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Soins infirmiers et prise en charge de la douleur

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Douleurs, 2004, 5, 3

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D R O I T E T D O U L E U R

Soins infirmiers et prise en charge de la douleur

Nathalie

Lelièvre

Divers textes, recommandations rap-pellent que la prise en charge de ladouleur ne peut être efficace que parune prise en charge pluridisciplinaire.Médecins et infirmiers sont tenus enapplication de la loi et de leurs règlesprofessionnelles de prendre en consi-dération la douleur du patient.La prise en charge de la douleur est

désormais intégrée et précisée dans le décret relatif auxactes professionnels et à l’exercice de la profession d’infir-miers (décret du 11 février 2002).L’objet de cette étude est de faire le point, d’une part, surle rôle et les obligations de l’infirmier dans la prise encharge de la douleur et, d’autre part, sur les modes d’inter-vention des infirmiers pour une prise en charge de qualité.

LA PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR : UN DEVOIR POUR LES INFIRMIERS

La prise en charge de la douleur s’impose aux infirmiers,d’une part, en application de la loi du 4 mars 2002 relativeaux droits des malades et tout particulièrement du nouveaudécret de compétence du 11 février 2002. En effet, ledécret du 11 février 2002 a abrogé le précédent décret du15 mars 1993. Ce nouveau décret sert de référence légalequant à la définition même des obligations de l’infirmier.Le décret précise que tout infirmier (hospitalier et libéral) :– évalue la douleur dans le cadre de son rôle propre (arti-cle 2, 5

°

) ;– est habilité à entreprendre et à adapter les traitementsantalgiques selon des protocoles préétablis, écrits, datés etsignés par un médecin (article 7) ;– peut, sur prescription médicale, injecter des médicamentsà des fins analgésiques dans des cathéters périduraux etintra-thécaux ou placés à proximité d’un tronc ou plexusnerveux (article 8).

Évaluation de la douleur

Dans le cadre de son rôle propre l’infirmier évalue la dou-leur du patient. Préalablement à la définition de la mission

d’évaluation, il convient de préciser la notion de rôle pro-pre de l’infirmier.

Le rôle propre de l’infirmier est défini aux articles 3 à 5 dudécret du 11 février 2002.

Dans le cadre de son rôle propre, l’infirmier a l’obligation,après avoir évalué les besoins du malade et posé un dia-gnostic infirmier, de prendre l’initiative de ces soins, d’enorganiser la mise en œuvre, d’encadrer et de contrôler lesaides-soignants et auxiliaires de puériculture desquels ilspeuvent solliciter leur collaboration après s’être assuré deleur compétence du fait de leur formation.

Le décret prévoit dans son article 5 une liste limitative desituations où la surveillance relève du rôle propre de l’infir-mier.

La surveillance peut être définie comme un examen attentifde la personne afin de déceler tout signe potentiellementrévélateur d’une anomalie.

L’observation peut porter sur l’état de conscience du patient,son comportement et tous signes cliniques.

L’intérêt de cette surveillance est de déceler toute anomalieafin d’appeler le médecin si l’infirmier estime que le traite-ment ne relève pas de sa compétence ou d’agir directementpour éviter toutes conséquences dommageables pour lepatient.

C’est notamment dans le cadre des soins de surveillanceque l’infirmier intervient pour l’évaluation de la douleur.

En effet, dans le cadre de la surveillance du patient, l’infir-mier évalue la douleur du patient. Si l’infirmier constate quele traitement antalgique administré au patient n’est pas suf-fisant il en informe le médecin qui changera éventuelle-ment le traitement ou l’adaptera selon les besoins dupatient.

L’évaluation est importante car permet au médecin de jugerde l’efficacité ou non du traitement et de prendre les mesu-res en conséquences. Par ailleurs, il est important que l’éva-luation apparaisse dans le dossier médical du patient. Celad’autant plus que l’article L 1110-5 du CSP précise bien «

ladouleur doit être en toute circonstance évaluée

». La ges-tion du dossier de soins infirmier doit être tenu avec la plusgrande rigueur avec mention des heures d’évaluation, de lacotation et du suivi. L’absence de toute mention dans ledossier laisserait à penser dans l’hypothèse d’une saisie dudossier par un expert judiciaire que l’évaluation n’a pas étéfaite et pourrait en conclure à une défaillance, manquementdans la prise en charge de la douleur.

Juriste spécialisée en droit de la santé AEU droit médical,DESS droit de la santé Certificat d’aptitude à la Professiond’Avocat Membre de la commission « Éthique et Douleur »Espace Éthique Méditerranéen

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Pour une prise en charge de la douleur efficace et de qua-lité, le travail d’équipe est recommandé, notamment par larédaction de protocoles.

Prise en charge de la douleur en application de protocoles

La circulaire n

°

98/94 du 11 février 1999 relative à la miseen place de protocoles de prise en charge de la douleuraiguë par les équipes pluridisciplinaires médicales et soi-gnantes dans les établissements de santé et institutionsmédico-sociales répondait à cette attente.

Le décret de février 2002 intègre les dispositions prévuespar cette circulaire. Cette codification apporte une réponseaux difficultés présentées dans le bilan du premier Plan delutte. En effet, il a été constaté que les protocoles qui devai-ent permettre à l’infirmier de mettre en œuvre un traite-ment antalgique étaient rarement appliqués. Ces protocolessoulevaient la question de la responsabilité respective del’infirmier et du médecin. Désormais, le décret fixe lesrègles et prévoit la possibilité pour l’infirmier d’administrerun traitement antalgique selon les dispositions prévues parle protocole.

Dans le cadre de son rôle propre, l’infirmier est habilité àélaborer avec la participation de l’équipe soignante des pro-tocoles de soins infirmiers relevant de son initiative (arti-cle 3 du décret). Il est autorisé également à prodiguer dessoins en application d’un protocole écrit (article 6 dudécret). La rédaction et l’application des protocoles répon-dent à des règles strictes.

Fondement juridique de l’application des protocoles

L’infirmier est habilité à prodiguer des soins en application«

d’un protocole écrit, daté et signé par un médecin

» (arti-cle 6 du décret).

Par ailleurs, depuis le nouveau décret du 11 février 2002,l’infirmier est également «

habilité à entreprendre et àadapter les traitements antalgiques selon des protocolespréétablis, écrits, datés et signés par un médecin

» (article 7du décret).

L’intervention de l’infirmier en application d’un protocolene se limite plus aux cas d’urgences et de douleurs aiguës.On lui reconnaît un véritable rôle dans la gestion des soinset, notamment, dans la prise en charge de la douleur dupatient puisqu’il est autorisé à entreprendre et à adapter letraitement antalgique conformément aux dispositions duprotocole.

La circulaire du 30 avril 2002 relative à la mise en place duprogramme national du plan de lutte contre la douleur définiles conditions et l’importance de rédiger et appliquer desprotocoles. La circulaire définit les protocoles comme des«

outils dont doivent se doter les établissements de santédans le cadre de l’amélioration de la prise en charge de la

douleur. Ils permettent aux infirmiers d’intervenir sans

délai, de personnaliser la prescription et d’utiliser des pro-

cédures reconnues pour leur efficacité. Ils sont considérés

comme des

prescriptions anticipées ou des conduitesà tenir

».

Sur cette base, des protocoles de soins visant à une prise encharge rapide des patients peuvent être élaborées.

Cadre général de mise en place d’un protocole de soins

L’élaboration des protocoles repose essentiellement sur untravail d’équipe. La circulaire du 30 avril 2002 relative à lamise en place du programme national du plan de luttecontre la douleur rappelle à cette fin les éléments suivants :« […]

pour être effective,

leur mise en place nécessiteune réflexion d’équipe

préalable menée avec le prescrip-

teur, c’est-à-dire le médecin.

Cette réflexion suscitée etaccompagnée par le personnel d’encadrement médi-cal et paramédical de chaque service doit menerl’équipe à s’interroger sur l’intérêt d’un protocole deprise en charge de la douleur pour la personnemalade et les soignants, la responsabilité respectivedu médecin et de l’infirmier, l’organisation des soins[…] ».

LES PROTOCOLES DE SOINS DOIVENT RÉPONDRE AUX CONDITIONS SUIVANTES

Ils doivent être :

– élaborés conjointement par les personnels médicaux etinfirmiers impliqués dans leur mise en œuvre ;

– validés par l’ensemble de l’équipe médicale, par le phar-macien et par le directeur du service des soins infirmiers ;

– datés et signés par le médecin responsable et le cadre desanté du service ;

– diffusés à l’ensemble du personnel médical et paramédi-cal du service, au directeur d’établissement, au directeur duservice de soins infirmiers et au pharmacien hospitalier ;

– remis au nouveau personnel dès son arrivée ;

– accessibles en permanence dans le service :

– placés dans un classeur identifié ;

– affichés si l’organisation du service s’y prête ;

– évalués et, si nécessaire, réajustés, et, dans ce cas, redatéset signés ;

– revus obligatoirement au moins une fois par an ;

– revalidés systématiquement à chaque changement de l’undes signataires et diffusés ;

Le protocole doit annoncer explicitement qu’il peut êtremis en œuvre à l’initiative de l’infirmier et préciser les cri-tères sur lesquels l’infirmier va fonder sa décision.

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Les actions mises en œuvre par l’infirmier en applicationd’un protocole doivent toujours faire l’objet de transmis-sions écrites dans le dossier de soins infirmiers.

Les protocoles de soins infirmiers

L’infirmier est en droit de se référer à des protocoles desoins infirmiers s’ils sont actualisés, validés par des expertset approuvés par la direction des soins infirmiers de l’éta-blissement.

Mise en place des protocoles de soins infirmiers

– Les protocoles de soins infirmiers sont élaborés à partir del’identification des domaines, situations ou techniques desoins infirmiers ;– Pour la rédaction des protocoles, l’infirmier peut se référerau guide méthodologique permettant de respecter les éta-pes d’élaboration du protocole, de validation, d’évaluationet d’actualisation. Le protocole de soins infirmiers perd deson utilité s’il n’est pas régulièrement remis à jour à partirdes nouvelles techniques et du résultat des évaluations faitesde l’application du protocole ;– Les protocoles doivent être validés par les professionnelscompétents dans les domaines concernés. Ils sont approu-vés par la direction des soins infirmiers de l’établissementqui s’assure de leur diffusion, utilisation et actualisation.

Application des protocoles de soins infirmiers

Les protocoles de soins infirmiers ont un intérêt majeur pourles situations et techniques de soins infirmiers qui présen-tent une particularité telles qu’un risque, une innovationtechnique, une modification des compétences, un change-ment des pratiques etc.L’infirmier doit connaître les protocoles en vigueur dans leservice où il exerce et doit les faire connaître aux nouveauxarrivants dans le service ainsi qu’aux stagiaires.L’infirmier évalue l’efficacité du protocole et participe à samise à jour selon un rythme déterminé ou une nécessité par-ticulière.L’infirmier a l’obligation, d’une part, de mentionner dans ledossier de soins le traitement administré au patient et,d’autre part, en informer le médecin. L’application des pro-tocoles permet à l’infirmier d’intervenir dans des délais lesplus brefs pour soulager le patient mais il doit respecter lesdispositions du protocole. L’exécution de soins en dehorsdes dispositions prévues dans le protocole revient à donnerdes soins sans prescription médicale ce qui constitue unefaute professionnelle.

Traitement de la douleur

Par application des dispositions de l’article 8, l’infirmier esthabilité à injecter des médicaments à des fins analgésiquesdans des cathéters périduraux et intra-thécaux ou placés à

proximité d’un tronc ou plexus nerveux dans les conditions

suivantes : «

La mise en place du dispositif implantable

ainsi que la première injection du médicament prescrit

qui permet de déterminer les posologies optimales sont

effectuées par le médecin. Les réinjections suivantes peu-

vent être réalisées, sur prescription médicale, par un infir-

mier dans le cadre de l’article 4 du décret du 15 mars

1993. L’exécution et la surveillance du traitement sont

effectuées par l’infirmier sous la responsabilité du méde-

cin prescripteur.

« L’ablation du dispositif implantable relève de la compé-

tence exclusive du médecin en raison des risques particu-

liers que présente la réalisation de cet acte

» (circulaire du

30 mai 1997 relative à l’application du décret du 15 mars

1993. Ces dispositions restent applicables avec le nouveau

décret).

LES INFIRMIERS RÉFÉRENTS DOULEUR

Le second Plan de lutte prévoyait la création de 125 postes

d’infirmiers référents douleur dont leur mission est de :

– dispenser et retransmettre son savoir-faire par une action

transversale au niveau de la structure de soins ;

– aider à la mise en place du programme de lutte contre la

douleur de l’établissement. Il participe à l’évaluation (audit

de pratique, enquête), à la mise en œuvre de protocoles

(élaboration, mise en place, suivi), à l’information, à la for-

mation et au conseil aux professionnels de l’établissement ;

– assurer la coordination et la cohérence des actions enga-

gées avec celles mises en place dans le cadre de la politique

de soins palliatifs de l’établissement ;

– de participer à l’évolution des connaissances par des

actions de recherche.

La circulaire du 30 avril 2002 n

°

266 relative à la mise en

œuvre du programme national de lutte contre la douleur

2002-2005 dans les établissements de santé précise entre

autre que ce poste est réservé aux personnes ayant une

expérience professionnelle d’au moins quatre ans et acquis

une spécialisation dans le domaine de la prise en charge de

la douleur comme un diplôme universitaire par exemple. Le

référent du fait de ses fonctions (coordinateur, diffusion des

connaissances, recherches) doit avoir une expérience dans

le domaine de la prise en charge de la douleur.

Le second Plan poursuit les objectifs du premier plan avec

notamment cette volonté d’une prise en charge globale du

patient et surtout un travail de groupe des divers interve-

nants. La pluridisciplinarité des équipes de prise en charge

de la douleur reste le mot d’ordre et l’infirmier a un rôle

fondamental dans la prise en charge de la douleur.

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TEXTES OFFICIELS

1.

Loi du 4 mars 2002 n

°

2002-303 relative aux droits des malades et à laqualité du système de santé

2.

Décret relatif aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infir-miers n

°

2002-194 du 11 février 2002,

3.

Circulaire du 30 avril 2002 n

°

266 relative à la mise en œuvre du pro-gramme national de lutte contre la douleur 2002-2005 dans les établisse-ments de santé,

4.

Guide pour la mise en place d’un programme de lutte contre la douleurdans les établissements de santé mai-2002 ;

5.

Circulaire n

°

98/94 du 11 février 1999 relative à la mise en place de pro-tocoles de prise en charge de la douleur aiguë par les équipes pluridisci-plinaires médicales et soignantes dans les établissements de santé etinstitutions médico-sociales.

Résumé

Chaque professionnel de santé intervenant dans la chaîne de soinsest tenu en application de la loi du 4 mars 2002 et des règles pro-fessionnelles de tenir compte de la douleur des patients, de la pré-venir, de l’évaluer et la traiter. L’infirmier est un maillon essentieldans la chaîne des soins et notamment dans le suivi du traitementantalgique. Le nouveau décret de compétence précise davantageleur obligation dans la prise en charge de la douleur et notammentl’intervention en application de protocoles de soins.

Mots-clés :

infirmiers, protocoles, rôle propre, évaluation de ladouleur, infirmiers référents douleur.

Summary: Nurse’s care and pain management

All health professionals who deliver care are required to applythe regulations set out by the Law of March 4, 2002 concerningpatients’ pain. They are required not only to take the patient’spain into consideration, but also to take measures for preven-tion, evaluation, and treatment. The nurse plays a crucial role inhealthcare, particularly for the treatment of pain. The new direc-tive concerning the areas of nurses’ competence emphasize theirmandatory involvement in pain management, particularly inapplying healthcare protocols.

Key-words:

nurse, protocols, individual role, evaluation ofpain, nursing regulations.

Tirés à part : N. LELIÈVRE

e-mail : [email protected]

Le Collège National des Médecinsde la Douleur à votre service

Depuis 1987, le collège travaille à lareconnaissance de l’évaluation et dutraitement de la douleur. Interlocuteurprivilégié des pouvoir publics, il œuvre audéveloppement de cette activitétransdisciplinaire en augmentant moyenset reconnaissance de cet exercice particulier.

Votre implication dans une de cescommissions fera avancer la lutte contre ladouleur.Vous êtes les bienvenus.

– Identification officielle et dévéloppementdes structures.– Création d’un livret individuel d’auto-évaluation de formation continue desmédecins de la douleur.– Parrainage des formations validantes.– Nomenclature des réseaux douleurs.– Commissions des experts Médico-juridiques en douleur.

Contact :Président, Dr P. Giniès :[email protected] Présidente, Dr C. Delorme :[email protected]étaire général, Dr J.G. Bechier :[email protected]étaire général adjoint, Dr J. Nizard :[email protected]ésorier, Dr G. Cunin :[email protected]ésorière adjointe, Dr R. Duclos :[email protected]