences étaient voisines, voire concur­rentes, et les moyens respectifs très limités.

Par souci de bonne gestion de l’argentpublic mais aussi pour gagner en efficacité eten qualité de service, il convenait de regrouperles services, de leur faire gagner en visibilité,en lisibilité et à vrai dire, en cohérence. C’estainsi que la Révision générale des politiquespubliques (RGPP) impulsée en 2007 par le pré­sident de la République a retenu le principe dela création d’une direction générale de la Cohé­sion sociale regroupant les administrations quiexerçaient dans le champ de politiques d’ac­tion sociale ou médico­sociale : la directiongénérale de l’Action sociale (DGAS), le servicedes Droits des femmes et de l’Égalité (SDFE), ladélégation interministérielle à la Famille (DIF),la délégation interministérielle à l’Innovation,à l’Expérimentation sociale et à l’Économiesociale (DIIESES) ainsi que les services de l’an­cien délégué interministériel aux Personneshandicapées (DIPH).

Pour mener à bien cette réforme, des mis­sions d’appui (de l’IGAS1 et de la DGME2)et un groupe de « grands témoins3 » sontvenus appuyer un travail participatif impulséet déployé au sein de la direction générale del’Action sociale et des services et délégations

parties au projet, en début d’année 2009. Cetravail a abouti à une nouvelle organisationportée par un nouvel organigramme (cf. enca­dré).

3. UNE DIRECTION PILOTEET PARTENAIRE

La création la DGCS incarne un nouveaupositionnement de l’État dans la conduite despolitiques sociales. Si l’État reste le princi­pal pilote des politiques, leur mise en œuvreest désormais quotidiennement partagée avecles collectivités locales et de très nombreuxacteurs associatifs.

La décentralisation des politiques d’actionsociale oblige à rénover les méthodes et lesoutils des partenariats et à structurer le cadredes relations avec les acteurs territoriaux. LaDGCS a donc souhaité se doter d’un outil derelation cohérente avec les collectivités localeset les grandes associations.

De même, la réponse aux besoins sociauxne peut plus s’envisager sans une mobilisa­tion plus coordonnée de l’action des différentsministères. Nombreux sont en effet les dépar­tements ministériels qui conduisent des poli­tiques poursuivant un objectif de cohésionsociale, ou influant sur elle. Il convient d’orga­niser la généralisation des méthodes, outils etpratiques susceptibles de contribuer à la cohé­sion sociale, dans une acception large et doncinterministérielle.

1. Inspection générale des Affaires sociales.2. Direction générale de la Modernisation de l’État.3. Composé de personnalités qualifiées : Marie­Sophie Desaulle, directrice de l’ARH de Poitou­Charentes,ancienne présidente de l’Association des paralysés de France ; Bertrand Fragonard, président de chambre à laCour des Comptes, ancien délégué interministériel au RMI, ancien directeur de la CNAF ; Élisabeth Maurel, cher­cheuse en sciences sociale, UMR­CNRS/IEP Grenoble ; Étienne Petitmengin, DGA des services du conseil généraldu Territoire de Belfort, chargé de la solidarité ; Jean­Michel Rapinat, chef du Pôle société, politiques sociales etfamiliales, insertion et cohésion sociale, logement, habitat, urbanisme et politique de la ville à l’Assemblée desdépartements de France (ADF) ; Bernard Seillier, sénateur honoraire, président du CNLE ; Michel Thierry, IGAS,ancien DGAS.

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1 • Naissance de la DGCS

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La nouvelle direction permettra de combi­ner les points forts de chacune des structuresassociées : capacités de pilotage d’une grandedirection d’administration centrale telle quela DGAS et mode de fonctionnement intermi­nistériel, souple et réactif qui caractérise lesdélégations interministérielles et le SDFE.

Les attributions qu’exerçaient précédem­ment ces délégations se déploieront désormaisdans un cadre plus adapté et cohérent maissans perdre de leur visibilité. Au contraire, lesfonctions interministérielles1 sont désormaisdirectement portées par le directeur généralde la Cohésion sociale. Une fonction de délé­gué interministériel aux Droits des femmes età l’Égalité est d’ailleurs créée pour permettreà cette politique publique de gagner en trans­versalité notamment.

La feuille de route de la DGCS est bienremplie. Elle sera prochainement synthétiséeau sein d’un plan stratégique 2010­2012 large­ment diffusé.

Le travail qui attend les trois cents agentsde la direction générale de la Cohésion socialeest d’ampleur mais la volonté de contribuerà l’évolution positive des droits sociaux estmanifeste.

À cette fin, la nouvelle direction s’impli­quera dans les mois à venir dans la réalisationde diagnostics sur lesquels bâtir des réponsesadaptées ; des sujets lourds et sensibles, telsque le besoin d’autonomie des personnesâgées dépendantes ou l’adoption constituerontainsi en 2010 autant de défis que d’oppor­tunités pour cette nouvelle direction, sespartenaires et la société dans son ensemble.

+

La nouvelle organisation de la direction générale de la Cohésion sociale

La direction générale de la Cohésion sociale (DGCS) comprend trois services : un service despolitiques sociales et médico­sociales ; un service des droits des femmes et de l’égalité entre lesfemmes et les hommes et un service des politiques d’appui.

Le service des politiques sociales et médico­sociales

Il a pour mission d’élaborer et d’assurer le suivi d’une stratégie de mise en œuvre articulée despolitiques de solidarité à destination des personnes en situation de précarité, de l’enfance, de lafamille, des personnes handicapées et des personnes âgées et dépendantes.

Il est organisé en trois sous­directions qui auront à développer les points de convergences dansles politiques publiques de leur compétence :

• une sous­direction gérant les dispositifs spécifiques pour les plus défavorisés dans uneperspective plus forte d’inclusion sociale (retour à l’emploi, logement, etc.) et d’accès àla citoyenneté. Elle œuvre également à développer dans le champ de l’inclusion sociale lepartenariat avec les acteurs de l’économie sociale et solidaire. Elle porte la responsabilité deminima sociaux (notamment le RSA et l’AAH) et gère les dispositifs de la veille sociale et del’hébergement au terme de la refondation menée par Jean­Louis Borloo et Benoist Apparu ;

• une sous­direction dédiée aux problématiques de la famille, de l’enfance et de lajeunesse pour tenir compte des nouvelles attentes des familles (garde d’enfants, autonomie

1. Le DGCS exercera également les fonctions de délégué interministériel aux Droits des femmes et à l’Égalitéentre les femmes et les hommes, délégué interministériel à la Famille et délégué interministériel à l’Innovation, àl’Expérimentation sociale et à l’Économie sociale.

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des jeunes, solidarité intergénérationnelle, adoption, etc.) et pour conforter la politique de luttecontre la maltraitance ; elle soutient évidemment le directeur dans ses fonctions de déléguéinterministériel à la famille ;

• une sous­direction de l’autonomie qui rassemble, au sein d’une même structure, lespolitiques en direction des personnes âgées et des personnes handicapées, dans uneapproche de convergence entre ces politiques du fait de la progression de la dépendance augrand âge et du vieillissement des personnes handicapées. Parmi ses nombreuses missions,cette structure soutiendra le fonctionnement du comité interministériel au handicap.

Le service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes

Il est chargé d’initier, promouvoir, et mettre en œuvre les politiques relatives aux droits desfemmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes. Il pilote et anime l’action interministérielleen faveur des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes.

La direction générale de la Cohésion sociale s’appuiera sur le réseau constitué de déléguésrégionaux et de chargés de mission départementaux aux droits des femmes et à l’égalité implantésur tout le territoire pour conduire cette politique.

Le service des politiques d’appui

Il mène les actions transversales utiles à l’ensemble des compétences de la direction ; il viseen cela à faire progresser le lien, la complémentarité, et le niveau de performance existantdans cet ensemble. Il contribue ainsi à l’organisation et à la modernisation du secteur social etmédico­social, ainsi qu’à la formation et à l’emploi des professionnels de ces secteurs.

Son objectif sera d’offrir aux pôles chargés des politiques publiques des capacités renforcéesd’expertise financière, juridique et de pilotage transversal du secteur social et médico­social et debâtir un cadre dynamique d’animation de services et réseaux déconcentrés plus nombreux, dontil convient de tirer force, ainsi que de favoriser les conditions du développement de l’ingénierieet de l’expérimentation sociales.

Le service des politiques d’appui comprend deux sous­directions :

• la sous­direction des professions sociales, de l’emploi et des territoires ;

• la sous­direction des affaires financières et de la modernisation.

Deux nouvelles missions

La Mission analyse stratégique, synthèses et prospective

La direction générale de la Cohésion sociale affiche son ambition de structurer l’observationsociale et de développer la connaissance et l’analyse prospective, avec la création de la missionanalyse stratégique, synthèses et prospective.

Directement rattachée au directeur général, cette mission sera chargée de développer laconnaissance, l’observation et l’analyse sur le champ de la cohésion sociale et des politiquesqui y concourent. En lien avec les autres départements ministériels concernés et l’ensemble desparties prenantes du secteur, elle assurera une veille générale et interministérielle sur l’inscriptionet la prise en compte des problématiques de cohésion sociale dans les politiques publiques.

Elle appuiera la création et le développement de partenariats avec les collectivités territoriales.Elle sera associée aux réflexions et travaux menés dans le champ de l’observation sociale et

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1 • Naissance de la DGCS

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des systèmes d’information. La création de cette mission repose sur la conviction que l’efficacitéd’une politique publique doit être fondée sur une analyse plus étayée des problématiquessociales et qu’elle est désormais aussi largement conditionnée par un dialogue permanent avec lescollectivités territoriales, de la phase de conception en amont jusqu’à l’évaluation de ses résultats.

La Mission innovation, expérimentation sociale et économie sociale

Elle sera par ailleurs chargée de soutenir et de promouvoir le développement de l’économiesociale ainsi que les innovations en vue de renforcer les politiques publiques en faveur de lacohésion sociale, en coordonnant l’action de la direction sur ces sujets.

Cette mission veillera tout particulièrement à la prise en compte de ces thématiques dans ledéploiement de l’ensemble des politiques initiées par la nouvelle direction.

Son action, combinée aux nouvelles compétences confiées aux sous­directions de politiquespubliques, permettra de garantir que les engagements portés par les pouvoirs publics à destinationdes acteurs de l’économie sociale et de l’économie solidaire seront pleinement respectés. C’estdans cet esprit, par exemple, que la future DGCS animera les travaux du Conseil supérieur del’économie sociale et du Conseil supérieur de la coopération.

Le Bureau des affaires européennes et internationales

Dans cette nouvelle configuration, le Bureau des affaires européennes et internationales, ens’appuyant sur les bonnes pratiques des entités constitutives de la DGCS, contribuera égalementà la diffusion d’une véritable culture européenne et internationale au sein de la direction. Cettesensibilisation est essentielle : en effet, l’élaboration, le suivi et l’élaboration des politiques decohésion sociale ne se limitent pas au seul cadre national. Par ailleurs, les réformes s’appuient,de plus en plus, sur la comparaison avec d’autres pays et des études menées par des partenairesinternationaux. Il faut à la fois compter et peser sur la dimension extérieure des sujets portés,en particulier au niveau communautaire, afin de garantir la cohérence et la valorisation de nosactions.

La direction générale de la Cohésion sociale comportera également un cabinet étoffé, en chargenotamment de l’assistance au pilotage stratégique et de la communication.

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Chapitre 2

Un socialde compétition ?

Dominique BALMARY

Président de l’Uniopss

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

PLAN DU CHAPITRE

1. Respecter l’équilibre entre responsabilité individuelle et responsabilitécollective 13

2. Respecter l’équilibre entre droits individuels et cadres collectifs 14

3. Respecter l’équilibre entre la puissance de l’État et celle du marché 15

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2 • Un social de compétition ?

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LA QUESTION a été récemment poséedans la revue Esprit 1 par le socio­logue Jacques Donzelot dans cestermes :

« Il s’agit de voir comment on passe d’un socialde compensation, conçu dans la perspectived’une pacification de la société, d’une réduc­tion de ses conflits internes, à un social decompétition destiné à permettre la mobilisa­tion de la société par rapport à des enjeuxéconomiques définis au plan externe. »

La question peut surprendre au premierabord, car la compétition, par ce qu’ellecontient de désir de vaincre et de s’élever au­dessus de l’autre, paraît bien loin des valeursde solidarité, de justice et de construction dela paix que renferme, en principe au moins,le social. Mais, si on la rapporte, comme lefait Jacques Donzelot, à la compétition écono­mique, l’interrogation se déplace et manifestel’inquiétude de voir le « social » devenir un desleviers de « l’économique », d’être désormaisinstrumentalisé au profit de fins qui ne sontplus celles du développement de l’homme,pris individuellement et collectivement, maisseulement de sa puissance et de sa richesse.

Après tout, l’Europe se construit à partirde l’échange économique et d’un droit de laconcurrence qui semble surplomber tous lesautres droits, y compris le droit social. Aprèstout, la crise des subprimes n’a­t­elle pas eupour origine aux États­Unis une défaillance dela politique sociale, non seulement en matièred’accès au logement, mais aussi en matièresalariale, conduisant à un endettement desménages que l’appétit du système bancairen’a fait que creuser ? Après tout, la mondia­lisation des échanges, la financiarisation desactivités, l’exacerbation de la concurrence neconduisent­elles pas à de graves excès dans

l’organisation du travail, solitude et rythme dutravail, et à la mise en cause de la santé, voirede la vie, des salariés ?

Et, si ce diagnostic se vérifie, quedeviennent le système de protection sociale etles moyens de l’action sociale ? Faut­il qu’ilss’adaptent à cette évolution pour tenter d’encompenser les méfaits ? Et le peuvent­ils ?Doivent­ils, tout en assurant du mieux qu’ilspeuvent les sécurités qu’on attend d’eux, s’or­ganiser pour mieux signaler les virus qui sontà l’œuvre, voire les dénoncer de façon plussonore ? Comment peuvent­ils préserver leurcontribution à la cohésion sociale ?

Y a­t­il donc une incompatibilité de natureentre le social et la compétition, le socialest­il en passe de devenir le supplétif de lacompétition ? Sinon, y a­t­il place, dans lesocial, pour une compétition raisonnable etpositive et à quoi convient­il d’être attentifpour qu’il n’en soit pas autrement ?

On ne voit pas pourquoi un instinct aussinaturel chez les hommes que celui de se« mesurer » à d’autres, que l’on retrouve danstoutes les activités humaines, et pas seulementéconomiques, politiques ou sportives, seraitabsent du domaine social qui règle une par­tie importante de leur existence individuelleet communautaire. Il n’y a pas, à premièrevue, d’exception à ce principe. Dès lors, le« social » n’exclut pas la compétition en ce sensqu’il est un des ingrédients inévitables d’autresdomaines où elle règne et avec lesquels il secroise, naturellement le domaine économique ;il la retrouve, aussi, dans la mesure où il peutêtre le champ naturel de cette compétition.

On sait bien, depuis l’ouverture des fron­tières et la théorie des avantages compara­tifs, que la qualité d’une main­d’œuvre (quidépend des politiques d’éducation, de forma­tion et aussi des politiques familiales), comme

1. Esprit (novembre 2008).D

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

aussi le coût de cette main­d’œuvre (quidépend non seulement de la politique sala­riale, mais aussi de l’intensité de la politiquede protection sociale) comptent pour beau­coup dans la compétitivité d’une économieplacée dans un monde désormais ouvert. C’estpourquoi, la plupart des pays européens ontmis en place des mesures permanentes d’allé­gement des charges sociales qui pèsent sur lesentreprises (en France depuis 1993), sans queces allégements réduisent les droits sociauxdes individus. Autrement dit, le « social » estcapable de servir les intérêts de la compétitionéconomique sans s’en trouver amputé pourautant.

Autre exemple, l’anticipation des évolu­tions quantitatives et qualitatives de l’emploiet des métiers (la GPEC), la recherche par lanégociation collective d’une « sécurisation desparcours professionnels », le développementde politiques de formation préparant au chan­gement, ont un double effet combiné : celuid’une meilleure garantie pour les individusface aux accidents de l’emploi (parfois mêmecelui d’une promotion sociale et profession­nelle) et aussi celui d’une adaptation continuede l’appareil économique aux exigences dela compétition internationale. Ici, « social » etcompétition marchent la main dans la main.

Enfin, le « social », et sa qualité, dans uneentreprise et dans un secteur d’activité peuventêtre, et sont de plus en plus, des élémentsqui comptent dans les choix professionnelsdes jeunes, alors que notre population activevieillit et est en passe de se réduire. Lesentreprises doivent devenir elles­mêmes plusattractives sur le plan social, et le marché dutravail, même en situation dégradée, peut êtrele lieu d’une « compétition », non seulemententre les demandeurs d’emploi, mais aussientre les entreprises elles­mêmes. D’autant que

le public et les consommateurs commencentà se montrer plus sensibles aux comporte­ments écologiques et sociaux de celles­ci. C’estainsi qu’on voit se développer des fondationsd’entreprises qui prennent en charge des pro­blèmes sociaux ou sociétaux qui leur sont« extérieurs » et les politiques dites de « RSE1 ».

Ceci dit, la compétition reste porteuse devirus et leur contamination possible dans lesocial, en particulier les excès, physiques, psy­chologiques et aussi éthiques qu’elle peutengendrer, mérite que l’on garde les yeuxouverts. « It’s a crime not to excel », commele proclament certaines entreprises d’outre­Atlantique. Un crime pas moins, voilà uneextension imprévue, mais significative, dudroit pénal ! Comme le disent très bien JacquesDelors et Michel Dollé :

« La compétition est normale et souhaitableentre les nations et les entreprises. Elle existeentre les individus pour se promouvoir. Maisde là à entrer dans un social de compétition telque l’analyse si bien Jacques Donzelot, nousmarquons une attitude de méfiance, craignantque des excès dans ce domaine nuisent à l’es­prit de solidarité qui doit baigner une sociétéet qui est, en quelque sorte, le fondement qua­litatif de la cohésion sociale2 . »

Dans ces conditions, de quoi peut être faitecette « attitude de méfiance », de quoi convient­il de se « méfier », quel doit être l’objet de notrevigilance ? Il me semble que cette dernière doitconduire à surveiller, plus particulièrement, lapréservation et l’amélioration de trois équi­libres majeurs pour le social : l’équilibre entreresponsabilité individuelle et responsabilitécollective, l’équilibre entre droits individuelset cadres collectifs, l’équilibre entre la puis­sance de l’État et celle du marché.

1. Responsabilité sociale de l’entreprise.2. J. Delors et M. Dollé, Investir dans le social, Paris, Odile Jacob, 2009, p. 253.

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2 • Un social de compétition ?

13

1. RESPECTER L’ÉQUILIBRE ENTRERESPONSABILITÉ INDIVIDUELLEET RESPONSABILITÉ COLLECTIVE

Le « social de compétition » peut, en effet,sous couleur de restituer aux individus leurdignité et leur pleine autonomie de citoyens,déplacer les curseurs traditionnels qui règlentl’équilibre difficile entre responsabilité indivi­duelle et responsabilité collective ; il s’agiraparfois de demander aux salariés de prendreune part plus intense aux efforts de producti­vité de l’entreprise ; il s’agira encore d’inciterles assurés sociaux à des comportements pluséconomes en matière de protection sociale.

L’organisation du travail dans certainesentreprises, sous couvert d’autonomie et deresponsabilité, de réduction des contraintesliées au travail prescrit traditionnel, peutconduire à imposer aux salariés des objectifsde production exigeants en termes de volumes,de qualité, de délais. Mais, en sus de ces exi­gences, la principale difficulté vient de ceque l’entreprise peut leur laisser une exces­sive latitude dans le choix des moyens et desprocessus, y compris de dépannage, d’approvi­sionnement, de communication avec les unitésde l’entreprise qui sont à leur aval et à leuramont. L’insuffisance parfois de préparationdes intéressés à la maîtrise de cette complexité,le défaut d’appui collectif, le déplacement dela charge d’organisation vers l’individu sont,on le sait, générateurs de problèmes de santéau travail et, notamment, se trouvent à l’originedu fameux stress. Le phénomène est connu.

Ce changement d’équilibre, on a pu l’ob­server, d’une autre manière, à l’occasion dudébat sur le comportement exigé de la partdes demandeurs d’emploi. On se le rappelle,les décisions prises se sont traduites par undurcissement de la définition de « l’offre raison­nable d’emploi », laquelle ne peut désormaisêtre refusée plus de deux fois sans que le

demandeur s’expose à des sanctions de la partdu service public de l’emploi, allant jusqu’àla suppression de ses indemnités de chômage.Certes, depuis la « crise » et la nouvelle dégra­dation du marché de l’emploi, le sujet n’estplus guère à l’ordre du jour, mais on peutgager qu’il refleurira aux premiers signes dereprise.

On peut remarquer une tendance de mêmedirection, dans le domaine de la santé cettefois, avec l’institution du forfait hospitalieret, surtout, de la « franchise médicale », quiconsiste, en contradiction avec les principesqui gouvernent les régimes d’assurance soli­daires, à faire acquitter par le malade lui­mêmeune partie croissante du prix de sa mala­die. L’assuré ne choisit pas sa maladie, biensûr. Mais il est clair et non contesté que soncomportement peut être pathogène ou anor­malement consommateur ; c’est pourquoi demultiples moyens sont mis en œuvre pourrestreindre sa consommation médicale et leresponsabiliser financièrement. Mais on saitbien aussi que cette responsabilisation indivi­duelle et purement financière reste insuffisantedu point de vue de l’efficacité, sans parlermême de son aspect culpabilisant et, parfois,de son iniquité. La loi invite alors l’assuréà des choix plus positifs : désignation d’unmédecin traitant comme point d’entrée quasiobligé du parcours de soins, définition de pro­tocoles de soins entre le patient, le médecin etla Caisse d’assurance­maladie en cas d’affec­tion de longue durée... Mais, dans un régimeen principe gouverné par le principe de soli­darité, peut­on dire que l’équilibre entre laresponsabilité individuelle et la prise en chargecollective est encore assuré de manière satis­faisante ?

Certes, il est naturel et souhaitable quele chômeur, le malade, l’exclu, ne soientpas regardés uniquement comme des sujetsde droits, comme des citoyens passifs. Leurdemander d’exercer leurs droits de manière

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responsable et consciente, autant que fairese peut, des équilibres collectifs, est chosenécessaire. La difficulté est que le débat surl’articulation des responsabilités personnelleset collectives dans l’ensemble du champ socialn’est, pour le moment, ni clairement posé nimême explicite. Ce silence, qui masque pro­bablement une absence cruelle de consensussur ce sujet majeur, est gros d’un risque d’unedérive, qui nous conduirait à majorer aveu­glément les impératifs de la compétition audétriment de ceux de la cohésion sociale. L’in­dividu, en principe sujet du social, peut alorsdevenir un des leviers de la compétition et setrouver placé dans une position inverse de ce àquoi tend précisément le social, ou, en forçantun peu le trait, se trouver négligé par la protec­tion sociale parce que, chômeur ou malade, ilne se montre pas suffisamment « compétitif » !

2. RESPECTER L’ÉQUILIBRE ENTREDROITS INDIVIDUELS ET CADRESCOLLECTIFS

En contrepoint de ce qui précède, onvoit, depuis plusieurs années maintenant, sedévelopper une législation sociale qui metdavantage l’accent sur les droits et devoirsindividuels que sur l’organisation de règlescollectives. Comme si nous avions du mal,désormais, à concevoir des régulations collec­tives, des lois communes permettant de « fairesociété ». Rober Castel nous le confirme :

« L’avènement du capitalisme postindustriel estmarqué par une décollectivisation des protec­tions [...] Nous vivons dans une société deplus en plus mobile où les gens se trouventde moins en moins encastrés dans des collec­tifs protecteurs. »

Ce n’est pas dire que le législateur ait aban­donné la création de règles d’encadrement dela vie sociale. Et on en a observé bien des

exemples dans la période récente : réformede la négociation collective et de la repré­sentativité syndicale, protection de l’enfance,droit des personnes handicapées, restructura­tion du système de santé... Mais, on sent bien,avec la montée de la complexité telle quela développe la compétition mondiale, l’in­terpénétration croissante des problématiques(chômage et protection sociale, par exemple),la diffusion des responsabilités à de mul­tiples acteurs dans un même domaine (santé,formation professionnelle, par exemple), lamondialisation ou l’européanisation de la règlepas toujours en harmonie avec la traditionnationale (droit de la concurrence versus ser­vices publics ou services d’intérêt général, parexemple), que toutes ces évolutions subiesrendent plus difficiles à concevoir des cadresjuridiques communs à des domaines et à desacteurs qui se croisent nouvellement. La clartéde ces cadres juridiques et celle des systèmesde gouvernance en souffrent inévitablement.

Ajoutons à cela que le désir légitime d’auto­nomie que manifestent les acteurs, les groupes,les individus, qui forment le tissu économiqueet social, contribue à un dépérissement dela crédibilité de la loi au profit d’un retouren force de la religion du contrat. Peut­êtreparce que chacun respire tous les jours davan­tage l’air de la culture anglo­saxonne quinous environne. Supposé permettre l’édictionde règles qui refléteront au mieux la réalitéparce qu’émises par les intéressés eux­mêmes,supposé être mieux respecté parce qu’assortid’un consentement plus personnel, supposés’adapter plus souplement aux évolutions, lecontrat est paré de mérites nombreux, enparticulier au regard des exigences de lacompétition. La règle de droit a, par consé­quent, tendance à se fragmenter et, si elleest supposée plus efficace, elle n’en devientpas plus lisible pour autant, au contraire.Il n’est que d’observer la multiplication desconventions collectives nationales, l’efflores­cence du droit du contrat de travail en de

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2 • Un social de compétition ?

15

multiples avatars, ou le développement par lapuissance publique de sous­traitances contrac­tuelles dans des domaines qui étaient naguèrede son ressort (emploi, formation, santé...).

Même si, bien entendu, la compétitionn’est pas seule en cause dans cet émiette­ment du droit, avec cette diversification desstatuts sociaux, avec ce « ciblage » de plus enplus fin de la protection, le risque ne peutplus être négligé de glisser vers ce qu’AlainSupiot appelle « la voie du chacun sa loi1 ». Lareconstruction de cadres collectifs adaptés aunouveau paysage économique et social, quitente de se dessiner dans l’entreprise commedans la société, devient une priorité.

3. RESPECTER L’ÉQUILIBRE ENTRELA PUISSANCE DE L’ÉTATET CELLE DU MARCHÉ

Le troisième équilibre à surveiller pour queles excès de la compétition inévitable, et mêmenécessaire, ne l’emportent pas sur les intérêtsde la cohésion sociale et de la protection desindividus est celui des puissances respectivesde l’État et du marché. Ici, le monde associatifa un rôle éminent à remplir, on peut mêmedire une mission.

L’impératif de la compétition donne, trèsnaturellement, au marché une place privilé­giée, puisque c’est son terrain « naturel » enquelque sorte, où peuvent s’exprimer libre­ment les responsabilités, les innovations, lesconsensus. Le marché est aussi le lieu ducontrat dont on a évoqué plus haut la capa­cité d’attraction. Mais, dans un pays commele nôtre, coutumier de la régulation étatiqueet qui est viscéralement attaché au principed’égalité, l’État demeure, malgré un certain

« dépérissement », un point de passage fré­quemment obligé. L’originalité de la situationactuelle tient à ce que nous voyons monter,dans des activités publiques ou d’intérêt géné­ral, à la fois le recours au marché, y comprispar la puissance publique elle­même, et unefloraison des normes. Compétition et étatisa­tion semblent former un couple nouveau, aveclequel les corps intermédiaires, les partenaireshabituels de l’État vont devoir composer.

Le recours au marché pour le développe­ment de politiques publiques, on le trouve, parexemple, dans le domaine de l’emploi, avecla loi de 2005 sur les services aux personnesvenue installer, pour des motifs d’appui à lacréation d’emplois, des règles souples favori­sant la création de ces services. Mais, ce textede 2005 a, dans le même temps, laissé subsis­ter les règles de la loi de 2002, nettement plusexigeantes en matière de qualité des serviceset des emplois et beaucoup plus contrôléespar l’État. On a, ainsi, dans ce même domaine,deux ordres de législations, d’inspiration etde mécanismes fort différents, cette dualitémarquant de manière étonnante le double tro­pisme qui anime aujourd’hui l’État, celui dumarché, celui de la régulation publique.

L’inspiration du marché, on la retrouveaussi dans la disparition, avec la récente loi« Hôpital, patients, santé, territoires » (HPST),du statut des établissements de soins nonlucratifs, le statut dit « PSPH2 », qui organisait,entre l’hôpital public et les cliniques privées,un troisième secteur constitué par des orga­nismes sans but lucratif, lesquels, en échangede quelques facilités de gestion, remplissaientdes missions de service public sur le modèlede l’hôpital public. Cette disparition laisse,désormais, place à un régime où les agencesrégionales de santé (ARS) auront la possibilitéde s’adresser, indifféremment, à des structures

1. A. Supiot, « L’inscription territoriale des lois », Esprit, novembre 2008, p. 169.2. Participant au service public hospitalier.

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à but lucratif ou à des organismes sans butlucratif pour leur confier, par contrat, telle outelle mission de service public. Faut­il voir, ici,une dilution de la notion de mission de ser­vice public ou faut­il y voir une répartition plusdémocratique des responsabilités en matièrede santé ? Seul l’avenir le dira, mais on peutnéanmoins, à ce stade, affirmer, sans trop derisques, que le nouveau système, sans exclured’autres motifs, est certainement inspiré parl’esprit de compétition.

La loi HPST prévoit aussi que, tant dansle domaine hospitalier que dans le domainemédico­social, les relations avec les pouvoirspublics, nationaux et locaux, seront « obliga­toirement » contractuelles, avec application duCode des marchés publics. Il ne s’agit pas,naturellement, de récuser les règles du marché,ni le marché lui­même. C’est le milieu natureldes démocraties et il serait même périlleux devouloir s’en affranchir. Mais les associationsqui œuvrent dans le domaine de la solidaritéconsidèrent que, par leur participation à l’in­térêt général, leur absence de soumission auxintérêts d’actionnaires, par leur histoire plusque centenaire au contact des plus défavorisés,elles témoignent d’un autre fonctionnementpossible du marché, non pas contradictoire,mais complémentaire du premier, car davan­tage porteur de sens et de lien social.

L’application systématique du Code desmarchés publics, inspiré par la réglementa­tion européenne sur les services, inverse lesens traditionnel de l’action sociale. C’est, laplupart du temps, à partir de l’initiative pri­vée que sont nés les établissements et servicessociaux qui couvrent notre territoire. C’est decette manière que sont apparues bien des inno­vations répondant à des besoins nouveauxrepérés sur le terrain par des acteurs de terrain,qui y ont apporté des solutions adaptées auterrain : CHRS, entreprises d’insertion, ESAT,

SSIAD... La liste est longue. Elle montre quela solidarité commence au voisinage et s’ap­puie sur la citoyenneté ; la compétition, à cetendroit, n’a pas sa place.

Bien sûr, la commande publique est indis­pensable pour organiser la planification com­mune, pour suppléer à la carence éventuellede l’initiative privée, lorsque des coordinationssont nécessaires. Mais il faut prendre garde àce que l’intervention de la puissance publiquen’en vienne, par son excès de présence, à stéri­liser l’innovation et à normaliser les réponses.

Allons un peu plus loin. Une référencetrop univoque au marché, avec une puissancepublique fixant autoritairement ses règles,risque de conduire à regarder le service de soli­darité comme un produit marchand, commeun objet économique obéissant d’abord à unimpératif de rentabilité, et non plus commedevant être guidé d’abord par les besoins dela personne. Il s’ensuivrait que la position desopérateurs deviendrait celle de producteur, desimple sous­traitant, et non plus de partenaireadulte de la puissance publique. Nous serionsalors bien dans le « social de compétition ».

Alain Supiot, sur ce sujet, ne mâche pas sesmots :

« Faire de la compétition le seul principe uni­versel d’organisation du monde conduit auxmêmes impasses que les totalitarismes duXXe siècle [...] Ériger cette lutte en principefondateur de l’ordre juridique, c’est nier lapossibilité même de cet ordre et programmerla casse humaine1 . »

Une telle évolution vers l’extension de laplace du marché assortie d’une étatisation plusforte de la règle, peut entraîner, non seulementune banalisation de l’action sociale par l’indus­trialisation à laquelle elle invite, mais pose endéfinitive une question d’équilibre démocra­tique. Le monde associatif, et notamment lemonde associatif de la solidarité, qui assure le

1. Article cité.

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2 • Un social de compétition ?

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plus gros de l’action sociale et qui est au frontde la lutte contre la pauvreté et la précaritésous toutes leurs formes, constituent l’un desintermédiaires indispensables au fonctionne­ment harmonieux de la démocratie. Ils existent,même si leur mission ne s’arrête pas là, pourservir de garde­fou entre les deux grandesforces des sociétés modernes que sont l’État,d’un côté, et le marché, de l’autre. Commetoute puissance, la tendance naturelle de cesentités est d’abuser de leur puissance. Il faut,

par conséquent, maintenir en état des forcesde « rappel », pour « rappeler », justement, qu’ily a, dans le concert social et dans les poli­tiques sociales, d’autres objectifs légitimes enjeu, un intérêt général à servir, des droits indi­viduels qui ne peuvent être « marchandisés »,d’autres manières de produire de la cohésionsociale, qui méritent d’être, non seulement res­pectés, mais encore développés. C’est la tâchedes corps intermédiaires dans une démocratie.

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Chapitre 3

Quel rôle pour un syndicatemployeur ?

Secteur sanitaire, social et médico­social

Jean­Luc DURNEZ

Directeur général du Syneas

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

PLAN DU CHAPITRE

1. Les associations du secteur sanitaire, social et médico­social 21La solidarité et le but non lucratif 21Des services et des organisations en évolution 21Un mode de gouvernance spécifique 22

2. Des risques et des opportunités 22D’importantes réformes institutionnelles 22Des enjeux de ressources humaines 23Des financements à assurer 23

3. La création d’un nouveau syndicat employeur : le Syndicat des employeursassociatifs action sociale et santé (Syneas) 24

La défense des valeurs de l’économie sociale et solidaire 24La négociation dans le cadre d’un dialogue social constructif 24L’accompagnement des dirigeants des associations adhérentes 25La fonction de lobbyiste 26Une nouvelle dynamique 26

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3 • Quel rôle pour un syndicat employeur ?

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LES SYNDICATS sont des acteurs essen­tiels de la vie sociale, tout particu­lièrement dans le monde du travail.Bien souvent, le grand public n’enperçoit que le volet salarié et ne

connaît que les organisations syndicales quidéfendent les salariés. Ce syndicalisme quidéfend les intérêts des salariés, parce qu’il estprésent sur la scène politique et sociale, estun partenaire incontournable et reconnu despouvoirs publics. À l’inverse, l’existence d’unsyndicalisme patronal est souvent méconnueet se limite, en général, au MEDEF. Cepen­dant, d’autres structures gravitent dans lasphère du syndicalisme patronal et les syn­dicats employeurs de l’économie sociale etsolidaire ne sont pas des moindres, parmi les­quels sont les syndicats employeurs de l’actionsanitaire, sociale et médico­sociale.

1. LES ASSOCIATIONS DU SECTEURSANITAIRE, SOCIALET MÉDICO­SOCIAL

Avec environ autant d’associations dansce secteur que de communes en France,soit quelque trente­cinq mille structures, lepaysage de l’action sanitaire, sociale et médico­sociale est certes riche et diversifié, maiségalement fragile, du fait même de cettemultiplicité des acteurs. Cette fragilité tientd’ailleurs, avant tout, à la difficulté de pré­senter un front uni, capable de négocierpour l’ensemble du secteur, face aux pouvoirspublics en particulier. Il est donc important,pour ces organismes, de savoir qui ils sont,quelles sont les valeurs communes autour des­quelles ils se fédèrent, leurs objectifs, et de lesfaire connaître et reconnaître pour assurer leurpérennité.

La solidaritéet le but non lucratif

Le caractère associatif à but non lucratifdes structures intervenant dans le champ sani­taire, social et médico­social les distingue desétablissements et services du secteur publicet, plus encore, des entreprises du secteurmarchand. Il s’agit bien, pour les associa­tions et fondations, d’offrir un service auxusagers dans une logique de prise en chargeglobale et d’accompagnement des personnes,dans une démarche de solidarité et de res­pect. Pour le secteur associatif, s’il est possiblede dégager des « excédents financiers » sur cesactivités, ils ne peuvent en aucun cas être redis­tribués aux dirigeants ou à des actionnaires.A contrario du secteur privé lucratif, qui apour but de procurer des dividendes à sesactionnaires. Or ce dernier occupe une placede plus en plus significative dans la protec­tion et l’insertion des personnes vulnérableset fragilisées socialement. Cette situation est laconséquence de la conjugaison de plusieursfacteurs concomitants : la disparition d’acteurshistoriques du secteur (diminution des congré­gations religieuses, par exemple), l’attrait pourdes usagers solvables (particulièrement les per­sonnes âgées), mais également, parfois, uncertain manque de capacité de financementd’associations concurrencées, également, surdes critères de gestion. Cette arrivée du sec­teur privé dans le domaine de la solidaritén’est pas sans interroger les associations dusecteur, ainsi que les fédérations et syndicatsles regroupant, la réflexion en termes de renta­bilité prenant le pas sur celle liée à la solidarité.

Des services et desorganisations en évolution

Par ailleurs, les associations, avec leurscaractéristiques structurelles, sont confrontées

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à d’importantes évolutions et modifications deleur secteur d’intervention, à commencer parl’évolution des publics et des modes de priseen charge. Ainsi, le vieillissement de la popu­lation, un fort taux de natalité, l’augmentationde la monoparentalité ou encore l’allongementde la durée de vie des personnes en situationde handicap, facteurs d’émergence de nou­velles situations d’exclusion et de pauvretésociale, économique ou affective, sont autantde paramètres dont les associations doiventtenir compte et de besoins auxquels il importede trouver des réponses et des solutions adé­quates. Parallèlement, la globalisation de laprise en charge des personnes est un enjeude plus en plus prégnant dans la réflexiondes associations. Il s’agit de coordonner etde favoriser, plus facilement et plus systémati­quement, la rencontre entre offres de soins etoffres d’interventions sociales, pour répondreà des problématiques plus larges. C’est la ques­tion de la coopération et du regroupemententre établissements ou associations qui estalors posée. Or, s’il est vrai que les logiquesde partenariat ont toujours existé entre lesstructures, il n’en demeure pas moins quepasser le cap d’une mise en forme contrac­tualisée de ces partenariats, que ce soit par ungroupement de coopération ou, éventualitéégalement possible, par une fusion, est unedémarche beaucoup plus complexe à mettreen œuvre.

Un mode de gouvernancespécifique

Structures associatives, les acteurs du sec­teur sanitaire, social et médico­social privé àbut non lucratif sont gérés par un conseil d’ad­ministration élu par une assemblée générale,porteurs du projet de l’association et garantde sa viabilité et de sa pertinence. Ce modede fonctionnement, cette assise de l’action surun projet durable et pertinent au regard d’un

contexte donné et de besoins repérés, quirepose sur l’engagement de personnes phy­siques, est au cœur de la vie des associationset une marque de leur spécificité. Le mainte­nir, le faire vivre est donc aussi un enjeu desurvie des associations, bien souvent confron­tées à la difficulté de renouveler les équipesde bénévoles et de d’administrateurs. À l’ex­trême, c’est le statut associatif lui­même qui estquestionné, également ébranlé par la directiveeuropéenne relative aux services dans le mar­ché intérieur, qui menace les services d’intérêtgénéral et pèse sur l’avenir du statut loi 1901.

2. DES RISQUESET DES OPPORTUNITÉS

Au­delà des problématiques inhérentes àl’évolution démographique ou au statut mêmedes associations, ces dernières se voient impo­ser des réformes par les pouvoirs publics quiimpactent fortement le secteur.

D’importantes réformesinstitutionnelles

Les récents textes de loi, inspirés de plu­sieurs rapports mettant l’accent sur le nombreimportant de structures dans le champ sani­taire, social et médico­social et sur une néces­saire reconfiguration de l’offre, s’inscriventdans une démarche globale de restructura­tion du secteur. C’est le cas de la loi portantréforme de l’hôpital et relatif aux patients, àla santé et aux territoires, qui, par exemple,relance les contrats pluriannuels d’objectifset de moyens (CPOM) et modifie les groupe­ments de coopération sanitaire, ou encore dela révision générale des politiques publiques(RGPP), qui, en affaiblissant l’échelon dépar­temental des services déconcentrés de l’État,pose la question de la capacité des struc­

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3 • Quel rôle pour un syndicat employeur ?

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tures du champ médico­social et sanitairen’ayant pas un rayonnement régional à restervisible. C’est là une dimension non négligeabledans l’évolution du secteur et de la placedes associations, interfaces entre les pouvoirspublics et les citoyens, « individuels » par défi­nition. Mais ces réformes ont, également, desincidences indéniables sur la situation écono­mique des associations. Ainsi, la signature deCPOM, si elle garantit un certain niveau definancement de façon pérenne sur trois oucinq ans, peut être handicapante pour unepolitique de développement qui se trouveraitlimitée du fait de budget insuffisant.

Des enjeux de ressourceshumaines

Les individus sont le cœur de l’action desassociations. Et ce, à trois niveaux :

• les administrateurs qui définissent et portentle projet, dont nous avons déjà mentionnéla difficulté de renouvellement et la néces­saire formation pour gérer des associationsde plus complexes dans leur fonctionne­ment ;

• les personnes accompagnées dans le cadredes actions mises en place par les associa­tions, c’est­à­dire les usagers des servicesdéveloppés :

• les salariés en contact direct et quotidienavec les personnes prises en charge et surlesquels repose l’effectivité de la mise enœuvre opérationnelle du projet associatif.

Cet enjeu de ressource humaine est fon­damental aujourd’hui, dans la mesure où,ainsi que nous le disions précédemment,les personnes accueillies dans les structuresdemandent des accompagnements de plusen plus élaborés et individualisés, sur despériodes de temps plus longues, parce qu’ellessont confrontées à des problématiques pluslourdes de soin ou de fragilité sociale. Ainsi,

les employeurs du secteur, pour répondre àces besoins croissants de populations fragiles,doivent recruter de plus en plus de profes­sionnels spécialisés et formés, en particulierdes aides soignants et des aides médico­psychologiques dans le secteur médico­social,mais aussi des ergothérapeutes, des méde­cins coordonnateurs, des éducateurs ou encoredes personnels administratifs et des dirigeants.Or il y a, là encore, une véritable difficulté.Celle­ci est liée, à la fois, à la difficulté desemployeurs à recruter et au manque d’at­tractivité de certains emplois, en raison desrémunérations, des conditions de travail oud’un manque de valorisation de ces métiers.

Des financements à assurer

Le financement des associations et des ser­vices qu’elles rendent est au cœur des relationsentre les structures gestionnaires et les « don­neurs d’ordre » financeurs. L’équilibre à trouverentre indépendance politique et de fonction­nement et dépendance financière est toujoursdélicat et précaire, particulièrement en cettepériode critique où l’État et les collectivités ter­ritoriales visent la réduction de leurs dépenses.Aux dépens de qui ? Aujourd’hui, pour les asso­ciations, il s’agit d’assurer des services de plusen plus coûteux, notamment en raison de lamédicalisation croissante des personnes prisesen charge, en particulier dans le secteur despersonnes âgées et des handicapés et, conjoin­tement, de maîtriser au mieux les dépenses.La pérennité des financements des partenairespublics étant moins assurée, d’autres sourcesde financement doivent être trouvées. Or,pour les associations, cette démarche n’est pasaisée parce qu’elle est, parfois, perçue commeune « marchandisation » de leurs services, alorsmême qu’il s’agit, avant tout, de solidarité. Enoutre, la recherche de financement est uneactivité à part entière, qui nécessite des compé­tences que les associations n’ont pas toujours

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en interne. Les évolutions législatives et régle­mentaires imposent donc aux associations dese penser aussi, voire avant tout, comme struc­tures économiques et d’assurer une gestionsaine des finances, notamment en évitant lesdéficits, dont la reprise ne devrait plus êtreassurée.

Face à ces évolutions prévues et parfoisredoutées, le secteur est morcelé, les asso­ciations étant représentées par une multitudede syndicats d’employeurs, de fédérations,d’unions, qui, chacun, porte légitimement unepartie des valeurs, des aspirations et desbesoins des acteurs associatifs. Le « front » estdispersé et présente à l’État, aux collectivi­tés territoriales et au grand public une imagecomplexe et brouillée. En outre, cet éparpille­ment nuit aussi à la capacité de représentationet de négociation avec les pouvoirs publics,qui privilégient les contacts avec les structuresles plus importantes, fédérations ou syndicatsemployeurs.

3. LA CRÉATION D’UN NOUVEAUSYNDICAT EMPLOYEUR :LE SYNDICAT DES EMPLOYEURSASSOCIATIFS ACTION SOCIALEET SANTÉ (SYNEAS)

Un syndicat patronal est, certes, une orga­nisation professionnelle dont l’objet est ladéfense des intérêts de ses membres, doncdes employeurs. Pourtant, il ne s’agit pas dese définir ou de se positionner à l’opposé,ou contre, le syndicalisme salarié, mais biende défendre une posture d’employeur particu­lière, de réfléchir et d’appliquer à la gestiondes ressources humaines les valeurs portées etdéfendues par les associations adhérentes.

La défense des valeurs del’économie sociale et solidaire

Les associations du secteur agissent au nomde la solidarité et de la dignité de la per­sonne et elles concrétisent leur engagementdans la proximité, la durée et la continuité desservices, ainsi que dans le professionnalismede leurs salariés. Ces valeurs sont, égale­ment, transcrites dans la gestion des ressourceshumaines : les textes conventionnels négo­ciés par les partenaires sociaux permettent dedéterminer l’environnement juridique néces­saire à la réalisation des missions des asso­ciations auprès des personnes accueillies, pardes salariés bénéficiant de la même attentionmanifestée par leur employeur. Il s’agit doncbien de permettre aux personnels intervenantau quotidien auprès des personnes accueilliesd’agir dans le respect, à la fois, des usagerset d’eux­mêmes car ces métiers demandentbeaucoup de présence et d’engagement indivi­duel. Mais il importe également d’assurer queces valeurs et leur application restent compa­tibles avec une gestion rigoureuse. En effet,les associations s’inscrivent pleinement dansl’économie sociale et peuvent, légitimement,se réapproprier une certaine dimension éco­nomique, induite notamment par le poids deleurs emplois dans le produit intérieur brut.

La négociation dans le cadred’un dialogue social constructif

Un syndicat employeur est, certes, avanttout, responsable du suivi de l’application, dela mise en œuvre et des modifications éven­tuelles des conventions collectives et accordsdont il est signataire. Mais la mission d’uneorganisation patronale ne peut s’arrêter à cevolet très technique d’application du droit. Elledoit, nécessairement, embrasser la totalité desproblématiques auxquelles est confronté undirigeant.

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3 • Quel rôle pour un syndicat employeur ?

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Ainsi, le rôle d’une organisation profession­nelle moderne est, d’une part, de négocierdes textes conventionnels adaptant le Codedu travail aux particularités de son secteuret déterminant les conditions de travail dessalariés et, d’autre part, d’assurer le finance­ment des mesures négociées en influençant enamont la rédaction des lois et en négociant enaval les conditions de financement. La miseen œuvre d’un dialogue social constructif est,par conséquent, au cœur de l’action syndicale,qui permet de négocier, avec les « partenaires »sociaux que sont les organisations syndicalessalariées, des accords à portée collective. Ilest tout également central pour mener à bienla gestion paritaire des organismes de finan­cement de la formation professionnelle, deprévoyance et de retraite.

La question du financement des mesuresnégociées dans ce cadre, primordiale pour lasurvie des associations, est particulièrementcruciale aujourd’hui, alors que les financeurssont dans une posture de réduction des finan­cements. Anticiper cette baisse probable definancement et cette nouvelle rigueur bud­gétaire relève de la mission du syndicatemployeur qui doit, simultanément, défendreles intérêts de ses adhérents auprès despouvoirs publics et trouver des solutions alter­natives pour stabiliser les budgets malmenés.En effet, il n’importe pas seulement de négo­cier des mesures, encore faut­il aller au boutde la démarche et assurer leur financement.

Un syndicat employeur ne peut plus,aujourd’hui, se cantonner à une action d’en­vergure nationale, reposant principalement surla négociation de convention collective natio­nale et de ses avenants. L’action collectivedoit prendre des dimensions diverses : elle seretrouve, tout à la fois, au niveau local, au seindes associations où se concluent des accordsd’entreprises ; au niveau national, où conti­nuent à être négociés les accords nationaux ;et, de plus en plus, au niveau européen, où

s’élaborent les directives européennes. Pourune organisation patronale moderne, il impor­tera donc d’être vigilant à tous ces niveaux etd’être en mesure de mener des actions collec­tives pertinentes.

L’accompagnementdes dirigeantsdes associations adhérentes

Le syndicat a aussi pour mission d’accom­pagner ses adhérents dans l’application de cesmesures, en leur proposant des services rela­tifs à l’ensemble de leurs problématiques. Dansle contexte actuel de restructuration du sec­teur et d’incitations des pouvoirs publics àréduire le nombre de leurs interlocuteurs, lamise en œuvre de la coopération entre asso­ciations et entre établissements nécessite unebonne connaissance du secteur et des enjeux,mais aussi des compétences techniques, indis­pensables à la réussite d’une opération degroupement, voire de fusion. Là encore, lesyndicat employeur a un rôle majeur à jouerdans l’information de ses adhérents, afin queces derniers ne soient pas contraints par desinjonctions de leurs partenaires institutionnelset qu’ils soient en mesure de choisir leurscoéquipiers et le projet qu’ils souhaitent por­ter.

Cette mission du syndicat employeur estdonc bien un rôle global d’accompagnementdes dirigeants associatifs dans la gestion auquotidien de leur structure, au­delà de leurobjet premier qui demeure l’application dudroit du travail et des conventions et accordscollectifs négociés et signés paritairement. Cetaccompagnement se traduit, à la fois, par desservices directs aux adhérents du syndicat, surdes questions techniques et précises attendantune réponse immédiate, et par des activités de

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

conseil, formation et édition, portées par uninstitut1 dédié à cet effet.

La fonction de lobbyiste

La vie quotidienne d’une association inter­venant dans le secteur sanitaire, social etmédico­social est, comme nous venons de levoir, à la fois celle d’une entreprise classique,dans sa dimension économique et notammentbudgétaire, et celle d’une structure s’inscrivantdans l’économie sociale et solidaire, plaçantl’humain au premier rang de ses préoccupa­tions de gestion. C’est cette double identitéqu’il importe de défendre et de valoriser ; cesvaleurs qu’il est fondamental de préserver etde faire connaître, en particulier auprès despouvoirs publics, mais aussi de l’ensemble dela société civile. En effet, seule la visibilité etla lisibilité de ce qu’est ce secteur, de ce qu’ilreprésente en termes de prise en charge depersonnes en difficulté, d’emplois, permettrontd’assurer sa défense et sa pérennité. Et cettevisibilité dépend, entre autres, de la capacitéde lobbying du syndicat. Bien souvent, voiretrop souvent, envisagé de façon négative, lelobbying peut être défini comme l’attitude etl’action des groupes de pression (lobbies) quicherchent à protéger leurs intérêts face auxdécisions des pouvoirs publics : il s’agit d’agir,en amont, pour ne pas subir, en aval. Néan­moins, lorsque l’action en amont, par exempledans le cadre d’une discussion sur un projet ouune proposition de loi, n’a pas abouti, l’actionen aval est également nécessaire, par exemplepour influer sur l’écriture des décrets d’appli­cation. En outre, l’action de lobbying est aussiau cœur des discussions sur le financement.

Dans sa fonction de lobbyiste, le syndi­cat des « employeurs associatifs » au servicede « l’action sociale et santé » doit donc envi­

sager l’ensemble des problématiques de sesadhérents, au­delà de la question salariale,et défendre cette particularité qu’est le fonc­tionnement associatif et la mission d’intérêtgénéral que portent les associations gestion­naires.

Aujourd’hui, cette fonction de lobbying, dereprésentation et de défense, des adhérents,est elle aussi éclatée entre différents interlo­cuteurs, fédérations, unions ou syndicats, quipeinent à parler d’une voix commune et quisont, conséquemment, bien souvent mal, voirepas, connus des pouvoirs publics. En outre, laliberté de parole nécessaire à un dialogue sainrepose sur un fonctionnement indépendant etseul un organisme financé à l’aide des seulescotisations de ses adhérents et des produits deses services peut s’exprimer avec une libertéde parole et d’action susceptible de porteret de défendre les intérêts de ses adhérentsauprès de leurs différents interlocuteurs. Cetteindépendance financière du syndicat est d’au­tant plus importante que ses adhérents ne l’ontpas.

Une nouvelle dynamique

Fin 2009, deux syndicats signataires de laCCN 66 ont décidé d’œuvrer à la réductiondu nombre d’interlocuteurs et de procéder àune fusion, pour donner naissance au Syndi­cat des employeurs associatifs action socialeet santé (Syneas). Pour le Sop et le Snasea,ce rapprochement est le résultat d’une réellevolonté politique, s’appuyant sur des analyseset une conception identique de leur rôle. Lescirconstances ont aidé au déclenchement durapprochement et, bien entendu, la rénovationde la convention collective a été un facteurdéterminant. Travailler concrètement à la réali­sation d’un projet commun a conduit les deux

1. IDAES : Institut des dirigeants et acteurs de l’économie sociale.

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3 • Quel rôle pour un syndicat employeur ?

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organisations à rapprocher leurs points de vue,à partager leur analyse et leur vision de l’avenirdu secteur. Les conseils d’administration et lesdirigeants ont, ensuite, porté ce projet forma­lisé dans une fusion, qui devait être effectiveau 1er janvier 2010. Ce nouveau syndicat por­tera les ambitions qui étaient celles du Snaseaet du Sop et qui sont celles développées pré­cédemment : être à l’écoute des employeurs,les informer et les conseiller lors de leurs ques­tionnements quotidiens, ainsi que leur donner

des clés de compréhension et d’anticipationdu secteur dans son ensemble. Pour ce faire,le syndicat portera plus haut et plus fort lesintérêts de ses adhérents et défendra, face àses partenaires institutionnels, les spécificitésde ce secteur privé mais menant des missionsd’intérêt général, créateur d’emplois dans uncontexte économique général fragile, à des­tination des personnes les plus faibles de lasociété et porteur des valeurs d’humanité etde solidarité.

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Chapitre 4

Loi HPST : quelimpact pour le secteursocial et médico­social ?

Arnaud VINSONNEAU

Adjoint au directeur général de l’Uniopss

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

PLAN DU CHAPITRE

1. La création des ARS 32Présentation des agences 32Quelques questions posées 34

2. La nouvelle régulation du secteur social et médico­social 36La future planification sociale et médico­sociale 36Les appels à projet 39La contractualisation obligatoire 42Les opérations de regroupement et de coopération 42

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4 • Loi HPST : quel impact pour le secteur social et médico­social ?

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LA PUBLICATION de la loi portantréforme de l’hôpital et relative auxpatients, à la santé et aux territoires,dite loi HPST1, marque un tour­nant certain pour le secteur social

et médico­social et pour les associations desolidarité engagées dans celui­ci. Création desagences régionales de santé, nouvelle plani­fication sociale et médico­sociale, nouvelleprocédure de délivrance des autorisations parle recours quasi systématique à la techniquedes appels à projets, contrats pluriannuelsd’objectifs et de moyens obligatoires pourcertains gestionnaires d’établissements et ser­vices, création d’une agence nationale d’appuià la performance (ANAP)2... en sont autantd’illustrations. Certaines de ces évolutions sontdéjà effectives, comme la création de l’ANAP,d’autres nécessitent la parution de décrets d’ap­plication et entreront en vigueur, au plus tard,le 1er juillet 2010.

Quelles en sont les lignes directrices ?D’abord, au niveau de l’État et de l’assurance­maladie, un renforcement du niveau régionalcomme niveau de pilotage des politiquespubliques. Cela se traduit, certes, par la créa­tion des ARS et par la réorganisation et le

renforcement des directions régionales del’État3, mais également par la planification,à ce niveau, d’un certain nombre d’établisse­ments et services qui le sont actuellement auniveau départemental. Ensuite, une volontéde renforcer les pouvoirs des collectivitéspubliques dans la définition des réponses dusecteur. À travers les appels à projets quasi sys­tématiques, la puissance publique passe biencommande. Logique très descendante, à l’op­posé de la logique en grande partie ascendantequi a fait la force de ce secteur. Il y a égale­ment, à travers le recours à une certaine formed’appel à projet, la volonté de développer unelogique concurrentielle pour choisir « le mieuxdisant », selon l’expression de l’ancienne secré­taire d’État à la Solidarité, Valérie Létard, dontil est à craindre qu’elle n’aboutisse, parfois,à retenir le moins disant en terme de coûts,sans vision globale de la qualité de la réponseapportée à la population et de l’ancrage terri­torial des acteurs porteurs des réponses. Pluslargement, avec la disparition annoncée desCROSMS4, est reposée la question de la concer­tation entre les pouvoirs publics et les acteursimpliqués dans ce secteur. À ce stade, toutesles missions des CROSMS ne seraient pas

1. Loi n◦ 2009­879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et auxterritoires, Journal officiel du 22 juillet 2009.2. CSP, art. L. 6113­10 à L. 6113­10­2, Arrêté du 16 octobre 2009 portant approbation de la convention constitutivedu groupement d’intérêt public « Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé etmédico­sociaux » (ANAP), Journal officiel du 23 octobre 2009, Arrêtés du 19 octobre 2009 portant nominationdu président, du directeur général et des membres du conseil d’administration de l’ANAP, Journal officiel du25 octobre 2009.3. Voir notamment : Instruction du Premier ministre du 19 mars 2008 relative à la réforme de l’organisation desservices territoriaux de l’État. Décret n◦ 2009­1540 du 10 décembre 2009 relatif à l’organisation et aux missionsdes directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, Journal officiel du 12 décembre2009. Décret n◦ 2009­1484 du 3 décembre 2009 relatif aux directions départementales interministérielles, Journalofficiel du 4 décembre 2009.4. Comités régionaux de l’organisation sociale et médico­sociale. La loi HPST prévoit la suppression des CROSMS.Celle­ci ne sera effective que dans le courant du second semestre 2010. La date exacte de cette suppressiondépend de la date d’entrée en vigueur des dispositions sur les appels à projet. À partir de cette date, les CROSMScontinueront à fonctionner au maximum pour six mois, afin de pouvoir donner un avis sur les demandesd’autorisation déposées avant l’entrée en vigueur de la procédure d’appel à projets.

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reprises par d’autres instances de concertation.Autre ligne directrice, une volonté d’élaborerdes critères de performance des établisse­ments et services médico­sociaux financés parl’assurance­maladie, à travers la création del’ANAP, qui sera tant un appui aux structuresqu’une agence au soutien des futures ARSpour le pilotage. Enfin, une volonté d’amplifierles reconversions hospitalières, notammentvers le secteur médico­social personnes âgées­personnes handicapées, qui pose la questiondes conditions de leur mise en œuvre : véri­table adaptation de ces structures hospitalièresaux spécificités du secteur social et médico­social ou perpétuation d’anciens modes defonctionnement ?

Retour sur la création des ARS et sur cer­tains changements affectant la régulation dusecteur social et médico­social.

1. LA CRÉATION DES ARS

Présentation des agences

Évoquée depuis plus de quinze ans, lacréation des agences régionales de santé seraeffective dans le courant du premier semestre2010. La loi HPST qui les instaure nécessiteplusieurs textes d’application. Afin de pré­parer leur mise en œuvre dans les régions,vingt­six directeurs généraux préfigurateursont été nommés en Conseil des ministres le30 septembre 2009. Ces agences auront dansleur champ de compétence la médecine deville, les établissements de santé, les établis­sements et services médico­sociaux financéspar l’assurance­maladie (pour la part finan­cée par l’assurance­maladie), les ESAT1, laprévention et l’éducation à la santé, certaines

compétences en matière de veille et de sécu­rité sanitaires.

Avec la création des ARS, les pouvoirspublics poursuivent plusieurs objectifs2 :

• renforcer l’ancrage territorial des politiquesde santé : l’agence régionale de santédevant permettre, dans le cadre des orien­tations fixées au niveau national, de mieuxadapter les politiques de santé aux besoinset aux spécificités de chaque territoire ;

• simplifier le système de santé et réunir, auniveau régional, les forces de l’État et del’assurance­maladie : les ARS regroupant enune seule entité sept organismes actuelle­ment chargés des politiques de santé dansles régions et les départements, auxquelselles vont se substituer. Cette simplificationdevant favoriser les décloisonnements entrel’ambulatoire, l’hospitalier et le médico­social ;

• mettre en place de nouveaux outils pouraméliorer l’efficacité du système de santé :les ARS devant renforcer la capacité d’actioncollective du système de santé.

Les ARS vont se substituer aux administra­tions et organismes suivants :

• les agences régionales de l’hospitalisation(ARH) ;

• les services déconcentrés actuels de l’État(les pôles « santé » et « médico­social » desdirections régionales et départementalesdes affaires sanitaires et sociales, DRASSet DDASS) ;

• les unions régionales des caissesd’assurance­maladie (URCAM) ;

• les groupements régionaux de santépublique (GRSP) ;

• les missions régionales de santé (MRS) ;

1. Établissements et services d’aide par le travail.2. Selon l’exposé des motifs du projet de loi.

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• la partie sanitaire des caisses régionalesd’assurance­maladie (CRAM). Ces dernièresvont être recentrées sur leurs missions rela­tives aux accidents du travail et maladiesprofessionnelles et à la vieillesse et serontdénommées caisses d’Assurance retraite etde la santé au travail.

Les ARS seront dirigées par un directeurgénéral, nommé en Conseil des ministres. Lesministres chargés de la santé, de l’assurance­maladie, des personnes âgées et des personneshandicapées signeront, avec chaque directeurgénéral, un contrat pluriannuel d’objectifs etde moyens de l’agence. Le contrat sera conclupour une durée de quatre ans. Il sera révi­sable chaque année. Ce directeur généralconcentrera les prérogatives opérationnellesde l’agence. Ainsi, il arrêtera le projet régio­nal de santé et ses diverses composantes,dont le schéma régional d’organisation médico­sociale. Il sera aussi chargé de délivrer lesautorisations pour les ESAT et les autres struc­tures médico­sociales relevant de l’agence1, depasser convention avec eux, de les tarifer...

À ses côtés, un conseil de surveillance, auxprérogatives nettement moins étendues. Pré­sidé par le préfet de région, il sera composéde :

• représentants de l’État ;

• membres des conseils et conseils d’adminis­tration des organismes locaux d’assurance­maladie du ressort de l’agence (régimegénéral, régime agricole et régime des indé­pendants) ;

• représentants des collectivités territoriales ;

• représentants des patients, des personnesâgées et des personnes handicapées,

• au moins une personnalité choisie à raisonde sa qualification dans les domaines decompétence de l’agence.

Il ne comprendra pas de représentants desorganismes gestionnaires, contrairement à ceque souhaitait l’Uniopss. Outre l’approbationdu budget et du compte financier, il émettra unavis sur le plan stratégique régional de santé,le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyensde l’agence, ainsi qu’au moins, une fois paran, sur les résultats de l’action de l’agence.

En matière de concertation ou de coordi­nation, la conférence régionale de la santé etde l’autonomie, les conférences de territoire etdeux commissions de coordination des déci­deurs publics seront instituées.

La conférence régionale de la santé etde l’autonomie prendra le relais de l’actuelleconférence régionale de santé. Organismeconsultatif, elle concourra, par ses avis, à lapolitique régionale de santé. Cette conférencesera composée de plusieurs collèges. Serontnotamment représentés, au sein de ceux­ci,les collectivités territoriales, les usagers etassociations œuvrant dans les domaines decompétence de l’ARS, les conférences de ter­ritoire, les organisations représentatives dessalariés, des employeurs et des professionsindépendantes, les professionnels du systèmede santé, les organismes gestionnaires desétablissements et services de santé et médico­sociaux, les organismes de protection sociale.

Dans chacun des territoires de santé, uneconférence de territoire sera, par ailleurs, ins­tituée (elle prendra le relais de l’actuelleconférence sanitaire de territoire). Elle pourra,notamment, faire toute proposition au direc­teur général de l’ARS sur l’élaboration, la miseen œuvre, l’évaluation et la révision du projetrégional de santé.

1. Les autorisations seront délivrées en fonction des catégories d’établissement ou service soit par le seul direc­teur général de l’ARS (par exemple IME, SESSAD) soit conjointement par ce dernier et le président du conseilgénéral (par exemple EHPAD, FAM, SAMSAH, CAMSP).

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Deux commissions de coordination despolitiques publiques de santé seront placéesprès de l’ARS. Elles associeront les servicesde l’État, les collectivités territoriales et leursgroupements et les organismes de Sécuritésociale. Elles seront compétentes pour assurerla cohérence et la complémentarité des actionsdéterminées et conduites par leurs membres,respectivement :

• dans les domaines de la prévention, de lasanté scolaire, de la santé au travail et de laprotection maternelle et infantile ;

• dans le domaine des prises en charge et desaccompagnements médico­sociaux.

Un conseil national de pilotage des ARSa, par ailleurs, été créé. Il est, notamment,chargé de donner aux agences régionales lesdirectives pour la mise en œuvre de la poli­tique nationale de santé sur le territoire et devalider toutes les instructions qui leur sont don­nées. Il s’est réuni, pour la première fois, le27 juillet 2009, sous la présidence de RoselyneBachelot­Narquin, ministre de la Santé et desSports, et de Xavier Darcos, ministre du Tra­vail, des Relations sociales, de la Famille, dela Solidarité et de la Ville. Enfin, une Agencenationale d’appui à la performance des éta­blissements de santé et médico­sociaux a vule jour1. L’ANAP est un groupement d’intérêtpublic constitué entre l’État, l’Union nationaledes caisses d’assurance­maladie, la CNSA2 etles fédérations représentatives des établisse­ments de santé et médico­sociaux. Elle a pourobjet d’aider les établissements de santé etmédico­sociaux3 à améliorer le service renduaux patients et aux usagers, en élaborant et endiffusant des recommandations et des outils

dont elle assure le suivi de la mise en œuvre,leur permettant de moderniser leur gestion,d’optimiser leur patrimoine immobilier et desuivre et d’accroître leur performance, afin demaîtriser leurs dépenses. À cette fin, dans lecadre de son programme de travail, elle peutprocéder ou faire procéder à des audits dela gestion et de l’organisation de l’ensembledes activités des établissements de santé etmédico­sociaux.

Quelques questions posées

L’articulation de l’action des différents déci­deurs et financeurs publics impliqués dans lesecteur social et médico­social est une ques­tion cruciale, si l’on veut apporter des réponsesglobales et cohérentes à la population. Ainsi,l’ARS devra travailler avec l’Éducation natio­nale, autour de la question de la scolarisationdes enfants et adolescents handicapés. Elledevra, également, articuler son action avecla future direction régionale de la jeunesse,des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS),qui aura notamment en charge le pilotaged’établissements sociaux relevant de la com­pétence de l’État, où les problématiques desanté sont importantes, comme par exempleles centres d’hébergement et de réinsertionsociale (CHRS). Certains établissements et ser­vices étant financés pour partie par l’assurance­maladie et pour partie par les départements,le directeur général de l’ARS et le présidentdu conseil général devront coordonner leuraction, ce qui supposera, notamment, d’avoir,en amont, des outils de planification cohérents(le schéma régional médico­social de l’ARS et

1. Cette agence remplace plusieurs missions ou groupements nationaux impliqués dans le domaine hospitalier :mission pour l’appui à l’investissement hospitalier (MAINH), mission nationale d’expertise et d’audit hospitalier(MEAH) et groupement pour la modernisation des systèmes d’information hospitaliers (GMSIH).2. Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.3. Si la loi n’évoque que les établissements de santé et médico­sociaux, la convention constitutive de l’ANAPretient une formulation plus large pour intégrer les services médico­sociaux.

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les schémas départementaux personnes handi­capées ou en perte d’autonomie des conseilsgénéraux le seront­ils dans les faits ?). Il en irade même avec la région, qui a en charge cer­taines compétences en matière de formationdes personnels indispensables au fonctionne­ment des établissements et services relevant dela compétence de l’ARS (formation initiale destravailleurs sociaux et de certaines professionsparamédicales).

Les futures agences seront­elles en capacitéd’appréhender les différentes cultures médico­sociales ? La crainte est, en effet, grande quele médico­social ne soit abordé qu’à traversla question des soins. Or les enfants et ado­lescents handicapés qui sont accueillis dansles établissements et services médico­sociauxdonnent lieu à un accompagnement global,pour lequel les soins ne sont qu’un des aspectsau côté d’autres, comme l’éducation et la socia­lisation. Les établissements et services d’aidepar le travail mettent en œuvre une réponsemédico­sociale via, notamment, une activitéproductive et divers soutiens à caractère pro­fessionnel et extra­professionnel, les centresde rééducation professionnelle visent à donnerune qualification professionnelle à des per­sonnes handicapées... Certes, l’agence aura unchamp plus large que les soins pour s’emparerdes thématiques de santé, dans une acceptionlarge donnée à cette notion. Mais l’accompa­gnement médico­social ne saurait être réduit àcette dimension, aussi large soit­elle, et mêmes’il concourt à cet état de bien­être physiqueet mental, selon la définition donnée par l’Or­ganisation mondiale de la santé.

De même, le secteur social et médico­socialne se confond pas avec le secteur hospitalier.Si les deux doivent bien sûr mieux coordonnerleurs actions, c’est en préservant leurs spécifici­tés respectives. Les personnes accompagnéespar les établissements et services sociaux et

médico­sociaux le sont pour des périodes rela­tivement longues. Il en résulte que le projetde vie des personnes ne se résume pas à unprojet de soins, que les personnels qui tra­vaillent dans ces structures ont des profilsvariés... La volonté d’amplifier les reconver­sions hospitalières, notamment vers le secteurmédico­social personnes âgées­personnes han­dicapées, pose à nouveau la question desconditions de leur mise en œuvre : véritableadaptation de ces structures hospitalières auxspécificités du secteur social et médico­socialou perpétuation d’anciens modes de fonction­nement ? À plusieurs reprises, au cours dudébat parlementaire, le gouvernement s’estengagé à ce qu’il y ait un pôle médico­socialfort au sein des ARS. Le dispositif de « fongibi­lité asymétrique » est également mis en avantpour tenter de rassurer le secteur médico­social1 . Toutefois, s’il vise à empêcher queles moyens du médico­social pilotés par lesARS soient ponctionnés pour financer autrechose que du médico­social, il ne garantit pas,pour autant, une dynamique de progressionpropre des enveloppes médico­sociales. Horsphénomène de transferts de l’enveloppe hospi­talière vers l’enveloppe médico­sociale, pouraccompagner les restructurations de capaci­tés hospitalières en capacités médico­sociales,l’enveloppe médico­sociale aura­t­elle, dansles années à venir, une dynamique de progres­sion soutenue pour faire face à l’ampleur desbesoins non satisfaits ?

Au niveau national, comment l’ANAP etl’Agence nationale de l’évaluation et de la qua­lité des établissements et services sociaux etmédico­sociaux (Anesm) articuleront­elles leuraction, dans le respect de leurs compétencesrespectives, déterminées par le législateur ?Qu’est­ce que la performance dans le secteurmédico­social ? Quelle prise en compte des

1. CSP, art. L. 1434­13 dans sa version en vigueur au plus tard le 1er juillet 2010.D

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spécificités du secteur médico­social, avec sadimension accompagnement très importante ?

Enfin, quelle place de la société civile dansl’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluationdes politiques publiques ? Les futurs décretsd’application de la loi HPST sur les conseils desurveillance des ARS, les conférences de terri­toire, la conférence régionale de la santé et del’autonomie... donneront un certain nombred’indications en la matière. Au­delà des textes,beaucoup dépendra de la pratique des direc­teurs généraux des ARS et des autres autoritésadministratives, ainsi que de la capacité de lasociété civile à continuer à porter une paroleforte sur les besoins de la population et lesréponses indispensables à mettre en œuvre.

2. LA NOUVELLE RÉGULATIONDU SECTEUR SOCIALET MÉDICO­SOCIAL

Parmi les nombreux changements opéréspar la loi HPST1, nous n’aborderons que lafuture planification sociale et médico­sociale,la procédure d’appel à projet, la contractualisa­tion obligatoire et les actions de coopération.

La future planification socialeet médico­sociale

La législation a historiquement privilégiél’échelon départemental comme échelon per­tinent de planification des établissements etservices sociaux et médico­sociaux. Ainsi, leslois de décentralisation des 22 juillet 1983 et6 janvier 1986 ont créé un schéma départemen­

tal des établissements et services sociaux etmédico­sociaux. La loi du 2 janvier 2002, qui apris le relais, a prévu que le schéma dépar­temental d’organisation sociale et médico­sociale concernerait la majeure partie desétablissements et services à l’exception, d’unepart, des équipements peu nombreux plani­fiés au niveau régional ou national et, d’autrepart, des lieux de vie et d’accueil et des éta­blissements et services expérimentaux, quiéchappent à toute planification. Les équipe­ments planifiés au niveau national sont ceuxqui interviennent en faveur des personnes por­teuses de handicaps rares. Sont planifiés auniveau régional, les centres de soins, d’accom­pagnement et de prévention en addictologie(CSAPA), les centres de rééducation profes­sionnelle (CRP), les centres d’accueil pourdemandeurs d’asile (CADA), les services met­tant en œuvre les mesures de protection desmajeurs ordonnées par l’autorité judiciaire, lesservices mettant en œuvre les mesures judi­ciaires d’aide à la gestion du budget familialet les personnes physiques mandataires judi­ciaires à la protection des majeurs.

Les évolutions introduites par la loi HPST,qui entreront en vigueur au plus tard le1er juillet 2010, sont à relier aux orientationsgouvernementales retenues dans le cadre dela révision générale des politiques publiques(RGPP). Par une instruction en date du 19 mars20082 , le Premier ministre affirme, ainsi, quele niveau régional est le niveau de droit com­mun de pilotage des politiques de l’État sur leterritoire. En matière de planification sociale etmédico­sociale, cela se traduit par le recoursquasi systématique au niveau régional pourles équipements relevant de la compétencedu directeur général de l’ARS ou du préfet, là

1. Pour une présentation complète : Arnaud Vinsonneau, Bulletin spécial du dictionnaire permanent de l’actionsociale, n◦ 261­1, septembre 2009.2. Instruction du Premier ministre du 19 mars 2008 relative à la réforme de l’organisation des services territoriauxde l’État.

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où l’échelon de droit commun est aujourd’huil’échelon départemental. Quelques exceptionssont, cependant, prévues, mais elles sont trèslimitées1. L’échelon départemental reste l’éche­lon retenu pour les schémas des conseils géné­raux, tandis que l’échelon national demeurepour les handicaps rares.

Ainsi, le directeur général de l’ARS arrêteraun schéma régional d’organisation médico­sociale — inclus dans le projet régional desanté — pour les établissements et servicesqui relèvent de la compétence de l’agence2

(établissements et services pour enfants etadolescents handicapés ou inadaptés, établis­sements et services pour personnes adulteshandicapées financés par l’assurance­maladie,ESAT, établissements et services pour per­sonnes âgées financés par l’assurance­maladie,appartements de coordination thérapeutique,centres d’accueil et d’accompagnement à laréduction des risques pour usagers de drogue,centres de soins d’accompagnement et deprévention en addictologie, structures dénom­mées lits haltes soins santé, certains centres deressources et autres, certains établissements etservices à caractère expérimental).

Le préfet de région continuera à fixer leschéma régional des centres d’accueil pourdemandeurs d’asile, ainsi que le schéma régio­nal portant sur les services mettant en œuvreles mesures de protection des majeurs ordon­nées par l’autorité judiciaire, les services met­tant en œuvre les mesures judiciaires d’aide àla gestion du budget familial et les personnes

physiques mandataires judiciaires à la protec­tion des majeurs3.

Les ministres arrêtent, pour leur part, leschéma national, qui actuellement ne porteque sur les handicaps rares.

Les départements arrêteront plusieurs typesde schémas : des schémas dans le champ del’ASE et de la PJJ et des schémas relatifs auxpersonnes handicapées ou en perte d’auto­nomie. Pour le schéma PJJ portant sur lesétablissements et services mettant en œuvreles mesures éducatives ordonnées par l’auto­rité judiciaire ou les mesures d’investigationpréalables aux mesures d’assistance éducative,le président du conseil général devra prendreen compte, comme aujourd’hui, les orienta­tions fixées par le représentant de l’État dansle département. S’agissant du schéma dépar­temental personnes handicapées ou en perted’autonomie, la loi HPST ne cite pas expli­citement les différentes catégories d’établis­sements et services concernés, contrairementaux autres schémas départementaux ou auxschémas régionaux. Cette loi fait, par ailleurs,disparaître la possibilité, pour le représentantde l’État, de se substituer à un président duconseil général qui serait défaillant dans l’éla­boration d’un schéma ou dans sa révision.Cette innovation de la loi du 2 janvier 2002était largement restée lettre morte sur le ter­rain. Elle traduisait, cependant, le rôle d’unÉtat garant4.

Ces évolutions à venir suscitent plusieursquestions ou remarques.

1. Outre les équipements inclus dans le schéma national sur les handicaps rares et les CHRS et autres structuresde lutte contre les exclusions qui relèvent du plan départemental d’accueil, d’hébergement et d’insertion despersonnes sans domicile, ces exceptions concernent, d’une part, les établissements et services mettant en œuvreles mesures éducatives ordonnées par l’autorité judiciaire ou les mesures d’investigation préalables aux mesuresd’assistance éducative planifiées au niveau départemental et, d’autre part, les lieux de vie et d’accueil financéspar l’État ou l’assurance­maladie, les établissements et services expérimentaux financés par l’État et les FJT quine relèvent pas ou ne relèveront plus de la démarche de planification sociale et médico­sociale.2. CSP, art. L. 1434­12 et CASF, art. L. 312­5, 3◦ dans leur version en vigueur au plus tard le 1er juillet 2010.3. CASF, art. L. 312­5, 2◦ dans sa version en vigueur au plus tard le 1er juillet 2010.4. CASF, art. L. 312­5, 4◦ dans sa version en vigueur au plus tard le 1er juillet 2010.

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Certains établissements et services, quiéchappaient à la planification, en relèveront àl’avenir et d’autres, au contraire, ne seront plusconcernés par cette démarche. Les établisse­ments et services expérimentaux échappaientjusqu’alors à la démarche de planification1 . Cene sera plus le cas pour ceux qui relèvent dela compétence de l’ARS. A contrario, les foyersde jeunes travailleurs sont planifiés aujour­d’hui au niveau départemental ; ils ne le serontplus du tout à l’avenir2.

La question de l’articulation du schémade l’ARS avec ceux des conseils générauxconcernant les besoins et les réponses àapporter aux personnes handicapées et auxpersonnes âgées est également posée. L’ARS etles conseils généraux arriveront­ils à construiredes diagnostics partagés et à tomber d’ac­cord sur l’évolution de l’offre, sous peine,sinon, d’avoir deux documents de planifica­tion contradictoires ? Les difficultés actuellesentre les conseils généraux et les préfets derégion autour des contenus des PRIAC (outilde programmation des moyens financiers)démontrent la pertinence d’une telle question.C’est la raison pour laquelle l’Uniopss avaitmilité pour la création de schémas conjointsARS­conseils généraux. Cette proposition n’amalheureusement pas été retenue par lesparlementaires. Ces derniers ont, cependant,cherché à marquer, dans la loi, les liens entreces deux démarches. Ainsi, à titre d’exemple,la loi HPST prévoit que le schéma régional del’ARS devra être établi et actualisé au regarddes schémas départementaux arrêtés par lesconseils généraux de la région relatifs aux per­sonnes handicapées ou en perte d’autonomie.Ce schéma régional devra, par ailleurs, êtrearrêté après consultation de la commission de

coordination des politiques publiques portantsur les accompagnements médico­sociaux etaprès avis des présidents de conseils généraux.De même, les schémas départementaux rela­tifs aux personnes handicapées ou en perted’autonomie seront arrêtés par le présidentdu conseil général, après concertation avecle représentant de l’État dans le départementet avec l’agence régionale de santé, dans lecadre de la commission de coordination despolitiques publiques portant sur les accompa­gnements médico­sociaux3.

La question de la concertation des repré­sentants des usagers et des gestionnaires n’estpas résolue, à ce stade, pour les différentsniveaux de planification. Cette concertationest prévue pour le schéma national, à tra­vers la saisine du CNOSS. Pour les schémasdépartementaux relatifs aux personnes handi­capées ou en perte d’autonomie, la loi HPSTdispose que les représentants des organisa­tions professionnelles représentant les acteursdu secteur du handicap ou de la perte d’au­tonomie dans le département, ainsi que lesreprésentants des usagers, sont consultés, pouravis, sur leur contenu. Le schéma régional del’ARS étant une composante du projet régionalde santé, il devrait normalement être soumis,pour avis, à la conférence régionale de lasanté et de l’autonomie. Pour les schémas arrê­tés par le préfet de région, aucun passagede relais entre le CROSMS et une autre ins­tance de concertation n’est prévu. Dans lechamp de l’ASE et de la PJJ, après la dis­parition des CROSMS, seul subsistera l’avisde l’observatoire départemental de la protec­tion de l’enfance, prévu par la loi du 5 mars20074 . L’Uniopss avait souhaité le maintiendes CROSMS et de leurs missions consulta­

1. CSP, art. L. 1434­12 et CASF, art. L. 312­5, 3◦ dans leur version en vigueur au plus tard le 1er juillet 2010.2. CASF, art. L. 312­5, dans sa version en vigueur au plus tard le 1er juillet 2010.3. CSP, art. L. 1434­12 et CASF, art. L. 312­5 dans leur version en vigueur au plus tard le 1er juillet 2010.4. L’avis de l’observatoire départemental de la protection de l’enfance est prévu par l’article L. 226­3­1 du CASF.

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tives, notamment sur les schémas régionauxet départementaux. Elle n’a malheureusementpas été suivie par les parlementaires1.

Enfin, les autorités concernées s’investiront­elles plus qu’aujourd’hui dans ce travail deplanification et sa mise à jour régulière ?Dans son dernier rapport annuel, la Cour descomptes relevait, ainsi, qu’en mars 2007, 65 %des départements n’avaient pas de schémasgérontologiques à jour2. Plus récemment, dansle champ de la protection de l’enfance, la Coura dressé un bilan sévère des démarches de pla­nification, en indiquant, notamment, que « lesschémas départementaux présentent des fai­blesses : n’étant pas assis sur une évaluationprécise des besoins, ils peinent à définir uneprogrammation détaillée de l’offre de prise encharge et s’articulent mal avec les autres outilsde programmation3 ».

Les appels à projet

Historiquement, le secteur social et médico­social s’est construit à partir d’initiatives d’ac­teurs de terrain, qui, détectant des besoins nonsatisfaits de la population, se proposaient d’yrépondre et allaient, pour ce faire, chercher lesoutien, notamment financier, des collectivitéspubliques et organismes de sécurité sociale.Cette démarche ascendante ne fut pas remiseen cause par la loi du 30 juin 1975 sur les insti­tutions sociales et médico­sociales ou par la loidu 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale etmédico­sociale. Certes cette démarche ascen­dante a dû se combiner, avec le temps, avecune démarche descendante, fruit de la créa­

tion des schémas d’organisation sociale etmédico­sociale et des PRIAC, qui visent à per­mettre à la puissance publique d’afficher sespriorités en matière de création, de transfor­mation ou d’extension d’équipements sociauxet médico­sociaux. Certes, avec la création desfenêtres de dépôt de demandes d’autorisation,les décideurs publics ont été dotés d’un outilleur permettant de comparer les projets demême nature déposés à un moment donné.Mais c’est une évolution d’un autre ordre queprévoit la loi HPST avec le recours quasi sys­tématique à la technique des appels à projet.

Selon le gouvernement, « la procédure d’ap­pel à projets, qui interviendra sur la basedes besoins déterminés collectivement et desmoyens disponibles, permettra de sélectionneret de financer sans délai les projets présentantla meilleure réponse aux besoins, au meilleurcoût pour les usagers et la collectivité. Le gainde temps sera considérable, alors que desmilliers de projets attendent aujourd’hui desannées avant d’être mis en œuvre. Les projetspourront être comparés entre eux sur la based’un cahier des charges clair, qui permettrade sélectionner le mieux disant4 ». Les dépu­tés et sénateurs ont indiqué dans la loi quecette procédure a pour objectif « une mise enconcurrence loyale, sincère et équitable et laqualité de l’accueil et de l’accompagnement5 ».Cette procédure d’appel à projet entrera envigueur au plus tard le 1er juillet 2010, la dateexacte dépendra du décret d’application.

Il appartiendra, en effet, au pouvoir régle­mentaire de préciser un certain nombre depoints. Ainsi, le décret devra définir ce quel’on entend par appel à projet. Depuis plu­

1. Sur la date exacte de la disparition des CROSMS, cf. note n◦ 5.2. La prise en charge des personnes âgées dépendantes, Rapport public annuel de la Cour des comptes, p. 271,février 2009.3. La protection de l’enfance, rapport de la Cour des comptes, octobre 2009, p. 50.4. Valérie Létard, Assemblée nationale, Journal officiel compte rendu des débats — 3e séance du 11 février 2009— p. 1609.5. CASF, art. L. 313­1­1, dans sa version en vigueur au plus tard le 1er juillet 2010.

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sieurs années, on constate, sur le terrain, quedes décideurs publics ont recours à la tech­nique des appels à projet, pourtant non prévueexplicitement par la loi du 2 janvier 2002,avec des modalités de mise en œuvre extrê­mement variables ; certains appels à projets’apparentant à de véritables appels d’offres.En fonction du degré de détail du cahierdes charges des appels à projet, on bascu­lera soit dans une pure logique de commandepublique, soit dans un système qui conserveraaux acteurs de terrain une certaine capacitéd’initiative et d’imagination de réponses. Laloi prévoit, certes, que le cahier des chargessera allégé pour les projets innovants ou expé­rimentaux, mais il ne faudrait pas, pour autant,que l’on aboutisse à des cahiers des chargestrès détaillés et enfermant pour les autres pro­jets.

La réglementation devra, également, expli­citer les cas où la technique de l’appel à projetne s’applique pas et les situations où, bienque concerné par l’appel à projet, le projet dugestionnaire ne sera pas examiné par la com­mission de sélection d’appel à projet social etmédico­social (commission qui rend un avisavant que l’autorité administrative prenne sadécision).

En effet, l’article L. 313­4 du CASF, dans saversion en vigueur au plus tard le 1er juillet2010, prévoit que l’autorisation de création, detransformation ou d’extension1 sera accordéesi le projet du gestionnaire répond au cahierdes charges établi par l’autorité administra­tive chargée de délivrer l’autorisation. Cetterègle ne supporte que quelques exceptions.Ce critère ne s’applique pas aux opérations

de regroupements d’établissements et servicespréexistants s’accompagnant d’une extensionde capacité, qui seront exonérées de la procé­dure d’appel à projet, si elles n’entraînent pasdes extensions de capacités supérieures à desseuils qui seront fixés par décret et si elles nemodifient pas les missions des établissementset services concernés2 . Le décret devra préci­ser les modalités de réception et d’examen deces demandes. Il s’agit, clairement, d’une inci­tation au regroupement. La procédure d’appelà projet ne s’appliquera également pas auxdemandes d’autorisation qui ne font pas appelà des financements publics (cas très rares) ;ces autorisations seront accordées dès lorsque le projet satisfera aux règles d’organisa­tion et de fonctionnement prévues au Code del’action sociale et des familles et prévoira lesdémarches d’évaluation3 . La procédure d’ap­pel à projet ne s’appliquera également pas auxrenouvellements d’autorisation, le Parlementayant écarté une telle hypothèse4.

Pour les projets des gestionnaires devantrespecter le cahier des charges de l’appel àprojet — c’est­à­dire ceux qui font appel par­tiellement ou totalement à des financementspublics (hors exceptions citées ci­dessus)—, la législation prévoit que les autoritésdélivrent l’autorisation après avis d’une com­mission de sélection d’appel à projet social oumédico­social, qui associe des représentantsdes usagers. L’avis de cette dernière n’est, tou­tefois, pas requis en cas d’extension inférieureà un seuil qui sera fixé par décret.

Beaucoup de confusions et d’interpréta­tions diverses de la loi règnent, actuellement,

1. Le mot « initiale » a été supprimé de l’article L. 313­4 du CASF par la loi HPST en vue de rendre applicables auxautorisations de transformation et d’extension les critères de délivrance jusqu’alors prévus que pour les seulesautorisations initiales.2. CASF, art. L. 313­1­1, II, dans sa version en vigueur au plus tard le 1er juillet 2010.3. CASF, art. L. 313­4, dernier alinéa, dans sa version en vigueur au plus tard le 1er juillet 2010.4. On notera que la procédure d’appel à projet ne s’applique également pas aux services d’aide et d’accompa­gnement à domicile qui optent pour l’agrément qualité et non pour l’autorisation de création.

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4 • Loi HPST : quel impact pour le secteur social et médico­social ?

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sur le terrain. Il appartiendra au pouvoir régle­mentaire de faire œuvre de pédagogie.

Il lui appartiendra, également, de préciserla mécanique de l’appel à projet : les règlesde publicité, les modalités de l’appel à projetet le contenu de son cahier des charges, ainsique les modalités d’examen et de sélectiondes projets présentés. Ainsi, qu’est­ce que lemieux disant social évoqué par Madame Valé­rie Létard ?

Le système privilégiera­t­il les extensionsde capacité, moins onéreuses, au détrimentdes créations d’établissements et services exnihilo ?

Des gestionnaires de petite taille auront­ils la capacité de mobiliser les compétencesnécessaires à la réponse à un appel à projet etprendront­ils le risque de dépenser plusieursmilliers d’euros pour constituer un dossier,sans avoir l’assurance d’être retenu en boutde course ?

Quel contenu sera donné à la notion « d’éta­blissements et services sociaux et médico­sociaux privés d’intérêt collectif » (ESMS­PIC)introduite par la loi HPST ? et quel lien serafait avec la procédure d’appel à projet ?

Alors que certaines administrationsdélivrent les autorisations et sont elles­mêmesgestionnaires d’établissements et services(l’État, avec, par exemple, la protectionjudiciaire de la jeunesse, mais aussi les dépar­tements), comment sera garantie la mise enconcurrence loyale, sincère et équitable ?Comment se concilieront reconversions hospi­talières et application légale de la techniquedes appels à projet, qui ne devrait pas préju­ger du choix final du titulaire de l’autorisationde l’établissement ou du service social oumédico­social ?

Autant de questions parmi d’autres qui sont,aujourd’hui, posées.

L’Uniopss aurait souhaité que la procédured’appel à projet soit limitée aux situations oùil y a, sur un territoire donné, des besoins

de la population non satisfaits et aucun pro­moteur qui se positionne pour y répondre.Nous n’avons malheureusement pas réussi àconvaincre les parlementaires sur ce point.

La loi étant votée et publiée au Jour­nal officiel, une nouvelle phase s’engage ;celle de l’élaboration des décrets d’applica­tion. L’Uniopss compte apporter sa pierre àcet édifice, afin de tenter de limiter les risquesd’effets pervers.

Les associations doivent se préparer à cenouveau mode de régulation, qui entrera envigueur dans le courant de l’année 2010. Ellesdevront porter une parole commune, pouressayer de peser sur le contenu des schémasd’organisation sociale et médico­sociale, desPRIAC et des appels à projet qui en seront, sansaucun doute, la déclinaison. Les réformes encours invitent, en effet, les associations à assu­mer pleinement leur militantisme et à ne passe laisser cantonner à la gestion d’équipement.Leur connaissance du terrain, des besoins de lapopulation et des réponses à mettre en œuvre,leur capacité à interpeller les pouvoirs publicssur ce qui marche et sur les failles des disposi­tifs publics, leur capacité à créer de nouvellesformes de réponses ou à adapter celles quiexistent déjà à l’évolution des besoins despersonnes, leur ancrage territorial, leur ges­tion désintéressée... sont précieuses pour notrepays. Des politiques publiques ne peuvent êtrepertinentes que si elles s’appuient sur de bonsconstats. Il est de la responsabilité des associa­tions de porter une parole forte, notammentsur les manquements à la solidarité dans notrepays et sur les voies d’amélioration.

Chacune d’entre elle devra, également, cla­rifier sa stratégie de développement à moyenterme, afin de donner des repères à ceux, qui,en son sein, seront chargés de répondre à cesappels à projet. Faut­il répondre à tel ou telappel à projet, à quelle condition, en partena­riat avec quel acteur... ? Le temps de réponseà un appel à projet étant plus court que le

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temps de maturation d’un projet associatif, ilest donc indispensable que ces points soientclarifiés, au préalable, afin de donner des élé­ments de guidance aux opérationnels qui vontdevoir formaliser la proposition de l’associa­tion. Répondre à un appel à projet suppose,également, de développer une certaine exper­tise en la matière. Chaque association va doncdevoir se former à ce nouveau cadre, réflé­chir à la façon d’acquérir la technicité que celarequiert : recrutement ou non d’une personnedédiée, seule ou à plusieurs, avoir recours à unprestataire extérieur pour la formalisation dela proposition... Elle devra, également, avoiren tête que le résultat d’un appel à projet aplus de risque d’être contesté en justice parles promoteurs éconduits.

La contractualisationobligatoire

La loi HPST a prévu que les gestionnairesd’un certain nombre d’établissements et ser­vices sociaux et médico­sociaux sont tenus deconclure, avec leurs autorités de tarification,un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens(CPOM), dès lors que les établissements et ser­vices concernés atteignent ensemble, en raisontant de leur taille que des produits de leur tari­fication, un seuil fixé par arrêté ministériel1 .Les établissements et services visés sont, d’unepart, les EHPAD, et, d’autre part, des établis­sements et services sous compétence tarifaireexclusive du directeur général de l’ARS oudu préfet de région. Pour pouvoir entrer envigueur, ces dispositions nécessitent, au préa­lable, la parution d’un ou plusieurs arrêtésministériels fixant les seuils de déclenchementde cette obligation, la mise en place effectivedes ARS, ainsi qu’un texte précisant l’éten­

due des pouvoirs de tarification du préfet derégion.

Au cours des débats parlementaires qui ontprécédé le vote de la loi HPST, comme récem­ment lors du vote des lois de finances et definancement de la Sécurité sociale pour 2010,l’Uniopss a demandé le retrait de ces disposi­tions. Notre Union défend, en effet, le principede volontariat, base d’un dialogue sain et d’unvrai partenariat. Une telle négociation supposeun accord entre les parties sur des objectifs àatteindre et les moyens à mobiliser à cet effet.Nous n’avons malheureusement pas réussi àconvaincre le gouvernement et le Parlement2.

Les opérationsde regroupementet de coopération

Depuis quelques années, des associationssont confrontées, sur certains territoires, à despressions plus ou moins fortes de la part desautorités administratives, en vue de fusion­ner avec d’autres associations ou de constituerdes groupements de coopération, notammentdes groupements de coopération sociale etmédico­sociale (GCSMS). Allant au­delà destextes législatifs et réglementaires, ces auto­rités utilisent l’arme budgétaire en vue deparvenir à leurs fins. On pouvait se deman­der si la volonté de certains d’aboutir à uneplus grande concentration du secteur socialet médico­social allait amener le législateur àrenforcer les pouvoirs des autorités administra­tives en la matière. Tel n’a pas été le cas, si l’onfait abstraction de la disposition de la loi HPSTqui permet au préfet, ou au directeur généralde l’ARS, d’inviter les établissements sociauxet médico­sociaux publics à mettre en place

1. CASF, art. L. 313­12 et L. 313­12­2.2. Pour aller plus loin : « Les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens des établissements et services sociauxet médico­sociaux », Les Cahiers de l’Uniopss, n◦ 20, septembre 2008.

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4 • Loi HPST : quel impact pour le secteur social et médico­social ?

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une direction commune, s’ils n’en prennentpas préalablement l’initiative1 . La loi HPSTcontient, cependant, d’autres dispositions surla coopération2 . Ainsi, elle élargit la liste despersonnes ou organismes à l’origine de lacréation de différents modes de coopération(conventions, GIE, GIP, GCSMS, regroupe­ments, fusions) aux personnes physiques oumorales qui concourent à la réalisation desmissions des ESMS. Elle élargit, par ailleurs,les missions des GCSMS, en prévoyant qu’ilspeuvent également créer des réseaux sociauxou médico­sociaux et adhérer à ces mêmesréseaux ou aux réseaux et groupements decoopération ou d’intérêt public prévus auCode de la santé publique. Elle change, enoutre, certaines règles qui leur sont applicablesen modifiant les renvois à certaines disposi­tions du Code de la santé publique. Enfin,la loi prévoit que la convention constitutivedes groupements de coopération devra définir,notamment, l’ensemble des règles de gou­vernance et de fonctionnement. Elle pourraprévoir des instances de consultation du per­sonnel.

En matière de rapprochement et de coopé­ration, l’Uniopss a une approche pragmatique.Elle est, en effet, favorable à la coopérationentre acteurs, afin d’assurer la continuité dela réponse à l’usager, de mutualiser des com­pétences, dans un environnement qui se com­plexifie. Mais là où certains visent en fait uneconcentration des acteurs, elle a une visiontoute différente : pour elle, ces démarchespeuvent, au contraire, permettre à des petitesassociations, dynamiques et ancrées sur leurterritoire, de poursuivre leur projet d’actionsociale, alors que, seules, elles risquent d’enêtre empêchées. Diriger une association ges­tionnaire, dans notre secteur, est de plus enplus difficile. Il faut maîtriser des législations

de plus en plus complexes, recruter et fidéli­ser des personnels aux compétences multiples,négocier les budgets sur des bases évolutives,anticiper les transformations d’un environne­ment mouvant. Seules, les petites associationspeinent à mobiliser et financer les compé­tences nécessaires ; à plusieurs c’est possible.À nos yeux, la pluralité du secteur a fait saforce. Ainsi, où en serait­il si des dizainesde milliers de citoyens n’avaient créé desassociations pour apporter une réponse auxpersonnes handicapées, trop longtemps délais­sées par la collectivité, lutter contre l’exclusionsociale et professionnelle, accompagner lespersonnes âgées à domicile... ? Ce qui fait saforce semble, aujourd’hui, présenté comme unhandicap, au nom de la rationalisation bud­gétaire et des moyens humains réduits desadministrations chargées de le réguler. Certes,il nous faut collectivement optimiser l’organi­sation des réponses, l’utilisation des moyensdédiés au secteur ; mais il convient, aussi, dese garder des effets de mode ou des dogmes.Le secteur ne gagnera rien à une concentrationexcessive autour de quelques grands opéra­teurs ou groupements désincarnés. De petitesstructures ancrées sur leur territoire, enraci­nées dans leurs projets, ont toute leur utilité.

Au­delà, pour l’Uniopss, plusieurs condi­tions doivent présider à la mise en place deces démarches, qui ne se résument pas auseul outil du GCSMS. Cette coopération doitse faire sur une base volontaire et non êtreimposée par la puissance publique. L’expé­rience prouve que la réussite de ces démarchesde coopération est liée à la libre adhésiondes partenaires. Les injonctions à la fusionou les menaces de représailles en cas denon­constitution d’un GCSMS — qui émanentparfois d’autorités locales — sont donc inac­ceptables. La coopération doit s’engager sur la

1. CASF, art. L. 313­24­2.2. CASF, art. L. 312­7.

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base d’un projet partagé, construit en communet validé politiquement par les instances desorganismes concernés. La coopération néces­site, par ailleurs, de bien distinguer ce quipeut être mis en commun de ce qui doitdemeurer du ressort de chaque organisme ges­tionnaire. Mettre en commun des moyens n’estpas toujours synonyme d’économies, maispeut engendrer des dépenses nouvelles liéesà l’amélioration du service rendu. Ainsi, si legroupement (ou une autre formule de coopéra­tion) parvient à recruter du personnel à tempsplein pour le compte de plusieurs structures,là où un établissement isolé n’y arrivait pas(car il ne proposait qu’un temps très partiel) ;ou si le groupement permet de financer descompétences nouvelles jusqu’alors non prisesen charge, il en résulte des dépenses sup­plémentaires. A contrario, des groupementspeuvent aboutir à réduire les prix de certainsproduits ou matériels, là où une associationseule bute. Ces démarches de coopérationprennent du temps, comme l’ont montré lesexpériences passées, temps plus ou moinslong en fonction du degré de connaissanceet de collaboration antérieure, de l’ampleur duprojet envisagé... Elles nécessitent, également,de penser la gouvernance du nouvel ensemble.

Sous ces conditions, le GCSMS, comme lesautres outils de coopération, peuvent doncêtre des outils utiles à une partie des acteursdu secteur1.

Dans cet environnement en pleine muta­tion, les associations de solidarité doivent, plusque jamais, renforcer leur unité pour essayerde construire des diagnostics partagés et ten­ter de peser collectivement sur les choix desdécideurs publics, là où, à travers le déve­loppement de logiques concurrentielles, latentation du chacun pour soi pourrait l’empor­ter, mais serait collectivement suicidaire. Demême, alors que certains seraient tentés d’en­fermer les associations dans un rôle de simpleprestataire de service, l’affirmation des associa­tions comme acteur spécifique contribuant àl’intérêt général est plus que jamais nécessaire.La capacité des associations à se projeter dansle temps et à ne pas se laisser enfermer dansla gestion du quotidien ou de l’urgence, leurcapacité à repenser régulièrement leurs projetset modes de fonctionnement, à réfléchir auxmodes de coopération possibles pour mieuxrépondre aux besoins de la population, sontégalement indispensables.

1. Pour aller plus loin : « Associations de solidarité, acteurs économiques et politique », Les Cahiers de l’Uniopss,n◦ 19, juin 2007.

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Chapitre 5

MP4 : un an déjà

Mouvement pour une parole politique

des professionnels du champ social

François CHOBEAUX

Vice­président du MP4

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

PLAN DU CHAPITRE

1. Archéologie 47

2. La naissance 47

3. Un manifeste diffusé en septembre 2008 47

4. Une organisation et un langage commun qui s’inventent pas à pas 49

5. Trois exemples d’actions et de prises de position 52La question des SSIG 52La suppression du défenseur des enfants 52La création d’un séminaire national « Politiques sociales de solidarité dedemain » 53

6. Fin 2009, un projet qui agit. Un pari ? 53

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5 • MP4 : un an déjà

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1. ARCHÉOLOGIE

On pourrait remonter au mouvement CQFD(C’est la qualification qu’il faut développer),créé à l’époque du rapport Les Mutations dutravail social1 issu des travaux initiés par laMire, afin de faire exister, dans le débat public,le point de vue des professionnels et des insti­tutions du social. L’ouvrage Qualifier le travailsocial2 en présentait les acquis.

On pourrait remonter aux états générauxdu social, projet collectif de réflexions, d’ana­lyses et de propositions, conduit en 2002­2004.Les « cahiers de doléance » qui en sont issusont été diffusés en octobre 2004 ; l’ouvrageReconstruire l’action sociale3 en faisait l’his­toire et en présentait les synthèses.

On pourrait évoquer « 7­8­9 radio sociale »,site internet né en lien avec les états généraux,et la constitution puis les échanges du Mouve­ment interprofessionnel pour un humanismelaïque (MIHL).

On pourrait rappeler la plate­formed’échanges et de partage d’analyses qu’étaitla conférence permanente des organisationsprofessionnelles du social (CPO) entre 2002et 2008, ses analyses et ses prises de positionsur les politiques sociales.

On pourrait, aussi, évoquer ce qui aconstruit chacun des initiateurs du Mouvementpour une parole politique des professionnelsdu champ social (MP4), tous déjà engagésdans les mouvements rappelés ici : les enga­gements associatifs, politiques, syndicaux, leschoix d’orientations professionnelles, les choixd’investissement dans la recherche, les res­ponsabilités dans la formation des travailleurssociaux...

2. LA NAISSANCE

Fin juin­début juillet 2008, ressort entre lesporteurs des actions précédentes le projet d’al­ler vers la mise en place d’un espace collectifde réflexion et d’action concernant l’ensembledes acteurs du champ social. Il ne s’agit pasde doubler ou de suppléer les organisationssyndicales, affinitaires ou catégorielles. Cha­cune d’entre elles agit légitimement dans sonsecteur et selon ses objectifs propres. Mais ils’agit de faire exister la pensée, l’expertise dusocial, dans les débats conduisant à la déter­mination, puis dans les choix conduisant àla mise en œuvre des politiques sociales. Ilest évident, pour le noyau initiateur de MP4,que les acteurs du social ne sont pas pris encompte dans ce qu’ils voient, savent et ana­lysent, et que, de plus en plus, ces politiquessont déterminées, en dernière instance, par deschoix économiques et conçues par des respon­sables politiques qui n’ont, souvent, qu’unevision partielle des réalités, conseillés par deslobbies familialistes et des « associations d’usa­gers », qui n’agissent que pour la satisfactionde leurs intérêts. L’idée, l’image émerge, d’untriangle équilatéral de la décision, dont lestrois pointes seraient les décideurs politiques,les professionnels et les usagers.

3. UN MANIFESTE DIFFUSÉEN SEPTEMBRE 2008

« L’action sociale anesthésiée ? Reprenonscollectivement l’initiative. »

Qui sont les initiateurs du manifeste intituléde la sorte ?

1. Chopart J.­N. (dir.), Les Mutations du travail social, Paris, Dunod, 2000.2. Bouquet B., Chauvière M., Ladsous J. (coord.), Qualifier le travail social, Paris, Dunod, 2002.3. Chauvière M., Belorgey J.­M., Ladsous J. (coord.), Reconstruire l’action sociale, Paris, Dunod, 2006.

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Nous sommes tous actifs dans les métiersde l’action sociale. Salariés sur fonds publics etexigeant, légitimement, d’en vivre décemment,nous n’avons pas choisi cette voie pour fairedu « business », mais par souci d’humanité etde justice.

Beaucoup d’entre nous sont, quotidienne­ment, au contact direct des gens qui souffrentet ont des besoins ou des demandes spé­cifiques. Chaque jour, ils posent des actesprofessionnels. Ce ne sont pas des métiersd’« exécution », mais d’initiative et de respon­sabilité.

Aujourd’hui, cinq ans après les états géné­raux de 2004, où en sommes­nous ? Demanière générale, la situation des classesexclues, pauvres ou marginalisées, de mêmeque celle des jeunes, s’aggrave. Les salairesstagnent par rapport aux revenus du capital.

Alors, le social trinque et il trinquerademain plus encore. Pourtant protégé par laConstitution, il est devenu une variable d’ajus­tement. Alors que notre pays est riche ! C’estdonc une affaire de choix politiques et, toutspécialement, de choix de politique sociale.

La relance par le haut, prônée par l’ac­tuel gouvernement, est sans effet économiquetangible. On assiste, au contraire, à un renfor­cement des inégalités et à un recul global dessystèmes de redistribution et de partage de larichesse.

Voyons cela plus en détail.

• Les gouvernants ne se cachent même pluspour prétendre que les pauvres coûtent tropcher et pour dénoncer les soi­disant frau­deurs. Ils ne se cachent pas, non plus, pourmépriser les travailleurs sociaux, du secteurpublic comme du secteur associatif.

• Les juges pour enfants, les psychiatreset autres spécialistes voient leurs pra­tiques professionnelles devenir des espacesd’« obtempérance ».

• La police s’est accaparé le dossier de ladélinquance, au détriment de la Justice. Lesjeunes récidivistes sont désespérants pourla sécurité publique et l’éducatif est vili­pendé pour ne pas être assez « performant ».Apparaissent des fichiers dangereux pourles libertés, comme Edwige.

• La protection judiciaire de la jeunesse (PJJ)est renvoyée au pénal et la protection civiledes enfants aux départements, plus soumiseque jamais aux variations et aux limites despolitiques locales, sans garanties pour leslibertés publiques.

• Dans les établissements spécialisés du sec­teur médico­social, de plus en plus soumisà la frénésie gestionnaire, les listes d’attentes’allongent et la solution du maintien, voiredu retour au domicile, par exemple dans lecadre des services à la personne, a les préfé­rences de plus d’un décideur. Ainsi, chacunisolé est en charge de sa difficulté.

• Certes, de nouveaux droits sont généreuse­ment inventés. Mais c’est souvent de l’ordrede la rhétorique : droit au logement, droit àla scolarité pour les enfants handicapés.

• Manque, évidemment, une sérieuse et cou­rageuse politique d’offres, de la petiteenfance aux personnes âgées, sans oublierles jeunes.

• L’offensive contre les services publics estengagée. Dans les territoires de la décen­tralisation, le développement social et lesactions de solidarité sont affaire de pro­grammes et les intervenants ne sont plus,dès lors, que « ressources humaines », entraî­nés par un régime général de mise enconcurrence des opérateurs, de comparai­son systématique des coûts et des résultats,et de contrôle administratif. Comme si lesocial était devenu un quasi­marché.

• La régionalisation du système de forma­tion a accéléré son délitement et favoriséson adaptation aux besoins stratégiquesdu nouveau patronat social. Loin de ce

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5 • MP4 : un an déjà

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que font nos voisins européens, souventdans le cadre universitaire. Nous allons, aucontraire, vers une sorte de privatisation àla française.

• L’État est aux abonnés absents et la direc­tion générale de l’Action sociale (DGAS),qui assurait tant bien que mal l’unité poli­tique de l’action sociale et du travail social,a été rayée de la carte. Merci la LOLF, laRGPP, merci l’agence régionale de santé(ARS)...

• L’Éducation nationale est aussi dans lacible, mais résiste encore. Le retour auxfondamentaux s’accompagne d’un discoursvichyssois de dénonciation des sciencesde l’éducation et des IUFM, pendant quela réduction autoritaire des postes fait lereste. Dans le même temps, d’autres poli­tiques promeuvent le droit à la scolarisationpour tous les enfants handicapés, mêmeune heure par jour ou deux jours par mois,dénigrant au passage le secteur associatifspécialisé.

• Sur le front des sans­papiers, heureusementle Conseil supérieur du travail social (CSTS)a récemment réagi avec courage à une miseen œuvre de la politique migratoire de plusen plus attentatoire aux libertés. N’oublionspas qu’il est présidé par la ministre !

Voilà pourquoi il est temps de (re)prendre,une fois encore, la parole, tous ensemble, pourdire plus haut et plus fort : « Ça suffit. »

Des mobilisations, il en existe beaucoupdans toute la France, mais plus souvent localesque nationales, et cette dispersion est, sansdoute, ce qui fait notre commune faiblesse.

Voilà pourquoi un collectif composé, pourl’heure, de trois organisations — la CPO, quiest déjà un groupement, le MILH et sept centquatre­vingt­neuf radios sociales — a proposé,dans un premier temps, une université de ren­trée, les 4 et 5 octobre 2008, à Paris. Ce futl’occasion de faire le point, de rapprocher les

expériences, de confronter les analyses et, sur­tout, de décider des suites à donner.

4. UNE ORGANISATIONET UN LANGAGE COMMUNQUI S’INVENTENT PAS À PAS

Les 4 et 5 octobre 2008, cent vingt pro­fessionnels se sont donc retrouvés, à Paris,pour échanger sur les bases d’un manifeste.Le bouche à oreilles, les réseaux, les infor­mations dans la presse professionnelle ontfonctionné. Des ateliers se mettent au travail :médico­social, jeunesse, formation...

La presse professionnelle rend compte deséchanges et des projets. Des échanges parinternet suivront, sur un site internet dédié —www.mp4­champsocial.org —, qui devient lepôle fédérateur des contributions des groupeslocaux et des individus. Mais ce n’est passimple : le site est créé bénévolement, gérébénévolement, les webmasters ayant chacunleurs occupations professionnelles, leurs viesfamiliales, leurs engagements. Les mises enligne ne sont pas instantanées, les choix demise en ligne vont, parfois, plus vite que ladiscussion sur l’opportunité de les diffuser.

Une nouvelle rencontre nationale est orga­nisée le 27 novembre 2008, centrée sur lanécessaire organisation à adopter. Les per­sonnes porteuses de la rencontre d’octobre,au nom de leurs institutions, laissent laplace à un collectif légitimé par les présentset des groupes de travail permanents sontmis en place : formation, enfance­jeunesse,souffrance au travail, place de la clinique,médico­social, services sociaux d’intérêt géné­ral (SSIG). Chacun repart avec du travail àfaire : les membres du collectif doivent s’or­ganiser entre eux pour se partager les tâchesde pilotage ; les responsables des groupes thé­matiques doivent écrire une présentation de

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chaque projet d’échange ; les représentantsassociatifs et des groupes locaux doivent fairerelais.

Des réunions plus techniques suivront jus­qu’à l’été 2009, réunissant les responsablesdes groupes thématiques, des professionnelsfranciliens et le collectif issu du 27 novembre.Les échanges ne sont pas simples : vitessesde travail différentes selon les groupes, dispo­nibilités différentes selon les co­porteurs du

projet, tensions et désaccords sur des analyseset des prises de position, en particulier sur laquestion de la validation des acquis de l’expé­rience (VAE). Ce débat sort de MP4 et apparaîtdans les colonnes de la presse professionnelle.Pourquoi pas ?

En mars 2009, MP4 progresse d’un pas deplus, en diffusant sa Déclaration fondatrice,issue d’une écriture collective, particulière­ment complexe (encadré suivant).

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MP4 : Déclaration fondatrice (mars 2009)

La justice, la santé, l’éducation, le droit du travail tout comme l’action sociale et le travail socialsont des institutions de droit commun qui fondent notre République et concrétisent ses valeursd’égalité et de solidarité.

Nous, professionnels du champ social, dont le métier est d’aider, de soigner ou d’accompagnerles plus fragilisés, déclarons qu’il est de notre responsabilité de prendre collectivement la parole.

Parce que :

Les conditions d’existence faites actuellement dans ce pays à un nombre croissant de personnespauvres, jeunes, immigrées, handicapées ou âgées sont inacceptables :

• manque de ressources et d’emplois ;

• impossibilité d’accéder à un logement décent ;

• insuffisance et souvent inhospitalité des lieux d’accueil, d’hébergement ou de prise en chargespécialisée ;

• manque du respect le plus élémentaire pour les personnes les plus en difficulté devenuessouvent les plus vulnérables.

Parce que :

Les moyens dont nous disposons pour les aider, les soigner ou les accompagner sont à la foisrestreints et plus contrôlés que jamais, qu’il s’agisse de solutionner leurs problèmes de logement,d’hébergement, d’emploi, de ressources ou tout simplement de vie quotidienne (se soigner,s’alimenter, régler les factures d’énergie, de loyer, éduquer leurs enfants...).

Parce que :

Les soutenir pour qu’ils accèdent à ce que l’on appelle encore (mais pour combien de temps ?)leurs « droits sociaux » relève d’un parcours d’obstacles et d’un combat permanent avec :

• des institutions qui deviennent de plus en plus inaccessibles ;

• des personnels surchargés, soumis à des logiques gestionnaires qui conduisent à l’indifférence,voire à l’évitement ;

• des comportements collectifs dominés par la peur et le rejet ou encore le sentiment de fatalitédu malheur ;

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5 • MP4 : un an déjà

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• des politiques sociales habillées d’évidence ou de « bon sens », dont les seuls objectifs sont deréduire les coûts, par tous les moyens ;

• une conception de la justice et de la santé mentale de plus en plus répressive (jusqu’àl’invraisemblable), surtout pour les mineurs, les immigrés et les plus pauvres.

Parce que :

Notre espace professionnel d’intervention — qui n’a de raison d’être, faut­il le rappeler, que l’aideaux personnes — nous est de plus en plus confisqué. Nos savoir­faire cliniques sont ramenésà des procédures ou à des protocoles, notre temps de travail est de plus en plus prescrit etcontingenté. Quant à notre devoir d’interpellation des décideurs, il est dénié et pratiquementimpossible à exercer.

Nous devenons des « ressources humaines » affectées à des programmes ou à des dispositifstechnocratiques, carburant à la performance et à l’évaluation.

Notre disqualification s’aggrave encore :

• avec le recours trop fréquent au caritatif en lieu et place des professionnels, alors que chacundoit avoir sa place dans l’action sociale ;

• avec la solvabilisation croissante des usagers, qui change la nature même de la relation d’aide ;

• avec la détérioration des conditions de mise en œuvre des formations en travail social ;

• avec le déclin des références militantes à l’éducation populaire.

Parce que :

Les professionnels du champ social ne peuvent exercer leurs métiers qu’en référence à des valeursnon négociables :

• le respect des droits et de la dignité de chaque personne ;

• la recherche opiniâtre d’une autre répartition des richesses ;

• l’adhésion aux valeurs d’éducation et de progrès social ;

• la primauté du principe d’égalité sur celui d’équité et sa mise en œuvre dans des institutionspubliques ou associatives de solidarité non lucratives ;

• des prises en charge basées sur la responsabilité, la technicité et la créativité.

Pareille régression générale est inacceptable. C’est pourquoi nous nous sommes constitués en :« MOUVEMENT POUR UNE PAROLE POLITIQUE DES PROFESSIONNELS DU CHAMP SOCIAL » (MP4 ­ champsocial).

Il s’agit, pour nous, dans tous les secteurs où nous intervenons : Précarité ­ Santé ­ Justice ­Éducation ­ Animation ­ Formation ­ Culture... :

• d’exiger le retour au droit commun du travail, du logement et du bien­être pour les populationsles plus en difficulté, comme condition minimale du « vivre ensemble » ;

• de reconstruire une action sociale globale, cohérente et innovante, qui ne serait soumise, ni àl’économie concurrentielle, ni aux lois du marché des services à la personne ;

• de défendre tous les services publics ;

• de résister, avec le plus grand nombre, à la destruction systématique et programmée des acquissociaux, jusque dans les établissements, services et dispositifs où nous travaillons ;

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• de réaffirmer avec force notre professionnalité, nos métiers et nos savoir­faire ;

• de faire connaître, par tous les moyens, nos analyses critiques et nos propositions quantaux politiques sociales actuellement conduites en France et de dénoncer spécialement lesrenoncements des pouvoirs publics, alors que les difficultés sociales s’aggravent.

Le 17 octobre 2009 a lieu un nouveau pasen avant : MP4 se donne une forme asso­ciative dans le cadre de la loi de 1901. Lecollectif constituant était mandaté pour fairedes propositions en ce sens ; des statuts sontproposés, discutés, amendés, votés. Un conseild’administration est élu, qui désigne un bureauconstitué de quatre personnes.

Il devenait nécessaire de fixer clairementles règles de fonctionnement du mouvementet, quitte à les écrire, pourquoi ne pas allervers une formalisation associative ? La formeassociative pourra permettre, également, de sesituer en tant qu’institution légitime auprès despouvoirs publics et des décideurs politiques,toujours soucieux de savoir qui est leur inter­locuteur.

5. TROIS EXEMPLES D’ACTIONSET DE PRISES DE POSITION

La question des SSIG

La question de l’impact du droit commu­nautaire sur la notion de « services sociaux »est pointée, dès l’automne 2008, durant lesdeux premières assemblées générales de MP4.Sans définition juridique européenne oppo­sable, les « services sociaux d’intérêt général »(SSIG) risquent d’être assimilés à des servicesmarchands. D’autre part, le droit français doitretranscrire le droit européen en la matière,en l’adaptant. Avec une date butoir fixée au31 décembre 2009. Comment s’est élaboréela position française dans les instances euro­péennes ? Comment se travaille, en France

même, la retranscription ? Qu’en savent lesprofessionnels et comment sont­ils associés àces débats ?

Un collectif français existe déjà, centré surl’économie sociale. Ses membres agissent afinque cette branche de l’économie échappe àla non­réglementation, facteur de marchandi­sation. Mais, d’une part, ses débats restententre experts, d’autre part, la notion même deservice social n’est pas interrogée, donc passoutenue par ce collectif. Nous décidons, alors,que cette question doit être prise en comptepar MP4, aidé en cela par Joël Henry, qui metson expertise à la disposition du mouvement.Une pétition est lancée sur le site internetet fait l’objet d’une diffusion à l’occasion derencontres locales et nationales de collectifs,dont l’« Appel des appels ». Une nouvelle fois,la presse professionnelle est au rendez­vouset relaie cette action. Des courriers partentaux partis politiques. La plupart y répondent.Une journée de travail suivra, organisée auconseil régional d’Ile­de­France. Le film decette journée est mis en ligne.

La suppression du défenseurdes enfants

En septembre 2009, la fonction de défen­seur des enfants est supprimée au détourd’un projet de loi réformant le rôle et l’or­ganisation du médiateur de la République.Les réactions associatives, professionnelles etinstitutionnelles sont vives. Beaucoup d’entreelles portent sur la notion particulière de droitde l’enfant, sur la convention européenne, surles engagements de la France en la matière.

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5 • MP4 : un an déjà

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MP4 choisit de ne pas aborder la questionpar le droit, mais par l’analyse politique, sousl’angle : « La suppression du défenseur desenfants est une injure faite à la protection del’enfance. »

« La décision de supprimer cette autorité indé­pendante, spécifiquement en charge de ladéfense et de la promotion des droits del’enfant, agissant dans le cadre des recom­mandations de la Convention internationaledes droits de l’enfant qui fête son vingtièmeanniversaire, est totalement incompréhensible.

Le prétexte de la création d’un nouveaudéfenseur des droits, dont la compétenceserait élargie et inclurait celle des enfants,est une ineptie pratique doublée d’un men­songe d’État sur un recul des libertés et dudroit. Pareille création supprime en réalitéune institution spécifique à l’enfance, dontla nécessité est reconnue de tous et dont letravail remarquable depuis sa création en 2000est unanimement salué en France et à l’étran­ger. C’est l’indépendance qui fait peur auxpouvoirs en place, ici comme dans l’inquiétantprojet de suppression des juges d’instruction.

La question est éminemment politique. C’estla façon dont la fonction de Défenseur a étéinvestie par Claire Brisset, puis par Domi­nique Versini, qui dérange. Qu’est­ce quecette autorité indépendante qui se permetdes analyses sévères des politiques publiquesportant sur l’aide sociale à l’enfance, sur lajustice des mineurs, sur le sort fait aux parentsclandestins et à leurs enfants, sur la santé desadolescents ? Il est évidemment plus simple debriser le thermomètre, de nier les évidences,que d’accepter d’entendre ce que les analyseslégitimes ont pointé et pointent actuellement...Le mouvement MP4 appelle à une très largemobilisation pour dénoncer et, surtout, faireéchouer cette politique liberticide en trompe­l’œil. »

La création d’un séminairenational « Politiques socialesde solidarité de demain »

L’idée d’un espace, d’un laboratoired’échanges, d’un séminaire centré sur les poli­

tiques sociales du point de vue des acteursprofessionnels du social était, très vite, appa­rue à l’automne 2008. Cette idée a rencontrédes réflexions conduites au sein du MIHL,la rencontre s’est faite avec le CEDIAS et,septembre 2009, voyait la première rencontredu séminaire national « Politiques sociales desolidarité de demain ». Celui­ci doit se déroulersur trois ans, avec plus de quatre­vingts par­ticipants. MP4 a contribué à sa préparation,participe à sa conduite et participera à sasynthèse et son exploitation.

6. FIN 2009, UN PROJET QUI AGIT.UN PARI ?

L’objet de MP4, défini à l’article 2 de sesstatuts, est « la défense d’une professionnalitéau service de la personne, que ce soit dans lechamp du social, de l’éducation, de la justice,de la santé, dans le respect des valeurs républi­caines d’égalité et de solidarité, excluant toutemarchandisation de ces activités ».

MP4 se donne trois axes de travail :

• faire exister un site internet réactif, ouvertaux mouvements et aux collectifs « amis » ;

• poursuivre le développement des groupesthématiques, en lancer de nouveau, selonl’émergence et l’évolution des questions àtraiter ;

• aider à la coordination des mouvements etdes collectifs, ponctuée par des temps derencontres nationaux ;

Et, en plus de ces axes « permanents », MP4continuera de réagir rapidement à l’actualitéprofessionnelle et politique, en ayant pourcurseur à ces réactions l’inter­professionnalitéet le décalage par rapport aux institutionslégitimes, que sont les organisations profes­sionnelles thématiques et les syndicats. Cecipermet une parole décalée des enjeux institu­tionnels de ces organisations.

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Chapitre 6

Réformes impactantle secteur de la santé,du médico­socialet du social

Quels enjeux pour les acteurs du non­lucratif ?

Hubert ALLIER

Directeur général de l’Uniopss

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

PLAN DU CHAPITRE

1. De profonds bouleversements sont à l’œuvre 57

2. Le positionnement de l’Uniopss 58Les associations revendiquent le statut « non­lucratif » 58Les piliers fondateurs de l’associatif 58Le secteur associatif sera­t­il en capacité de changer de « culture » pouradapter « ces pratiques » ? 58

3. Des enjeux de solidarité face aux réformes en cours 59L’impact de l’Europe 59L’architecture institutionnelle de la République 59La régulation du secteur 60

4. La « concourrence » plutôt que la concurrence 61

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6 • Réformes impactant le secteur de la santé, du médico­social et du social

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1. DE PROFONDSBOULEVERSEMENTSSONT À L’ŒUVRE

Un constat en cinq points et en formed’interrogations pour ouvrir la réflexion. Lamise en œuvre des changements en coursapportera, peut­être, des nuances à ces « affir­mations abruptes » données aujourd’hui. Ceschangements annoncés ne font, cependant,qu’amplifier certaines tendances déjà exis­tantes. À savoir :

• la gestion de l’action publique change denature : fondamentalement, toutefois, il nese dégage pas une ligne de force :

– l’État fait appel, de plus en plus, au mar­ché ou à ses mécanismes, ses méthodeset, en même temps, il renforce sonemprise. Par exemple, les appels à pro­jets et le nouveau service public hospi­talier, mais aussi un directeur d’agencerégionale de santé (ARS) très puissant etune réglementation foisonnante.C’est plus qu’un simple glissement. C’est,sans doute, une nouvelle logique derégulation ;

– le choix entre véritable décentralisa­tion et décentralisation déconcentrée nes’impose pas de manière claire et com­préhensible ;

• le « statut de la personne morale gestion­naire » n’intéresse que peu. Ce qui estpremier, c’est l’activité. D’où une question :à quoi cela sert­il de garder le modèle asso­ciatif et le caractère « non lucratif » ? On yvoit clairement l’influence de l’Europe. Aunom de l’efficacité économique, de la per­formance, le « culte de la norme » risquejustement de devenir « la norme » dans lesformes de réponses à apporter !

• plus ennuyeux si cette tendance se confir­mait, le « véritable statut » des personnes(leurs potentialités) semble passer ausecond plan. C’est particulièrement sensibledans le domaine des services à la personne,où le droit d’option — entre autorisation loi2002­2 et agrément loi Borloo 2005 — créeune césure au sein même de la populationvulnérable et fragile. On retrouve, ici, deuxproblématiques fondamentales qui n’ontjamais été approfondies jusqu’au bout : lefinancement de l’aide à domicile et le choix(donc l’articulation), jamais véritablementopéré, entre politique d’action sociale etpolitique de l’emploi dans le soutien à cesecteur d’avenir ;

• un changement de logique de « dialogue » :d’une logique qui faisait se rencontrerl’ascendant et le descendant (CROSMS, pro­cédure budgétaire...), on glisse vers unelogique plutôt descendante (appels à pro­jets, réforme de la tarification...). Espéronsque, côté « dialogue », celui­ci s’amélioreraentre collectivités territoriales et État. Lesrelations actuelles n’étant pas de nature àcréer les conditions de la confiance et de laresponsabilité partagée ;

• des modes de financement qui « inter­rogent » la fonction collective et la mixitésociale ! Dans le secteur de la solidarité, cesfinancements risquent de ne pas prendresuffisamment en compte, du fait de leursnouveaux fondements (tarifs à l’activité, àla personne, à la ressource...), le souci del’ingénierie globale et collective d’accom­pagnement. Attention, de ce fait, à ne pasfavoriser la sélection du public ou la baissede la professionnalisation, de la qualité oude la sécurité !

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2. LE POSITIONNEMENTDE L’UNIOPSS

Avant d’entrer dans le vif du propos,voici trois rappels qui expliquent le posi­tionnement porté par l’Uniopss au regard dubouleversement profond auquel conduisentces nombreuses réformes. L’Uniopss s’appuieet met en avant sa mission de « valorisationdu secteur non lucratif dans les dispositifs desolidarité en France et en Europe, en contri­buant à sa modernisation », pour éclairer lesmutations en cours.

Les associations revendiquentle statut « non­lucratif »

Depuis des années, les associationsaffirment leurs spécificités. Aujourd’hui, il nes’agit plus de crier « non­lucratif, gestion dés­intéressée, démocratie », il s’agit de faire vivreplus, mieux et de manière plus visible ces spé­cificités. C’est important, non seulement du faitdes réformes engagées en France, mais aussien raison de notre appartenance à l’Unioneuropéenne — nous sommes dans un marchéunique —, en particulier avec les dossiers tou­chant à la transposition de la directive services,aux services sociaux d’intérêt général (SSIG)et aux aides d’État.

Les piliers fondateursde l’associatif

Au­delà de la gestion désintéressée, troisautres points, dans les spécificités revendi­quées, sont à regarder de près :

1. les deux piliers fondateurs du non­lucratif,particulièrement de l’associatif, sont :

– le projet social, qui se veut un pro­jet socio­politique de transformationsociale engageant la société civile dans

un contrat social sur un territoire. C’estle projet associatif. Il renvoie à la gou­vernance de l’organisation ;

– les projets liés aux activités écono­miques, qui traduisent ce projet associa­tif en actions et mettent en mouvementde multiples acteurs, dans le cadrede financements divers (public, privé,fonds propres...). C’est le projet desstructures gérées (projets d’établisse­ments et de services). Ils renvoient àla dirigeance de ces activités au sein dela gouvernance de l’organisation ;

2. la pluralité des acteurs au service de la miseen œuvre du projet associatif (bénéficiaires,familles, administrateurs, bénévoles, sala­riés, volontaires, donateurs...) ;

3. l’ancrage territorial et la participation à lavie sociale, économique de ce territoire.

Le secteur associatif sera­t­ilen capacité de changerde « culture » pour adapter« ces pratiques » ?

Il s’agit de développer une culture nou­velle, sans perdre son âme, pour promouvoirun modèle associatif et des associations encapacité de maintenir et de développer leursactions dans la société et dans les dispositifsde solidarité.

Ce changement de « culture » constitue,sans doute, le principal défi : garder sa propreidentité, tout en « jouant » collectif au sein dela famille ; mieux distinguer, pour mieux lesarticuler, la dimension projet et la dimensionactivités ; organiser, de manière cohérente, lareprésentation collective à tous les niveauxpertinents territoriaux ; travailler les notionsde « taille critique », de rapport coûts/qualité,sans perdre le sens et la finalité...

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6 • Réformes impactant le secteur de la santé, du médico­social et du social

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3. DES ENJEUX DE SOLIDARITÉ FACEAUX RÉFORMES EN COURS

Il ne s’agit pas de reprendre en détail toutesles réformes qui impactent ou vont impacterle secteur de la santé, du médico­social et dusocial, dans un contexte de crise très lourd,dont les conséquences sont, à ce jour, loind’être totalement connues. La liste serait troplongue : réforme de l’État, révision généraledes politiques publiques (RGPP), réforme descollectivités territoriales, loi « Hôpital, patients,santé et territoires » (HPST), réforme de la tari­fication et des financements...

Je vais plutôt m’attacher à les ordonnerautour de trois points forts.

Il semble, en préalable, important de nousremettre en mémoire les enjeux auxquels notrepays est confronté et pour lesquels une mobi­lisation et une parole du monde associatif sontattendues :

• le financement de la protection sociale pourune « couverture » accessible à tous ;

• des besoins, mais aussi des attentes, de plusen plus importants (vieillissement, jeunesse,santé...) ;

• la garantie du respect et de l’exercice desdroits individuels — pas seulement le droitdu consommateur/prestataire, mais aussicelui du citoyen — par la reconnaissanced’un cadre collectif accompagnateur.

Ce sont des enjeux de solidarité qui sontdevant nous et pas seulement des « adaptationséconomiques et structurelles. » Au regard deleur histoire commune, de leurs engagements,les associations ne peuvent rester étrangèresaux solutions qu’il convient d’inventer.

Ce que l’Uniopss résume à travers la thé­matique abordée lors de son congrès des 27,28, 29 janvier 2010, à Lyon : « Les solidarités àl’épreuve de la crise : intérêt général ou com­pétition ? ».

L’impact de l’Europe

Les règles européennes, qui s’imposent àla France, touchent le secteur de la solidarité.Celles­ci demandent aux États d’adapter leurlégislation nationale.

Avec, notamment, l’achèvement du marchéunique, la transposition de la directive servicesdans le droit français... c’est la considérationréservée, dans les dispositifs, aux personnesvulnérables et fragiles, riches ou pauvres, lour­dement atteintes ou plus légèrement, qui està observer. C’est aussi la place reconnue auxacteurs non lucratifs, au sein de l’économiesociale, dans l’économie et dans la société.C’est, enfin, la reconnaissance de l’intérêt géné­ral comme fondement de l’action qui est encause.

Mais il y a des personnes qui ne sont pasdes consommateurs comme les autres. Il nefaut jamais l’oublier. Le secteur non lucratifveut privilégier la mixité sociale pour éviter lacréation de « ghettos sociaux ». Il y a donc unevision sociétale affirmée et défendue !

L’architecture institutionnellede la République

En pleine évolution, la nouvelle architec­ture n’est pas encore totalement dévoilée. Àla clef, une simplification annoncée, qui, dansles faits, débouchera sur tout autant de com­plexité et, peut­être, moins de visibilité et decompréhension pour le citoyen et l’usager !

L’article 1er de la Constitution se révèle biendifficile à mettre en œuvre dans les faits. Il sti­pule :

« La France est une République indivisible,laïque, démocratique et sociale. Elle assurel’égalité devant la loi de tous les citoyens sansdistinction d’origine, de race ou de religion.Elle respecte toutes les croyances. Son orga­nisation est décentralisée. »

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Nous n’arrivons pas à opérer un choix entredécentralisation et déconcentration.

La réforme de l’État, la RGPP, la nouvelleorganisation régionale, la direction régionalede la Jeunesse, des Sports et de la Cohésionsociale (DRJSCS), la direction interrégionalede la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ)sur neuf régions, les représentations départe­mentales différenciées suivant la démographiedu territoire, la réforme des collectivités ter­ritoriales... Tout cela conjugué risque fort decomplexifier le paysage ! A cela, il convientd’ajouter l’impact de la loi « Hôpital, patients,santé et territoires », avec, en particulier, lacréation des agences régionales de santé (ARS),tout à la fois un produit de la RGPP et de laréforme de l’État.

C’est donc le rapport aux territoires et larelation aux pouvoirs publics qui se voientquestionnés. Les interlocuteurs sont multiples.Comment vont­ils travailler ensemble ? Com­ment les acteurs de terrain vont­ils s’y retrou­ver ?

Le sanitaire et le médico­social (relevant del’assurance­maladie) seront, certes, réunis ausein des ARS. Mais le reste du médico­social(hébergement) et une partie du social (aidesociale à l’enfance...) sont de la compétencedes départements. Enfin, une autre partie dusocial (CHRS...) demeure l’apanage de l’Étatvia les DRJSCS.

Le secteur non lucratif est, quant à lui, pré­sent dans tous les dispositifs, à travers tousles modes d’intervention. C’est sa force. Ilpeut donc contribuer à une meilleure coordina­tion des politiques publiques et une meilleurecontinuité des prises en charge entre tous lesdispositifs, au­delà du décloisonnement sani­taire/social, mis en avant avec la création desARS.

La régulation du secteur

Les fondements historiques de la régulationdu secteur sont bouleversés. Nous assistons àune inversion du rapport traditionnel entreles acteurs qui interviennent dans l’accompa­gnement, le soin... des personnes fragiles etvulnérables. Dès lors, que deviennent les asso­ciations ? Prestataires plutôt que partenaires !Soumises à une logique descendante plu­tôt qu’une logique ascendante ! « Bras méca­nique » de la puissance publique ?

Cette évolution découle de la réforme dela tarification et des financements, mais aussides dispositions de la loi « HPST ». À savoir :

• la disparition du service public au profit desmissions de service public, sans garantied’un bloc de service public assuré. Au pas­sage, on enregistre la disparition du statut« participant au service public hospitalier »(PSPH) et l’on s’interroge sur la bataillelégislative qui a conduit à l’obtention d’unedénomination dont le contenu — quellesconséquences juridiques ? — n’est pas clairà ce jour, dans l’attente des décrets : éta­blissement sanitaire privé d’intérêt collectif(ESPIC) et établissement social et médico­social privé d’intérêt collectif (ESMSPIC) ;

• la nouvelle planification sanitaire, sociale etmédico­sociale ;

• la nouvelle procédure de délivrance desautorisations, avec le recours quasi systé­matique à la technique de l’appel à projets— au contenu juridique flou —, qui préci­pite la disparition des comités régionauxde l’organisation sociale et médico­sociale(CROSMS) ;

• les contrats pluriannuels d’objectifs et demoyens (CPOM) obligatoires au­delà de cer­tains seuils ;

• un directeur d’ARS intronisé nouveau régu­lateur ?

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6 • Réformes impactant le secteur de la santé, du médico­social et du social

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C’est la relation entre les organisationsdu secteur, avec les autorités publiques, quidoit être analysée, au­delà des rencontresbilatérales, pour être porteurs d’une parole col­lective de l’ensemble des acteurs non lucratifsde la solidarité, comme d’une parole collectiveplus sectorielle, pour des actions coordonnées.C’est aussi la capacité d’adaptation à un envi­ronnement difficile qui doit être encouragée.La capacité à travailler autour de notions que lesecteur n’aime pas prendre en compte : la défi­nition d’une taille critique, les économies demoyens, les fonctions ressources communes,les groupements ou mutualisation (à différen­cier des fusions).

Dans le contexte de cette nouvelle régu­lation — qui met, plus encore, en avant laprofessionnalisation, la qualité, l’évaluation, lasécurité — la seule question qui demeure etqui vaille est la suivante : pour faire vivre monprojet, pour le maintenir vivant et actuel, dequoi ai­je besoin ? Pour y répondre, l’analysemanagériale doit précéder la réponse écono­mique.

Le secteur non lucratif porte, quant à lui,le souci du bien commun, de l’intérêt géné­ral. Son histoire collective est faite d’avancéesinnovantes en terme de modalités de priseen charge, de progression institutionnelles etpédagogiques, entre autres la notion de pro­jets... À ce titre, mieux que d’autres, il devraitêtre à même de s’organiser sur les territoires,pour accompagner, sans se faire dominer, lesmutations qu’il va devoir conduire en son sein,tant dans la dimension de chaque organisa­tion que dans le collectif. Et ce, en se posant,individuellement et collectivement, les bonnesquestions :

• analyse de la « taille critique » pour assu­rer qualité, sécurité, professionnalisation

et permettre la mobilisation dynamique etinventive ;

• recherche « d’économies d’échelles », parla gestion commune de moyens, des rap­prochements, la coopération, le regroupe­ment de fonctions ressources (ressourceshumaines, qualité...), pour être en capacitéde se concentrer sur l’essentiel, l’accompa­gnement des personnes ;

• meilleure inscription dans la coordinationdes acteurs, pour assurer une plus grandecontinuité dans le parcours du bénéficiaireet offrir une plus grande complémentaritéde l’offre ;

• se regrouper de manière pertinente, loca­lement, pour être en capacité de répondreaux attentes et aux besoins des populations.

4. LA « CONCOURRENCE » PLUTÔTQUE LA CONCURRENCE

Le « non­lucratif » a encore de beaux joursdevant lui. Il a du sens dans une société quise marchandise de plus en plus. Mais il doitse moderniser.

Cette modernisation du non lucratif desolidarité, au nom des spécificités qu’il sou­haite promouvoir, doit adopter une « postureparticulière », faisant de « l’intérêt général » sapriorité. Ne laissons pas la seule compétitions’imposer comme règle du jeu. Développonsce que nous pourrions nommer la « concour­rence » — collaborer dans le cadre du marché—, plutôt que de nous aligner sur la concur­rence largement pratiquée.

Ces réformes multiples sont une opportu­nité à saisir pour le faire.

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Chapitre 7

Handicap et pauvreté :l’urgence du revenud’existence

Jean­Marie BARBIER, Président de l’APF

Patrice TRIPOTEAU, Directeur des actions nationales à l’APF

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

PLAN DU CHAPITRE

1. Handicap et pauvreté : un traitement social historiquement distinct 65

2. Handicap : la survie en dessous du seuil de pauvreté 66

3. « Ni pauvre, ni soumis » : l’urgence d’un revenu d’existence ! 67

4. Revenu d’existence : mobiliser et convaincre 68

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7 • Handicap et pauvreté : l’urgence du revenu d’existence

65

L’UNION européenne consacre l’an­née 2010 comme l’Année euro­péenne de lutte contre la pauvretéet l’exclusion sociale. L’occasion demieux connaître toutes les formes

de pauvreté et d’exclusion sociale. L’opinionpublique associe, très souvent, le phéno­mène de la pauvreté aux populations despays en voie de développement ou aux per­sonnes sans domicile fixe vivant dans nosrues. Mais, à compter des années 1980, on acommencé à parler des « nouveaux pauvres ».Puis, aujourd’hui, on identifie des « travailleurspauvres », des « seniors pauvres », des « enfantspauvres »... : les riches sociétés occidentalesproduisent des nouvelles formes de pauvreté,dont les pouvoirs publics et les associationsessaient, à la fois, de mieux préciser lescontours et d’élaborer des politiques pour atté­nuer ces nouveaux phénomènes.

La pauvreté d’un grand nombre de per­sonnes en situation de handicap constitue uneforme particulière de précarisation et d’exclu­sion sociale, qu’il faut prendre en compte dansles politiques de lutte de pauvreté. Aujour­d’hui, cette réalité est encore mal évaluée etles indicateurs de pauvreté actuels mesurenttrop partiellement l’impact de l’état de santéou de handicap sur les situations de pauvreté.

1. HANDICAP ET PAUVRETÉ :UN TRAITEMENT SOCIALHISTORIQUEMENT DISTINCT

À partir du Moyen Âge, une distinc­tion s’opère progressivement au sein des« pauvres », avec l’institutionnalisation des dis­positifs d’assistance en direction de popula­tions qui ne peuvent subvenir à leurs besoinsen raison de leur âge, de leur état de santé...,

en les distinguant des « vagabonds » et des« mendiants ».

Avec l’industrialisation de la France dela fin du XIXe siècle et la grande guerre de1914, l’importance du nombre de personnesaccidentées du travail ou de victimes deguerre va poser le problème de la prise encharge de l’invalidité. La responsabilité col­lective est reconnue et, de ce fait, ouvre desdroits à réparation. Cette réparation prenddifférentes formes : celle d’une indemnisa­tion financière d’abord (indemnisation desaccidents du travail, pension d’invalidité desmutilés de guerre), puis celle d’une réadap­tation, via les pratiques de rééducation etd’appareillage.

Dans le courant du XXe siècle, des« malades » et des « paralysés » vont commencerà se regrouper en amicales — l’Association desparalysés de France est issue d’une amicale quiémerge au début des années trente — pourfaire reconnaître leurs difficultés spécifiquespour se soigner, aller à l’école, travailler...

Le terme « handicap » apparaît dans le cou­rant de ce XXe siècle et englobe tout type dedéficience, quelle que soit sa nature ou son ori­gine. La catégorie de « personne handicapée »se substitue alors aux précédentes (infirmes,invalides, inadaptés, idiots...), en les unifiantsous une qualification commune de « per­sonnes à réadapter », associée à des dispositifsinstitutionnels et législatifs, principalement laloi d’orientation en faveur des personnes han­dicapées, votée en 1975. Celle­ci institue lestatut de « personne handicapée », assorti dedroits spécifiques, de modes d’aide et de priseen charge, en particulier dans le cadre d’unsecteur spécialisé.

Ce rappel historique montre comment s’estconstruit, pendant plusieurs siècles, un traite­ment social du handicap distinct de celui dela pauvreté.

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

Sans assimiler ces deux situations, il est,aujourd’hui, nécessaire de mieux repérer laspécificité des conditions de pauvreté vécuespar les personnes en situation de handicap.

2. HANDICAP : LA SURVIE ENDESSOUS DU SEUIL DE PAUVRETÉ

Entre 2003 et 2005, le projet de loi « Handi­cap » a donné lieu à de nombreux échanges surla question des ressources des personnes ensituation de handicap. Les associations repré­sentatives attendaient de cette nouvelle loi uneévolution des dispositifs d’allocations et pen­sions versées aux personnes qui ne peuventtravailler en raison de leur handicap ou de leurmaladie, en sortant d’une logique de minimasociaux et en ne prenant plus en compte lesressources du conjoint.

Pour le gouvernement et une majorité deparlementaires, la nouvelle prestation de com­pensation du handicap — l’une des principalesinnovations de la loi — devait mieux finan­cer les dépenses liées aux conséquences desincapacités fonctionnelles et, par conséquent,améliorer le niveau de vie des personnes ensituation de handicap.

Or une enquête de l’APF1, publiée enjuillet 2004, démontrait le contraire. Toutd’abord, le résultat de cette enquête indiquaitque 60 % des personnes qui avaient réponduvivaient avec moins de 1 000 euros par mois.L’analyse des données mettait également enexergue un phénomène, révélateur de l’in­suffisance de moyens pour vivre dignement :l’utilisation d’une partie de leurs aides finan­cières liées à la compensation pour subvenirà leurs frais de vie quotidienne. 28 % des

personnes ayant moins de 1 000 euros pourvivre touchaient entre 500 et 1 000 euros decompensation ; or seulement 16 % de celles­ciconsacraient le même montant, dans leur bud­get, aux frais liés au handicap. Cette mêmeenquête nous indiquait qu’un tiers des per­sonnes ayant moins de 1 000 euros pour vivren’utilisaient pas certaines aides techniques parmanque de moyens financiers. Les personnesréalisaient donc bien un choix cornélien : ellespréféraient utiliser une partie de leur compen­sation pour survivre au quotidien, ce qui seressentait sur la compensation de leur handi­cap, qui, de ce fait, était incomplète !

En 2004, les adhérents de l’APF décidentdonc de se mobiliser et l’association com­mence à communiquer sur le fait que lespersonnes en situation de handicap vivent endessous du seuil de pauvreté, notamment lesbénéficiaires de l’allocation adulte handicapé(AAH) et de certaines pensions d’invalidité oude vieillesse.

Cette réalité de pauvreté, le gouvernementla conteste, considérant que les bénéficiairesde l’AAH ont accès à des droits connexes(allocation logement, exonérations fiscales...)portant leur pouvoir d’achat équivalent à celuid’un salarié au SMIC. Et certains parlemen­taires s’interrogent sur l’écart du montant duRMI et de l’AAH.

Par conséquent, la question des ressourcesdes personnes en situation de handicap est« l’oubliée » de la loi handicap du 11 février2005, malgré la création d’une garantie deressources octroyée à moins de 10 % des béné­ficiaires de l’AAH.

En 2005, la lutte contre la pauvreté des per­sonnes en situation de handicap ne fait quecommencer...

1. « Ressources et compensation : Quelles conditions de vie pour les personnes en situation de handicap ? »,enquête nationale de l’APF, juillet 2004, échantillon représentatif de trois mille cent quatre­vingt­dix­sept per­sonnes en situation de handicap. 75 % des personnes ont entre 20 et 60 ans et 90 % vivent à domicile.

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7 • Handicap et pauvreté : l’urgence du revenu d’existence

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3. « NI PAUVRE, NI SOUMIS » :L’URGENCE D’UN REVENUD’EXISTENCE !

Déjà, en avril 2007, le Conseil natio­nal consultatif des personnes handicapées(CNCPH) adressait au gouvernement un rap­port sur le sujet des ressources des personnesen situation de handicap :

« Le manque de ressources est l’une des préoc­cupations majeures des personnes en situationde handicap. Les personnes en situation dehandicap qui souhaitent travailler exprimentleurs difficultés d’accéder à des formations,à un emploi et dénoncent des montants d’al­location ou de pension trop bas. Celles quisont dans l’impossibilité de travailler en raisonde leur handicap réclament un revenu d’exis­tence et non un revenu d’assistance. Dans lerapport d’activité 2004­2005, le CNCPH a rap­pelé que la loi du 11 février 2005 n’a pris encompte que de manière partielle et insuffisantela question des ressources des personnes ensituation de handicap. Le CNCPH a soulignéqu’il est essentiel de distinguer le financementdes moyens de compensation lié aux surcoûtsdu handicap, des ressources des personnesliées à une dimension d’insertion et de partici­pation sociale. C’est la raison pour laquelle leCNCPH s’est auto­saisi au mois d’octobre decette question. En décembre 2006, le ministredélégué aux Personnes handicapées, PhilippeBas, a demandé au CNCPH d’élaborer des pro­positions à lui transmettre pour la fin du moisde février 2007. »

Aucune suite n’a réellement été donnée àce rapport.

L’APF prend alors l’initiative, à l’automnede 2007, de solliciter le plus grand nombred’organisations pour se rassembler autour desquestions des ressources et pour la créationd’un revenu d’existence. En janvier 2008, « Nipauvre, ni soumis » présente sa plate­forme« L’urgence d’un revenu d’existence ». L’intro­duction de ce document est forte :

« La situation est grave : des centaines de mil­liers de personnes en situation de handicap oude maladie invalidante, quel que soit leur âge,sont condamnées à vivre toute leur vie sous leseuil de pauvreté. Cela fait des années que celadure, tant d’années, trop d’années que nousdénonçons cette situation. [...] Notre mobili­sation interassociative et citoyenne, nous ensommes sûrs, y parviendra ! Parce que notremission n’est pas de panser des plaies maisbien de défendre des droits ! Qui sont ces per­sonnes dont nous parlons ? Et bien ce sontles personnes en situation de handicap ouatteintes d’une maladie invalidante, quel quesoit leur âge, qu’elles vivent à domicile ouen établissement. Ce sont ces familles quis’inquiètent pour l’avenir de leur enfant, quiaimeraient leur offrir d’autres perspectivesque celle d’une précarité et d’une insécuritéfinancière toujours croissantes. “Ni pauvre,ni soumis”, c’est le projet d’une société quin’exclut personne, c’est faire en sorte que lesvaleurs de citoyenneté, de solidarité, de par­ticipation, de non­discrimination, de respectet de dignité cessent d’être des mots, encoredes mots, toujours des mots, rien que desmots dans le discours de nos politiques. Ceque nous attendons d’eux, ce que nous exi­geons d’eux, c’est qu’ils en viennent enfin auxactes ! »

« Ni pauvre, ni soumis » veut frapper fort et,le 29 mars 2008, trente­cinq mille personnesen situation de handicap ou de maladie inva­lidante défilent à Paris. C’est un événementhistorique. Le président de la République réaf­firme son engagement d’augmenter l’AAH de25 % pendant son mandat — comme il s’yétait engagé lors de la campagne présidentielle,mais le projet de loi de finances pour 2008 neprésente aucune augmentation significative del’AAH. Le président de la République annonce,à la conférence du handicap du 10 juin 2008,une réforme de l’AAH, qui se réduit à déclinerle slogan présidentiel : « Travailler plus, pourgagner plus ! » Et d’inviter les bénéficiaires del’AAH à reprendre un travail !

Depuis près de deux ans, le gouverne­ment annonce des réformes partielles pour un

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meilleur cumul AAH/salaires (sur une logiqueéquivalente à celle du RSA), ainsi qu’uneréforme des compléments ressources, avecune réflexion sur la notion d’employabilitédes personnes en situation de handicap. Ennovembre 2009, les associations n’avaient tou­jours pas connaissance du contenu de cesréformes.

4. REVENU D’EXISTENCE : MOBILISERET CONVAINCRE

Le revenu d’existence doit avoir deux objec­tifs prioritaires : réduire les conditions depauvreté des personnes en situation de han­dicap, dont la majorité des bénéficiaires setrouvent en dessous du seuil de pauvreté, etinciter et encourager, quand cela est possible,l’accès ou le retour à l’emploi.

Les principes du revenu d’existence ne fontque reprendre l’alinéa 11 du préambule de laConstitution de 1946, qui précise :

« Tout être humain qui, en raison de son âge,de son état physique ou mental, de la situa­tion économique, se trouve dans l’incapacitéde travailler a le droit d’obtenir de la collecti­vité des moyens convenables d’existence ».

Ce revenu d’existence doit s’appuyer surles principes suivants :

• sortir d’une logique d’assistance des minimasociaux et favoriser l’exercice d’une pleinecitoyenneté ;

• instaurer un revenu d’existence au moinségal au SMIC brut assorti de cotisations ;

• être calculé indépendamment du revenu duconjoint, du concubin, de la personne aveclaquelle un pacte civil de solidarité a étéconclu ;

• permettre l’exercice de la citoyenneté, enétant soumis à l’impôt sur le revenu et enrentrant dans les ressources du foyer ;

• favoriser un principe d’intéressement detype RSA, encourageant l’accès ou le retourà l’emploi.

L’APF a défini une typologie des personnesconcernées au regard de leur positionnementà l’égard de l’accès à un emploi :

• les personnes en situation de handicap dansl’incapacité de travailler ou d’exercer uneactivité régulière dans un milieu profession­nel salarié, y compris en entreprise adaptéeou encore en ESAT ;

• les personnes en situation de handi­cap à potentiel, à faire évoluer, dotéesd’une aptitude à intégrer socialement unmilieu d’activité, nécessitant un accompa­gnement médico­social (comme un ESAT,par exemple) ;

• les personnes en situation de handicap aveccompétence et aptitude, mais sans qualifi­cations ;

• les personnes en situation de handicap avecune qualification et des compétences, maisayant des difficultés d’accès aux offres d’em­ploi.

Le revenu d’existence serait versé à toutepersonne en situation de handicap, présentantun taux d’incapacité égal ou supérieur à 50 %,momentanément ou durablement dans l’inca­pacité d’avoir accès à l’exercice d’une activitéprofessionnelle rémunérée, quel que soit sonlieu de vie. Il interviendrait aussi si une pers­pective d’accès à l’emploi est raisonnablementavérée : le versement du revenu d’existenceserait alors revu régulièrement et conditionnéà l’engagement dans un parcours d’insertion(voire de formation), avec l’appui d’une équipepluridisciplinaire.

Cependant, il est difficile de définir etd’objectiver la notion d’impossibilité d’accèsà l’emploi. Les réflexions et expérimenta­tions relatives à l’employabilité ne donnentaucun élément constructif. Pour l’APF, lesdifficultés d’accès à l’emploi ou d’efficience

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7 • Handicap et pauvreté : l’urgence du revenu d’existence

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réduite ne peuvent s’analyser qu’en situation.Pour une personne en situation de handi­cap, il s’agit de la conjonction de plusieursfacteurs dans différents registres : situationéconomique, environnement, perception duhandicap, état de la personne, qualification,transport, logement de proximité...

Lors de la conférence nationale du handi­cap de juin 2008, le gouvernement a rejeté ceprojet de revenu d’existence, considérant que40 % des personnes concernées seraient per­dantes. En fait, l’étude d’impact de ce revenud’existence a considéré que la création durevenu d’existence aurait pour conséquencede supprimer l’attribution d’une demi­part sup­plémentaire, attribuée notamment aux bénéfi­ciaires de pension d’invalidité ou bénéficiantd’une carte d’invalidité civile. Cette disposi­tion fausse l’analyse sur l’impact du revenud’existence car l’attribution de cette demi­partsupplémentaire est plus liée à une situation dehandicap qu’à une condition de ressources :rappelons que de nombreuses personnes ensituation de handicap doivent financer de nom­breux moyens de compensation, qui ne sontpas pris en charge par la prestation de com­pensation.

Pour l’APF, le débat n’est pas clos.D’ailleurs, à l’occasion du débat d’initiative par­lementaire relatif au bilan de l’application de laloi du 11 février 2005, le député Jean­François

Chossy est intervenu en conclusion, au nomdu groupe UMP, avec ces mots, en s’adressantà Valérie Létard :

« J’aimerais tout de même évoquer les res­sources, notamment le fameux revenu d’exis­tence personnel. Vous avez, Madame la secré­taire d’État, dénoncé les effets pervers dece revenu d’existence, ce que je veux bienentendre. Cependant, il me paraît nécessairede réfléchir afin de mettre sur pied un systèmeinnovant et concerté permettant aux per­sonnes handicapées de bénéficier d’un revenud’existence qui soit digne de celles­ci. ».

Sur la base de cette intervention, il estimportant que le président de la Répu­blique, le gouvernement et les parlementairesreprennent ce sujet, qui doit être la base d’unenouvelle étape d’une réforme de la politiquedu handicap en France, cinq ans après la loidu 11 février 2005 et en vue de la prochaineconférence nationale du handicap.

Cette réforme des ressources des personnesen situation de handicap doit s’initier dès cetteannée 2010, en s’inscrivant dans la lutte contrela pauvreté et l’exclusion sociale engagée parle gouvernement et l’Union européenne.

La pauvreté des personnes en situationde handicap est une réalité que les pouvoirspublics ne peuvent plus ignorer et doiventappréhender en identifiant ses formes particu­lières et les réponses appropriées.

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Chapitre 8

Le lancementde l’évaluation externedes ESMS

Didier CHARLANNE

Directeur de l’Anesm

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

PLAN DU CHAPITRE

1. La procédure d’habilitation 73La mise en œuvre 74Refus, suspension ou retrait d’habilitation 75Les candidats à l’habilitation 76

2. L’évaluation externe 77Le déroulement 77Les objectifs de l’évaluation externe 77Structuration de la démarche évaluative 78

3. Les étapes de l’évaluation 78

4. Le rapport d’activité renduà l’Anesm par les organismes habilités 79Les attendus de l’Anesm 79

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8 • Le lancement de l’évaluation externe des ESMS

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LA LOI de rénovation de l’actionsociale du 2 janvier 2002 fait obliga­tion aux établissements et servicessociaux et médico­sociaux (ESSMS)visés à l’article L. 312­1 du Code

de l’action sociale et des familles (CASF) de« procéder à l’évaluation de leurs activités etde la qualité des prestations qu’ils délivrent,notamment au regard de recommandations debonnes pratiques validées par l’Agence ».

Cette disposition nécessite que les établis­sements et services puissent s’appuyer sur desrepères élaborés par le secteur professionnelet validés par une instance nationale, ou, encas de carence, élaborés par cette dernière,l’Agence nationale de l’évaluation et de la qua­lité des établissements et services sociaux etmédico­sociaux (Anesm).

Le législateur a confié deux missions àl’Anesm :

• d’une part, valider ou, en cas de carence,élaborer des procédures, des références etdes recommandations de bonnes pratiquesprofessionnelles, selon les catégories d’éta­blissements ou de services (art. L. 312­1 duCASF), en vue de l’évaluation interne etexterne ;

• d’autre part, habiliter les organismes exté­rieurs qui procèdent à l’évaluation externedes activités et de la qualité des presta­tions des établissements et services citésci­dessus.

Le dispositif de l’évaluation, dont le calen­drier a été modifié par la loi du 21 juillet 2009dite « Hôpital, patients, santé et territoires »(HPST), comporte ainsi deux dimensions com­plémentaires :

• l’une oblige chaque établissement et ser­vice à mettre en œuvre une évaluationinterne, avec l’obligation d’en communiquerles résultats aux autorités de contrôle ;

• l’autre fixe le cadre d’une évaluationexterne pratiquée par des organismes exté­rieurs : les ESSMS visés à l’article L. 312­1du CASF étant désormais tenus de procéderà deux évaluations externes entre la datede l’autorisation et le renouvellement decelle­ci. Le calendrier de ces évaluations estfixé par décret. Par dérogation, les ESSMSautorisés et ouverts avant la promulgationde la loi HPST procèdent au moins à uneévaluation externe au plus tard deux ansavant le renouvellement de leur autorisa­tion.

Conformément aux dispositions du décretn◦ 2007­975 du 15 mai 2007, l’évaluationexterne doit, notamment, porter sur les moda­lités selon lesquelles les établissements etservices ont mis en œuvre leurs évaluationsinternes. Ainsi, ils sont invités à conduire enpremier lieu ces dernières et à en transmettreles résultats, avant d’engager les évaluationsexternes. Une étude menée en 2008 parl’agence a fait apparaître que seuls 10 % desétablissements et services avaient effective­ment transmis leurs résultats à l’autorité ayantdélivré l’autorisation.

1. LA PROCÉDURE D’HABILITATION

La procédure d’habilitation des organismesen charge de l’évaluation externe des ESSMSa été élaborée, d’une part, au regard desdispositions législatives et réglementaires dudroit français (art. L. 312­8 du CASF et décretn◦ 2007­975 du 15 mai 2007) et, d’autrepart, dans la perspective de la transpositionde la directive européenne 2006/123/CE du12 décembre 2006 relative aux services dansle marché intérieur.

Il est ainsi prévu que les établissementset services fassent procéder à l’évaluation de

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

leurs activités et de la qualité des presta­tions délivrées par un organisme extérieur. Cesont eux les donneurs d’ordre. L’agence nedéclenche ni ne sélectionne l’organisme. Laresponsabilité qui lui est confiée est d’établirla liste des organismes habilités parmi lesquelsles ESSMS assureront une sélection.

Le législateur n’a pas prévu un systèmeidentique à celui du secteur sanitaire, pourlequel la Haute Autorité de santé (HAS)emploie directement des experts visiteurs, carle nombre d’établissements concernés est dixfois plus important dans le secteur social etmédico­social.

Par ailleurs, l’exercice d’habilitation s’ins­crit dans le calendrier de la transposition dela directive européenne citée ci­dessus. Dansce cadre, les États membres ont été appelés àen notifier les exceptions, en se référant à unmotif d’intérêt général qu’ils devaient préciser.Celles­ci devant être appréciées en mettanten rapport les enjeux qu’elles sous­tendentau regard des restrictions mises en œuvre entermes de libre accès au marché concerné, quel’on peut évaluer à environ 400 millions d’eu­ros par cycle.

Enfin, le troisième élément est relatif audécret fixant le cahier des charges de l’éva­luation externe, qui précise les conditionsde sélection des organismes par les ESSMS.Le décret du 15 mai 2007 indique, en effet,les critères à examiner dans ce cadre etconfie expressément certaines compétencesaux ESSMS, relatives notamment à l’examendes qualifications et de l’expérience des inter­venants proposés ou de la régularité de lasituation de l’organisme vis­à­vis des obliga­tions administratives.

Il fallait donc préciser, dans la procédured’habilitation, les éléments complémentairesque l’agence demanderait aux organismes.

Les travaux conduits pour définir la pro­cédure ont associé l’inspection générale desAffaires sociales (IGAS), le président du

Conseil scientifique de l’Anesm, la directiongénérale de l’Action sociale (DGAS) et ladirection générale de la Concurrence, de laConsommation et de la Répression des fraudes(DGCCRF). La procédure a été déterminée afinde proportionner les exigences au regard desattendus de l’évaluation externe des ESSMS encomplément du décret.

S’agissant des références que l’Agence étaitsusceptible de demander aux organismes, endehors de celles demandées aux intervenantspar le décret, il n’est pas apparu pertinent deprévoir un tel axe. Celui­ci aurait, en effet,fixé des barrières à l’entrée sur le marchésans réelle plus value, une société pouvantse constituer en recrutant des intervenantsayant, eux, des références individuelles. Il adonc fallu concevoir une procédure qui offredes garanties d’indépendance et d’intégritédes organismes, au regard des enjeux quereprésente l’évaluation externe pour les auto­risations des ESSMS.

La mise en œuvre

La procédure retenue par le groupe a étésoumise à l’avis du conseil scientifique del’agence. Elle peut être résumée de la façonsuivante :

• les organismes transmettent à l’agence undossier comprenant des données d’iden­tification et un engagement à respecterdes principes définis en matière d’inté­grité, d’objectivité, de confidentialité etde compétence des personnes employées,directement ou indirectement, dans le cadred’une mission d’évaluation externe ;

• dès lors que le dossier transmis est complet,l’organisme se voit adresser un certificatd’habilitation, qu’il pourra produire à l’ap­pui de sa candidature ;

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8 • Le lancement de l’évaluation externe des ESMS

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• la durée de l’habilitation est indéterminée.Seule une décision de suspension ou deretrait peut la remettre en cause.

Cette première série de dispositions dis­tingue ainsi la procédure d’habilitation confiéeà l’agence, de la procédure de sélection d’unorganisme qui comprend un examen descompétences individuelles des évaluateurs per­sonnes physiques. La procédure d’habilitationn’a donc pas été établie en redondance avecla procédure de sélection. Il est, à cet égard,important de souligner que celle­ci n’est pasun point d’arrivée pour les organismes habili­tés, mais le point de départ d’une activité quidevra s’effectuer dans un cadre régulé.

Ainsi, il est important que les ESSMS soientinformés du fait que l’agence ne vérifie pas lescompétences des intervenants et qu’ils soientpleinement conscients du rôle qui leur est attri­bué, en la matière, par le décret, la loi ayantconfié à l’établissement ou au service la res­ponsabilité du déclenchement de l’évaluationexterne1.

L’examen des compétences, qualificationsindividuelles et références intervient au stadede la procédure de sélection.

De nombreux organismes se sont créésrécemment pour développer cette activité ;d’autres sont plus anciens dans le secteursocial et médico­social. Mais tous doivent,pour être retenus, justifier de propositionsd’équipes d’évaluateurs répondant aux critèresfixés par le décret du 15 mai 2007.

Ceux­ci peuvent être difficiles à apprécier,en particulier ceux afférents à l’obligation de« formation aux méthodes évaluatives » et à lacomposition des équipes.

Pour garantir la qualité des procéduresd’évaluation externe, il est conseillé aux ESSMSde retenir les propositions d’organismes habi­

lités qui s’adjoignent les compétences spéci­fiques nécessaires à l’évaluation de chacunedes activités déployées (médicale, sociale,sociologique, éducative...).

Le conseil scientifique de l’agence a for­mulé, le 8 juillet 2009, deux avis destinésaux établissements et aux services pour leséclairer dans le choix d’un prestataire. À titred’illustration, le conseil invite les EHPAD àchoisir les propositions d’équipes d’évalua­teurs comprenant un professionnel de santé etun professionnel de l’action sociale. Ces avisne sont pas opposables, mais visent à garantirla complémentarité et la qualité des procé­dures suivies en matière d’évaluations externeet interne.

Refus, suspension ou retraitd’habilitation

Compte tenu des modalités d’accès à l’ha­bilitation, qui reposent sur la fourniture d’undossier complet, les refus reposent sur l’ab­sence d’exhaustivité des engagements deman­dés. Un organisme peut toujours accéder à unehabilitation, s’il remet son dossier complet.

Les décisions coercitives en matière d’ha­bilitation, telles que les suspensions et lesretraits, sont issues, d’une part, des modali­tés d’accès à cette habilitation évoquées plushaut et, d’autre part, de l’application des dis­positions du décret du 15 mai 2007.

Si l’organisme habilité ne respecte pas sesengagements ou a un litige avec l’ESSMS qui l’amandaté, il n’est pas exclu d’envisager que lesservices de l’État ou des départements destina­taires des rapports d’évaluation puissent aussiporter un avis sur la qualité de la mission etsaisissent l’agence.

1. La procédure a été mise en ligne sur le site de l’Agence afin que ces derniers aient connaissance des engage­ments demandés aux organismes habilités www.anesm.sante.gouv.fr.

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Dans ce cas, il faudra distinguer si l’orga­nisme est en capacité de rétablir son obligationou non. Dans le premier cas, la suspensiondoit être examinée comme un levier pourcontraindre l’organisme à s’exécuter, alors que,dans le second, elle n’a de sens que pour évi­ter que l’organisme ne soit sélectionné pourde nouvelles évaluations dans l’attente d’unéventuel retrait.

S’agissant, en dernier lieu, des mesures deretrait, elles seront prononcées lors de man­quements graves ou répétés et avérés, auxengagements d’un organisme, soit au titre deson dossier d’habilitation, soit lors de la réali­sation d’une mission d’évaluation.

La durée du retrait est de cinq ans. Au termede ce délai, l’organisme sera alors susceptiblede déposer un nouveau dossier.

L’agence procédera, en outre, à un contrôledes rapports d’évaluation, par échantillonnage,en lien avec les autorités destinataires de cesrapports.

Qui en décide ? Dans l’actuelle conventionconstitutive de l’agence, le conseil d’adminis­tration est appelé à délibérer sur les refus,retraits et suspensions. Il serait alors saisi aprèsla mise en œuvre d’une procédure contradic­

toire, par ailleurs prévue dans le décret précité.Il n’est, toutefois, pas exclu que le conseil aità se prononcer sur une proposition de retraitsuite à une demande de l’Agence restée infruc­tueuse.

Un projet de modification de la conven­tion constitutive, encore à l’étude ennovembre 2009, pourrait à l’avenir donner audirecteur, assisté d’une commission, le pouvoird’arbitrer.

Les candidats à l’habilitation

Au 30 septembre 2009, cinq cent trente­sixorganismes s’étaient porté candidats. Quatorzeont ensuite annulé leur candidature.

Sur cinq cent vingt­deux dossiers, troiscent quarante­huit organismes étaient habili­tés au 1er novembre 2009 : cent treize lors dela première session et deux cent trente­cinqà l’occasion de la seconde session. Concer­nant les dossiers non encore habilités, dans lamajorité des cas, soit il s’est agi de dossiersincomplets au plan administratif, soit l’objetsocial des structures candidates a suscité desquestions.

Avis n◦ 2009­22 du conseil scientifique de l’Anesm du 8 juillet 2009

Objet : principes et précautions concernant le recours aux évaluateurs des organismes habilitéspour la réalisation de missions d’évaluation externe.

Le conseil scientifique de l’Anesm, après en avoir délibéré, formule l’avis suivant :

Le décret n◦ 2007­975 du 15 mai 2007 précise qu’au nombre des critères demandés au titre desqualifications et compétences des évaluateurs des organismes habilités figure « une formationaux méthodes évaluatives s’appuyant sur celles existant en matière d’évaluation des politiquespubliques et comportant une méthodologie d’analyse pluridimensionnelle, globale, utilisantdifférents supports ».

En raison de l’antériorité faible et de la forte hétérogénéité de ces formations existantes actuelles,le Conseil scientifique considère que l’exigence de formation des évaluateurs des organismeshabilités ne peut constituer un critère opposable et estime qu’il convient de se reporter à l’examende « l’expérience professionnelle dans le champ social et médico­social » des évaluateurs proposés.

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8 • Le lancement de l’évaluation externe des ESMS

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Avis n◦ 2009­23 du conseil scientifique de l’Anesm du 8 juillet 2009

Objet : composition des équipes des évaluateurs des organismes habilités pour la réalisation demissions d’évaluation externe.

Le conseil scientifique, après en avoir délibéré, formule l’avis suivant :

Pour garantir la qualité des procédures d’évaluation externe, il est conseillé aux établissementset services sociaux et médico­sociaux de retenir les propositions d’organismes habilités qui,pour composer les équipes d’évaluateurs, s’adjoignent les compétences spécifiques nécessaires àl’évaluation de chacune des activités déployées (médicale, sociale, sociologique, éducative...).

2. L’ÉVALUATION EXTERNE

Elle se réalise selon le cahier des chargesfixé par le décret n◦ 2007­975 du 15 mai 2007et dans le respect des engagements pris parles organismes habilités par l’Agence.

Le déroulementL’évaluation externe est réalisée dans le

cadre habituel des procédures de mise enconcurrence et, concernant les établissementspublics, dans le respect des règles du Codedes marchés publics.

• Seuls les organismes habilités par l’Anesmpeuvent procéder à l’évaluation externe ;et l’habilitation qui leur sera conférée neconcerne aucune autre activité ;

• La personne physique ou morale de droitpublic ou de droit privé gestionnaire del’établissement ou du service devra rece­voir les résultats de l’évaluation externesous la forme d’un rapport transmis parl’organisme habilité. Elle l’adressera à sontour à l’autorité ayant délivré l’autorisation,conformément aux dispositions prévues auxarticles L. 312­8, L. 313­1 et L. 313­5 duCASF.

Différend

En cas de différend ou de manquements survenus en matière de méthodologie d’évaluation et deproduction des résultats, le gestionnaire de l’établissement ou service, les acteurs de l’évaluation(par exemple, le conseil de la vie sociale), ou encore les conseils généraux ou les agencesrégionales de santé (ARS), devront en informer l’Anesm.

Les objectifs de l’évaluationexterne

Les organismes habilités sont invités à por­ter une appréciation globale :

• sur l’adéquation des objectifs de la structureau regard de ses missions et des besoins despersonnes ;

• sur l’atteinte des objectifs et sur la produc­tion des effets sur les usagers ;

• sur les conditions d’efficience de l’action etsur l’impact des pratiques ;

• enfin, sur la réactualisation régulière del’organisation.

Il s’agit, aussi, d’examiner les suites réser­vées à l’évaluation interne, le législateur ayantsouhaité disposer d’un jugement indépendantsur les modalités de déploiement de l’évalua­tion interne au sein des ESSMS.

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Pour cela, les organismes devront être enmesure d’apprécier les priorités et la mise enœuvre de la démarche, puis les mesures d’amé­lioration possibles au sein de la structure etin fine la dynamique générale d’améliorationcontinue de la qualité des prestations.

Sachant que ces résultats seront pris encompte pour le renouvellement de l’auto­risation de l’établissement (art. L. 313­5 duCASF), les organismes habilités ont donc uneresponsabilité particulière.

Les principes généraux énoncés par le décret du 15 mai 2007

L’évaluation a pour but :

• la production de connaissance et d’analyse [...] dans une logique d’intervention et d’aide à ladécision ;

• de mieux connaître et comprendre les processus ;

• d’apprécier les impacts produits au regard des objectifs ;

• de promouvoir des outils de mesure adaptés.

Structuration de la démarcheévaluative

L’évaluation porte sur les effets produits parles activités et leur adéquation aux besoins etattentes des personnes accompagnées.

Elle repose sur :

• la caractérisation du profil de la population ;• la spécification des objectifs d’accompagne­

ment ;• le recueil de données sur la structure, les

processus mis en œuvre et les effets ;• l’analyse des conditions de faisabilité.

Elle est centrée sur les principaux objectifssuivants :

• la promotion de l’autonomie et de la qualitéde vie ;

• la personnalisation de l’accompagnement ;• la garantie des droits ;• la protection et la prévention des risques.

L’évaluation externe joue un rôle importantdans l’appréciation de la qualité des presta­tions délivrées.

À cet égard, il faut souligner l’importancede la qualité de la restitution pour que la struc­ture puisse se l’approprier. Les organismesauront, ainsi, intérêt à rendre transparents etaccessibles les principaux résultats, le choixdes préconisations et les méthodes et donnéesutilisées.

3. LES ÉTAPES DE L’ÉVALUATION

Elles sont au nombre de trois :

• définir le cadre évaluatif ;• recueillir des informations fiables et perti­

nentes ;• réaliser la synthèse (préconisations et rap­

port d’évaluation).

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8 • Le lancement de l’évaluation externe des ESMS

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4. LE RAPPORT D’ACTIVITÉRENDUÀ L’ANESMPAR LES ORGANISMES HABILITÉS

Selon le décret 2007­975 du 15 mai 2007,les organismes habilités rendent à l’Anesm,

selon les formes et une périodicité qu’elledétermine [...], un rapport d’activité qui permet,notamment, d’examiner le respect du cahierdes charges et des critères d’habilitation.

Nota bene

• Le rapport d’évaluation est adressé par les organismes habilités à l’ESSMS évalué, qui le transmetensuite à l’autorité.

• Le rapport d’activité est adressé à l’Anesm par les organismes habilités.

Les attendus de l’AnesmL’Anesm doit, d’une part, s’assurer du res­

pect des exigences du cahier des charges parles organismes habilités, d’autre part, obtenirdes informations sur les principaux champscouverts et la méthodologie employée et,enfin, disposer d’éléments de synthèse sur lesrésultats des évaluations interne et externe etla dynamique d’amélioration de la qualité dansle secteur social et médico­social.

Le lecteur trouvera les éléments concernantla structuration du rapport sur www.anesm.sante.gouv.fr.

Les principales données attendues parl’agence, dans ce rapport, concernent l’identitéde l’organisme habilité et du commanditairede l’évaluation externe, le respect des critèresde l’habilitation, le profil de l’établissement oudu service évalué, la méthode retenue pourprocéder à l’évaluation externe.

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Chapitre 9

L’évolutiondu métier d’assistantde service social

Françoise LÉGLISE

Présidente de l’Anas

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

PLAN DU CHAPITRE

1. Le contexte social actuel 83

2. L’évolution des pratiques professionnelles 84L’intervention dans l’urgence 84Le travail social instrumentalisé 85L’informatisation à tout prix 86Le secret professionnel sans cesse remis en question 87

3. L’évolution du métier d’assistant de service social 87Les nouvelles formes de management 87Les nouveaux intervenants 88La validation des acquis de l’expérience (VAE) 89

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9 • L’évolution du métier d’assistant de service social

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DEPUIS ses origines, le travail social,en particulier le métier d’assistantde service social, n’a cessé desubir des modifications, dans sesconcepts comme dans ses métho­

dologies.

Parfois accusé d’être un instrument decontrôle, parfois valorisé comme vecteur d’in­sertion, il a su, au fil du temps, adapterses méthodes d’intervention aux politiquessociales et aux conceptions de l’individu etdu citoyen que promulguaient les sociétés suc­cessives. Néanmoins, il a toujours su garder lesvaleurs qui le fondent et qu’il promeut, commele montre le code de déontologie rédigé parl’Association nationale des assistants de ser­vice social (ANAS), dont la première versiondate de 1949.

Cependant, depuis les années 1980, desmutations profondes transforment le modèlesocial et modifient la relation de l’individu à lasociété. Dans cette nouvelle configuration, lesprofessionnels peinent à retrouver le sens dutravail social, comme le manifestent les nom­breuses interpellations de ces professionnels,en direction de l’ANAS.

Le travail social, notamment le métier d’as­sistant de service social, subit, en conséquence,des évolutions, tant dans les pratiques profes­sionnelles, qui doivent, parfois violemments’adapter, que dans l’essence même de cemétier, qui se transforme peu à peu, avec l’ar­rivée de nouveaux intervenants sociaux, denouvelles formes de management et de nou­velles formes de recrutement.

1. LE CONTEXTE SOCIAL ACTUEL

Depuis les années 1980, le contexte socio­économique subit des mutations, qui ont desinfluences directes sur le travail social. La criseéconomique, la loi organique relative aux loisde finances de 2001, mais aussi les lois dedécentralisation, ont profondément modifiéle modèle social dans lequel s’inscrivait, jus­qu’alors, le travail social.

L’idéologie néolibérale devient progressi­vement prégnante. L’économie de marchéprovoque l’augmentation de la concurrence,la course à la productivité. La volonté dediminuer les finances publiques et le désen­gagement progressif de l’État dans la prise encharge des risques sociaux favorisent les assu­rances privées et l’épargne individuelle.

Ainsi, l’exclusion prend un autre visage.Les crises se conjuguent, faisant apparaîtreces nouveaux pauvres, qui, même s’ils ontun salaire, ne peuvent plus se loger ou, à l’in­verse, ne peuvent plus payer leur loyer, tantcelui­ci a augmenté.

Parallèlement, l’accès aux soins s’est réduitavec la réforme de la Sécurité sociale et lesplus démunis ne peuvent prétendre à descomplémentaires de santé. Les droits aux allo­cations chômage sont limités dans le temps,soumis à une obligation de trouver un emploi,même précaire. Or, dans le même temps, desemplois disparaissent à grande vitesse, commele prouve la multiplication des licenciementset délocalisations. Les personnes âgées ont dumal à subvenir à leurs besoins et fréquentent,de plus en plus, les distributions alimentaires.Dans ce noir tableau, on peut aussi citer lesjeunes, qui n’ont droit au RSA (depuis trèsrécemment) que s’ils ont déjà travaillé deuxans1 ; ainsi que ceux, d’ailleurs, qui sont cen­sés faire preuve d’une réelle envie d’insertion,

1. Plan d’action en faveur de la jeunesse annoncé le 29 septembre 2009 par Nicolas Sarkozy.D

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quand ni les formations ni les emplois ne sontpléthores. On peut encore citer les personneshandicapées, pour lesquelles les nombreuseslois d’accès au travail ne sont que peu misesen œuvre et qui ne peuvent subsister avec uneallocation atteignant à peine le niveau du seuilde pauvreté1.

Les paradigmes du monde entrepreneurialentrant en force dans la sphère publique, cecontexte est traversé par un discours qui valo­rise l’individu, sa capacité à prendre en chargesa propre vie, sa mobilité, son adaptabilité, sonautonomie. Il est donc responsable de ce quilui arrive. De cette responsabilité, le pas versla culpabilité est rapidement franchi. Le regardsur les chômeurs, les jeunes, les sans­abri n’estplus compassionnel, mais accusateur. Ils sont,alors, suspectés de se complaire dans leursituation et de trouver bénéfice à être assistés.

La responsabilisation (et donc la culpabi­lisation) des individus et des familles trouve,par exemple, son expression concrète dansl’article 9 de la loi de prévention de la délin­quance du mars 5 mars 2007, instituant leConseil pour les droits et devoirs des familles.Il s’agit, là, de rappeler aux parents leurs droitset devoirs envers l’enfant et de leur faire lesrecommandations nécessaires pour éviter quese produisent, ou se reproduisent, les troublesconstatés chez l’enfant. Une aide à la parenta­lité peut être proposée, mais également unemesure éducative ou une aide budgétaire.

Tout se déroule, ici, comme si un absen­téisme récurrent de l’enfant, par exemple,relevait de la seule responsabilité de sesparents. Comme si les comportements mena­çant l’ordre public d’un jeune ne pouvaientêtre imputables qu’à ses parents, lorsque l’onsait, par ailleurs, combien la délinquance estun problème complexe, multifactoriel, devant

lequel bien des parents sont démunis lorsqu’ilsle constatent chez leur propre progéniture.

Les personnes en situation de précarité sontmontrées du doigt ; les jeunes sont soupçon­nés de délinquance ; les familles taxées defaillite parentale.

Parallèlement, les mécanismes d’intégra­tion ne fonctionnent plus. L’école n’est plusun repère et subit elle­même les mutationsde la société, qu’elle parvient difficilement àenrayer ou intégrer ; le logement social nerépond plus à la demande exponentielle ; lesservices publics s’affaiblissent.

Dans ce contexte, l’augmentation de la pré­carisation favorise le délitement du lien social.De plus en plus de personnes se retrouventdans des situations sociales complexes et ontà faire face à de multiples problèmes, parfoisinextricables. Les liens familiaux se distendent,les amis et familles ayant eux aussi leur part dedifficultés à régler. L’isolement s’accroît, ren­forçant lui­même le phénomène d’exclusionet pérennisant les souffrances sociales vécues.Les individus sont durablement fragilisés etpeuvent s’installer dans des comportementsqui se dégradent au fil du temps.

2. L’ÉVOLUTION DES PRATIQUESPROFESSIONNELLES

L’intervention dans l’urgence

Le travail social est, évidemment, forte­ment touché par ces modifications sociétaleset leurs conséquences sur les individus. « Letravail social est avant tout une action qui doitpermettre à des sujets de s’engager dans unprocessus de changement, de mieux­être avecles autres et avec eux­mêmes2 . » La première

1. Le seuil de pauvreté monétaire était équivalent à 867 euros en 2007.2. Rapport du CSTS : « Le travail social aujourd’hui », rapport à l’assemblée générale du 9 décembre 2008.

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9 • L’évolution du métier d’assistant de service social

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difficulté à laquelle se heurte, désormais, letravail social est donc de redonner une placede sujet à des personnes malmenées, isolées,sans projets et seulement préoccupées du len­demain.

On constate, d’ailleurs, que l’interventiondans l’urgence est de plus en plus fréquenteet récurrente pour la même personne. Qu’ellesoit alimentaire ou d’hébergement, le traite­ment de l’urgence fait partie du quotidiendes assistants de service social. De nombreuxprofessionnels parlent de plus en plus de« faire de l’humanitaire » en lieu et place detravail social, entendant par là qu’il s’agit derépondre à des besoins élémentaires, et cepen­dant indispensables, à satisfaire pour envisagertout processus de changement. L’interventionsociale de fond a du mal à pouvoir se mettreen place, quand il s’agit de trouver un héberge­ment pour le soir même ou de jongler avec desfins de mois régulièrement difficiles, quandles fins de mois existent. Mais elle a du mal,également, à se mettre en place quand lesproblèmes exposés ne peuvent trouver desolutions. Le travail social se trouve, alors,confronté à la mission impossible d’avoir àaccompagner l’insertion des personnes dansune société qui ne cesse de produire de l’exclu­sion. Il fonctionne de plus en plus par à coups,dans l’urgence, ne pouvant mettre en place letravail d’accompagnement, parfois long, pourune insertion durable.

Le travail social instrumentalisé

Pour tenter d’atténuer les conséquences deces nouvelles politiques sociales — parce qu’ilest encore insupportable, aujourd’hui, de voirse dégrader les conditions d’intégration desindividus dans la société —, les gouverne­ments qui se succèdent ont légiféré à tour debras, instaurant des systèmes compensatoires,reposant sur des dispositifs destinés à redon­ner d’un côté ce qui était retiré de l’autre. On

a vu ainsi naître, pêle­mêle, le RMI, devenule RSA, le FSL pour accéder au logement etsurtout pour s’y maintenir, la mesure d’ac­compagnement social personnalisé (MASP),destinée à aider les personnes à gérer un bud­get précaire.

À l’heure du slogan devenu incontournable— « droits et devoirs » —, ces aides ne sont pasgratuites, mais obligent les bénéficiaires à sesoumettre à des devoirs formalisés sous formede contrats.

Or l’intervention sociale est basée sur lalibre adhésion des personnes (excepté en cequi concerne la protection de l’enfance). Ils’agit, à partir de leur problématique et del’évaluation faite par le professionnel, de pro­poser des formes d’aide adaptées à la situation,négociées avec la personne. Ces aides peuventprendre diverses formes, comme, par exemple,ponctuellement un secours financier ou, dansle cas de dettes de loyers, un FSL. Elles sontproposées tout au long de l’intervention, selonl’évolution de la situation et à un momentdéterminé conjointement par le professionnelet l’usager.

L’implication systématique et obligatoire duservice social dans ces contrats influe sur larelation entre l’assistant de service social etl’usager.

D’une part, le premier peut se trouvercontraint d’établir le contrat demandé, alorsmême que son évaluation ne l’incitait pas à leproposer immédiatement. Il doit alors mettreen œuvre tout son savoir­faire pour convaincrela personne de différer sa demande et enta­mer, ensemble, un travail d’accompagnementpréliminaire à la mise en place du dispositif.

D’autre part, le deuxième se voit contraintde faire appel au service social, même si sasituation n’est que ponctuellement précaire etne nécessite pas un accompagnement social,ou s’il n’en exprime pas le besoin. Son attitudeest alors profondément différente, puisque le

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service social n’est plus là pour l’aider, maispour lui donner la prestation qu’il demande.

Le contrat fait irruption de manière assezmassive dans le travail social. Jusqu’alors, lecontrat passé avec l’usager était moral, la rela­tion était basée sur une confiance réciproqueet un échange permanent. Il est maintenant,très souvent, formalisé, quasiment obligatoireet transforme l’image du service social, quise vit comme un instrument dans la mise enœuvre des dispositifs légaux, au détriment del’accompagnement et de l’évaluation.

L’informatisation à tout prix

À l’heure de la communication à grandeéchelle et de l’emploi des nouvelles technolo­gies, l’informatique devient un outil incontour­nable. Pour pertinent qu’il soit et utile dansbien des cas, son utilisation systématique dansle domaine de l’action sociale ne va pas sansposer certaines questions éthiques et de réqui­sition de l’intervention sociale.

La question éthique est évidemment pré­éminente. De l’informatisation du dossiersocial au remplissage de fiches recueillant desdonnées confidentielles, les professionnels setrouvent confrontés à des pratiques qui bou­leversent profondément leurs valeurs et leurhabitude de travail. Il ne faut pas voir là unerésistance négative et conservatrice. Nul ne niela facilité d’utilisation et la rapidité de l’outil,lorsqu’il s’agit de fournir à un employeur, entreautres, des statistiques prouvant la charge detravail. En revanche, caractériser une situationde protection de l’enfance, par exemple, parquelques croix dans des cases prévues à ceteffet, devient un problème insoluble. Pour unassistant de service social, chaque situationest unique, parce qu’elle relève de l’humain.Aucune fiche, aucun recueil de données, sicomplet soit­il, ne peut rendre compte de laréalité complexe de la personne et de sa vie.Et, même pour les très bonnes volontés qui

souhaitent sincèrement se plier à cet exercicepérilleux, il n’y a jamais la bonne case. Cepen­dant, il y a souvent des cases inutiles, quin’apportent aucune indication intéressante ouutile au regard de l’objet du recueil de don­nées, mais qui exigent une réponse.

On l’a vu, récemment, dans les fiches éta­blies par l’Observatoire national de l’enfanceen danger (ONED). Celles­ci répondaient àla loi du 5 mars 2007 relative à la protectionde l’enfance, sur le recueil de l’informationpréoccupante. Sur les premières fiches diffu­sées, apparaissaient des items complètementinutiles, sur la situation de logement des per­sonnes (propriétaire ou locataire) ou sur leursrevenus (bénéficiaires de minima sociaux).Les professionnels, par la voie de l’ANAS etd’autres associations, se sont insurgés. Quelintérêt pour la protection de l’enfance ?

Ils sont même allés plus loin dans leur ques­tionnement et leur constat, puisque, grâce àces fiches, si elles avaient été utilisées, lesdépartements auraient été en possession debases de données très larges sur les personneset les familles, sans garantie de confidentialitéet sans aucune utilité pour les moyens à mettreen œuvre dans la protection de l’enfance.

L’éthique donc ! Car les données sur lespersonnes sont conservées, consultables, uti­lisables. Et, même si des garanties sont sanscesse affirmées, nul ne peut être sûr qu’elles neseront pas utilisées un jour à mauvais escient.

Au­delà de l’éthique, se pose aussi le pro­blème de la multiplication de ces fichiers. Toutdispositif est maintenant informatisé. Or, parfacilité, pour économiser des postes de secré­taires, il est souvent demandé au travailleursocial lui­même d’effectuer cet acte. Outre lesentretiens sociaux et les tâches inhérentes àl’accomplissement de son travail social, le pro­fessionnel est désormais obligé d’y consacrerdu temps. Du temps qu’il ne peut plus passerà son travail, auprès des usagers, au risquequ’il devienne de plus en plus administratif.

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9 • L’évolution du métier d’assistant de service social

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Le secret professionnel sanscesse remis en question

Ce qui fonde la relation de confiance entrel’usager et l’assistant de service social, c’est lesecret professionnel. Il permet à la personnede pouvoir exposer sans crainte ses problèmes,ses difficultés, ses défaillances, ses doutes. Ilpermet au professionnel de pouvoir engager,avec la personne, un vrai travail d’accompa­gnement car il sera basé, à la fois, sur la réalitéénoncée de la personne et sur la relation deconfiance établie. C’est pourquoi il est uneobligation légale, à laquelle sont soumis lesassistants de service social, comme les méde­cins et les avocats, depuis la loi du 8 avril1946.

Mais le secret professionnel a toujours étéen butte aux suspicions. Celle de conférer unpouvoir au professionnel car il saurait ce qued’autres ne savent pas. Celle d’empêcher larésolution de certains problèmes par manqued’éléments de connaissance sur la vie d’unefamille ou d’une personne, éléments jugésindispensables.

Partant de ces principes, les lois récentess’efforcent de le faire disparaître, par petitestouches, l’air de rien, sous couvert de chartesdéontologiques.

On a commencé avec le secret partagé, ouplutôt le partage d’information, des lois deprotection de l’enfance et de prévention de ladélinquance, puis dans la loi de mobilisationpour le logement et la lutte contre l’exclusiondu 25 mars 2009. Mais, l’exemple final le plusfrappant est le nouveau plan de prévention dedélinquance, annoncé le 2 octobre 2009, quiaffirme haut et fort que le secret professionneln’aura plus lieu d’être dans les conseils locauxde sécurité et de prévention de la délinquance(CLSPD).

Tout est dit. Grâce à l’abolition du secretprofessionnel, la lutte contre la délinquancesera plus efficace et les travailleurs sociaux

n’auront qu’à se plier à ces nouvelles injonc­tions.

Que deviendra, dans ces conditions, la rela­tion de confiance ? L’usager continuera­t­il à seconfier au professionnel ? La crainte majeureest que la défiance s’installe, que la personnene s’autorise plus à dire, par peur d’être tra­hie. Le travailleur social se verrait alors encoreplus confiné dans les tâches administrativesdécrites plus haut, le lien avec la personneayant perdu toute sa substance.

L’assistant de service social se voitcontraint, aujourd’hui, de lutter sans cessepour le maintien du secret professionnel caril est le garant de la vie privée des personnes.Mais c’est une bataille difficile car il est attaquéde toutes parts, plus ou moins insidieusement,nécessitant une vigilance constante de la pro­fession.

3. L’ÉVOLUTION DU MÉTIERD’ASSISTANT DE SERVICE SOCIAL

L’évolution des pratiques professionnellesest, évidemment, étroitement liée à celle dumétier, l’une influant sur l’autre. En faire deuxchapitres distincts peut sembler arbitraire etaléatoire.

Néanmoins, au­delà des pratiques décritesci­dessus, on peut remarquer d’autres typesd’évolution, dues aux nouvelles formes demanagement, à l’apparition d’intervenantssociaux de types différents ou encore à lamodification du recrutement des profession­nels.

Les nouvelles formesde management

Mettre la focale sur le management commefacteur d’évolution du métier d’assistant de ser­vice social peut paraître réducteur. En effet, le

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management n’est qu’une partie dans une orga­nisation, sachant que celle du service social asubi de nombreuses transformations aux coursdes dernières décennies, du fait notammentdes lois de décentralisation.

Cependant, il est, à la fois, révélateur dusystème dans lequel est inclus le service socialet de l’inflexion donnée, par là même, auxmissions du service social.

Dans les nouvelles organisations, les res­ponsables des équipes sont, de plus en plus,issus de la filière administrative, et ce à tousles étages de la hiérarchie.

Pour accéder aux postes de responsabi­lité dans le domaine social, au sein de lafonction publique, il faut être soit titulairedu grade de conseiller socio­éducatif (CSE),soit du grade d’attaché d’administration. Orces deux filières ne sont pas comparables enmatière de déroulement de carrière, ni enmatière de rémunération, la première étantnettement déficitaire par rapport à la seconde.De plus, des passerelles sont possibles entreles deux filières, permettant aux CSE d’accéderau grade d’attaché d’administration. Ainsi, denombreux cadres sociaux aspirent­ils à deve­nir attachés et le deviennent, pour être mieuxrémunérés et, en ces temps incertains, espé­rer donc bénéficier d’une meilleure retraite. Àterme, la disparition de l’encadrement socialpeut être envisagée. En sera­t­il de même pourla filière sociale ?

Mais, la différence de taille, pour le sujetqui nous préoccupe, est que les CSE sont obli­gatoirement issus de la filière sociale, ce quin’est pas le cas pour les attachés. Ceux­cipeuvent venir de tous horizons (finances, télé­coms...) et encadrer des équipes de travailleurssociaux. On peut donc imaginer la tonalitéd’un entretien d’encadrement technique entreun assistant de service social et son respon­sable, si celui­ci n’a aucune connaissance dumétier et de sa culture, des valeurs éthiques

et déontologiques de la profession, alors qu’ildoit en être le garant.

Quelle orientation de travail pourra­t­il don­ner au professionnel ? Quelle évaluation de lasituation pourra­t­il faire ?

Dans le même temps, les modèles socio­économiques de gestion et d’organisationdes entreprises sont entrés en force dans lasphère publique et les méthodes de manage­ment, jusque­là réservées aux entreprises, sontdésormais installées au sein des institutionspubliques et des collectivités. On parle, désor­mais, de rationalité, d’opérationnalité, notionsétrangères à la culture des travailleurs sociaux.

Il ne s’agit pas, ici, de faire des rac­courcis suspicieux, en liant directement l’ar­rivée de cadres administratifs dans la sphèresociale et celle des volontés de rationalisation.Cependant, l’encadrement de nature socialedisparaissant au profit de l’encadrement admi­nistratif — lequel ignore la spécificité du travailsocial, ses méthodologies, ses temporalités —,il est à craindre que la tendance à la bureau­cratisation du service social, déjà favorisée parl’entrée massive de l’informatisation, aura ten­dance à s’accroître.

Les nouveaux intervenants

L’intervention sociale se diversifie. Lesdomaines qui ressortent de l’action socialese multiplient. De la distribution alimentaireaux loisirs des enfants des milieux défavori­sés, en passant par l’accès au logement ou laparentalité, les besoins sont énormes. Dansce cadre­là, on a vu apparaître, au cours desdernières décennies, de nouveaux métiers,ou plutôt de nouveaux intervenants, qui sesont peu ou prou spécialisés dans certainsdomaines et ont étendu leurs missions. Ainsi,par exemple, de nombreuses associations cari­tatives, qui, jusqu’alors, se cantonnaient à ladistribution alimentaire, se chargent mainte­nant d’insertion, par le biais de dispositifs qui

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9 • L’évolution du métier d’assistant de service social

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leur sont propres, sans faire appel à des pro­fessionnels, mais à toutes sortes d’autres inter­venants (médiateurs, animateurs...), dont desbénévoles. Ces évolutions se sont faites pro­gressivement, pour tenir compte des besoinscroissants en matière d’insertion et de pau­vreté.

D’autres interventions, dites sociales, ontété créées par décision gouvernementale. Ona vu ainsi, récemment, la création de média­teurs de réussite scolaire1, chargés, au sein desétablissements, de s’intéresser de plus près àl’absentéisme. Ces médiateurs peuvent ainsialler au domicile des parents, sur décision duchef d’établissement. Il est intéressant de noterque ces emplois sont réservés à des personnesprioritairement issues des quartiers défavori­sés. Par ailleurs, il s’agit d’emplois précaires etnon qualifiés.

Certaines de ces interventions sont complé­mentaires des missions du service social. Detout temps, le service social a agi en partenariatavec de nombreuses associations pour, autourd’une situation, travailler selon les missions etles moyens de chacun et parvenir à un trai­tement de la situation. Cependant, le champd’intervention de ces associations s’étendant,beaucoup d’usagers ne s’adressent plus au ser­vice social, trouvant au sein de l’association,à la fois, la réponse à leurs besoins immé­diats et une intervention plus large visant àleur insertion. Tant mieux pour les personnes,pourra­t­on dire.

Mais on constate une restriction du typede population qui s’adresse au service social.Les grands exclus n’y viennent plus, les jeunesde moins en moins et les personnes âgées n’ytrouvent plus les réponses qu’elles attendent.Le service social voit se resserrer, à la fois, lesmoyens mis à sa disposition pour intervenir

et les populations qui s’adressent à lui ; l’unétant la conséquence de l’autre et vice versa.

Cette restriction a encore plus de consé­quences quand elle est délibérément choisie.L’exemple, déjà évoqué, des médiateurs sco­laires est, à ce titre, tout à fait significatif.La lutte contre l’absentéisme fait partie inté­grante des missions du service social en faveurdes élèves. Il est un symptôme et doit êtrereplacé dans le contexte socio­économiquede la famille. Les assistants de service socialsont formés pour ces interventions et pources problématiques. Malheureusement, ils sontsouvent peu nombreux, pas assez présentsdans les établissements. Ici, le choix a étéde créer une nouvelle fonction, peu rémuné­rée, précaire, pour accomplir une des missionsessentielles du service social, plutôt que decréer des postes de professionnels, dont lesmissions sont plus larges, mais qui coûtentsans doute plus chers. On peut même allerjusqu’à penser que l’intérêt n’était pas tant detrouver des solutions à ce problème grave qued’obtenir des résultats rapides et visibles sur unphénomène inquiétant, propre, s’il n’est pasrésolu, à s’interroger sur les politiques socialesannoncées et à douter de leur efficacité.

Ces exemples montrent comment, progres­sivement, par choix politique et budgétaire, leservice social voit ses missions et ses interven­tions se restreindre.

La validation des acquisde l’expérience (VAE)

La validation des acquis de l’expérience(VAE), née en 20022 , est une reconnaissanceofficielle du fait que les compétences acquisespar l’expérience ont la même valeur que cellesacquises par la formation. Destinée à promou­

1. Annonce le 22 janvier 2009, par le ministre de l’Éducation nationale, de la création de cinq mille postes demédiateurs de réussite scolaire.2. Loi de modernisation sociale n◦ 2002­73 du 17 janvier 2002.

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voir et à qualifier les personnes ne disposantpas de diplômes, elle permet, par la validationde certains modules, de dispenser de tout oupartie d’une formation diplômante.

Aucun domaine n’y échappe et l’actionsociale pas plus que les autres.

Le diplôme d’État d’assistant de servicesocial est une formation post­Bac qui sedéroule en trois ans et qui, sous forme dedomaines de compétence validés, permet d’ac­quérir des savoirs, savoir être et savoir­faire.

Depuis la mise en place de la VAE, oncommence à voir arriver dans le champ dusocial des personnes qui sont issues de divershorizons. Ils peuvent venir du champ de l’in­sertion, mais aussi de la communication ou dumarketing.

Certains d’entre eux seront, selon les dos­siers qu’ils auront pu constituer, totalementdispensés de la formation initiale. Or celle­cipermet, au­delà des méthodologies et dessavoir­faire, d’acquérir des valeurs communesà la profession, élaborées dans un appren­tissage commun, au cours des trois années,et expérimentées au cours de stages auprèsdes professionnels et des services. Ces valeursfondent l’intervention et le positionnementprofessionnel au sein de l’institution et contri­buent à forger l’identité de l’assistant deservice social. Ces nouveaux professionnelsauront, sans doute, de grandes compétenceset qualités. Mais ils n’auront peut­être pas cetteidentité commune, qui, au­delà de la forma­tion, distingue, par exemple, un éducateurspécialisé d’un assistant de service social oud’une conseillère en économie sociale et fami­liale.

Il n’y a pas lieu de porter, ici, un regardsystématiquement négatif sur l’arrivée de

ces nouveaux professionnels dans le servicesocial. Ils sont riches d’autres expériences, quipeuvent être un plus pour le travail social.Simplement, force est de constater que cesnouveaux apports ne pourront qu’influencer etcontribuer à une évolution majeure du métierd’assistant de service social. Pour son bien ?

Le panorama dressé ici sur l’évolution dumétier d’assistant de service social peut sem­bler assez pessimiste.

Le contexte y oblige et les mutations qu’ilsubit sont, parfois, suffisamment violentespour que les professionnels réagissent, s’op­posent et revendiquent, au risque de paraîtrecorporatistes et conservateurs.

Le travail social a, néanmoins, toujours suévoluer, en ne cessant d’inventer de nouveauxtypes d’intervention, de nouvelles méthodolo­gies, en s’ouvrant aux multiples partenariatsproposés, en s’adaptant aux politiques territo­riales et aux politiques sociales.

Le développement de l’intervention socialed’intérêt collectif (ISIC) en est une démons­tration. Passant d’une relation exclusivementindividuelle à une action plus globale, le tra­vail social agit, de plus en plus, aux côtésdes usagers, pour rechercher collectivementdes réponses aux problèmes individuels. Ils’appuie sur les personnes et les groupes, endéveloppant leur pouvoir d’agir. Il s’engagedu côté de la dynamisation du lien social.

Il est, cependant, des concessions qu’il nepourra pas faire. Celles, notamment, de sesvaleurs éthiques et déontologiques, qui garan­tissent le respect des personnes et le respectdes libertés individuelles.

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Chapitre 10

L’avancée en âgedes personneshandicapées mentales

Un manque d’anticipation

aux conséquences dramatiques

Thierry NOUVEL

Directeur général de l’Unapei

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

PLAN DU CHAPITRE

1. Le vieillissement des personnes handicapées mentales : un constat heureuxpourtant source d’angoisse 93

L’accroissement de l’espérance de vie des personnes handicapées mentales 93Des ruptures successives 94Une santé plus fragile 96

2. Résultats de l’enquête Unapei 9637,8 % des personnes handicapées mentales accueillies et accompagnéespar les associations de l’Unapei ont plus de 45 ans 96Les solutions innovantes des associations affiliées 97

3. Les revendications de l’Unapei 97Garantir la continuité 98L’indispensable collaboration des secteurs sanitaire et médico­social 98

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10 • L’avancée en âge des personnes handicapées mentales

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LE PAPY­BOOM chez les personneshandicapées mentales existe aussi.Même si l’on ne peut que se réjouirde cet allongement de l’espérancede vie, le vieillissement a des consé­

quences physiques, psychologiques, affectives,sociales et financières plus graves chez cespersonnes déjà vulnérables. Comment lesaccompagner durant cette période difficile depertes successives : lien social, travail, proches,lieu de vie... ?

De plus en plus nombreuses, les personneshandicapées mentales avançant en âge n’ontpas de solution adaptée à leurs besoins. Nousassistons à de brutales ruptures de parcours,souvent sources de grandes souffrances. Hier,déjà, nous nous préoccupions de ce phéno­mène alors nouveau. Aujourd’hui, la situationest devenue critique.

1. LE VIEILLISSEMENTDES PERSONNES HANDICAPÉESMENTALES : UN CONSTATHEUREUX POURTANTSOURCE D’ANGOISSE

L’accroissement de l’espérancede vie des personneshandicapées mentales

L’évolution de l’espérance de vie des per­sonnes handicapées mentales connaît unecroissance équivalente à celle des personnesdites « valides ». Si une personne trisomiquene pouvait espérer vivre plus de trente ansdans les années soixante­dix, aujourd’hui ellepeut atteindre plus de 70 ans. En moyenne,leur espérance de vie a augmenté de douzeans ces vingt dernières années. On estimequ’il y a, en France, six cent cinquante mille à

huit cent mille personnes handicapées vieillis­santes, dont au moins deux cent cinquantemille personnes handicapées mentales. Cettelongévité concerne toutes les personnes handi­capées mentales, quelles que soient la natureet la gravité du handicap. L’accroissement heu­reux de l’espérance de vie des personneshandicapées mentales est certainement dû auprogrès de la médecine et à l’améliorationgénérale de leurs conditions de vie, grâcenotamment à l’action menée, depuis bientôtcinquante ans, par les associations de l’Una­pei.

Par ailleurs, le phénomène de vieillisse­ment de la personne handicapée mentale ne seconçoit pas uniquement en termes d’âge, maisd’apparition de signes (fatigabilité, dépen­dance, besoins de médicalisation, isolement,solitude) qui s’ajoutent à des déficiences exis­tantes et provoquent une dégradation précocede l’autonomie. La notion « d’âge avancé »,voire de « grand âge », pour les personnes han­dicapées mentales, ne peut se calquer surun âge théorique (60 ans). Il est fréquentque les premiers signes du vieillissement (fati­gabilité, perte de mémoire ou de repères...)apparaissent dès 40 ans.

De même, la fréquence de certaines mala­dies, en corollaire au vieillissement, peut êtrejusqu’à sept fois supérieure pour les personneshandicapées mentales par rapport à la popula­tion générale (rapport de l’HAS sur la maladied’Alzheimer 2008).

Or ce phénomène engendre des problé­matiques majeures quant à l’accompagnementet aux conditions d’accueil des personnes ensituation de handicap intellectuel, les struc­tures de prise en charge étant rares et souventinadaptées.

En France, cette question est posée depuisune vingtaine d’années.

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Des ruptures successives

En vieillissant, la personne handicapéementale voit disparaître les quelques repèresqu’elle a, non sans mal, identifiés : décès deses parents, changement de cadre de vie, perted’activité... Or c’est précisément à cet âge quenotre société nie son handicap en remettant encause les solutions dont elle a pu bénéficier :structures adaptées, ressources...

C’est à ce moment de la vie que le besoinde continuité dans l’accompagnement est leplus important (continuité des référents, conti­nuité de la structure d’accueil).

Les structures d’accueil

Les personnes handicapées mentales pré­sentent souvent un vieillissement ou une fati­gabilité accrue, bien avant l’âge administratifde 60 ans, âge légal de la retraite. Un tra­vailleur handicapé mental avançant en âge nepouvant plus exercer son activité peut être ren­voyé dans sa famille (elle­même vieillissante)ou orienté en maison de retraite classique dèsl’âge de 50 ans. Cette rupture brutale peutse révéler très douloureuse, voire dramatique,d’un point de vue identitaire et de l’estime desoi.

L’offre d’accueil et d’accompagnement despersonnes handicapées mentales âgées est lar­gement insuffisante et inadaptée et doit êtredéveloppée de manière urgente, afin de pou­voir faire face à l’accroissement significatif desdemandes.

La loi du 2 janvier 2002 rénovant l’actionsociale et médico­sociale impose des prises encharge personnalisées, en lien avec les projetsindividuels.

Ainsi, quelques départements permettentaux personnes handicapées mentales de rester,

au­delà de 60 ans, dans l’établissement qu’ellesont toujours connu. D’autres, conçoivent etmettent en œuvre des solutions innovantes, detypes MAPHA1 ou MAS2 Alzheimer, ou encoreconstruisent des structures d’accueil et d’héber­gement pour parents vieillissants et personneshandicapées mentales.

Mais ces avancées restent limitées et mar­ginales car les dispositifs de création et definancement de ces structures ne sont pas faci­lités par les politiques publiques actuelles enmatière de handicap (cloisonnement des enve­loppes de financement, démultiplication desmodes de tarification, contingentement desoffres de création de places innovantes...).

Toutefois, de nombreux départements rem­plissent les places disponibles en maison deretraite et s’acquittent ainsi de leurs responsa­bilités. Or, orienter une personne handicapéementale à l’âge de 60 ans vers le secteur géria­trique non adapté, dont la moyenne d’âge estde 85 ans, et en rupture totale avec son anciencadre de vie, peut apparaître comme fatal. Celacrée des dégâts psychologiques chez les per­sonnes handicapées mentales, qui, jusqu’alors,ont connu un environnement éducatif et socialprotégé.

Les ressources

Il résulte de l’augmentation de l’espérancede vie des personnes handicapées mentalesune inadéquation de la logique d’aide socialeà la situation des personnes handicapées, tellequ’elle a été conçue à l’origine. En effet, à 60ans, un basculement difficilement compréhen­sible du régime de l’aide sociale aux personneshandicapées à celui applicable aux personnesâgées est opéré. Ces deux régimes répondentà des logiques internes très différentes.

1. Maison d’accueil pour personnes handicapées âgées.2. Maison d’accueil spécialisé.

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10 • L’avancée en âge des personnes handicapées mentales

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Entre 20 et 60 ans, les personnes handi­capées déficientes intellectuelles perçoivent,pour la plupart, l’allocation aux adultes han­dicapés (AAH). À l’âge de 60 ans, comptetenu du caractère subsidiaire de l’AAH, lespersonnes handicapées mentales ont l’obli­gation de faire valoir, prioritairement, leursdroits aux avantages vieillesse. Elles voientdonc cette allocation remplacée par l’alloca­tion de solidarité aux personnes âgées (ASPA),destinée à garantir un minimum vieillesse auxpersonnes âgées à faibles revenus. C’est ce quel’on appelle la « barrière d’âge des 60 ans ».

Or ces deux allocations ne sont pas attri­buées de la même façon. L’ASPA s’avèreinadaptée, plus contraignante et moins favo­rable que l’AAH, car les organismes qui versentl’ASPA peuvent :

• entamer des actions en récupération : cerecours est lourd de conséquences pour lespersonnes handicapées mentales et leursfamilles, générant angoisse et incompréhen­sion. Il est d’autant plus incompréhensibleque le champ de la récupération de l’aidesociale aux personnes handicapées n’acessé d’être restreint ces dernières années,avec notamment la loi du 11 février 2005pour l’égalité des droits et des chances,la participation et la citoyenneté des per­sonnes handicapées ;

• inscrire une hypothèque légale sur les biensimmobiliers des bénéficiaires. Cette actionest souvent douloureuse pour les familles,attachées à leur patrimoine ;

• prendre en compte des ressources pluslarges que celles retenues pour le cal­cul de l’AAH, ainsi que le patrimoine despersonnes : l’ASPA versée est donc biensouvent plus faible que l’AAH perçue aupa­ravant.

Avec ce mécanisme, dès l’âge de 60 ans,une personne handicapée mentale est confron­tée à des difficultés supplémentaires et à des

démarches administratives qui peuvent s’avé­rer compliquées, et dans le seul but d’obtenirune allocation moins avantageuse. Elle passed’une allocation à une autre, cumule parfoisdeux allocations. Cette superposition est loinde simplifier leur vie.

Depuis plusieurs années, l’Unapei militeen faveur de la mise en place d’un « boucliersocial », garantissant à la personne handicapéementale un maintien de ses droits et un droitd’option, après 60 ans.

En parallèle, les personnes ayant travaillépeuvent, elles, avoir droit à une pension deretraite. Ce droit est ouvert dès 55 ans pourles travailleurs éligibles à la retraite antici­pée, dès 60 ans pour les autres. Mais, ayantsouvent cotisé sur des salaires faibles, cespensions sont trop précaires pour permettred’acquérir un niveau de vie décent et ellesdoivent alors être complétées par des alloca­tions comme l’ASPA. Bien qu’ils aient cotisépour leur retraite, les travailleurs handicapéssont donc, eux aussi, concernés par les pro­blématiques de la barrière d’âge.

L’angoisse des parents, des frères, dessœurs, des personnes elles­mêmes est criante.

Les parents s’inquiètent du devenir deleurs « enfants » lorsqu’ils ne seront plus enmesure de les aider. Les frères, les sœurss’interrogent sur leurs responsabilités, lorsqueleurs parents disparaîtront. Les personnes elles­mêmes craignent pour leur avenir :

• où habiterai­je ?• resterai­je près de l’endroit où j’ai toujours

vécu ?• garderai­je le contact avec mes anciens col­

lègues ?• quels seront mes revenus ?• aurai­je les moyens de payer mon nouvel

habitat ?• comment me déplacerai­je pour continuer

mes activités de loisirs ?• partirai­je en vacances ?

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• après mes parents, qui s’occupera de moiet qui prendra soin de moi ?

Autant de questions qui ne trouvent aucuneréponse.

Une santé plus fragileD’ordinaire, les personnes handicapées

mentales ont besoin de 2,5 fois plus de soinsque tout un chacun. À cela s’ajoute le faitqu’elles connaissent prématurément les effetsdu temps, qui se manifestent par l’appari­tion de pathologies trop souvent mal décelées.Elles ont besoin de davantage de soins et derecours aux professionnels de la santé permet­tant le maintien d’un bien être.

Même si les pathologies des personnes han­dicapées mentales liées à l’âge ne sont pasdifférentes de celles observées dans la popula­tion ordinaire (cancers, Alzheimer, problèmescardiovasculaires...), elles peuvent apparaîtreprématurément chez les personnes handica­pées mentales et sont mal décelées.

Ceci, pour plusieurs raisons :

• les personnes handicapées mentales ont desdifficultés à exprimer leur douleur ;

• il y a une tendance à attribuer les compor­tements peu habituels au seul fait de leurhandicap ;

• pour elles, l’accès aux soins est un parcourssemé d’obstacles ;

• le personnel de santé est très peu formé auhandicap ;

• enfin, les établissements médico­sociauxne peuvent proposer des emplois (ou desvacations) financièrement attractifs aux pro­fessionnels de santé.

L’ensemble de ces facteurs provoque unrisque pour la bientraitance des personnes.

2. RÉSULTATS DE L’ENQUÊTEUNAPEI1

Créée en 1960, l’Unapei est le premier mou­vement associatif français œuvrant pour lareprésentation et la défense des intérêts despersonnes handicapées mentales. Les asso­ciations affiliées à l’Unapei agissent pourrépondre aux besoins et aux attentes des per­sonnes handicapées mentales, favoriser leurinsertion et leur permettre de vivre dignementavec et parmi les autres.

L’Unapei est un mouvement national, quifédère six cents associations présentes auniveau local (APEI, Papillons­Blancs, Chrysa­lide, Envol...), départemental (ADAPEI, UDA­PEI, association tutélaire) et régional (URA­PEI).

L’Unapei en chiffres :

• 180 000 personnes handicapées accueillies,dont 107 000 adultes ;

• 60 000 familles adhérentes des associationsaffiliées ;

• 3 000 établissements et services spécialisés,dont 2 250 structures pour adultes ;

• 75 000 professionnels employés dans lesassociations et les établissements.

37,8 % des personneshandicapées mentalesaccueillies et accompagnéespar les associations de l’Unapeiont plus de 45 ans

L’Unapei fédère mille quatre cent soixante­quinze établissements et services pour adultes

1. Enquête menée par l’Unapei en février 2009 auprès de deux cent soixante­dix associations affiliées gestion­naires de mille quatre cent soixante­quinze établissements et services médico­sociaux.

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(hors entreprises adaptées, services d’insertion,centres de formation et foyers d’hébergement).S’agissant de cette dernière catégorie, le partide la retirer des bases de référence se justifiepar la volonté de ne pas avoir de doublon,puisque les personnes accueillies en foyerd’hébergement ont une activité en établisse­ment et service d’aide par le travail (ESAT).

Les mille quatre cent soixante­quinze éta­blissements servant de base à l’enquête repré­sentent quatre­vingt mille deux places. Si l’onpart du principe qu’une place correspondà une personne, l’enquête permet d’analy­ser 44 % de la population accompagnée dansles établissements et services du mouvementparental.

37,8 % de personnes handicapées mentalesde plus de 45 ans sont accueillies dans lesstructures ou services pour adultes gérées parles associations du mouvement Unapei, soitenviron trente mille deux cent quatre­vingtspersonnes, dont :

• 18,67 % ont entre 45 et 50 ans (soit 14 936personnes) ;

• 17,18 % ont entre 51 et 60 ans (soit 13 744personnes) ;

• 2 % ont plus de 60 ans (soit 1 600 per­sonnes).

Soit un total immédiat de 15 344 placesà créer ou adapter et, à cinq ans, de 14 936places supplémentaires.

Combien de personnes sont à l’âge de50 ou de 60 ans sorties des établissementsde nos associations ? Impossible de le quan­tifier. Il faudrait recenser l’ensemble despersonnes handicapées mentales vieillissantesvivant au domicile de leurs parents ou de leursfrères/sœurs, accueillies en maison de retraiteclassique. Cette enquête ne peut donc dresserun état des lieux fidèle à la réalité. Elle permet,malgré tout, de mettre en exergue le besoincriant de places.

Les solutions innovantesdes associations affiliées

73,1 % des associations ayant répondu àl’enquête ont un projet spécifique dédié auxpersonnes avançant en âge, dont :

• 63,8 % sont en cours d’élaboration de dos­sier ;

• 29,5 % sont en cours de négociation avecles pouvoirs publics ;

• 21,9 % sont en cours de réalisation.

Les associations trouvent des solutionsface à l’urgence de la situation. Ceci grâceà la volonté de quelques conseils géné­raux. Si certains départements estiment qu’ilest indispensable de prendre en compte laproblématique intrinsèque du vieillissementdes personnes handicapées mentales, d’autresconsidèrent que les maisons de retraite clas­siques répondent à ce besoin et ne permettentla création d’aucune structure adaptée. Ladisparité d’un département à un autre est fla­grante. Faut­il que les personnes handicapéesmentales changent de département pour trou­ver une solution adaptée ?

3. LES REVENDICATIONS DE L’UNAPEI

L’avancée en âge ne doit pas être unesource de rupture pour la personne handica­pée mentale, au prétexte qu’une barrière admi­nistrative imposerait un changement d’habitatpour répondre à des exigences réglementaireset à des compétences publiques.

Il relève de la responsabilité des pouvoirspublics d’accompagner les personnes handi­capées vers cette nouvelle vie, en cohérenceavec leurs projets, et ainsi garantir leur pleinecitoyenneté.

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Garantir la continuité

Des ressources

L’Unapei demande, depuis de nombreusesannées, aux gouvernements successifs queles personnes handicapées mentales puissentbénéficier de l’AAH tout au long de leur vie.

De l’accueil etl’accompagnement

La loi pour l’égalité des droits et deschances, la participation et la citoyenneté despersonnes handicapées fixe le droit à compen­sation du handicap :

« La personne handicapée a droit à la com­pensation des conséquences de son handicapquelles que soient l’origine et la nature de sadéficience, son âge ou son mode de vie. »

Ce droit à compensation s’exprime aussipar la création de places ou structures d’ac­cueil adaptées aux spécificités du handicapmental quel que soit l’âge des personnes.

L’Unapei demande un programme plurian­nuel de création et de requalification de trentemille cinq cents places dédiées à l’accueil etl’accompagnement des personnes handicapéesmentales vieillissantes, dont :

• le plus rapidement, l’adaptation et/ou lacréation de quinze mille cinq cents placesdédiées à l’accueil et l’accompagnement despersonnes handicapées mentales vieillis­santes ;

• d’ici cinq ans, l’adaptation et/ou la créa­tion de quinze mille places supplémentairesdédiées à l’accueil et l’accompagnement despersonnes handicapées mentales vieillis­santes.

Il n’existe pas une seule solution à la pro­blématique de l’accueil et l’accompagnementdes personnes handicapées avançant en âge,mais des solutions adaptées à des parcours devie individuels.

Maison de retraite (en partage avec despersonnes âgées), MAPAD, MAS, FAM, main­tien en foyer de vie... sont autant de solutionspossibles, dès lors qu’elles répondent aux pro­blématiques spécifiques de chaque personnehandicapée vieillissante.

Un rapide panorama des différents modesd’accueil et d’accompagnement proposés auxpersonnes handicapées mentales vieillissantesmet en évidence la diversité des solutions, quise multiplient progressivement, avec l’augmen­tation des besoins de ce public.

Plusieurs solutions possibles :

• le maintien de la personne le plus long­temps possible dans son milieu de viehabituel. Il faut, pour cela, accroître le finan­cement de services extérieurs médicaux ouparamédicaux, au sein de structures tellesque foyer d’hébergement ou foyer de vie ;

• le maintien à domicile et l’accompagne­ment de la personne au sein de la famille,avec l’appui de services pour les personnesles plus autonomes, tels que des servicesd’auxiliaires de vie sociale ;

• déployer les partenariats avec des servicesde soins palliatifs pour les MAS ou FAM ;

• créer des sections spécialisées dans lesEHPAD ;

• créer des établissements spécialisés.

La médicalisation de structures d’accueilexistantes peut donc être une solution. Cettemédicalisation repose, cependant, sur le recru­tement de personnel médical et paramédicalet la mise en place d’un réel projet de soins.Or les moyens manquent !

L’indispensable collaborationdes secteurs sanitaireet médico­social

Si, à tout âge, les soins apportés aux per­sonnes handicapées mentales laissent à désirer,

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lorsqu’arrivent les premiers signes de vieillisse­ment, les carences sont d’autant plus criantes.Ces besoins doivent être reconnus et mieuxpris en charge, à la fois par les établisse­ments médico­sociaux qui les accueillent, maisaussi par le corps médical. Il faut pouvoirapporter un équilibre entre ces deux sec­teurs. Les passerelles sont à développer pouroffrir aux personnes handicapées mentalesune approche 100 % médicale et 100 % sociale.Les établissements médico­sociaux doiventfavoriser le recrutement de personnels soi­gnants. Pourquoi ne pas employer un infirmierplutôt qu’un veilleur de nuit ? Pour cela, lesétablissements médico­sociaux doivent êtrepourvus des moyens nécessaires pour recruteret devenir un secteur attractif pour les profes­sionnels de santé qualifiés.

L’Unapei demande donc :

• les moyens nécessaires aux associationsgestionnaires d’établissements pour avoirrecours ou embaucher des professionnels

de la santé, afin de garantir la santé et labientraitance des personnes handicapéesmentales qui connaissent un vieillissementprécoce ;

• la mise en place de protocoles de suivimédical individualisé et la mise en œuvred’initiatives participant à la sensibilisationet à la formation du corps médical et para­médical, avec les associations ;

• la formalisation de parcours de soins, clai­rement identifiés au sein des établissementsde santé (définis dans les dossiers d’accré­ditation) et en médecine de ville (dévelop­pement des réseaux de santé consacrés auhandicap) ;

• le développement de la collaboration dessecteurs médico­social et sanitaire.

La mise en place des nouvelles agencesrégionales de santé (ARS), qui rapprochent lesdeux secteurs, devrait, théoriquement, amélio­rer leur collaboration. L’Unapei sera attentiveà ce que cela se traduise dans les faits.

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Chapitre 11

Ancasd : promouvoirle travail socialgénéralistedans les départements

Marc REVAULT

Président de l’Ancasd

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

PLAN DU CHAPITRE

1. La place stratégique de l’Ancasd 103

2. L’avenir du travail social généraliste 104Atelier 1 : garantir l’évaluation des situations sociales individuelles 105Atelier 2 : développer la prévention, entre obligation de moyens et derésultats 105Atelier 3 : identifier des compétences et des métiers 105Atelier 4 : définir l’accompagnement social, individuel et collectif 105Atelier 5 : inscrire le travail social généraliste dans le territoire 106

3. L’accompagnement social individuel et collectif 106La problématique 106Une modélisation de l’accompagnement social 108

4. La reconnaissance de l’Ancasd 110

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11 • Ancasd : promouvoir le travail social généraliste dans les départements

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1. LA PLACE STRATÉGIQUEDE L’ANCASD

À l’heure où tout le monde s’interroge afinde savoir comment recomposer le territoire(grand ou petit, commune, région ou départe­ment) ; à l’heure où les acteurs des conseilsgénéraux se demandent à quelle sauce ilsseront mangés demain ; à l’heure où, même, ilsse demandent s’ils sont encore comestibles...,l’Ancasd, sans révolution de palais ni bruitsoutranciers, avance sur la scène de l’actionsociale...

Inutile de chercher dans les répertoires desréseaux, vous ne trouverez — pas encore —son nom en bonne place. Et pour cause, ellen’a vu le jour qu’en 2000. Elle comptait, à cetteépoque, une vingtaine d’adhérents, pas plus.Les cadres de l’action sociale, conseiller tech­nique ou souvent maintenant directeur adjointdes territoires, sont, en règle générale, seuls àoccuper cette fonction. Il est donc, pour eux,plus difficile de se fédérer, de ponctionnerde ce temps précieux pour l’association, tantles contraintes se font sentir dans les départe­ments.

Cependant, à ce jour, l’Ancasd totalise envi­ron soixante­quinze membres représentantplus d’une cinquantaine de départements, dusud au nord, de l’est à l’ouest en passant parles départements d’outre­mer.

Cette montée en charge de l’associations’explique, à la fois, par le contexte de plus enplus tendu et complexe des départements —pour résumer : moins de moyens, des missionsnouvelles qui arrivent quasiment annuellementet majoritairement vers le service social —,mais aussi par ce besoin de rompre l’isolementde chacun de ces cadres dans son département,besoin de collecter qui une organisation ouune procédure, qui un témoignage sur tel outel dispositif. Cette attente est d’autant plusforte que, depuis les lois de décentralisation,

chaque département met en place et organisel’activité comme il peut et, parfois, en fonc­tion de son interprétation de la loi et de sesdécrets.

C’est pour cela que nos rencontres n’ontrien de « grands messes » théâtrales, avec desordres du jour nébuleux, loin, parfois très loin,du travail du terrain. Non, l’Ancasd se réunitet veut travailler sur la durée, régulièrement,parce que, pour réfléchir et produire, il fautde la continuité. Aussi, nos ordres du jour sontsouvent en prise directe avec notre actualitésociale et la mise en œuvre des dispositifs(MASP, loi DALO, chiffres ONED et RSA).

Cependant, il serait bien réducteur de limi­ter l’action de L’Ancasd à cette démarche.En effet, forte des ressources et des com­pétences en son sein, l’Ancasd veut, aujour­d’hui, aller de l’avant et rejoindre ses aînés(ANDASS, ADF, UNCASS, notamment) dansune démarche empreinte de maturité. Nosobjectifs se centrent donc autour de l’observa­tion et du repérage des évolutions du travailsocial, ainsi que son impact sur les populations.Nous souhaitons, également, être entenduscomme des interlocuteurs du social à partentière et prendre place dans les instancesdécisionnelles. Par exemple : nous avons parti­cipé aux travaux concernant l’élaboration desdécrets de la loi de protection des majeurs,grâce à une invitation de la DGAS. Pource faire, nous avons mis en place, depuisquelques mois, une organisation sous la formede commissions restreintes, avec pour mission,soit de participer à des travaux (ce fut le caspour la MASP), soit d’élaborer un dossier enrecueillant les contributions des autres adhé­rents de l’Ancasd (en octobre 2009, le dossierlogement — loi DALO, loi Molle — a été pré­senté en réunion plénière).

Les cadres de l’Ancasd occupent, dans lesdépartements, des postes stratégiques, en étantà l’interface entre les cadres intermédiaires

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de terrain, les directeurs généraux et les poli­tiques. Cette place nous permet d’avoir unevision très globale des organisations et deschoix à réaliser. C’est pour cette raison quenous pensons avoir une carte à jouer dans laformulation de propositions ou dans l’analysedes politiques sociales, sans jamais oublier lesens et l’éthique du travail social.

C’est dans cette optique que nous avonstravaillé, toute l’année 2008, à l’élaboration dedeux journées de réflexion pour les cadres del’action sociale des départements sur l’évolu­tion, le devenir du travail social...

En effet les conseils généraux, outre leurscompétences obligatoires, ont un rôle de coor­dination de l’action sociale sur le territoiredépartemental.

La décentralisation a donné, à chaqueconseil général, une autonomie dans l’orga­nisation des services, tout en lui confiant lamise en place des grands dispositifs spéciali­sés par public (RMI, RSA, APA, protection del’enfance, protection des majeurs, logement...).Ces dispositifs complexes dans leur approcheet leur mise en œuvre concentrent une grandepartie des budgets et des personnels de l’ac­tion sociale départementale.

Mais, pour éviter les ruptures dans lesaccompagnements, pour être en capacité d’ap­porter une réponse adaptée à toute personneen difficulté, et aussi pour permettre unfonctionnement harmonieux des équipes, ilapparaît nécessaire d’avoir des agents qui sontspécialisés... dans le « général ».

Ce travail social généraliste est­il aujour­d’hui le parent pauvre des départements ?Moins visible, il accomplit un service publicd’accueil, d’accès aux droits, de préventionau quotidien et d’accompagnement individuelet collectif des populations, qui contribue aumaintien de la cohésion sociale.

L’encadrement est pris dans une doublecontrainte. La réponse à la demande socialeet la mise en œuvre des lois, avec des exi­

gences de qualité, doivent être articulées avecle développement d’une action sociale inno­vante associant les usagers. Pour autant, lecadre est garant des valeurs et du sens du tra­vail social.

Les 29 et 30 janvier 2009, l’École nationaled’application des cadres territoriaux (ENACT)d’Angers a donc accueilli un colloque, co­organisé par le pôle de compétence social duCNFPT et l’Association nationale des cadres del’action sociale départementale (Ancasd), surle thème : « Quel avenir pour le travail socialgénéraliste dans les départements ? Les enjeuxpour l’encadrement ».

Ce colloque a réuni deux cent cin­quante cadres des conseils généraux représen­tant soixante­quinze départements et quinzeconseillers formation du CNFPT, mobiliséspour travailler avec eux.

Les deux jours de travaux ont été denses,alternant tables rondes et ateliers. Chaqueatelier, co­animé par l’Ancasd et le CNFPT,bénéficiait du soutien d’un expert, pour aiderla réflexion, et devait produire des éléments deréponse à la problématique. Ces productionssont des points d’appui pour la pratique descadres dans l’accompagnement des équipes.Voici la restitution synthétique de ces ateliers.

2. L’AVENIR DU TRAVAIL SOCIALGÉNÉRALISTE

Intitulée « Des perspectives pour l’avenirdu travail social généraliste », la table rondefinale était animée par Marc Revault, le pré­sident de l’Ancasd. Ce débat a réuni les cinqexperts ayant apporté leur contribution dansles ateliers. À savoir : Charles Dubourg, consul­tant, Optim Ressources ; Geneviève Decrop,sociologue ; Marie­Joëlle Gorisse, directiongénérale de l’Action sociale (DGAS) ; PierreVidal­Naquet, sociologue ; Denys Cordonnier,consultant, Valeur Plus.

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11 • Ancasd : promouvoir le travail social généraliste dans les départements

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La restitution synthétique des ateliers aservi de support au débat.

Atelier 1 : garantir l’évaluationdes situations socialesindividuelles• Évaluer signifie donner de la valeur à la rela­

tion d’aide ; c’est aussi poser une premièrepierre dans l’accompagnement.

• La place de l’encadrement : le cadre garan­tit la légitimité de l’évaluation (la validitéde l’origine de la demande), la qualité deson contenu (l’évaluation doit produire uneplus­value) et toutes les exigences qui sontliées (conditions et délai de l’évaluation).Le cadre peut proposer des outils, desréférentiels, de la formation, mais il doitaussi laisser aux professionnels une certaineliberté dans la conduite de l’évaluation.

• Un point qui fait débat : les dispositifs s’ad­ditionnent et les demandes d’évaluationprolifèrent, sous des formes diverses (avis,cautions, évaluations...). Cette complexitéet cette surenchère font craindre aux pro­fessionnels d’être instrumentalisés.

Atelier 2 : développer laprévention, entre obligationde moyens et de résultats• La promotion de la prévention passe par la

valorisation du travail discret et son évalua­tion, acquise sur le principe mais complexeà mettre en œuvre. Cette valorisation a pourbut de donner de la valeur, mais non d’abou­tir à la totale transparence.

• Le cadre a une place stratégique pour pro­mouvoir la prévention (auprès des équipes,mais aussi des décideurs) et susciter la com­mande politique.

• L’objet de l’évaluation du service rendu,individu ou territoire, son objectif, saconduite et son utilisation doivent se définiren amont de tout processus évaluatif.

Atelier 3 : identifier descompétences et des métiers• Dans le travail social généraliste, le travail

d’équipe fabrique l’équipe de travail ; ilest composé d’une palette de ressources :métiers, compétences individuelles et col­lectives... Comment faire équipe avec lesusagers, qui sont aussi une ressource sur leterritoire ?

• Le cadre est un ensemblier qui fédère descompétences au service des publics quise diversifient dans un territoire donné.Quelle stratégie de recrutement pour avoirla bonne personne à la bonne place ?

• Questions qui ont fait débat : statut = statu­fié ? Les concours sont­ils adaptés ? Com­ment passer de la gestion des statuts àla gestion des besoins ? Externalisation :risque ou richesse ?

Atelier 4 : définirl’accompagnement social,individuel et collectif• L’accompagnement social est plus ou moins

ouvert (en libre adhésion) ou fermé (pres­crit). Au regard du contexte tendu etd’aggravation de la crise, deux optionsse profilent : celle du maintien ou durenforcement de la qualité de l’accom­pagnement social en complément ou audétriment d’autres missions ; celle de la dis­qualification de la mesure au risque d’unesegmentation des publics.

• L’accompagnement doit­il rester un outil àmaintenir, à revendiquer ? si oui comment :en élaborant une charte de l’accompagne­

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ment social ? en le labellisant ? en reven­diquant la nécessité de l’approche globaledes personnes ?

• Rôle pour le cadre : s’agit­il de construireun référentiel, de multiplier les expérimen­tations, de généraliser et de mutualiserau travers de formations actions, de « visi­biliser » ? Ce rôle entraîne­t­il un autrepositionnement du cadre ?

Atelier 5 : inscrire le travailsocial généralistedans le territoire• Le développement social local, ou le pro­

jet de territoire (les termes mêmes fontdébat), est une réponse pertinente qui sup­pose une volonté politique, la recherchede complémentarités partenariales, un ter­ritoire pertinent par rapport au projet, uneouverture du social aux autres champs del’action publique (culture, urbanisme...), laparticipation des habitants.

• Dans la dynamique du développementsocial local, le cadre doit s’engager auprèsdes professionnels, des directions et desélus. La posture du cadre est d’être « avec »et « à côté », de mobiliser de la formation,d’outiller les élus, de rechercher des com­promis entre la commande et les besoinsdes habitants.

• Un point qui a fait débat : la participationdes habitants. Comment passer du vouloirau faire ? Cela questionne le besoin de for­mation et le dépassement des peurs. Il s’agitd’oser et d’avoir de l’audace.

3. L’ACCOMPAGNEMENT SOCIALINDIVIDUEL ET COLLECTIF

L’atelier 4 a permis de dégager des pers­pectives.

La problématique

L’accompagnement social...une des modalitésd’intervention du travail social

L’Ancasd et le CNFPT ont voulu à traverscet atelier s’interroger sur les aspects du travailsocial généraliste, l’accompagnement socialétant une composante centrale de cette réfle­xion.

Le Conseil supérieur du travail social (CSTS)définit pour sa part l’intervention sociale« comme la rencontre de deux histoires cellede l’accompagnant et celle de l’accompagné,avec ses tensions et ses difficultés pour faireen sorte que ces histoires se rencontrent ».Ce processus se situe à l’articulation du psy­chologique et du social, du social et del’institutionnel, du social et du politique.

L’intervention sociale peut prendre biendes formes : accueil, soutien, aide matérielle,« médiation et... accompagnement... ».

L’accompagnement social s’inscrit doncdans une relation entre la personne en diffi­culté et un professionnel. C’est une démarchecontractuelle, formalisée ou non, qui est orien­tée vers le « faire ensemble », toujours attentiveau cheminement des personnes et, surtout, àleur adhésion dans le parcours proposé.

Un accompagnement...ou des accompagnements

Du spécifique au généraliste

L’accompagnement est­il un mot passe­partout, un mot à la mode : scolaire, psy­chologique, fin de vie ou... accompagnementsocial ?

Depuis quelques années, cette notion d’ac­compagnement social est venue peu à peuremplacer la notion de suivi, liée directementà celle, plutôt négative, du contrôle social.

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11 • Ancasd : promouvoir le travail social généraliste dans les départements

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Par ailleurs, on voit apparaître ce termedans les textes liés aux politiques sociales.Avec le RMI, en 1988, le législateur évoque clai­rement le recours à l’accompagnement socialdans le cadre du contrat d’insertion.

Plus récemment, la réforme de la pro­tection des majeurs, ainsi que la loi sur lerevenu de solidarité active (RSA), emploientce même terme d’accompagnement social. Ils’agit ici d’un champ clairement délimité, d’unpublic cible avec un financement spécifiquedes mesures. On peut donc parler ici d’unaccompagnement social spécifique.

A contrario, l’accompagnement social géné­raliste sera proposé suite à une libre négo­ciation contractuelle et repose sur une priseen charge globale, en lien avec les missionsgénéralistes des services sur les mêmes com­posantes : objectifs, durée et évaluation.

Cette terminologie entraîne­t­elle des pra­tiques différentes ?

Si les composantes sont identiques —objectifs, durée et évaluation —, les enjeuxpour les usagers ne sont­ils pas de naturesdifférentes entre le « spécifique » et le « géné­raliste » ?

Par ailleurs, comment les différents interve­nants arrivent­ils, entre eux, à articuler leursaccompagnements respectifs avec cohérenceet lisibilité ?

De l’intervention sociale d’intérêtcollectif (ISIC) à l’intervention socialed’aide à la personne (ISAP)

La réforme du DEAS (décret du 29 juin2005) « labellise » l’intervention sociale en deuxdomaines : l’ISAP (intervention sociale d’aideà la personne) et l’ISIC (intervention socialecollective). L’accompagnement social doit­ilconcourir à accentuer cette dichotomie entrecollectif et individuel ? Si le travail social avecles groupes requiert des pratiques nouvelles(travail social communautaire, DSL...), doit­onpour autant l’opposer à l’accompagnement

individuel ou plutôt réfléchir à une opportu­nité de passer de l’un à l’autre ?

Le législateur, pour sa part, a clairementrepositionné le travail collectif. Mais commentcela se traduit­il pour les travailleurs sociauxet les institutions ?

L’accompagnement socialest­il une pratique tropambitieuse ?

Les nouvelles missions, les réorganisations,la charge de travail... Tous ces arguments, leplus souvent légitimes, sont parfois mis enavant comme une impossibilité à s’approprier« une pratique par trop ambitieuse » et pas tou­jours lisible.

Par ailleurs, les travailleurs sociaux ont dumal à inverser leur démarche et à passer du« je prends tout, tout le temps » au « j’évalue etje gradue le travail possible ou non avec ceménage ».

L’enjeu n’est­il pas, au final, de continuerà vouloir travailler comme par le passé, alorsque l’on n’en a plus réellement les moyenset qu’il serait essentiel de développer d’autrespratiques ?

Assistance et contractualisation...

Un autre écueil réside dans la pratiquemême de la contractualisation, dans l’adhésionde la personne et, surtout, dans la réponse à sapropre demande. Pour faire court, est­ce quesi je ne demande rien cela signifie que je n’aibesoin de rien ? Si la personne ne s’impliquepas dans une démarche contractuelle, com­ment doit­on, ou peut­on, travailler avec elle ?Peut­on contractualiser tout le temps avec toutle monde ?

Est­ce une « pratique alibi » qui, en fait,donne bonne conscience au travailleur socialen réglant radicalement la question de savoircomment faire émerger la demande, en réglantégalement le problème du choix ?

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

L’encadrant de proximité : chefd’orchestre ou funambule ?

Porteur de l’innovation des pratiquesauprès des équipes, c’est à lui qu’est dévo­lue la tâche de « mettre en musique harmo­nieusement » ces différentes sortes d’accom­pagnements (individuel, collectif, spécifique,généraliste...), d’y donner du sens, afin deredynamiser le travail social et de développerle pouvoir d’agir des personnes.

Ce chef d’orchestre lutte, parfois, contreune cacophonie, sans beaucoup de moyens.

Funambule, il a la responsabilité du balan­cier, avec, d’un côté, des interventions socialesnovatrices et, de l’autre, les contraintes desmissions obligatoires à décliner sur les terri­toires.

Les deux sont­elles encore compatibles ?Peuvent­elles être complémentaires ? Jusqu’àquand les cadres pourront­ils maintenir le fra­gile équilibre du balancier ?

Une modélisationde l’accompagnement social

Suite à la lecture du texte introductif et deséchanges qu’il a suscités, l’option a été prisede préciser les contours de l’accompagnementsocial, à partir de sa définition, de sa finalitéet des méthodes, procédures et organisationsqu’il sous­tend.

Sur la base de ce travail, nous avons arrêtéune définition consensuelle, commune et suc­cincte de l’accompagnement social.

La définitionde l’accompagnement social

L’accompagnement social, qu’il soit indivi­duel ou collectif, fait appel aux outils multiplesdu travail social.

Cependant, il se particularise par :

• aller vers, aller avec les usagers ;

• une relation de confiance ;• un acte professionnel ;• un diagnostic ;• un projet partagé ;• un cheminement, un parcours ;• un plan d’action négocié, une co­

construction ;• un début ;• une fin ;• une évaluation.

La finalité del’accompagnement social

Accompagner la personne vers une auto­nomie dans les différents aspects de la viequotidienne, transformer, promouvoir, proté­ger, aller vers un changement, un mieux être.

Les points de questionnement

Puis, nous avons dégagé les points de ques­tionnement consécutifs à la mise en place desnouvelles réformes et au contexte de crise.

L’accompagnement,une appellation contrôléeou non ?

Y a­t­il une distinction à faire entre unaccompagnement social réalisé dans le cadred’un dispositif et un autre réalisé dans le cadrede la polyvalence ?

Le terme « généraliste » ne prête­t­il pasà confusion ? Le travail généraliste ne seretrouve­t­il partout, sous des formes diffé­rentes ?

À partir du travail des sous­groupes, il aété proposé une modélisation de l’accompa­gnement social (tableau ci­contre).

Il ressort, ainsi, des débats que la dis­tinction entre un accompagnement qui serait« spécialisé » et un accompagnement qui serait

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11 • Ancasd : promouvoir le travail social généraliste dans les départements

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Travail social

Lesacteurs

Partenairesinstitutionnels

(Caf, Msa,Cram...)

PolyvalenceCG

Autrescollectivités

locales

Secteurassociatif

Secteurmarchand

Entrées

Dispositifs

ou hors dispositifs Curseur

Approches

Spécialisée

ou globale Curseur

Méthodes Accompagnement

I – C durAccompagnement

I – C facultatif

Temporalité Butoir

incidencesPlasticité

Évaluation

Résultatsà l’aune

du dispositif

Évaluationcirconstancielle

du résultat

« généraliste » n’est pas opérante. Qu’il s’exerceau sein d’un dispositif tel que le RMI ou horsdispositif et sans contractualisation, l’accom­pagnement se situe, dans les deux cas, dans lecadre d’une approche globale de la situation.

Ce qui distinguerait un accompagnementqui s’inscrirait dans un dispositif ou dans uneintervention de polyvalence, c’est que le pre­

mier serait plus ou moins fermé ou et le secondplus ou moins ouvert :

• entrée dispositif : l’accompagnement estprescrit dans une temporalité précise ;

• entrée polyvalence : l’accompagnementfacultatif est en libre adhésion, sans limitefixée a priori.

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

Le contexte institutionnelet la crise, une fatalitéou une opportunité ?

L’accompagnement social est plus ou moinsouvert ou fermé, selon qu’il est en libre adhé­sion ou prescrit.

Au regard d’un contexte tendu et d’aggra­vation de la crise, deux options se profilent :

• celle du maintien et/ou du renforce­ment de la qualité de l’accompagnementsocial, en complément ou au détrimentd’autres missions (traitement de la demande,urgence...) ;

• celle de la disqualification de la mesure, aurisque d’une segmentation des publics.

En effet, les leviers suivants peuvent êtreactionnés par les politiques et les cadres :

• priorisation des publics entre accompagne­ment et traitement de la demande initiale ;

• développement de la « méthode anglaise » :des contrats courts de type « coaching » ;

• priorisation de la logique de traitement dela demande ;

• développement du travail en réseau avec lesassociations, les CCAS, les EPCI et autres... ;

• mutualisation des moyens avec d’autres par­tenaires ;

• innovation...

Avec l’arrivée d’autres missions, d’autresacteurs, l’accompagnement doit­il rester unoutil à maintenir, à revendiquer ? et si oui com­ment ?

• en élaborant une charte de l’accompagne­ment social ?

• en le labellisant ?

• en revendiquant la nécessité de l’approcheglobale des personnes ?

Et pour l’encadrement ?

• s’agit­il de mobiliser et de construire unréférentiel ?

• de démultiplier les expérimentations ?

• de généraliser et/ou de mutualiser, notam­ment au travers de formations action ?

• de rendre l’action visible, tant en internequ’en externe ?

• enfin, ce rôle entraîne­t­il un autre position­nement du cadre ?

4. LA RECONNAISSANCEDE L’ANCASD

L’Ancasd a activement initié cette réflexionet a souhaité que la démarche se poursuivedans les départements, bien au­delà de cesdeux journées.

Si ce travail était conséquent, les ambi­tions de notre association sont aussi, à courtterme, de nous faire connaître et reconnaîtred’un large public. La conférence de pressequi a suivi la publication des actes du col­loque d’Angers nous a permis de nouer descontacts avec les médias, ce qui nous permet­tra, par la suite, de communiquer des travaux,prises de position ou interrogations émanantde notre association. À ce jour, les sujets nemanquent pas : les fiches de l’ONED (pourlesquelles nous rejoignons la position critiquede l’ANAS, de l’ONES et du SNMPPMI), la loiMOLLE (avec la nouvelle enquête demandéeaux travailleurs sociaux), la suppression dudéfenseur des enfants ou encore les difficul­tés rencontrées par les départements dans lamise en œuvre du RSA. Autant de préoccupa­tions partagées par les cadres de l’Ancasd, avecce besoin de prendre le temps d’une analysecritique et, cependant, l’impérieuse nécessitéd’être réactif.

Nous restons vigilants sur le sens du travailsocial, impacté par ces nouveaux dispositifs,

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11 • Ancasd : promouvoir le travail social généraliste dans les départements

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et la place que l’on donne (que l’on laisse...)à l’usager ou, plus précisément, au citoyen.

À moyen terme, notre bonne collaborationavec le CNFPT et, plus particulièrement, avecle pôle social nous a amenés à un constatpartagé sur l’absence ou, du moins, le peu deformations adaptées aux cadres intermédiaires,au regard de l’évolution des organisationset des contextes de travail. Ce sont eux quidoivent conduire le changement ; ce sont euxqui vont être chargés d’évaluer les besoins.Nous allons donc, ensemble, réfléchir auxtypes de formations à élaborer et, éventuel­lement, pouvoir envisager notre participationactive à ces sessions de formation. Là encore,nous avons, au sein de l’Ancasd, un potentiel,une expérience, qui peuvent tout à fait êtremis à profit. À titre d’exemple, nous avons étéinvités à participer au comité de pilotage RSAanimé par le CNFPT, afin de cerner les besoins

de formations en lien avec ce nouveau dispo­sitif.

Le travail social est au cœur des paradoxeset des contradictions de notre société. Il doitrester ce grain de sable qui provoque, qui inter­pelle. Dans notre travail au quotidien, noussavons qu’il n’y a pas de bonne solution et quel’accompagnement d’un cheminement indivi­duel ou collectif n’est jamais programmé àl’avance et demeure toujours inachevé. Nousavons à participer au travail que fait la sociétésur elle­même, afin d’être moins injuste et pluséquitable, et il est important de pouvoir ins­crire le travail social dans un autre rapportsocial, qui développe la citoyenneté et le pou­voir d’agir des habitants.

Dans cette dynamique de l’action sociale,l’Ancasd prendra toute sa place pour faireentendre la voix des cadres de l’action sociale.

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Chapitre 12

Tarification des ESMS

Frénésie de réformes

ou continuité dans la réforme de 2003 ?

Jean­Pierre HARDY

Inspecteur hors classe de l’action sanitaire et sociale

chargé d’enseignement à l’EHESP

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

PLAN DU CHAPITRE

1. Fin de la tarification en fonction « des charges historiques » relevant du« droit créance » 115

2. Où en est la convergence tarifaire ? 117La qualité de la prise en charge est­elle indifférente au nombre d’heures deprise en charge éducative effective ? 120Les tarifs plafonds 123

3. Où en sont les référentiels nationaux des coûts ? 123

4. La tarification « en fonction des besoins de la personne »... 127

5. ... et dans la limite des ressources financières disponibles 128

6. Pour conclure : nouvelle régulation ou dérégulation ? 130

7. Annexe : réforme de la tarification des SSIAD en 2011 ? 131

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12 • Tarification des ESMS

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TARIFS plafonnés, tarification « à laressource », tarification « en fonc­tion des besoins de la personne »,les fédérations gestionnaires disentavoir le tournis. Tout bouge, rien

n’est stable, de quoi faire regretter à jamaisle « bon vieux prix de journée » de la secondemoitié du XXe siècle, calculé au prix de revientdes charges nettes avec incorporation des défi­cits. Aussi, il apparaît nécessaire, pour donnersuite à l’article paru dans L’Année de l’actionsociale 20071, de faire à nouveau le point surla tarification des établissements et servicessociaux et médico­sociaux2.

1. FIN DE LA TARIFICATIONEN FONCTION « DES CHARGESHISTORIQUES » RELEVANTDU « DROIT CRÉANCE »

La tarification qui ne fait que reconduire,chaque année, les budgets historiques dechaque établissement et service est injuste.Cependant, certaines fédérations continuentà considérer que les propositions budgétairesd’un établissement constituent la pure expres­sion d’un « droit créance » de l’usager, dontl’établissement n’est que le mandataire.

Selon ce principe du « droit créance », lespersonnes en difficulté, les personnes handica­pées, les personnes âgées ont une créance surla société, que cette dernière se doit d’honorer.Ce principe du « droit créance » trouve ses fon­dements dans le préambule de la Constitution

et notre droit social, le droit de l’aide socialeen particulier.

Au nom de ce « droit créance », les établis­sements devraient continuer à être financés à« prix coûtant » et à leurs « prix de revient »,mais non de façon forfaitaire ou prédéter­minée : tarifs plafonnés ou tarifs nationauxformatés par le financeur.

Les propositions budgétaires des établisse­ments sociaux et médico­sociaux sont analy­sées comme l’expression de ce « droit créance »des usagers, cette créance devant être unedépense obligatoire pour la collectivité. Iln’est pas tenu compte du fait que ces pro­positions budgétaires sont, aussi, la résul­tante de modalités de gestion (ressourceshumaines, investissements, choix des presta­taires dans un secteur géré majoritairementpas des associations non soumises aux règlesde marché public, choix financiers, gestionpatrimoniale...), qui explique que, pour desservices et des publics identiques, la disper­sion des coûts est considérable.

Si la personne relevant de l’aide sociale abien une créance sur la société, force est deconstater, « qu’à l’insu de son plein gré », l’usa­ger en institution voit sa créance escomptée,voire réescomptée, par son établissement d’ac­cueil.

En effet, les propositions budgétaires desétablissements sociaux et médico­sociaux sontdes combinaisons complexes de réponses auxbesoins des usagers et de tendances objectivesvisant à accroître, à leur profit, des allocationsde ressources, pour compenser un rapportcoût­efficacité pas toujours favorable.

1. « Établissements et services : le nouveau contexte budgétaire, comptable et financier ».2. Inspecteur hors classe de l’action sanitaire et sociale, chargé d’enseignement à l’EHESP, chef du bureau de laréglementation financière et comptable (2000­2009). Auteur de la deuxième édition de Financement et tarificationdes établissements et services sociaux et médico­sociaux, Dunod, 2006. Plusieurs paragraphes de cette contributionseront repris et développés dans la troisième édition de cet ouvrage, à paraître au deuxième trimestre 2010.

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Pour des besoins et des objectifs iden­tiques, on constate, dans les établissements,des coûts différents, souvent liés à des ques­tions d’organisation du travail et d’articulationdes interventions. Il y a des forces expan­sionnistes importantes : montée de l’exclusionsociale, vieillissement de la population..., quijustifient de voir les moyens du secteur socialet médico­social croître fortement. Mais celan’enlève en rien la nécessité de veiller à l’utili­sation optimale des ressources allouées. Larapidité de la croissance globale des enve­loppes sociales et médico­sociales est, en fait,très dépendante de la certitude de son utilisa­tion rationnelle et efficiente.

Il ne peut pas y avoir d’arbitrages macro­économiques favorables pour le secteur socialet médico­social si les ressources dégagées nesont pas allouées de façon équitable et opti­male.

Si, demain, le montant global des bud­gets alloués aux établissements sociaux etmédico­sociaux pouvait être multiplié par 10,il ne faudrait pas se contenter de multiplier,bêtement et mécaniquement, tous les budgetspris isolément par 10, mais faire une allo­cation fortement différenciée des nouveauxmoyens, afin d’effectuer une convergence tari­faire tenant compte du rapport coûts­efficienceet des besoins des publics pris en charge.

Si les propositions budgétaires d’un éta­blissement sont bien l’expression des besoinsde ses usagers — c’est­à­dire, dans notre sec­

teur, de la « sous­productivité objective » despublics accueillis —, elles sont aussi, souvent,la résultante de la « sous­productivité relative »de la structure que, soit l’on cache, soit l’onignore, en l’absence d’éléments de comparai­sons objectives lorsqu’il n’y a pas d’indicateurset de référentiels de coûts.

Il apparaît normal que les propositions bud­gétaires intègrent les besoins des salariés. Maisil est intellectuellement malhonnête de pré­tendre à la parfaite homologie entre les intérêtsdes salariés et ceux des usagers. Ils peuventêtre, d’ailleurs, en matière d’organisation dutemps de travail, complètement en contradic­tion avec ceux des usagers.

Pour conclure sur cette question du « droitcréance » de l’usager, sans remettre totalementen cause cette pratique de l’escompte des éta­blissements, on peut aussi s’interroger sur letaux de réescompte, voire les taux d’usure par­fois pratiqués. Il est grand temps de ne plusconfondre le créancier, l’escompteur et, par­fois même, l’usurier.

La plupart des organisations représen­tatives d’établissements sociaux et médico­sociaux adeptes du « droit créance » ont, dansles faits, reconnu l’inanité de leur position,en réclamant, en juillet 2009, le maintien dela tarification administrée de l’hébergementdes personnes âgées, que la DGAS voulaitassouplir1 . Alors que l’administration voulaitles libérer des « chaînes de la tarification admi­nistrée », que pourtant ils dénoncent depuis

1. Le projet de la DGAS, dans sa version de juillet 2009, en transférant des charges de l’hébergement, notammentl’animation et le suivi social vers la dépendance et en faisant financer les psychologues sur les soins, entraînaitune baisse des tarifs de l’hébergement. Une libéralisation des tarifs des résidents non bénéficiaires de l’aidesociale, qui était cependant très encadrée par une limitation de la possibilité de se dégager une capacité d’autofi­nancement (CAF) et par le respect d’un référentiel départemental des coûts de l’hébergement, devait permettrele basculement des EHPAD dans une TVA à 5,5 % récupérable, au lieu de continuer à s’acquitter de la taxe surles salaires... Au final, les prix hébergement devaient baisser et donc augmenter « le reste à vivre » des résidents.Qu’une association de directeurs d’EHPAD ait « caramélisé » le projet, en affirmant dans les journaux télévisés dumois d’août bien contents de ne pas en rester au « marronnier » de la canicule, que les directeurs en profiteraientpour augmenter les tarifs à la fin d’augmenter « leur train vie », en dit long sur les conflits d’intérêts pourtant niésentre usagers et directeurs.

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12 • Tarification des ESMS

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des décennies, considérant que les établisse­ments à but non lucratif sont majeurs pourfixer eux­mêmes le juste tarif dans un cadrecontractuel avec un usager renforcé dans sesdroits de consommateur, elles ont exigé lemaintien d’une « tutelle renforcée », afin d’êtreprotégées d’elles­mêmes (risque de prodiga­lité ?) et de faire garantir par l’administrationla tempérance des tarifs. Ce refus revenait àreconnaître que la liberté de tarification dansdes établissements ne recherchant pourtantpas le profit et le partage des dividendes étaitdangereuse pour les usagers.

En effet, l’argument du risque d’évictiondes bénéficiaires de l’aide sociale, avancé parcertains partenaires, en cas de suppressionde la tarification administrée apparaît biensurprenant s’agissant d’un dispositif concer­nant les établissements publics et associatifssans but lucratif, qui n’ont pourtant pas pourobjectif d’établir des tarifs contractuels visantà dégager et partager un dividende, à la dif­férence du secteur commercial. Ce dispositifvise, uniquement, à leur permettre d’obte­nir un juste prix traduisant un bon rapportqualité­prix, comme ils le réclament et commeils reprochent à la tarification administrée del’empêcher. Cette crainte traduit une méfiancedans les propres capacités des gestionnaires(la tarification administrée serait le seul moyend’éviter les exigences démesurées des ges­tionnaires) et des conseils généraux censésne pas avoir d’exigences en matière de qua­lité de prise en charge des bénéficiaires del’aide sociale... Mais, à défaut de dividende,n’y a­t­il donc pas, dans cette attitude, la recon­naissance de l’existence d’autres intérêts, quifont que les intérêts des gestionnaires et ceuxdes usagers sont quelque peu contradictoires ?C’est bien pourquoi les propositions budgé­taires d’un établissement ne sont pas la puretraduction du « droit créance » de l’usager.

2. OÙ EN EST LA CONVERGENCETARIFAIRE ?

Le décret du 22 octobre 2003 a impulsé unprocessus de convergence tarifaire régionaleet/ou départementale sur des groupes homo­gènes d’établissements ou services, sur la based’indicateurs médico­économiques et sociaux.

En effet, une des pièces maîtresses de laréforme budgétaire et comptable de 2003, s’ins­pirant de celle de 1999 sur les EHPAD, est lamise en œuvre d’une convergence tarifaireentre établissements et services comparables,s’appuyant sur des indicateurs médico­sociauxet socio­économiques.

De juillet 2003 à juillet 2005, la DGAS s’estattachée à la co­construction, avec les parte­naires du secteur, de ces indicateurs. Il en arésulté un nombre conséquent de comités depilotage et de groupes de travail sectoriels,sachant que le secteur est riche de plus d’unecentaine de confédérations, fédérations géné­ralistes ou sectorielles, syndicats d’employeurset associations professionnelles, soucieux dela reconnaissance de leur représentativité etde la prise en compte de leurs multiples pré­occupations.

En octobre 2004, pour les indicateurs de« première génération », et en juillet 2005, pourles indicateurs de « deuxième génération », desarrêtés ont fixé la liste des indicateurs et leursmodes de calcul pour les catégories d’ESMSprésentées dans le tableau 1.

Alors que les indicateurs de « premièregénération » portent sur les caractéristiquessocio­démographiques des publics et les coûtsstructure/encadrement/immobiliers, ceux de« deuxième génération », notamment celui surles coûts de la prise en charge médico­éducative rapportée au temps actif mobilisabledes personnels médico­socio­éducatifs, sontcentrés sur le coût de la prise en charge directe(« les yeux dans les yeux ») par les personnels

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Tableau 1. Les établissements sociaux et médico­sociaux.

1 Instituts médico-éducatifs (IME) en externat et semi-internat

2 Instituts médico-éducatifs (IME) en internat et mixte

3 Instituts médico-éducatifs (IME) (ensemble des IME)

4 Instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (ITEP) en externat et semi-internat

5 Instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (ITEP) en internat et mixte

6 Instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (ITEP) (ensemble des ITEP)

7 Établissements et services prenant en charge des enfants ou adolescents présentant une déficience motriceen externat et semi-internat

8 Établissements et services prenant en charge des enfants ou adolescents présentant une déficience motriceen internat et mixte

9 Établissements et services prenant en charge des enfants ou adolescents présentant une déficience motrice(ensemble de ces établissements)

10 Établissements et services prenant en charge des enfants ou adolescents polyhandicapés en externat etsemi-internat

11 Établissements et services prenant en charge des enfants ou adolescents polyhandicapés en internat et mixte

12 Établissements et services prenant en charge des enfants ou adolescents polyhandicapés (ensemble de cesétablissements)

13 Établissements et services d’aide par le travail (ESAT)

14 Maisons d’accueil spécialisées (MAS)

15 Services d’éducation spécialisée et de soins à domicile (SESSAD)

16 Centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP)

17 Centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP)

18 Foyers d’accueil médicalisé (FAM)

19 Services de soins infirmiers à domicile (SSIAD)

20 Centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) « hébergement d’urgence »

21 Centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) « hébergement d’insertion »

22 Centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) « hébergement avec pluri-activité »

23 Services d’aide à domicile

médicaux, paramédicaux et socio­éducatifs(tableau 2).

Les services tutélaires de protection desmajeurs sont devenus, à compter du 1er jan­vier 2009, des services sociaux et un arrêté afixé leurs indicateurs.

La plupart des DRASS publient leurs résul­tats régionaux, mais tous les indicateurs nesont pas bien renseignés par les établissementset services. L’indicateur « temps actif mobili­sable », qui correspond au « présentéisme » despersonnels éducatifs, rencontre de lourdes réti­cences.

Si les dépenses afférentes à la structure(encadrement, immobilier, logistiques...) sont

des dépenses faiblement liées à l’intensitéet la nature de la prise en charge, ce n’estpas le cas pour les dépenses médico­socio­éducatives. Cependant, ces indicateurs surles coûts structure/encadrement/immobiliermettent en évidence que la capacité des ESMSest un facteur explicatif fort de ces coûts, quireprésentent entre 50 % et 70 % des coûtsmoyens des ESMS.

Ces dépenses médico­socio­éducativessont facilement isolables puisqu’il s’agit, pourl’essentiel, des dépenses des personnels socio­éducatifs et des dépenses des personnels soi­gnants, auxquelles il faut ajouter quelquescomptes budgétaires.

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

La question n’est donc pas d’identifier lesdépenses médico­socio­éducatives qui irontpour le calcul de l’indicateur au numérateur dece dernier, mais de choisir un dénominateur.Les partenaires du comité de pilotage nationalont refusé de prendre comme dénominateurun très classique nombre de places autoriséesou nombre de postes en équivalents tempspleins des personnels médico­socio­éducatifspour lui préférer le « présentéisme » (temps deprésence réelle dans l’établissement des per­sonnels éducatifs et soignants). Dans le Codedu travail, la notion d’absentéisme est bienconnue. Cette notion de « présentéisme » est,elle, toute nouvelle. Et c’est bien une notionqualitative.

Le temps annuel légal théorique sur la basede 35 heures hebdomadaires est, depuis lasuppression d’un jour férié pour financer laCaisse nationale de solidarité pour l’autono­mie (CNSA), de 1 607 heures. Ces 1 607 heuresont été calculées sur une année, en retirantles cinquante­deux samedis et dimanches, lescinq semaines de congés annuels légaux eten considérant que les dix jours fériés légauxtombent toujours un autre jour que le samediet le dimanche. Le temps de travail potentielest, selon les conventions collectives du sec­teur social et médico­social, aux alentours de1 400 heures.

Enfin, selon, d’une part, les durées journa­lières (début de journée, pause méridienne etheure de fermeture) ou hebdomadaires (fer­meture partielle le mercredi et fermeture dèsle vendredi midi) et, d’autre part, les modesde fonctionnement (alignement sur le calen­drier scolaire), il est difficile, à un certainnombre d’établissements, d’offrir à leurs usa­gers 1 400 heures d’ouverture réelles et deprises en charge potentielles.

La qualité de la prise en chargeest­elle indifférente au nombred’heures de prise en chargeéducative effective ?

C’est pourquoi la volonté de prendre encompte, via l’allocation équitable des res­sources (par définition « rares »), la présencehoraire réelle des personnels médico­socio­éducatifs auprès des usagers est particulière­ment courageuse, puisqu’elle est susceptiblede lever un des « secrets tabous » du secteur.

Bien qu’on ait parlé de la présence entreprofessionnels et usagers « les yeux dans lesyeux », il s’agit, en fait, de la présence réelledes professionnels dans l’établissement, quandcelui­ci est ouvert à la totalité de ses usagers.Il ne s’agit pas de savoir si cette présenceréelle des professionnels dans l’établissementconsiste en de la prise en charge individuelleou collective directe ou en réunions de travailinstitutionnelles.

Cette présence effective et potentiellementles « yeux dans les yeux » consiste donc àdécompter, sur un exercice passé et en cours,les 1 607 heures théoriques. Ce qui permet unecomparaison de tous les établissements entreeux, quels que soient leur statut et les heuresconventionnelles :

• les heures d’absentéisme pour maladie ;

• les heures de congés trimestriels ;

• les heures de congés d’ancienneté ;

• les heures d’absence pour convenance per­sonnelle ;

• les heures accordées pour travaux et étudespersonnelles ;

• les heures d’absence pour mandats syndi­caux et électifs ou mandats externes ;

• les heures d’absence pour formation interneet externe ;

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12 • Tarification des ESMS

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• les autres heures à décompter1.

Comme cela peut être constaté, une partiede ces heures décomptées n’entre pas dans lecalcul de l’absentéisme au sens du bilan socialprévu par le Code du travail. C’est bien en quoice « présentéisme » est une notion nouvelle parrapport à la notion d’absentéisme. L’appella­tion de « temps actif mobilisable » (TAM) a étéfinalement préférée à « présentéisme ».

Les heures supplémentaires effectives etpayées doivent aussi être comptabilisées etanalysées au regard de la pratique étenduedes « congés trimestriels ».

Les heures de formation sont importantes,mais peuvent se justifier par le besoin de qua­lifier des personnels compte tenu des besoinsdes usagers (l’indicateur de qualification per­met de le vérifier). Les heures supplémentairesimportantes sont­elles la conséquence d’unemauvaise organisation du travail, d’une poli­tique de rémunération complémentaire, d’unepénurie de personnel ou d’un absentéismeexceptionnel élevé... ?

L’indicateur des dépenses médico­socio­éducatives divisées par les heures de présenceeffective de ces personnels devrait révolution­ner l’analyse des ESMS.

Exemples

Aujourd’hui, deux CAT de cent places, ayant la même activité et dont les ateliers sont encadréspar dix moniteurs d’atelier, apparaissent comme équivalents. Mais, si l’un est ouvert toute l’annéeet ne bénéficie pas, conformément à la convention collective, des congés trimestriels, alors quel’autre a tendance à s’aligner, en matière de congés, sur les congés scolaires pratiqués par l’IMEvoisin et, en plus, accorde les congés trimestriels, la prise en compte de la présence effective desmoniteurs d’atelier va bouleverser l’appréciation.

De même, deux IME en externat de semaine, avec la même capacité et le même niveaud’encadrement, ne seront plus analysés comme équivalents, si l’un est ouvert du lundi 9 heuresau vendredi après­midi 17 heures, alors que l’autre ferme le vendredi midi et envoie les jeuneshandicapées le mercredi en centres de loisirs, avec quelques éducateurs de permanence dansl’établissement, prêts à intervenir en cas de problèmes.

Le juge de la tarification vient de recon­naître, dans ses jurisprudences récentes, lapossibilité d’utiliser ses indicateurs pour réfor­mer les propositions budgétaires des ESMS etallouer, de façon plus équitable, les ressourcesdisponibles.

Les écarts de coûts qui ont été constatéset vont de 1 à 3, voire de 1 à 5 dans desétablissements similaires relevant d’une mêmecatégorie, ne s’expliquent pas par les caracté­

ristiques médico­sociales des publics pris encharge.

La convergence tarifaire permet de tolérerdes écarts raisonnables et justifiés, qui tiennentcompte, notamment, de la différenciation desstatuts, de la localisation en milieu rural ouurbain, des temps de déplacements inévitables,du partage des temps de travail entre inter­ventions directes auprès de l’usager et lestemps correspondant à de la formation, de laconcertation, des réunions de service ; plutôt

1. Les DDASS, lors de réunions techniques régionales et interrégionales, ont alerté la DGAS sur la diversité et la« richesse » des pratiques et « us et coutumes ».

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

que d’aligner tous les établissements sur UNtarif.

D’ailleurs, une convergence tarifaire parve­nue à son stade ultime du tarif unique s’ap­parenterait alors à une totale uniformisation,remettant en cause le principe même d’uneconvergence tarifaire et d’une tarification admi­nistrée. En effet, la convergence tarifaire viseseulement à réduire les écarts injustifiables etnon à tout uniformiser. Il doit donc rester desécarts raisonnables puisqu’il est impossible,compte tenu de la diversité du secteur, deconduire les différents établissements vers untarif unique.

Si la convergence tarifaire devait aboutir àce résultat, il ne suffirait plus, alors, que deretenir et d’actualiser, chaque année, ce tarif etmettre fin à la tarification administrée et à sesactuels mécanismes annuels : dépôts des bud­gets, notification des enveloppes, procédurecontradictoire, fixation des tarifs, décisionsmodificatives, contrôle budgétaire, conten­tieux tarifaire...

Aussi, la convergence tarifaire doit êtreorganisée de façon à trouver un point d’équi­libre entre droits et obligations des établisse­ments et de leurs financeurs, pour le meilleurrapport qualité­prix pour les usagers. Cetteconvergence tarifaire doit devenir un des élé­ments de la régulation du secteur social etmédico­social, au moyen des outils qu’offrentl’évaluation et la « concurrence par la com­paraison » des rapports coûts­efficience etdes écarts raisonnables, lesquels doivent êtreappréciés de façon raisonnée. Elle constitueune tentative de trouver un point d’équilibreentre, d’une part, la tentation de recourir à la« concurrence par les prix » ou à la régulationpar le marché dans le secteur des établisse­

ments sociaux et médico­sociaux et, d’autrepart, le maintien d’une tarification adminis­trée présentant des rapports coût/efficacité etcoût/efficience de plus en plus défavorables.

Lors du colloque du 13 décembre 2006,organisé à Lyon par l’IFROSS1 et le CREAI2

de Rhône­Alpes, sur le thème : « Le secteurmédico­social à l’aune de la performance »,dont les actes ont été publiés par Juris Asso­ciation, n◦ 353 du 15 février 2007, je concluaismon intervention par cette mise en garde :

« Si la convergence tarifaire devait échouer dufait des résistances de certaines fédérationsd’organismes gestionnaires qui souhaitentretarder sa mise en œuvre en exigeant desmarges d’incertitudes autour de la moyenne etde la médiane desdits indicateurs défiant les“lois statistiques”, ainsi que des périodes detolérance longue (3 à 5 ans), il est probableque des tarifs nationaux forfaitaires serontimposés aux établissements par les ministèresfinanciers.

C’est bien d’ailleurs parce que les DDASS­DRASS, puis les ARH, ont échoué dans cetteconvergence tarifaire autour de la valeur dupoint ISA dans les établissements de santé quela T2A a été imposée, afin de mettre fin à unetarification administrée où l’on devait alignerles recettes sur les charges, au profit de l’impo­sition sur les établissements d’une contrainteéconomique forte visant à les obliger à devoirpar eux­mêmes ajuster leurs charges à desressources mécaniquement liées à des effetsprix volume.

Au secteur médico­social de prendre ses res­ponsabilités en la matière. S’il fait échouer laconvergence tarifaire, il aura une T2A qu’ilsemble pourtant terriblement redouter3 . »

1. Institut de formation et de recherche sur les organisations sanitaires et sociales de l’université Jean­MoulinLyon­III.2. Centre régional de l’enfance et de l’adolescence inadaptée.3. Juris Association, n◦ 353, 15 février 2007.

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12 • Tarification des ESMS

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Les tarifs plafonds

Avant une T2A, le plafonnement de certainstarifs a pour objectif de permettre une accélé­ration du processus de convergence tarifaire.

Les lois de financement de la Sécuritésociale pour 2008 et 2009 et la loi de financesde l’État pour 2009 confortent la convergencetarifaire en permettant aux ministres compé­tents de fixer, par arrêtés interministériels, destarifs plafonds et les règles de convergencetarifaire applicables ESMS.

Ces tarifs plafonds ont été fixés par arrêtéministériel, pour la première fois en 2008, dansle secteur des établissements d’hébergementpour personnes âgées dépendantes (EHPAD).En 2009, ces tarifs plafonds ont été actualiséset assortis, pour la première fois en 2009, desrègles de convergence tarifaire (étalement dela démarche sur la base d’une réduction parseptième et enfermé dans un calendrier dehuit ans). De même, ces tarifs plafonds ontété étendus, en septembre 2009, aux établisse­ments et services d’aide par le travail (ESAT).

Les tarifs plafonnés doivent, cependant,être maniés avec précaution. En effet, il ya un risque que le « tarif plafond », qui estdéterminé aujourd’hui sur la base du dernierdécile et qui ne touche donc qu’environ 10 %des établissements concernés, soit considérécomme un « tarif plancher » (et non plafond)par tous les autres établissements. Le faitque, dans les années à venir, les ministèresfinanciers devraient vouloir fixer de nouveauxtarifs plafonds sur le niveau d’autres déciles,n’est pas pris en compte.

Les tarifs plafonds nationaux permettentbien d’enclencher la convergence tarifaire, làoù elle était balbutiante. Mais, là où elle étaitdéjà bien engagée, de façon plus volontariste,autour des coûts médians départementaux ourégionaux, voire les coûts moyens, les tarifsplafonds ralentissement alors la convergencetarifaire.

L’audit de productivité IGAS­IGF en 2008sur la DGAS a souligné le caractère prometteurdes indicateurs de convergence tarifaire (un« bon point » similaire a été aussi accordé auxCPOM) et a incité fortement le ministère àadopter un schéma de montée en chargeambitieux, puisque ces outils sont susceptiblesd’importants gains de productivité pour lesautorités de tarification, qui doivent se recen­trer sur leurs autres missions.

Si la tarification plafond est un dispositif quipeut être efficace pour la régulation des excèsou dérive constatés parfois dans l’allocationbudgétaire, la construction d’une véritable tari­fication « à la ressource », évolutive et progres­sive en fonction des besoins de l’usager, restel’objectif à atteindre pour certaines catégoriesd’ESMS où cela paraît possible. Après avoirfait le point sur les référentiels nationaux decoûts, nous examinerons « l’état de l’art » en lamatière sur certaines catégories d’ESMS.

3. OÙ EN SONT LES RÉFÉRENTIELSNATIONAUX DES COÛTS ?

Certaines catégories d’établissements et deservices, peu nombreuses au niveau départe­mental ou régional — par exemple les centresde rééducation professionnelles (CRP) — ouplus hétérogènes en leur sein — par exempleles CHRS —, éprouvent des difficultés à sepositionner dans la démarche des indicateurs.Aussi, des corps d’inspection et des juridictionsfinancières avaient préconisé l’élaboration deréférentiels nationaux.

L’article R. 314­33­1 issu du décret du31 mai 2006 a donc prévu la fixation de réfé­rentiels nationaux de coûts pour des catégoriesd’établissements et de services.

Dans mon article de L’Année de l’actionsociale 2007, j’avais présenté la démarche del’analyse de l’activité et des coûts des CHRS

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par groupe majeur d’activités (GAM). Cettedémarche, proposée en juin 2005, a d’abordété bloquée par certaines fédérations, sans queles ministères financiers en tirent immédiate­ment les conséquences.

Il faut rappeler que les mois suivants et pré­cédents l’élection présidentielle de 2007 ontété marqués par les actions médiatiques des« Enfants de Don Quichotte », qui ont permisaux CHRS d’obtenir le plan d’action renforcéeen faveur des personnes sans abri (PARSA).Aussi, des moyens financiers ont été dégagéset répartis rapidement, sans s’appuyer sur descritères objectifs. Il s’agissait plus de comblerdes déficits, sans s’interroger sur les originesde ces derniers et en lésant, objectivement,les établissements à la gestion rigoureuse etéquilibrée.

L’adoption de la loi DALO, en mars 2007,a encore permis de dégager des moyens pourles CHRS, mais en enfermant ces derniers dansune fonction de « logement de stabilisation »,au risque de marginaliser les aspects multidi­mensionnels de leurs actions (santé mentale,resocialisation, réinsertion par le travail...).

Fin 2009, la nécessaire connaissance descoûts du dispositif « Accueil, hébergement,insertion » (AHI), qui concerne les CHRS et lesdispositifs connexes à ces derniers (maraude,115, SAMU social, service de suite, accueilde jour, boutique de solidarité...), a ressurgipour éviter ou accompagner des ajustementsbudgétaires.

Aussi, le travail sur les groupes majeursd’activités (GAM) des CHRS a été repris etun référentiel national des coûts (le 1H 6A),reposant sur les sept principales fonctions dudispositif « AHI », doit être finalisé en 2010.

Pour les CRP et les ERP, il a été convenu, enoctobre 2008, avec la Fédération des associa­tions gestionnaires de réadaptation pour han­dicapés (FAGERH), qui fédère ces établisse­ments, et les UEROS, d’élaborer un référentielnational des coûts, qui est toujours en test.

Les GAM « gérer­administrer », « restaurer »et « héberger » sont très « classiques » et lesunités d’œuvre à retenir pour avoir un réfé­rentiel des coûts tout autant. Par contre, surla GAM « former, soigner, accompagner », lesprofessionnels des CRP ont élaboré, de façonpluridisciplinaire, une grille pour mesurer, àl’entrée et à la fin de la formation, un indicateursynthétique appelé : « Impact du handicap surla distance à l’emploi » (IHDE).

Cet indicateur (l’IHDE d’un CRP) est lerésultat des pondérations d’une cotation enpoints sur vingt­trois questions relatives àquatre axes d’évaluation des stagiaires, dansle champ médical et paramédical, le champpsychologique, le champ social et le champpédagogique (tableau 4).

Les fonctions ou les GAM « gérer­administrer », « alimenter­restaurer », « héber­ger » expliquent souvent 60 % des coûts dansde nombreux ESMS relevant de différentescatégories et ces coûts sont peu liés auxpublics accueillis. Dans les EHPAD, la sectiontarifaire hébergement représente plus de 55 %du budget global EHPAD.

La fonction « prise en charge directe » esthomogène selon les catégories d’ESMS. Cettefonction varie en fonction de la catégoried’ESMS et des publics accueillis (dans lesecteur du handicap cette fonction peut êtresubdivisée entre éduquer, former, soigner),mais elle ne représente généralement pas lafonction financièrement la plus importante.

L’objectif des référentiels nationaux et desindicateurs est bien d’y voir plus clair et depercer l’actuelle « boîte noire » de la connais­sance des coûts.

Si les GAM « gérer­administrer », « alimenter­restaurer », « héberger » représentent la grandemajorité du budget, la question de la tarifi­cation « à l’activité » ou « à la personne » neconcernerait donc, alors, qu’une partie mino­ritaire du budget.

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12 • Tarification des ESMS

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Tableau 3. Référentiel des coûts en applicationde l’article R. 314­33­1 du CASF du dispositif AHI.

Fonctions Définition Principales dépensesa Référentiel/unitéd’œuvre

Administrer-gérer

Rassemble toutes les activités qui neconstituent pas les missions directesdes CHRS mais qui leur permettentde fonctionner sur le plan financier,sur le plan des ressources humaines,de la vie institutionnelle, dudéveloppement des partenariats...

� Personnel de direction,d’administration générale, servicescomptable et encadrement deniveau II et I� Fournitures administratives. Fraisde siège social, PTT, informatique.Déplacements des personnels

� Coût annuel place« administrer-gérer »� Pourcentage de laclasse 6

Accueillir-accompagner

Agents d’accueil et travailleurssociaux chargés de l’admission, dela première orientation des hébergés,de l’élaboration de leur projetindividuel, de l’accès aux droitssociaux et de l’accompagnementsocial global

� Agents d’accueil et travailleurssociaux diplômés ou sélectionnésdans une école de travail socialagréé, ou admis dans unprocessus de VAE� Psychologues

Prix de journéeaccueil

Abriter-héberger

Prise en compte du moded’hébergement : collectif ou éclaté

� Dotations aux amortissements,loyers frais financiers, entretien,chauffage, eau, fluides� Personnel d’entretien etnettoyage des locaux

Coût annuel place« abriter-héberger »

Alimenter

� Petit-déjeuner, dîner et déjeuner� Prise en compte de la pondérationservant au calcul du nombre de repaspondéré, à savoir :déjeuner = 1dîner = 0,8petit-déjeuner = 0,2

� Personnel de cuisine et encharge de l’économat� Denrées� Prestations de services� Bons alimentaires

� Productivité duservice restauration� Prix de revient durepas pondéré

Accompagnervers l’emploi

Toutes les activités mises en œuvrepar des travailleurs sociaux diplômésou en cours de formation dans uneécole agrée visant à assurer unaccompagnement vers l’emploi.

� Travailleurs sociaux spécialisésdiplômés (moniteur d’atelier,éducateur technique spécialisé...)� Personnels de la formationprofessionnelle (prospecteurplacier...)

Prix de journéeaccompagnementvers l’emploi

Accompagnervers et dansle logement

Toutes les activités mises en œuvrepar des travailleurs sociaux diplômésou en cours de formation dans uneécole agrée visant à assurer unaccompagnement vers et dans lelogement service de suite

Travailleurs sociaux spécialisésdiplômés (conseillère en économiesociale et familiale...)

Prix de journéeaccompagnementvers et dans lelogement

Accompagnervers la santé

Toutes les activités mises en œuvrepar des travailleurs sociaux diplômésou en cours de formation dans uneécole agrée visant à assurer unaccompagnement vers à la santé

� Personnels médicaux,paramédicaux et auxiliairesmédicaux� Fournitures et prestations àcaractère médical

Prix de journéeaccompagnementvers la santé

a. Une annexe de cette étude précise l’imputation dans l’une (et dans une seule par souci de simplification) de ces fonctions dechacun des postes du plan comptable des établissements et services sociaux et médico­sociaux et de chaque poste de personnel.

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

Tableau 4. Référentiel des coûts des CRP et des ERP.

Groupe d’activitésmajeures d’un

CRPDescription rapide

Référentiel/unitéd’œuvre

1. Gérer-administrer

Rassemble toutes les activités qui ne constituent pas lesmissions directes des CRP mais qui leur permettent defonctionner sur le plan financier, sur le plan des ressourceshumaines, de la vie institutionnelle, du développement despartenariats...

� Coût annuel place« administrer-gérer »� Pourcentage de laclasse 6

2. Restaurer

� Petit-déjeuner, dîner et déjeuner ou petit-déjeuner et déjeuner

� Prise en compte de la pondération servant au calcul dunombre de repas pondéré, à savoir :déjeuner = 1dîner = 0,8petit-déjeuner = 0,2

� Productivité du servicerestauration� Prix de revient du repaspondéré

3. HébergerPrise en compte de l’hébergement en internat du CRP decertains stagiaires

Prix de la nuitée

4. Former,soigner,accompagner

Toutes les activités mises en œuvre par les professionnelsmédicaux et paramédicaux, les psychologues, les travailleurssociaux et les formateurs diplômés ou en cours de formationdans une école agrée visant à assurer le suivi et la formationdes stagiaires du CRP en dehors des activités d’hébergementet de restauration...

Valeur du point de l’IHDE(impact du handicap sur ladistance à l’emploi)

Pour les services aux majeurs protégés,la dotation globale de financement reposeaussi sur un référentiel. Celui­ci produit unecotation à chaque mesure, en tenant comptede son lieu d’exercice (domicile du majeurprotégé ou établissement d’accueil) et de ladurée de la mesure (pendant les trois premiersmois, après le troisième mois et lors de lamainlevée) (tableau 5). Cette cotation permetd’obtenir le poids moyen de la mesure majeurprotégé (2P3M) de chaque service tutélairede protection juridique des majeurs. Le tempsde travail effectif des personnels assurant l’ac­compagnement des majeurs protégés devra,enfin, être pris en compte pour allouer defaçon équitable les ressources. L’utilisation dela cotation précitée doit permettre, via unevaleur monétaire du point, de construire uneéquation tarifaire garante d’une progressionéquitable des moyens alloués, en fonction dela charge réelle de travail.

De façon générale, les référentiels natio­naux, qui doivent avoir une opposabilité plu­

riannuelle, ont vocation à remplacer partielle­ment, voire totalement, les indicateurs. Il peut,néanmoins, s’avérer intéressant de maintenircertains indicateurs qui sont communs à toutesles catégories d’ESMS, puisqu’ils permettent devérifier les différenciations historiques entreces catégories, en matière de moyens alloués.Cela permet de constater, sans réelle surprise,que la fonction « gérer­administrer » est nette­ment moins bien financée dans un CHRS desoixante places que dans un IME de la mêmecapacité, qui a certes plus de personnels, maisne connaît pas les flux d’usagers d’un CHRS...

Ces indicateurs transversaux aux diffé­rentes catégories d’établissements et de ser­vices peuvent être utiles pour élaborer unCPOM, puisque ces indicateurs concernent apriori toutes les catégories d’établissements etde services ayant le même financeur.

Un article R. 314­33­2 inséré dans le projetde décret relatif à la réforme de la tarificationdes EHPAD, à partir de 2010, devrait permettreaux conseils généraux de fixer des référen­

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12 • Tarification des ESMS

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Tableau 5. Cotations en points de mesures de protection juridique.

Naturede la mesure

Lieu

Durée

Ouverture d’unenouvelle mesurependant les trois

premiers mois

Mesureouverte

depuis plusde 3 mois

Fermeture d’une mesurepour cause d’une

mainlevée ou d’un décès

MJAGBF(ex-TPSE)

Milieu ouvert 49.9 18 0

TPSA ou MAJEn établissement 23 8,3 10,56

À domicile 36 13 16,5

Curatellerenforcée

En établissement 23 8,3 10,56

À domicile 36 13 16,5

Curatelle simpleEn établissement 17,7 6,4 8,1

À domicile 27,7 10 12,7

TutelleEn établissement 17,7 6,4 8,1

À domicile 27,7 10 12,7

Sauvegarde de justice (mandat spécial) 20

tiels départementaux dans les catégories d’éta­blissements ou les sections d’établissements(hébergement des personnes handicapées etdes personnes âgées) relevant de leur compé­tence.

Dans le secteur de l’hébergement des per­sonnes handicapées et des personnes âgées,voire des adolescents relevant de l’aide socialeà l’enfance, il sera donc possible d’obtenirun référentiel départemental des coûts surles fonctions « gérer­administrer », « alimenter­restaurer », « héberger ». Sur la fonction « priseen charge socio­éducative et soigner », dansles établissements d’hébergement pour per­sonnes handicapées, il faudrait vérifier, sile secteur du handicap ne produit pas, lui­même, son outil d’évaluation, l’opération­nalité des outils AGGIR (foyers de vie) etAGGIR et Pathos (FAM et MAS). En ce quiconcerne la partie hébergement « pure » desEHPAD, les fonctions « gérer­administrer »,« alimenter­restaurer », « héberger » sont suffi­santes, sachant que la prise en charge de ladépendance et des soins font déjà l’objet d’uneanalyse des coûts propre avec la grille AGGIRet le référentiel PATHOS.

4. LA TARIFICATION« EN FONCTION DES BESOINSDE LA PERSONNE »...

Lorsqu’il y a des outils co­construits avecles différents partenaires pour analyser lesbesoins, comme la grille AGGIR et le référen­tiel PATHOS dans le secteur des personnesâgées, il est possible de s’appuyer dessuspour tarifer les établissements de façon plusefficiente et plus juste.

La structuration budgétaire des EHPADissue de la réforme de la tarification de 1999­2001 repose sur la répartition des charges entrois sections tarifaires afférentes à l’héberge­ment, la dépendance et les soins. Depuis cetteépoque, ont été mis en place des outils permet­tant, en plus de l’évaluation de la charge detravail liée à la dépendance avec l’outil AGGIR,d’estimer le besoin en soins techniques requisavec l’outil PATHOS. Ces outils permettent desortir d’une tarification administrée, basée surles coûts historiques, pour basculer vers unetarification fondée sur la définition d’une res­source proportionnelle à la charge de travail.Les EHPAD vont, progressivement, utiliser cet

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outil PATHOS et ainsi basculer, à compter del’exercice 2010, dans un mode de tarificationdite « à la ressource », fixée par référence « auxbesoins de la personne ».

Ces types d’outils sont certes perfectibles.Mais l’expérience prouve que c’est bien en lesutilisant que tous les acteurs les perfectionnent,alors que, tant qu’ils ne sont qu’expérimentéset utilisés « à blanc », personne ne s’en soucie.

Quelques autres catégories d’ESMSdevraient, à terme, évoluer vers ce nouveautype de tarification, notamment les servicesde soins infirmiers à domicile (SSIAD) en2011, puisqu’une étude médico­économiquea permis d’élaborer, d’une part, une grille demesure de la charge de travail et, d’autrepart, une cotation en « points SSIAD » enfonction d’un « score patient », à laquelledoivent s’ajouter les « forfaits liés à la structureadministrative » (voir annexe).

Dans le secteur du handicap, nous n’avonspas encore d’outils du type AGGIR ou Pathos.Il conviendrait, cependant, de vérifier si lagrille AGGIR et le référentiel PATHOS nesont pas utilisables dans les établissementspour adultes handicapés, alors que, dans lesecteur de l’enfance et l’adolescence handi­capée, la pertinence de tels outils reste àprouver. En outre, la mise au point de groupesiso­ressources adaptés à ces classes d’âges estencore balbutiante.

La mise en place d’une telle tarificationdans certains secteurs, comme l’aide socialeà l’enfance, est encore beaucoup plus malai­sée. En effet, elle suppose que soit possiblel’évaluation objective d’une charge de travailà l’aide d’outils et de grilles, et l’on voit malcomment les établir pour les enfants de l’aidesociale à l’enfance, par exemple. La méthodo­logie suppose, pour s’appliquer, que l’on aitaffaire à des tâches relativement techniques etclairement définissables, notamment lorsquel’étiologie organique est prédominante par

rapport aux facteurs sociaux et environnemen­taux.

Aussi, un certain nombre d’activités dusecteur social et médico­social ne pourront,probablement, pas entrer dans ce mode detarification. Pour ces établissements, une autrepiste est à explorer : continuer à développer,ce qui est en cours, des notions de catégorieshomogènes d’établissements permettant defaire des comparaisons pertinentes à l’aided’indicateurs, affiner la décomposition desdépenses en items (les groupes d’activitésmajeures, les principales fonctions) permet­tant de mieux contrôler la bonne gestion etl’efficience de l’établissement ou du service.

5. ... ET DANS LA LIMITEDES RESSOURCES FINANCIÈRESDISPONIBLES

La tarification en fonction des besoins dela personne gagne des adeptes. Elle est peucontestée dans le secteur des personnes âgées.Elle a, désormais, des partisans de poids dansle secteur du handicap (FEGAPEI, APAJH,FEHAP).

Il apparaît, en effet, juste et équitable qu’unEHPAD présentant un GIR Moyen PondéréSoins (GMPS) de 800 ait deux fois plus demoyens qu’un EHPAD qui, lui, a un GMPSde 400. De même, le score patient dans unSSIAD varie de 65 à 675, avec une moyenneà 221. Pourtant, pratiquement tous les SSIADont bénéficié, en 2009, d’un coût moyen parplace autour de la moyenne nationale.

Le total des points 2P3M d’un servicetutélaire multiplié par les temps effectifs detravail des délégués à la tutelle doit permettred’allouer, proportionnellement, plus de res­sources à ceux qui accompagnent plus etmieux (durée de la mesure, temps de travailréel) les personnes juridiquement protégées.

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12 • Tarification des ESMS

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Si la tarification en « fonction des besoinsdes personnes », lorsqu’elle est techniquementpossible du fait de l’existence de « groupesiso­ressources » reconnues, devrait voir le ral­liement de la plupart des partenaires1 , leschoses vont se gâter du fait de l’articulation(et non de la déconnexion) entre la tarification« en fonction des besoins » avec la tarification« à la ressource ».

Pour une meilleure compréhension et poursimplifier la suite de l’exposé, nous appelle­rons valeur du point « salarié », la valeur dupoint d’une des CCNT du secteur ou d’unedes fonctions publiques ; et valeur du point« besoins des personnes », les valeurs qui cor­respondent à des valeurs du point comme lepoint GIR dans les EHPAD, le point « patient »dans les SSIAD ou encore le point 2P3M dansun service tutélaire...

En effet, les ressources, même si ellespeuvent augmenter de façon significative,n’évoluent pas au niveau réclamé par lesgestionnaires. Aussi, la question n’est plusqu’un établissement qui a trois fois plus depoint GIR qu’un autre, ou un score patientSSIAD trois fois plus élevé, doit bien avoirtrois fois plus de ressources, mais le « pouvoird’achat » de la valeur du point « besoins despersonnes ».

Si la valeur du point « besoins des per­sonnes » est à la moyenne, les trois fois plus,pour les établissements en dessous de lamoyenne, ne peuvent être financés que pardes trois fois moins sur les établissementsau­dessus de cette même moyenne.

Lorsqu’une telle réforme tarifaire est accom­pagnée par d’importants moyens nouveaux, cequi est notamment le cas avec la « pathossifi­cation » des soins en EHPAD qui entraîne uneaugmentation d’environ 30 % de la dotation

globale de financement des soins, il est plusfacile de faire une telle réforme, la majoritédes établissements en bénéficiant.

Cependant, les 10 % de perdants peuventbloquer la réforme en ralliant les autres (plusou moins réellement consentant, mais les« plus riches » sont les plus puissants et lesplus influents) à un impossible alignement detous sur les plus chers, même si cela permet àl’immobilisme inégalitaire de triompher.

Cette tarification en « fonction des besoinsdes personnes », articulée avec « les res­sources publiques réellement disponibles »,déstabilise la représentation historique dusecteur, puisque la séparation entre syndicatsemployeurs, fédérations sectorielles de ges­tionnaires, inter­fédérations, organisations dedirecteurs ou d’autres professionnels, devientinopérante.

En effet, avant de discuter la valeur dupoint « salarié », il faut discuter le « pouvoird’achat » de la valeur du point « besoins despersonnes » qui va être retenue par le tarifica­teur.

À titre d’exemple, dans le secteur sanitaire,la Fédération nationale des centres de luttecontre le cancer (FNCLCC) est très vigilantesur les tarifs de la T2A en cancérologie, quicorrespondent à plus de 80 % de son activité :radiothérapies, cancers du sein, cancers ducolon... Selon les tarifs annuels fixés nationa­lement en début d’année, les CLCC savent s’ilsvont dégager une capacité d’autofinancement(CAF) pour moderniser leurs investissementsmédicaux et s’ils ont de quoi dégager desmarges de manœuvre sur leur masse salariale.En cas de marges de manœuvre sur la massesalariale, ils devront librement choisir, puisqueleur convention collective n’est plus agrééepar les financeurs, entre des mesures salariales

1. Sauf ceux qui font « commerce » de l’aide à l’élaboration des budgets prévisionnels des trente­quatre milleESMS et du maintien d’une procédure contradictoire suivi de contentieux de la tarification portant plus sur laforme que sur le fond.

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générales (augmentation uniforme de la valeurdu point) et des mesures catégorielles pour,par exemple, les infirmières ou les radio­logues...

Il faut savoir que les tarifs formatés parles tarificateurs sont déterminés pour financerla prise en charge des publics en « fonctionde leurs besoins » sans tenir compte des dif­férences entre les conventions collectives etles statuts des personnels. Or des CCNT sontplus coûteuses que d’autres. Les établisse­ments publics ont moins de charges socialeset fiscales que les établissements associatifs.Les établissements ne sont pas égaux enmatière de TVA et de récupération de TVA ; lesétablissements commerciaux ont une fiscalitéavantageuse. Ces inégalités sont de véritablesdistorsions de concurrence.

Aussi, pour assurer la prise en charge d’unpublic similaire, deux établissements de mêmecapacité, mais avec des CCNT ou des statutsdifférents, n’auront pas, avec la même valeurdu point « besoins des personnes », le mêmepouvoir d’achat, notamment en matière demasse salariale.

À partir du moment où la tarification nerepose plus sur la « structure historique descharges », mais sur la valorisation des réponsesaux besoins des personnes, il y a bien unrisque de rupture d’égalité si la valeur du point« besoins des personnes » est majorée pourtenir compte de la valeur du point « salarié ».Dans le passé, la DGAS avait été condamnéepar la section du contentieux du Conseil d’État,à la suite d’un recours de l’Unapei et de laFNAT, pour avoir fixé des mois « Tutelles etcuratelles d’État » différents entre la CNCT de1966 et l’ancienne CNCT de l’UNAF.

Comme des organisations gestionnaires etprofessionnelles sont farouchement opposéesà la tarification « à la ressource », on peut sou­ligner, avec malice, qu’UNIFAF, l’OCPA géréeparitairement par les syndicats employeurs etsalariés du secteur, pratique la tarification « à

la ressource » dans les actions de formationqu’elle finance. Par exemple, elle finance laformation CAFERUIS sur la base prédétermi­née de 23 euros de l’heure, multipliés par lenombre d’heures fixé par la réglementationrelative à cette formation. Seules les heures deprésence peuvent être facturées. En cas « d’éva­poration » des étudiants durant la formation,c’est une perte de recettes de l’organisme deformation, qui doit anticiper et prévenir son« taux d’évaporation ».

Ces 23 euros de l’heure ont été fixés sansse soucier du fait de savoir si ce tarif couvrebien les charges des centres de formationagréés. Pourtant, un centre de formation rele­vant d’une des annexes de la conventioncollective nationale de travail de 1966 (CCNT66), qui leur est destinée, aura plus de malà équilibrer ses comptes, sachant que sesformateurs ne sont astreints qu’à 600 heuresd’interventions pédagogiques directes, alorsque les centres de formation relevant de laconvention collective nationale de la forma­tion professionnelle de 1966 obligent leursformateurs à en assurer 1 200 heures. Inutiled’évoquer, pour amadouer UNIFAF, l’ancien­neté des personnels, les charges locatives ouimmobilières des uns par rapport aux autres,pour expliquer la probabilité d’avoir un déficitsur une action pour les uns, alors qu’elle vaconcourir à dégager des bénéfices pour lesautres. Les conseils régionaux sont, en matièrede formation continue et permanente, dansdes démarches d’appel d’offres, qui risquentde mettre sur la touche les IRTS relevant de laCCNT de 1966.

6. POUR CONCLURE :NOUVELLE RÉGULATIONOU DÉRÉGULATION ?

Les lenteurs de la convergence tarifaire« raisonnée et raisonnable » ne peuvent qu’ac­

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12 • Tarification des ESMS

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centuer la généralisation des tarifications pla­fonnées et l’élaboration de référentiels decoûts opposables.

Toutes les catégories d’ESMS ne peuventpas entrer dans une tarification « en fonctiondes besoins des personnes ». Lorsqu’une telletarification est possible, il reste à savoir sielle doit être utilisée pour déterminer l’inté­gralité du budget ou sur certaines fonctionscomme « suivi socio­éducatif », « accompagne­ment social », « former », « soigner », souventbudgétairement minoritaires...

Cette tarification « en fonction desbesoins des personnes » est dénoncée parcertains partenaires du secteur comme étantl’introduction du libéralisme économique dansle secteur des ESMS. Pourtant, il s’agit bienencore de tarifs administrativement déterminéset, souvent, nationalement préformatés. Onest plus dans le contrôle administratif (voirebureaucratique) des prix pour éviter les déra­pages, mettre fin à des sous­productivités, touten prenant en compte les « effets volumes »pouvant contrecarrer l’encadrement des prix.La T2A sanitaire est, d’ailleurs, plus prochedu défunt « gosplan » soviétique que de lalibre concurrence avec « la main invisible dumarché ».

Cette tarification « en fonction desbesoins des personnes » est, généralement,accompagnée de mesures incitatives consistantà « survaloriser » certaines prises en charge,afin de prévenir l’éviction de certains publicset maintenir l’équilibre social de certainsterritoires, voire d’accorder des « primes » à laprise en compte des priorités des politiquespubliques. On est, effectivement, bien loin delogiques marchandes.

La tarification « en fonction des besoins »des personnes, mais concomitamment « àla ressource », ne risque­t­elle pas d’entraî­ner l’uniformisation et la standardisation desESMS ? A moyen terme, non. Il sera mêmeintéressant de voir pourquoi des ESMS ayant

la même capacité et les mêmes publics, etdonc les mêmes ressources, les utilisent trèsdifféremment. Par exemple, plusieurs EHPAD,ayant la même capacité et le même GMPSet donc le même budget soins, en ferontdes utilisations très différentes. Certains rem­placeront leurs infirmières libérales, qui nefont pas d’actes médicaux infirmiers (AMI)mais des toilettes, par des aides­soignantesplus nombreuses. D’autres en resteront à desorganisations des soins moins coordonnéespour les résidents et plus dispendieuses. Leschoix entre le salariat et les interventions deslibéraux seront différents selon les EHPAD.Certains comprendront qu’il faut faire desgroupements de coopération sur la gestiondes médicaments pour réaliser des économiesd’échelle sur cette fonction, afin d’avoir, aufinal, plus de personnel « au pied du lit », alorsque d’autres s’y refuseront, compte tenu decontraintes politiques locales...

L’échec de ses nouveaux modes de régu­lation rendrait crédible une régulation plusbrutalement marchande tant que nous seronsdans une logique de révision générale despolitiques publiques (RGPP), qui n’est pas unerévision générale des politiques de dérégula­tion (RGPD). Laquelle ne saurait consister àsimplement revenir à la régulation du dernierquart du XXe siècle, dont l’échec est bien àl’origine des actuelles remises en cause desparadigmes du secteur social et médico­social.

7. ANNEXE : RÉFORMEDE LA TARIFICATIONDES SSIAD EN 2011 ?

Le passage en 2006 du forfait journalierà une dotation globale avait déjà permis demoduler les moyens des services de soinsinfirmiers à domicile (SSIAD) en fonction despublics pris en charge. La dotation globale

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

Tableau 6. Caractéristiques du patient en SSIAD.

Variation en %Individu typeScore : 100

Groupe GIR

GIR 1 + 43,4%

GIR 4

GIR 2 + 34,2%

GIR 3 + 19.3%

GIR 5 – 6 %

GIR 6 – 11,1 %

Déficiences

Incontinence urinaire + 16% Non

Incontinence fécale +8 % Non

Déficience des membres supérieurs + 6,4% Non

Aides techniques

Lit médicalisé + 14% Non

Soulève-malade + 19% Non

Fauteuil roulant + 6,7% Non

Soins délivrés par dessoignants extérieurs

Kinésithérapie + 9% Non

Nutrition entérale + 30,3 % Non

Provenance du patient

HAD + 20,9%

DomicileSSR + 5%

MCO + 1,8 %

USLD ou EHPAD + 5,9 %

Soins infirmiersassurés par le SSIAD

Passage d’au moins une infirmière + 50,10 % Non

Accompagnement de fin de vie + 12,20% Non

Un service + 7,3% Aidant de laprécédente ou de lamême génération

Aidant principal Personne de la génération suivante – 1,10 %

Autre – 2,20 %

Zone d’intervention Zone urbaine – 16,9 % Zone mixte ou rurale

de financement et les indicateurs de conver­gence tarifaire ont permis une adaptation dela dotation des SSIAD. Cependant, la moitiédes SSIAD remplissent leurs obligations enmatière de transmission des indicateurs deconvergence tarifaire et de rapport d’activité.

Il existe une grande variabilité dans lecoût et, donc, dans l’intensité de prise encharge des patients, qui s’étendent de 10 foismoins à 3,5 fois plus que leur valeur moyenne.L’argent ne suit pas le patient puisque seulun tiers des services reçoit une dotation qui,par rapport à la quantité de patients pris encharge, correspond à leurs besoins ; un tiersest en excédent ; un tiers est déficitaire.

La réforme de la tarification des SSIADdevrait reposer sur un modèle mixte per capitapartageant la dotation en deux :

• une partie qui couvre le coût de structure,qui représente, en moyenne, 20 % du coûttotal de fonctionnement d’un service etvarie en fonction de la taille des servicescar il existe des économies d’échelle ;

• une partie qui couvre le coût de prise encharge des patients et dépend de la chargeen soins de la population prise en charge :le « score patient ».

Les scores patients des SSIAD varient théo­riquement de 65 à 675, la moyenne étant à 221(tableau 6).

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12 • Tarification des ESMS

133

Pour chaque caractéristique, le pourcen­tage mentionné est égal à la part additionnellede coût pour le patient présentant cette parti­cularité par rapport à celui qui en est indemneou qui présente la modalité de l’individutype. Lorsque le patient présente plusieurscaractéristiques, les effets se cumulent et lecoût initial est successivement augmenté desvaleurs correspondantes. Le modèle de calculdes scores est dit multiplicatif.

Des économies d’échelle sont à l’origined’une décroissance du coût structure, lorsquele nombre de patients pris en charge augmente.Le score structure varie, de plus, du simple audouble entre un service de cent patients etplus et un service de moins de vingt patients.Pour inciter les structures au regroupement,on peut envisager une diminution du scoreinférieure à la diminution du coût terrain réel.Ce regroupement est nécessaire, aussi, pour laqualité de la prise en charge : remplacementdes personnels absents, prise en charge 365jours sur 365 difficile pour les petits SSIAD.

La meilleure adaptation de la dotation aucoût du patient permet de diminuer le risqued’éviction des patients dont la prise en charge

est lourde pour les services. Cependant, afinde favoriser encore plus la prise en chargede ces patients, qui sont ceux qui bénéficientle plus de la coordination offerte par lesSSIAD, on envisage de leur attribuer des pointsadditionnels.

Il est proposé qu’au­delà du score pourlequel plus de 50 % des patients bénéficientde plus de deux passages de soignants parsemaine, les services reçoivent un « bonus »de points. Actuellement, ce seuil se situe auniveau du score 350. Près de 15 % des patientssont dans ce cas. Plusieurs classes de bonuspourront être envisagées.

À l’inverse, les patients nécessitant troispassages et moins par semaine ne relèvent pas,en général, de la prise en charge coordonnéedes SSIAD. Afin d’orienter leur prise en chargevers un autre type d’offre (offre infirmièreambulatoire, services d’aide à domicile...), onenvisage d’attribuer un « malus » de points endeçà du score pour lequel plus de 50 % despatients sont dans ce cas. Le score retenu icis’élève à 90 points. Près de 8 % des patientsont un score inférieur.

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Chapitre 13

La fièvre délinquante

Michel FRANZA

Directeur général de l’Unasea

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

PLAN DU CHAPITRE

1. La délinquance, en parler toujours, la régler... un jour peut­être 138

2. Le rapport Varinard : une occasion manquée, malgré la volonté de réformer 138

3. Un avant­projet de Code de justice pénale des mineurs, quatre livres sansvigueur 140

4. Sept dispositions qui contreviennent aux principes d’une refondation de lajustice des mineurs 141

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13 • La fièvre délinquante

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«TELLE une poussée de fièvreintemporelle, la question dela délinquance des mineursoccupe le débat public avecd’autant plus d’acuité que

la perception par l’opinion de ce phénomènerévèle une peur inconsciente de ses propresenfants et lui renvoie, avec force, ses propreséchecs. »

Tel était le début de l’article qu’avec Jean­Jacques Andrieux, nous avions consacré à lapremière édition de L’Année de l’action sociale,en 2005, sur le thème de la prévention de ladélinquance.

Comment ne pas voir, dans ce nouvel accèsde fièvre éditoriale de fin d’année 2009, undébat par nature inachevé ? Un débat récurrent,rythmé par les variations statistiques incer­taines de la délinquance des mineurs et pardes plans gouvernementaux toujours miracu­leux.

Une politique publique verbalement ambi­tieuse, bien que répétitive. Des résultats simédiocres qu’il faut renouveler, sans cesse, lapédagogie juridique et éducative qui l’accom­pagne. Mais la magie des mots n’opère plus.A contrario, le terrain baigne toujours dansl’action et la recherche de solutions opération­nelles.

La force de l’engagement associatif n’est­cepas, finalement, d’accepter de remettre sanscesse le travail sur l’établi ? Mais, tout de même,depuis la fin des années quatre­vingt, on pour­rait croire que les meilleures pistes ont étéexplorées ! Tel n’est pourtant pas le cas, si l’onse réfère aux variations statistiques.

Certes, la croyance en l’homme demeurele principal terreau de la mission éducativedes associations, même si l’environnement estde plus en plus délétère, les politiques peurigoureuses et les partenaires souvent démis­sionnaires... sauf quand l’état de l’opinion —ou ce que l’on croit être l’opinion — vient

subitement secouer des élus en quête de résur­rection identitaire.

En cette année 2009, nous pouvions pen­ser que le politique allait, enfin, traduire lavolonté affichée par tous d’une réforme volon­taire. La commission Varinard avait tracé lavoie, qu’ensemble nous avions, à un titre ou unautre, élus, magistrats, associations, balisée delongue date. Un garde des Sceaux prêt, enfin, àbousculer le système — on peut lui reconnaîtrecette volonté — un rapport de commissionqui n’était pas circonstanciel, pour une fois,prolongeant les débats à maints égards. Cha­cun attendait l’avant­projet de Code de justicepénale des mineurs comme le creuset d’uneréforme fondamentale pour la République desjusticiables.

Mais le nouveau ministre de la Justice, enannonçant le projet de code pour l’été 2010,dès ses premiers mots, dans un discours devantles professionnels de la justice le 28 septembre2009, a présenté comme objectif premier ducode de « lutter contre la récidive », en omet­tant de prononcer les mots « prévention » et« éducation ».

Et nous voilà de nouveau plongés dans leréactif, l’approximatif et le circonstanciel.

Deux ans de travaux et d’échanges. Nousattendions un final à la hauteur des espoirs pré­sentés par le législateur. Mais ne sommes­nouspas devenus trop ambitieux au cours d’uneannée de débat, alors que la lutte contre ladélinquance des mineurs demeure un évan­gile sacré de la bible politique ? La rédemptionattendant l’au­delà !

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

1. LA DÉLINQUANCE, EN PARLERTOUJOURS, LA RÉGLER...UN JOUR PEUT­ÊTRE

Le 2 octobre 2009 à Villeneuve­la­Garenne(Hauts­de­Seine), le Premier ministre, FrançoisFillon, entouré de tout ce que la Républiquecompte de ministres encore intéressés de prèsou de loin à la jeunesse, annonce les vingt etune mesures d’un nouveau plan triennal deprévention de la délinquance.

Le 1er janvier 2010, l’État doit, de nouveau,mobiliser ses forces vives, moins de troisans après avoir révolutionné les politiquespubliques par une loi fondatrice sur la pré­vention de la délinquance, le 5 mars 2007 !

Consolidation des partenariats locaux enrenforçant les pouvoirs de coordination dumaire, le pivot des conseils locaux de sécuritéet de prévention de la délinquance (CLSPD)et l’autorité suprême du rappel à l’ordre ;amélioration de la prévention par « un suiviindividuel des mineurs penchant vers la délin­quance » : telles sont les orientations du x ième

plan gouvernemental, à côté duquel la plani­fication chère à la Ve République gaulliste estun contresens sémantique, voire une masca­rade historique.

Le nouveau ministre de l’Intérieur cherche,en vain, à exister, mais perd le fil média­tique par la rupture de la magie des statistiqueset des courbes de popularité à la fluctuationboursière ! Après des années de baisse, leschiffres de la délinquance reprennent de lavigueur. Le président de la République, en per­sonne, doit « mettre au pas » les préfets et doit« ensemencer » les champs désormais défertili­sés de l’État sécuritaire.

Même mélange approximatif des genresquand la secrétaire d’État, pourtant en chargede l’enfance, en vient à valoriser la mise enplace de onze nouveaux conseils des droitset devoirs des familles, se trompant sur la loi

qu’elle devrait effectivement mettre en œuvre,préférant se complaire dans la facilité langa­gière de la sanction, plutôt que dans l’effortcollectif de l’éducation.

La magie d’une recette élective, pourtantusée, va jusqu’à faire perdre sa dignité à lafonction ministérielle. Le temps électoral brise,de nouveau, le temps gouvernemental et laconfusion gagne les travées des assemblées.Décidément, les cent vingt mille mineurs délin­quants et les quelques centaines de récidivistesn’en finissent pas d’occuper les esprits des éluset d’assécher le réformisme des professionnels.

Si la crise financière a cassé, un temps, leseffets de l’insécurité sur l’opinion, les indicesde confiance flirtent toujours avec les varia­tions statistiques de la transgression juvénile.

La délinquance des mineurs est donc biendemeurée ce révélateur récurrent de l’état del’opinion, même si les enquêtes confirmentson reflux dans les préoccupations des Fran­çais et que sa magie sondagière opère moinsque par le passé sur les indices de confiance.

2. LE RAPPORT VARINARD : UNEOCCASION MANQUÉE, MALGRÉLA VOLONTÉ DE RÉFORMER

Après plus de six mois de débats etd’audition, le recteur Varinard a rendu, le3 décembre 2008, le rapport de la commissionqu’il présidait et dont la mission était de des­siner les axes d’une réforme de l’ordonnancedu 2 février 1945. Un rapport de soixante­dixpropositions, qui devait marquer la premièreétape de la réforme de la justice pénale desmineurs.

Trois axes de réflexion étaient assignés àla commission :

• assurer une meilleure lisibilité des disposi­tions applicables aux mineurs ;

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13 • La fièvre délinquante

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• renforcer la responsabilisation des mineurs,notamment en fixant un âge minimum deresponsabilité des mineurs et en assurantune réponse pénale adaptée et une sanc­tion adéquate, graduée et compréhensiblepar tous ;

• revoir la procédure et le régime pénal appli­cable aux mineurs.

Par cette réflexion officiellement engagée,tous les acteurs pouvaient, enfin, mettre enavant leur désir de réforme et valoriser leurspropositions. Une étape était franchie. L’Étatouvrait le débat.

Cependant, la volonté partagée de prendreà bras le corps ce syndrome de la transgres­sion et de la marginalité d’une partie infime dela jeunesse en s’attaquant au texte fondateurle régulant, si elle était nécessaire, attendue etréclamée, n’était pas suffisante.

Certes, en paraphrasant Serge Portelli, onpouvait penser qu’à nouveau on ne s’intéresse­rait toujours pas à l’homme, mais à son acte1.Pourtant, l’ensemble des professionnels, desmagistrats aux éducateurs, savaient la néces­sité d’une refondation de l’ordonnance de1945.

Mais, dans l’esprit de tous, la participationaux auditions traduisait une détermination pluslarge, celle de construire, à partir de ce débatprocédural et hautement symbolique, les basesd’une politique ambitieuse en direction dela jeunesse, cette grande laissée­pour­comptede la rupture républicaine chère à l’oracle etscribe élyséen, Henri Guaino.

Pour tous, les travaux et auditions quiont construit le rapport Varinard ne devaientpas rester l’une de ces innombrables com­mandes qui rejoindrait la longue liste desréflexions évanouies dans les bibliothèquesministérielles, mais bien un texte qui devaitréveiller, après avoir nourri un projet législatif

ambitieux, les travées du Parlement dans undébat de société qui ferait date.

Tel était la volonté collective pour, à la fois,en finir avec cette litanie idéologique et procé­durière sur la délinquance juvénile et donnerrespiration et créativité aux débats parlemen­taires, afin d’engager une réforme de fondsur la jeunesse. Voire d’élaborer un vrai codedédié à l’enfance et de consacrer aux adoles­cents autant d’énergie que celle déployée pourrassurer les marchés.

Car c’est bien là que résidait le fond dudébat. Bien plus que sur les soixante­dix pro­positions d’un rapport qui est resté trop figésur sa lettre de mission, tant est si bien quesoixante­huit d’entre elles ont été adoptéesà l’unanimité. Ni révolution, ni réaction, endéfinitive. L’équilibre entre la sanction et l’édu­cation n’a pas été rompu. La prudence estrestée de mise, tant sur les derniers texteslégislatifs et dispositifs, faute « de recul néces­saire pour évaluer leur pertinence », commeles peines plancher ou la composition pénale,que sur la question de la minorité des 12­14ans en se réfugiant derrière la norme interna­tionale, entre crime et délit, pour finalement seretrouver cloué au pilori par tous les tenantsde l’exception et du statu quo.

Certes, l’exercice était difficile, le contexteparticulier et le sujet sensible. Mais, si l’onpouvait faire un reproche à cette commission,c’est justement de n’avoir pas eu ce courage,que chacun pouvait espérer et à la mesure descraintes qu’elle avait soulevées, comme fixerl’âge de la responsabilité pénale à 14 ans, telun pied de nez idéologique à ses commandi­taires.

À demeurer trop professionnelle, la com­mission, malgré la qualité de ses membres etla volonté de son président, s’est privée desa liberté la plus élémentaire, l’audace. Certes,tout le monde a joué le jeu institutionnel, sans

1. Interview Les Inrockuptibles, vice­président du tribunal de Paris.D

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

trop croire, d’ailleurs, à la portée des argu­ments, tant le climat pouvait laisser penser quela répression allait s’abattre sur les quelquecent vingt mille mineurs qui font aujourd’huil’objet d’une mesure éducative dans le cadrepénal.

Le secret espoir nous animait, pourtant, decontredire les propos de Dominique Charvet,qui, dans son rapport du Plan1 sur la jeunesse,soulignait que nous avions « fini par croire quele fait qu’elle vivait des problèmes faisait d’elleun problème ».

Finalement, le cadre convenu d’un rapportministériel était­il la bonne méthode, avecsa lettre de mission, son public averti, sesprofessionnels du spectacle politique et sesintermittents associatifs ?

Pourtant, c’est bien là que réside le prin­cipal reproche que l’on peut formuler à unecommission qui n’a pas transgressé les figuresqui lui étaient imposées. Un manque d’ambi­tion et de courage.

En effet, si la prévention n’a pas eu droit decité dans un préambule identitaire fort, pourappuyer une volonté partagée de réformer lajustice, et par là même la politique judiciaire,la réinsertion demeure le parent pauvre du cor­pus de propositions. Comme si la délinquancecommençait à la porte du tribunal pour s’éva­nouir dans l’écho du dernier tour de clé del’établissement.

Mais, au­delà des analyses et des critiquesqui ont été formulées sur ce rapport et sur lestrente propositions qui sont conservées dansla rédaction du futur projet de loi, ce n’est pastant sur les éléments techniques, juridiquesou éducatifs qu’il faut réellement se pencher,mais avant tout sur la substitution du termede mineur à celui d’enfant. Celle qui, précisé­ment, justifie le propos de Serge Portelli sur ledésintérêt de l’homme au profit de son acte.

Ici est engagée directement la respon­sabilité des membres de la commission et,maintenant, des rédacteurs de l’avant­projetde Code de justice pénale des mineurs. Uneresponsabilité symbolique et éthique majeure.En effet, en restant calés sur la lettre de mis­sion, les membres de la commission ont pris lerisque de nier l’Homme dans sa construction,au profit de la simple définition d’un statut.

3. UN AVANT­PROJET DE CODE DEJUSTICE PÉNALE DES MINEURS,QUATRE LIVRES SANS VIGUEUR

Avant de découvrir le projet, chacun espé­rait qu’il serait, certes, le testament de l’or­donnance de 1945, mais, avant tout, le textefondateur d’une justice des mineurs rénovéeet modernisée. Un projet digne d’une Répu­blique en phase avec ses principes immanentset prête à se doter des moyens nécessairesà leur satisfaction. Qu’il aurait, malgré tout,l’ambition de conserver son identité éduca­tive et qu’il ne céderait pas aux facilités dela sanction, en oubliant de mettre l’accent surdes politiques de prévention. D’autant queson centre d’intérêt unique, c’est l’enfant. L’en­fant, certes dans la transgression de la normesociale, mais, néanmoins, l’enfant en deveniret en reconstruction.

C’est pourquoi nous avions à cœur que cetexte s’ouvre sur un plus large débat, notam­ment sur la jeunesse, et qu’il profite desréflexions qu’ouvrait, en parallèle, la commis­sion Hirsch, pour s’articuler avec une politiqueglobale de la jeunesse.

L’autre regret fut que, des principales pro­positions retenues de la commission Varinard,il n’ait conservé qu’une trentaine d’entre elles

1. Rapport du Plan.

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13 • La fièvre délinquante

141

et pas les plus innovantes, reformulant de sur­croît les dispositions des lois du 5 mars et du11 août 2007, malgré un manque évident derecul et dans l’approximation du sujet !

Mais les deux principaux griefs furent,notamment, que, profitant de cette réformed’ampleur, notre souhait de faire du Codegénéral des mineurs un véritable code dédié,réunissant les dispositions pénales, civiles etsociales relatives aux enfants, malgré l’intérêtmanifesté par la commission Varinard dans saproposition 47, n’ait pas été satisfait.

Mais le plus symbolique, comme nousl’avions craint lors du débat sur le rapportVarinard, fut d’entériner le changement de ter­minologie dans l’appellation des juridictions,où au terme enfant s’est substitué le termemineur.

On passait, ainsi, du symbole naturel del’humain en construction au statut juridiqued’un comportement. Une terminologie qui, deplus, s’opposait à celle du Code civil, où lejuge des enfants et la protection de l’enfanceperdaient, avec leur identité, le sens de leurmission. L’enfant disparaissait derrière l’acteet le mineur incarnait le nouvel horizon d’unejeunesse transgressive.

Ainsi, l’UNASEA, avec les principales fédé­rations — Citoyens et Justice, FN3S et Uniopss—, fidèles à leur engagement réformateur, ontélaboré un corpus de propositions sur cetavant­projet, mais en prenant soin de posertrès clairement leur opposition à certaines dis­positions qui portaient atteintes, selon elles,aux principes de la réforme qu’elles appelaientde leurs vœux, depuis de nombreuses années.Pas seulement en qualité d’observateurs aver­tis d’une évolution générationnelle, mais avanttout d’acteurs de la prise en charge des publics,aussi bien auteurs que victimes.

4. SEPT DISPOSITIONS QUICONTREVIENNENT AUXPRINCIPES D’UNE REFONDATIONDE LA JUSTICE DES MINEURS

Dans un premier temps, la réponse inter­fédérale s’est orientée sur ces propositions,qui contrevenaient aux principes fondamen­taux de la justice des mineurs :

• tout d’abord, celles concernant les 16­18ans, qui glissaient d’un régime spécialiséapplicable aux mineurs vers un régimegénéral applicable aux majeurs. Un régimeglobal qui, du tribunal pour mineurs auxpeines planchers pour les récidivistes, enpassant par la garde à vue et à la déten­tion provisoire, entamait cette spécificité dumineur justiciable ;

• la possibilité d’incarcération dès 13 ans,alors que la commission Varinard proposait14 ans (et, par exception, 12 ans en matièrecriminelle) ;

• le renforcement du rôle du parquet, quidevient le personnage central de la justicepénale des mineurs, au détriment du jugedes enfants, ce qui est contraire au principede spécialisation de la justice des mineurs ;

• la remise en question de la liberté d’appré­ciation du juge des mineurs et l’automaticitéet la progressivité des réponses ;

• les peines planchers, qui nient certainsprincipes de la justice pénale en France,notamment ceux d’individualisation et deproportionnalité. Une mesure qui écarte, deplus, le principe d’excuse de minorité, l’undes principes de l’ordonnance du 2 février1945 ;

• la mesure la plus critiquable restant celle dulivre IV qui présente un certain nombre dedispositions particulières pour les mineursde 10 à 13 ans, brisant l’équilibre du texte,mais surtout la philosophie initiale d’une

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

réforme voulue par tous les acteurs. Unesorte de trahison, en somme, de la lettre etde l’esprit de la réforme annoncée ;

• quand, en conclusion, on assigne aux jus­ticiables la charge des frais de stage, lesorientations de la réforme prennent unetournure particulière, rompant le principede l’équité de traitement entre les justi­ciables.

Finalement, cet avant­projet, dans la conti­nuité des textes et propositions, porte atteintede surcroît à l’identité historique de la Répu­blique. Car, en oubliant d’élargir le champ dela réflexion à la jeunesse dans son ensembleet à l’absence consternante de destin politiquela concernant, on communautarise un phéno­mène, la délinquance juvénile, comme pourmieux nous absoudre de nos responsabilitéscollectives à son endroit.

La lutte contre la délinquance ne pourrase réduire à la simple réécriture d’un cadre

juridique, même aseptisé par des normes édu­catives. C’est une question globale par essence.De l’ignorer par facilité politique et aisancephilosophique, on renforce, artificiellement,les fondations d’un éternel débat idéologique,sans régler la question sociale qui en constituele ciment et le révélateur.

Car, comme l’a écrit Jean­Fabien Spitz1,l’« intervention constante de la puissancepublique pour remettre dans le jeu ceux quele mouvement spontané à tendance à exclure,pour mobiliser ceux que la constitution artifi­cielle des hiérarchies tend à figer, est donc unefonction vitale dans une société moderne ». Delà à penser que nous régressons, il n’y a qu’unpas.

D’ailleurs, notre crainte sémantique s’estrévélée et l’enfant a perdu identité et imagepour un mineur au statut par nature précaire.

1. « Le Moment républicain en France », Paris, 2005, cité in Vincent Peillon, La révolution française n’est pasterminée, Paris, Le Seuil, 2008.

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Chapitre 14

Quel avenirpour les ESAT ?

Gérard ZRIBI

Directeur général de l’Afaser, président d’Andicat

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

PLAN DU CHAPITRE

1. Un décalage entre les textes et la réalité 146

2. Trop de textes tuent la norme, trop de textes tuent l’initiative 146

3. Un consensus associatif sur la situation actuelle 146

4. Un environnement administratif mouvant, de nouvelles règles budgétairescritiquables 147

Les liens entre le sanitaire et le social 147Le nouvel environnement administratif des ESAT 147

5. Des questions en suspens, des évaluations nécessaires 148Des réponses nécessairement plus variées et flexibles, mais des outilsadministratifs excessivement rigides 148Des processus d’évaluation lisibles par tous et utiles aux usagers 149

6. Éléments bibliographiques 150

Page 157: Social et médico-social : une spécificité en danger ? : L'année de l'action sociale 2010

14 • Quel avenir pour les ESAT ?

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ALORS QUE, dans nos sociétés, lesquestions de l’emploi et de l’Étatprovidence sont plus que jamaisprégnantes, il est d’autant plusnécessaire, sous peine d’un aban­

donisme social, de les aborder précisémentpour les groupes les plus vulnérables ; ce quise fera ici sous l’angle du travail protégé, quiconcerne environ cent quinze mille travailleurshandicapés.

Ceux­ci sont, bien entendu, intéressés parles débats en cours sur ces sujets et par lesvaleurs (positives ou négatives) qui les tra­versent.

L’avenir des établissements et servicesd’aide par le travail (ESAT) est fortement lié àla mise en application (ou pas) de positionsdéclaratoires, sur un plan général, des uns etdes autres, et parmi les plus attractives : « vivredans un environnement socialement juste » ;« chacun doit pouvoir développer les capacitésqu’il porte en lui » ; « investir dans l’homme etcouvrir convenablement les risques de l’exis­tence » ; « réhabiliter l’investissement social » ;et encore l’obligation constitutionnelle que« chacun a le devoir de travailler et le droitd’obtenir un emploi ».

Les ESAT, leurs responsables et les per­sonnes handicapées en sont preneurs, non pasdéfensivement, mais par une intégration activedans les nouvelles configurations sociales.

Il n’est, en effet, pas question de nier lesmutations environnementales (économiques,sociales, culturelles), à condition qu’elles n’endeviennent pas, par essence, une valeur posi­tive en soi. Le corollaire est, à moins d’êtremarginalisé et transformé en réserve indienne,que le secteur du travail protégé acceptelui­même de changer et d’évoluer.

Mais, il en est très différemment d’unevolonté de changement illustrée par unesorte de toxicomanie de la production detextes (décrets, circulaires...). Il faut dire

aussi, clairement, que pour le secteur socialet médico­social, le conservatisme peut êtrecatastrophique ; il lui faut, bien au contraire,anticiper les transformations qu’il va devoiropérer — et non pas se les faire imposer — etles inscrire dans son système de valeurs.

C’est donc une attitude entreprenante, prag­matique et combative que « le social » aura àadopter pour éviter l’effacement de ses spé­cificités. L’une d’entre elles est la prise encompte des caractéristiques et des attentes depersonnes avec des besoins particuliers. Leslois successives (1975, 2002, 2005) ont permisaux personnes handicapées d’être, du moinsformellement, des sujets de droit(s) et, d’unecertaine façon, d’instaurer, selon les termes deRobert Castel, une « solidarité de semblables ».Mais la loi n’efface pas le caractère incompres­sible de l’altérité.

Évidence pour beaucoup, elle ne l’estfinalement pas lorsqu’on se heurte à la méta­physique des textes et à la magie de leursimpacts (sauf dans la réalité !) : dans unelettre du 18 janvier 2008 adressée à l’Associa­tion nationale des directeurs et cadres d’ESAT(ANDICAT), la délégation générale à l’Emploiet à la Formation professionnelle soutient, aunom du principe de compensation, « qu’un tra­vailleur handicapé, dont l’aménagement duposte est en parfaite adéquation avec sonhandicap, peut être aussi performant qu’untravailleur valide. »

Quid, alors, de personnes ayant un handi­cap cognitif ou un handicap psychique (93 %des travailleurs d’ESAT) ? Aucun système decompensation ne « réparera » les déficiencesou la grande instabilité et l’imprévisibilité descomportements.

Faut­il rappeler, également, que l’émanci­pation de l’individu vulnérable ne suppose cer­tainement pas qu’il soit fondamentalement res­ponsable de son propre destin ou de construc­tions sociales abstraites ? Elle implique, bien

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plus sûrement, que des décisions publiquesraisonnées et réalistes soient prises en matièred’accès à l’emploi, à la formation, à la santé...

C’est, notamment, à cette condition que ledroit au travail et au travail protégé pourra êtreconcrètement respecté.

Où en sommes­nous aujourd’hui ? Quelsconstats sur les effets de l’application des loisdu 2 janvier 2002 et du 11 février 2005 ?

1. UN DÉCALAGE ENTRE LES TEXTESET LA RÉALITÉ

Les lois de 2002 et 2005 sont positives etintéressantes dans leur logique de configura­tion de nouveaux droits, ceux de l’inclusion,de l’assertivité, de la représentation, des choixde vie, de l’accession à la vie de tout unchacun, d’évaluation de la bonne tenue desservices...

Mais nous sommes déçus par l’écart entreles principes, l’intention (mais l’intention est­elle toujours sérieuse ? questionnait en sontemps le philosophe Jankélévitch), et les réa­lités quotidiennes que connaissent bien lespersonnes handicapées, leurs proches et lesétablissements et services médico­sociaux.

Que penser, ainsi, du rapport du gouverne­ment au Parlement sur le suivi de la réformede la politique du handicap, à propos duquelde nombreuses associations, notamment cellesreprésentées au Conseil national consulta­tif des personnes handicapées (CNCPH), ontdéjà porté de vives critiques : autosatisfac­tion, manque de perspectives, un pacte pourl’emploi peu volontariste, des dysfonctionne­ments importants dans l’action des maisonsdépartementales des personnes handicapées(MDPH), des ressources pour les personneshandicapées insuffisantes, un manque patentd’information et de communication...

2. TROP DE TEXTES TUENTLA NORME, TROP DE TEXTESTUENT L’INITIATIVE

Que faire de la tyrannie textuelle qui fonc­tionne comme si rien n’existait déjà, commesi le monde devait être refondé, et comme siencore les rédacteurs de règles et de normesétaient dépositaires de la vérité et appréhen­daient la réalité des personnes et de nosorganisations dans sa totalité ? Cela ne peutque régénérer, en fait, un modèle tayloriendistinguant ceux qui pensent et rédigent à l’in­fini des textes à appliquer et ceux qui doiventexécuter et les appliquer, et, enfin, ceux quien sont les cibles.

Il faut laisser, à l’inverse, aux acteurs (lesusagers, les responsables, les équipes) lepouvoir de penser et d’adapter leurs modesd’action et ne pas leur imposer une grille rigidede fonctionnement. C’est le projet d’établisse­ment ou de service, bien sûr, dans le cadreplus général d’une politique publique qui estimportant. Les moyens pour l’atteindre doiventrester ouverts : c’est la condition du respectdes personnes, mais aussi de la promotion desinnovations sociales.

3. UN CONSENSUS ASSOCIATIFSUR LA SITUATION ACTUELLE

� L’analyse des besoins : il est annoncé desplans pluriannuels de création de places sansanalyse qualitative — pour quelle population ?avec quel projet ? avec quel type de fonction­nement ? — ni quantitative — faut­il le mêmenombre de places dans toutes les régions ?a­t­on bien appréhendé les demandes des per­sonnes pour chiffrer des besoins ?

� L’intégration professionnelle et le passagedu milieu protégé vers le milieu ordinaire dutravail : la seule mesure essentielle pour favo­

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14 • Quel avenir pour les ESAT ?

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riser le passage du milieu protégé (les ESAT)vers le milieu de travail ordinaire est l’attribu­tion simplifiée, lisible, et assouplie des aidesà l’emploi, lorsque « la lourdeur du handicap »est reconnue.

ANDICAT demande, avec insistance,depuis deux ans, que soit attribuée, automa­tiquement et pour une durée de cinq ansrenouvelable, une aide à l’emploi maximumaux employeurs qui recruteraient un travailleurhandicapé en ESAT ou orienté vers un ESAT.

Cette proposition reste absente des orienta­tions publiques, alors que la direction généralede l’Action sociale (DGAS) en reconnaît la per­tinence.

� Le niveau actuel des ressources des tra­vailleurs handicapés en ESAT est sensiblementinsuffisant pour favoriser l’intégration sociale,qui est pourtant l’axe fort de la politiquepublique. Le risque patent est le maintien despersonnes handicapées dans les foyers d’hé­bergement, alors que certaines d’entre ellesont la capacité de vivre dans un appartementpersonnel, avec l’aide d’un service d’accompa­gnement à la vie sociale.

� Les dysfonctionnements des MDPH : tout enreconnaissant que la jeunesse de ces entitésne permet pas une bonne qualité de fonction­nement, on note de fortes difficultés dans denombreux départements : absence d’interlocu­teurs, retards, documents incomplets...

� L’absence d’actions positives et visibles sur lesrecherches et les innovations.

� Enfin, les textes sur les ESAT (décretsde 2006 et circulaire du 1er août 2008) sontexcessivement rigides, irréalistes et donc peuapplicables, et même parfois contradictoiresles uns par rapport aux autres.

4. UN ENVIRONNEMENTADMINISTRATIF MOUVANT,DE NOUVELLES RÈGLESBUDGÉTAIRES CRITIQUABLES

Trois points posent notamment problèmeau secteur social et médico­social.

Les liens entre le sanitaireet le social

L’intention initiale, qui était de fluidifierles relations entre le secteur sanitaire et lemédico­social, avait totalement l’aval d’ANDI­CAT.

Nous ne la retrouvons plus dans la loi« Hôpital, patients, santé et territoires » (HPST),qui est marquée par un poids excessif du sani­taire.

Le nouvel environnementadministratif des ESAT

La loi HPST intègre les ESAT dans le champagences régionales de santé (ARS).

Il est affirmé, notamment :

• le principe de la convergence tarifaire et lestarifs plafonds ;

• la signature obligatoire des contrats pluri­annuels d’objectif et de moyens (CPOM),dès lors que les organismes gestionnairesatteignent une certaine taille, fixée pardécret.

Ces deux points posent problème :

• en ce qui concerne les tarifs plafonds, leprincipe est, au premier abord et en appa­rence, juste. Mais la réalité le contredit. Eneffet, les évolutions budgétaires des der­nières années ont déjà provoqué de grandesdifficultés dans les ESAT (30 % à 40 % des

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ESAT sont en déficit).Les tarifs plafonds, qui reviennent, en finde compte, à la tarification à l’activité, neferont qu’aggraver les difficultés. Il est pré­férable de laisser de l’espace à un dialogueconstructif entre les gestionnaires et lesfinanceurs publics, ainsi que la possibilitéde recours. Là encore, la négociation n’apas été possible ;

• en ce qui concerne la signature de CPOMpar les organismes gestionnaires, ANDICATa déjà eu l’occasion d’exprimer, commed’autres associations et fédérations natio­nales, ses réserves.Il peut se trouver que les CPOM soientadaptés à des modes de fonctionnementassociatifs et à des besoins bien identifiésou bien, à l’inverse, totalement inadéquats,négatifs et contre­productifs.ANDICAT avait donc demandé, avecd’autres organismes, que la loi HPST intègrela notion de volontariat et de libre choix(comme cela était prévu, il y a encorequelques mois) dans la signature de CPOM.Mais les pouvoirs publics ont décidé queles CPOM seront obligatoires ;

• enfin, la révision de la procédure d’au­torisation des établissements sociaux etmédico­sociaux par « l’appel à projets ».Selon la loi HPST, une commission de sélec­tion d’appel à projet social et médico­socialest instituée à la place du comité régionalde l’organisation sociale et médico­sociale(CROSMS).Cette proposition n’est pas positive, ence sens qu’elle bureaucratise le système,écarte les acteurs engagés dans l’action etn’offre aucune garantie de qualité, le moins­disant dans le financement ayant toutes leschances d’être favorisé. Certains pays voi­sins qui ont adopté les appels d’offres sonten train d’en revenir. Pourtant, les pouvoirspublics n’ont pas renoncé à leurs intentionsinitiales.

5. DES QUESTIONS EN SUSPENS,DES ÉVALUATIONS NÉCESSAIRES

Des réponses nécessairementplus variées et flexibles,mais des outils administratifsexcessivement rigides

On sait, aujourd’hui, que le défi est derendre les ESAT plus souples, plus réactifs,plus ouverts, plus mutualisant, pour répondre :

• à des attentes nouvelles, faisant davantagepart aux choix d’existence ;

• à une culture différente, axée davantagesur l’utilisation de services et de prestationsindividualisées plutôt que sur l’accès à desservices collectifs traditionnels ;

• à des problématiques personnelles etsociales beaucoup plus complexes ;

• à un environnement économique problé­matique, qui prive aujourd’hui un certainnombre d’ESAT d’activités de sous­traitanceindustrielle et amène, dans l’urgence, maisavec une exigence déontologique, à larecherche de nouvelle « niches » convenantà l’extrême diversité des capacités et descontraintes des travailleurs handicapés.

Mais comment y répondre avec une régle­mentation figée, opaque et, pour tout dire,bureaucratique et obsessionnelle ?

Comment y répondre, aussi, avec les inci­tations publiques à la centralisation des déci­sions et des moyens, privant, à coup sûr, uncertain nombre de responsables, d’implication,d’autonomie, de créativité et d’imagination,qui sont pourtant si nécessaires ?

Beaucoup de réalisations remarquablestémoignent des risques qu’il y aurait à bous­culer un système au nom d’un imaginairetechnocratique où les prairies sont plus verteset l’efficacité définie par décret.

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14 • Quel avenir pour les ESAT ?

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Comment y répondre, également, avec desprocessus d’admission et de sortie des usagersdes ESAT qui, sous prétexte de protection,aboutiront, paradoxalement mais immanqua­blement, à une sélection des populations,mettant à l’écart les plus fatigables et les plusperturbés ?

Comment y répondre, encore, avec desfinancements irréalistes (les coûts plafonds),apparemment logiques, mais surtout parfai­tement contradictoires avec la logique dela loi du 2 janvier 2002 et qui ne pourrontpas — malgré les affirmations de principe —prendre en compte une intrication compliquéede plusieurs paramètres : les besoins variéset évolutifs liés à la complexité des handi­caps et des parcours de vie, l’environnementsocio­économique, les coûts des implantationsfoncières... ?

Faut­il rappeler, aussi, que les prix derevient actuels des ESAT sont loin d’être éle­vés ? En Allemagne, le coût d’une place majorédes compléments salariaux est de 60 000 eurospar an, soit plus du double qu’en France.

Faut­il rappeler que les pouvoirs publicsont décidé le montant des économies qui seraréalisé dès 2009 (– 14 millions d’euros) et en2010 (– 5 millions d’euros) ?

Comment, enfin, répondre à des objec­tifs ambitieux et modernes de politiquesociale avec le mécanisme « d’appel à projets »contenu dans la loi HPST ? Celui­ci étoufferal’innovation et la recherche de solutions nou­velles, en même temps qu’elle fera la part belleau moins­disant budgétaire et à la baisse de laqualité des structures.

Des processus d’évaluationlisibles par tous et utilesaux usagers

La mise en œuvre des démarches d’éva­luation interne et externe est nécessaire à

l’amélioration des politiques publiques, dela qualité des activités et des prestations, dela promotion des droits des usagers, d’uneamélioration des managements, de la lisibilitédes actions et des projets et de la démocratieinterne.

Mais il doit être clair qu’il faut s’en tenir àla logique de la définition de l’évaluation tellequ’elle apparaît dans la loi du 2 janvier 2002. Àsavoir, l’évaluation dynamique du projet d’éta­blissement et de ses missions au regard desbonnes pratiques professionnelles élaboréespar l’Agence nationale de l’évaluation et de laqualité des établissements et services sociauxet médico­sociaux (Anesm).

Il faudra prendre garde aux dérives pos­sibles quant au rôle de l’Anesm. Celle­ci a pourmission d’élaborer de bonnes pratiques profes­sionnelles, c’est­à­dire d’expliciter les valeursactuelles du secteur médico­social et non pasde réécrire ou de rédiger des circulaires d’ap­plication. Le risque patent est de se trouverdans des impasses techniques et juridiques etd’accentuer les réticences et les objections « duterrain ».

Le rapport d’évaluation établi à partir del’analyse des différentes rubriques et en réfé­rence aux bonnes pratiques professionnellesdoit, enfin, se conclure par des objectifs àcourt, moyen et long terme.

Pour être valables, la conduite de l’évalua­tion, comme l’utilisation des résultats, qui sontfondamentalement des outils de managementparticipatif, aura à faire l’objet de regards croi­sés, de propositions et d’enrichissement de lapart des différents acteurs (équipes, usagers,conseils d’administration, conseils de la viesociale...), notamment sur l’état des lieux etsur la définition des objectifs à trois ou cinqans.

Il faudra, également, proscrire au niveaudes recommandations de bonnes pratiquesprofessionnelles, des textes trop pointillistespour la conduite de l’évaluation interne. Il est

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indispensable de laisser de la souplesse et dela diversité, au niveau des modalités, et s’at­tacher essentiellement au sens et au fond, etsurtout à l’amélioration régulière du fonction­nement et des activités, avec le concours detous.

Enfin, nous insistons sur le fait qu’il faut évi­ter des démarches chronophages, qui décou­rageraient rapidement les plus convaincus.

* * *

Les ESAT ont, non pas à se redéfinir, maisà s’adapter, dans un cadre clair de valeurs,à une réalité changeante : un environnementéconomique très différent ; des impératifs bud­gétaires plus contraignants ; des populationsaux caractéristiques plus complexes (troublespsychiques, dégradation de l’état de santé...) ;une reconstruction de la décision publique.

Ils auront, aussi, à mettre en avant les réa­lisations présentes, souvent de grande qualité,l’intelligence collective et leur potentiel, bienréel, d’innovation et de résolution de problé­matiques nouvelles.

6. ÉLÉMENTS BIBLIOGRAPHIQUES

BEULNÉ TH., DANDOY S., « La place de l’ESATdans la réadaptation sociale et profession­nelle », in Zribi G., Beulné Th. (dir.), Leshandicaps psychiques, Concepts, approches,pratiques, Rennes, EHESP, 2009.

« Droits des usagers et réglementation desCAT, une cohérence entre les objectifs et

les moyens », Les Cahiers d’ANDICAT, n◦ 4,2004­2005.

LAFORCADE M., TALANDIER C., VIELLE J.,L’Évaluation interne dans les établissementset services pour personnes handicapées, Paris,Éditions Seli Arslan, 2009.

LEGUY P., Travailleurs handicapés : recon­naître leur expérience, Ramonville Saint­Agne,Érès, 2007.

PACHOU B., « Remarques sur les déterminantsde la réinsertion professionnelle des per­sonnes en situation de handicap psychique »,in Zribi G., Beulné Th. (dir.), Les handicapspsychiques, Concepts, approches, pratiques,Rennes, EHESP, 2009

SGAS, Rapport d’analyse des résultants de l’en­quête « Politique de contractualisation et derestructuration du secteur social et médico­social », Bilan 2007­2008.

VIDAL­NAQUET P., Maladie mentale, handi­cap psychique et insertion professionnelle,CERPE/Réseau Galaxie, 2003.

ZRIBI G., L’Avenir du travail protégé, Paris,Éditions EHESP, 3e éd. 2008.

ZRIBI G., BEULNÉ Th., Les Handicaps psy­chiques. Concepts, approches, pratiques, Paris,Éditions EHESP, 2009.

ZRIBI G., SARFATY J., Handicapés mentaux etpsychiques. Vers de nouveaux droits, Paris,Éditions EHESP, 2008.

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Chapitre 15

Situations de handicap :lever les obstacles parles principesd’accessibilitéet de conceptionuniverselles

Jean­Marie BARBIER, Président de l’APF

Patrice TRIPOTEAU, Directeur des actions nationales à l’APF

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

PLAN DU CHAPITRE

1. Accessibilité universelle, conception universelle : « l’accès à tout pour tous » 153

2. 2015 : une échéance, un défi sociétal 154

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15 • Situations de handicap : lever les obstacles par les principes...

153

«TOUTE personne a le droitde circuler librement et dechoisir sa résidence à l’in­térieur d’un État », selonl’article 7 de la Déclaration

universelle des droits de l’homme de 1948.

Et l’article 21 de la Charte des droits fonda­mentaux de l’Union européenne précise :

« Est interdite toute discrimination fondéenotamment sur le sexe, la race, la couleur, lesorigines ethniques ou sociales, les caractéris­tiques génétiques, la langue, la religion ou lesconvictions, les opinions politiques ou touteautre opinion, l’appartenance à une minoriténationale, la fortune, la naissance, un handi­cap, l’âge ou l’orientation sexuelle. »

Voici deux engagements internationauxprimordiaux, s’appuyant sur le respect desdroits de l’homme. L’entrave à ces droits età la liberté est vivement dénoncée par denombreux acteurs politiques et les opinionspubliques à travers le monde.

Et pourtant, les personnes en situation dehandicap vivent au quotidien ces entravesà leur liberté d’aller et venir (par exemple :un lieu public ou un transport inaccessible àune personne se déplaçant en fauteuil roulant,alors que les solutions techniques existent)et sont victimes de discriminations directesou indirectes, comme l’accès à certains com­merces ou services ne prenant pas en comptetous les publics. Ce qui exclut, de fait, lesconsommateurs ou utilisateurs en situation dehandicap...

Le combat des associations représentativesdes personnes en situation de handicap et deleur famille est de dénoncer toutes les formesd’exclusion et de discrimination et de promou­voir une société ouverte à tous, prenant encompte toutes les situations, tous les usages,dans une approche universelle.

1. ACCESSIBILITÉ UNIVERSELLE,CONCEPTION UNIVERSELLE :« L’ACCÈS À TOUT POUR TOUS »

Dans son article 2, la Convention interna­tionale de l’ONU relative aux droits des per­sonnes handicapées définit plusieurs notions,afin de préciser leurs contours et leurs objec­tifs :

• « On entend par « discrimination fondée surle handicap » toute distinction, exclusionou restriction fondée sur le handicap qui apour objet ou pour effet de compromettreou réduire à néant la reconnaissance, lajouissance ou l’exercice, sur la base del’égalité avec les autres, de tous les droitsde l’homme et de toutes les libertés fon­damentales dans les domaines politique,économique, social, culturel, civil ou autres.La discrimination fondée sur le handicapcomprend toutes les formes de discrimi­nation, y compris le refus d’aménagementraisonnable. »

• « On entend par “aménagement raisonnable”les modifications et ajustements nécessaireset appropriés n’imposant pas de chargedisproportionnée ou indue apportés, enfonction des besoins dans une situationdonnée, pour assurer aux personnes han­dicapées la jouissance ou l’exercice, sur labase de l’égalité avec les autres, de tous lesdroits de l’homme et de toutes les libertésfondamentales. »

• « On entend par “conception universelle”la conception de produits, d’équipements,de programmes et de services qui puissentêtre utilisés par tous, dans toute la mesurepossible, sans nécessiter ni adaptation niconception spéciale. La “conception univer­selle” n’exclut pas les appareils et acces­soires fonctionnels pour des catégories

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

particulières de personnes handicapées, làoù ils sont nécessaires. »

Ces approches dépassent largement lechamp de la construction du cadre bâti, del’urbanisme et des moyens de transports, enl’élargissant à l’ensemble de l’accès aux bienset services, dans des dimensions universelleset sans discrimination. Et ce, à partir d’unréflexe simple : prendre en compte les besoinset les usages de tous, dès leur conception.

L’approche universelle est donc unedémarche qui prône la réalisation d’environne­ments sans obstacles, tels des bâtiments, deslieux, des équipements ou des objets. Il s’agit,ainsi, d’aménager un monde et de concevoirdes produits et des services afin que toute lapopulation, incluant les personnes ayant deslimitations fonctionnelles (ne pouvant pas sedéplacer en marchant, ne pouvant pas commu­niquer...) — y compris temporaires —, puissevivre en toute liberté, en sécurité et sans dis­criminations.

L’aménagement ou l’adaptation auxbesoins spécifiques d’un groupe d’individusdoit être pris en compte dès la conception etêtre traité de sorte que cela bénéficie égale­ment à l’ensemble de la population.

Le bien fondé de cet « accès à tout pourtous », selon la formule élaborée par l’APF lorsdes débats parlementaires relatifs à la loi du11 février 2005, n’est pas discutable. Il doits’imposer à tous et être inscrit dans les poli­tiques économiques, écologiques et sociales,c’est­à­dire les trois piliers d’une politique dedéveloppement et d’aménagement durable.

2. 2015 : UNE ÉCHÉANCE, UN DÉFISOCIÉTAL

La loi « handicap » du 11 février 2005, dansson article 41, apporte une définition juridiquede l’accessibilité :

« Est considéré comme accessible aux per­sonnes handicapées tout bâtiment ou amé­nagement permettant, dans des conditionsnormales de fonctionnement, à des personneshandicapées, avec la plus grande autonomiepossible, de circuler, d’accéder aux locaux etéquipements, d’utiliser les équipements, dese repérer, de communiquer et de bénéficierdes prestations en vue desquelles cet établis­sement ou cette installation a été conçu. Lesconditions d’accès des personnes handicapéesdoivent être les mêmes que celles des per­sonnes valides ou, à défaut, présenter unequalité d’usage équivalente. »

Cette définition couvre un champ très largeet s’inscrit bien dans une approche univer­selle. Elle permet, également, d’interrogerl’ensemble des éléments qui permettront l’ef­fectivité des diverses modalités d’accès :

• un accès physique pour le cadre bâti et l’uti­lisation des équipements ;

• un accès informationnel pour le repéragespatial ;

• un accès communicationnel par la qualitéde l’accueil et des échanges ;

• un accès organisationnel, afin d’offrir uneéquivalence de prestations par rapport àcelles proposées au public valide.

C’est donc bien l’accès à de nombreuxespaces, qui soient liés à des services publicsou à des services marchands, pour une forteminorité de 10 % de la population qu’il fautrepenser.

1. Le Sénat, en deuxième lecture sur la loi du 11 février 2005, avait essayé de supprimer ce délai. L’APF avaitvivement réagi, dénonçant le vote contre des sénateurs « pour une France accessible ».

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15 • Situations de handicap : lever les obstacles par les principes...

155

La loi du 11 février 2005 donne un délai de10 ans pour « une France accessible »1 :

« Les établissements recevant du public exis­tants devront répondre à ces exigences dansun délai, fixé par décret en Conseil d’État, quipourra varier par type et catégorie d’établis­sement, sans excéder dix ans à compter de lapublication de la loi n◦ 2005­102 du 11 février2005 pour l’égalité des droits et des chances, laparticipation et la citoyenneté des personneshandicapées. ».

Cet objectif ambitieux est légitime. Dès1975, la loi d’orientation en faveur despersonnes handicapées impulsait, déjà, unevolonté de prise en compte de l’accessibilitépour les établissements recevant du public oules transports. Mais sans calendrier, ni contrôle.Et les textes réglementaires ont tardé à paraître.Pendant trente ans, la mise en accessibilité debâtiments existants (voire pour le neuf !) s’estréalisée suivant la bonne volonté des maîtresd’ouvrage ou des maîtres d’œuvre. Et ces der­niers reconnaissaient, régulièrement, l’oubli oula négligence de la prise en compte des situa­tions de handicap dans leurs projets... une foisqu’ils étaient finis !

Depuis la loi parution de la loi du 11 février2005, l’APF « met la pression » pour que l’ob­jectif de 2015 soit atteint.

Tout d’abord, en rappelant partout l’obliga­tion de ce délai et les étapes pour y parvenir :diagnostics, budgets pluriannuels... Ensuite, ensuscitant la concertation — notamment au seindes commissions communales et intercommu­nales — dans tous les départements, afin derechercher les solutions les plus adaptées etcorrespondant au mieux à la qualité d’usage.Enfin, l’APF souhaite valoriser les bonnes pra­tiques et dénoncer — si nécessaire — toutrefus de respecter la loi, par des actions decommunication et juridiques.

Aujourd’hui, dans une république démo­cratique et de droits, il n’est plus acceptabled’exclure, directement ou indirectement, unepartie des citoyens, des usagers de servicespublics ou des consommateurs. Le réalismeéconomique et le pragmatisme budgétaire —souvent avec des vues à court terme — nepeuvent être au­dessus des lois et guider, seuls,le développement et l’équilibre d’une société.

2015 : la France doit être au rendez­vouspour une « société ouverte à tous ».

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Chapitre 16

La dimensionmanagérialedans la fonctionde direction

Daniel GUAQUÈRE, Directeur de l’Andesi

François NOBLE, Responsable de formation

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L’ANNÉE DE L’ACTION SOCIALE 2010

PLAN DU CHAPITRE

1. Une reconfiguration de la fonction de direction 159Agir dans un nouveau champ de contraintes 159Le management : quelle place dans l’entreprise sociale ? 159Dans le cadre d’une entreprise associative 162

2. Construction de l’argumentaire 163

3. Pour des « bonnes pratiques » managériales 164La gouvernance associative 164Planification du secteur et stratégie associative 165La direction 167Organisation du travail 170Emplois et formation 172Sécurité et gestion des risques 174Animation des équipes et communication 175Évaluation 176Négociation et gestion des conflits 177Innovations 178

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16 • La dimension managériale dans la fonction de direction

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1. UNE RECONFIGURATIONDE LA FONCTION DE DIRECTION

Agir dans un nouveau champde contraintes

La période 1975­2007 a été celle de la struc­turation du secteur, caractérisée par sa planifi­cation et sa professionnalisation, dont celle desdirecteurs (de la circulaire du 26 février 1975au décret sur la qualification de février 2007).

2007­2015 augurent d’autres temps : celled’une structuration différente du secteur auregard de nouvelles problématiques sociales,du nombre d’établissements et de leur gestion,mais aussi concernant le management.

Depuis deux ans, les changements sesont accélérés et nous assistons à un nouvelétagement des fonctions de direction. Nousnous demandons si ces dernières, pleines etentières telles qu’exercées aujourd’hui dans denombreux petits établissements, ne vont pasdisparaître peu à peu. Nous nous interrogeonssur les fondements de notre professionnalitépourtant difficilement conquise. Le directeurse sent­il dans l’incapacité, chargé d’une mis­sion impossible ?

Une nouvelle configuration n’est­elle pour­tant pas en voie de construction ? Il esttoujours difficile de changer d’époque, mêmesi la fin d’un monde n’a jamais été la fin dumonde !

Il nous semble indispensable de s’engagerdans ces nouveaux défis, sans renier l’histoire,en s’appuyant sur les atouts et les compétencesdéveloppées de longue date.

C’est ainsi que l’Andesi1 , avec la FNADES2

et l’ADC3, a voulu se positionner dans un

thème qui rompt avec la morosité ambiante dusecteur, qui montre qu’il y a un espace ouvertpour l’action et l’innovation, et toujours unplaisir de diriger.

Le management : quelle placedans l’entreprise sociale ?

Manager se situe entre posture et tech­niques. Il s’agit d’un ensemble d’actes dela direction qui concernent les différentssegments d’une organisation de travail (stra­tégie, objectifs, structures, division de travailet de l’autorité, communication, productionet évaluation...), qui visent à faire travaillerensemble des personnes différentes sur unmême projet, en recherchant le meilleur rap­port coût/efficience/efficacité.

Diriger l’entreprise sociale suppose demobiliser les équipes sur la qualité et son effi­cience, dans un projet et une production deservices efficace au bénéfice des personnesaccueillies.

Trois articulations sont ainsi immédiate­ment mises en avant :

• le management et la clinique : pour quelpublic agissons­nous et comment ? avecquelles valeurs ? quelle volonté déployons­nous à leur endroit ? avec quelles compé­tences individuelles et collectives ? quelleest notre expertise ?

• le management et la gestion : commentgérer la rareté des ressources ? les pra­tiques et leurs coûts ? peut­on travaillerautrement et mieux ?

• le management et le politique : quel projetassociatif ? quel est notre positionnementau regard des politiques et de la com­

1. Andesi : Association nationale des cadres du social.2. FNADES : Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements sociaux.3. ADC : Association de directeurs certifiés de l’École des hautes études en santé publique.

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mande publiques ? que défendons­nous etproposons­nous, refusons­nous d’être ligo­tés par le tout économique ? sommes­nousinnovants ?

Cependant et comme le souligne J.­M. Belorgey1 , « partout où l’obsession dumanagement tient lieu de principe dominant,elle est stérilisante », il nous faut donc pro­poser « un autre modèle d’entreprise d’actionsociale ».

Le management peut en effet être le servi­teur des économies budgétaires et du change­ment instrumentalisé, parce qu’enfermant lesdirections dans les procédures, la raison tech­nique, la loi des comptables et experts.

Mais il peut aussi permettre à l’acteur d’agirautrement, d’être ouvert à l’imprévu, de penserdes processus et pas uniquement des procé­dures, de prendre des risques, de construirecollectivement le sens et de trouver un senscollectif à l’action.

Nous pensons en effet que manager n’estpas renoncer aux valeurs. Manager n’est pasforcément « antisocial2 », nous pensons quemieux gérer les hommes n’est pas les « casser »mais peut être, au contraire, leur permettre depenser et d’agir plus librement dans des postesmoins prescrits. Mais pour cela le manage­ment doit être étayé par une position éthique3 :humanité, rigueur, efficience, qui tient à laposture des acteurs eux­mêmes, et qui se tra­duit clairement dans les pratiques. Si éthiqueet management composent un couple indis­sociable comme le pensent heureusement denombreux dirigeants, alors il y a un premierjalon de spécificité du management dans lesocial.

Situons plus avant le cadre de notre pro­pos pour tenter d’établir de « bonnes pratiquesmanagériales ».

D’abord prendre en compte lacomplexité et le changement

Selon nous la direction d’un établissementou d’un service social et médico­social relèvede la complexité parce qu’elle est aux prisesavec des systèmes fluctuants et incertains.

Celui des environnements qui structurentl’action sociale (lois, règlements, financements,décisions politiques, planification médico­sociale...), celui de l’organisation de travailcaractérisée par des objectifs, des structures,des techniques de gestion et de production,une culture, enfin celui des acteurs (désirs,jeux et stratégies).

Ces systèmes fluctuants agissent, réagissentet interagissent sur des ensembles (établis­sements et services) pourtant pensés et trèsorganisés. Mais nos ressources, notammentcognitives, ne nous permettent pas d’analy­ser complètement ce qui s’y joue, et notrevolonté fait défaut car notre rationalité est limi­tée quant à prendre « la » ou « les » bonnesdécisions.

Et il s’agit bien alors d’appréhender les pra­tiques comme se réalisant dans un universincertain, avec de fait, une incertitude d’ap­préciation. Nous ne pouvons pas le maîtriser,mais le reconnaître comme tel pour penser etagir. Un univers dans lequel se trouvent des cir­constances où le radicalement nouveau peutapparaître et où le changement est continu.Source d’inquiétude, mais aussi de possibles,sous réserve de penser et projeter des scéna­

1. Interview dans Union sociale, n◦ 231, novembre 2009.2. Le management véhicule des stéréotypes négatifs concernant les relations de l’homme au travail et son aliéna­tion au travail (antérieurement physique par le contrôle et aujourd’hui psychique par les outils du management).3. Éthique : selon nous, la façon dont chacun exprime personnellement la part de morale (ensemble de règles,de normes propres à une société donnée à un moment de son histoire) qui n’est pas négociable : ce sur quoinous ne cédons pas.

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rios pour l’action (des alternatives possibles)et non à une planification (un chemin unique).

Cette notion de changement est en effettrès importante dans le contexte actuel plutôt« noir », car sans annoncer des « lendemains quichantent », le changement toujours à l’œuvreouvre cependant « une fenêtre » sur un cer­tain fatalisme ou déterminisme, en montrantune voie : nous sommes tous et toujoursdes acteurs « changés et changeant ». Ce quiéloigne le management de l’instrumentationpour le rapprocher de la notion de projet :management de projets (pour l’organisationdirigée et pour les hommes qui y travaillent),management par projets, c’est­à­dire en uni­tés de travail déconcentrées ou décentralisées,avec ou sans hiérarchie, à fort potentiel créatif.

On peut aussi dire que les services et leséquipes que l’on croit solides, ou à l’inversefaibles, sont en fait des constructions instableset provisoires parce qu’imprévisibles pourpartie, et qu’elles peuvent se dé(construire),reconstruire, résister à l’épreuve, et que nouspouvons agir pour et avec elles. Ce qui veutdire que la direction n’est pas sans objet nimoyens.

Ensuite construire une 3e voieLe problème pour nombre de dirigeants

est aujourd’hui de gérer le paradoxe suivant :moderniser les organisations et les modesd’action des équipes en lien avec la com­mande publique actuelle tout en maintenantles valeurs qui ont organisé ce secteur.

Une voie est donc en construction entrele modèle de professionnalisation qui s’estconstruit jusqu’aux années 2000 et un modèletourné entièrement vers la gestion.

Cette voie médiane, actuellement en ten­sion, veut allier d’une part, des compétencesde haut niveau en politiques sociales, en stra­tégie, en management de projets et par projets,en gestion, et d’autre part des capacités rela­tionnelles tant au plan interne (managementd’équipes et d’organisations), qu’externe (par­tenariat, négociation, communication). Cettevoie revendique aussi une éthique en gardantle sens de la mission d’intérêt général et d’uti­lité sociale1 , en défendant la spécificité desvaleurs et missions associatives.

Un autre aspect de cette 3e voie est celuide la responsabilité et du risque à prendre.

Le risque ne peut être réduit à zéro,et la montée actuelle de la recherche enresponsabilité des dirigeants, influencée parl’individualisme et la transformation des rela­tions sociales, crée un « climat » nouveau chezles acteurs. Si les risques volontaires (impru­dence...) impliquent par définition un auteurqui en portera la responsabilité, les risquesinvolontaires liés à la fonction font référence àdes victimes, qui aujourd’hui, sont de moins enmoins accommodantes (plaintes des consom­mateurs, des usagers, revendications...).

Cette situation peut parfois faire peurmais ne devrait pas pour autant annihiler lanécessité de prise de risque dans les métierssociaux... et dans ceux de l’encadrement(exercer des fonctions impliquant initiative etresponsabilité)2.

L’art de prendre intelligemment des risquesen univers incertain, comme l’est l’actionsociale, est en effet une chose nécessaire, etprendre une décision au bon moment aprèsune évaluation habile de ce risque, est unjeu complexe qui exige de la prudence, du

1. Mission d’intérêt général : mission définie comme un service public, bénéficiant directement aux usagers(agrément et habilitation d’un établissement).Mission d’utilité sociale : qui contribue au­delà de l’intérêt général, à transformer les organisations ou les groupessociaux (mission des projets associatifs).2. Extrait de la Convention collective des Caisses de retraite et de prévoyance des cadres (14 mars 1947) :

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savoir faire, un sens aigu de ses devoirs et descharges de sa mission.

C’est sans doute la part la plus subtile durôle des cadres de direction et peut­être la plusintéressante, car elle touche à l’éthique de l’ac­tion et à nos valeurs. Et comme le souligneF. Ewald1, « ce qui fait la valeur d’une valeurc’est ce qu’on est prêt à risquer pour elle ».

La responsabilité est donc au cœur de cha­cun et fait sans doute la valeur de l’existence.

Sa forme extrême, la responsabilité pénale,ne doit pas faire écran à une réflexion plusglobale, qui est d’abord morale parce qu’elletraverse les divers champs de notre vie.

A. Etchegoyen2 nous rappelle que la res­ponsabilité en général exprime toujours unecharge, une lourdeur, mais qu’elle annonceaussi une liberté, un peu d’espace et de jeu.Elle renvoie à la conscience, au jugement.

Dans le domaine du travail elle représentea priori aussi une charge (« crouler sous lepoids des responsabilités ») mais elle donneaussi de l’espoir pour peu que l’organisa­tion mette en cohérence son invitation à laresponsabilité, avec les conditions humainesfavorables à son exercice.

Il nous faut alors revenir au managementdes hommes avec lesquels et grâce auxquelsnous agissons, et passer « de la gestion desressources humaines à la gestion humaine desressources3 ».

La question n’est­elle pas alors, lorsquel’on veut dans les organisations du travail sor­tir d’un système normatif (la prescription despostes) pour aller vers davantage d’initiative,et donc de risque (un système délégatif), desavoir sur qui et sur quoi (le salarié, directeur

ou pas !) on peut effectivement compter encas de problème ? sur quelle politique, quelleforce, quel conseil d’administration, quel pro­jet, quel climat social, quels autres ?

Dans le cadre d’une entrepriseassociative

Repenser un management de plein exercicequi prenne acte des mutations en cours, obligenon seulement à redessiner « la figure » et lafonction du manager lui­même, mais en mêmetemps à reconsidérer l’organisation associativepour et dans laquelle il agit.

Il nous paraît que de nouvelles logiquesémergentes restructurent les associations d’ac­tion sociale de manière irréversible. Nous enciterons deux :

• la première concerne les mutualisations etnotamment les contrats pluriannuels d’ob­jectifs et de moyens (CPOM) qui renvoientaux personnes morales gestionnaires, éven­tuellement via leur siège ou leur directiongénérale, la responsabilité de « tarifer » leursétablissements et services ;

• la seconde logique à l’œuvre découledes financements à la ressource, et nonplus selon des budgets reconductibles enfonction des demandes de moyens desdirigeants d’établissements et services. Lacrise financière et économique actuelle quirenforce de manière inquiétante les dés­équilibres financiers des comptes publicset sociaux déjà abyssaux, ne laisse planeraucun doute sur un éventuel retour à lasituation antérieure.

1. « – exercer des fonctions impliquant initiative et responsabilité et pouvant être considérées comme ayantdélégation de l’autorité de l’employeur. »François Ewald : professeur, ses travaux portent sur la politique du risque.2. Le lecteur peut consulter à ce sujet le livre d’Alain Etchegoyen : Le Temps des responsables, Paris, Le Seuil.3. Titre d’un chapitre du dernier ouvrage de Vincent de Gauléjac : La Société malade de la gestion, Paris, Le Seuil,2004.

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Même si, du fait de l’évolution croissantedes besoins et des demandes, les secteurssanitaire, social et médico­social non lucratifsrestent des secteurs en croissance (cinquantemille emplois ont en effet été créés dans cessecteurs en 2008), le leitmotiv adressé auxassociations restera bien : « faites mieux et avecmoins » !

Aussi dans ce contexte, on peut se deman­der si les personnes morales gestionnairespourront encore longtemps penser leur déve­loppement (et donc à terme leur survie) dansune logique de financement reposant unique­ment sur fonds publics. Au risque de ne plusavoir comme horizon que celui de la gestionde la pénurie.

Ainsi ces deux logiques (mutualisation etfinancement à la ressource) obligent les asso­ciations à changer radicalement leur concep­tion de la gestion des ressources, qu’ellessoient humaines ou financières et techniques.Pour autant elles doivent se garder de nedevenir que des entreprises gestionnairesd’équipements. L’enjeu étant de ne jamais enrabattre sur leur projet politico­éthique detransformation sociale.

C’est pourquoi nous parlons dorénavantd’entreprises associatives d’action sociale et deprofessionnels chargés de direction appelés àdevenir de véritables entrepreneurs sociaux.Entrepreneurs sociaux qui, ayant intégré lesnouvelles logiques, ne perdront jamais de vueque leur mission consiste plus que jamais àtransformer les valeurs et le projet politiquede l’entreprise associative en prestations deservice en direction des publics en difficulté.

En somme, des organisations composéesde dirigeants bénévoles et salariés animés parla conviction que leur action se différencie decelle de l’entreprise classique, du fait de leurgestion désintéressée mais aussi de leur capa­cité à produire une plus value sociale.

2. CONSTRUCTIONDE L’ARGUMENTAIRE

Dans le cadre du Forum de la fonction dedirection organisé par la FNADES, les 3 et4 décembre 2009 à Paris, l’ANDESI a recueillil’opinion autour de l’évolution de la dimen­sion managériale d’un groupe significatif dedirecteurs agissant dans des établissements etservices différents (adhérents de l’ANDESI etdirecteurs intervenant dans le centre de forma­tion professionnelle continue).

L’enjeu était d’être en mesure de présenterun argumentaire et des positions étayés surdes avis et témoignages, peut­être homogènes,peut­être contrastés.

Nous leur avons formulé la questionqui nous occupe aujourd’hui comme telle :« Face aux transformations du secteur (regrou­pements d’établissements, redistribution desfonctions de direction, contraintes financièreset réglementaires, risques de déqualificationsdes personnels...) :

• quelle analyse faites­vous et quels constatsen tirez­vous, y compris pour vous­même ?

• comment percevez­vous ces modificationsen cours, ont­elles une incidence sur votrefonction de directeur et sur la façon del’exercer ?

• dans ce contexte avez­vous déjà fait évo­luer le management de votre établissementou service ? Sinon pensez­vous qu’il devraévoluer à court ou moyen terme, et si ouicomment ? »

Pour ce faire nous avons scindé nos entre­tiens en deux parties :

• première partie : l’évolution de la dimen­sion managériale concernant le directeurlui­même, autour de trois domaines : gou­vernance associative, direction, planifica­tion et stratégie ;

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• seconde partie : l’évolution du managementdans le projet compte tenu des contrainteset au bénéfice des usagers, autour de huitdomaines : organisation du travail, emploiet formation, sécurité, animation, commu­nication, évaluation, gestion des conflits etnégociation, innovation.

La partie qui suit est donc la résultante denos réflexions internes au sein de l’associa­tion ANDESI (celles de nos adhérents) et deson centre de formation (celles de nos inter­venants). Chaque chapitre commence par lerecueil des opinions des personnes enquêtées,puis sont formulées nos réflexions et positions.

Notre exposé n’a pas valeur de rechercheou d’étude, mais se veut témoignage et posi­tionnement institutionnel pour « penser etagir ».

3. POUR DES « BONNESPRATIQUES » MANAGÉRIALES

La gouvernance associative

Opinions de directeurs

Les directeurs interrogés ont des points devue très différents sur cette question en fonc­tion des contextes dans lesquels ils agissent :

• d’un côté ceux qui ont un conseil d’adminis­tration « inexistant » avec des bénévoles quideviennent « une ressource en voie de raré­faction » et qui ont du mal à s’approprierle cadre réglementaire. Les administrateursles plus impliqués et compétents sont alorssursollicités. Le directeur doit intervenir surle politique et « doit participer à refonderson employeur » ;

• de l’autre côté ceux qui estiment quel’employeur joue un rôle plus important,notamment avec la nomination de direc­tions générales et que, dans ce cadre, lesrelations sont satisfaisantes, organisées etrespectueuses des places permettant unemeilleure lisibilité.

Nos réflexions et position

La gouvernance est une relation de pou­voir, elle amène à (re)définir la clarificationet la répartition des pouvoirs entre l’espacepolitique des associés et l’espace technique etmanagérial.

Elle nécessite un pouvoir politique fortporté par un projet politique qui, au­delà desvaleurs, s’inscrit dans un projet de transforma­tion sociale qui oblige aujourd’hui à repenserle militantisme associatif.

Dans le secteur social et médico­social,les associations « militantes » ont représentéune première figure de gestion des équipe­ments. L’expression politique et des valeursdominaient le domaine technique encore peuprofessionnalisé.

Progressivement, le professionnalisme desintervenants sociaux et des cadres s’est installé,développant une expertise technique, gestion­naire et stratégique de plus en plus forte etréclamée par la commande publique, alors queparallèlement le militantisme associatif régres­sait.

Si l’on suit F. Traversaz1 sur ce sujet, ilsemble qu’aujourd’hui le pouvoir politique desassociations a été perdu au bénéfice de pro­fessionnels qualifiés et à même de diriger lesstructures indépendamment de leurs dirigeantsde droit. La question se pose alors de savoir cequi reste de la légitimité des associations ges­tionnaires quand le cadre juridique, financier,

1. Fabrice Traversaz : conférence Association régionale d’intervention et de formation (ARIF) sur les associationsd’action sociale, Paris.

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technique est calé par la réglementation et maî­trisé par les cadres dirigeants. Les associationsne font­elles que subir, au mieux accompa­gner le changement ? Leur reste­t­il une partd’innovation ?

Concernant la spécificité associative lechangement doit aussi s’opérer. D’une part auplan éthique et politique, mais aussi au planmanagérial : « Il s’agit de professionnaliser lesfonctions des dirigeants associatifs » rappelleD. Tronche qui ajoute :

« Il s’agit de promouvoir un type de manage­ment et de démocratie dans l’entreprise, defaire en sorte que les associations ne tiennentpas seulement une posture d’adaptation à leurenvironnement, mais qu’elles adoptent uneposition stratégique et prospective1 . »

Il ne s’agit ni de plier face aux injonctions,ni de résister mais de construire des réponsesqui montrent les dimensions sociétales de l’ac­tion (rôle de transformation sociale).

Mais pas de bonne gouvernance associa­tive qui ferait l’impasse sur la place laissée auxdirecteurs quant à l’élaboration de la stratégie.

Planification du secteuret stratégie associative

Opinions de directeurs

Si certains nous disent avoir de bonnesrelations avec le conseil général et avec lespartenaires, la majorité de nos directeurs inter­rogés disent se trouver devant des politiquesinstables, devant des incertitudes telles qu’ilest difficile « d’avoir une pensée sereine et effi­cace par rapport à l’avenir au moment où ladéfinition de stratégie à court et moyen termes’impose ».

De toute façon la liaison avec le territoires’impose et « la stratégie consiste à prendre lesdevants pour conserver l’initiative » :

• il s’agit par exemple de passer de relationsqui restent personnalisées pour établir desconventions avec la psychiatrie de secteur,d’avoir un esprit très fort de collaborationavec le sanitaire pour que le médico­social« s’inscrive durablement dans un réseau ter­ritorial de soins » ;

• la pertinence des structures va dépendre de« la capacité à cerner et anticiper les besoinset à proposer des réponses innovantes »,mais comment lutter contre « des décisionsde plus en plus politiques, prises au couppar coup sur des critères économiques » ?

Nos réflexions et position

Au­delà du rappel des exigences dues auxusagers quant à leur droit, la loi 2002­2 instaurede nouvelles régulations au plan territorialà travers le renforcement de la planification,c’est­à­dire l’organisation de l’offre et de lademande sociale et médico­sociale.

Avec une double conséquence :

• les ESMS2 n’existent et ne peuvent garantirleur pérennité que parce qu’ils répondentet continueront de répondre à un besoinou parce qu’ils auront montré qu’ils sont encapacité d’articuler leur offre de service àl’évolution des besoins et des demandes.Il s’agit ici de penser et d’agir au­delà del’unité que constitue l’établissement médico­social et de le considérer comme unedes ressources, non pérenne et autoriséepour un temps à agir, dans l’ensemble desréponses aux besoins des usagers offertessur un espace donné. La question de la priseen compte du temps et de l’espace n’est pas

1. Entretien avec Didier Tronche, directeur général du SNASEA, revue Directions, n◦ 21, juillet­août 2005.2. ESMS : établissements et services sociaux et médico­sociaux.

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la moindre des « révolutions » apportées parla nouvelle organisation médico­sociale (loide rénovation du 2 janvier 2002) ;

• les ESMS ne peuvent réussir leurs missionsqu’au prix d’un accroissement de la coopé­ration entre acteurs pour assurer d’une partla continuité des réponses aux besoins desusagers et d’autre part, et si nécessaire, demutualiser les moyens et les compétencesentre établissements du secteur, voire avecd’autres ressources hors secteur (sanitaires,éducatives, culturelles, économiques...).

Les effets produits par la planification ren­forcée du secteur appellent une élaborationstratégique qu’il convient de contextualiser :

• veille et observation relatives aux évolu­tions et transformations des organisationspubliques (agences...) ;

• évaluation des besoins et des attentes despopulations à prendre en compte ;

• restructuration de projets d’ESMS soit en res­tant sur leur « cœur de métier », soit dansle cadre de diversification (plate­forme deservices au bénéfice des usagers...) ;

• recherche de nouvelles sources de finance­ments ;

• mise en œuvre de partenariats avec desinstitutions avec lesquelles la concurrencepeut exister par ailleurs ;

• inscription dans des réseaux.

Cet « appel » aux réseaux et au partenariatest cependant difficile, voir conflictuel pourde multiples raisons :

• l’histoire du secteur dans son organisationet sa professionnalisation segmentaire ;

• l’absence d’une culture de la négociation ;

• les représentations de l’autre ;

• un certain protectionnisme et parfois uneméfiance entre établissements et associa­tions à l’heure d’une mise en concurrencecertaine.

Derrière le consensus apparent, le conflitest toujours latent. Il ne s’agit pas moins d’al­ler vers l’autre et d’admettre que le partenariataura aussi un effet de transformation de l’en­semble des partenaires.

Avec la mise en œuvre de la loi « Hôpi­tal, patients, santé et territoires » du 21 juillet2009 et de ses décrets (encore à venir endécembre 2009) le secteur médico­social devras’adapter à de nouvelles règles et engager denouveaux partenariats avec le secteur sani­taire.

C’est ainsi qu’il faudra agir sur le décloi­sonnement et le partage des compétencespour favoriser l’articulation des intervenantsde culture différente dans un modèle éco­nomique qui tend à la standardisation desdifférents secteurs. Le sanitaire a beaucoupà apprendre de la culture et des pratiques dumédico­social dans le suivi de patients (accueilen structures, aide à domicile...), et ce dernierdoit se positionner et développer des coopé­rations. L’Andesi a pris position en ce senslors de son dernier conseil d’administration denovembre 2009 :

« Nous devons être aux aguets et trouvertoute ouverture pour faire reconnaître notrecompétence [...] Soyons attentifs à toutes lesformules de comité d’entente ou de grou­pement qui pourraient permettre de faireentendre la voix des opérateurs que noussommes. Rapprochons­nous des autres asso­ciations voisines de l’Andesi pour faire valoirnotre point de vue. »

D’une manière générale, il convient dansla période de ne pas négliger que la puissancepublique sous l’effet conjugué de la révisiongénérale des politiques publiques (RGPP) et dela crise financière qui agrandit les déficits descomptes publics et sociaux, est elle­même enpleine restructuration. Pour en partie d’autresraisons, il en va de même pour les départe­ments (réforme des collectivités territoriales àvenir).

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Ceci va augurer l’apparition de nouveauxacteurs (les agences notamment) et de nou­veaux jeux d’acteurs, c’est­à­dire de nouvellesrégulations.

Il y a là sans doute matière à imaginerde nouvelles stratégies de positionnementvis­à­vis de la puissance publique au cœurd’une gouvernance territoriale en partie refon­dée.

Le rôle des dirigeants va s’en trouver mas­sivement bouleversé et c’est à « l’invention »d’une nouvelle gouvernance que sont conviésles personnes morales, leurs administrateurset leurs cadres de direction, de façon à cequ’ils appréhendent les changements attendusen termes de :

• contractualisation renouvelée avec les pou­voirs publics ;

• négociation avec les autorités de contrôle ;• articulation avec les projets de service ;• élaboration de constats partagés entre les

différents acteurs au niveau territorial ;• globalisation des capacités de finance­

ments ;• responsabilité et positionnement.

La direction

Opinions de directeurs

De l’avis général, ça bouge ou ça va bou­ger.

D’abord on assiste à une extension desresponsabilités, d’où un contrôle et uneévaluation permanente à exercer, puis unéloignement des directeurs du managementopérationnel pour réaliser des fonctions com­plémentaires (prévention des risques, qualité,plan senior...) : « Ça fait beaucoup pour unseul homme » surtout si ce dernier est isoléet ne participe à aucun réseau de directeurs.Même une équipe de direction à deux est insuf­

fisante pour pouvoir pluraliser les nouvellescompétences nécessaires.

Dans le cadre des regroupements et departenariats (obligés ?) devraient être créésdeux directions séparées, gestion et technique.Selon certains, le directeur devient avant toutun gestionnaire « metteur en scène de la nou­velle commande politique », pour d’autres lesdirecteurs garderont la dimension techniquemais ne seront plus les seuls à représenter l’em­ployeur (renforcement du rôle des directionsgénérales).

Les directeurs deviennent des directeurs depôles gérant plusieurs ESMS et des directeursadjoints sont apparus dans les organigrammes.

Il serait donc important de s’orienter versun management plus entreprenarial qui pri­vilégie objectifs, compétences à réaliser desalliances, consultations, négociations et délé­gations.

Nos réflexions et positionLe directeur doit être un « marginalsécant »

La fonction de direction ne peut pas seréduire à « l’administration des hommes et deschoses », mais s’inscrit bien dans ces nouvelleslogiques caractérisées par l’entrée massive dupolitique, de la gestion et du droit dans lespratiques sociales et dans la nécessité d’unmanagement tant interne qu’externe des orga­nisations.

La compétence de la direction reposeaujourd’hui en effet sur la preuve de capacitésà résoudre des problèmes sociaux dans desenvironnements de plus en plus complexes età conduire des projets en ce sens.

Les directeurs doivent ainsi se situer à l’in­terface :

• des environnements politique, économiqueet social ;

• des domaines institutionnels, organisation­nels et cliniques.

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En ce sens le directeur est compétent s’ilest un « marginal sécant », situé et agissantau nouage de différents sous systèmes d’ac­tion. Cette position « intermédiaire » lui confèrede grands pouvoirs stratégiques : sa positionnodale, incontournable, lui permet de déve­lopper deux grands types d’action :

• des projets intégrant les différentes logiquesen présence dans les différents systèmesd’action auxquels il participe, à partir del’observation et le diagnostic, la compré­hension, la traduction ;

• la production de changements internes dansles organisations en agissant sur les modeset conditions de travail, sur les attentes etbesoins des autres professionnels : différen­cier les personnes et les fonctions, fonderune équipe...

Ces types d’action sont bien sûr combinéset il revient à chacun de « personnaliser » sapropre légitimité et à en créer de nouvellesfacettes en fonction de sa personnalité, de sastratégie, du contexte et du jeu des acteurs enprésence.

La direction était un statut, elle redevientune fonction

La diversité et la complexité croissante desorganisations agissant au sein du secteur socialet médico­social, amènent à constater que lemême statut (par exemple entre deux direc­teurs ou entre deux chefs de service) recouvre

des réalités et des configurations d’activitéstrès différentes. Ainsi, des fonctions multipleset diverses peuvent se référer au même statut.Ceci vient rappeler que la légitimité institu­tionnelle repose sur le choix managérial del’employeur et à la place (y compris dansles délégations) qu’il souhaite accorder à sescadres.

Cet état de fait va se développer et ce pourau moins deux raisons :

• le « retour de la fonction employeur » lors­qu’il s’agit aujourd’hui de déterminer lesstatuts des « professionnels chargés de direc­tion » et d’établir les documents uniques dedélégations (DUD)1, et demain probable­ment de trancher quant au maintien desconditions des conventions collectives dèslors qu’elles ne seront plus opposables auxfinanceurs ;

• le regroupement et la coopération d’établis­sements (décret du 6 avril 2006) conduisentinéluctablement à la réduction d’un nombreimportant de directeurs au profit d’uneconfiguration nouvelle de la répartition desstatuts et des fonctions.

Doit­on y voir les signes rampants d’unedéqualification programmée dans les petits éta­blissements et services ?

Rappelons­nous qu’en décembre 2005 ledirecteur de la direction générale de l’Actionsociale2 disait « les formules de regroupe­

1. La circulaire du 30 avril 2007 apporte les précisions nécessaires : les délégations consenties par la personnemorale gestionnaire doivent désormais être écrites et communiquées aux autorités publiques ayant donné l’auto­risation de fonctionnement et au conseil de la vie sociale.Doivent être précisées la nature et l’étendue de ces délégations dans les quatre domaines jugés essentiels :– définition et mise en œuvre du projet d’établissement ;– gestion et animation des ressources humaines ;– gestion budgétaire, financière et comptable ;– coordination avec les institutions et intervenants extérieurs.La personne morale garde toutefois l’entière liberté d’en déterminer le contenu et les limites.Le référentiel professionnel des directeurs d’ESMS, décrivant les activités puis les compétences attachées à lafonction est fort utile pour la rédaction de ce document unique.2. Déclaration de J.­J. Trégoat, directeur de la DGAS, revue Directions, n◦ 25, décembre 2005.

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16 • La dimension managériale dans la fonction de direction

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ment permettent de rationaliser la fonctionde direction en plaçant notamment les petitsétablissements sous l’autorité d’un directeurcommun qui sera hautement qualifié. Mais làencore aucune obligation ».

D’ores et déjà certains employeurs associa­tifs, gérant plusieurs établissements et dotésd’une Direction générale1 , ont emboîté le pasà cette incitation en supprimant à « l’occasion »de départs en retraite de directeurs, les postesau profit de ceux de chefs de service ou de res­ponsables faisant fonction, qualifiés de niveauII le plus souvent par le CAFÉRUIS2 .

Or nous pensons que le CAFÉRUIS n’est pasune formation et une certification à la fonctionde direction.

Repenser et refonder l’équipe de direction

La position de l’Andesi depuis longtempsrepose sur la conviction que l’encadrement dedirection est une fonction qui chaque fois quepossible doit être « partagée ».

La notion d’équipe de direction, composéedu directeur, parfois d’un directeur général, etdu (ou des) chef(s) de service (ou responsabled’unités), doit être « travaillée » et refondée ausein de chaque structure concernant les spé­cificités et les rôles de chacun au regard duprojet managérial.

Il n’y a pas de norme en la matière, et c’estdonc en fonction du contexte que doivent êtrepensées les complémentarités et articulationsdes pouvoirs.

Directeur général, directeur d’établisse­ment et chef(s) de service se trouvent ainsiensemble « associés » à l’intersection de troissystèmes d’action :

• un environnement caractérisé par les texteslégislatifs et réglementaires, les valeurs del’association employeur, ses représentationsdes fonctions, l’histoire et celle de l’établis­sement, les données territoriales ;

• une organisation de travail caractérisée elleaussi par une histoire, par des objectifs, desstructures, des techniques de production,une culture qui réunit les acteurs et fondele sentiment d’appartenance à une entre­prise commune ;

• des hommes et des groupes constitués parles usagers (et leurs ayants droit), les acteursprofessionnels de l’organisation qui mettenten scène leurs stratégies, leurs comporte­ments rationnels, leurs affects...

Il convient de rappeler les conditions —qui de notre point de vue — sont indispen­sables pour que l’on puisse réellement parlerd’équipe de direction :

• que les délégations soient clairementposées et explicitées ;

• que soit dissocié ce qui concerne le proces­sus de décision, de la décision elle­même(débattre collectivement n’implique pasobligatoirement que la décision soit collec­tive), ce qui veut dire qu’en dernier ressortc’est le directeur qui décide ;

• qu’il y ait une différenciation des fonctions(indépendamment des statuts) entre les dif­férents cadres.

En effet, les fonctions au sein de l’équipede direction sont différentes : quand le direc­teur se tient davantage à l’articulation entre lesenvironnements, le développement de la stra­tégie associative3 et l’organisation, le chef de

1. L’existence d’une direction générale se justifie par l’existence d’un nombre important de salariés répartis surplusieurs établissements ou services, d’un patrimoine et d’une dispersion géographique des différents sites.2. CAFÉRUIS : certificat d’aptitude à la fonction d’encadrement et de responsable d’unité d’intervention sociale.3. Stratégie : ensemble d’actions coordonnées en vue d’une victoire, elle suppose une vision d’ensemble et neconcerne pas directement, contrairement à la tactique, la relation directe avec les opérateurs de terrain. Dans lesecteur social elle concerne directement le conseil d’administration, qui peut se faire conseiller par son ou ses

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service se tient, lui, au plan tactique, à l’articu­lation entre l’organisation et les acteurs directsde la production (les travailleurs sociaux) etles usagers.

Davantage en effet, et non exclusivement,car il ne s’agit pas de cloisonner les interven­tions mais plutôt de raisonner en termes de« pôles dominants » relatifs à l’action de cha­cun.

Nul ne peut en effet ignorer ce que faitl’autre, sachant que chacun est bien dansson rôle, à savoir dans une posture de cadre,membre de l’équipe de direction.

Dans le cas d’une association gérant plu­sieurs établissements, le management de cetteéquipe de direction est plus complexe du faitde la multiplicité des lieux d’intervention et deleur éventuelle dispersion géographique.

Toutefois la répartition des « pôles domi­nants » relatifs aux fonctions reste analogue :

• au directeur général d’élaborer la stratégieen relation avec les dirigeants de droit del’association, et de coordonner et de don­ner une cohérence aux projets des différentsservices ;

• aux directeurs et/ou adjoints la mise enœuvre sur le plan territorial.

Et rien ne change vraiment pour le respon­sable d’unité.

Dans les associations éclatées au plangéographique, une partition territoriale despouvoirs devra être pensée, qui ne renvoie pasle directeur de service au plan uniquement tac­tique, mais au contraire qu’il reste largementassocié au positionnement et développementstratégique de son site.

Organisation du travail

Opinions de directeurs

C’est la dimension managériale qui parait laplus en mouvement, les changements sont enrapport direct avec la nouvelle gestion associa­tive caractérisée par l’extension des fonctions :

• conduire un ensemble d’actions réparties enpôles. Pour certains la création de pôles est« discutable, si elle éloigne le directeur dela proximité avec les centres opérationnelset si elle altère la disponibilité des chefsde service au regard du management tech­nique » ;

• il convient donc de revoir la composi­tion et le fonctionnement des équipes dedirection et les délégations : mieux lesdéfinir, les formaliser. De même il estnécessaire de spécifier et différencier lesfonctions (par exemple éducateurs spécia­lisés et moniteurs­éducateurs) sans affecterla compétence collective ;

• la transversalité et la flexibilité semblentrequises sans que les opinions recueilliespermettent de les définir plus avant ;

• la mobilité des personnels entre les diffé­rents ESMS de la même association est miseen avant comme une des solutions organi­sationnelles.

Nos réflexions et position

Différents modèles d’organisationde la direction et émergencede nouvelles fonctions

On constate une complexification des orga­nigrammes qui traduisent l’ébauche de diffé­rents modèles en construction.

Le premier modèle est caractérisé par :

directeurs et par délégation, s’il existe le directeur général.Tactique : exécution locale, adaptée aux circonstances, des plans de la stratégie. Dans le secteur social elleconcerne le directeur de site et les responsables d’unités.

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• une chaîne hiérarchique « tirée » vers le haut(des directeurs de niveau 1 occupent despostes de directeurs généraux, d’associa­tion, de groupements...)1 , les ESMS étantencore « pilotés » par des directeurs voir desadjoints, qualifiés au niveau I (type CAFDÈSou masters) ;

• cette chaîne est accompagnée d’un mouve­ment de recentralisation de fonctions auniveau des sièges associatifs, comme parexemple celles relatives à l’évaluationet la qualité, à la gestion financière etdes ressources humaines, au développe­ment ou encore de la sécurité. Ces fonc­tions étant confiées à des cadres experts deniveau I (DAF, DRH, plutôt issus d’autressecteurs professionnels) ;

• enfin au sein de l’ESMS un centre opération­nel incarné par les cadres intermédiairesdont l’étendue des missions et délégationsest à préciser en fonction du contexte danslequel ils évoluent dont le niveau requis estau moins le CAFÉRUIS.

Le second modèle est caractérisé par :

• une direction générale exerçant des fonc­tions stratégiques et managériales globales,entourée d’une technostructure composéede directeurs de pôles ou de territoire etde cadres experts également de niveau I,attachés à des fonctions transversales ;

• ce premier niveau hiérarchique étant direc­tement secondé par des cadres de direction« pilotant » les ESMS aux statuts divers :directeurs adjoints ou chefs de service ouencore responsables (de niveau II) ;

• enfin le centre opérationnel est alorsincarné par les vrais/faux cadres dontl’étendue des missions et délégations està préciser en fonction du contexte danslequel ils évoluent.

Dans ce second modèle, on assisteainsi dans certaines associations à la quasi­disparition des postes statutaires de directionet à la mise en place d’une organisation « cari­caturée » par la formule « DG – CAFÉRUIS » (cf.les propositions des employeurs relatives à laréforme de la CC 66 en date du 23 octobre2009 : le directeur ne figure pas dans la listedes emplois repères).

Ce qui amène à plusieurs questions :

• qu’en est­il alors de la composition et dumode de fonctionnement de l’équipe dedirection ?

• les directeurs deviennent­ils de simples exé­cutants ou ont­ils leur place auprès dela direction générale pour participer à laréflexion liée à la stratégie et au développe­ment ?

• l’ESMS est­il alors « vidé » de ses fonctionsadministratives et de gestion, à l’exclusiond’être le lieu de gestion des projets person­nalisés et des relations avec les familles ?

• où sont et qui sont les cadres en proximitédes professionnels ? les « contremaîtres » ?

On sait que les fonctions de proximité enlien direct avec les équipes et les usagers,autrefois remplies par les « éducateurs chefs »sont de moins en moins assurées par les chefsde service.

Ces nouvelles fonctions, assurées pardes travailleurs sociaux, ne correspondent àaucune référence statutaire ou professionnellestable (des vrais faux cadres) mais créent denouveaux collaborateurs aux « appellationsnon contrôlées » : référents et coordonnateurs.

Il en va de même pour les responsables dupersonnel ou de gestion, économes, attachéset adjoints de direction, secrétaires de direc­tion... dans le vaste mouvement de restruc­turation des établissements et services et des

1. Les formations requises sont alors de très haut niveau, de type sciences politiques ou écoles supérieures demanagement (master spécialisé, MBA).

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fonctions de direction, les cadres administratifssont aujourd’hui aussi amenés à jouer un rôleclé dans la conduite des projets et le manage­ment des équipes : on les appelle par exemple« responsables multiservices ».

Ces responsables de « l’intérieur » au croise­ment des multiples informations et situations,traits d’union entre la direction, l’équipe éduca­tive et les autres salariés, sont des hommes etdes femmes de communication. Mais ils sontaussi ceux qui œuvrent spécifiquement à laqualité des services, en matière d’accueil desusagers et de leurs familles, de gestion du per­sonnel, avec les fournisseurs et les partenaires,en matière d’hébergement, de logistique...

Autres modifications du fonctionnementdes organisations : le management par projets(voir l’organisation­projet). Il s’est développédans l’idée de mobiliser les équipes sur deschantiers en rapport avec les missions ou acti­vités de l’ESMS ou son fonctionnement. Il s’agitde groupes hors hiérarchie qui s’investissentpour trouver des solutions et/ou de nou­velles cohérences à une problématique grâceà la mutualisation de leurs compétences. Cesstructures éphémères (objectif précis, tempscompté, production obligée) sont autant delignes transversales qui viennent « croiser » l’or­ganisation hiérarchique et fonctionnelle.

Emplois et formation

Opinions de directeurs

Cela semble être un point très préoccu­pant pour les directeurs interrogés : « les RH80 % du budget, 120 % du temps du directeur ».

La GPEC est souvent évoquée comme uneméthode, un outil à mettre en œuvre (parfoisavec l’aide d’un intervenant extérieur), mais cedoit être avant tout une politique ; en effet, « ilserait peu prudent pour une association s’en­gageant dans un CPOM pendant cinq ans sans

se garantir d’une bonne lisibilité des enjeuxhumains et financiers ».

Quels sont les enjeux ?

• un défi : « maintenir une dynamique ins­titutionnelle avec des professionnels quivont vieillir sur leurs postes », qu’ils gardent« l’envie », il faut donc accompagner ceséquipes :

– la mise en œuvre des entretiensannuels (appréciation et professionnel)est encore particulièrement sensible, carelle heurte les intervenants sociaux ;

– former les équipes est une priorité pourgarder une « mobilité intellectuelle » :développer la qualification mais aussiles compétences « généralistes » et aussirelatives à de nouvelles techniques pourdévelopper de l’expertise (soin, sécurité,gestion).

• une question : allons­nous vers des profes­sionnels mobiles émargeant sur plusieursESMS ?

• une remarque : un seul directeur interviewés’est exprimé sur l’avenir des conventionscollectives du travail : « menace sur les équi­libres institutionnels due à la précarisationdes CCN ».

Nos réflexions et position

Politique GRH : accompagner la GPEC

Les changements obligés dans les ESMSentraînent nécessairement l’évolution desemplois et des compétences du personnel enplace.

On ne peut réduire GRH et GPEC à la miseen place d’outils. Ces outils ne sont d’aucuneutilité s’ils ne s’inscrivent pas dans une poli­tique globale portée par la direction et relayéepar les cadres intermédiaires qui connaissentles équipes, les métiers, donc les besoins encompétence.

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16 • La dimension managériale dans la fonction de direction

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Il est nécessaire également d’introduire laconcertation avec les instances représentativesdu personnel et de formuler un accord, pourco­construire des réponses adaptées et définirdes méthodes GRH respectueuses de la ten­sion existant entre le projet et le management :ouvrir le débat sur le problème des compé­tences, développer la capacité à évaluer lescollaborateurs, à détecter les potentiels.

Le management doit anticiper et devra faireface aux conséquences sociales de la crise :

• gérer la rareté des ressources ;• évaluer la qualité des pratiques et leurs

coûts ;• réduire les effectifs parfois de façon dras­

tique (dans le cadre de plans sociauxdéjà à l’œuvre dans certaines associationsnécessités par la suppression brutale definancement d’activités par un conseil géné­ral).

Il faut s’interroger sur l’appropriation parles équipes de ces changements : que savent­elles ? que comprennent­elles ? Le déficit decommunication par la direction peut êtredésastreux.

Le changement s’effectue plus facilementsi le personnel est informé, s’il comprendet s’approprie les enjeux des transformationsdemandées dans les pratiques.

Il faut aussi prévoir les conséquencesde ces changements sur les relationssociales internes : convergences et diver­gences des opinions relatives aux valeurs,idéologies, cultures. Il y a des points particuliè­rement sensibles à traiter : l’âge et l’anciennetédes salariés, les possibilités de mobilité, leurformation, leurs contrats et délégations.

Contributions et rétributions

Si la contribution des différents acteursdoit changer, comment alors gérer les rétribu­tions lorsque les politiques de rémunération,d’emploi sont totalement encadrées et indé­

pendantes de la volonté ou des souhaits desacteurs de l’organisation ?

Le seul levier « rétributif » dont dispose ladirection reste :

• l’intervention sur des politiques socialesinternes (animation, formation, projets per­tinents, innovation...) ;

• la reconnaissance sociale des acteurs (res­pect, considération, valorisation...).

Il faut donc que l’institution soit « intéres­sante » pour que les salariés restent motivés,c’est­à­dire qu’ils y trouvent intérêt.

Un des défis est donc aujourd’hui de main­tenir (soutenir) l’intérêt des acteurs. Pour cela,sur quoi peut­on agir précisément ?

• sur le positionnement éthique du service etdes acteurs quant à leur mission auprès desusagers ;

• sur le projet qui doit en conséquence êtreun lieu fédérateur, un guide, une référencepour le sens de l’action, mais aussi un lieud’expression de l’ensemble des idées etdes innovations portées par les différentsacteurs ;

• sur les postes de travail en les rendant moinsprescriptifs, de manière à ce que les acteurspuissent développer des initiatives et saisirde nouvelles responsabilités ;

• sur l’évaluation qui interroge les pratiqueset redonne du sens : l’analyse des pratiquesdoit ainsi être développée ;

• sur les équipes, leur dynamique et leurcomposition. Comment intégrer la com­plémentarité et la multi­référencialité desacteurs de manière à ce qu’elles corres­pondent au champ réel des besoins desusagers ?

• sur l’information concernant l’ensemble desquestions, autant politiques que techniques,concernant le positionnement et l’avenir desstructures ;

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• sur le développement des compétences indi­viduelles et collectives par la formation(nous allons y revenir) ;

• sur l’élargissement des relations profes­sionnelles en facilitant la participation desacteurs à des groupes professionnels, à desréseaux, et en favorisant les échanges inter­institutionnels ;

• sur la politique de développement de laculture de l’organisation par le biais demanifestations telles qu’assises, colloques,manifestations...

Développer des compétencesindividuelles et collectives

La question des compétences et des qua­lifications s’inscrit le plus souvent dans uneproblématique d’individualisation des rapportsà la formation et au travail.

Il est donc indispensable de conduirede front des démarches qui participent dudéveloppement des compétences individuellesmais aussi collectives.

Parler de compétences collectives n’estcependant pas faire la somme des compé­tences individuelles. La compétence collectiven’existe pas a priori. Elle est à construire defaçon continuelle dans l’organisation du travailcar elle est centrée sur le principe de la coopé­ration d’action de l’ensemble des membresde l’établissement ou du service social oumédico­social.

Elle repose sur les conditions suivantes :

• la modification des représentations concer­nant les cultures professionnelles et leursacteurs pour le dépassement des cloisonne­ments (développement de la transversalitéinter­métiers) ;

• l’acquisition d’un langage commun entreces acteurs, l’acceptation de la dimen­sion conflictuelle entre les acteurs au nomdes territoires de légitimité de l’action,l’existence d’organisations et d’actions per­tinentes concertées.

Si la formation peut représenter un modede réponse majeur à la qualification et auxcompétences, il est cependant indispensabled’instaurer d’autres types de réponses entermes de soutien aux cadres en place : l’ana­lyse des pratiques professionnelles tutorées, lecoaching, l’institution de groupes cadres dansles associations, mais aussi la fréquentationdes réseaux...

En effet, l’appartenance à un groupe pro­fessionnel, où se travaillent la défense etle partage de valeurs, d’une culture et depratiques liées à un champ d’exercice, la recon­naissance entre pairs constitue également unenécessité.

Sécurité et gestion des risques

Opinions de directeurs

Après les changements dans l’organisationdu travail, c’est le domaine pour lequel lesdirecteurs enquêtés estiment que le change­ment managérial est le plus important, etpesant, du fait de l’obligation des écrits etprocédures.

Les réponses expriment une critique una­nime :

• « ne pas confondre impératifs de sécuritéavec la recherche de la traçabilité tatillonneet administrative » ;

• « la traçabilité offre de nombreux avantagesmais elle ne peut venir altérer le contenumême de l’action » ;

• la tendance est à « tout protocoliser », àempiler des documents devant la montéede la judiciarisation : « Trop de papier tuel’écrit » ;

• « il faut limiter les risques repérables surtoutquand l’environnement fait pression, cettesituation crée une tension entre sécurité,risque et innovation ».

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Partout ou presque les protocoles sont enplace, les CHSCT s’installent ou sont de plusen plus présents dans leurs actions, certainsdirecteurs demandent l’appui du siège asso­ciatif pour traiter ces questions, ce dernier sedotant parfois « d’un technicien pointu pourles différents ESMS qu’ils gèrent ».

Nos réflexions et position

Les intervenants sociaux pratiquent des« métiers à risques », pour lesquels il existeune souffrance au travail lié à la chargephysique et mentale, organisationnelle desprofessions axées sur la relation à autrui. Àcela se rajoutent les interrogations sur l’avenirdu secteur.

C’est pourquoi en matière de management,il est nécessaire d’introduire une certaine ratio­nalité dans l’approche des risques présents età venir :

• à tout risque doit correspondre unedémarche politique, une volonté d’agir. Ilfaut observer, évaluer, prévenir et qualifier,tenter d’en saisir les conséquences à longterme dans une perspective dynamique etintégrative ;

• il s’agit aussi de développer l’auto­sécuritéet la responsabilité, afin que les personneset les groupes humains concernés restentacteurs et non pas objets du risque ;

• tout risque correspond à un coût qu’il s’agitde réduire, la non­qualité peut en effetfort coûter cher, et l’on comprend mieuxl’importance de la réalisation des plansd’amélioration de la qualité.

On comprend aussi pourquoi certains DRHdu secteur associatif construisent leur poli­tique en ayant pour axe essentiel la santéet le bien­être au travail : action de préven­tion relative à la santé, cellule d’observationinterne concernant maladies et accidents, miseen valeur d’expériences...

Animation des équipeset communication

Opinions de directeurs

Le changement est « une opportunité pourfédérer et mobiliser les personnels : il ne fautpas qu’ils aient le sentiment que ça se faitsans eux, il faut créer des espaces institution­nels bien repérés pour que les professionnelsparticipent effectivement à l’évolution des pra­tiques ».

« La communication interne est primordialepour se garantir que les salariés s’approprientles mutations en cours en conservant lesvaleurs associatives. »

Il faut effectivement faire attention à « unesurvalorisation du changement et au fait queles orientations ne soient pas assez énoncéesà l’interne ».

La communication externe est une néces­sité pour se faire connaître et pouvoir s’inscriredans les enjeux territoriaux, ou encore pourobtenir des fonds complémentaires. Pour celail faut « apprendre le juste niveau de formalisa­tion afin de gérer les contradictions entre lesrationalités différentes, voire divergentes desdifférents acteurs » :

• « Les relations avec la presse doivent êtreprudentes compte tenu du besoin de fairedu sensationnel » ;

• des outils de communication cités sontpeu originaux : création de groupes de tra­vail inter­ESMS dans l’objectif de changerles représentations (par exemple se sentirsalarié de l’association plutôt que de l’éta­blissement), création d’un répertoire dessalariés, de sites Internet.

Nos réflexions et position

Pour nous le problème n’est pas dechercher à motiver (psychologiquement) leséquipes, mais plutôt de les mettre dans des

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situations qui les motivent. Il ne s’agit plusaujourd’hui de penser l’acteur comme une« force de production » mais comme une « forced’intelligence1 » à qui on doit donner la paroleet dont le savoir représente une source derichesse propre.

C’est autour de la qualité d’un savoirreconnu et partagé (savoir affectif, pratique,organisationnel, individuel ou collectif) et sanscesse actualisé que se distingue une organisa­tion, et qu’elle peut s’inscrire dans les défisqui s’imposent à elle.

En termes de management spécifique ausocial il est donc urgent de penser le couple« personne­organisation » dans l’ensemble deses dimensions. Particulièrement, moins quede commander ou de mener les hommes,il convient plutôt de les écouter (actes etdiscours), de saisir les informations et lespropositions faites, et de considérer leurs opi­nions comme nécessaires et indispensables àla conduite de l’organisation. Manager c’estdialoguer, négocier avant de décider.

Cette approche concerne les relations entreles décideurs politiques (conseils d’administra­tion) et les directions, ou entre les directionset les acteurs professionnels ou encore les usa­gers : elle peut être qualifiée de participativemais aussi de sociopolitique (renvoyant à lacitoyenneté).

La conduite des organisations de travailest en effet de plus en plus délibérative, dufait de la prise en compte des contre­pouvoirset des stratégies des acteurs. Il ne s’agit plusseulement d’être cohérent selon une rationa­lité technique... mais de prendre en compteles contre­pouvoirs et leur expression.

Ceci implique que les décisions ne peuventplus s’élaborer en aparté ou en colloque res­treint : il faut confronter les points de vue detoutes les parties de manière à ce que les déci­sions prises par la direction soient considérées

comme économiquement, techniquement etsocialement acceptables, et estimées commeoptimales.

L’appropriation du sens des actions et desdécisions demande en conséquence du temps,et notamment celui de l’élaboration de diag­nostics partagés entre les membres d’uneéquipe.

Évaluation

Opinions de directeurs

Elle représente « un des grands enjeux desannées à venir », « c’est un moyen de garantirune offre de qualité durable et de pérenniserles financements publics ».

Considérée comme « une opération de basepour un pilotage stratégique dans un environ­nement mouvant », elle nécessite du dialogueavec les équipes et elle demande aux sala­riés peu habitués de s’adapter, ces dernierss’y engagent volontiers « si les méthodologiessont au service de la clinique ».

Nos réflexions et position

La mise en œuvre de l’évaluation et del’amélioration continue de la qualité des activi­tés et des prestations impacte l’organisationtout entière des établissements et servicessociaux et médico­sociaux. Cette probléma­tique concerne en effet autant les acteurseux­mêmes (rôles et fonctions) que les struc­tures de l’organisation (conditions d’exercice)du travail :

• changement de posture professionnellevis­à­vis des usagers considérés commeacteurs, ayant des compétences dans laco­construction de leurs projets d’accompa­gnement, de soins, de formation, de vie... ;

1. Sauret J.­M., Le Management post­moderne, Paris, L’Harmattan, 2003.

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• rigueur méthodologique accrue des inter­venants : recours plus systématique à l’ob­servation, à l’écriture, meilleure tenue desdossiers, planification de l’action, suivi desdécisions prises, évaluation... ;

• conception même de l’établissement tournédésormais en direction des usagers, de laprise en compte de leurs attentes, besoinset de leur satisfaction ;

• rôle des acteurs et particulièrement descadres en tant que pilotes du changement.

On perçoit aisément qu’au­delà de la rela­tion d’accompagnement de la personne ensituation de handicap qui est reconfigurée,tous les segments de l’organisation sont tou­chés : les projets associatifs et d’établissement,la gestion des ressources, la communication,la sécurité, le management...

L’évaluation et la démarche qualité consti­tuent donc un processus dynamique qui mobi­lise tous les acteurs. Parce qu’elles interrogentle sens des pratiques et qu’elles proposent denouveaux modèles d’intelligibilité de l’action,l’évaluation et l’amélioration continue de laqualité ne sauraient se réduire à une série deprocédures à appliquer. Elles doivent d’abordêtre pensées et considérées comme des pro­cessus.

Vouloir la qualité ne suffit pas à l’obtenir,encore faut­il une méthode ou des méthodes.Et la mise en œuvre des méthodes supposeun engagement de la direction et un manage­ment approprié. Tout dépend évidemment de« l’état organisationnel » et de la culture « dedépart » des acteurs, une étape de sensibili­sation puis d’acculturation des professionnelsest donc indispensable, cette période est plusou moins longue. Comme le note encore uningénieur qualité : « La qualité est un leviermanagérial puissant si sa mise en œuvre estprogressive et pragmatique, et qu’elle se faitdans un milieu préparé. »

Le projet de service est évidemment lelieu de la construction collective indispen­

sable de la culture, de la loi interne régissantl’organisation du travail et de la productionpsycho­médico­sociale, mais c’est aussi la basepour la construction des référentiels d’éva­luation. Le projet d’établissement est ainsi lepremier élément facilitateur de cette « lentedynamique d’appropriation ».

Même si le document présentant le projetpeut désormais être « allégé » du fait de l’élabo­ration des documents de traçabilité qu’exigela démarche qualité, il ne saurait se réduireà un manuel de procédures, mais il doit aucontraire, parce qu’il est un lieu de débat etd’expression démocratique de l’ensemble desacteurs, traduire leurs intentions en modesopératoires à moyen terme, ainsi que les enga­gements de progrès du service sur différentsaxes (le plan d’amélioration de la qualité).

En effet s’il existe des projets de servicesans qualité il ne peut y avoir de qualité sansprojet de service. Mais s’il existe un manage­ment sans qualité il ne peut y avoir de qualitésans management lui­même de qualité.

Négociation et gestiondes conflits

Opinions de directeurs

« C’est la fin des logiques personnaliséeset pseudo­idéologiques qui régissaient la viesociale des ESMS », le dialogue social dansl’entreprise est fondamental et il convientde développer la communication avec lesinstances représentatives du personnel (IRP).Ainsi une des questions posée est commentfaire pour que la contrainte que représentela présidence des instances représentativesdu personnel devienne une opportunité pourconstruire des relations partenariales ?

Ceci demande « de travailler avec les IRPde manière à ce que les évolutions soientréfléchies et construites avec eux », cependantcertains pensent qu’ils « exercent un contre

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pouvoir en décalage avec les évolutions dusecteur compte tenu d’un manque d’informa­tions et de lisibilité suffisante sur les enjeux ».

Si certains disent avoir les meilleures rela­tions avec les IRP, d’autres estiment que lapression monte compte tenu des effectifsréduits des équipes et des restrictions bud­gétaires. Enfin l’intégration d’un ESMS dansune plus grande structure va déplacer et per­mettre la régulation des négociations et desconflits dans d’autres instances plus éloignées(au niveau du siège par exemple).

Nos réflexions et notreposition

L’existence de conflits et la pratiquede la négociation sont des données « ordi­naires » dans une organisation dynamique,dans laquelle les idées circulent et s’affrontentéventuellement autour des conditions de tra­vail, du management...

Le conflit peut en effet concerner un éven­tail de sujets (intérêts, besoins, opinions...), ettout le monde aura sans doute essayé d’autressolutions avant d’en venir au conflit ouvert.L’écoute est donc le meilleur moyen de préve­nir ce type de situation. Il faut donc dire leschoses au bon moment, au bon endroit, à labonne personne. L’analyse stratégique nousenseigne que la résolution d’un conflit passepar le compromis, un pacte dans lequel chaquepartie doit « se retrouver ».

Afin que le conflit n’évolue pas en crise,toute négociation doit en effet être menée dansun jeu « gagnant­gagnant », jeu dans lequelchaque partie obtient au moins partiellementce qu’elle veut. Il s’agit donc de penser avecsoin ce que l’on veut essayer de réaliser avantde négocier et donc d’établir une stratégie.Et de partir du principe qu’il existe plusieurssolutions au problème à résoudre, de tenterde saisir les objectifs et intérêts de l’autre par­tie, d’avoir une capacité à écouter, de savoirqu’un accord n’est vraiment réalisé qu’une fois

mis en pratique (attention aux promesses nontenues) donc de définir un programme datéde mise en œuvre.

Innovations

Opinions de directeurs

Mécénat, création de fonds de dotation,dons et appel à la solidarité, investissementstechnologiques, mêmes la création de pro­jet paraît difficile à réaliser pour beaucoupde directeurs interrogés, c’est le domaine oùles réponses à notre enquête sont les plusréduites.

L’innovation consisterait surtout à recher­cher des ressources financières supplémen­taires pour pérenniser l’activité devant lesrestrictions budgétaires. Mais comment faire ?

Selon eux, l’utilisation du bénévolat néces­site une attention particulière, compte tenude la responsabilité et de « l’avalanche de laréglementation ». Il convient alors d’établir deschartes et des conventions pour encadrer l’ac­tion de ces bénévoles.

La recherche et le développement permet­tant le renouvellement des pratiques, semblentréservés aux associations bien dotées en res­sources humaines (études avec l’université).En effet, elle serait difficile pour les petitesassociations à cause de la prégnance du quoti­dien et de l’ingénierie nécessaire, ne serait­ceque pour répondre à des appels à projets.

Nos réflexions et position

On entend par innovation la mise ou pointd’un processus plus performant dans le but defournir au consommateur (usager ?) des ser­vices nouveaux ou améliorés. Ces innovationspeuvent concerner les matériels, l’organisationet les méthodes de travail, de nouveaux modesde réponses aux besoins.

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16 • La dimension managériale dans la fonction de direction

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L’innovation peut naître d’une démarchede travail coopératif (groupes­projets) et dediffusion de solutions nouvelles : elle dépendde la créativité de tous et de chacun et surtoutd’une écoute favorable de la direction et despossibilités de sa diffusion propre à chaqueESMS. Elle peut aussi venir de rencontresimprévues entre différents acteurs, ainsi créerdes lieux de rencontre entre acteurs qui nese côtoient pas, peut être un facteur d’innova­tion.

Enfin, elle peut procéder d’un véritablemanagement de l’innovation : politique dedéveloppement, innovation comme pilier etmoteur de la stratégie de l’ESMS. Elle s’ap­puie alors sur un système de veille, de partagede l’information, de développement, d’éven­tuelles synergies partenariales en accordantune place importante au client dans le proces­sus.

Il est vrai qu’avec les restrictions bud­gétaires et la montée des incertitudes, lesdirigeants des ESMS réalisent d’abord deséconomies sur les dépenses de communi­cation mais aussi sur celles concernant lesinnovations dont la rentabilité peut paraîtrelointaine.

Pourtant nous pensons que l’innovationest un des moyens d’acquérir un avantageconcurrentiel pour la stratégie d’entrepriseassociative en termes de réponse aux besoinset de création de nouveaux services. S’ins­crire dans les appels à projets à venir paraîtainsi indispensable. Tous les ESMS pourront­ilsle faire, auront­ils les ressources humaineset financières nécessaires à leur développe­ment ?

* * *

Cet exposé est l’occasion d’ouvrir des chan­tiers, tant ce que nous présentons ici s’inscritdans un environnement changeant et incertain.

Dans la période qui s’annonce, noussommes — semble­t­il — au début d’unenouvelle phase de mutation du secteur. Nospropos ont vocation à ouvrir un débat, qui nesaurait s’achever à la fin de cet article. Nousavons, à l’Andesi, l’intention de le prolongeret de l’approfondir.

Nous emprunterons, pour terminer, cettedéclaration de P. Gauthier en préface de notreouvrage Être directeur en action socialeaujourd’hui1 :

« Les pratiques professionnelles doivent évo­luer, ou plus exactement continuer à évoluer :du fait moins des évolutions réglementairesque de ce qu’il y a derrière ces évolutionsréglementaires ; aucune pratique n’est à l’abrid’une approche critique.

Il doit y avoir un trait d’union entre les pra­tiques et le cadre politique et normatif danslequel elles s’inscrivent ; être ce trait d’unionentre deux cultures, entre deux langages, celuidu terrain et celui de la commande sociale, estencore une des composantes, une des plusanciennes, de la fonction de direction.

Les institutions évoluent, ne cessent d’évo­luer : entre l’évolution subie et le changementconduit et construit, la différence est grande.

Or c’est bien là l’enjeu de la fonction de direc­tion : aucune réglementation n’empêchera undirecteur de conduire le changement dans soninstitution : tel est bien, au contraire, le cœurde sa fonction2 . »

Pourvu qu’il dise vrai !

1. D. Guaquère et H. Cornière (dir.), Être directeur en action sociale aujourd’hui, Paris, ANDESI, ESF, 2005.2. Gauthier Pierre, directeur de l’ARH de Midi­Pyrénées, préface de l’ouvrage Être directeur en action socialeaujourd’hui (op. cit.).

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