30
CM Sociologie des médias PARTIE 1 : L’APPROCHE SOCIOLOGIQUE 1

Socio des médias

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Socio des médias

CM Sociologie des médias

PARTIE 1 : L’APPROCHE SOCIOLOGIQUE

1

Page 2: Socio des médias

CM Sociologie des médias

[email protected] BV: bachelard / bachelard bis / bachelard ter

Objectifs lors de l’examen : Capacité à faire des liens entre différents points de cours Maitrise des outils conceptuels (nouveaux mots, concepts à maitriser) Connaissance de l’actualité -> sites d’informations = Rue89 / Libération.fr /

LeMonde.fr / acrimed.org (action critique des médias) Connaissance mobilisée par livre additionnel -> sites de revues = cairn /

persee + biblio BV Maitrise parfaite de la langue francaise

Exemple de questions le jour de l’examen : La sociologie doit-elle servir à quelque chose ? L’obtention de la carte de presse sanctionne-t-elle le respect de « la »

déontologie ? En quoi consiste l’approche sociologique des journalistes ? Quelles sont les conditions de travail des journalistes ? Existe-t-il un savoir faire journalistique ?

CHAPITRE 1 : QU’EST CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

I. Une discipline et un métier

In convient d’éviter de ne pas confondre la sociologie des médias (ou du journalisme) avec les médias eux-mêmes ou les journalistes eux-mêmes.Distinguer le chercheur journaliste et le journaliste.

La sociologie est une discipline intellectuelle qui vise la connaissance des sociétés humaines. La sociologie part du principe qu’il existe des lois sociales qui s’opposent aux individus. « Les règles de la méthode sociologique » d’après Durkheim = constituer des méthodes, théories d’auteurs et d’acquis scientifiques (des choses dont on connait le fonctionnement).

On peut distinguer une connaissance scientifique d’une connaissance spontanée (BACHELARD).La candidature spontanée est contredite par la candidature scientifique.Dans les pays plutôt riches, la sociologie s’est développée. Recherches et découvertes dans le domaine de la sociologie. Expl : Durkheim travaille sur les suicides.La réussite à l’école / le choix du conjoint / travail des infirmières / supporters de football / les journalistes / fans des beatles / musiciens de jazz (H.Becker) / haute couture / choix du prénom des enfants…

La société nous impose à notre insu des choix.Homogamie sociale = phénomène social de « choix » sur le conjoint selon le niveau social.

Il est important de décloisonner les disciplines académiques, mais il faut combiner les différentes dimensions. Les disciplines sont pluridimensionnelles.

2

Page 3: Socio des médias

CM Sociologie des médias

Etre sociologue est aussi un métier car il est rémunéré = enseignant-chercheur / chercheur / dans les entreprises privées (associé à la DRH).C’est un savoir faire qui passe fatalement par une connaissance théorique.On ne peut pas s’improviser sociologue, chercheur en sciences sociales. Faire de la sociologie réclame un double effort : intellectuel (lire) et pratique.On ne peut rien faire sans données empiriques = les infos sont sorties du réel, elles doivent être le plus fiable possible. Il n’y a pas de science infuse, technique, immaculé conception. On maitrise des méthodes, des techniques, des concepts et on travaille.

II. Caractéristiques des sciences sociales

La sociologie est une discipline parfois contestée. 1ère catégorie d’opposant : les intellectuels qui n’ont pas l’ambition de faire des sciences sociales.2ème : personnes qui on intérêt à défendre un ensemble d’intérêt financier et symbolique ou politique, et qui s’opposent à la sociologie parce que ça contredit ces intérêts. 3ème : gouvernants et politiques.

Arguments intellectuels = Thèse de la singularité irréductible du sujet. Conception philosophique :

nous sommes des individus libres maitres de notre destinée et donc non déterminés. On l’appelle le subjectivisme = le sujet a raison.

La contestation du postulat déterministe. Le fait que les individus sociaux soient influencés par des facteurs extérieurs qui s’opposent à nous. Fait appel à la liberté, volonté, providence (Dieu), irrationnel, hasard, le mystère insondable, les astres, la génétique, chance, coïncidence.Les sciences sociales ont une épistémologie propre (étude de la façon dont on observe des connaissances). Approche philosophique, méthodologique et historiques des sciences. Elles ont une épistémologie particulière : distinct des sciences pures et exactes (physique/maths).Il est important de ne pas apporter quelque chose tel quel.

Michel Dobry « Self defeating prophecy”. Une prévision négative qui produit son propre résultat. A ne rien faire on ne découvrira rien.

Bourdieu répond à la question « qu’est ce que la sociologie ? C’est un sport de combat ». Comme le thaïcuando qui utilise la force de l’adversaire à ses dépends. On retourne la violence de l’adversaire. Les connaissances sociologiques = transmettre aux gens qui en ont le plus besoin afin qu’ils puissent se défendre dans la société. Dans son livre Question de Sociologie  Bourdieu expose ce qu’est la sociologie : « La sociologie touche à des intérêts parfois vitaux. Et l’on ne peut pas compter sur les patrons, les évêques ou les journalistes pour faire l’éloge de la scientificité de travaux qui dévoilent les fondements cachés de leur domination et qui travaillent à en divulguer les résultats ».

3

Page 4: Socio des médias

CM Sociologie des médias

CHAPITRE 2 : LA PLACE DES TECHNIQUES DANS LES SCIENCES SOCIALES

INTRODUCTION Si l’on veut faire des découvertes probantes, la patience et le sérieux

doivent être à l’œuvre dans toute une série d’opérations techniques, d’outils conceptuels, de raisonnement logique (définition procédurale de la science) => Modus operandi = manière de faire.

Il faut donc faire preuve de vigilance épistémologique et de réflexivité critique en permanence sur ce que l’on fait, et non pas à un seul moment (ce qui est appelé « rupture »).Vigilance épistémologique : il s’agit d’être attentif aux recherches que l’on fait.Réflexivité critique : retour sur les opérations qu’on effectue pour, par exemple, essayer d’en repérer les défauts.

Le philosophe des sciences Gaston Bachelard employait l’expression « primat de l’erreur » pour designer l’impératif consistant à se méfier de ses premières impressions, qui risquent fort de s’avérer fausses.

Il convient donc « d’écarter les prénotions » selon l’expression d’Emile Durkheim, c'est-à-dire se méfier des fausses évidences, des vérités révélées, des impressions subjectives, des présupposés, du « bon sens » (Expl : conception géocentrique en astronomie).

I. Constituer les données empiriques

Toutes les données empiriques n’existent pas à l’état naturel : il faut les constituer (et non pas uniquement les « récolter »).

Il ne faut jamais accepter comme fiables à priori, notamment les données quantitatives : la magie des chiffres peut endormir la vigilance souhaitable. Avant de qualifier de valide une information, il faut savoir comment elle a été produite.

En science sociale, on utilise les informations tirées d’enquête de terrain : il faut en effet connaitre la réalité telle qu’elle est avant de prétendre l’expliquer.

Toutes techniques qui aident le chercheur à disposer d’informations fiables sur un sujet est la bienvenue, ce qui consiste à bannir toute monomanie (c'est-à-dire qui est la tendance à se contenter d’une seule). Attention tout de même, ces techniques doivent être légales.

Dans les sciences sociales, il est préférable d’exposer une problématiques et des hypothèses afin d’éviter la projection de ses présupposés inconscients ainsi que la candeur empiriciste (croyance que les faits parlent d’eux-mêmes).Problématique : ensemble des questions théoriques que l’on se pose à propos d’un sujet donné.Hypothèses : ensemble des questions et des pistes que l’on va explorer et dont on attend des résultats positifs à la fin de la recherche.Candeur empiriciste : faire confiance naïvement.

II. Répertoire des techniques d’enquête

Passation de questionnaire : échantillon « représentatif » ou pas ; il existe diverses modalités pratiques d’administrer un questionnaire (domicile, téléphone, internet, lieu public…).

4

Page 5: Socio des médias

CM Sociologie des médias

Entretien en face à face de 3 types : directif (proche du questionnaire), semi-directif (conversation avec guide) ou non directif (sans intervention de l’enquêteur).

Observation ethnographique : incognito (infiltration) ou à visage découvert / participante (immersion) ou extérieure.

Recherche de documentation : archives, bibliothèques, documents internes, images fixes ou animées, travaux antérieurs (=mémoires, thèses, articles de revue…), internet, presse, radio, TV.

III. Les divers types d’enquêtes

L’enquête (on peut également dire « investigation ») peut-être individuelle ou collective, financée ou pas, bon marché ou onéreuse.

L’enquête peut inclure et impliquer le chercheur qui va « exploiter » les données ou non, mais il est préférable que le chercheur soit associé dès le début.

Il arrive que l’on découvre des choses en étudiant la manière dont se déroule une enquête (réflexivité) sans avoir cherché dans un but précis (serendipity : découverte par hasard) ou grâce à un « sens pratique » personnel qui prend sa source dans l’expérience de la recherche.

Il y a des points communs (et des divergences) entre l’enquête scientifique et l’investigation journalistique ou policière.

On distingue les techniques qualitatives et les techniques quantitatives. Attention = ce n’est pas parce que les données ne sont pas quantitatives que l’analyse n’est pas scientifique.

IV. L’exploitation des données

Toute recherche a certes une dimension théorique mais elle ne peut s’y réduire.

Elle doit présenter des résultats concrets, des détails, apprendre des choses aux lecteurs. Faire de la recherche, ce n’est pas faire de la théorie pour la théorie.

Les techniques utilisées doivent être adaptées au sujet : impossible de savoir ce qui se passe vraiment avec des entretiens ou des analyses internes de contenus (cela ne suffit pas).

Dans le compte-rendu de recherche ., on peut insérer des plans, des photos, des extraits d’entretiens, des tableaux, des camemberts, des schémas, des cartes, des fac-similés…

Il convient de faire particulièrement attention aux données diffusées. On songe notamment aux sondages réalisés par les « instituts de sondages » qui sont des firmes privées commerciales.

Il est très important de combiner plusieurs techniques et de ne pas se contenter d’une seule. Toute étude basée sur l’utilisation d’une seule technique induit le doute sur sa pertinence.

Il n’y a pas de technique idéale : tout se joue dans la manière dont on exploite les données.

Ne pas se complaire dans la réflexivité (Expl : patient de Freud qui nettoyait ses lunettes sans jamais les porter).

V. La question des sondages

Les sondages sont omniprésents dans la presse française (la France est le pays qui produit le plus de sondages au monde).

5

Page 6: Socio des médias

CM Sociologie des médias

Les journalistes ont tendance à les prendre pour argent comptant, pourtant ils posent d’énormes problèmes de fiabilité.

Ces problèmes découlent du fait que ces sondages sont effectués non pas par des chercheurs indépendants mais par des sondeurs travaillant pour des entreprises privées commerciales improprement appelées « instituts ».

Les instituts de sondage sont à la science ce que les instituts de beauté sont à la médecine.

En voici les principaux défauts : - Le taux de refus de la sollicitation atteint des sommets

inquiétants (80%)- La baisse des enquêtes en face à face, ce qui affecte la sincérité

donc la fiabilité des réponses.- La dépendance des sondeurs vis-à-vis des « intuitions » des

clients (commanditaires).- Les catégories sociales retenues sont extrêmement vagues et

englobantes (Expl : la catégorie des inactifs regroupe les retraités, les étudiants, les femmes au foyer…).

- La plupart des questions sont fermées (pré-codées).- Tous les quotas de représentativité ne sont pas respectés (Expl :

le diplôme obtenu)- Contrairement à ce que prétendent les sondeurs, il n’y a de

« marge d’erreur » que pour les sondages aléatoires.

6

Page 7: Socio des médias

CM Sociologie des médias

CHAPITRE 3 : LES FAUX PROBLEMES EN SCIENCE SOCIALE

INTRODUCTION

Dans cette leçon il s’agit d’évoquer certains faux problèmes que l’on trouve dans les travaux en sciences sociales.Faux problèmes : façon de se poser des questions au réel qui fait obstacle à sa correcte compréhension.Il ne faut jamais parler en termes de profils types car on résume toujours des situations et des individus diversifiés.On va passer en revue 8 dichotomies qui se révèlent artificielles, les choses n’étant pas séparées dans la vie réelle ou dans la réalité sociale.

I. Qualité/Quantité Qualité et quantité forment-elles un jeu à somme nulle ? Autrement dit, les techniques qualitatives et quantitatives sont-elles exclusives l’une de l’autre ?Il vaut mieux les combiner. Chacune apporte des informations utiles si elles sont bien utilisées. Néanmoins, il y a une association fréquente entre quantification et sciences.« Une technique d’enquête n’est pas une science ». Tout dépend ce que l’on en fait.

II. Induction/Déduction Deux types de raisonnement souvent proposés comme opposés.L’induction consiste à partir du concret pour généraliser.La déduction consiste à partir de la théorie puis à la vérifier sur le terrain.Dans la recherche sur un objet, les deux raisonnements ne sont pas distincts. Risque de ne voir que ce qu’on a envie de voir.Dans un entretien semi directif par exemple, le guide inclut des thèmes qui correspondent à des idées, des idées venant des lectures réalisées au préalable.C’est une erreur de croire qu’il n’y a pas besoin d’hypothèses pour structurer l’enquête de terrain (empiricisme).

III. Explication/Compréhension L’explication consiste à établir les causes extérieures d’un phénomène.La compréhension vise à tenir compte des raisons intérieures que les individus sociaux ont de faire ce qu’ils font.Contraintes extérieures = causes / Contraintes intérieures : raisons.L’explication serait privilégiée par Durkheim et la compréhension par Weber, mais les deux auteurs ont été caricaturés (Luc Boltanski, Corcuff). Ils ont estimés que Weber donnait raison aux raisons des individus, alors que son propos invitait à prendre en compte les structures mentales des protagonistes. Il convient d’articuler les deux aspects, sans pour autant donner raison aux enquêtés qui sont rarement d’accord entre eux.

IV. Liberté/Déterminisme La notion de liberté est fortement normative, cela veut dire qu’elle est intimement connotée (méliorativement), elle tient une place de référence incontestable parmi les principes solennels d’une société. Ce n’est pas pour autant une notion opératoire, maniable dans les sciences sociales.

7

Page 8: Socio des médias

CM Sociologie des médias

La notion de déterminisme postule que les faits et les individus sociaux sont déterminés par des causes extérieures. Les individus sont dans cette perspective, influencés à l’insu de leur plein gré.Cette dichotomie est quasiment théologique : de façon implicite, quiconque pense en terme de déterminisme est considéré comme un ennemi de la liberté, or cette affirmation est erronée. C’est justement grâce à la connaissance des déterminants que l’on peut parvenir à la liberté.Les chercheurs en sciences sociales préfèrent utiliser la notion de marge de manœuvre.

V. Conscience/Inconscience Dans la vie ordinaire, chacun est censé savoir ce qu’il fait. Ainsi, quand le sociologue ou le psychanalyste affirment que l’inconscient existe et agit, cela peut rencontrer des oppositions. Mais la question n’est pas de savoir si cela gêne, mais si l’explication proposée est pertinente. Il n’est pas toujours facile de donner soi même les causes de son comportement. On livre le plus souvent des rationalisations à postériori, c'est-à-dire des auto- justifications qui protègent notre réputation et notre image de soi. Dans un entretien il y a en effet des enjeux de façades (la vie sociale est vue comme un théâtre où chacun joue des rôles). Dans la réalité on est plus ou moins conscient de ce que l’on fait selon les situations. On est parfois capables d’expliquer un lapsus ou un acte manqué, et parfois non.

VI. Individu/Société L’individu s’opposerait à la société. L’individu est conçu comme libre et conscient, désirable. La société est vue comme un collectif oppressant, aliénant l’individu. Il s’agit là de prénotions idéologiques.En réalité la société est constituée d’individus biologiques. Les individus sont socialisés en profondeur selon leur éducation. On ne devrait donc jamais dire « individu » ou « société », mais individus sociaux et société des individus (N.Elias).Certains concepts aident à transgresser cette dichotomie : configuration de jeu notamment -> interdépendances.

VII. Inné/Acquis Dichotomie qui recouvre celle entre nature et culture. Il y a une part d’inné et une part d’acquis dans nos pratiques. Or les sciences sociales ont démontré que la part d’inné est infime, très faible. Ce qui compte ce sont les apprentissages, les expériences et les interactions avec les individus sociaux. Il conçoit donc de laisser de coté des notions telles que la prédestination, le don et le talent.

8

Page 9: Socio des médias

CM Sociologie des médias

CHAPITRE 4 : LES MYTHES PROFESSIONNELS DU JOURNALISME

« Il y a un décalage entre l’image que les gens ont de vous et de la façon dont ca se passe réellement » Agnès, journaliste.

Il y a un mythe toujours très fort, très vivant. Elle admet qu’il y a un mythe. Utilisé au singulier. Comparaison entre le pluriel et le singulier. Il n’y a pas un mythe mais des mythes.

« Cette classe aux mythes, la dénonciation comme non fondée dans les faits des mythes véhiculant des représentations, voilà la tache des sciences ». Norbert Thélias

Cela peut sembler incongru et déplacé. Les habitudes de pensée ne nous invitent elles pas pour décrire une société primitive, archaïque. Plutôt connoté péjorativement.

Comment les journalistes pourraient-ils adhérer à des mythes ? Représentation approximative, voire erronée (mythe professionnel).

I. Précision concernant la démarche

Le propos vise à mettre en évidence un écart, un décalage entre les représentations que les journalistes proposent de leur univers professionnel, et leur pratique professionnelle réelle.Expl : Roland Barthes => il a mis en évidence la représentation par les médias et la publicité d’un pays comme la France dans les années 50, mais sans analyser l’écart de ces représentations. Quels sont les symboles de ces années là ? Citroën par exemple.

Il y a chez les journalistes des degrés variables de croyance.Le mythe = faits/commentaires.Nous avons une dicotomie. Il s’agit d’un mythe des journalistes de croire que l’on peut et que l’on doit séparer les faits des commentaires.Faits dit bruts = brut de décoffrage.Il ya des points dont on parle et dont on ne parle pas. Choix qui va sélectionner et trier les informations. Un fait brut de décoffrage n’existe pas. Il y a la place et le temps pour en parler. On ne dit pas tout à cause de la place et du temps. Les mythes professionnels que l’on peut rencontrer ne sont pas tous cohérents entre eux.

Le mythe de l’objectivité va empêcher de faire ce qu’il a à faire. Il oblige à donner la parole au pour et au contre. Cela est d’ailleurs sanctionné juridiquement. C’est la raison pour laquelle il faut éviter le singulier. Il vaut mieux dire les mythes que la mythologie.Analyse portée sur des journalistes traditionnels.

Fleet street = rue anglaise -> mythe anglais des journalistes.« Tel est le point de départ de cette enquête sur une profession d’autant plus mystifiée qu’elle est mécanique ».Dans les films de cinéma, on note la reprise des mythes des journalistes.«  Cette représentation est idéologique. Elle constitue des modèles relativement indépendants de la réalité et nécessairement fondés en celle-ci, qui concours à

9

Page 10: Socio des médias

CM Sociologie des médias

construire la légitimité sociale du journalisme, à l’inscrire dans un corps de rôles plus ou moins effectifs ». Denis Ruennan.Ces mythes ont une grande importance dans le fondement même du journalisme.

Une utilité sociale = opérer une délimitation entre le dedans et le dehors. Autrement dit, l’adhésion des mythes est ce qui permet de faire la distinction entre ceux qui sont dans le milieu et ce qui sont de l’extérieur. Elle sépare ceux qui sont habilité du journalisme et les incompétents du journalisme.

II. Passage en revue de certains mythes

Mythe intitulé = extériorité.Definition   : « Croyance que les journalistes, parce qu’ils se présentent comme extérieur aux évènements, le sont véritablement ». Les journalistes participent à la construction des évènements en montrant des images et pas d’autres. Le compte rendu des journalistes produit des effets (Expl : favorisant la personnification de certaines institutions ou phénomènes).

Audience/influencePlus un journal est consommé, plus il a d’influence sur les gens, plus il a de pouvoir (dit pouvoir d’influence ou de persuasion).Ce n’est pas parce qu’un journal est beaucoup vu qu’il va être plus regardé et influencé pour être vu (Expl : JT TF1 de droite).

Mythe « Madame Michu »C’est la vision qu’ont les journalistes du lecteur moyen. Totalement inculte, sait à peine lire, un rien le décourage, il ne faut pas faire d’articles et des phrases trop longues. Sinon Madame Michu va décrocher.

Remarque : l’objectivité du mythe est de plus en plus rejetée par les journalistes eux-mêmes. Il est rejeté car il est polysémique.Mythe utilisé par les sources d’informations contre le journaliste. Les sources cherchent à renvoyer les journalistes sur les mythes pour leur montrer leur non professionnalisme. Donc ils sont utilisés contre eux.

III. Utilité sociale de ces mythes

Les mythes professionnels concourent directement à l’identité collective des journalistes professionnels. De la manière dont ils se voient ou dont ils se présentent, les mythes sont partie intégrante du milieu journalistique. « Les mythes peuvent eux-mêmes devenir une partie de l’appareil institutionnel du journalisme ». Shudson.

3 utilités sociales supérieures à ces mythes :- Fournir au milieu journalistique ce que l’on appelle un plus value de substance (surcroit de contenu). Dans le milieu journalistique il n’y a pas de vraie définition en France. LA seule qui existe (loi) est l’article 1 de la loi de 1935 : cette phrase est tautologique (circulaire, vide).- L’hétéronomie du champ journalistique a des contraintes extérieures. Fragilité du milieu journalistique par rapport aux autres métiers.

10

Page 11: Socio des médias

CM Sociologie des médias

- Fonction centripète des mythes. Milieu des journalistes très conflictuel, très segmenté.

Ces mythes se concrétisent dans leur vie sous la forme de routines, réflexes. Tout un ensemble de maximes répondent à ces mythes = objectivité, urgence.

« Pour faire un bon journal, encore faut-il que l’information ai du talent » => proche du mythe dont le mot clé est miroir = c’est l’idée que les médias ne seraient que le reflet de la réalité.

« Les choses sont simples et on peut les dire simplement » => en phase avec la contrainte économique, la contrainte d’audience. Cf. Madame Michu.

« Il faut être simple pour notre public » P. Harrourd, journaliste FR2«  On est pas obligé d’être long pour être bon » D. Bilalian directeur des sports FR2«  Tout article de 7-8 feuillets peu au fond se réduire à un seul » D. Schneidermann« Un journaliste ne doit pas compter son temps. On est journaliste 24h/24 et pas fonctionnaire » Journaliste anonyme.

Ces mythes professionnels participent pleinement à la construction sociale et symbolique du groupe journalistique (ou du groupe professionnel des journalistes).« Cette identité recomposée comporte une part essentielle de réalité, mais elle est aussi faite de dimensions mythiques, c'est-à-dire de représentation exorbitante des rôles et des qualités du journalisme qui, malgré l’exagération, sont passés au rang de certitudes, de vérités, de visions partagées. » D. Rueland

Nous sommes dans une société que l’on dit complexe => société segmentée où la division du travail social est forte et où il existe par conséquent des milieux professionnels relativement autonomes des uns des autres. En conséquences, les mythes auxquels nous faisons allusion ne concerne qu’un de ces milieu socio professionnel, ces mythes professionnels concurrencent les croyances collectives, les représentations caractéristiques d’une population considérée dans sa totalité.

Norbert Elias : « On relève la tendance à recourir à des systèmes de croyances et à des idéaux sociaux, eux-mêmes relativement impersonnels mais plus chargés d’affectivité, pour s’orienter au sein de ces phénomènes sociaux peu transparents. » => Les croyances et les mythes servent à remplir les « vides », ils donnent une explication au réel, une explication chargée d’affectivité.

Emile Durkheim appelle les mythes les idéolas : «  Ce sont des idéolas, sorte de fantôme qui nous défigure le véritable aspect des choses et que nous prenons pourtant pour les choses mêmes ». => Il utilise le terme de prénotion pour définir les idéolas : « Elles sont comme un voile qui s’interpose entre les choses et nous et qui nous les masque d’autant mieux qu’on le croit plus transparent ».

Il y a un autre facteur explicatif de l’existence des mythes professionnels dans le milieu des journalistes : la fragilité structurelle du groupe, notamment sous l’absence de contrepartie exigée dans les journalistes. P. Le Florc’h avait remarqué dans un ouvrage que la presse et les journalistes bénéficiaient d’un

11

Page 12: Socio des médias

CM Sociologie des médias

certain nombre d’aides de l’Etat. Contrepartie demandée par l’Etat : une certaine façon de couvrir les évènements de l’actualité.Les jeunes journalistes ont tendance à reprendre tel quel ces mythes professionnels pour deux raisons principales :

- Une grande partie de ces mythes attribuent un prestige social du journalisme. Milieu prestigieux = milieu attractif.- Lorsque les entrants arrivent, ils se voient imposé ces mythes professionnels. C’est une sorte de condition pour entrer dans ce milieu.

Au fil du temps on constate une intériorisation de ces normes.

La création et la consolidation des mythes professionnels participent d’un travail collectif d’homogénéisation symbolique du groupe des journalistes. Mais c’est encore plus que ça, ils concourent à légitimer, justifier la domination interne que l’on observe au sein du champ journalistique.

ConclusionLe mot profession est décliné en plusieurs mots. Il est souvent synonyme du mot métier. On utilise aussi le mot anglais Job. Cela dit, les chercheurs en sociologie ne sont pas satisfaits de ces acceptations (significations). Ils vont distinguer les termes profession et métier parce que le mot métier signifie aussi savoir-faire, expérience. Cette dénotation du mot métier rapproche le sociologue de la réalité sociale observable. Si le mot métier signifiait uniquement savoir-faire et non profession, on distinguerait un nombre exorbitant de métier dans le domaine du journalisme.Il n’y a aucun point commun entre les journalistes quand on observe ces métiers qu’ils exercent.Le terme profession vient d’un contexte religieux qui l’associe à une conviction, à une foi, à une unité. L’expression profession de foi est à l’origine du terme profession. Ce terme a été utilisé pour la première fois en Angleterre pour différencier les métiers prestigieux et peu prestigieux. Profession = métier prestigieux / Occupation = métier peu prestigieux.Le statut de profession dans une perspective anglo-saxonne suppose une endo-régulation de chaque milieu professionnel. Chaque milieu professionnel dispose de règles spécifiques, d’une instance disciplinaire, d’une régulation des entrées. Le journalisme constitue-t-il une profession ? => Dans une perspective anglo-saxonne du concept de profession, le journalisme en France n’est pas une profession.

Mais il n’y a pas que cette perspective.

12

Page 13: Socio des médias

CM Sociologie des médias

CHAPITRE 5 : LE STATUT DES JOURNALISTES EN FRANCE

Faut-il séparer le bon grain de l’ivraie ?

INTRODUCTION

Comment définit-on un journaliste en France ? Cette question trouve sa légitimité dans le fait que cette définition ne va pas du tout de soi. Toute évidence, toute spontanéité risque d’induire en erreur.Attention au mot juridique du terme « statut » => on évoquera le cadre législatif et réglementaire concernant les journalistes en France. On va notamment se pencher sur la question des frontières du milieu professionnel des journalistes, frontières que certains sociologues estiment floues et incertaines. Si on parle de frontière, on parle des autres milieux socio professionnels proches du journalisme, on utilise donc les termes champs journalistiques et champs adjacents.La définition du journalisme en France est tautologique, elle est donc décevante, car une définition tautologique ne dit finalement rien (on définit un concept par lui-même).

I. Avant la loi du 29 mars 1935

On a une absence de statut avant 1935. Il n’y a pas de cadre juridique à la profession de journaliste. Il y a un syndicat mais pas de reconnaissance institutionnelle précise. La loi de 1881 ne donne pas de statut aux journalistes.Loi de 1881 : Première loi républicaine de la IIIème république. Loi sur la liberté de la presse. Dans cette loi, il n’y a rien qui précise ce qu’est un journaliste. Elle est concentrée sur l’activité économique de la presse et non sur le travail des journalistes.Après la 1GM en 1918, il y a une réaction corporatiste (=un certain nombre de gens se définissant come journalistes réagissent à un certain nombre de comportement qu’ils trouvent anormaux dans la presse). Ils réagissent à la presse vénale : c'est-à-dire qu’avant 1914 on avait pu observer un certain nombre de scandales, d’affaires qui montraient que des articles de presse étaient achetés par des annonceurs, des publicitaires…et qui incitaient les lecteurs (ordre de l’escroquerie) => journalisme très directement soumis aux « puissances d’argent ». Ils réagissent également à la presse en tant que relais de propagande durant la guerre. Elle était censurée par les militaires. L’image du journalisme était très affectée par ces comportements de soumission.Cette réaction corporatiste s’est matérialisée sous plusieurs formes :

- Le SNJ (syndicat national des journalistes) en 1918- Adoption d’une charte de déontologie (la première en France

1918), qui est considérée aujourd’hui comme l’une des deux chartes de référence du journalisme (révisée en 1938), la deuxième étant la charte de Munch de 1971.

- Création de la première école de journalisme de Lille en 1924 (aujourd’hui SJLille) par la faculté catholique de Lille.

A partir de ce moment fondateur, le SJL va avoir une action en faveur d’une loi qui protégera les intérêts des journalistes. Le SJL mettra 17 ans pour arriver à cette loi.

II. La loi de 1935

13

Page 14: Socio des médias

CM Sociologie des médias

On appelle cette loi la « Loi Guernut-Brachard » (noms de deux députés qui ont le plus participé à sa création). 2 objectifs de cette loi :

- Exclure les non journalistes (amateurs, occasionnels)- Moraliser la profession. Le journaliste ne doit pas confondre son

travail avec celui du policier. Aucun journaliste digne de ce nom n’acceptera de travailler à un tarif inférieur à un tarif normal pour prendre du travail à un collègue.

Résultats de l’adoption de cette loi : - Création de la CCIJP (Commission de la carte d’identité des

journalistes professionnels) => commission qui délivre la carte de presse.

- Clause de conscience. C’est une possibilité juridique qui est offerte seulement aux journalistes en France. Elle permet à un journaliste de démissionner avec indemnité dans le cas où la ligne éditoriale change.

- Carte de presse : elle est supposée mettre une frontière entre les journalistes officiels et les autres qui ne pourront pas se prévaloir de l’état de journaliste.

Contrairement aux souhaits du SNJ, la CCIJP ne s’est pas instituée en tant qu’Ordre (= fait référence à une sorte de comité élu dans une profession, qui va jauger et quelques fois juger ses pairs. Ordre professionnel : avocats, médecin, notaires, architecte…).Dans le mois qui a suivi la loi de 1935, le SNJ est persuadé que le CCIJP est un Ordre. Mas en fait le CCIJP n’a jamais voulu sanctionner les journalistes et ne s’est donc jamais institué en tant qu’Ordre.Il faudra attendre la loi Cressard de 1974 pour que les pigistes puissent obtenir le même statut que les journalistes. Un pigiste qui a le SMIC pendant 12 mois a le droit à la carte de presse.

III. La loi du 29 juillet 1881

Elle est désignée comme une loi de la liberté de la presse, mais elle ne parle quasiment pas des journalistes. C’est une loi dont le but est de favoriser l’activité de presse en tant qu’entreprise privée commerciale.Il y a un paradoxe car en réalité elle est très restrictive. La plupart des dispositions sont restrictives (vie privée, diffamation, atteinte à l’honneur…). Elle institue le dépôt légal et l’ours.Dépôt légal = obligation de déposer un exemplaire du journal auprès de la préfecture.Ours = Obligation légale : statut juridique, adresse, exposition du capital, directeur de la publication. Il est plus ou moins développé (interactivité, transparence). Le mot vient du jargon des ouvriers typographes (=ouvriers chargés de transporter les galées, c'est-à-dire des pages montées assez lourdes). Les ours étaient distingués des « singes » (= qui montaient les pages avec les caractères de plomb).La loi institue également le directeur de publication comme seul responsable devant les tribunaux ; le journaliste n’est qu’un « complice ».L’activité de presse avait déjà fait l’objet de mesures favorables sous le second empire (1868) : la loi de 1881 est moins nouvelle qu’on l’a proclamé, c’est juste la première sous la IIIème république.

IV. Une définition tautologique

14

Page 15: Socio des médias

CM Sociologie des médias

C’est une figure rhétorique, un raisonnement circulaire, une absence de contenu positif.Daniel Rueland : Quels sont les points communs entre tous les journalistes ? Y a-t-il un point commun entre tous les journalistes ? Il répond négativement à cette dernière question.

Critère principal de la délivrance de la carte de presse : la déclaration de revenu stipulant qu’un individu perçoit plus de 50% de ses revenus annuels grâce à une activité journalistique. Il faut que les revenus annuels divisé par 12 soient au moins égal au SMIC. Il faut également que le travail ait un lien avec le traitement de l’actualité.

Définition officielle du journaliste qui est dans l’article premier de la Loi Guernut-Brachard (c’est la seule définition, elle est toujours valide juridiquement) : « Le journaliste professionnel est celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques ou dans une ou plusieurs agences de presse, et qui en tire le principal de ses ressources ».

Fin 2008-début 2009 (du 2 novembre au 1er juillet) a eu lieu les Etats Généraux de la presse. A l’issue de ces états a été instituée la Commission sur la déontologie des journalistes avec des textes qui proposent une définition naturelle du journaliste.

V. La convention collective

Une convention collective est un texte signé par des partenaires sociaux qui sont d’accord pour gérer les personnels d’une certaine manière dans une profession donnée. Donc c’est un accord paritaire qui engage à la fois les employeurs et les salariés.Elle est prévue par la loi de 1935. Elle fixe des barèmes de salaire selon le support médiatique et le grade. La première a été signée le 23 novembre 1936. Elle inclut les clauses de conscience et de cession, censé garantir l’indépendance des journalistes.La clause de cession concerne un changement de propriétaire du journal ou du média.La clause de conscience concerne un changement de ligne éditoriale. La convention inclut également l’abattement supplémentaire pour le calcul de l’impôt sur les revenus (officiellement cet abattement n’existe plus, mais il est quand même appliqué sous une autre forme => privilège des journalistes = possibilité de déduire 30% supplémentaire sur le calcul de l’impôt sur les revenus). Cet avantage fiscal a été plafonné puis réformé, mais pas abolie.La convention reconnait un droit moral des journalistes sur leurs œuvres (droit d’auteur). Ils sont donc reconnus en tant qu’auteur => ouvre à des droits. Négociations entre les syndicats et les employeurs qui ont abouties à une somme forfaitaire (=prime).

VI. L’exclusion de la déontologie

Aucune charte de déontologie n’est intégrée au statut des journalistes en France. Il est donc totalement faux de dire que la carte de presse est attribuée sur des

15

Page 16: Socio des médias

CM Sociologie des médias

critères éthiques (« carte de crédit »). La presse française se réfère aussi à la charte de Munich (1971). Il existe aussi des chartes par spécialité et par publication. Certaines chartes sont décidées et imposées par les patrons (« octroyées »).Il n’y a donc aucune sanction en cas de violation de telle ou telle charte. La carte de presse n’est pas un certificat de bonne conduite. En effet, dans l’exercice concret et quotidien du métier de journaliste, c’est surtout un sauf-conduit. Les « ménages » par exemple ne sont pas sanctionnés.Ménages = terme du jargon journalistique qui signifie le fait de se faire rémunérer pour animer une manifestation extra-professionnelle -> acceptation de la part du journaliste d’une invitation d’une filiale privée et qui est rémunérée pour être présent.

Cf. Charte des devoirs professionnels des journalistes français 1918Endo-régulation = c’est le fait, pour un milieu professionnel ou une organisation donnée, d’être soumis à ses propres règles.Exo-régulation = c’est le fait, pour un milieu professionnel ou une organisation donnée, d’être soumis et d’obéir à des règles qui viennent de l’extérieur.

L’idée, c’est qu’en l’absence de charte de déontologie, on peut affirmer que dans le milieu journalistique, l’endo-régulation a beaucoup moins d’importance que l’exo-régulation. L’exo-régulation, c’est par exemple l’importance du droit de la presse et de la jurisprudence (=ensemble des décisions des tribunaux).

Le risque avec la plupart des chartes, c’est celui d’une imputation individuelle des fautes.

VII. Les textes solennels

L’article 11 de la DDHC de 1789 => « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme, tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». Principe de liberté d’expression.Problème : dans la dernière partie du texte il y a des limites à la loi. C’est également une liberté formelle, et il n’y a rien sur les journalistes (les « gazetiers » à l’époque).Les limites de la loi : les lois ne peuvent-elles pas être liberticides ?Liberté formelle = c’est une liberté en principe, en théorie, souhaitable. S’oppose à la liberté réelle qui elle est concrète, en situation, qu’on a les moyens de mettre en œuvre.Il n’y a rien sur les journalistes dans l’article 11 de la DDHC, car il n’y avait pas encore de statut de journaliste à l’époque puisqu’il n’y a pas de journaliste, cela n’existe pas. La presse écrite à l’époque n’existe presque pas.Ne pas confondre la liberté d’expression (liberté de tous) et la liberté de la presse (liberté des journalistes).

Autre article important : article 1 de la loi de 1881 = l’imprimerie et la librairie sont libres (longtemps indifférenciées). Pendant très longtemps, 3 activités ont été mélangées : l’imprimerie, l’édition et la presse. Aujourd’hui il s’agit de 3 activités différentes.

Deux formulations tirées de la loi de 1982 : « La communication audiovisuelle est libre » et « Les citoyens ont droit à une communication audiovisuelle pluraliste » (pluralisme = pluralité des opinions exprimées). Il s’agit donc d’un droit formel car les médias audiovisuels aujourd’hui ne sont pas pluralistes.

16

Page 17: Socio des médias

CM Sociologie des médias

L’UNESCO est la branche de l’ONU qui s’occupe des questions de la communication et des médias. L’UNESCO est à Paris. Cet organisme est attentif à la liberté d’expression et à l’accès à l’information, au rôle démocratique des journalistes (pour l’UNESCO, le rôle démocratique des journalistes consiste à jouer le rôle de contre pouvoir face au pouvoir) et à la déontologie.

VIII. La liberté «   ouverte   »

Ce terme ouverture vient du principe de liberté d’expression : chacun doit pouvoir communiquer ses opinions, par conséquent il est contradictoire de mettre une barrière à l’entrée du milieu journalistique = il ne doit pas y avoir de condition quelconque à l’exercice du métier de journaliste.Il n’est pas nécessaire d’être passé par une formation spécialisée pour devenir journaliste. Le résultat, c’est que seulement 15% des journalistes encartés ont suivis une formation agréée (au nombre de 12 en France). La commission compétente (CNPEJ) donne son agrément à des diplômes et non à des établissements. On n’est donc pas obligé de passer par une école d’application pour obtenir la carte de presse.Mais l’absence de barrières formelles ne signifie pas l’absence de barrières réelles (sélection implicite, reproduction sociale des élites). Mais le milieu journalistique est également ouvert à la sortie, la carte de presse n’est pas définitive. En effet, après deux années consécutives de chômage déclaré, le journaliste ne bénéficie plus de la carte de presse. Peu de journalistes, même s’ils sont au chômage, se déclarent chômeurs, ils se mettent au statut de pigiste.

IX. «   La profession   »

En France, ce que l’on appelle « la profession » inclut les employeurs (=les patrons).Profession = grande famille où tout le monde se trouve. D’où l’emploi fréquent de l’adjectif « paritaire » (représentants élus des salariés et des patrons).Trois commissions sont des commissions paritaires :

- La CNPEJ (Commission nationale paritaire de l'emploi des journalistes) : s’occupe de l’agrément des écoles

- La CPPAP (Commission paritaire des publications et agences de presse) : donne les numéros paritaires et attribue des aides

- La CCIJP (Commission de la Carte d'Identité des Journalistes) : délivrance de la carte de presse.

La CNPEJ fait preuve de malthusianisme dans l’agrément aux diplômes. Il y a une stratégie de la part de cette commission pour ne pas délivrer trop d’agréments à trop de diplômes.Malthusianisme = fait référence au fait qu’on limite volontairement le nombre de diplômés qui sortent des formations agrées => cela afin d’assurer une légitimité et du prestige au diplôme. Ils ne veulent pas que les diplômés de ces formations se retrouvent dans des positions subalternes, qu’ils soient mal payés…Période d’épuration après 1945 : c’est dans ce court laps de temps que la commission de la carte de presse a fonctionné comme un Ordre (du 1/4/1945 au 30/6/1946). La CCIJP = Ordre disciplinaire en tant que commission d’épuration.

Il n’existe pas de grande solidarité, de grande famille du journalisme, car il y a des conflits dans le milieu -> les gens sont très individualistes.

17

Page 18: Socio des médias

CM Sociologie des médias

La solidarité est à géométrie variable : « confraternité » (=consœur/confrère) => omerta (loi du silence) + intérêts communs (aspect matériel, financier, communs). Expl : abattement fiscal supplémentaire et aides directes et indirectes de l’Etat.

Les journalistes sont peu syndicalisés, très individualisés, très grande diversité des métiers, un très grand patriotisme d’entreprise, il y a aussi des luttes entre les journalistes qui opposent différentes conceptions du journalisme. Milieu éparpillé, il y a une forte segmentation.Il convient de se méfier du terme de profession qui est à manier avec précaution. Il vaut mieux dire « groupe professionnel des journalistes » que « groupe des journalistes ». Mieux encore : champ socioprofessionnel. Car profession = métier endo-régulé, déontologique, idéal, modèle, profession comme métier prestigieux.

X. La société des rédacteurs (ou société des journalistes)

C’est une association de journalistes qui travaillent au sein de la même rédaction, ils constitueraient alors une « équipe rédactionnelle ». Idée que les décisions leur appartiennent.Les SDR sont très rares alors qu’elles étaient souhaitées par les rédacteurs des ordonnances (= ancien nom des décrets-lois. Texte promulgué par le gouvernement alors qu’il devait être élaboré par le parlement) de 1944-1946 (période de l’épuration).Le contenu était préparé par des résistants pendant la 2GM pour éradiquer les déviations de la presse qu’ils veulent profondément réformer. Ils prévoyaient la SDR.Les SDR ont comme but théorique d’avoir leur mot à dire sur la ligne éditoriale et donc sur le traitement de l’information (minorité de blocage, droit de véto, participation au capital).3 personnalités ayant œuvrées pour que des SDR voient le jour : Pierre Henri Teitgen, Jean Martin et Jean Schwebel.Les décrets d’application ne sont jamais sortis. Opposition aussi des syndicats qui ont eu peur d’être court-circuités. Les SDR devaient diminuer l’intérêt financier, politique et industriel à posséder un journal.Au Monde et à Libération les SDR existent. Seules actives. Car le Monde est né au moment de la libération de 1944 et Libération est né en 1970 et vient d’une tendance maoïste-communiste, ils ont crée une agence de presse avant le journal. Libération a voulu fonctionner en auto-gestionnaire.Appliquées, ces ordonnances auraient engendré des médias « à but non lucratif », orientés vers l’intérêt général et l’accès à l’information des citoyens.Uniquement dans le Monde que la SDR a un poids social interne fort (JM. Colombani viré en 2008) ≠ La SDR de Libération a perdu son droit de véto en 2007 lors d’une recapitalisation (recapitaliser = souscription ou appel à un autre investisseur. On recapitalise pour investir dans du nouveau matériel par exemple ou dans le fonctionnement du journal).

Conclusion Tous les professionnels qui s’appellent « journalistes » n’ont pas le droit à

la carte de presse, au statut de : - journaliste d’entreprise publique ou privée chargé de la communication interne ou externe de l’entreprise. Certains se revendiquent communicants. - journalistes territoriaux. Eux ne revendiquent pas le statut. Communication interne ou externe pour les administrations

18

Page 19: Socio des médias

CM Sociologie des médias

publiques locales, collectivités locales. Ils font de la communication pour les mairies, les conseils régionaux, les communautés…ça dépend de la politique.

Il y a également de très nombreux amateurs qui n’ont pas été éliminés par la loi de 1935 et qui n’ont pas le droit à la carte : les correspondants locaux de presse (CLP). Ils travaillent pour la presse quotidienne régionale ou locale. Ils sont pays en fonction du nombre de lignes et de photos publiées + barème selon l’évènement et son importance. Ils peuvent avoir des indemnités kilométriques. De 150 à 800€ par mois, grande disponibilité le week-end. Les CLP sont au moins 50000. Les journalistes avec carte en 2008 = 37300 => donc officiellement journalistes. Il y a plus de CLP que de journalistes encartés.

En France les attachés de presse, les peaux-rougistes (dessinateurs de BD sans liens avec l’actualité), les astrologues et les communicants n’ont pas droit à la carte de presse.

Les pigistes sont des journalistes comme les autres (loi Cressard). Certains employés sont assimilés aux journalistes et ont droit à la carte (infographiste, iconographe, maquettiste, assistant de production, correcteur, réviseur…).

Enfin, il faut éviter de porter un regard normatif sur cet univers journalistique. Eviter d’émettre des jugements de valeur. Il faut se méfier de cette distinction « vrai-faux journalistes ». Dans une perspective sociologique, on n’a pas à normer tout ça, à faire le tri.

19

Page 20: Socio des médias

CM Sociologie des médias

CHAPITRE 6 : LES ECOLES DE JOURNALISME EN FRANCE

INTRODUCTION

- A quoi servent les écoles de journalisme ?- Quel type de journaliste souhaite-t-on former ?- Que se passe-t-il dans les écoles d’application ?- Le journalisme est-il un travail plutôt intellectuel ou manuel ?- Comment faire pour entrer dans une formation agréée ?

I. Les 7 principaux enjeux de la formation

Situation très complexe. 4 aspects : anarchique, conflictuel, fragmenté et paradoxal. Il y a des écoles mais nous ne sommes pas obligés de passer par celles-ci pour devenir journaliste.

Enseignement distancié ou enseignement technique ?Distancié => basé sur des savoirs spécifiques, donnant des sciences pour penser le Monde.Technique => savoir-faire lié à la technologie, savoir-faire pratique basé sur le mimétisme et la répétition.Est-il possible de combiner les deux ? C’est extrêmement rare.

Faut-il un lien fort ou faible avec les employeurs ?Si oui lien fort souhaitable pour faciliter l’employabilitéSi non : est-ce que les étudiants doivent-être formés avec des exigences qui changent selon l’employeur ?

L’’Etat ne finance quasiment pas les formations pratiques au journalisme. Elles sont principalement financées par des fonds privés.Est-ce que ce financement ne risque pas d’influencer la pédagogie ? Le cout annuel de la formation d’un journaliste avec tous les équipements est de 12 000€ par an.Plusieurs sources : frais d’inscription pour les concours, taxe professionnelle des employeurs (ils doivent consacrer 5% de le chiffre d’affaire à la formation). Gros inconvénient -> accord annuel, frais de scolarité. Ecole publique = 300€ / Ecole privé = entre 5000 et 8000€ l’année. Une contrainte : 6000/7000€ est considéré comme une somme raisonnable -> prêt étudiant.Il y a peu d’alternance en France. Dans son livre, Ruffin (« les petits soldats du journalisme ») dénonce l’emprise trop grande des exigences des employeurs sur la formation au CFJ (centre de formation des journalistes) -> on essaye e faire des journalistes des petits soldats. Il dénonce une conception du journalisme trop commerciale.

Formation scolaire ou sur le tas ?Débat depuis les années 1920 qui opposait Bourdon et B. de Jouvenel, l’un défendant la nécessité de passer par une école et l’autre préférant la formation en mise en situation de travail. Opposition à relativiser en considérant l’existence des stages. Autre possibilité = jobs d’été.Forme de cooptation (piston).

20

Page 21: Socio des médias

CM Sociologie des médias

Sorte de saturation scolaire de la part de nombreux jeunes, rejet du travail intellectuel. Rejet des cours théoriques. Dans certaines grandes écoles de journalisme, les étudiants pensent que la formation est inutile.

Formation d’un journaliste généraliste ou spécialisé ?Généraliste -> traite tous les sujets / Spécialisé -> nombre limité de dossiers mais il les connait très bien.Durant leur carrière, les journalistes se spécialisent par thème ou par support (radio, TV, presse).

Malthusianisme ou ouverture de la CNPEJ et des écoles agréesPolitique malthusienne pour les écoles, qui conduit à ne former qu’environ 400/500 journalistes par an. Cela afin de favoriser l’embauche, de former une sorte d’élite qui progressera très vite dans la carrière.

Enseignement de la déontologie ou pas ?Certaines écoles essaient d’enseigner un code éthique mais elles sont très rares.Pour les étudiants, déontologie = réglages des relations avec les collègues, les supérieurs hiérarchique et le public.

L’information opposée à la communicationCritère important : séparation des filières de formation des journalistes et de communication.Tout ce qui est assimilé à la communication est considéré comme propagande et publicité -> rejeté par la CNPEJ.Séparation net entre les deux filières.

La situation actuelle est le produit social de conceptions opposées et d’intérêts divergents entre différents groupes sociaux : les gouvernements, les syndicats, les lobbys, les associations, les universitaires…Il n’y a aucun schéma ou politique cohérent.

II. Les structures de la formation spécialisée

- Diplômes agrées ou pas- Diplômes « reconnus » ou pas. Reconnus par l’Etat (pas de validation professionnelle des contenus) ou la CNPEJ.- Formation publique ou privée -> sur les 12 en France, 8 publiques et 4 privées. Principaux départements universitaires agrées qui préparent au métier de journaliste : Bordeaux III, Grenoble III, Nice, Paris III, Paris VIII, Paris X, Lille III, Lyon II, Lyon III, Rennes II, Toulouse III.- Cursus long ou court -> Tendance à allongement du cursus car les écoles de journalisme recrutent des diplômes du supérieur mais il y a également une surenchère des diplômes. Masterisation de l’ensemble universitaire en France avec des stages dès la deuxième année de licence. Difficulté importante = sélection indirecte des classes moyennes car ils sont moins bien préparé sur le plan de la motivation et de la culture générale -> moins de chance d’arriver au bout du cursus. L’ensemble des journalistes vient des classes supérieures. Les étudiants doivent trouver eux-mêmes leur stage => discrimination sociale.

21

Page 22: Socio des médias

CM Sociologie des médias

- Sans ou avec le bac -> Il y a une école de journalisme qui recrute sans le bac  à l’Anion mais pas beaucoup d’élèves. Evite la sélection sociale par le capital culturel. En 1990 le niveau moyen était bac+2,6 et en 2000 il était de bac+3.- Filière unique ou diversifiée -> Renvoi à l’existence d’une pluralité de filière dans un établissement. Dans la plupart des écoles de journalisme il n’y a qu’une seule filière mais il y a toutefois des années de spécialisation sous la forme d’une année supplémentaire. Concerne surtout les métiers qui exigent de grosses maitrises technologiques. Spécialisation JRI (journaliste reporter d’image = anciennement caméraman). Toutes les écoles préparent les étudiants à une certaine polyvalence, mais l’apprentissage des techniques liées à la presse écrite constitue le socle de départ de l’ensemble des formations au journalisme.- Formation initiale/continue/alternance -> En France il n’y a quasiment que de la formation initiale. Formation continu = pour les adultes, pour se spécialiser : la CFPJ (centre de formation et de perfectionnement des journalistes, au centre de Paris).- Frais de scolarité élevés ou bas -> Formation publique = peu chère. Pour toutes les écoles de journalisme privée = sélection par l’argent.- Paris ou province -> Ca dépend du type de média vers lequel on se dirige. Plus du tiers des emplois de journaliste sont dans la presse locale, donc intérêt de la province. Quand on vise des médias nationaux il vaut mieux être à Paris. La concentration parisienne des journalistes et par delà des élites est principalement due aux modalités de la construction de l’Etat-nation en France = constitution d’un centre politique très fort pour contrôler des territoires et des populations différentes (Cf. N.Thélias « La dynamique de l’occident »).

Il existe une « voie royale » (cursus honorum) = CFJ (Paris) et ESJ (Lille).Notion de « vivier » (ensemble de jeunes aspirant à des postes de journalistes dans lequel les employeurs piochent) -> il existe plusieurs vivier car le marché du travail du journalisme est très segmenté. Il faut à tout pris intégrer un vivier lorsqu’on sort d’une école afin de monter => notion de piston.

III. Les épreuves des concours

La plupart des concours sont très difficile. Très fermés à des diplômés étrangers. L’ensemble des épreuves contient deux phases : écrite et orale. Lettre de motivation très importante également.

Perfection linguistiquePremier élément de difficulté totalement discriminant. Il faut écrire proprement, élégamment, avec une stylistique parfaite. Très haut niveau en français -> question de crédibilité professionnelle.

Connaissance de l’actualitéSélection par QCM

Culture généraleCours de lycée en histoire-géographie, cinéma, littérature, théâtre… Matière exigée = histoire, géographie, géographie politique, institutions française.

Exercice pratiqueRéalisation d’articles de presse sur un thème. Ecrire sans document. Le degré de précision est très important, d’où l’importance de la culture générale.

22

Page 23: Socio des médias

CM Sociologie des médias

Langue vivante étrangèreConnaissance de la grammaire (questions à trous). Niveau TOEFL. Notamment langue anglaise, parfois allemande mais c’est rare. Epreuve elle aussi discriminante.

Sujet libreA l’ESJ de Lille. Il consiste à écrire un texte au sujet d’un thème très général pendant 1h30. Officiellement ce sujet fait appel à la créativité, à l’imagination, au style littéraire, mais en réalité c’est une évaluation de l’état d’esprit du candidat.A l’IJBA et à l’ESJ il y a également le film test = il consiste à écrire une critique cinématographique après la visualisation d’un film, ce qui permet d’évaluer les connaissances artistiques.Projet de papier ou de reportage = élaborer un synopsis dont le but est de convaincre qu’il faut nous payer pour nous envoyer sur le terrain : vendre. Suppose la connaissance du jargon professionnel.

Audition avec un juryTrès compliquée pour les candidats, car elle est déstabilisante. Type d’échange auquel les candidats ne s’attendent pas. Il faut être entrainé et ne pas être nerveux. Le jury va provoquer le candidat, il ne faut pas avoir peur.

Reportage d’un jourCFJ -> tirage d’un sujet à 8h du matin et on a 12h pour le reportage. Il faut être équipé : téléphone, pc, carte de la ville. Savoir gérer son temps. Retour à 20h avec des notes. Ecriture de 20h à 22h. Le lendemain audition devant un jury qui va critiquer le papier.

Tous ces types de tests ne sont pas défavorables aux candidates féminines, au contraire. Elles sont plus scolaires et plus travailleuses. Plus subtiles et plus intelligentes.Les épreuves exigent un travail de préparation intellectuelle et de pratique. Il faut maitriser un grand nombre de savoir faire journalistique. Cependant, une fois rentrés, les étudiants n’apprennent pas grand-chose car ils ont déjà tout appris en préparant les concours.

23