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SYNTHÈSE Médecine palliative 239 N° 5 – Octobre 2004 Med Pal 2004; 3: 239-243 © Masson, Paris, 2004, Tous droits réservés Soins palliatifs et protection juridique Anne-Marie Duguet (photo), Maître de conférences des Universités, Inserm, Toulouse. Summary Palliative care and legal protection Medical cares request the consent of the patient especialy for palliative cares, and his or her will must be respected. The law of march 4th, 2002 increases the autonomy of the patient in taking the decision for medical cares: he, or she, has the right to refuse any conventional treatment. When patients become unable to discern, physicians have to protect their health and security, and if the family does not de- cide in the patient’s best interest, the physicians can ask the judge to protect the incompetent patient. This paper presents, first, the 3 levels of protection organized by the french law (“sauvegarde de justice”, “curatelle' , “tutelle”) and their consequences on the patient’s consent, and second, the duties of the physician to declare the incompetent patient to the judge with of without informing the family. Key-words: palliative cares, informed consent, legal protection, Guardianship, incompetent patient. Résumé Le consentement du patient est nécessaire pour mettre en œuvre des soins médicaux, tout particulièrement pour les soins pallia- tifs, et la volonté du sujet doit être respectée. La Loi du 4 mars 2002 a renforcé l’autonomie du patient en le faisant participer à la prise de décision concernant les soins : il a désormais le droit de refuser tout traitement conventionnel. Quand le discernement du sujet est altéré, les médecins ont le de- voir de protéger la santé et la sécurité de leurs malades, et si la famille n’agit pas dans le meilleur intérêt du patient, le médecin peut demander au juge une mesure de protection juridique. Ce travail présente d’abord les trois régimes de protection de la loi (sauvegarde de justice, tutelle et curatelle) ainsi que leurs conséquences sur le consentement du patient et enfin, les obli- gations du médecin pour déclencher la protection juridique, en informant ou non la famille. Mots clés : soins palliatifs, consentement informé, protection ju- ridique, tutelle, patient incapable. Introduction En toutes circonstances, il appartient au médecin de prendre toutes les dispositions nécessaires pour sauvegar- der la santé, la sécurité et le bien être de son patient ; en accord avec la famille ou les proches quand ce dernier ne dispose pas de toutes ses capacités de discernement. Si toutefois la famille ne paraît pas agir dans le meilleur in- térêt du patient, le médecin peut déclencher une mesure de protection judiciaire sans obligatoirement en informer la famille. Les professionnels de santé ne sont pas toujours bien informés des modalités pratiques et des conséquences de ces mesures dont nous présentons la mise en œuvre dans le cadre des soins palliatifs. Les soins palliatifs s’inscrivent dans une logique par- ticulière : ils sont prodigués sur décision médicale, quand les traitements conventionnels sont abandonnés, confor- mément à la volonté du patient ou à la décision de ses proches. Le médecin peut se trouver confronté à des choix alors que les capacités de discernement de son patient sont altérées. Dans la pratique habituelle, l’acte médical, ou de soins, repose sur la capacité à consentir de la personne qui le re- çoit. L’administration de médicaments ou les gestes invasifs dans le diagnostic ou les soins sont des atteintes à l’inté- grité corporelle, qui trouvent leur justification parce qu’ils sont réalisés pour un motif médical dans l’intérêt du patient (art 16-1 du code civil) et avec son consentement. L’objet du consentement est la manifestation de la volonté du sujet qui accepte l’acte médical ou les soins, mais le consente- ment ne peut être valide que si le sujet est juridiquement capable, disposant de toutes ses capacités intellectuelles permettant une autonomie de décision complète. Le respect de la volonté du patient a toujours été af- firmé dans la déontologie (art 36) pour un patient en état d’exprimer sa volonté, à condition qu’il soit informé des conséquences de ses choix. Le sujet a la possibilité de re- Duguet AM. Soins palliatifs et protection juridique. Med Pal 2004; 3: 239-243. Adresse pour la correspondance : INSERM, Unité 558, 37, Allées Jules Guesde, 31073 Toulouse Cedex.

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N° 5 – Octobre 2004

Med Pal 2004; 3: 239-243

© Masson, Paris, 2004, Tous droits réservés

Soins palliatifs et protection juridique

Anne-Marie Duguet (photo), Maître de conférences des Universités, Inserm, Toulouse.

Summary

Palliative care and legal protection

Medical cares request the consent of the patient especialy for palliative cares, and his or her will must be respected. The law of march 4th, 2002 increases the autonomy of the patient in taking the decision for medical cares: he, or she, has the right to refuse any conventional treatment.When patients become unable to discern, physicians have to protect their health and security, and if the family does not de-cide in the patient’s best interest, the physicians can ask the judge to protect the incompetent patient.This paper presents, first, the 3 levels of protection organized by the french law

(“sauvegarde de justice”, “curatelle' , “tutelle”)

and their consequences on the patient’s consent, and second, the duties of the physician to declare the incompetent patient to the judge with of without informing the family.

Key-words:

palliative cares, informed consent, legal protection, Guardianship, incompetent patient.

Résumé

Le consentement du patient est nécessaire pour mettre en œuvre des soins médicaux, tout particulièrement pour les soins pallia-tifs, et la volonté du sujet doit être respectée. La Loi du 4 mars 2002 a renforcé l’autonomie du patient en le faisant participer à la prise de décision concernant les soins : il a désormais le droit de refuser tout traitement conventionnel.

Quand le discernement du sujet est altéré, les médecins ont le de-voir de protéger la santé et la sécurité de leurs malades, et si la famille n’agit pas dans le meilleur intérêt du patient, le médecin peut demander au juge une mesure de protection juridique.

Ce travail présente d’abord les trois régimes de protection de la loi (sauvegarde de justice, tutelle et curatelle) ainsi que leurs conséquences sur le consentement du patient et enfin, les obli-gations du médecin pour déclencher la protection juridique, en informant ou non la famille.

Mots clés :

soins palliatifs, consentement informé, protection ju-ridique, tutelle, patient incapable.

Introduction

En toutes circonstances, il appartient au médecin deprendre toutes les dispositions nécessaires pour sauvegar-der la santé, la sécurité et le bien être de son patient ; enaccord avec la famille ou les proches quand ce dernier nedispose pas de toutes ses capacités de discernement. Sitoutefois la famille ne paraît pas agir dans le meilleur in-térêt du patient, le médecin peut déclencher une mesurede protection judiciaire sans obligatoirement en informerla famille.

Les professionnels de santé ne sont pas toujours bieninformés des modalités pratiques et des conséquences deces mesures dont nous présentons la mise en œuvre dansle cadre des soins palliatifs.

Les soins palliatifs s’inscrivent dans une logique par-ticulière : ils sont prodigués sur décision médicale, quandles traitements conventionnels sont abandonnés, confor-mément à la volonté du patient ou à la décision de ses

proches. Le médecin peut se trouver confronté à des choixalors que les capacités de discernement de son patient sontaltérées.

Dans la pratique habituelle, l’acte médical, ou de soins,repose sur la capacité à consentir de la personne qui le re-çoit. L’administration de médicaments ou les gestes invasifsdans le diagnostic ou les soins sont des atteintes à l’inté-grité corporelle, qui trouvent leur justification parce qu’ilssont réalisés pour un motif médical dans l’intérêt du patient(art 16-1 du code civil) et avec son consentement. L’objetdu consentement est la manifestation de la volonté du sujetqui accepte l’acte médical ou les soins, mais le consente-ment ne peut être valide que si le sujet est juridiquementcapable, disposant de toutes ses capacités intellectuellespermettant une autonomie de décision complète.

Le respect de la volonté du patient a toujours été af-firmé dans la déontologie (art 36) pour un patient en étatd’exprimer sa volonté, à condition qu’il soit informé desconséquences de ses choix. Le sujet a la possibilité de re-

Duguet AM. Soins palliatifs et protection juridique. Med Pal 2004; 3: 239-243. Adresse pour la correspondance :

INSERM, Unité 558, 37, Allées Jules Guesde, 31073 Toulouse Cedex.

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fuser des soins même en fin de vie. Mais, parfois, le refusde soins qui compromet la survie du sujet se heurte audevoir des médecins de respecter la vie humaine, condui-sant ce dernier à ne pas respecter la volonté du patientquand son état de santé ne lui permet plus d’exprimer savolonté, afin de lui sauver la vie.

Il ne s’agit pas d’une obligation, chaque professionnelagit en conscience ; la logique des soins palliatifs permetle respect du refus de soins jusqu’au terme ultime de la vie.

Pour la première fois, la loi

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sur le droit à l’accès auxsoins palliatifs a reconnu formellement le droit pour lesujet en fin de vie de bénéficier de soins palliatifs, et des’opposer ainsi définitivement aux actes de soins conven-tionnels (investigation ou thérapeutique).

Plus tard, la loi du 4 mars 2002 a élargi les droits despatients en faisant participer ces derniers plus directementau choix thérapeutique et par-là, au refus des soins, à toutmoment de leur vie. L’expression de la volonté est pro-longée grâce au recours à une personne de confiance,quand les capacités sont altérées.

Par cette loi, le législateur a favorisé l’autonomie dela personne qui peut désormais organiser ses choix poursa santé dès lors qu’elle est en mesure d’exprimer sa

volonté

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. Si ce n’est pas le cas, le su-jet peut être représenté dans les actesde la vie civile, il est placé juridique-ment sous un régime de protection,dont nous exposerons les modalitésplus loin. L’application de ces dispo-sitions pose dans le domaine quinous intéresse plusieurs questionspour lesquelles nous apporterons des

éléments de réponse.Qu’en est-il des personnes, non protégées, dont le dis-

cernement est altéré ou dont l’état de santé empêche l’ex-pression de la volonté ? Comment sont organisés lessoins ? Qui prend la décision thérapeutique ? Faut-il de-mander une protection juridique ?

Aspects légaux de la protection du majeur

La représentation d’un sujet majeur dans les actes de lavie civile est prévue par la loi du 3 janvier 1968, qui institueun régime de protection pour la gestion du patrimoine et desbiens. Elle s’inscrit dans le droit civil, mais c’est bien à partirde l’état de santé du sujet que la décision d’un placementsous un régime de protection est prise par le juge des tutelles.La désignation d’un représentant pour la personne est juri-diquement nécessaire si l’altération de ses facultés person-nelles le met dans l’impossibilité de pourvoir seul à ses in-térêts (art 488 du code civil).

Le législateur a organisé 3 régimes distincts en fonctiondu niveau de représentation nécessaire

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: sauvegarde de jus-tice, curatelle, tutelle.

Il convient de rappeler que ces mesures sont principale-ment destinées à la protection du patrimoine avec désigna-tion d’un représentant de la personne, tuteur ou curateur, quia pour mission de le remplacer dans la gestion de ses biens.La loi vient remplacer le dispositif précédent qui visait lesmalades mentaux dont la protection des biens était liée àleur hospitalisation dans un établissement psychiatrique

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.L’article 490 du code civil prévoit :

« Lorsque les facultés mentales sont altérées par une ma-ladie, une infirmité ou un affaiblissement dû à l’âge, il estpourvu aux intérêts de la personne par l’un des régimes deprotection prévu au chapitre suivant. Les mêmes régimes deprotection sont applicables à l’altération des facultés corpo-relles, si elle empêche l’expression de la volonté. L’altérationdes facultés mentales ou corporelles doit être médicalementétablie ».

Chaque mesure de protection est adaptée par le juge destutelles à la situation du sujet à protéger. Le juge est saisipar un membre de la famille, le signalement des services so-ciaux ou d’un établissement de soins. Il se prononce aprèsune expertise psychiatrique qui l’éclaire sur le degré d’alté-ration des capacités mentales psychiques ou corporelles. Iln’y a pas d’expertise dans la sauvegarde de justice.

Le juge choisira le degré de protection : tutelle ou cura-telle, selon l’aptitude résiduelle du sujet. Le juge prend sadécision après avoir entendu la personne à protéger.

La sauvegarde de justice

Ce n’est pas à proprement parler un régime d’incapacité[1]. Elle s’applique au majeur qui en raison de ses facultésmentales ou corporelles, doit être protégé dans les actes dela vie civile (art 491 du code civil). Elle est utilisée commemesure temporaire, jusqu’à la récupération des capacités dediscernement, ou comme mesure d’urgence. C’est une mesuretransitoire à laquelle une tutelle ou une curatelle peut fairesuite.

1. Loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soinspalliatifs JO du 10 juin 1999 art L Ier 1 C.2. Art L 1111-4 « Toute personne prend, avec le professionnel de santé etcompte tenu des informations et des préconisations qu’il lui fournit, les déci-sions concernant sa santé. »3. Loi n° 68-5 du 3 janvier 1968 (art 488 à 514 du code civil).4. Le régime actuel est indépendant de l’hospitalisation :Art L 490-1 : « Les modalités du traitement médical, notamment quant auchoix entre l’hospitalisation et les soins à domicile, sont indépendantes durégime de protection appliqué aux intérêts civils. Réciproquement, le régimeapplicable aux intérêts civils est indépendant du traitement médical. Néan-moins, les décisions par lesquelles le juge des tutelles organise la protectiondes intérêts civils sont précédées d’un avis médical ».

L’acte médical repose sur la capacité à consentir de la personne qui le reçoit..

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La mise sous sauvegarde de justice s’effectue par une dé-claration du médecin auprès du Procureur de la République.La mesure a une durée de deux mois, renouvelable par6 mois.

Les effets de la mise sous sauvegarde de justice concer-nent les actes que le sujet a pu effectuer, qui sont juridique-ment valables mais qui pourront être remis en cause en casd’excès. Dans certains cas un mandataire est désigné pourpercevoir les revenus et régler les dépenses. Il peut être choisiparmi les membres de la famille. Le mandataire ne peut ef-fectuer aucun autre acte sur le patrimoine du sujet protégé.

La curatelle

C’est une mesure souple qui s’applique quand un majeura besoin d’être conseillé ou protégé dans les actes de la viecivile (art 508 du code civil). Il existe 3 formes de curatelle :simple, spéciale et aménagée.

Si le juge choisit le régime de la curatelle simple, le ma-jeur peut agir personnellement, le rôle du curateur se limitantau conseil. En revanche, dans la curatelle spéciale, le curateurassiste totalement le majeur dans la gestion de son budget.Dans la curatelle aménagée, le majeur peut disposer d’uncompte bancaire alimenté par le curateur. Pour tous les actesdits de disposition (vente ou achat de biens immobiliers, suc-cession, divorce, etc…), les actes sont signés conjointementpar le curateur et le majeur.

C’est le juge des tutelles qui prononce l’ouverture et lafermeture de la mesure de tutelle ou de curatelle. Il peut mo-difier l’une vers l’autre en fonction de l’évolution des capa-cités des sujets. Les deux mesures peuvent faire suite à unplacement sous sauvegarde de justice.

La tutelle

C’est la mesure la plus protectrice ; elle s’applique au ma-jeur qui a besoin d’être représenté de manière continue dansles actes de la vie civile (art 492 du code civil), ce qui veutdire que le majeur sous tutelle ne peut effectuer aucun acte,il est constamment représenté par son tuteur.

Le tuteur accomplit seul les gestes conservatoires

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et desactes d’administration courante, mais pour tout ce qui en-gage le patrimoine du majeur, il doit recueillir l’autorisationdu juge ou d’un conseil de famille. Le tuteur peut être unmembre de la famille, un ami, un professionnel de l’admi-nistration des patrimoines, une association. Il est assisté d’unsubrogé tuteur. Ils sont tous deux désignés par le conseil de

famille. Le conseil de famille est un organe de la tutelle desmajeurs incapables (art 495 du code civil), présidé par le jugedes tutelles, composé de 4 ou 6 membres désignés par le jugeparmi les personnes qui s’intéressent à l’incapable : parentsalliés, amis ou voisins. Il contrôle la gestion du tuteur pourles actes les plus graves (par exemple la vente d’un immeu-ble).

La tutelle peut prendre la forme d’une administration lé-gale dévolue à un proche de l’incapable qui effectue les actesde conservation du patrimoine. Si la famille est inexistanteou inapte à l’exercice de la tutelle, le juge choisira la tutelled’État

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qui s’exerce sous le seul contrôle du juge des tutelles.Pour les patients admis dans des établissements de long

séjour, le juge peut estimer que la faiblesse du patrimoine dumajeur ne nécessite pas une tutelle complète, mais une tutelleen gérance qui sera confiée à un membre du personnel del’établissement de soins, ou à un administrateur extérieur. Legérant de tutelle exerce celle-ci sans subrogé tuteur ni conseilde famille.

Remarques

Action en nullité de l’acte

Pour un acte réalisé par une personne qui ne dispose pasde ses capacités de jugement, l’articleL 489 du code civil dispose :

« Pour faire un acte valable, il fautêtre sain d’esprit. Mais c’est à ceux quiagissent en nullité pour cette cause deprouver l’existence d’un trouble mentalau moment de l’acte. Du vivant de l’in-dividu, l’action ne peut être exercée quepar lui, son tuteur ou son curateur s’ilen a été nommé un. »

Après la mort du sujet, l’action est recevable uniquementdans les conditions suivantes : si l’acte porte en lui-même lapreuve du trouble mental, s’il a été fait alors que le sujet estplacé sous sauvegarde de justice, ou si une demande d’ouver-ture de tutelle ou de curatelle a été faite avant le décès(art 489-1 du code civil). Cette disposition montre l’impor-tance de la mise sous sauvegarde de justice de tout patientqui ne dispose pas de ses facultés de manière temporaire oudéfinitive. Le médecin pourrait se voir reprocher de ne pasl’avoir fait.

Tutelle et personne de confiance

La loi du 4 mars 2002

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a instauré une personne de con-fiance (art L 1111-6) que le patient peut désigner, pour re-cevoir à sa place les informations relatives à son état de santéquand il ne serait pas en mesure d’exprimer personnellementsa volonté. Elle est révocable à tout moment. Cette désigna-tion ne s’applique pas lorsqu’une mesure de tutelle est or-donnée. Toutefois, le juge des tutelles peut, dans cette hypo-

1. destinés à éviter, dans l’intérêt de la personne protégée, la perte d’un bien,l’extinction d’un droit. Ces actes sont effectués en vue de conserver le patri-moine.2. Elle est confiée au Préfet qui délègue au directeur des affaires sanitaires etsociales, à un notaire, ou à un délégué à la tutelle choisi sur une liste établiepar le Procureur de la République.3. Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à laqualité du système de santé.

Chaque mesurede protection est adaptée

par le juge des tutellesà la situation du sujet

à protéger.

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thèse, soit confirmer la mission de la personne de confianceantérieurement désignée, soit révoquer la désignation de

celle-ci (art L 1111-6).Si le patient est sous tutelle, l’arti-

cle L 1111-2 de la loi du 4 mars préciseque les droits des majeurs sous tutellesont exercés par le tuteur qui reçoitl’information sur l’état de santé. Tou-tefois, s’il est apte à exprimer sa vo-lonté, le consentement du majeur sous

tutelle doit être systématiquement recherché (art L 1111-4).

Actes médicaux et protection des personnes

Le législateur n’a pas prévu les conditions de représen-tation pour la protection corporelle de la personne. C’estpourquoi les représentants légaux désignés par le juge destutelles hésitent généralement à prendre des décisions rela-tives à la santé de la personne protégée par la loi. Mais ilsy sont tenus dans certaines circonstances.

Comme le majeur sous tutelle est totalement représentéet ne peut effectuer seul aucun acte de la vie civile, le codede déontologie, dans son article 42, a prévu des modalitésparticulières pour les actes qui leur sont prodigués :

« Un médecin appelé à donner des soins à un mineur ouun majeur protégé doit s’efforcer de prévenir ses parents ouson représentant légal et d’obtenir leur consentement. En casd’urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, le médecindoit donner les soins nécessaires. Si l’avis de l’intéressé peutêtre recueilli, le médecin doit en tenir compte dans toute lamesure du possible ».

Pour les recherches biomédicales, un consentement écritest nécessaire, que le majeur sous tutelle ne peut donner. Lerôle du tuteur sera, dans ces conditions, de l’assister, de lereprésenter et de consentir en son nom.

Toutefois l’avis du majeur sous tutelle sera pris en con-sidération, si celui-ci est en mesure de l’exprimer.

Faut-il demander un régime de protection pour un patient en fin de vie ?

Lorsqu’une personne non protégée est hors d’état d’ex-primer sa volonté, aucune intervention ou investigation nepeut être, sauf urgence ou impossibilité, sans que la personnede confiance, ou la famille, ou à défaut un de ses prochesait été consulté (art L 111-4, loi du 4 mars 2002). Il s’agitseulement d’une information sur les actes pratiqués, les per-

sonnes désignées par la loi étant invitées à donner un avis,mais non un consentement. Le médecin en tient compte,mais il conserve,

in fine

, la liberté de décision dans l’intérêtde son patient. Il ne doit pas céder à la pression de l’entou-rage pour suspendre les investigations et les soins si cetteinterruption lui paraît prématurée. À l’opposé, il évitera deprolonger de manière excessive certains soins et l’obstinationdéraisonnable :

« En toutes circonstances, le médecin doits’efforcer de soulager les souffrances de son malade, l’assistermoralement et éviter toute obstination déraisonnable dans lesinvestigations ou la thérapeutique »

(Art 37 du code de déon-tologie).

Pour les sujets en phase terminale, l’article 38 précise :

« Le médecin doit accompagner le mourant jusqu’à ses der-niers moments, assurer par des soins et mesures appropriésla qualité d’une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité dumalade et réconforter son entourage… »

La mise sous sauvegarde de justice : une possibilité dès que le patient perd son discernement

S’il n’appartient pas au médecin de se préoccuper desbiens de son patient, il est souvent le seul à pouvoir discernerles altérations du jugement de ce dernier et doit évaluer lesconséquences prévisibles.

Pour préserver les intérêts de son patient, le médecin peutadresser un certificat directement au juge des tutelles, ou plussimplement demander la mise sous sauvegarde de justice auProcureur de la République.

Le majeur placé sous sauvegarde de justice conservel’exercice de ses droits. Toutefois, les actes qu’il a passés, lesengagements qu’il a contractés pourront être annulés pourlésion (préjudice que subit une partie), ou réduits en cas d’ex-cès.

Les patients hospitalisés pour des soins ou admis dansdes établissements de long séjour qui ne disposent pas deleur capacité de discernement doivent faire l’objet d’une me-sure de sauvegarde de justice.

Le juge des tutelles, saisi d’une procédure de tutelle oude curatelle, peut placer la personne qu’il y a lieu de protégersous sauvegarde de justice pour la durée de l’instance, parune décision provisoire transmise au Procureur de la Répu-blique.

Le certificat médical qui accompagne ces démarchesconstitue une dérogation au secret professionnel puisqu’ilmentionne l’état de santé, alors qu’il n’est pas remis en mainspropres au patient. La rédaction du certificat respecte desconditions de forme : la description des symptômes n’est pasnécessaire, une expertise

1

sera diligentée dans ce but.Le destinataire varie selon la mesure envisagée. Pour la

sauvegarde de justice, il s’agit du Procureur de le RépubliqueLe certificat peut être rédigé ainsi :

« Je soussigné Dr… certifieavoir examiné ce jour M. ou Mm

e…

Son état

de

santé néces-site la mise sous sauvegarde de justice. Date et signature ».

1. « Le juge ne peut prononcer l’ouverture d’une tutelle que si l’altération desfacultés mentales ou corporelles du malade a été constatée par un médecinspécialisé, choisi sur une liste établie par le Procureur de la République »art 493-1 du code civil.

Le gérant de tutelle exerce celle-ci sans subrogé tuteur ni conseil de famille.

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Pour les autres mesures, le certificat est adressé au jugedes tutelles.

« Je soussigné Dr… certifie avoir examiné ce jourM. ou Mme… Son état de santé nécessite sa mise sous l’undes régimes de protection prévus par la loi du 3 janvier 1968.Date et signature ».

Par précaution, les certificats ne doivent pas être remisà la famille, mais adressés directement aux magistrats con-cernés.

Conclusion

Le médecin reste le protecteur de la personne qu’il soi-gne et qu’il accompagne jusqu’à la fin de sa vie. Dès que

le discernement s’altère, la mise sous sauvegarde de jus-tice constitue une garantie pour les patients admis dansles établissements de soins. Pour les sujets traités à domi-cile, il peut s’agir d’une précaution si l’entourage sembledéfaillant.

Le médecin qui veut aider son patient a un rôle pré-pondérant dans le déclenchement de cette procédure. Lesautres mesures de protection seront mises en œuvre, se-condairement, avec l’accord de la famille.

Références

1. Burgkam V. La protection des incapables majeurs. DroitDéontologie et Soins 2001 ; 1 : 249.