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Résumés et extraits des conférences organisées par la Soka Gakkai France en 2001 Au 21 e siècle, cultivons la paix Soka Gakkai France ACTIVITÉS 2001

Soka Gakkai Au 21 esiècle, 2001 ACTIVITÉS cultivons la paixHistorienne d’art, veuve de René Huyghe de l’Académie française 27 avril 2001 13 Réinventer la solidarité MARC

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Résumés et extraits des conférences organisées par la Soka Gakkai France en 2001

Au 21e siècle, cultivons la paix

Soka GakkaiFrance

ACTIVITÉS

2001

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AU 21E SIECLE, CULTIVONS LA PAIX[ CONFÉRENCES ]

04 La poussée démographique et ses conséquences ANDRÉ PARINAUD

Historien, critique d’art, journaliste, philosophe,auteur d’une vingtaine d’ouvrages, disciple du philosophe Gaston Bachelard23 février 2001

06 La pyramide de la violenceDR ABRAHAM BÉHAR

Co-président de l’Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire (IPPNW)23 mars 2001

09 Le rôle de la femme occidentale au 21e siècle MME LYDIE HUYGHE, Historienne d’art, veuve de René Huyghe de l’Académie française27 avril 2001

13 Réinventer la solidaritéMARC LEBAILLY

Anthropologue, psychanalyste, licencié ès lettres et fondateur des principes de l’anthropologie entrepreneuriale et de la transformation culturelle18 mai 2001

16 Les systèmes de représentations et de valeurs dans la recherche sociologiqueet psychosociologique JACQUES JENNY

Sociologue, ancien chercheur du CNRS22 juin 2001

18 La mémoire, pourquoi?SAM BRAUN

Fondateur de l’association “Cercle mémoire et vigilance”28 septembre 2001

21 La paix : jaillissement individuel, estuaire socialIMAM LARBI KECHAT

Sociologue, recteur de la mosquée Adda’wa (Paris 19e) 26 octobre 2001

25 Les nouveaux facteurs de paix TABRIZI BENSALAH

Professeur de droit international à l’université de Versailles. Doyen honoraire de la Faculté de droit et des sciences politiques de Versailles 30 novembre 2001

28 La route de la soie et la diffusion des religions ÉDITH ET FRANÇOIS-BERNARD HUYGHE

Chercheurs en science de l’information et de la communication22 février 2002

D’UNE VOLONTÉ DE PAIXVERS UNE CULTURE DE PAIX[ COLLOQUE ]

31 Démocratie, religion et création de valeursPIERRE FONTAINE, ancien magistrat

Les obstacles à une culture de paixCHARLES ROJZMAN, thérapeute social

La peur de l’islam et ses enseignementsJEAN-LOUIS TRIAUD, professeur des universités

La violence internationaleMICHEL DHALLEINE, ancien officier Casque bleu 8 juillet 2001

DIALOGUES INTERRELIGIEUX

24 Des rencontres entreprises par la SGI avec différentes traditions religieuses dans le monde.

INITIATIVES DE LA SOKA GAKKAI FRANCE

37 Des actions menées de 2000 à 2002 par les adhérents de la SGF dans les domaines de la culture, de la non-violence, de la solidarité, ou de l’environnement .

CHARTE DE LA SOKA GAKKAI INTERNATIONALE

42 La SGI s’est dotée d’une charte pour éclairer son action internationale. Chaque association affiliée à la SGI dans le monde a également adoptée cette charte.

Sommaire

Réalisé par la Soka Gakkai France, octobre 2002. www.sokagakkai-france.asso.frTous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés pour tout pays.

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3Au 21e siècle cultivons la paix

D ans le cadre du soutien au Manifeste 2000 de l’Unescoet de la décennie des Nations unies “Pour une culture

de la paix et de la non-violence au profit des enfants dumonde”, l’association bouddhiste Soka Gakkai France(page 37) a organisé un cycle de conférences intitulé : “Au21e siècle, cultivons la paix”(page 4). Ces conférences se sont déroulées durant l’année 2001 aucentre culturel de la SGF de Paris, boulevard des Capucines.Elles ont accueilli des adhérents de la SGF, leurs amis et rela-

tions. Le Manifeste 2000 y était présenté en introduction etproposé à la signature du public après chaque conférence. C’est également en 2001 que la SGF a organisé un premiercolloque sur le thème de la culture de paix (page 28).Vous trouverez dans ces pages les résumés et extraits de cesmanifestations, tels qu’ils sont parus dans le mensuel de laSGF, Troisième Civilisation.La SGF fait partie de la Soka Gakkai internationale dont lacharte en définit les buts et les engagements (page 40). ≈

Parce que l’an 2000 doit être unnouveau départ, l’occasion detransformer – ensemble – la

culture de la guerre et de la violenceen une culture de la paix et de la non-violence. Parce que pareille transformationexige la participation de chacune etde chacun, et doit offrir aux jeunes etaux générations futures des valeursqui les aident à façonner un mondeplus juste, plus solidaire, plus libre,digne et harmonieux et plus prospèrepour tous.Parce que la culture de la paix rendpossible le développement durable,la protection de l’environnement etl’épanouissement de chacun. Parceque je suis conscient de ma part de res-ponsabilité face à l’avenir de l’huma-nité, et en particulier des enfantsd’aujourd’hui et de demain.

Je prends l’engagement dans ma viequotidienne, ma famille, mon travail,ma communauté, mon pays et marégion de: [ Respecter toutes les vies ]¬ respecter la vie et la dignité dechaque être humain sans discrimi-nation ni préjugés ;[ Rejeter la violence ]¬ pratiquer la non-violence active,en rejetant la violence sous toutesses formes: physique, sexuelle, psy-chologique, économique et sociale,en particulier envers les plus dému-nis et les plus vulnérables tels lesenfants et les adolescents ;[ Libérer ma générosité ]¬ partager mon temps et mes res-sources matérielles en cultivant lagénérosité, afin de mettre fin àl’exclusion, à l’injustice et à l’oppres-sion politique et économique ;

[ Écouter pour se comprendre ]¬ défendre la liberté d’expression et la diversité culturelle en privilé-giant toujours l’écoute et le dialoguesans céder au fanatisme, à la médi-sance et au rejet d’autrui ;[ Préserver la planète ]¬ promouvoir une consommationresponsable et un mode de dévelop-pement qui tiennent compte del’importance de toutes les formes devie et préservent l’équilibre des res-sources naturelles de la planète ;[ Réinventer la solidarité ]¬ contribuer au développement dema communauté, avec la pleine par-ticipation des femmes et dans le res-pect des principes démocratiques,afin de créer, ensemble, de nouvellesformes de solidarité.

L’Assemblée générale des Nations unies a procla-mé l’an 2000 Année internationale de la culturede la paix, l’UNESCO étant chargé d'en assurerla coordination.Le Manifeste 2000, rédigé par un groupe de PrixNobel de la paix, traduit les résolutions des

Nations unies dans un langage quotidien afinde les rendre accessibles au plus grand nombre.Le Manifeste 2000 n’est ni un appel ni unepétition s’adressant à des instances supérieuresmais une prise de responsabilité qui commenceau niveau de l’individu.

➜ Pour signer le Manifeste 2000 sur Internet, tapez http://www3.unesco.org/manifesto2000/

Manifeste 2000 pour une culture de la paix et de la non-violence

Avant-propos

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Au 21e siècle, cultivons la paix4

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ces évidences est qu’au 21esiècle “rien nesera plus vrai de nos convictions”. La deuxième est que “nous nous révélonsincapables de franchir les handicaps desconditionnements qui nous ont engendrés,aucune des leçons de l’histoire ne nous ainspirés”.La troisième évidence lui est suggérée parle fait que “nous pénétrons dans le domai-ne des exigences impérieuses de la dimen-sion planétaire”: “nos codes existentiels etnotre normalité”ne sont-ils pas à remettreen cause ? Quatrième des évidences relevées, celleliée au fait que nous agissons comme “dia-boliquement conditionnés par le mépris del’homme et une volonté d’autodestruction”. La poussée démographique est entréedans une phase dynamique “exponentiel-le et un ensemble de nouvelles forces se sub-stitue peu à peu aux formes officielles deslois qu’on pourrait qualifier d’humanistes-administratives mais quiont été façonnéespar les événements et les castes”. C’est lacinquième évidence. La sixième vient de la constatation des cinqautres, “c’est l’affrontement entre tous lescodes hérités des siècles précédents et quis’affrontent dans une exacerbation pas-sionnelle, comme pour tenter une dernièrechance de survie”. Lorsqu’une société manifeste mépris ethumiliation vis-à-vis de l’être humain, elle

déstabilise le mythe qui l’a fait naître, elleremet en cause la base de son propre code.Nier l’homme pour sa religion, sa race...c’est se nier soi-même. Mais, bien souvent,l’homme a créé l’unité en négativant lesvaleurs de son adversaire.

Les leçons de la crise actuelle

À l’entrée du troisième millénaire, la ligned’horizon comporte quelques nuagesmajeurs, saurons-nous les écarter ?Prenons par exemple, la notion de pro-priété, de capital, que va-t-elle devenirquand nous serons dix milliards d’habi-tants ? Et l’alimentation, que va-t-il sepasser avec les aliments biochimiques :on va supprimer dans le subconscient cequ’il appelle le “meurtre du coup de four-chette”. Comment va réagir le subcons-cient ? C’est par l’odeur, le goût, par lessens que l’on nous fait oublier que noussommes des meurtriers. Autre question,que feront les hommes quand ils ne ferontrien ? C’est là qu’entre en lice la nécessi-té d’un nouveau conditionnement. L’écolepour la société ou le contraire ? Un recy-clage permanent ? Bientôt chacun aurason ordinateur parlant, quel rôle jouera-t-il : confident, ange gardien? Ce que voudrait André Parinaud, c’est atti-rer l’attention des politiques sur la notionde long terme. Il est nécessaire de penseravec des échéances à cinquante ans et non

Résumé de la conférence de M. André Parinaud

M. Parinaud a commencé parexpliquer qu’il avait “ras-

semblé des faits divers pendant trente ans”et que cela l’avait amené à voir “les contra-dictions fondamentales de notre époque”:Nous sommes actuellement environ sixmilliards d’habitants sur Terre. Noussommes devenus des citoyens planétaires.Cependant, la consommation de certainspays contraste toujours avec la misère desautres et les États refusent le droit d’ingé-rence. L’arbitraire de la souveraineté desnations demeure.Nous étions un milliard et demi il y a centans et nous avions mis trois millionsd’années pour y arriver. Et, en cent ans,nous nous sommes multipliés de façonincroyable ! La poussée démographiqueest une force vitale impérieuse sans laquel-le aucune invention n’aurait été possible.Par exemple, Platon en connaissait peut-être autant qu’Einstein mais il n’y avait pascet appel de la démographie, cela restaitun jeu, il n’y avait pas d’élan.

Les six évidences de la honte

André Parinaud a ensuite repris ce qu’ilappelle “les six évidences de la honte” dontil parle dans son livre La Dénonciation(p. 15 à 19). Quand on compare les pro-grès de la science depuis les années 1900avec la sauvagerie des guerres actuelles,la misère dans le monde... la première de

Dans le cadre du soutien au Manifeste 2000 de l’Unesco

et de la décennie des Nations unies “Pour une culture de

la non-violence et de la paix au profit des enfants

du monde”, La Soka Gakkai-France a mis sur pied une série

de conférences sur le thème général “Au 21e siècle,

cultivons la paix”.

Pour la première de ces conférences, le vendredi 23 février

2001, au Centre culturel de Paris-Opéra de la SGF,

M. Parinaud, journaliste, historien et critique d’art, nous

a parlé de la poussée démographique et ses conséquences.

LA POUSSÉE DÉMOGRAPHIQUEET SES CONSÉQUENCES

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5Au 21e siècle cultivons la paix

plus à dix ans. Se contenter de penser à dixans devient criminel. Il cite deux exemples: les indulgences vendues par l’Église, etle Prix Nobel créé par l’inventeur de ladynamite dont l’argent (à partir des inté-rêts duquel est donné le prix) est placé surdes inventions qui servent à des fins mili-taires avec pour directive de “ne pas chan-ger cet investissement tant qu’il rapporte17 %”. Ce qui revient à pratiquer le malpour défendre le bien. André Parinaudinsiste sur le fait qu’il devient nécessairede rompre avec le passé et de reconsidé-rer la mémoire de l’homme.

Les 26 civilisations de Toynbee

Dans son livre L’Histoire, un essai d’inter-prétation (Éd. NRF), Arnold J. Toynbeeénumère 26 civilisations : “Seize sontmortes et ensevelies. Les dix survivantes serésument à notre société occidentale, aucorps principal de la chrétienté orthodoxeen Proche-Orient, à son rejeton en Russie,à la société islamique, à l’hindoue et aucorps principal de la société d’Extrême-Orient en Chine, à son rejeton au Japon,enfin aux trois civilisations immobilisées,dont des Polynésiens, des Esquimaux et desnomades.” (cité par A. Parinaud dans lanote 1, p. 19 de La Dénonciation). En lesétudiant, en étudiant leurs échecs, nousdit André Parinaud, on s’est aperçu qu’ellesavaient survécu tant qu’il y avait des genscapables de métamorphoses. Les cent ans que nous venons de vivre,explique-t-il, sont uniques au monde,aucune société n’a vécu cela avant. À uncertain degré d’expansion démogra-phique, il y a des connections psychiquesqui s’établissent, des équations à 6, 20, 30inconnues… Plus rien n’est “vrai” et toutdevient possible. On ne peut plus accep-ter les codes comme sacralisés, la vie estorientée par une force qui crée. L’énergieva vers l’entropie mais la vie va dans l’autresens. Cependant, l’esprit ne réagit pascomme la vie , parfois même, il se retour-ne contre la vie et refuse la métamorpho-se et les sociétés meurent de mauvaisescroyances.

La nécessité d’une métamorphose

La Révolution française de 1789, c’estde l’artisanat à côté de la révolution quel’on a à accomplir maintenant. PourA. Parinaud, le hasard est “hautementimprobable” : chacun des éléments del’univers constitue une force qui chercheà s’associer aux autres, il n’y a donc pas dehasard. La planète aura bientôt dix mil-

chômage, il expliqua que chaque périodede changement amène une crise. Il fautaccepter les crises, ce sont des passages.La poussée démographique du 20e sièclen’était pas prévue. Il n’y a pas si long-temps, on mourait à 35 ans ! Maintenant,on se multiplie dans la durée et dans lenombre. Mais, rien n’arrive qui ne répon-de à un appel. Galilée a été menacé dubûcher, aujourd’hui, c’est différent parcequ’on a élargi nos connaissances. Avantles croisades, les forgerons n’avaient pasle droit de faire autre chose que des épéeset autres armes pour leur seigneur. Si onles prenait à essayer de faire autre chose,ils avaient les mains coupées. Puis les sei-gneurs sont partis en croisade. Les bour-geois ont pris les choses en mains, des socsde charrue en fer sont apparus, le mondeagricole a été transformé et, à partir de là,a commencé notre chance.¬ À quelqu’un qui lui demandait quelconseil il donnerait pour développer laforce de métamorphose, André Parinauda commencé par donner son expérience àpropos du tabac. Pour lui, le tabac étaitune sorte de dopage, la fumée créait unécran ouaté et le geste de la main s’appa-rentait au théâtre. En lui demandantd’arrêter de fumer, sa femme lui a imposéune ascèse et, dit-il, “j’ai dû accomplir unemétamorphose”. L’ascèse, c’est-à-dire“faire autre chose que ce que l’on fait”, per-met de découvrir cette capacité de méta-morphose. ¬ À une dernière question sur “la pousséedémographique comme moteur de l’his-toire?”, André Parinaud a tout de suite pré-cisé: Ne réduisons pas l’adéquation mêmesi des phénomènes de l’histoire ne s’expli-quent que par la démographie. La raisonne viendra pas de l’analyse mais des faits.Par exemple, les invasions (provoquéespar une poussée démographique) amè-nent des échanges entre des sociétés quine se connaissent pas et donnent nais-sance à une société nouvelle, etc. ≈

Rédigé par un groupe dePrix Nobel de la paix,

le Manifeste 2000 chercheà obtenir l’engagementpersonnel de citoyens dumonde entier à souscrireaux valeurs de paix, de tolérance, de partage etde solidarité qui inspirent

la culture de paix et à les traduire dans la réalitéet au quotidien. Ce manifeste a été rendupublic à Paris le 4 mars 1999et a été proposé à la signaturedu grand publicà travers le monde (par de nombreuses ONG dont

la Soka Gakkaiinternationale)avec pour objectif cent millions de signatures. Le 23 mars 2001, environ74millions de signaturesont été recueillies (voir le texte du Manifesteen page 3).

Le Manifeste 2000

liards d’habitants. On dit que le cerveauhumain est composé de dix milliards deneurones : la Terre sera “un cerveau” com-posé de dix milliards de cerveaux, compo-sés de dix milliards de neurones. On nepeut pas imaginer ce que la connection deces cerveaux peut produire, nous devien-drons forcément différents. L’humanité a une capacité de métamor-phose incroyable, conclut André Parinaud.Peut-être verrons-nous le développementd’une intelligence lucide qui n’a pas enco-re de code, peut-être que le rôle de l’ima-ginaire se développera à partir de la nou-velle connaissance, peut-être que lapoussée démographique nous amènera àprendre conscience de notre dimensioncosmique, du fait que nous avons descomptes à rendre à l’Univers.

QUESTIONS-RÉPONSESPuis André Parinaud répondit à plusieursquestions du public. Par exemple : ¬ À une question sur l’augmentation dela population et ses conséquences sur le

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Au 21e siècle, cultivons la paix6

strate, socle de cette pyramide. La deuxiè-me de ces strates est constituée par lesconflits ethniques, dont le nombre n’acessé de croître de manière spectaculaireau cours de ces dernières années. Il fautnoter, par ailleurs, que la violence eth-nique s’exprime également dans les paysapparemment calmes sous forme de racis-me, d’exclusion, de xénophobie et d’into-lérance.Le terrorisme est le troisième niveau de lapyramide. Dès qu’un groupe se persuaded’avoir raison et estime devoir faire unusage légitime de la violence, alors le ter-rorisme survient. Cependant en Algériepour résister pacifiquement au terroris-me, les femmes, surtout, ont continué àenvoyer leurs enfants à l’école publique etla majorité de la population a décidé dereprendre massivement le chemin desplages, en dépit des menaces terroristes.Au quatrième étage de la pyramide, ontrouve les guerres civiles, puis les guerresrégionales.Enfin, au cinquième niveau, les puissancesnucléaires peuvent être impliquées dansdes conflits régionaux où elles peuventrecourir à l’arme nucléaire.Il est essentiel de prendre en compte tousces niveaux de violence, liés entre eux.

L’arme nucléaire

Même lorsqu’elle n’est pas utilisée, l’armenucléaire est dangereuse et peut consti-tuer une forme de violence active.C’est ce qui s’est passé dans une régionrusse de l’Oural où les suites d’un accident

nucléaire ont été plus graves que celles deTchernobyl car les fuites nucléaires se sontdirectement infiltrées dans les coursd’eaux et les rivières. Trois millions de sur-vivants sont victimes au quotidien d’exclu-sion et font l’objet de violence sociale.Toute personne non originaire de cetterégion refuse de se marier à l’un d’entreeux et on leur refuse même le droit d’allers’installer ailleurs. Ce sont des pestiférés,à l’image de ceux d’Hiroshima dont l’exclu-sion frappe les descendants jusqu’à la3e génération. Chaque catastrophe atomique provoquece même phénomène d’exclusion socia-le et de longue durée qu’on a largementobservé à Hiroshima, Nagasaki etTchernobyl.

Les enfants soldats

Les enfants soldats sont des enfants volésà leur famille et totalement manipulés pouren faire des tueurs capables de tuer jusqu’àleurs propres parents. Cette déshumani-sation en fait des machines à tuer efficaces.Ce phénomène a vu le jour dans la régiondes Grands Lacs en Afrique, puis a gagnél’Amérique latine et l’Asie.Les Américains ont encouragé l’embriga-dement de ces hordes d’enfants tueurs pourpréserver la vie de leurs propres soldats. Leproblème c’est que lorsque survient la paix,on ne sait plus quoi faire de ces enfants,devenus incontrôlables. Ainsi, au Congoles troupes de Laurent-Désiré Kabilaétaient constituées de beaucoup de cesenfants soldats.

P ourquoi des médecins se sont-ilsconstitués en association pour

lutter contre la violence ?L’IPPNW s’est créée pour prévenir les risquesd’une guerre nucléaire, au moment de laguerre froide. En effet, l’année de cette créa-tion, le monde a connu cinq alertes rouges,alertes au cours desquelles le lancement del’arme nucléaire fut stoppé in extremis parles présidents russe et américain.Un cardiologue soviétique et un de sesconfrères américains eurent l’idée defonder cette association et d’attirerl’attention des hommes politiques sur lepéril que fait courir l’arme nucléaire àl’ensemble de l’humanité. Le premier président convaincu futGorbatchev, suivi rapidement de Reagan.Avec la perestroïka, les relations Est-Ouestont été boulersées par le fait que lesÉtats-Unis n’ont plus considéré lesSoviétiques comme de potentiels enne-mis. Pour les Américains, la menace vientdésormais des États qu’ils ont qualifiés de“voyous”, la Corée du Nord, la Lybie, l’Iraq,etc. Maintenir un dispositif nucléaire sejustifie désormais par la menace que fontpeser ces États “voyous” sur leur sécurité.

Les différentes strates

de la violence

L’association des médecins IPPNW s’estattelée à la lutte contre la violence sousl’angle de la santé publique. La violence est graduelle et constitue unepyramide constituée de plusieurs strates:La violence sociale constitue la première

Le vendredi 23 mars 2001, au Centre culturel de Paris-Opéra

de la SGF, M. Béhar, co-président de l’Association

internationale des médecins pour la prévention de la guerre

nucléaire (IPPNW) a évoqué son action face à toutes

les formes de violence.

Cette conférences est la deuxième du cycle “Au 21e siècle,

cultivons la paix” organisé par la Soka Gakkai-France

pour soutenir le Manifeste 2000 de l’Unesco et la décennie

des Nations unies “Pour une culture de la non-violence

et de la paix au profit des enfants du monde”.

LA PYRAMIDE DE LA VIOLENCERésumé de la conférence de M. Abraham Béhar

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7Au 21e siècle cultivons la paix

Le rôle des médecins

Sans réunir de compétences poli-tiques et sociales, les médecins peu-vent cependant proposer des actionspréventives et curatives.Dans les conflits modernes 80% despertes humaines sont constituées parles civils, contre 15 % en 1914-18,chiffre qui avait pourtant horrifié àl’époque. Deux types d’actions sont possibles :Les actions préventives :elles consistentà mener des actions d’information poursensibiliser aux effets secondaires indési-rables et/ou humainement indéfendablespour les utilisateurs d’armes, d’une part ;et à dénoncer les violences institution-nelles, d’autre part. L’IPPNW a, à ce titre, lancé deux types decampagnes d’information, la premièrecontre les mines antipersonnel et la secon-de contre les armes légères.L’expérience montre que les mines anti-personnel frappent surtout les enfants, lespaysans et les civils. Les soldats, n’endéplaise aux Russes et aux Américains,sont peu touchés.La solution que préconisent les médecinsde l’IPPNW est la destruction des stocks.Aujourd’hui 40 pays dont la France ontaccepté, mais la Russie n’a toujours pasapprouvé ce principe.Les armes légères, quant à elles, sont unfléau. Elles sont en vente libre et prolifè-rent comme les épidémies. Le problème de la détention d’armeslégères touche également la France, plusparticulièrement la population des poli-ciers qui connait un taux de suicide élevéen comparaison avec le reste de la popu-lation.L’autre forme de violence que l’associa-tion tente d’endiguer est celle perpétréepar les institutions étatiques, qui usent deleur pouvoir contre ceux qu’elles devraientprotéger. Ainsi par exemple au Maroc, ona constaté que les populations pauvrespréfèrent mourir chez elles, au lieu de serendre dans des hôpitaux où la corruptionconduit à n’accorder de traitement et desoins corrects qu’aux personnes aisées.Les actions curatives:elles s’exercent parla formation et parfois le soutien logistiqueaux bénévoles s’occupant du traitementde la violence.La prise en charge psychologique des vic-times de violences entre dans ce cadre.En France dès qu’il y a un accident, ferro-viaire ou autre, tout le monde trouve nor-mal que les victimes, même non blessées

Il convient donc d’avoir une actionmodeste de proximité pour réussir.¬ Que peut faire l’école pour luttercontre la violence ? Des enfants d’Inde se sont donnés lemodeste objectif d’avoir une écolepropre et ont fait connaître leur initia-

tive par Internet, ce qui a fait naîtrela même envie chez des écoliers

canadiens.En France, à Marseille, à la suite de gravesactes de violence dans une école (se sol-dant par un mort), on a identifié les enfantsviolents, puis un médecin a expliqué auxdivers acteurs impliqués dans le traitementde cette violence, que les enfants victimesde violences ont deux sortes de réactionspossibles :- le repli sur soi et la mort qui peut être oud’ordre social ou physique,- la reproduction de la violence qui leurpermet de survivre.C’est pour cette raison qu’il est inutile derenvoyer un enfant dans sa famille si celle-ci ne lui témoigne aucune affection. Lacarence affective est le principal mal.Il n’y a pas de solution éducative isolée dureste de l’environnement de l’enfant.¬ N’y a-t-il pas un manque de médecinsscolaires?On pourrait penser que les médecins sco-laires devraient dépasser leur rôle actuelen s’impliquant davantage dans la péda-gogie. Cependant l’expérience a prouvéqu’il valait mieux s’adresser aux ensei-gnants qui se sentent concernés pour lesformer à la lutte contre cette violence.En fait, le problème des enfants violents estcelui de la reproduction de la violence. Lapreuve est donnée sur le plan statistique:en général les enfants battus reproduisentle même schéma en tant qu’adultes, car ilscroient que la violence résout tout, et sou-vent les enfants violés deviennent égale-ment des parents violeurs.La difficulté est plus grande avec lesenfants soldats (âgés de 10 à 15 ans) carleurs manipulateurs ont réussi à éteindreen eux tout réflexe d’humanité.La seule référence que nous ayons en lamatière nous est donnée par les hordesd’enfants qui ont vécu dans les décombresde la dernière guerre mondiale. Mais les enfants soldats connaissent unesituation bien pire dans la mesure où ils nesubissent pas simplement une carenceaffective : dans leur cas, le canal affectifest carrément coupé. Nous ne sommes pasoptimistes en ce qui les concerne. En effetces enfants tuent sans aucun état d’âme.

physiquement, soient prises en chargepsychologiquement. Mais ce n’est pas une pratique générali-sée. Par exemple en Algérie, les victimesdu terrorisme n’ont pas droit à la recon-naissance de leur détresse psychologique.Cette méconnaissance a amené l’IPPNW àformer en France des bénévoles algériens.Ainsi, aujourd’hui une douzaine de villesalgériennes sont dotées d’équipes béné-voles permettant aux victimes d’un choctraumatique de se libérer par la parole. La première étape pour lutter contre la vio-lence est de recréer l’espoir chez les sujetsatteints. La seconde étape est de convaincre le restede la société qu’il y a une possibilité deréinsertion pour ces victimes, dans le butde restaurer le lien social entre ces victimeset leur environnement.Ce problème est important avec les enfantsdes rues (abandonnés) mais semble –hélas – presque insoluble pour les enfantssoldats.

QUESTIONS-RÉPONSESPuis Abraham Béhard répondit à plusieursquestions du public:¬ Comment des étudiants peuvent-ilscontribuer concrètement à la lutte contrela violence sociale ?Dans la faculté de médecine où je travaille,une association d’une centaine d’étudiantss’investit sur place à Paris, auprèsd’enfants dyslexiques. Au départ, leurassociation s’était focalisée sur des sujetstrès ambitieux tels que la lutte contre lesmines antipersonnel.L’association, qui s’appelle Hypocrate, aréussi à se développer dans un milieu deconcurrence exacerbée entre étudiantssoumis à un concours très sélectif.

Menacede guerre nucléaire

Guerres régionales,guerres civiles,

Terrorisme

Conflits ethniques

Violences sociales

√ La pyramide des conflits et du cycle de la violence

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Au 21e siècle, cultivons la paix8

Ils n’ont plus la moindre étincelle per-mettant de ranimer leur humanité. Leurpersonnalité semble totalement anéan-tie, comme si elle avait subi une destruc-tion “nucléaire” totale.¬ Quel pourrait être le rôle des médiaspour faire connaître cette culture depaix?Il y a un journal intitulé Non-violence quiparaît, sous l’égide de l’ONU et qui est spé-cialisé dans cette lutte.Les journalistes se sentent concernés parla violence qui touche les enfants. L’impor-tant est d’abord de sensibiliser les jour-nalistes eux-mêmes à la violence pourqu’ils prennent l’initiative de nous relayer.Par exemple, la nouvelle doctrine desarmées modernes, à savoir l’objectif despays développés “zéro mort du côté desmilitaires” quel que puisse être le prix àfaire payer aux civils ennemis, est unepolitique que les journalistes peuventdénoncer lorsqu’ils ont compris le lien quiexiste entre cette politique et la récenteapparition du phénomène des enfantssoldats.¬ Quel est concrètement le danger quereprésente l’uranium appauvri des têtesd’obus utilisés lors de la guerre du Golfeet au Kosovo ?Les médias ont dit que les particules res-taient au sol alors qu’on peut remarquer,par exemple, qu’à Paris à certaines périodesles voitures se recouvrent de la poussièredes sables du Sahara. On peut donc sedemander ce qu’il en est exactement. Ce qui est déterminant c’est le moded’exposition aux particules radioactives. Tout d’abord, le risque premier est celui del’inhalation qui va conduire à la fixationdes particules dans les bronches et lesalvéoles pulmonaires. Dans un second temps, l’oxydation de lapointe de l’obus va contaminer le sol et peuà peu atteindre la nappe phréatique.Le drame de la radioactivité vient du faitqu’elle est invisible, insaisissable et se fixede manière très hétérogène.Le Parlement européen a décrété un mora-toire qu’on espère voir complété par l’ONU.Les médias ont réagi face aux mensonges.Au début, le discours officiel était : “Cesobus ne sont pas radioactifs”, ensuite, ona reconnu leur caractère radioactif mais“inoffensif”.Notre solution pour convaincre est de dire:“Voilà nos constatations” et “Apportez-nous des faits contraires” et ça marche !Il faut savoir que les armes de destruc-tion massive comprennent aussi l’arme-

ment bactériologique et chimique. [Onregroupe sous le terme “armes NBC”celles de nature nucléaire, bactériolo-gique ou chimique. ]Les armes bactériologiques sont à doubletranchant : elles risquent de contaminertant l’agressé que l’agresseur. Le dangerprovient aussi du fait qu’en temps de guer-re, on n’a pas le temps de combattre un virusqui serait stoppé normalement en temps depaix. Par exemple en ex-Yougoslavie, lavariole s’est répandue comme une traînéede poudre.

On continue à conserver sous contrôle lessouches de la maladie du charbon qui adisparu car le bacille charbonneux peuttoujours être utilisé comme arme. Ce futle cas pendant la guerre du Golfe.Les armes chimiques sont très difficiles àcontrôler car elles sont de même natureque les herbicides et pesticides utilisésdans l’agriculture. L’IPPNW qui participeà la Commission de Contrôle préconisedonc également de couper court à l’utili-sation de ces armes en l’interdisant dansl’agriculture elle-même. ≈

L’IPPNW est une organisation non

gouvernementale (ONG)constituée de médecins etd’organisations de santé,œuvrant pour prévenirtoute forme de conflit et en particulier la guerrenucléaire. L’association areçu en 1985 le prix Nobelde la paix. Aujourd’hui,l’IPPNW regroupe 200 000médecins de 85 pays.SON BUT est d’apporterune réponse médicale au développement et à la dissémination del’arme nucléaire en accordavec l’engagement professionel du médecinqui est de protéger la vie et la santé:1. En informant à la foisles médecins, la populationet les pouvoirs publics

d’une conséquence d’uneguerre nucléaire sur la santé des populations.2. En agissant pour l’arrêtdes essais nucléaires.3. En œuvrant pour l’abolition des armesnucléaires et leur destruction controlée.4. En agissant contretoute guerre et toute armede destruction massive.5. En agissant

pour la protection de l’environnement altéré par les guerres et leurs préparations.

6. En étudiant toutes les conséquences sur la santéde la fabrication des armeset des essais nucléaires.EN FRANCE, l’Associationdes médecins français pourla prévention de la guerrenucléaire (AMFPGN), affiliée à l’IPPNW, organise depuis 15 ans des conférences, des débats,des interventions auprèsdes décideurs, et publieune revue trimestrielleMédecine et guerre nucléaire.

Adresse:

AMFPGN5, rue Las Cases75007 Paris Tél., fax: 01 43 36 77 81Site Internet:

http://perso.club-internet. fr/amfpgn/

L’Association internationale des médecinspour la prévention de la guerre nucléaire (IPPNW)

SATO

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9Au 21e siècle cultivons la paix

✔ L’antiquité

lafemme est esclave, elle estdominée par la force del’homme (cf. L’Odyssée etles poèmes homériques).Elle souffre dans son cœurpour ses enfants, pour son

mari. Dans la plupart des civilisations etprincipalement dans les civilisationsmonarchiques, les femmes n’ont pas lepouvoir, elles ne peuvent vivre que par lebon vouloir du souverain.Une exception cependant en Égypte quia un goût prononcé pour la paix. Lafemme est protégée, et ce sont des “spé-cialistes” qui font la guerre. Il n’y a pasd’esprit de conquête de la part de l’Égyp-te. Le pouvoir des femmes est considé-rable : influence tant dans le domainepersonnel que social et politique.

✔ Le christianisme

lesfemmes changent beaucoup, ellesvont devenir dans l’église primiti-

ve presque les égales des hommes. Se développe alors la vie spirituelle. Lesfemmes ont un rôle de civilisatrices très

important. L’Église le reconnaît et l’uti-lise. Aux 9e et 10e siècles, c’est l’époquedes grandes prêtresses, les femmes prê-chent dans le monde et les hommes sui-vent.

✔ Les 10e, 11e et 12e sièclesles femmes civilisent beau-coup.

✔ Le 13e siècle

c’est l’époque des Croisades.Les femmes s’éveillent

de plus en plus à leur spirituali-té (bienfait des Croisades),mais elles développent égale-ment les connaissances agri-coles et les connaissancesvenues de l’Orient, ce quiengendre des progrès impor-tants dans la vie quotidien-ne.

✔ Les 14e et 15e siècles

laFrance rayonne artistique-ment: sculptures gothiques,

cathédrales, vitraux. C’estaussi le début de la Guerrede cent ans qui est sourced’une très grande souffrancepour les femmes. Jeanne d’Arc (1412-1431)est la grande héroïne decette guerre : eneffet, simple ber-gère, elle quit-te le fin fondde sa province(Domrémy enLorraine), etse révèle à lafois diploma-

te, guerrière, et femme d’une grande spi-ritualité (elle fut canonisée en 1920).Une femme a pu apporter une nouvelleidée à ce qu’est le patriotisme : l’atta-chement à sa terre. Le Moyen Âge se ter-mine par la mort de Jeanne d’Arc.

✔ La Renaissance

comprenantqu’elle peutavoir un rôle politique en utilisant son intel-

ligence, sa beauté, sa finesse,sa diplomatie, son élégan-ce, sa douceur… l’hommecommence à se sentir unpeu mal à l’aise, il fait laguerre!

✔ Le 16e siècle

les guerres et lesrévoltes font

rage. Malgré tout, lafemme garde ancrée

en elle sa spiritualité. Dans le monde culturel,Ronsard (1524-1585)

reconnaît la supériorité dela femme.

Épouse du regretté M. Huyghe,

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~tous deux amis du président

~~~~~~~~~~~~~~~~~~de la Soka Gakkai internationale

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~Daisaku Ikeda, Mme Huyghe

~~~~~~~~~~~~~~~~~~a retracé, au cours d’un exposé,

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~l’histoire des femmes

~~~~~~~~~~~~~~de l’antiquité à nos jours.

~~~~~~~~~~~~~~~~Historienne d’art et journaliste,

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~Lydie Huyghe a su aisément

~~~~~~~~~~~~~~~~~~captiver son public, l’emmenant

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~avec elle à la découverte

~~~~~~~~~~~~~~~~de l’évolution de la femme

~~~~~~~~~~~~~~~~~à travers les siècles.

~~~~~~~~~~~~~

¬

R É S U M É D E L A C O N F É R E N C E

D E M M E LYD I E H UYG H E

AU C E NTR E C U LTU R E L D E PA R I S

LE 27 AVR I L 2 001 LA FEMME OCCIDENTALEle passage de l’esclavage à la sécurité relative

C O N F É R E N C E

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Par exemple, “L’Orpheline au cimetière”représente une adolescente, écrasée,détruite, qui regarde le ciel, ne compre-nant pas ce qui lui arrive (“Allez voir lestableaux de Delacroix au musée duLouvre”, encourage Mme Huyghe).Par le biais du milieu artistique, lesfemmes se révoltent. La première, GeorgeSand veut prouver qu’elle peut tout fairepar elle-même, elle assume tout maté-riellement, elle a une très grande capa-cité de travail.

✔ Le 19e siècle

laprincesse de Belgiojoso en Italie (néeen 1808) – surnommée “le sphinx” –

a lutté avec acharnement pour la libéra-tion de l’Italie, y consacrant toute sa vie,toute sa fortune. Elle était très aimée des romantiques fran-çais, c’était une femme d’une grandebeauté et d’une grande intelligence. En1848, c’est la libération de l’Italie.Peu à peu les femmes obtiennent lareconnaissance de leurs capacités intel-

lectuelles. La loi Falloux en1850 insti-tue l’obligation pour les communes

de plus de 800 habitants d’avoir uneécole de filles.

En 1861 : la première femmea obtenir le baccalauréat(sans l’avoir préparé dans uneécole) est Julie Daubié .En 1880 : l’enseignementsecondaire féminin est ins-titué. Les institutrices arri-vent peu à peu. Marie Curie reçoit le prixNobel de physique pour sestravaux sur la radioactivitéen 1903, et, en 1911, le prix

Nobel de chimie.

✔ Le 17e siècle

unefemme influente : Christine deSuède. Sa grande curiosité intel-

lectuelle et sa vaste culture la firent cor-respondre avec toute l’Europe savante etattirer Descartes à sa cour. À cette période de l’histoire, la femme serend compte qu’elle peut dominer, diri-ger grâce à sa séduction, son intelligen-ce, sa sensibilité. Grâce à cette force et àson goût pour la beauté, elle sent qu’ellepeut contrebalancer le goût des hommespour la guerre.

✔ Le 18e siècle

lesfemmes ont assimilé leur fémini-té. C’est vraiment le siècle de la

femme. C’est l’époque des splendides toi-lettes confectionnées avec des soiesvenues de Chine. La femme utilise sesqualités, ses capacités pour échanger sesidées (elle soutient les philosophes, lesintellectuels) et pour transformer leschoses. C’est la grande époque des salons,où les femmes diffusent des idées nou-velles. Leur rôle est alors considérable ausein de la société.Quand la Révolution française éclate, desfemmes sont engagées en première ligne(Mme Rolland, Mme de Staël).

✔ L’époque napoléonienne

Napoléonest un homme quel’on peut qualifier de

misogyne. Le Code civil de 1804 est unecatastrophe pour les femmes. Il supprimele divorce, punit l’adultère par la prison(uniquement pour les femmes !) ; l’autorité de l’époux sur sa femme estabsolue. Delacroix notam-ment peint trèsbien le drame desfemmes de cetteépoque.

C O N F É R E N C E

✔ À la fin du 19e siècle

lesfemmes ont conquis la Science.Elles imposent leur intelligence et

leur talent au monde. Mais ce n’estqu’après la Seconde Guerre mondialequ’elles obtiennent le droit de vote (1948)et la garde des enfants lors du divorce.

En conclusion, Mme Huyghe a faitremarquer que quelle que soit leur condi-tion, “femmes du peuple” ou “femmes dumonde”, dans un salon littéraire ou dansun laboratoire, toutes ces femmes ontlutté avec acharnement pour le respectet la dignité de la vie. Elles ont sensibili-sé leur entourage à la culture et à la paix.Parfois, elles ont su utiliser leurs attraitscomme un pouvoir capable d’amener leurenvironnement à l’art, aux subtilités ducœur et à leur désir de paix. Pour Lydie Huyghe, il n’y a pas de douteque l’influence des femmes au cours del’histoire sur le plan social, économiqueou politique est considérable. Ce que lafemme peut apporter de mieux à sesenfants et aux hommes, c’est la spiritua-lité. La femme développe et respecte laspiritualité, et cela conduit à la paix.≈

Au 21e siècle, cultivons la paix10

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troisième civilisation > juin 2001 11

J e suis de la génération qui a faitdes études et qui a accumulé des

diplômes. Auparavant, peu de femmesfaisaient une carrière de haut niveau. Lapremière femme à pouvoir être conser-vateur du Louvre fut Mme ChristianeDesroches-Noblecourt, archéologueréputée, d’autorité nationale, qui enco-re à son âge (environ 82 ans) continuede faire des recherches, des fouilles, desconférences et écrit des livres.

Avant cette femme extraordinaire, iln’y avait que des hommes aux postesimportants et cela dura jusqu’en 1975environ. Dans les années 1970, Mme deRomilly, grande spécialiste héllénique,a été nommée comme professeur auCollège de France.

Se présenter au Collège de France oùprofessent les élites intellectuelles mas-culines était d’une grande audace et pourcela il fallait en outre avoir un véritabletalent personnel ! En effet, les cours auCollège doivent être faits sur des sujetsqui n’ont jamais été enseignés aupara-vant, il doit y être dit des choses nou-velles et innovatrices. Ce qui n’était pasfacile concernant la Grèce, sur laquellebeaucoup de choses ont déjà été dites, etce depuis de nombreuses années.

De nos jours, le Secrétaire perpétuel del’Académie française est une femme. C’estle rôle le plus important de l’Académiepuisque le Secrétaire perpétuel s’occupe

E N T R E T I E N

le pardon, sentiments humanistesque les femmes possèdent commequalités spécifiques et qu’elles ont lacapacité de donner et de développerautour d’elles, dans leur environne-ment.

Les femmes de cette époque avaientcompris que le développement de cesforces de tendresse, de charité, de com-préhension humaine passait par unecertaine forme de religion. D’ailleurs,dans l’Antiquité, notamment en Égyp-te, le monde de la spiritualité étaitreprésenté par de nombreuses déesses.

∂À propos de la spiritualité,vous avez conclu votre conférenceen disant que “ce que peuventapporter les femmes au 21e siècle est le développement de la spiritualité (qui aboutira à la paix…)”. Pourriez-vous définir ce que vous entendez par spiritualité ?> L.H. ~ Le fond du problème est quel’on ne peut pas séparer la vie et l’évo-lution spirituelle, autrement il est diffi-cile de sortir de l’animalité.

Le rôle de la femme, qui a pour mis-sion de donner la vie, est de faire ensorte d’élever les enfants au-dessus desforces biologiques, je dirais : d’essayerde protéger cette “petite flamme” et del’emmener au-delà des valeurs simple-ment matérielles ou pratiques.

Bergson disait : “Il faut un supplé-ment d’âme !” Les femmes doivent se

de l’administration, organise, dirige lesdébats, etc.

Ainsi, les femmes se sont battues pouracquérir les titres qui reflètent leur qua-lité individuelle, pour obtenir dans lasociété des postes qui correspondent àleurs diplômes. Et, par leurs qualités spé-cifiques de femmes, elles ont ouvert desvoies nouvelles.

∂Pourriez-vous justement préciser quelles sont cesqualités ?> L.H. ~ Pour vous donner desexemples : dans l’antiquité, SaintAugustin (354-430) parlait desfemmes en disant le “siècle dévot”. Audébut du christianisme, le nombre dessaintes était au moins égal à celui desdisciples hommes qui ont diffusé cettereligion.

La Gaule a été christianisée par unefemme nommée Lydie, la “SainteLydie” de la tradition chrétienne.

Dans la Rome antique, les femmesde haut rang ont protégé (en les héber-geant chez elles par exemple) les pre-miers esclaves chrétiens, mêmes sielles n’adhéraient pas elles-mêmes àcette religion. Elles étaient dans unedisposition intérieure de “qualité phi-losophique”qui leur permettait d’encomprendre l’aspect novateur. Ellesavaient ressenti que le christianismeapportait une certaine liberté auxfemmes.

Il préconisait la charité, l’amour et

La FEMMEÀ propos de

La FEMMEet deSONRÔLE

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Peu après sa conférence (voir pages précédentes),

nous avons rencontré Mme Lydie Huyghe qui, en partant

de sa propre expérience, a parlé librement de la force spirituelle

des femmes, de leur capacité d’écoute, de leur amour…

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Au 21e siècle cultivons la paix12

battre pour cela, avec cette force spiri-tuelle qui est leur qualité, bien à elles.Elles ont la capacité de donner del’amour, d’avoir une écoute, une bien-veillance qui permet aux enfants d’êtreélevés dans un environnement dedignité et de valeurs spirituelles. Et siles enfants sont élevés dans l’amour, ilspourront eux-mêmes en donner plustard, autour d’eux.

Ces qualités sont également utilesdans d’autres domaines que l’éduca-tion et cette sensibilité, cette humanitédoivent servir pour créer un monde depaix. Pour trouver cette force spirituel-le, elles peuvent se baser sur la religion,comme vous, membres de la SokaGakkai, et si elles n’ont pas de religion,elles peuvent la trouver dans la beautéde ce qui nous entoure, dans la nature(même les couleurs influencent, dit-on,l’évolution de la pensée). En tout cas,quel que soit le moyen, il est importantde retrouver régulièrement les sourcesprofondes de la spiritualité afin d’éle-ver son âme vers le “beau”.

Dans notre vie de tous les jours, il estvital, je dirais, de nous préserver unmoment, soit de prière, soit de chantpar exemple, ou même simplement unmoment pour écouter une bellemusique, admirer des images de pure-té, un paysage magnifique… unmoment à nous, qui nous permet denous élever au-delà de la vie quotidien-ne très matérielle et de nous ressourcer.

∂Ne trouvez-vous pas dommage qu’en France il soit laissé peu de place dans les écoles à l’enseignement religieux, en tant que culture générale? Est-ce-que cela permettrait le développement de la spiritualité ?>L.H.~ Si, bien sûr, et il faut se battrepour qu’il existe une tolérance vis-à-visde toutes les religions et que leur ensei-gnement soit accessible à tout lemonde.

Moi-même, je suis protestante etdans notre famille, du côté de mamère, nous sommes protestants depuisdes générations. De nos jours, il y atrès peu d’écoles qui dispensent cettereligion et elles sont coûteuses, ce quisignifie qu’elles sont réservées à uneélite comme pour les écoles juives.Mon mari, d’origine catholique, étaitattiré plutôt vers le bouddhisme et c’estpourquoi il avait beaucoup de sympa-

thie pour le fondateur de votre mouve-ment, M. Ikeda.

∂Quel rôle la femme a-t-elle à jouer à notre époque ?> L.H. ~ La femme a cette qualitéd’avoir à cœur de protéger sa famille,ses enfants. De plus, elle seule peutcomprendre et lutter pour la dignité dela femme. Qui mieux que les femmesconnaissent les difficultés que toutesnous rencontrons pour concilier tousles aspects de notre vie (famille-carriè-re-éducation…), pour donner la vie,pour se faire respecter, pour ne pasêtre des “objets sexuels” (comme par laprostitution par exemple). Des femmescomme Mme Françoise Giroud, à quil’on doit la prolongation des congésmaternité, ou Mme Weill, qui a faitvoter la loi pour l’avortement, l’ont biencompris et, dans l’affirmation de leurféminité, elles ont su donner des droitsplus nombreux aux femmes afin queces dernières puissent protéger lesstructures de leur couple ou préserverl’éducation de leurs enfants. Mais il y aencore beaucoup de combats à menerque seules les femmes, avec leurs qua-lités humaines, peuvent réaliser.

Par exemple, elles doivent faire pres-sion sur les hommes pour protégernotre planète et assurer l’avenir desenfants, lutter contre le matérialismeambiant, faire respecter les droitshumains, la condition de la femme. Ilne faut pas croire qu’une fois certainsdroits et privilèges gagnés, ils sontacquis pour toujours. À notre époque,il y a même une regression notabledans certains domaines et dans cer-tains pays. Regardez les femmes enAfghanistan qui ont perdu tous leursdroits les plus élémentaires ! Il fautdonc non seulement ne pas se relâcher,mais aller beaucoup plus loin. Et si parchance, certaines femmes sont trèsheureuses dans leur vie, qu’elles se gar-dent alors du temps pour aider cellesqui sont malheureuses. De nos jours,certaines femmes se sentent libres ;peut-être le sont-elles, mais n’y a-t-ilpas parfois dans cette liberté une partd’égoïsme, où l’on pense d’abord etsurtout à soi?

∂Il est difficile de conciliertous les domaines de sa vie de femme, à savoir fonder une famille, mener une carrièreépanouissante, donner la

meilleure éducation à sesenfants… Qu’en pensez-vous ?>L.H.~ Effectivement, c’est très diffici-le, peut-être même encore plus à notreépoque. Il est certain qu’il faut toujourssacrifier quelque chose, à un momentdonné de son existence. Mais si c’estun choix libre et volontaire, alors on nese sent pas victime.

Sommes-nous capables ou pas dedominer notre égoïsme ? C’est unpoint important. Moi-même, j’ai dûparfois mettre ma carrière entre paren-thèses, pour élever mon enfant ou poursoutenir mon mari. Mais j’ai toujoursessayé de me tenir au courant de toutce qui se passait dans la société et degarder des liens avec mon travail. Plustard, j’ai recommencé des activitésdiverses en tant qu’historienne d’art etmalgré mon âge avancé, je continuetoujours. Je voudrais préciser que, pourmoi, la plus grande réussite de lafemme est le couple. C’est aussi uneénorme responsabilité et une magni-fique œuvre que d’assurer la continuitéde la vie et de la lignée.

La femme a en elle un juste équilibreentre la force de l’action et la force decette recherche de la beauté qui se tra-duit par l’amour et la charité.

∂En conclusion, quels conseils donneriez-vous aux femmes qui sont les protagonistes de ce 21e siècle qui, comme le nomme M. Ikeda, est le “siècle des femmes” ou “le siècle de l’humanisme” ?> L.H. ~ Je donnerais concrètementquatre points :

1) Développer son intelligence.2) Préserver sa part de spiritualité.3) Donner au maximum de l’amour

aux autres.4) Ne pas avoir peur de se regrouper

entre femmes, et unir nos forces pour pouvoir faire avancer la condition de la femme. ≈

E N T R E T I E N

LÉGENDES DES PHOTOS

❶ : d’après “Elvire assise” de Modigliani.

❷ : d’après la “Berceuse” de Gemmel

Hutchinson. ❸ : “La naissance de Vénus”

de Botticelli. ❹ : “Apollon servi par

les nymphes” de Girardon (dans le parc de

Versailles). ❺ et ➏ : Mme Lydie Huyghe.

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13Au 21e siècle cultivons la paix

Anthropologue, psychanalyste, fondateur des principes de

l’anthropologie entrepreneuriale et de la transformation cultu-

relle, directeur de recherche associé en anthropologie sociale à

l’université de Paris XII, créateur du concept de design manage-

ment en France, créateur de l’entreprise de design ABSA, co-fon-

dateur et président de l’agence Euro RSCG Design, co-fondateur

de Alternative Consulting Groupe, Marc Lebailly est l’auteur de

plusieurs ouvrages dont le dernier qui vient de paraître s’intitule

“Anthropologie entrepreneuriale” (Éd. Pensée sauvage).

Dans la suite du cycle de conférences organisée par la SGI pour soutenir l’action de l’Unesco en

faveur du Manifeste 2000, M. Marc Lebailly a donné une conférence, intitulée “Réinventer la soli-

darité” au centre culturel Paris-Opéra de la SGF.

Solidarité psychologique

La solidarité psycho-affective découled’une conception de la nature humaine quisurévaluerait nos capacités psychiques.Mais cette solidarité se fonde sur des réali-tés psychiques. Par exemple, nous sommescapables envers notre prochain de sym-pathie (souffrir avec) ou d’empathie (res-sentir la même chose que).La solidarité psychoaffective repose surce pouvoir qu’ont les êtres humains d’êtreen sympathie ou empathie à l’égard deleurs semblables. C’est là-dessus que sefonde la relation d’amour et c’est là des-sus aussi que certains grands créateursoccidentaux ont bâti leur réussite socia-le. En Occident, la théorisation et la miseen pratique de cette solidarité psycho-affective trouvent leur débouché le plusextraordinaire dans le christianisme, quiprônait de manière révolutionnaire – dumoins à ses prémisses - d’aimer son pro-chain comme soi-même.

En étudiant de plus près la phrase “Tuaimeras ton prochain comme toi-même”,chacun est encouragé à d’abord s’aimeravant d’être en mesure d’aimer les autres.La démarche peut paraître a priori trèségoïste mais l’amour de soi s’explique parle fait que nous, êtres humains, avons étécréés à l’image de Dieu. Donc si nousaimons Dieu, nous devons nous aimer éga-lement nous-même.En revanche, dans la philosophie extrê-me-orientale, que ce soit chez Lao Tseu,Confucius ou Bouddha, ce moteur amou-reux de la solidarité humaine n’existe pas.Cette forme de solidarité psychoaffectiveatteint très vite ses limites car les senti-ments sont extrêmement instables, pré-caires et éphémères. Si l’on veut fonder ungroupe sur ce moteur, cela devient très dif-ficile. Alors, pour pallier cette difficulté,deux solutions sont possibles : ou bien onse trouve des ennemis à l’extérieur et lasolidarité psychoaffective reste le ciment

Résumé de la conférence de M. Marc Lebailly

M arc Lebailly, devenu entrepre-neur “par désir de faire corres-

pondre le monde des idées avec celui del’économie”, a commencé par définir cequ’il entendait par “la solidarité”.Le concept de solidarité prend sa sourcedans le droit : héritage direct du droitromain, repris au Moyen Âge, il signifie ceque les juristes appellent “être in solidum”,c’est-à-dire “un qui représente le tout etqui est responsable du tout”.Pour M. Lebailly, en dépit d’un environne-ment dominé par la recherche de l’accu-mulation du capital et du profit, par celle dela force et de l’individualismeforcené, parl’apologie directe ou indirecte de la vio-lence, le premier constat à faire est larésurgence d’aspirations fortes, huma-nistes et morales, fondées sur une concep-tion optimiste de la nature humaineou surune conception utopique des organisa-tions humaines.À la réflexion, ce spécialiste a identifié troisgrandes voies autour desquelles la soli-darité entre humains a pu s’organiser :¬ une voie affectivo-psychologique et humaniste,¬ une conception juridique,¬ une conception économique.À noter, toujours selon les termes de MarcLebailly, que ces trois voies, sur lesquelleson s’essaie effectivement à construire dela solidarité jusqu’à présent, constituentdes impasses. Mais quel est le sens de ces trois formes desolidarité ?

RÉINVENTER LA SOLIDARITÉ

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Rédigé par un groupe dePrix Nobel de la paix,

le Manifeste 2000 chercheà obtenir l’engagementpersonnel de citoyens dumonde entier à souscrireaux valeurs de paix, de tolérance, de partage etde solidarité qui inspirent

la culture de paix et à les traduire dans la réalitéet au quotidien. Ce manifeste a été rendupublic à Paris le 4 mars 1999et a été proposé à la signaturedu grand publicà travers le monde (par de nombreuses ONG dont

la Soka Gakkaiinternationale)avec pour objectif cent millions de signatures. Le 23 mars 2001, environ74millions de signaturesont été recueillies (voir le texte du Manifesteen page 3).

Le Manifeste 2000

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Au 21e siècle cultivons la paix14

du groupe, ou bien créer des hiérarchiesextrêmement fortes et dirigistes. C’estalors la fonction de la hiérarchie que demaintenir ces relations d’empathie et desympathie. Mais on se retrouve en pleinecontradiction : la solidarité disparaît auprofit de la hiérarchie. C’est ce qu’a faitl’Église, au travers des deux théologiensque furent Paul et Jacques.Pour conclure, les inconvénients dans cetype de solidarité sont plus importants queles avantages. Par exemple, en termes psy-chologiques, on sait depuis la naissancede la psychanalyse que les relationsd’amour sont ambivalentes. Ce sont desrelations qui font tenir ensemble de lahaine et de l’affection. Et bâtir une soli-darité sur ces sentiments est relativementprécaire.D’un point de vue anthropologique, lasomme des êtres psychiques, des subjec-tivités que noussommes, n’a jamais donnéun groupe. Au fond, on peut dire quel’affection, l’empathie, la sympathie sontdes symptômes révélateurs de notre inca-pacité à mettre sur pied une organisationsociale pérenne.

Une solidarité imposée

La solidarité juridique : la solidarité vuepar le droit, avant que naisse le droit dessociétés commerciales, est une manièrede créer, dès le Moyen Âge, un être socialdifférent des participants d’un contrat.Cela veut dire que l’on essaie de passer del’idée de l’addition des individualités etde leurs intérêts (un + un + un…) à l’idéeque “un + un = un tout”. Le droit in soli-dum est un droit qui a pour vocation decréer un être social différent de la sommedes parties.Cette solidarité n’est pas créatrice d’har-monie, mais de contraintes. Le in solidum,la solidarité juridique, n’a sa fonction laplus révélatrice et la plus efficiente quelorsque les gens ne s’entendent plus : onles force alors à rester dans la solidarité.Ce n’est pas malheureusement pas souscette forme peu harmonieuse que l’oncherche la solidarité.Dans la solidarité juridique, on ne cherchepas à créer un groupe, une collectivité quiaurait des aspirations humanistes.

Économie et solidarité

La solidarité fondée sur l’échange :l’échange a été la grande découverte des17e et 18e siècles en Occident. Cette solidarité, fondée sur l’échange,trouve son origine au carrefour de trois

Il existe effectivement tout un pan de lathéorie économique qui pense que par lelaisser-faire on peut parvenir à une situa-tion d’équilibre, tant d’un point de vuemacro-économique que d’un point de vuemicro-économique, où l’un sera solidai-re de l’autre dans l’échange.Cette utopie a trouvé des démentis mani-festes : aucun économiste, à ce jour n’ose-rait affirmer que la “main invisible” (prin-cipe défendu par les Libéraux commeJean-Baptiste Say, farouche opposant auprotectionnisme) serait capable d’entraî-ner l’homéostasie ; et à partir de l’homéo-stasie, la satisfaction des êtres humainset la solidarité universelle. Les règles éco-nomiques font qu’aujourd’hui 20% desgens possèdent 80% des richesses : c’estla Loi de Pareto (1848-1923), qui n’ajamais été démentie jusqu’à présent.En conclusion, on ne peut compter surl’échange et l’économique pour apporterde la solidarité entre les humains. L’uto-

pie rationaliste fondée sur les échanges etsur l’homéostasie des échanges est uneutopie qui échoue.

Changer les postulats

Donc, on s’aperçoit que ni les fonctionspsychologiques d’empathie et de sympa-thie, ni les fonctions sociales d’échange,ni les règles des juristes ne sont capablesde donner un quelque chose qui se rap-proche d’une solidarité entre humains,solidarité qui est à faire avec un huma-nisme bien pensé.À ce stade, il convient alors d’aborder leproblème sous un angle différent et des’interroger sur la nature humaine. En effet,aussi bien l’utopie psychologisante quel’utopie économique, a une conception apriori de la nature humaine, et non une

grandes idées en vogue au cours de cessiècles dédiés à la Raison :¬la Raison elle-même,¬la connaissance scientifique,¬l’idéologie du progrès.Les penseurs de ces époques ont crû pou-voir apporter le bonheur aux êtres humains,à l’aide de la pensée scientifique et de lapensée rationnelle. Ils substituent la pro-messe du bonheur et de la solidarité atem-porels et universels du paradis à une pos-sibilité d’acquérir cette solidarité et cetteharmonie sur Terre, grâce au progrèssocial, lui-même entraîné par le progrèsscientifique. Cela postule que la Raison est bonne, quele Progrès est bon, que la Science estbonne.Pour ces utopistes de la production mar-chande, la notion de bonheur se résumeau principe suivant : le bonheur humainconsiste à satisfaire les besoins. Quand cesbesoins sont satisfaits et que les êtres

humains sont heureux, alors, ils sont soli-daires entre eux et ils n’ont aucune raisonde se battre.C’est une utopie qui va être théorisée tantpar les Libéraux que par les Marxistes. Surce fondement du bonheur et sur la pro-duction de masse, les Libéraux et lesMarxistes ont le même discours, avec tou-tefois une différence sur les bénéficiairesde l’accumulation du profit. Cette utopie pourrait toutefois être cré-dible, dans la mesure où l’échange est unprocessus d’homéostasie (ndrl - in dic-tionnaire Hachette 2000: faculté qu’ont lesêtres vivants de maintenir ou de rétablircertaines constantes physiologiques[concentration du sang, pression arté-rielle,etc.] quelles que soient les variationsdu milieu extérieur).

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15Au 21e siècle cultivons la paix

conception scientifique de cette nature,même si l’utopie des échanges s’est tar-guée de la Raison comme manière depreuve. Il est très important d’admettre que lesêtres humains soient des animaux déna-turés, c’est-à-dire qu’ils ont, à un momentde leur évolution, été coupés de la sym-biose avec la Nature et mis à part. C’est àla fois notre malheur, mais aussi notregrandeur et notre spécificité. Nous sommes à la fois des animaux déna-turés au sens biologique du terme, maiségalement des animaux qui naissentimmatures longtemps dépendant desparents. Nous avons donc deux handicaps. Quelles sont les conséquences pour nousd’avoir été coupés de la Nature ?Nous n’avons plus de processus génétiqueshéréditaires pour régler nos conduites, eten particulier nos conduites de mise en col-lectif. Chez toutes les autres espèces ani-males, les théories de l’imprégnation l’ontprouvé, des messages chimiques percep-tifs qui déterminent la mise en place desrelations que les espèces ont entre elles,qu’elles soient solitaires, grégaires ousociales. Ce sont toujours des processusbiologiques qui gouvernent les conduiteset les comportements. Chez les êtreshumains, rien de tout cela.Cette complexification a amené au sché-ma suivant : à la place de ce que les étho-logues appellent l’imprégnation, c’est-à-dire le processus de maturité du systèmenerveux central des mammifères jusqu’àce que, devenus individus à part entière,ils soient en mesure de se reproduire (etde trouver toujours le bon signe à l’exté-rieur qui va faire qu’un processus chimiqueva se déclencher dans leur système nerveuxet va déterminer un comportement, uneconduite adaptative), nous avons, nousêtres humains, développé au sein de notresystème nerveux un appareil appelé parles psychanalystes : appareil psychique,qui se met en interface avec le monde. Cet appareil est une sorte de “logiciel” quinous permet d’entrer en contact avec lemonde. Chez les enfants de moins de neuf mois,l’intérieur et l’extérieur n’existent pas :c’est totalement confusionnel. C’estcomme si les perceptions qu’ils ont del’extérieur venaient de l’intérieur. Le jour où ils s’aperçoivent que l’intérieuret l’extérieur existent, c’est-à-dire qu’ilssont des êtres à part entière, ils tombenten dépression. Il n’ y a pas d’imprégnation chez les êtres

humains. Mais il existe des processus dematuration interne, d’auto-organisationqui permettent l’interrelation avec lemonde.

L’Homme, cet animal social

Pour entrer en relation avec le monde, cetappareil psychique a besoin de repères, designes, à l’instar des animaux. Cet organecrée de la sémiotique : il est capable decoder et de décoder des systèmes designes. Si nous sommes devenus des ani-maux dénaturés, nous avons parallèle-ment développé une fonction passable-ment sophistiquée qui est la fonctionsymbolique, et qui fait de nous des ani-maux sémiotiques.Cette capacité à faire des codes est ce quipermet de mettreen place du social : c’est-à-dire d’organiser des structures symbo-liques ou sémiotiques qui vont arbitrer labonne distance que les humains peuventavoir entre eux. Les systèmes sémiotiques, la base del’interaction sociale, servent à identifierà quelle distance les humains peuventvivre les uns des autres. Nous avons unefâcheusetendance à fusionner, cequi n’estpas forcément le plus commode pour unevie sociale. Il faut mettre de la distance etcette distance se met à l’aide d’un systèmede signes, qui va pouvoir dire si vous pou-vez être proche, pas proche, loin ou nonetc. Ce système de signes va être transmisde génération en génération par troisordres de faits :¬des mythes,¬des rites, ¬des signes.C’est cet ensemble de vecteurs de sociali-sation des êtres humains qui va conférer àchacun la place qu’il peut avoir dans unesociété donnée. Si l’on est à sa bonneplace, il y a de fortes chances d’être en soli-darité avec les autres. Dans ce cadre, onn’est pas dans un processus de sympathieou d’empathie, “je souffre avec ou je suiscontre”, mais on est, chacun dans sa dif-férence, à la bonne place, à la bonne dis-tance. Cela revient à dire que si on part decette genèse de la nature humaine, avant

même d’entrer dans des relations d’amourou d’échange, il faut une structure socia-le sémiotique qui permette de se situer lesuns par rapport aux autres. Cette structure sociale sémiotique, c’estce que les anthropologues appellent laculture. Ce que l’on pressent, c’est que sil’on veut avoir un collectif solidaire, il vautmieux avoir une culture particulièrementforte avec des signes extrêmement cohé-rents et bien organisés de telle sorte quechacun puisse être à sa bonne place etpuisse entrer en solidarité organique avecles gens qui lui sont proches.

Culture et solidarité

Au final, la solidarité est un effet et nonune cause. On ne peut la rechercher commecause. Ce qu’il faut chercher, c’est plutôtla cohésion sociale, donnée par les règlestransmises, par les mythes, les rites et lessignes, bref par la culture. Au fond, ce quiassure que des êtres humains, dans un col-lectif, vont être en solidarité, c’est la forcede la culture à laquelle ils appartiennentet adhèrent. Appartenir à une culture sociale forte per-met d’intégrer toutes les différences sub-jectives de ceux qui y participent. Dans cecadre, la solidarité n’est plus une solida-rité fusionnelle, mais une solidarité orga-nique. Si une culture est forte, la solidaritéest non seulement organique,c’est-à-direcapable de préserver la radicale et irré-ductible subjectivité de chacun, mais éga-lement pérenne. Donc, la culture est unfacteur de solidarité pérenne.Pour conclure, de tels propos vont àl’encontre de certaines idées actuelles ; àl’encontre, parce que des intellectuels du19eet du 20esiècle ont toujours considéréque le fondement des organisationssociales était l’échange et la production.Mais le simple bon sens vous amène à vousrendre compte que pour pouvoir produi-re, échanger et entrer en relation, il fautd’abord être dans un rapport organiqueet culturel. L’infrastructure des sociétéshumaines, ce n’est pas l’échange ni la pro-duction, mais la culture.La solidarité n’est pas un but en soi : elleapparaît quand on a pris en compte demanière volontariste, l’organisation cultu-relle et que l’on a fait en sorte que cetteorganisation culturelle ne soit étoufféeni par la psychologie de la sympathie oude l’empathie ni par l’échange. La soli-darité, de surcroît, intervient quand unesociété privilégie de manière primordialesa culture. ≈

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Au 21e siècle cultivons la paix16

Pour changer cette vision des choses, ilpropose dans un premier temps d’obser-ver comment fonctionnent les relationsdes systèmes de valeurs avec les systèmesde représentation et avec les actions (àla fois individuelles et collectives). Carselon lui, tout cela se construit dans unecohérence.

Le problème donné est donc de savoir si lesvaleurs sont ou non capables de mobiliserles actions individuelles, et collectives.Malheureusement, de nombreux pays illus-trent les contradictions existantes entreles idéaux proclamés au nom d’une religionet la réalité. C’est le cas de l’Irlande, de laPalestine, ou encore d’Israël où règnentdes conflits, inexplicables si on les met enrapport avec les valeurs proclamées. Pour ne pas se mettre en surplomb des pro-blèmes de la société, comme c’est biensouvent le cas chez les chercheurs, le tra-vail du sociologue est de poser des ques-tions gênantes afin de mettre en œuvre

des transformations sociales destinées àréduire les inégalités, les exclusions…

Les outils de la pensée

Dans un premier temps, Jacques Jennynous invite à nous interroger sur les modesde pensée en se posant des questionscomme “Quelle perception avons-nous del’autre, de la société, et du monde ?” Pour y répondre, il propose 3 exemplesqu’il définit comme étant des outils (“à pra-tiquer sans modération”, ajoute-t-il).

> Celui du yin et du yangLa représentation de ce schéma s’opposetotalement à une conception de catégori-sation d’entités hermétiques dans laquelleon a du mal à trouver une relation réci-proque puisque dans le yin il y a du yang etdans le yang il y a du yin. Ce qui veut dire qu’il invite à penser lesentités, comme par exemple les per-sonnes, les groupes, la société commeétant des groupes non pas extérieurs lesuns aux autres et incommunicables, maisau contraire réciproques et liés.

> Celui des rapports entre les individus

et la société qui suivent, eux aussi,

la même logique

Il faut donc se méfier du lieu commun quiserait de penser par progression de taille,d’échelle entre nous les individus, legroupe, la famille, le travail, le quartier, larégion, le pays, le monde entier commeétant emboîtés les uns dans les autrestelles des poupées gigognes.

Résumé de la conférence de M. Jacques Jenny

“B ien que n’ayant pas fait dethèse ni publié de travauxpour traiter le sujet des

théories sociologiques, j’ai accepté d’enparler avec vous car cela correspond à unintérêt personnel qui me passionne non passeulement en tant que chercheur mais aussien tant que citoyen” livre d’emblée JacquesJenny. À aucun moment, il ne se position-nera comme un spécialiste ; au contraire,il s’interrogera en invitant le public à exer-cer son esprit critique.

“Les valeurs sont en crise”

Pour introduire le sujet, Jacques Jennypart d’une affirmation qui est un lieu com-mun, celle de dire “les valeurs sont en crise”.Cela se traduit par des expressions comme“on n’a plus de repères”, et ce n’est que lereflet du pessimisme ambiant.

LES SYSTÈMES DE REPRÉSENTATIONS ET DE VALEURS DANS LA RECHERCHESOCIOLOGIQUE ET PSYCHOLOGIQUE

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Par définition, les valeurs

sont abstraites, elles se concrétisent

dans des actes qui expriment des valeurs.

Jacques Jenny, sociologue, ancien chercheur du CNRS, membre

du Gedisst (Groupe d’études sur la division sociale et sexuelle de

travail) à l’Institut de recherche sur les sociétés contemporaines

(Iresco) est venu partager, le 22 juin 2001, au centre culturel de

la SGF à Paris avec une centaine de personnes sa réflexion sur le

thème : les systèmes de représentations et de valeurs dans la

recherche sociologique et psychologique.

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POUR EN SAVOIR PLUS

¬ La création des valeurs,Raymond Polin, Éditions Vrin, 2000

¬ Éducation pour une vie créatrice de valeurs,Tsunesaburo Makiguchi, Dayle M. BethelÉditions du Rocher, 1995

17Au 21e siècle cultivons la paix

Au contraire, il s’agit bien encore de pen-ser en réciprocité parce qu’il y a du socialdans chaque individu et, évidemment, desindividus dans chaque société. Autrementdit, il ne faut pas construire les institutionssociales d’un côté et les individus del’autre.

> Celui d’un schéma qui appelle à penser de manièredialectique entre, d’un côté,l’individu et, de l’autre, la sociétéCe schéma permet d’analyser les proces-sus de développement aussi bien indivi-duel que collectif. En bref, puisque de part et d’autre, à la fois,on émet et on reçoit des messages, l’indi-vidu tout comme la société peuvent êtreconsidérés comme le lieu d’une tensionentre ce qui est capable d’agir, de struc-turer et en même temps ce qui est capablede subir l’influence. Ces outils permettent donc de penser lemonde, notre rapport au monde, et l’his-toire dont on est témoin. En ce sens, lesrapports sociaux ne sont pas vus commedes mécaniques, mais au contraire commeun organisme vivant.

L’être et la valeur (croire à / croire en)

Tout comme les outils, les systèmes dereprésentation et de valeurs doivent êtremis en relation car ils expriment plus oumoins une parenté. >D’un côté, nous classerons des concepts,des faits tels que le jugement de la réalité,l’être, le code, etc. ; >de l’autre, des faits en devenir à savoir lejugement de valeur, le devoir être, la valeuretc. La liste est longue. Malgré leur ressemblance, la distinctionest pourtant très forte. Alors que le code oula norme vous sont imposés ou s’imposentà vous, la valeur, elle, est quelque choseque vous choisissez de réaliser. De mêmela différence est frappante entre croire à...et croire en. Ce qui revient à dire que cesdeux systèmes (représentation et valeurs)nous amènent à concevoir le monde avecdes perceptions très différentes. D’un côté,on le voit avec une attitude rationnelle entant qu’organisation du monde tel qu’il estet, de l’autre, avec une attitude visionnai-re qui est celle du futuriste, de l’utopiste. Par définition, les valeurs sont abstraites,elles se concrétisent dans des actes quiexpriment des valeurs. Si on n’interrogepas les gens ou si on ne leur donne pasl’occasion d’en parler, on pourrait croirequ’ils n’ont pas de valeurs.

des frontières, on va essayer de se battrecontre elles. L’absurdité de la notion defrontière est un long travail qui s’appa-rente non pas au domaine de la valeurmais bien à celui de la représentation. Lesvaleurs, les devises ont une histoire. C’est-à-dire qu’à un moment donné, des cir-constances, des groupes, des hommespublics lancent un mot. C’est par exempleun révolutionnaire, député du tiers-état,qui a inventé la formule de l’Assembléenationale. Jacques Jenny termina la conférence ens’interrogeant sur les notions de fraternitéet de solidarité. >La première renvoie t-elle à la fraternitéuniverselle ou seulement à une notion plusétroite, celle que l’on observe au sein d’unefamille ? > Quant à la deuxième, la solidarité, ce n’estpas seulement une valeur, c’est d’abordun fait. Ce qui veut dire que, tant que l’onn’a pas pris conscience de cela, on ne peutpas vivre sans un quelconque accord de

solidarité de ceux qui nous ont précédéset de nos concitoyens. Et donc, noussommes nous-mêmessolidaires des géné-rations futures. Pour conclure, Jacques Jenny nous inviteà cultiver la réflexion sur nos rapports entrece qui est et ce qui doit être, et à échangernos conceptions et représentations dumonde pour le construire ensemble et enfaire ce que nous aimerions qu’il soit. ≈

En conclusion, les valeurs échappent audéterminisme de la pensée. Elles sont uneliberté de construire le monde autrementqu’il l’est. Pour cela, il serait donc souhai-table d’agir pour que l’utile et l’agréablese rejoignent. Car il ne faut pas opposerparprincipe les valeurs qui seraient un peuascétiques à l’intérêt qui serait la jouis-sance individuelle.

En bref, il faut arriver à se construire desreprésentations du monde qui soientcohérentes avec les valeurs que l’on veutpromouvoir.

Frontières entre le local et le global

Jacques Jenny nous invite enfin à méditersur la notion de frontière en s’appuyantsur ces deux citations : “La racine del’éthique, c’est tout simplement l’accueilde l’autre. Accueillir le dehors, c’est à monsens le geste fondamental de toute éthiquepar lequel je refuse que la communauté, àlaquelle je me sens appartenir historique-ment, m’impose sa frontière.” et “L’uni-versel, c’est le local moins les murs.” Ce qui veut dire que tant qu’on a une visiondu monde qui est faite d’espace clos avec

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Accueillir le dehors,c’est le geste fondamental

par lequel je refuse que la communauté, à laquelle je me sens

appartenir historiquement,

m’impose sa frontière.

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tives composées de femmes et d’hommesqui se dévouent corps et âme pour le biende l’humanité. Il n’y en a jamais eu autantet c’est en elles que se réfugient mesespoirs car elles prouvent que les êtreshumains peuvent aussi être merveilleux,montrer d’eux-mêmes une autre imageque celle qu’ils nous montrent souventet se sacrifier pour les autres».

Le “travail de mémoire”Et s’appuyant sur cette confiance indé-fectible dans l’être humain, il nous pré-senta le “travail de mémoire” auquel ilnous invite à participer. « C’est pourquoi nous devons œuvrer, nonseulement pour le “devoir de mémoire”,qui n’est en fait que rappeler le souvenir,mais pour le “travail de mémoire” qui uti-lise ce souvenir pour transmettre des mes-sages utiles au devenir de l’humanité.Nous qui fûmes les témoins de ce dramede l’histoire du monde, nous savons queles bourreaux immuablement tapis dansl’ombre à guetter leur proie, n’attendentque l’oubli des hommes, pour tuer unedeuxième fois. Et puis, comment se taire, alors que legrondement de l’intolérance se faitentendre en tous lieux et menace ànouveau nos libertés fondamentales.Il faut que ce souvenir se transformeen une mémoire toujours vivante, non

qu’ils se savaient innocents, se déchaî-nait contre eux la haine de ceux qui, lescroyant des “sous-hommes”, les exter-minaient au nom d’une folle idéologied’exclusion. Je conçois que l’on puisseêtre désespéré devant les soubresautsactuels du monde, devant l’aveuglementde tous les extrémismes, devant tous lesactes effroyables commis par certainshommes.» Sam Braun fit un parallèle avec tous lesmassacres de population ayant marqué

l’histoire de l’humanité (les Indiensd’Amérique, l’esclavage,l’ Arménie, etplus récemment le Cambodge, le Ruanda,le Kosovo, la Tchétchénie) : «Mais mal-gré toutes ces horreurs, malgré mon pas-sage à Drancy, malgré près de deuxannées passées à Auschwitz III, au campde Buna-Monowitz, malgré l’assassinatle soir de notre arrivée de mes parents etde ma petite sœur seulement âgée dedix ans, qui ont péri par le gaz avec760 autres personnes, je veux continuerà croire à toutes ces associations carita-

Résumé de la conférence de M. Sam Braun

Le 28 septembre 2001, a eu lieu

à Paris, au Centre culturel

de la SGF, autour du thème

générique : ”Au 21e siècle,

cultivons la paix”

une conférence de M. Sam Braun

intitulée “La mémoire,

pourquoi?”. Le public,

nombreux, était très varié

puisque s’y trouvaient

des personnes d’âges

et d’horizons différents.

L’impression générale

fut que cet homme avait su

retransmettre avec toute sa vie

l’expérience terrible qu’il avait

vécue et les enseignements

qu’il avait pu en retirer

pour l’avenir de l’être humain.

LA MÉMOIREPOURQUOI?

S am Braun commença son inter-vention en évoquant la visite, pardes élèves de plusieurs écoles, de

l’ancien camp d’internement de Drancyoù les Juifs étaient regroupés avant d’êtreenvoyés en déportation. « En tant que“témoin de service ”, je les ai accueillisen leur disant : “On vous a fait venir ici,mes enfants, pour voir le camp de Drancyet pourtant il n’y a rien à voir”. Il n’y aeffectivement rien à voir dans cette gran-de cour maintenant couverte d’arbres et

d’une pelouse, remplaçant la terre bat-tue dont la poussière se soulevait aumoindre pas. Nombre de locataires de cette Cité de laMuette ignorent d’ailleurs qu’ils vivent làoù des dizaines de milliers d’êtreshumains ont passé leurs dernières heurescar pour les victimes de la barbarie nazie,ce “camp de regroupement” était l’anti-chambre de la mort. Et pourtant il suffit d’écouter les pierrespour entendre les gémissements de ceuxqui ne comprenaient pas pourquoi, alors

“Faire que les leçons de l’histoire dirigent les bâtisseurs du monde d’aujourd’hui en leur montrant

les dangers du fanatisme, du dogmatisme et de la haine.”

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19Au 21e siècle cultivons la paix

pour cultiver un quelconque esprit derevanche, mais par respect pour les vic-times et pour faire que les leçons del’histoire dirigent les bâtisseurs dumonde d’aujourd’hui en leur montrantles dangers du fanatisme, du dogma-tisme et de la haine. Jusqu’alors leshommes se sont limités à écrire le passé,à en prendre acte, alors qu’ils auraientdû, à la lumière de l’histoire, parler ave-nir et construire le futur. Ils auraient dû montrer que la grandemajorité des êtres humains, s’abritant der-rière une autorité prônant la violence, sedéculpabilise et refuse d’assumer la res-ponsabilité des actes qu’elle commet.Pour que le souvenir de toutes ces atro-cités soit efficace et serve l’évolution denotre humanité, il faut que toutes cessouffrances, toutes ces morts injustes quijalonnent notre histoire, sortent dudomaine statique des statistiques et dessouvenirs pour entrer dans celui del’action, celui de la mémoire. Car la mémoire est vivante, elle est la vie,elle est le devenir, elle est le “travail demémoire”, alors que les souvenirs, se limi-tant au “devoir de mémoire”, n’évoquentque les événements passés qui jamais nerevivront. Méfions-nous donc du malen-tendu qui confond souvent ces deuxconcepts. C’est pourquoi j’implore tousceux qui ont été martyrisés à la suite deleur appartenance à un groupe religieux,ethnique ou culturel, de ne pas accaparercette mémoire pour leur usage personnel.Qu’ils cessent de prendre le monde enotage en lui demandant, comme en uneespèce de Rédemption, de pleurer parcequ’ils ont pleuré, de souffrir parce qu’ilsont souffert. En agissant ainsi ils ne culti-vent que le souvenir, alors que la mémoi-re est d’une autre nature. Faut-il pour autant laisser sans âme leslieux où tout cela fut, les lieux où s’écrivitl’histoire ? Je ne dis pas cela. Je pense sim-plement que se limiter à se morfondre àdates fixes devant des stèles habitées ousymboliques, n’est pas œuvrer pour lamémoire. Cela ne suffit pas. Il faut allerlà où est le mal ou plutôt, là où il peutsurgir, il faut aller chercher la bête décri-te par Brecht là où elle peut apparaître,il faut aller dans le cœur des Hommes sil’on veut que nos six millions de mortsqui se surajoutent à toutes les autres, nesoient pas morts pour rien.

UUnn mmeessssaaggee ppoouurr llee ffuuttuurrVoilà le message que transmet la mémoi-

re, alors que le souvenir se réduit parfois,à construire de nouveaux monuments auxmorts, comme ceux qui jalonnent nosvilles et nos villages. J’ai le plus grandrespect pour ceux-ci mais selon moi ilsdesservent le travail de mémoire car soit,

au pire, ils entretiennent un esprit revan-chard, soit au mieux ils ne font qu’évo-quer le souvenir de ceux qui sont mortsdans des combats fratricides, puisquetoutes les guerres sont des combats fra-tricides. Les monuments aux morts, lescimetières, tout émouvants qu’ils puis-sent être, sont statiques dans le temps etne transmettent aux hommes qu’un sou-venir figé dans le passé alors que leurmessage devrait être le ferment du futur.C’est pourquoi le Monument, qu’avec denombreux rescapés nous essayons debâtir, se situe dans le cœur des “petitsd’hommes”, des enfants des écoles, desjeunes adolescents, de ceux qui demaindirigeront le monde. Nous essayons deleur donner la notion de la valeur del’autre, quels que soient sa culture, sacouleur de peau, sa confession religieuseou le pays de son origine.Sans banaliser les crimes commis et aux-quels nous avons assisté, nous leséveillons à la méfiance d’eux-mêmes,puisque les déviances sectaires com-mencent souvent par soi-même. La mémoire que nous défendons, dans

les écoles et dans de nombreuses réunionspubliques, même si cela semble légitime,n’est pas la propriété exclusive de telleou telle culture, de telle ou telle tradi-tion, cela, c’est le souvenir. La mémoire,elle, appartient à tous les hommes. Elleleur apprend aussi, qu’étant tous dépor-tables au sens littéral du terme, ils peu-vent tous devenir, un jour, le gibier d’unenouvelle chasse à l’homme, car person-ne ne peut affirmer qu’il ne sera jamaisle bouc émissaire d’un régime politiquede haine. Cette mémoire qui est à la foisl’histoire de l’humanité et ce qu’elleadviendra, réunissant dans le mêmeconcept son passé et son futur, son pré-sent et son devenir, est à mon sens undes moyens de lutte contre l’aveuglement,contre la haine et contre tous les totali-tarismes. Le culte de la mémoire permetainsi de prendre conscience que noussommes tous concernés par le malheurdes autres. C’est pourquoi je ne résistepas au désir de vous lire un très courtpoème écrit en 1942 par un pasteur pro-testant allemand, Martin Niemöoler alorsqu’il était lui-même déporté au camp deconcentration de Dachau :

“Quand on a arrêté les membres de l’intelligentsiaJe n’en étais pas, je n’ai rien dit.Quand on a arrêté les communistes,Je n’étais pas communiste, je n’ai pas protesté.Quand on a arrêté les juifs,Je n’étais pas juif, je me suis tu.Quand on a arrêté les socialistes,J’ai gardé le silence.Et puis quand on m’a arrêté,Il n’y avait plus personne pour protester.”

Réveillez ceux qui s’endorment et ne veu-lent pas voir le présent. Montrez-leur,comme nous venons de le voir, que lesbourreaux étaient des hommes ordinairescomme nous le sommes nous-mêmes.Après leurs crimes commis le jour, ils rede-venaient le soir des pères attentifs et desmaris modèles. Afin de ne pas devenir ce bourreau queréprouvent avec la plus forte énergiel’éthique et la morale humanistes quenous défendons, vous et moi, nous devonséradiquer de notre personnalité, de nosinclinations, de nos instincts, grâce jus-tement à la connaissance du passé, toutce qui peut ressembler de près ou de loinà de l’intolérance fascisante. Chassonsl’ennemi sournois qui peut se cacher au

Se morfondre à dates fixes devant des stèles n’est pasœuvrer pour la mémoire.

Cela ne suffit pas. Il faut aller là où est le mal ou plutôt,

là où il peut surgir.

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Au 21e siècle cultivons la paix20

Sam BraunNé à Paris en 1927, Sam Braun fut arrêté

à l’âge de 16 ans avec toute sa famille,puis déporté à Auschwitz en tant que juifen décembre 1943. Envoyés aux travauxforcés, il fut libéré en 1945, à Prague aprèsce qui fut appelé la “marche de la mort”.

Il est devenu médecin en 1957 et a exercé la médecine générale à Paris de 1957 à 1974 puis il a travaillé dans la recherche cosmétique jusqu’en 1985.

Fondateur et président de l’association“Cercle, mémoire et vigilance”, il témoigne dans les lycées et collèges.Il a participé à de nombreux colloques(“Les mécanismes du mal”, “Non, on ne peut pas tout accepter”, “Comment lutter contre les extrémismes ?”).

Il a également donné des conférencespubliques sur le thème “Travail et mémoire”.

plus profond de nous-mêmes afin de nepas devenir, à notre tour, un jour, le fas-ciste que nous combattons. Je devrais donc, pour vous passer le relaisde la mémoire, vous entraîner avec moidans l’évocation de ce que fut ma vie dansun camp d’extermination. Dois-je évoquer tout cela pour que vouspuissiez saisir le relais du souvenir afinqu’entre vos mains, il devienne la mémoi-re de l’humanité ? Je ne sais pas. Sachezsimplement que j’ai connu ce qu’unhomme ne devrait jamais connaître, j’aivu ce que l’enfant que j’étais n’auraitjamais dû voir.J’ai vu des corps souffrir.J’ai vu des corps mourir.J’ai vu des kapos et des SS tuer pour leseul plaisir de donner la mort.J’ai vu des meurtriers tuer sans plaisir,comme cela, pour s’occuper.J’ai vu la bête, que certains hommes por-tent en eux, se déchaîner contre lesautres, uniquement parce qu’ils pouvaientle faire, en toute impunité.J’ai vu l’insoutenable. J’ai vu l’incommunicable.J’ai vu l’horreur. J’ai vu l’épouvante. J’ai même vu les yeux de la mort.Si je ne veux pas oublier et évoque le sou-venir, c’est pour que les hommes analy-sant tous les éléments qui peuvent lesconduire à oublier leur humanité, pren-nent les mesures nécessaires pour la sau-vegarde des libertés.Et lorsque nous, les témoins, nous neserons plus là, les graines que nousaurons semées donneront de bellesplantes qui fleuriront le jardin de la Terreet donneront à leur tour des graines pourensemencer les générations montantes.Laissez-moi penser qu’être témoin, c’estêtre acteur du futur.Je vous remercie de votre attention.»

QUESTIONS-RÉPONSES

À l’issue de cette conférence, plusieursquestions ont été posées à Sam Braun,témoignant du vif intérêt manifesté parle public pour son intervention.En voici quelques extraits :> Pourquoi vous être tu pendant qua-rante ans. Qu’est-ce qui vous a décidéà parler?Plusieurs raisons ont fait que je me suistu, notamment la volonté de ne pasréveiller en moi l’insoutenable. Puis, jeme suis aperçu qu’étant juif, lorsqu’onl’est dans le regard des autres, on est un“sale juif”. Par ailleurs, j’ai éprouvé unsentiment de culpabilité envers mesparents, envers ceux qui sont morts, etme voyant dans un miroir, je me suistrouvé lâche de ne pas parler, me disantque mes parents seraient ainsi morts pourrien. J’ai alors décidé “d’essayer de merattraper”.> Qu’est-ce qui vous a permis de “tenir”dans un tel enfer lors de votre dépor-tation ?C’est la vie. La vie est le plus beau descadeaux et j’aime la vie. Par ailleurs, l’ima-ginaire a été pour moi un refuge, le seullieu où les bourreaux ne pouvaient venir.> Comment peut-on réagir face à l’inac-ceptable ?Par le pardon. Un philosophe a dit : ”Onne peut pas pardonner l’impardonnable,mais c’est ce qui mérite d’être pardonné.”> Comment réagissez-vous face à desrésurgences du nazisme?Je me bats et j’explique que nous sommesd’abord notre premier ennemi. Il faut éli-miner de nos personnalités tout fermentd’un totalitarisme quelconque. CroyonsEdgar Morin lorsqu’il dit que “les êtreshumains sont encore de tout petits enfantsau niveau de la civilisation”. L’amour véri-table doit être doublé d’un sentiment qui

est l’essentiel de la vie : le respect de ladignité de l’autre.> Avez-vous pu, compte tenu de ce quevous avez vécu, relativiser au cours devos activités de médecin la douleur des“petits bobos” ?Il n’existe pas de “petits bobos”. La dou-leur ne se mesure pas. Derrière un “petitbobo”, autre chose peut se dissimuler, etil faut voir ce que cela peut être.> Comment avez-vous pu continuer àcroire en l’Homme après ce que vousavez vécu ?Parce que je ne voulais pas que mesbourreaux gagnent et j’ai toujours eu laconviction que l’Homme pouvait avoirun autre visage.

Et c’est sur cette dimension et ce pointessentiel que cette intervention pas-sionnante s’est conclue. ≈

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21Au 21e siècle cultivons la paix

de comme un parfum thérapeutique”. C’estune expression généralement traduite par“au nom de Dieu, le très miséricordieux”. Etil se termine par “les humains”. Cela signi-fie que le Coran s’adresse à l’être humainpour l’inciter à s’engager dans sa réalisa-tion, c’est-à-dire “tout simplement à deve-nir humain pour pouvoir vivre au cœur del’humanité”. Le Coran est révélé pourl’homme, c’est le Coran qui est au servicede l’homme et non le contraire. Le Dieu telqu’il se présente à travers le Coran n’est pasle dieu d’une tribu.

Le prophète Mohammed nous invite, nousles êtres humains, quelque soient notrecouleur, notre statut social, le progrèsmatériel et tout ce qu’on veut, à se rappe-ler que nous ne sommes qu’une partie decette grande famille appelée humanité. Cette humanité est à la fois une et plurielle.Ontologiquement parlant, toute l’huma-nité est une. Mais du point de vue fonc-tionnel, l’humanité est plurielle. Pour quele monde fonctionne, Dieu a voulu cettediversité. Le musulman croit à l’unicité deDieu.

Notre méditation sur Dieu ne se fait pas entermes d’une recherche pour cerner l’être;la pensée musulmane oriente les cœurs,les esprits vers Dieu comme action, Dieucomme amour, Dieu comme générosité,Dieu comme noblesse. Le Coran s’adresseà nos trois facultés les plus fondamentales,l’intelligence, la volonté et le sentiment.L’homme est intelligence, volonté et sen-timent, mais “le mot intelligence utilisédans ce contexte n’est pas tout à fait syno-nyme de la raison de Monsieur Descartes”. L’intelligence dont je parle est cette facul-té qui ne se satisfait qu’en réalisant uncontact profond avec l’absolu. Notre intel-ligence regarde simultanément vers lessphères sublimes et vers ce qui se trouveau-dessous de nos pieds. L’être humain, quel qu’il soit, a la possibi-lité d’élever son regard vers le ciel ou de lelaisser dégringoler vers la terre. Lorsquel’homme, au sens général du terme, pro-mène son regard vers le ciel, il reçoit une

Le Coran est considérépar les musul-

mans comme la parole divine révélée à unhomme illettré, Mohammed, le “loué”. Lemot “Coran” vient d’une racine arabe dontle sens premier est “lire, lire et rassembler,lire et unir”. Il signifie également purifi-cation. La thématique du Coran comportedeux pôles : Dieu et l’homme. Le Coran s’ouvre sur une expression qui rap-pelle que “Dieu est source intarissable decompassion et de miséricorde, il ne veutqu’une seule chose, déverser sa miséricor-

Lors de sa présentation le 26 octobre 2001 au Centre culturel

Paris-Opéra, le recteur de la mosquée Adda’wa (Paris 19e),

M. Larbi Kechat, nous a donné un aperçu sur la complexité

des facteurs auxquels l’islam, religion profondément

humaniste, est confronté aujourd’hui. Il a axé son discours

sur l’enseignement coranique et la voie qu’il ouvre

vers la réalisation de l’être humain. Il a insisté sur l’écart

entre l’enseignement et sa mise en application, les dérives

comme l’intégrisme et sur le fait que la quintessence

de l’islam est un message d’amour et de paix :

“islam” est un mot dont la racine signifie “paix”.

Mettant l’accent sur le contexte économique et politique,

il a évoqué la nécessité pour les musulmans, en face

de la méfiance à leur égard, de ne pas se laisser enfermer

dans le statut de coupable ou de victime, et de faire preuve

de transparence et d’ouverture. Il a donné

l’exemple du Centre socioculturel de Tanger (Paris 19e)

dont les conférences sont ouvertes à tous.

LA PAIX, JAILLISSEMENT INDIVIDUEL, ESTUAIRE SOCIALRésumé de la conférence

de M. Larbi Kechat

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“Lorsque l’homme, au sens général du terme,

promène son regard vers le ciel,

il reçoit une mission.”

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mission. Lorsqu’il se contente de regardervers la terre, il devient esclave parce qu’ilcherche à posséder, et il finit non par êtreservi par ce qu’il possède mais par être pos-sédé par ses propres possessions. C’est le trait fondamental de ce que nousvivons aujourd’hui, à savoir notre attitu-de acharnée à accaparer, à accumuler :nous vivons l’ère non de l’être mais del’avoir. L’intelligence permet à l’hommed’abord de comprendre puis d’assumer lasymbolique de sa posture. L’homme estpresque le seul être se manifestant sousforme de posture verticale. Cette posturefait à la fois notre bonheur et notre mal-heur. Lorsque nous arrivons à réaliserl’harmonie entre nos deux tendances, latendance céleste et la tendance terrestre,nous nous engageons sur le chemin dudétachement. Toutes nos souffrances sontl’effet de nos attachements. Et c’est danscette perspective que le mot “islam” pour-ra trouver son sens profond. “Islam” est un mot arabe qui veut dire“soumission”, pas une soumission syno-nyme de résignation, mais une soumissioncomme quête joyeuse de Dieu. Le sens premier du mot est “intégrité”,intégrité spirituelle et intégrité physique.D’ailleurs les deux dimensions sont insé-parables. C’est sur les bancs des universi-tés et des écoles que l’on se permet de frag-menter l’être en corps, esprit et vousconnaissez le reste. Le mot “islam” veutdire soumission dans le sens d’une confor-mité assumée au vouloir de Dieu. Que veut Dieu ? Dieu ne veut que le bon-heur de l’homme. Vous allez me dire : “Etles malheurs qui frappent l’humanité?” Ma réponse sera : “Quelle est la fonctiond’une échelle? C’est de monter d’un niveauinférieur à un niveau supérieur.” Mais beaucoup d’entre nous, faute d’êtreraisonnables, au lieu de grimper les diffé-rents barreaux de cette échelle ont déci-dé de la trimbaler sur leurs épaules ! La faute à qui, à l’échelle ou à la mauvaiseutilisation ? Celui qui a fabriqué l’échellen’a qu’un objectif, c’est de nous permettrede monter de l’infra-humain, je ne diraipas à l’instar de Nietzsche au superhumain,non: à l’humain, à être soi-même.

Le mot “islam” veut aussi dire “paix”

Lorsque l’on parle de la paix, beaucoupd’entre nous se contentent d’observer leseffets. Le Coran nous invite à aller au-delàdes conséquences, parce que toutes nosrelations interhumaines, tout ce que nousvoyons, tout ce que nous expérimentons

tude, je me sens frère de cet arbre quis’enracine dans la terre, et qui monte versle ciel et cela, ce sentiment de fraternitéavec tout ce qui monte, m’inspire l’amourde protéger mon environnement. Lorsquej’effectue la posture horizontale je mesens très proche de ce qui existe dont laforme est horizontale.Lorsque j’effectue la prosternationj’actualise en pensée et en réalité monretour à ma source, ce qui va me rappelerque tous les humains qui peuplent la terresont mes frères. Je partage avec eux et lasource et le devenir. Cette prière rituellecommence par une formule dite formulede sacralité “Dieu est le très grand”, ce quiveut dire que en dehors de Dieu tout estrelatif, que la souffrance que je dois éva-cuer est relative. Et cette prière qui consis-te en quelque sorte en un voyage initia-tique finit par “je reviens vers vous”. C’est un moment de rupture, pour ne paspermettre à la machine de me “machini-ser”, à l’argent de me piétiner, à la puis-sance militaire ou autre de m’écraser. Etc’est ce rendez-vous avec moi-même etavec Dieu qui me permet de puiser danscette source inépuisable ma force d’être,ma façon de voir et ma façon de faire. Le Coran est un appel à la vie. Notre vie surterre n’a qu’un seul objectif, réaliser latransformation fondamentale de nous-même en permettant au divin et à la lumiè-re potentielle de se manifester commecompassion, fraternité, tolérance, com-préhension, connaissance, reconnais-sance et solidarité.

Souvent, pendant les décadences des reli-gions et des cultures, les humains s’accro-chent aux apparences. Résultat: notre êtreprofond, notre moi céleste est étouffé.L’islam me donne la possibilité de m’enga-ger sur le chemin de la liberté. L’hommene naît pas violent. Dieu veut de nous un amour incondition-nel qui nous aide à être à l’écoute de la voixintérieure qui nous habite, qui nous aideà harmoniser les différentes facettes denotre être. Pourquoi nos paroles n’appor-tent-elles pas l’amour ? Pourquoi nosparoles ne déblaient-elles pas le terrainpour un monde où les uns ne seront plusdes loups pour les autres ? Je voudrais enformulant cette interrogation mettre fin àces quelques impressions.

n’est que la projection de ce qui habite nospetites têtes. C’est pour cela qu’il est très important defaire la différence entre le monde de lamanifestation selon la terminologie cora-nique et le monde substantiel. Et, pourpouvoir vivre la paix à l’échelle de la mani-festation, il faut d’abord la réaliser àl’échelle intérieure. C’est pour cela quel’islam tend la main au musulman, pourl’aider dans ce processus de réalisation.Je vais me limiter à citer de façon trèsbrève l’impact de la prière rituelle enislam. Comme vous le savez c’est une obli-gation qui incombe à tout musulman, qu’ilsoit femme ou homme, cinq fois par jour.Cette prière me permet de vivre en har-monie comme des êtres dont le fonction-nement est l’expression de leur prière. C’est pour cela que les musulmans nousparlent de la prière cosmique. La prièremusulmane est composée d’un ensemblede postures vivifiées par la récitation dela parole de Dieu. Nous avons dans la prière musulmane laposture verticale, entre le ciel et la terre.Nous avons une deuxième posture, la pos-ture horizontale et nous avons une troi-sième posture, celle de la prosternation.Ce sont les postures les plus importantesqui constituent l’acte de la prière. Lorsque je me mets debout, je me sensfrère de tous les phénomènes du cosmosdont l’extérieur manifeste la même atti-

“Lorsque je me mets debout, je me sens frère

de tous les phénomènesdu cosmos dont

l’extérieur manifeste la même attitude.”

“Aucune guerre n’est sainte.”

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23Au 21e siècle cultivons la paix

QUESTIONS-RÉPONSES

Quel est votre point de vue sur l’inté-grisme ?Larbi Kechat -Ma réaction est sans équi-voque : une condamnation de tout ce quiporte atteinte à la dignité de l’être humain.Ce qu’il faut savoir c’est que nous vivonsdans un monde qui obéit à des loisimmuables. Parmi ces lois immuables, laloi de cause à effet est la clé qui nous aideà déchiffrer le monde qui nous entoure. Les actes violents sont la conséquence debeaucoup de facteurs, et l’humanitéd’aujourd’hui est appelée à s’arrêter unmoment, à opérer un arrêt pour se regar-der, pour devenir consciente que noussommes capables de communiquer.Malgré cette capacité de communiquer, lemonde d’aujourd’hui n’a excellé que dansla fabrication des moyens de communica-tion. Ce qu’il faut c’est faire émerger l’êtrecommuniquant. Je pense que ma condam-nation sans détour de cette barbarie doitnous inciter à mettre le doigt sur les causesréelles. Les causes réelles grosso modo sontle fossé de plus en plus profond qui séparele Nord du Sud. Les causes sont cette arrogance qui noushabite. Les causes sont ces idolesd’aujourd’hui, le monde d’aujourd’hui quise dit “libre, non croyant”. Ce n’est pas vrai,il est croyant mais il croit à une multitudesd’idoles qui ne font que déshumaniser noscontemporains et sont la cause réelle etprofonde de ces drames qui ne font ques’amplifier. Après le moment du deuil, il faut seréveiller pour se dire que la crise a deuxaspects: l’aspect qui représente les consé-quences des actions négatives accompliesantérieurement, et l’aspect qui annoncel’émergence d’une belle matinée. C’est ànous d’assister, voire de participer àl’émergence d’un monde fraternel.

Quelle est la valeur de la femme dans lacommunauté musulmane?L. Kechat -Merci d’avoir posé cette ques-tion essentielle et fondamentale. Le Corana été révélé au 7esiècle. Lorsque nous nousréférons à ces traditions des différentescultures, nous constatons que la femme,dans la majorité des cas, était considéréecomme inférieure à l’homme, était presquecontinuellement subordonnée à lui. Or, leprophète dit textuellement que l’hommeet la femme sont les deux branches del’humanité et l’humanité dans sa globali-té est considérée par le Coran comme

sacrée et honorée par Dieu. Le prophètedit, en s’adressant aux hommes qui, àl’époque, étaient gérés par l’idée patriar-cale :“Le paradis se trouve sous les piedsde la maman, de la femme. Celui qui nerespecte pas la femme, en réalité ne se res-pecte pas lui-même, mais pour pouvoirrespecter l’autre, il faut vraiment s’éleverau-dessus de l’infra-humain”.

Vous allez me dire : “Oui, mais le statut dela femme dans le monde arabe et musulmanest tout à fait contraire à ce que vous dites.” C’est vrai. Le statut de la femme dans lemonde arabe et musulman s’explique parun ensemble de facteurs sociologiques,économiques, politiques et autres. Etd’ailleurs certaines femmes du mondearabe et musulman, qui se sont engagéesdans le sens du savoir, ont découvert ceque dit l’islam à propos de la femme. Cettedécouverte les a conduit à mettre leschoses au point.

J’aimerais comprendre ce qu’est le“jihad”. On dit “guerre sainte”, c’est unterme très vague.L. Kechat -Permettez-moi de vous rap-peler qu’aucune guerre n’est sainte. C’estla quintessence de l’enseignement cora-nique et de la pratique prophétique. Maisje peux vous garantir que ce vocable estune réaction musulmane à une actionnon musulmane. Les non-musulmans del’époque ont soulevé le rideau de la guer-re sainte. En réagissant, les musulmans sesont mobilisés autour du même slogan“guerre sainte”. En outre, l’islam est catégorique : dans leCoran nous avons deux termes, le terme“guerre” et le terme “jihad”. Le jihadveutdire étymologiquement “effort”. J’ouvreun livre et, en face d’une difficulté, je mevois appelé à faire un jihad (effort) pourcomprendre. Lorsque je suis conscient del’écart qui sépare mon attitude de mes slo-gans, je me vois appelé à faire un jihadpour

diminuer la distance qui sépare mon com-portement de mes paroles de beauté, debonté. C’est un jihad, un effort. Donc, unjihad intellectuel pour comprendre, unjihadpour approprier mon comportementà sa théorie, un jihadpour pardonner uneinjustice subie. Le “ jihad armé” (l’effort armé) n’est auto-risé en islam que lorsqu’il s’agit de légiti-me défense. Aujourd’hui, nous sommes entrain de subir les conséquences de plus decinq siècles de brutalités et de colonisa-tion. Il ne faut pas faire du temps un enne-mi mais un allié. Aujourd’hui, nous devonsêtre au rendez-vous pour nous détachercatégoriquement de tout ce qui a conduità cette incompréhension, en substituantla logique de la complémentarité et de lasolidarité à celle de l’exclusion et de ladomination.

Que pensez-vous de l’attitude en géné-ral de l’Occident par rapport aux événe-ments du 11 septembre dernier?L. Kechat - Les mystiques de l’islamdisent : “L’être éveillé est fils de l’instantprésent.” Lorsqu’il est question de l’islamà la télévision ou dans les journaux, leregard porté est chargé de beaucoup denégativité issue des siècles passés.Le chef de la puissance la plus puissanteau monde a parlé de “croisade”. Un pro-verbe arabe dit : “Une chute de pied ne faitpas mal, c’est la chute de la langue qui estmortelle.” Ce que nous disons révèle ce quenous sommes. Nous sommes habités parces fantasmes de croisade, de guerre sain-te. Depuis ces événements dramatiquesque le monde entier, y compris le mondemusulman, a condamné, la télévision a étéenvahie par des gens qui connaissent toutsauf l’islam. Peut-être ne sommes-nous pas habilitésà parler de l’islam à la télévision? C’est pos-sible. Beaucoup de professeurs, d’histo-riens qui ont des connaissances de l’his-toire de l’islam et des phénomènesprésents dans le monde musulman, despolitologues ont trouvé du boulot.

Nous savons tous combien la civilisationmusulmane s’est maintenue à l’apogéependant des siècles et des siècles ?Comment se fait-il qu’il y a décadence?L. Kechat -Comme vous venez de le rap-peler, les musulmans ont contribué à l’épa-nouissement d’une civilisation universel-le. Je dirais à l’instar d’Ibn Kaldoun, lefondateur de la sociologie au 15e siècle,que la colonisation, qui est un élément

“le monde d’aujourd’hui n’a excellé que dans

la fabrication des moyensde communication.

Ce qu’il faut c’est faire émerger

l’être communiquant.”

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externe, n’a pu devenir un élément mor-tel qu’à cause d’un organisme défaillant.La société musulmane était décadente, cequi a permis à la “civilisation” de donnerle coup de grâce. Après il y a eu la décolo-nisation, avec beaucoup d’enthousiasme.Malheureusement, au lendemain desdépendances, la déception ne fait que ron-ger davantage l’univers intérieur desmondes arabes et musulmans. Ce n’est pas l’islam qui est incapabled’accompagner le monde arabe et musul-man. Le niveau qui concerne le moi pro-fond ne représente que 5% de l’enseigne-ment coranique, 95% constituent lechamp ouvert, la vie dans son mouvement,dans son changement. Les géants de lapensée musulmane d’autrefois ont puapporter des réponses adéquates à des

questions réelles. Aujourd’hui, ce quicaractérise le monde musulman et le tiers-monde, c’est le décalage entre les poten-tialités de tous points de vue et les entravespsychologiques et politiques qui étouffentles uns et les autres. Plus de 50% de lapopulation algérienne sont des jeunessans travail, sans logement, sans avenir.Qu’ont-ils à perdre ? Pourquoi toutes lesbanlieues de toutes les grandes capitalesdu monde occidental sont-elles boulever-sées ? Ce sont des jeunes qui se révoltentcontre une société qui ne leur donne pasl’essentiel. C’est une société violente. Moi,je crois beaucoup à l’efficacité d’une ren-contre comme celle de ce soir. C’est cette rencontre qui va permettre ànos cœurs de se réchauffer. Nous sommescapables de tout sauf de faire un sourire à

notre voisin, de dire “merci”, de dire àl’autre ses belles qualités. Pourquoi ne pasdire : “la rencontre que j’ai eue avec vousm’a fait beaucoup de bien” ou “votre façonde vous habiller est poétique”… Pour les musulmans, la mosquée n’est passeulement un lieu de prières, c’est un lieuqui rassemble. C’est pour cela que nousavons décidé de créer le Centre sociocul-turel de la rue de Tanger, pour s’ouvrir surParis. C’est un espace où toutes les expres-sions religieuses et culturelles se rencon-trent. Il s’inspire du principe selon lequeldialoguer c’est manifester, exprimer nosdifférences non pour les considérer commedes obstacles mais plutôt comme des trem-plins qui permettront à chacun de nous desortir de son petit moi à l’instar de ce fleu-ve qui, lorsqu’il s’élance au-delà de sa sour-ce, s’enrichit alors que s’il restait sur placece serait la stagnation. Nous sortons chaque année un calendrierqui rappelle les fêtes de toutes les com-munautés du 19earrondissement de Paris,juive, chrétienne, bouddhiste, musul-mane, parce que les enfants ne sont pascomplexés comme nous. Les enfantsvivent en 2002, alors que la plupart desadultes vivent en 1954. Et la mosquéeparticipe annuellement à la fête del’arrondissement : nous nous sommesengagés à assurer la bonne marche de labuvette.Dieu nous a doté de la parole. Pourquoi ?Lorsqu’elle est dialogue avec Dieu, c’estune prière. Lorsque la prière est dialogue avec l’autreculture, l’autre religion, l’autre tout court,l’autre humain, c’est un pont qui doit s’éri-ger pour associer les deux rives.≈

“Pourquoi ne pas dire que la diversité des couleurs, des religions, des cultures, des coutumes est à l’image d’une prairie

dont la beauté ne sera assurée que par la pluralité des couleurs et la pluralité des parfums ?”

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Les actions de la SGI dans le dialogue interreligieux

ont pour fondement l’esprit de développer la tolérance et le respect, et de créer des lienscommuns de solidarité entre les personnes pour la résolution des problèmesfondamentaux auxquelsl’humanité est confrontée.La SGI et l’Académie européenne des sciences et des arts ont organisé une sériede dialogues interreligieux sur des thèmes allant des problèmes de l’environnement

aux droits de l’Homme.Des représentants de la SGI ont participé à différentes initiatives interreligieusesdans le monde. De 1999 à l’an 2000: au Parlement mondial des religions au Cap,au 4e Congrès mondial de la liberté religieuse à Rio et au Sommet du Millénaire aux Nations unies à New York,par exemple. Par ailleurs, M. Ikeda, président de la SGI, a participé à plusieurs ouvragesde dialogues avec des pratiquants d’autres religions

(hindouiste, musulmane, chrétienne…) et à des livres collectifs rassemblant des

textes de représentants des différentes traditionsbouddhistes. ≈

√ Participants à un symposium interreligieux chrétien-bouddhisteorganisé par l’Académie européenne des sciences et des arts et la Soka Gakkai internationale en Allemagne, en 1999

La Soka Gakkai et le dialogue interreligieux

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25Au 21e siècle cultivons la paix

ailleurs que les données ont changé et quedes États comme l’Allemagne, le Japon, leBrésil, l’Égypte et l’Inde sont tout à fait endroit de prétendre à une représentation.Donc, en matière de paix et de sécuritéinternationale, la réforme du Conseil desécurité apparaît aujourd’hui comme lefacteur le plus important.

Une organisation

du commerce international

Pour ce qui concerne la création d’uneorganisation du commerce international,

dès l’origine en 1948, les promoteurs desNations unies considéraient que la paix etla sécurité internationales ne sauraientêtre sauvegardées qu’à condition de créerd’autres institutions spécifiques.Cependant, l’Organisation du commerceinternational, dont le texte de base a étésigné à La Havane et qu’on dénomme“Charte de La Havane”, n’a pas pu voir lejour et se confirmer, puisque le sénat amé-ricain s’est opposé à la ratification de ce

traité. Et le GATT (General Agreement onTariffs and Trade : Accord général sur lestarifs douaniers et le commerce) qui enest sorti ne représente qu’une partie dece traité : la 4e partie qui était consacréeaux problèmes des tarifs douaniers. Laréforme devra également tenir compte decette situation. Le processus démocratiquequi s’enclencheà l’échelle internationale, et qui a débutéavec la naissance de l’Organisation desNations unies, est en train de changer denature, grâce à l’action conjuguée del’Organisation des Nations unies (Onu),de l’UNESCO, des associations et organi-sations non gouvernementales et, enfinet surtout, grâce à la possibilité qui estdésormais offerte aux nationaux de pou-voir s’exprimer à travers des moyens decommunication qui ne sont pas dans lavoie officielle. Les gouvernements ne peu-vent plus exercer une censure comme ilsl’ont toujours fait, surtout dans les paysdu tiers-monde et les anciens pays de l’Est.L’information circule par internet et il estdevenu possible d’établir des liens entreles nationaux de différents pays.

La force des Organisations

non gouvernementales (ONG)

Autre facteur de paix : la place de plus enplus importante réservée aux ONG et sur-tout à ce qu’on appelle désormais la socié-té civile. Les ONG représentent une forceimportante notamment pour le droithumanitaire, mais aussi et surtout elless’entourent de compétences nouvellespour prendre un essor au niveau de

L orsque la 28e session de la confé-rencede l’UNESCO(United NationsEducational Scientific and Cultural

Organization : Organisation des Nationsunies pour l’éducation, la science et laculture) a émis l’idée d’agir pour substituerune culture de la paix à une culture de laguerre, les promoteurs avaient à l’espritle fait que la Charte des Nations uniescontient deux volets. Le premier, dicté parles besoins de l’époque (la fin de la SecondeGuerre mondiale), est consacré à la paix etla sécurité internationale prises en chargepar un mécanisme collectif de gestion descrises internationales. Le second militepour la protection des droits de l’Hommeet l’épanouissement de l’être humain oùqu’il soit et en dépit des différences. Le manifeste de l’UNESCO engage donc àpasser du premier volet, la phase del’intervention pour restaurer la paix, ausecond, la nouvelle ère qui consiste à anti-ciper la paix, en s’attaquant aux racines dela culture de guerre et de la culture de laviolence par l’éducation, la formation etsurtout l’information.

Quelle est la situation aujourd’hui ?

La gestion des crises internationales afonctionné du fait de la situation de riva-lité entre deux superpuissances qui se neu-tralisaient mutuellement.Malheureusement, le Conseil de sécuritéde l’Onu apparaît aujourd’hui tout à faitinadapté du fait de la disparition de l’unedes superpuissances et par conséquent dupoids important que s’arroge l’autre dansles affaires mondiales. Il faut noter par

Résumé de la conférence de M. Tabrizi Ben Salah

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“Passer de “restaurer la paix” à “anticiper la paix” ens’attaquant aux racines dela culture de la violence

par l’éducation, la formation et surtout

l’information.”

Auteur de plusieurs publications sur le droit international,

le maintien de la paix et le règlement de conflits

internationaux, Monsieur Ben Salah a commencé sa

conférence en évoquant les attentats de septembre 2001

aux États-Unis qui rappellent toute l'importance d’établir

la paix dans le monde. Puis il a mis en évidence les points

névralgiques et les nouveaux facteurs de paix.

LES NOUVEAUXFACTEURS DEPAIX

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l’action sur les gouvernements et les ins-tances internationales influençant leurorientation politique et la défense desdroits de l’Homme. Près de 35 000 ONG sont répertoriées àtravers le monde et se situent principa-lement dans 22 pays. Leur handicapactuel réside dans le fait qu’elles ont tou-jours un statut juridique de droit interneet qu’il faut qu’elles puissent acquérir unvéritable statut international pour nonseulement les dégager des influenceslocales, internes, mais aussi pour fairedisparaître le doute qu’on éprouve ici etlà sur la réalité et les intentions profondesde certaines ONG. Je voudrais conclure sur cette remarque :l’existence de l’ONU a permis l’émergenced’une conscience universelle. C’est là où sesitue la mission de l’UNESCO et c’est là oùse situe la mission de chacun d’entre nous:le fait de militer dans le sens du renforce-ment de cette conscience universelle.

QUESTIONS-RÉPONSES

À propos de la défense des droits del’Homme, de quelle manière les indivi-dus vont-ils pouvoir saisir une Cour pourdéfendre leur droit ? Tabrizi Ben Salah - En ce qui concernela défense des droits de l’Homme, l’évolu-tion récente est remarquable, notammentpar l’émergence des juridictions pénalesinternationales, le tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie qui siège à La Haye, le tribu-nal pénal pour le Rwanda. Ce sont deux juridictions qui fonctionnenttrès bien. Il y a aussi la future Cour pénaleinternationale dont le traité de base a étésigné récemmentà Rome, mais qui néces-site la ratification de 65 États pour entreren vigueur. Au stade actuel, on est aux

environs de 40 ratifications. Là aussi, ily a presque une trentaine de ratificationspossibles suspendues à la décision desÉtats-Unis d’Amérique : les Américainsrefusent cette ratification par crainte devoir leurs responsables, un jour ou l’autre,jugés par cette future juridiction.Il reste le dernier volet qui est : “Commentl’individu peut-il faire respecter sesdroits?” La particularité du droit interna-tional, c’est qu’il n’accorde pas de statutà l’individu. L’État, lorsqu’il estime que son“national” à l’étranger a été l’objet d’uneviolation flagrante et que ses droits n’ontpas été respectés par une juridiction loca-le, peut prendre fait et cause pour son“national” et négocier le dédommage-ment. Mais la problématique n’est pas là,c’est le respect du droit du “national” parson propre gouvernement qui pose pro-blème. Il y a eu des progrès notables auniveau européen. Vous avez parlé de laCour européenne des droits de l’Hommeoù l’on a introduit la notion de recours indi-viduel, quoique cette demande de recourstransite par une chambre qui examine s’ily a recevabilité ou non. Il y a donc toujoursun écran intermédiaire. Pourtant, c’est la

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Tabrizi Ben Salah

Né en Algérie en 1945, Tabrizi Ben Salah a fait ses études en Algérie où il était militant de l’Union nationale étudiante algérienne. Arrêté et torturé par la milice de l’époque (1965), il est arrivé en France en 1968, après avoir échappé de justesse à une arrestation par la police.

Conseiller de plusieurs gouvernements,il est également doyen honoraire de la Faculté de droit et des sciences politiques de Versailles où il est professeur de droit international et de relations internationales.

Il est également membre de plusieurs associations agissant pour la paix et l’amitié entre les peuples. ≈

meilleure ouverture au niveau de l’Europecar la jurisprudence y est extrêmementimportante.

Je suis d’accord pour le militantismeindividuel, mais est-ce qu’au niveau del’ONU, il y a actuellement une action quivise à déstabiliser la façon dont les États-Unis agissent?T. Ben Salah - Au sein du Conseil desécurité, il y a trois États qui peuvent agirpour assouplir la position des États-Unisd’Amérique. Ce sont la France, la Chineet la Russie. Il y a donc quand même unesorte de contrepoids qui s’exerce discrè-tement face au couple États-Unisd’Amérique/Grande-Bretagne. C’est unexercice de rapport de forces entre lescinq membres. L’Onu a été créée en 1947 et tout lemonde sait, ici, que depuis 50 ans, cesont les États-Unis qui ont la main misesur toutes les décisions. T. Ben Salah - Il faut d’abord rappelerque, clairement et historiquement, celas’est répété à plusieurs reprises en margede l’Organisation des Nations unies. C’esttout simplement, comme je le disais, parce

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27Au 21e siècle cultivons la paix

qu’il y a eu rupture de l’équilibre mondialet que nous sommes dans une période detransition où l’Organisation des Nationsunies est en train de se chercher.

Les Casques bleus sont impuissants, ilsne peuvent pas empêcher les massacres,ne devrait-on pas arrêter d’être naïfdevant des tyrans ?T. Ben Salah -Vous avez raison, les forcesd’interposition, actuellement envoyéessur le terrain, souffrent de la dépendanceoriginelle vis-à-vis de leurs États-membres,et il est parfois difficile de couper le cor-don ombilical de ce lien de nationalité. Les Casques bleus savent que de toutesfaçons, une fois la mission terminée, ilsréintègreront leur corps militaire d’originedont ils craignent parfois les réactions.L’idéal qu’on avait envisagé était la possi-bilité que chaque État désigne au sein deson armée un corps spécialement affecté,un bataillon des Nations unies.

Est-ce que l’Onu pose des actions réellesenvers les pays en voie de développement,particulièrement les pays africains?T. Ben Salah - Une place à part est faitepour les échanges en provenance despays en développement. La Conventionde Lomé a fait ses preuves jusqu’à unepériode très récente, dans la mesure oùelle organisait une solidarité particulièreentre l’Union européenne et les États ditsACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique). Mais il y a remise en question de cetteconvention sous la pression des États-Unisd’Amérique, parce qu’ils ont une inter-prétation extrêmement stricte du conceptde libre-échange : c’est la loi de la jungle.Ils ont déjà eu pas moins de quinze conten-tieux avec l’Union européenne depuisl’entrée en vigueur des accords !L’Onu n’a malheureusement pas derichesse personnelle. Alors, on imaginemal exclure les États-Unis. On l’a vu avec d’autres organisations inter-nationales, quand ils ont quitté l’OIP, puispar la suite l’UNESCO, ces deux organisa-tions ont été handicapées sur un grandnombre de projets parce que les États-Unissont un pays qui contribue pour 20 à 25 %du budget de chaque organisation.

En 1994, lors du génocide des Rwandais,il y a eu entre 800 et 500 000 morts. L’Onun’est pas intervenue. Est-il possible juri-diquement d’attaquer l’Onu pour non-assistance à personne en danger ?T. Ben Salah -Sachez que c’est une autre

aberration. Toutes les décisions du Conseilde sécurité des Nations unies ne sont passusceptibles d’être attaquées sur l’anglede la légalité, contrairement à la règlegénérale sur toute la planète. En d’autres termes, le Conseil de sécuritépeut prendre une décision illégale encontradiction même avec les principes dela charte de l’Onu, et il n’y a aucune ins-tance susceptible de le rappeler à l’ordre.Il faudra attendre pour que les choses évo-luent. Par ailleurs, il faut être prudent, ils’agit d’actions sur le terrain dues à la pré-sence de forces étrangères et on ne saurajamais… Si les Néo-Zélandais n’avaientpas attrapé les promoteurs de l’actioncontre le Rainbow Warrior, croyez-vousquel’on aurait su qui l’a fait ? Des militairesfrançais ont été auditionnés, mais celas’arrête là.

Est-ce que le fait que son siège soit auxÉtats-Unis ne nuit pas au libre-arbitrede l’Onu ?T. Ben Salah -Je ne sais pas si en tant quejuriste, on peut s’étonner qu’il se trouve àNew York pour la simple raison que l’orga-nisation a toutes les garanties d’un bonfonctionnement. Il y a quelques années,lorsque le gouvernement des États-Unisavait refusé à Yasser Arafat de lui délivrerun visa pour représenter son pays àl’assemblée générale de l’Onu, il l’a fait enviolation de l’accord de siège et de laconvention sur la représentation, enjouant sur le fait qu’on n’est pas en pré-sence d’un Chef d’État mais d’un repré-sentant d’une entité. Le problème a étérésolu –sur le champ– parce que tous lesÉtats-membres ont voté immédiatementle transfert de l’assemblée générale del’Onu pour organiser une session spécialeà Genève à laquelle Yasser Arafat a pu par-ticiper pleinement. Donc, les problèmespeuvent être résolus. Il y a toujours unesolution.

Pinochet n’est pas traduit devant le TPI(Tribunal pénal international).T. Ben Salah -Il y a des moments où on anégligé de résoudre des problèmes de jus-tice et de droit. C’est ce qui se passe actuel-lement en Afghanistan, et c’est aussi lasituation des Palestiniens parce que je suisintimement persuadé qu’il n’y auraitjamais eu de Ben Laden si le sort du peuplepalestinien avait été pris en compte plei-nement et entièrement. Que l’on résolvele problème de la question palestinienneet il n’y aura plus un seul pays arabe pour

soutenir un discours anti-israélien et anti-américain. La haine qui s’exprime à l’égarddes États-Unis, et de manière identique àl’égard d’Israël, est due au fait qu’il y a dansla conscience collective des peuples arabesun sentiment d’injustice flagrante qui per-siste à l’égard du peuple palestinien. Tantque cette injustice n’aura pas été réparée,je ne vois aucunement les perspectivesd’une solution pacifique.L’Organisation des Nations unies a étécréée en 1945, au moment où s’achevaitlaSeconde Guerre mondiale en Europe,mais avant l’explosion d’Hiroshima. Elle avait pour vocation de “préserver lesgénérations futures du fléau de la guerrequi, deux fois en l’espace d’une viehumaine, a infligé à l’humanité d’indi-cibles souffrances”. (“Préambule de laCharte constitutive”)En 1948, elle proclame la Déclaration uni-verselle des droits de l’Homme. En 1993, leConseil de sécurité crée le Tribunal inter-national chargé de juger les personnesaccusées d’avoir commis des crimes de guer-re. En 1998, la future Cour pénale interna-tionale voit le jour, mais il lui faut encoredes signatures pour qu’elle entre envigueur. De nombreuses institutions spé-cialisées se partagent les tâches: la BIRD(la banque internationale pour la recons-truction et le développement), le FMI (fondmonétaire international), l’UNESCO, l’OMS(Organisation mondiale de la santé). ≈

Une Cour de justice internationale chargée de juger les terroristes,pourquoi?

“Lorsqu’un meurtre est commis dans un pays, on peut arrêter le coupable et, au terme d’un procès, décréter et faire exécuter une peine. Ainsi la victime n’a pas à se venger directement du coupable. […] En revanche, au niveauinternational, on répond à la mort par la mort, sans aucune démarche juridique.C’est totalement irrationnel.[…] Une Courinternationale aura pour fonction de jugerles auteurs de génocide, de crimes contrel’humanité, de crimes de guerre –y comprislorsqu’ils sont liés à des conflits internes et à des invasions– qui ont créé des torts considérables à l’humanité. […]

Elle se souciera des questions de responsabilité individuelle dans la société internationale.”

Discours de D. Ikeda, no 119, nov. 2001

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chands et celles des conquérants car lacommunication de paix existait encoremoins à ce moment-là. Les communica-tions commençaient par être belliqueusesavant d’ouvrir la voie à une communica-tion plus pacifique, celle du commerce. La route de la soie est aussi la route del’écrit, des chroniques chinoises depuisses débuts, des textes d’historiens romainsqui parlent de l’arrivée de la soie (car lesromains se sont enthousiasmés pour cemerveilleux tissu sensuel, presque éro-tique), des rapports de mission d’am-bassadeurs, des récits de marchands(Marco Polo au 13e siècle et Ibn Battuta le Marocain), et enfin c’est aussi la route

des écrits sacrés, en particulier des sûtras.Pour donner un exemple, le conte deSindbad le Marin, récit plein de fantaisieoù Sindbad va en Chine en Corée, ren-contre des monstres, reprend des épi-sodes d’un authentique marchand arabede la même époque. À travers cet imaginaire, les Chinoisvoyaient les romains comme des gensgrands, merveilleux et riches, vivant dansun pays où l’abondance régnait, un peu unparadis. Mais la distance ne permettait pasd’envisager de transporter une armée deChine en Occident ni d’Occident en Chine,Alexandre le Grand s’est arrêté aux portesde l’Afghanistan.

Par la route de la soie ont transité les reli-

gions, les connaissances astronomiques, l’art

gréco-bouddhique du Gandhara, le papier et

la porcelaine, l’imprimerie, la boussole et la

poudre à canon. L’Unesco a entrepris des

recherches auxquelles Édith et François-

Bernard Huyghe ont participé activement.

Le 22 février 2002, au centre culturel de la

SGF à Paris, lors d’une conférence intitulée “Croyances et savoirs sur la route de la soie”, ils

nous ont donné un aperçu de cette étonnante aventure humaine et spirituelle.

LA ROUTE DE LA SOIEET LA DIFFUSION DES RELIGIONS

D e la fin du 4e siècle au milieu du8esiècle, des milliers de moinesempruntèrent la route de la

soie, qui traversait les déserts et les mon-tagnes de l’Asie Centrale. Ils parcoururentdes kilomètres, ils endurèrent de nom-breuses souffrances, ils eurent à affron-ter de nombreux périls, réels ou imagi-naires. On a retrouvé des traces de cesroutes seulement au début du 20e sièclecar les pays d’Asie Centrale étaient tom-bés dans l’oubli. L’expression “routes de la soie” désignetoutes les routes commerciales qui ont unil’occident à l’orient le plus extrême, doncnon seulement la Chine, mais aussi la Coréeet le Japon. Les échanges ont commencéau 2esiècle avant J.-C. et durèrent jusqu’audébut du 15e siècle. Ils s’arrêtèrent pourdeux raisons : la Chine se referma complè-tement en 1434 et les Portugais prirent leCap de Bonne-Espérance pour chercher lestrésors de l’orient. Nous n’avions plusbesoin des peuples de l’Asie Centrale.Les routes terrestres passaient par le nord,à Samarkand pour arriver sur les bords dela Caspienne puis de la Mer Noire. Lesroutes maritimes passaient entre Ceylanet l’Inde, par le Golfe arabo-per-sique ou la Mer Rouge, et arrivaienten Palestine et en Égypte. Cesroutes des idées étaient toutà la fois les routes des mar-

Résumé de la conférence de Edith et François-Bernard Huyghe

Les idées voyageaient comme les marchandises, à dos

de chameaux et dans les cales des bateaux. Il leur fallait donc des armées de conquérants,

des armées de marchands, des armées de prédicateurs, et puis concrètement des villes cosmopolites, des pistes caravanières, des voies maritimes,

des étapes sûres, des langues pour se comprendre.

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Ce recueil présente des écrits spirituels,des chroniques politiques et des récitspoétiques de pèlerins bouddhistes de lapériode qui va du 4e au 8e siècle ainsiqu’une présentation d’André Levy.L’introduction est de Édith et François-Bernard Huyghe. ≈Les Pèlerins bouddhistes, Éd. J.-C. Lattès

29Au 21e siècle, cultivons la paix

mant que le nirvana était en fait l’idéed’agir par la non-action, que le dharmaétait le tao. Une légende se répandramême, celle que Lao-Tseu (fondateur dutao) serait parti vers l’occident en passantles frontières de la Chine sur un bœuf, qu’ilse serait réincarné quatre-vingt-onze foiset qu’au bout de ces transmigrations, ilserait devenu le bouddha Gautama.

Le bouddhisme chinois

se caractérise par son souci

de la lettre comme

réceptacle de l’esprit.

Dans le bouddhisme va se produire unénorme mouvement de vérification destextes. Du 4e au 8e siècle, des milliersd’intellectuels aux pieds ensanglantésvont se lancer d’est en ouest à la sourcedu bouddhisme : ce sont de grands pèle-rins, de grands croyants et de grands tra-ducteurs. Ils savaient quand ils partaient,mais jamais pour combien de temps nijusqu’où ils iraient parce qu’une guerrepouvait fermer un pays. Le nombre de ceuxqui mouraient en route était effrayant. Un des derniers pèlerins chinois sur laroute retrace la mémoire de tous ceux quisont partis, et très souvent un texte detrois ou quatre lignes se termine par “onne sait ce qu’il est devenu”.Le premier grand missionnaire qui laissedes mémoires est Fa-sienqui voyage pen-dant quinze ans (399-414). Il étudie troisans durant dans la grande université boud-dhique de l’époque, Nalanda, part pourCeylan où il reste deux ans. Il amasse destextes, donne des conférences, participeà des colloques scientifiques où chacun semet d’accord sur la bonne traduction: onvérifie les mots, les textes, les règles, etc.Imaginez son périple : il quitte la Chine,traverse l’Asie Centrale, arrive à Samar-kand, redescend par Nalanda, retraversetoute l’Inde, descend jusqu’à Ceylan etrevient par la voie maritime; il affronte destempêtes, se fait arnaquer par des piratesmarchands et, enfin, rentre en Chine envéritable triomphateur. C’est le père de cesmarcheurs aux pieds sanglants. Il avait

Une idée ne pouvait circuler

que sous deux formes : dans la tête

d’un bonhomme et sous la forme

d’écrits rares, chers, difficiles

à transporter

Pour convaincre il ne suffit pas de débar-quer dans un pays avec son Évangile, sonCoran ou ses sûtras. Les idées ne s’attra-pent pas comme ça. Une croyance serépand par trois moyens : une arméed’intellectuels, professionnels de la pro-pagation de la foi, un certain type d’écritsjugés aptes à propager la doctrine, et desreprésentations pour répondre à la ques-tion : “À quoi il ressemble votre Dieu?”Imaginez ces prédicateurs transportantrouleaux, tablettes, images sur leur dos.Enfin la croyance doit faire face aussi à desobstacles, notamment la langue. Par exemple, il n’y a pas de mot chinois pourexprimer le concept de Dieu, difficulté querencontreront les prédicateurs qui parlenten sanscrit : comment traduire boddhi,l’éveil? Comment rendre compréhensiblele nirvana? Les textes sont rares, la languepose d’énormes difficultés.On peut dire que la route de la soie c’étaitla circulation des idées mais ce fut aussi laroute de la perte et de la déformation desidées et des croyances. Des phénomènes, que nous appelons lesreligions perdues, s’y sont multipliés. Undes plus touchants exemples est celui d’ungroupe de musulmans du Fujian, dans lesud-est de la Chine, qui adorait un Livreenfermé, que l’on sortait régulièrementpour s’incliner devant. Il s’agissait en faitdu Coran. Mais l’arabe s’étant oublié et lessiècles passant – cette interruption a duréau moins huit siècles – la règle s’était per-due. Une ethnologue a trouvé des gens quivivaient comme de parfaits Chinois, nesachant plus du tout quelles étaient lesheures de prières, mangeant du porccomme tous les Chinois. Depuis, lesSaoudiens assurent à nouveau l’ensei-gnement de l’islam et les musulmans fontaussi leur pélerinage à La Mecque. On ne savait plus non plus ce qu’étaientdevenus les prédicateurs des siècles pré-cédents. Par exemple, au 13e siècle, lesenvoyés du Pape ont eu la surprise dedécouvrir que beaucoup des Mongols mys-térieux et cruels avaient été convertis au“bouddhisme du diamant” d’inspirationtibétaine, et autre surprise, les mission-naires chrétiens trouvèrent d’autres chré-tiens, des nestoriens. Il s’agit d’une héré-sie du 5e siècle dont le Vatican avait enquelque sorte perdu les archives. Des

frères éloignés réapparaissaient neufsiècles plus tard chez ces gens aux yeuxbridés venus des steppes. La déformation des idées était courante.Elle se retrouve par exemple chez MarcoPolo grâce à qui on a un récit sur l’empiremongol. Il n’a pas compris que le boud-dhisme qu’on pratique à la cour des Khanest le même que le bouddhisme que l’onpratique à Ceylan. Il ne pense pas que lebouddha historique, Shakyamuni, soit lefondateur d’une religion universelle. Pourlui, c’est une sorte de sage ou de saint trèslié à l’île de Ceylan. Il en parle avec beau-coup de sympathie. De son point de vuechrétien, il pense qu’il aurait été digned’être un saint. Pourquoi parler de ces pertes dans lesconnaissances religieuses? Parce que lebouddhisme a été particulièrement victi-me de ce phénomène, en particulier lors-qu’il a pénétré en Chine. Certaines raisonssont d’ordre purement linguistique,d’autres tiennent au fait que faisant par-tie des trois grandes croyances avec leconfucianisme et le taoïsme, ce dernier atenté de “taoïser” le bouddhisme en affir-

Imaginez les prédicateurs

transportant sur leur dos des rouleaux, des tablettes,

des images de leurs croyancesjusqu’au bout

du monde.

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Au 21e siècle, cultivons la paix30

pour objectif de rapporter des textes com-plets sur la discipline bouddhique et se mità les traduire avec un confrère indien. Sonniveau de sanscrit n’était peut-être pasexcellent, mais c’était déjà une perfor-mance plus que méritoire d’en avoir acquisla connaissance à 65 ans passés. En effet,ordonné à 20 ans, Fa-sien avait 60 ans àson départ. Rentré à 75 ans, il travailla àses traductions jusqu’à sa mort à 82 ans. Autre grande figure à évoquer, Siuan-tsang (ou Xuanzang), le “prince des pèle-rins bouddhiques”. Très conscient de cesphénomènes de déformation de la doc-trine il part de façon clandestine en 629,sans l’autorisation de l’empereur, et vasuivre à peu près le même itinéraire queFa-sien, mais il ne pourra pas aller à Ceylanparce que la route sera interdite. Il est resté seize ans dans les territoires del’ouest, parcourant une centaine de pays.Il revient avec, sur le dos, vingt rouleauxqui représentent ses mémoires. L’empe-reur vient lui-même l’accueillir en gran-de pompe. En lisant une traduction deSiuan-tsang, l’empereur aurait déclaré àses courtisans: “…regarder ces ouvragesbouddhiques, c’est contempler la mer oule ciel : ils sont insondables, d’une hauteursans mesure(…) Les autres écoles de pen-sée, confucianisme ou taoïsme, ne sont quemisérables flaques d’eau comparées auvaste océan.”Moins d’un demi-siècle plus pard, le der-nier pèlerin à laisser une trace de son voya-ge partait pour l’Inde. Les relations entrel’Inde et la Chine s’épuisèrent à la fin dupremier millénaire.

QUESTIONS-RÉPONSES

Vous parlez de la lettre qui est le récep-tacle de l’esprit. Pour saisir l’esprit dequelque chose faut-il s’attacher précisé-ment à la fonction de la lettre ?Quand il s’agit de questions linguistiques,de la précision d’un concept, cela meparaît évident. La quête des pèlerinsbouddhiques c’est la quête du sens à tra-vers le mot exact.Peut-être est-ce particulièrement sensibledans le bouddhisme parce que, avoir lesens exact du tripikata, les bons sûtras, lesbons guides de pratique etc., c’est avoirles bons manuels pour une connaissancedes pratiques concrètes. Ce sont peut-êtrede tels motifs qui ont créé le souci de biencomprendre la lettre, réceptacle de l’esprit,parce que cela avait aussi des conséquencespratiques.

Vous avez parlé de la ville d’Alexandrie.Comme vous le savez, la bibliothèque abrulé mais il existe des rapports qui nousen informent. Lorsque Alexandre partpour sa conquête il demande à Aristote:“Que veux-tu que je te rapporte?”et ce der-nier répond : “Rapporte-moi un sage del‘Inde”. Donc le monde méditerranéen etl’Inde sont des mondes qui se connaissentdès les 3e et 4e siècles.

Qu’est-ce qui a arrêté la propagation dubouddhisme vers l’ouest en Afghanistan?On s’accorde généralement sur le fait queles Grecs n’ont pas eu besoin du boud-dhisme parce qu’ils avaient énormémentde penseurs, à commencer par Pythagore.En outre, la philosophie grecque ne sedéveloppe pas uniquement sur le planintellectuel, elle rejoint le spirituel.Il y a aussi des raisons purement géogra-phiques et militaires, le bouddhisme s’estarrêté là où les ballots de soie changeaientde main.

Pourquoi cette recherche sur la route dela soie de la part de l’Unesco ?

L’Unesco partait de l’idée qu’avant la mon-dialisation actuelle, celle de l’argent, il yavait une mondialisation historique beau-coup plus profonde qu’on ne le croit, queles cultures s’étaient rencontrées et qu’ilreste toujours un peu de l’autre en nous.Ce qui nous intéressait c’était de voir com-ment, à travers ces routes millénaires, ontcirculé des connaissances scientifiques,des croyances, etc. Nous voulions voircomment une production d’un esprithumain parvient matériellement à unautre esprit humain quelquefois éloignéde milliers de kilomètres.La route de la soie est une route des idées,mais une idée c’est un projectile un peualéatoire. Quand vous le lancez (surtoutà cette époque ancienne puisque la routede la soie commence au 2e siècle avant J.-C.), vous ne savez pas où votre projec-tile aboutira, ni quand il aboutira, ni sousquelle forme; vous ignorez également lesdéformations qu’il pourra subir en coursde route. C’est cette vie matérielle des idées en cir-culation, et en particulier des idées reli-gieuses, qui nous a intéressés. ≈

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Les trois véhicules du bouddhisme ont pris physiquement trois routes : 1) le petit véhicule, hinayana, est lié à l’expansion maritime à partir de l’île de Ceylan. 2) Le bouddhisme du grand véhicule commence en remontant par l’Afghanistan, comme l’a rappelé la destruction récente des grands sites, c’est un bouddhisme terrestre. 3) Le bouddhisme du véhicule de diamant est un bouddhisme montagnard qui aura à franchir la chaîne de l’Himalaya. Il va s’imprégner de croyances locales, le lamaïsme et deviendra un bouddhisme beaucoup plus tourné vers le rituel et la magie, imprégné de chamanisme.

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31Au 21e siècle, cultivons la paix

culture de paix s’épanouisse dans le cœuret l’esprit humains, nous avons besoin depromouvoir des vertus telles que le res-pect de la dignité humaine, la liberté, lajustice et la solidarité.La Soka Gakkai internationale (SGI) a tou-

jours demandé à ses membresd’être et d’agir en tant quecitoyen du monde. Une récenteétude sur la SGI publiée parOxford University Press a prispour titre “Citoyens du monde”.Être un citoyen du mondeconsiste à prendre la responsa-bilité de la famille humaine

dans son ensemble. Pour des citoyens dumonde, survie humaineet prospérité sontles plus hautes valeurs. Les guerres détrui-sent la vie alors que la paix la maintient.Votre colloque va éveiller votre propreconscience et celle des autres sur la façonde promouvoir une culture de paix à traversune volonté d’être pacifique dans sa vie per-sonnelle, sociale et politique.Je vous prie d’accepter l’expression detoute ma considération et mes meilleursvœux pour votre projet. ≈

Majid Tehranian,professeur à l’université de Hawaii,

directeur de l’Institut Toda pour la paixet une politique prospective

J evoudrais vous féliciter d’avoir prisl’initiative de tenir un colloque surle thème “D’une volonté de paix à

la création d’une culture de paix”. Votrethème est parfaitement enaccord avec notre époque.L’assemblée générale desNations unies a déclaré 2001année internationale pour laculture de paix, les droits del’Homme, la démocratie et latolérance. [ … ]Pourquoi mettre ainsi l’accentsur la volonté de paix et la culture de paix?Les deux idées ont un lien profond. Demême que les guerres sont décidées etplanifiées, la paix doit aussi être voulueet planifiée. [ … ]Les guerres peuvent être considéréescomme des échecs de l’imaginationhumaine à trouver des issues pacifiquesau règlement des querelles. Si nous levou-lons, l’imagination humaine peut toujourstrouver des moyens de régler les conflitsles plus difficiles, par des stratégies oùchacun est gagnant et en effectuant lescompromis nécessaires. Cependant, lescultures de guerre étouffent l’imagina-tion et nourrissent les instincts humainsde l’égoïsme et de l’avidité. Pour qu’une

D’UNE VOLONTÉ DE PAIXVERSUNE CULTURE DE PAIX¬ Le 8 juillet 2001 s’est tenu

au centre culturel de France

de la SGF à Chartrettes

un colloque sur le thème

d’une culture de paix.

¬ Les quatre intervenants,

Pierre Fontaine, ancien

magistrat; Charles Rojzman,

thérapeute social; Jean-

Louis Triaud, professeur

des universités et Michel

Dhalleine, ancien officier

Casque bleu, ont chacun

développé différentes

facettes de ce sujet.

¬ Ce premier colloque

organisé par la Soka Gakkai

France a réuni de nombreux

invités , il a débuté par

la lecture de deux messages.

Résumé du colloque organisé par la Soka Gakkai France

MIC

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E AR

CIDI

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De gauche à droite : Michel Dhalleine, Charles Rojzman, Pierre Fontaine, Jean-Louis Triaudet Jean-Michel Filippi (modérateur)

Message de Majid Tehranian

Le château du Pré à Chartrettes en régionparisienne, centre culturel de la SGF

HISTOIRE D’UN PROJET

Cet événement a été organisé grâce à l’initiative dugroupe Floréal. Ce groupe d’adhérents de la SGF seréunit depuis quinze ans autour du poème offert à lajeunesse française le 14 juin 1981 par le présidentIkeda (Cap sur la paix n° 228, 12 juin 1998). Le but dece projet était de célébrer le 14 juin 2001, de concré-tiser la charte de la SGI en contribuant à la réflexionsur la paix et de faire mieux connaître notre mouve-ment dans la société. ≈

SGI

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Au 21e siècle, cultivons la paix32

D’UNE VOLONTÉ DE PAIX VERS UNE CULTURE DE PAIX

d’améliorer les lois internationales et dedévelopper l’entraide au niveau mondial.Mais, plus important encore, il faut quel’être humain lui-même réalise une réfor-me intérieure, l’amenant à refuser touteviolence. C’est pourquoi nous insistonsavec force sur l’importance du concept

bouddhique de “révolutionhumaine”, fondé sur le respectde la dignité de la vie. Sans cela,à mon avis, il sera impossiblede transformer la violence, lar-gement ancrée dans la société,en non-violence. Par leur éveilles personnes ordinaires peu-vent développer leur propre

force. C’est la seule façon de transformerle cycle tragique qui a dominé le 20esiècle.À ce propos, j’ai publié un recueil d’entre-tiens avec M. René Huyghe, historien d’artfrançais, intitulé La nuit appelle l’aurore*:nous avons choisi ce titre pour exprimernotre ferme conviction dans le potentielinhérent aux personnes ordinaires, dontelles-mêmes n’ont pas toujours clairementconscience, mais qu’il faut s’efforcerdésormais de cultiver. Dans les ténèbresde la civilisation contemporaine en proieaux pires difficultés, cette attitude nous

P ermettez-moi de vous adresserun message pour ce colloqueorganisé par la SGF, dans ce châ-

teau historique du Pré, “château de la paix”au 21e siècle.[…] Les actions et l’engage-ment profond des membresde la SGI ne visent qu’à uneseule chose : la création d’uneculture de paix.À l’inverse, incontestable-ment, le 20e siècle a été uneère où le monde était dominépar “la culture de guerre”. Àcause de la guerre, forme d’expression laplus extrême de la violence, la dignitéhumaine a été bafouée, et l’humanité a dûsubir de véritables carnages. Durant toutce siècle, la paix n’a été qu’un intervalleentre les guerres.Notre tâche au 21esiècle ne consiste pas àchercher une simple paix passive, c’est-à-dire un état de non-guerre, il s’agit deconcrétiser une paix active en transformantfondamentalement les structures socialesqui constituent une menace contre la digni-té humaine. Cela implique de compléter et

semblait porteuse d’une lueur d’espoir.Une vingtaine d’années s’est écoulée depuiscet entretien. Actuellement, les diversestentatives pour réaliser la paix, menées pardes femmes et des hommes ordinaires, semultiplient jusqu’à former un grand mou-vement dans le monde. Une forteresse depaix s’élève peu à peu dans le cœur des gens.Cela est apparu évident lors de la récentecampagne visant à interdire l’usage desmines antipersonnel, campagne qui a obte-nu le soutien d’un nombre considérable decitoyens du monde entier. L’essentiel estque les personnes ordinaires s’unissent,développent la force du peuple et fassentpénétrer partout “une culture de paix”, sanslaisser aucune zone d’ombre. J’aimeraisconclure ce message en formant du fond ducœur le souhait que votre colloque pleindesagesse contribue fortement à propagerune véritable “culture de paix”. Je vousremercie de votre attention. ≈

Daisaku Ikeda, président de la Soka Gakkai

internationale

*La nuit appelle l’aurore, Flammarion, 1980(épuisé) et Éditions du Rocher, 2002

SGI

GRAP

HIC

La volonté de paix est assezlargement répandue alorsque la culture de paix resteembryonnaire. Les analysesdes quatre intervenantsconvergent sur trois pistes de réflexion pour nous aider à ne pas oublier l’essentiel :> la peur à l’origine detous les conflits (violencedans les quartiers, guerres,intégrismes) car elle génèreune forme d’aveuglement“qui conduit à une penséemanichéenne et paresseuse.”(Charles Rojzman). Le manichéisme évoqué par les conférenciers était à l’origine, au 3e siècle, une religion dans laquelle le bien et le mal sont les deuxprincipes fondamentaux et irréductibles. Cette simplification excessiveconduit à l’intolérance et aux sectarismes.

“Dans la violence internationale nous sommestoujours victimes de ce discours de simplicité”utilisé par les plus forts, souvent avec la complicitédes médias, rappelle Michel Dhalleine. Jean -Louis Triaud évoque l’enjeuque représente l’islamactuellement.> Le dialogue, unedémarche qui demandebeaucoup d’ouverture

d’esprit, de courage et de persévérance car il oblige à sortir du manichéisme pourcomprendre la complexitédes situations, et engrangerainsi la patience nécessairepour avancer pas à pas, insistent M. Dhalleine et J. -L. Triaud. Le dialogueexige également de vivre le conflit avec les autres et avec soi-même en se remettant profondément en question pour le dépasser

et le transformer, souligne Charles Rojzman.> La démocratie ne va pasde soi car elle est fragile: elle peut être pervertie par lacorruption (Pierre Fontaine),affaiblie, parce que “les individus n’ont pas de réel pouvoir sur leur vie” (Ch. Rojzman) et nousdevons la nourrir par notre engagement de citoyen pour qu’elle porte tous ses fruits (M.Dhalleine). ≈

Message de Daisaku Ikeda

TROIS PISTES DE RÉFLEXION

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33Au 21e siècle, cultivons la paix

Une volonté de paix :pourquoi ? Les deuxGrandes Guerres mon-

diales tracent dans l’histoire dusiècle deux sillons sanglants:>La 1ère Grande Guerre (1914-1918) a fait9millions de mortsdans le monde, 1 400 000 enFrance. > La 2e Grande Guerre (1939-1945) a faitde 40 à 50 millions de victimes dans lemonde, dont la moitié furent des civils. EnFrance: 205000 militaires, 400000 civils;en Allemagne : 4,4 millions de militaireset 500 000 civils ; en Pologne : 300 000militaires, 5 500 000 civils ; en URSS :13 millions de militaires, 7millions decivils ; au Japon : 2 400 000 militaires,600000 civils. Elle est également marquée par des crimes,tels que l’extermination des juifs et des tzi-ganes par les nazis, les bombardementsde Dresde par les Britanniques et lesAméricains, d’Hiroshima et de Nagasakipar les Américains…>Entre ces deux guerres, vingt ans de paix,de 1919 à 1939. La France vivait en démo-cratie, députés et sénateurs étant élus parles citoyens qui savaient “lire et écrire”.Mais cette démocratie était encore impar-faite : elle excluait les femmes, et lespeuples colonisés étaient privés de recoursdémocratique au nom de la philosophiecoloniale. Jules Ferry déclarait le 29 juillet1885: “Il y a pour les races supérieures undroit parce qu’il y a un devoir pour elles. Ellesont le droit de civiliser les races inférieures”.Dans le même esprit des “zoos humains”ou “villages nègres” étaient présentés auxpopulations européennes pour leur édu-cation.Il s’ensuivit donc, même dans cette pério-dede paix, des conflits qui annonçaient les

guerres de décolonisation,Madagascar (1947), Indochine(1947-1954), Algérie (1954-1962). Parallèlement, dans lemonde les conflits armés ontété nombreux: guerrecivile enGrèce, guerre de Corée , mul-tiples guerres africaines (Biafra,

Soudan, Zaïre), guerres du Cachemire, duBangladesh, du Timor-Oriental, guerre duGolfe, guerre du Kosovo, guerres Israël-Palestine, etc.

La démocratie, facteur de paixC’est le régime dans lequel le peupleexerce la souveraineté soit directement(référendum), soit indirectement par sesreprésentants élus (députés, sénateurs,président…). Notons que les “démocra-ties populaires”, établies par la force,notamment en Europe de l’Est après 1945,étaient en fait des dictatures des partiscommunistes et non des démocraties.En France, la démocratie n’a été effectiveet stable qu’à partir de 1880-1882, par lagénéralisation de l’enseignement pri-maire car elle exige que l’ensemble descitoyens soit informé pour qu’il y ait libreéchange des idées. Elle favorise de ce faitle développement de l’éducation et de laculture aussi bien dans le domaine dessciences que des arts et des lettres. Ellefavorise égalementl’établissementde rela-tions pacifiques avec les autres nations.Enfin et par dessus-tout, si elle est réelle,elle donne le pouvoir aux citoyens de déci-der de la paix ou de la guerre .Encore faut-il que l’exercice de la démo-cratie ne soit pas faussé : par des règles dedroit imparfaites (restrictions apportéesau suffrageuniversel, élections présiden-tielles auxÉtats-Unis, municipales à Paris,Lyon…), par la corruption des politiques,

par une philosophie ou une religion encontradiction avecses principes. Ainsi, lespolitiques coloniales étaient fondées, aux19eet 20esiècles, sur l’idée entre autres dela supériorité des nations colonisatrices.

La religion, facteur de paix

En France, 80% de la population est catho-lique (dont 8% de pratiquants réguliers),5,3% est musulmane, 1,6% protestante,1,07% juive, 1,07% bouddhiste, 0,35%orthodoxe (La Croix, 1995).Dans le cadre de la démocratie, la religionpeut également, à certaines conditions,être facteur de paix.En effet, le message de compassion, demiséricorde, d’amour commun à la reli-gion catholique et à d’autres traditions,notamment orientales et africaines, auraitbanni la guerre s’il avait été suivi. Mais il aété déformé par des circonstances histo-riques : pour l’Église catholique, parexemple, le pouvoir temporel des papes,l’infaillibilité pontificale, le sectarisme quise retrouve de la même façon dans lejudaïsme, le protestantisme, l’islam…Cependant, à notre époque, des actionspour la paix d’hommes et femmes de foi nemanquent pas. Pierre Fontaine évoqued’abord Daisaku Ikeda, puis beaucoupd’autres : l’Abbé Pierre, Mère Teresa, lepasteur baptiste Martin Luther King,Yitzhak Rabin et Anouar El Sadate, Jean-Paul II. Et les Églises, et au 1er rang l’Égli-se catholique, ont entrepris de réaliser unedémocratisation qui était nécessaire(Concile Vatican II, rencontre à Assise avecles représentants des principales religions,repentance à l’égard des Juifs, des musul-mans, des orthodoxes... des philosophes,des scientifiques).

Comment agir pour développer

une culture de paix ?

Pierre Fontaine propose d’agir, en créantdes rencontres entre personnes de bonnesvolonté et d’opinions différentes sur dessujets concrets, par exemple les problèmesactuels de la Palestine, la situation del’Algérie, la délinquance et les prisons, etc.et en mettant en pratique des actionsconcrètes comme l’accueil de réfugiéschassés par les guerres, des rassemble-ments dans les quartiers et les villages depersonnes de toutes origines pour desarbres de Noël, réunions d’anciens, aideaux familles (crêches, scolarisation...),et pourquoi ne pas honorer à Paris lamémoire des martyrs de Coventry, deDresde, d’Hiroshima, de Nagasaki ? ≈

Démocratie,religionet création de valeurs

Résumé de l’intervention de P. Fontaine, ancien magistrat

Comme l’a fait Monsieur Ikeda dans le message adressé à l’occasion

de ce colloque, Pierre Fontaine insiste, chiffre des morts civils

et militaires à l’appui, sur le fait que “durant tout ce siècle, la paix n’a été

qu’un intervalle entre les guerres”. Son exposé montre clairement

en quoi, pour avancer vers une culture de paix, démocratie et religion sont

créatrices de valeurs, mais encore faut-il que l’exercice de la démocratie

ne soit pas faussée et que les religions ne glissent pas vers le sectarisme. M

. A.

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Au 21e siècle, cultivons la paix34

D’UNE VOLONTÉ DE PAIX VERS UNE CULTURE DE PAIX

Les obstacles à une culture de paix

M ais quelles sont lesraisons de cetteévolution dange-

reuse pour l’humanité ? Et pourquoi est-ce si difficiled’aimer et de respecter lesautres ?D’abord à cause de notre ten-dance à ne voir les tyrans qu’à l’extérieurde nous età oublier l’existence de la tyran-nie présente en nous tous. Ceci conduit àune pensée manichéenne et paresseuse,acceptant comme un fait acquis qu’il y ad’un côté des méchants et de l’autred’innocentes victimes. La deuxième raison c’est que la “réformeintérieure” ne peut s’accomplir si on netransforme pas les institutions. L’Éduca-tion, la délégation politique, la société deconsommation, le règne du profit et de lapublicité, la destruction de l’environne-ment, tout cela a une influence sur nous.Orl’être humain a besoin d’un environne-ment qui le stimule, lui donne des repères,de la sécurité, de l’amour. Cet environne-ment c’est celui de sa famille et c’est aussil’environnement social. Si les peurs sontcalmées, l’esprit de coopération et desociabilité sera renforcé.

La peur de la dévalorisation

Je partirai de ce que j’ai observé en ban-lieue, où la violence augmente de façoninquiétante. Dans ces endroits où se reflè-tent de façon criante tous les maux denotre société, les peurs augmentent :l’insécurité bien sûr, mais aussi une formede peur plus subtile qui vient de la diffi-culté de communication entre personnesqui ont des valeurs différentes. Les mal-entendus peuvent naître de ce manque decompréhension. Une autre peur encore,la peur de la dévalorisation : beaucoup

d’êtres humains se sententdévalorisés et inutiles sociale-ment. Cela donne un grandsentiment de vide et d’impuis-sance. Il y a aussi beaucoup desolitude, car les relations fami-liales et communautaires ontété bouleversées et l’individu

se retrouve seul.

La crise de l’autorité

Et puis il y a la fameuse crise de l’autorité.Le principe était simple : il y avait des chefsqui avaient le monopole du savoir et quidemandaient de la soumission. En échan-ge, l’individu était assuré d’une certaineforme de sécurité. Aujourd’hui, dans lesbanlieue, les enfants savent des chosesque leurs parents ne savent pas. Dans lesinstitutions, des policiers, des enseignantsou des travailleurs sociaux détiennent desinformations que leurs propres respon-sables ne possèdent pas. En conséquence,nous assistons à une remise en question del’autorité qui se traduit par une demandede dialogue. Mais nos systèmes institu-tionnels restent extrêmement pyrami-daux. La plupart des gens vivent donc deplus en plus avec la conviction qu’ils nesont pas responsables de leurs actes, quece sont les “grands”, là-haut, qui sont lesresponsables de tous leurs problèmes. Tous ces sentiments d’impuissance, dedévalorisation de soi, de solitude entraî-nent une violence qui s’exprime à traversce que j’appelle des maladies sociales : desdépressions, des sociopathies - des formesd’égoïsme social où chacun agit en fonc-tion de la satisfaction de ses pulsions audétriment des autres - enfin des paranoïasoù chacun se sent victime des autres.>Comment sortir de la culture de violencesans se contenter de faire appel aux bons

sentiments ? Il faut travailler à calmerl’angoisse, le sentiment d’impuissance etle sentiment de vide. Le sadisme tente des individus sans vie àl’intérieur d’eux-mêmes, parce que lesadisme et la violence sont des moyens devibrer, d’avoir du pouvoir. Le problèmen’est donc pas la violence mais bien le vide,l’ennui et l’impuissance.En travaillant avec des policiers, des gar-diens d’immeubles, des jeunes violents,j’ai pu constater que, placés dans un envi-ronnement positif, ces gens changeaientprofondément. Les masques de bêtise, depeur et de haine tombaient. Dans un climat favorable, l’être humain ala possibilité à tout moment (et pas seu-lement dans l’enfance) de développer sonintelligence, ses capacités de sociabilitéet de coopération. En fait, il suffit “simplement” de partir desbesoins essentiels de l’être humain : sécu-rité, valorisation, amour, stimulation. Ilfaut recréer des liens entre des gens quin’ont pas les mêmes valeurs. Il est facilede créer des liens avec des gens qui parta-gent les mêmes idées, mais on crée desclans qui vont s’opposer à d’autres clans.Il faut donc mettre en place les moyens decréer des liens sur d’autres bases.

L’apprentissage du conflit

Pour cela, il faut faire l’apprentissage duconflit. La violence c’est du conflit qui nesait pas ou ne peut pas s’exprimer. Il faut donc être capable d’entendre cetteviolence, de la transformer en conflit,d’accepter la remise en cause. Le conflitest nécessaire pour apprendre à commu-niquer avec des gens qui ne pensent pascomme nous.La capacité de se faire entendre sans vio-lence est aussi liée au pouvoir que l’on asur sa propre vie. Des gens qui sont tout enbas de l’échelle hiérarchique doivent pou-voir faire des propositions, dire “voilà ceque nous voulons, voilà comment pour-raient se faire les choses”. Car s’il est évi-dent que nous vivons bien dans une démo-cratie – et non dans une dictature – il s’agitd’une démocratie faible où les individusn’ont pas de réel pouvoir sur leur vie. Pour conclure, nous devons bien considé-rer notre part de responsabilité, sortir enfindu manichéisme. Mais nous devons aussitravailler au changement des institutions.Il s’agit de combattre la tyrannie, ainsi quetoutes les tendances contraires à la paix,là où elles se trouvent, à l’intérieur de nouset à l’intérieur des institutions. ≈

Charles Rojzman fait ce triste constat : “malgré toutes les bonnes intentions

et l’humanisme affiché en Occident, la violence se répand dans le monde.

Nous assistons à une recrudescence des haines animées par le narcissisme

collectif et l’égoïsme sous toutes ses formes. La volonté de paix ne suffit

donc pas. Il faut construire plus que cela : une culture de paix”. Il nous livre

les pistes qu’il a expérimentées et nous rappelle que la culture de paix

engage notre responsabilité personnelle et notre action dans la société. M

. A.

Résumé de l’intervention de C. Rojzman, thérapeute social

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35Au 21e siècle, cultivons la paix

La peur de l’islamet ses enseignements

Résumé de l’intervention de J.-L. Triaud, professeur des universités

nologiquement inférieurs àcause d’une démographiefaible, du manque de maté-riaux essentiels comme lebois, le fer, l’eau, tombentsous la domination des puis-sances européennes. Privés de leur liberté, ils s’arc-

boutent sur leurs valeurs et adoptent uneattitude défensive qui fige l’islam dansune forme médiévale.Contrairement aux Britanniques quiconsidéraient avec une certaine indiffé-rence les organisations islamiques, lesFrançais ont vécu la présence musulmanesur le mode du complot : héritiers de laRévolution, les laïques, Républicains etRadicaux qui ont été l’un des principauxfers de lance de la colonisation française,ont cru retrouver le même adversaire, sousles traits islamiques.

Culture de guerre

et culture de paix

Dans la pratique, l’islam est apparu commeune religion guerrière, recourantau Jihad(guerre sainte) pour des motifs éminem-ment politiques, alors que l’autorité isla-mique avait fait preuve d’une toléranceinhabituelle pour le monde de l’époque àl’égard des “religions du Livre” (zoroas-trisme, judaïsme, christianisme). Maisbeaucoup de religions ont été traverséesà un moment ou à un autre par des culturesde guerre: Inquisition, guerres de religion,croisades ne sont pas un monopole isla-mique. Judaïsme, christianisme et islampartagent, sous des formes historiquesdiverses, la même conviction que Dieuarme les croyants et leur donne la victoi-re. Chaque mutation majeure, dans l’his-toire du monde, est ainsi accompagnéed’effervescences intégristes, fondamen-

talistes. Aucune religion n’échappe à sonenvironnement et aux adaptations néces-saires de son message initial aux idées dutemps. Comme le christianisme avant lui,l’islam est entré dans une période de muta-tions, entre crispations fondamentalisteset intégristes et ouvertures modernistes.

L’évolution de l’islam

Des intellectuels musulmans, sensibles aupoids des valeurs de tolérance et d’œcu-ménisme aujourd’hui reconnues mondia-lement, ont cherché dans leur propre héri-tage des supports valables et proprementislamiques à ces valeurs. Reprenons l’exemple du Jihad, modèleguerrier s’il en est. À l’origine, la prédica-tion sur le Jihad était destinée à interdireles guerres tribales en Arabie, pour ne rete-nir, comme seule guerre licite la guerre aunom de la foi. Relisant les textes fonda-teurs, ils disent aujourd’hui qu’il faut dis-tinguer entre le grand et le petit Jihad. Lepetit Jihad c’est celui qui consiste à com-battre pour la défense de l’islam, le grandJihad, le plus important des deux, est aussile plus difficile. Il consiste à combattre lemal en soi-même, en son cœur. L’appelmilitaire et collectif du Jihad est ainsitransformé en un appel moral individuelen phase avec l’évolution religieusecontemporaine.

Établir des ponts

entre les différentes cultures

Ils ont trouvé également, dans le Coran,cette phrase : “Pas de contrainte en reli-gion! La voie droite se distingue de l’erreur.”En d’autres termes, il n’est pas besoin deforcer quiconque en matière religieusepuisque la vérité apparaît d’elle-même. La mise en avant de ce verset est le signeque l’islam n’échappe pas à cette adapta-tion à la modernité. C’est ce que deman-dent, d’ailleurs, les jeunes musulmansdans leurs pays d’origine ou dans l’immi-gration, de façon ouverte ou informelle,avec ou sans le soutien de certains imamsou muftis, même si ce mouvement estencore minoritaire et mal perceptible. Faisons la paix dans notre cœur avec l’islamet les musulmans pour les aider à déve-lopper leur propre culture de paix conseilleJean-Louis Triaud, qui conclut : «Et c’estM. Daisaku Ikeda, président de la SokaGakkai internationale, qui déclarait le3mai dernier :“Établir des ponts entre lesdifférentes cultures et civilisations seral’un des plus grands défis de ce nouveausiècle” ».≈

L a peur de l’islam est unepeur bien française quis’enracine doublement

dans une tradition révolution-naire de lutte antireligieuse etdans un passé colonial, une peurmédiatique où se mêlent indis-tinctement les problèmes del’immigration et du terrorisme proche-oriental, les échos du conflit israélo-pales-tinien et de la guerre du Golfe, et les sou-venirs empoisonnés de la guerre d’Algérie,amalgamés à une représentation globale-ment négative de l’islam. La peur de l’islamremplace, pour nombre de médias, la peurdu communisme et de la guerre froide. Toutcela ne fait que renforcer les passions etnourrir les intégrismes de tous bords.

Le regard ambigu européen :

la fascination de l’islam

Dès le Haut Moyen Âge, le regard européenétait ambigu, fait de répulsion (car l’islamest perçu comme une “fausse religion” etl’action des corsaires barbaresques enMéditerranée était ressentie par les Euro-péens comme une forme d’agression per-manente), mais aussi d’attraction pour lemonde arabo-musulman, berceau des phi-losophes amis de la science. Le moine Abélard, exaspéré par les diffi-cultés rencontré avec les théologiens,rêva, un moment, de s’installer en paysmusulman. Voltaire, lui-même, auteurd’un Mahomet, oscille entre l’admirationet une attitude plus critique. Goethe écritdes poèmes à la gloire de Mahomet. Lemonde du 19e siècle va changer tout cela.

Le monde musulman soumis

à la conquête européenne

À partir de l’arrivée de Bonaparte enÉgypteen 1798, les pays musulmans tech-

M. A

.

Jean-Louis Triaud nous livre sa réflexion sur un “inconscient anti-isla-

mique” qui pèse sur notre représentation du monde, sur ce qui a précipité

l’islam dans le fondamentalisme, sur son évolution actuelle.

Il fait ainsi entrevoir une issue, à terme, et il nous fait prendre conscience

du fait que face à ce contentieux avec l’islam, largement répandu en France,

nous avons un véritable effort à faire pour regarder le monde

arobo-musulman d’une façon nouvelle.

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D’UNE VOLONTÉ DE PAIX VERS UNE CULTURE DE PAIX

Au 21e siècle, cultivons la paix36

La violence internationale

Résumé de l’intervention de M. Dhalleine, ancien officier Casque bleu

Dans la violence inter-nationale, où se placel’homme? Ce sera le fil

conducteur de ce propos. Nous avons constaté avecCharles Rojzman, que nouspartagions la même définitionde la violence : “c’est la volon-té délibérée de rendre l’autre faible, sipossible impuissant, afin de se sentir soi-même fort et puissant”. Première remarque, il s’agit de rendrel’autre faible mais dans la violence inter-nationale, l’autre est un pays, une entitéabstraite et pourtant composée d’hommesde chair et de sang. On n’en veut pas auxSerbes, mais on bombarde Belgrade. On“n’en a pas” contre la Libye, mais on bom-barde Tripoli et tout le monde sait quenotre ami Kadhafi vit sous une tente. Orc’est l’homme qui souffre, qui est blessé,prisonnier, humilié, désorienté, affolé.

L’engrenage des alliances

entre pays

Deuxième remarque, la volonté d’affaiblirpeut être malheureusement celle d’un seulpays. Pour entraîner les autres il va utili-ser en premier lieu la solidarité : “Vous avezsigné ce traité d’alliance avec nous, il fautêtre solidaire”; en second lieu la pressionfinancière, la Belgique y a été soumise aumoment du Golfe. En tous lieux, la média-tisation peut être assimilée à une forme depression confinant à la violence. En effet, je rends hommage à tous ceuxavec qui on a travaillé dans des circons-tances très difficiles, qui n’avaient pas peuret qui ont fait un travail fantastique. Maisattention, il faut que la presse amène à uneprise de conscience, elle ne doit pas s’éri-ger en directeur de conscience. Elle ne doitpas sacrifier au manichéisme. Pourquoi

Saddam Hussein en 1991 est-il passé très vite de tamponlaïque contre un islamisme ten-taculaire (celui de l’Iran) à uneespèce de diable qu’il fallaitabsolument abattre? Je vousdonne un élément de solution:“Cherchez où est l’argent, cher-

chez où est le pétrole ”. Le manichéismeest dangereux car il cherche à tout rendresimple, en s’appuyant sur des clichés, deslieux communs, les bons, les méchants. Lareprésentation de la violence faite d’unemanière simpliste devient dangereuse,elle peut nous amener, malgré nous, à uneviolence de cœur. Gardons absolumentl’esprit de discernement.

Comment faire face

à la violence internationale ?

Par la négociation, même au cœur duconflit. S’engager dans cette voie n’est passans risques, car il y a souvent danger devoir taxer cette négociation de compro-mission. Mais elle est toujours préférableà l’action visant à la reddition sans condi-tion: il faut sortir de ces notions abstraitesde droit international pour arriver àl’homme. Un homme soumis à un ultimatum, esthumilié et l’humiliation est génératrice deressentiment, blocage et excès. Un exemple, depuis 1947 les gens de Gazan’ont connu que la guerre. Ils s’en sententles héritiers. Marquer quelques réserves àleur égard ou simplement chercher à com-prendre le point de vue adverse, leur paraîtune trahison de leurs ancêtres. Pour unPalestinien, lui enlever sa kalachnikov oului couper le poignet, c’est exactementpareil. C’est une notion qu’il faut com-prendre, parce que sans ça on va au blo-cage, comme l’assassinat d’Yitzhak Rabin

par des orthodoxes juifs. Ensuite, sur uneterre de conflit, il existe des associationslocales culturelles, religieuses, qui ontchacune une influence sur une partie de lasociété. Il faut discuter avec elles, avec lespetits chefs de village.Sur le plan histo-rique, il ne faut pas oublier qu’en 1943, sile débarquement d’Italie a réussi c’estgrâce aux contacts entre les autorités amé-ricaines et la mafia.

Et nous, en tant que citoyen ?

L’individu se sent petit, seul, ballotté etindécis. Mais l’individu est dans “l’institu-tion” et doit observer avec clairvoyance cequ’est cette “guerre sainte” qu’on lui pré-sente. Surtout, refusons de diaboliserl’autre, car il n’ya plus grand chose à faireavec une porte qu’on a refermée. La vio-lence internationale cherche à s’appuyersur le bon vieux manichéisme et nous deve-nons victimes de ce discours de simplici-té. Ce qui est gênant, et je crois que les troisintervenants l’ont dit : on se range tou-jours du côté des “bons”.Nous vivons en démocratie et nous devonsabsolument peser par notre vote, ne pasdémissionner sous prétexte que les poli-tiques sont “tous pourris”. D’autres, desminorités, iront voter en bloc et un jourelles risquent d’écrire l’histoire. Cela a déjàété vécu et quelle histoire !

Rejeter la fatalité

Il faut absolument rejeter la fatalité,à toutmoment on peut changer le monde. Unsecrétaire général des Nations unies étaitvenu nous voir parce que nous étionsdésespérés après d’innombrables cessez-le feu au Sud-Liban. Nous lui avons dit :“Monsieur le Secrétaire Général, ça nemarche pas cette affaire, on n’arrête pas defaire des cessez-le-feu”. Il a répondu : “Vous n’avez rien compris.Même si le plus petit cessez-le-feu est dejuste une heure, vous avez peut-être sauvéune vie. Celui qui commence à sauver unevie commence à sauver le monde.”Permettez-moi de conclure sur ce pro-blème en disant : aller crier “la paix auVietnam” sur la place de la Concorde nesert pas à grand-chose. Je crois au prin-cipe de paix par tache d’huile, entrehommes de bonne volonté qui vont com-mencer en respectant l’autre, en faisantla paix dans leur quartier, leur travail, leurfamille, avec leur femme. La partie peutêtre gagnée, surtout si nous commençonspar le plus compliqué, faire la paix avecnous-même. ≈

Michel Dhalleine nous fait part de sa perception de la violence internationale

au travers d’une expérience qui l’a mené en Afrique, au Proche-Orient

et en Yougoslavie. Il met l’accent sur l’absence de respect de l’être humain,

tant de la part des États qui font prévaloir leurs intérêts et n’hésitent pas

à faire pression au niveau des alliances entre pays, que des médias qui

ne sont pas toujours objectifs. Il nous met en garde contre la diabolisation

de l’autre et nous rappelle notre rôle de citoyen.M

ICH

ELE

ARCI

DIAC

ONO

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37Au 21e siècle cultivons la paix

Du 18 au 25 novembre 2001, le HautCommissariat aux réfugiés (UNHCR), ActionRéfugiés avec le HCR et la Soka GakkaiFrance (SGF) ont organisé au Centre cultu-rel de la SGF à Nantes une exposition pho-tographique sur le thème “Libertés enexil”, bâtie à partir des fonds photogra-phiques de l’UNHCR , de ceux des deuxgrandes agences Magnum et Sygma, etc.Des dons ont été recueillis sur place pourAction Réfugiés avec le HCR. ≈

Dimanche 25 juin 2000, l’ambiance estdétendue et joyeuse lorsque les membres dela SGF des régions Alpes méditerranée et Azuront accueilli leurs amis et invités au Centreculturel européen de la SGI à Trets (Bouches-du-Rhône). Quelques moments forts ont marqué cettejournée “Portes ouvertes”: ¬ Conférence “Violence urbaine et vio-lence internationale” - Soulevant le pro-blème de la manipulation des conscienceset des informations, Charles Rojzman nousa proposé de “revoir en profondeur tousnos fonctionnements sociaux”. De soncôté, face à l’ampleur de la violence inter-nationale, Michel Dhalleine préconisxait“la négociation à tout prix”. Une séancede questions-réponses s’est engagée surdivers sujets, dont l’utilisation possibled’Internet comme moyen de promouvoirla paix. ¬ Projection d’une cassette vidéo sur lesactions du Haut Commissariat pour lesréfugiés (HCR).

¬ L’exposition “Libertés en exil”- En46 photos dont 14 grands formats, nousvoyons la dure réalité des camps de réfu-

giés, telle que l’ont appréhendée JérômeDelay et A. Hollmann, tous deux photo-graphes indépendants. ≈

Réflexions sur les violences urbaines et internationales

L’exposition de photos “Libertés en exil” au centre culturel européen de la SGI à Trets

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Nantes Exposition de photos sur les réfugiés dans le monde

CAP

SUR

LA P

AIX

Le bouddhisme enseigne l’inséparabilité entre le bonheur indi-viduel, la paix et la prospérité de chaque pays.

Sur cette base les membres de la SGF s’efforcent de contribuer aubien-être de leurs amis, de leur famille, de leur environnement etcommunauté respectifs. La SGF a par exemple organisé des collectes de fonds en faveur del’Unicef pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda. Voici quelques exemplesd’initiatives d’adhérents de la SGF ou de l’association elle-même,prises de 2000 à 2002. ≈

La Soka Gakkai mène différentes actions, parfois

en partenariat avec d’autres associations ou

organismes. Ces initiatives touchent aussi bien

les domaines de la culture, de la non-violence, de la

solidarité, de la protection de l’environnement…

INITIATIVES DE LA SOKA GAKKAI FRANCE [ 2000-2002 ]

L’association Soka Gakkai France (SGF)

La SGF est une association de pratiquants laïques du bouddhisme de Nichiren Daishonin (13e siècle).

Régie par la loi de 1901, donc“à but non lucratif” la SGF rassemble plusieurs milliers de croyants qui pratiquent et étudient le bouddhisme. Sa principale activité est la réunion de discussion, organisée en petits groupes locaux,où chacun peut dialoguer à la lumière des enseignementsbouddhiques et de son expérience personnelle.

La vie financière de l’association est liée aux dons libres et non obligatoires de ses adhérents. Les activités y sontgénéralement gratuites. La SGF fait partie de La Soka Gakkaiinternationale (créée en 1975), reconnue comme organisation non gouvernementale auprès de l’Onu.Celle-ci compte actuellement plus de 12 millions de membresdans 183 pays et territoires. ≈

Un engagement actif

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Au 21e siècle, cultivons la paix38

tions pour la protection de l’environnement,chacun s’efforça d’enlever à la pelle ou à lapioche les plaques de pétrole qui collaientsur le sable puis de les rassembler en un lieuoù ils les chargèrent sur des camions. ≈

Suite à l’explosion de l’usine AZF surve-nue à Toulouse le 21 septembre 2001, lajeunesse de la SGF a décidé d’agir afin devenir en aide aux sinistrés. Deux actions ont été lancées: ¬ Un acheminement sur place de biensmatériels de première nécessité. ¬ Une collecte de fonds remis directe-ment au Secours populaire de la Haute-Garonne qui agit sur le terrain auprès desvictimes de l’explosion.Des membres d’Île-de-France, de Bordeaux,de Perpignan et de la région Alpes-Méditerranée se sont vite mobilisés. Le 27 septembre, deux fourgons et unevoiture ont acheminé vers le centre duSecours populaire de Toulouse des car-tons de produits d’hygiène de premièrenécessité triés et collectés par les membreset leurs amis. ≈

Le 16 mars 2000, une première journéede plantation d’arbres sur la montagneSainte-Victoire a réuni 26 membres venusde toute la région. Cette initiative s’inscri-vait dans les actions de reboisement menéespar l’ARPCV (Association pour le reboise-ment du centre Sainte-Victoire). Le 26 novembre, seconde étape, 300 per-sonnes dont 45 membres de la SGF venusdes Bouches-du-Rhône, du Var, d’Arles etde toute la région se sont retrouvés dansla calanque de Simiou. Environ 1 600 arbresont été plantés, l’événement était retrans-mis par les chaînes de télévision. ≈

Nettoyage de plages à Lacanau

Marée noire de l’Erika

Le dimanche 11 novembre 2001,le groupe “Plages propres” s’est retrouvépour nettoyer les dunes afin que la planta-tion des oyats (graminées employées à fixerle sable) puisse se faire dans de bonnesconditions. Les participants ont ainsi par-

couru les dunes de la plage des Surfeurs etcelles de la plage du Lion, où vent et soleilétaient aussi de la partie. Prochain rendez-vous le 14 décembre. Legroupe désire encore remercier l’Organismenational des eaux et fôrets de Lacanau. ≈

Solidarité avec les sinistrés de Toulouse

Le 12décembre 1999, la marée noiredu pétrolier Erika se déversa sur les côte bre-tonnes. Un groupe de jeunes de la région dePornic, membres de la SGF, prit l’initiatived’aider au nettoyage des plages. Cette vingtaine de volontaires contacta lesmairies des communes touchées et proposade contribuer à l’opération. Le 8 janvier2000, le groupe se retrouva, pour la maréede 9h, à la mairie de La Bernerie. Encadréspar des bénévoles expérimentés d’associa-

CAP

SUR

LA P

AIX

INITIATIVES

Aide au reboisement

en Provence

Exposition Shakespeare

à la Maison littéraire de Victor Hugo

En mars 2000, l’exposition “Victor Hugoet les grands esprits universels : WilliamShakespeare” a repris à la Maison littéraireVictor Hugo à Bièvres. Il s’agit de la 7e expo-sition initiée par ce musée fondé en 1991par le président de la SGI, M. Ikeda.Parmi les 4 000 pièces de la collection, cinqd’entre elles sont classées au titre des“monuments historiques”. ≈Renseignements: 01 69 41 82 84

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39Au 21e siècle cultivons la paix

Des festivals culturels ont été organisés parla jeunesse de la Soka Gakkai France à lafin de l’année 2000 afin de célébrer et pré-parer l’arrivée du 21e siècle.C’est le dimanche 1er octobre à Paris quecommença le premier de ces spectacles. Lefestival de la jeunesse “Lâche pas l’affaire”accueillit 4 000 spectateurs invités à laMutualité.Le 29 octobre à Trets, 1 500 personnes,dont plus de la moitié étaient des amis desmembres de la SGF, ont assisté au festival.Le thème était “2001, l’odyssée del’espoir”. Au cours du spectacle, des “extra-terrestres” arrivés dans d’étranges sou-

coupes en carton-pâte, annonçaient unfutur drôle et plein d’imagination. En Guyane, un festival musical “Appel à lapaix par la culture” s’est déroulé le22 octobre devant 400 spectateurs.C’est le 5 novembre que le Centre culturel

de la SGF à Nantes a présenté son festivalsur le thème “Soleil de la jeunesse, cou-leur de la vie”. De nombreuses perfor-mances d’un style très éclectique alliaientdanse, percussions, chorales et airsd’opéra. ≈

Festivals de la jeunesse en 2000

Le groupe de percussion sur la scène de la Mutualité, à Paris, le 1er octobre 2000

Du 28 janvier au 30 mars2001:

A été présentée pour la première fois enFrance par la ville de Flaine (réputée pourses sports d’hiver), en collaboration avecla Soka Gakkai France et la SGI, avec lesoutien de l’Unesco dans le cadre duManifeste 2000, une remarquable expo-sition de “dessins d’enfants du mondeentier et de Flaine”.Intitulée Enfants, messagers du 21e siècle,l’exposition se voulait être un encoura-gement et une lueur d’espoir pour lefutur. ≈

Les 18 et 31 mars 2001, les chorales Soleilet Clair de lune (environ 70 femmes ethommes) de la SGF ont participé à deux soi-rées données au profit de l’associationRétina France pour la recherche ophtalmo-logique et le relais entre le monde médicalet les malades. Le 18, avant l’orchestre LaChanterelle et la Chorale du Lundi, elles ont

présenté 6 morceaux dont “Liberté” extraitde Nabucco de G. Verdi qui fut repris le 31au final en commun avec les chorales réuniesArc-en-Ciel et l’Envol, avec le non moinscélèbre “Guantanamera” de José Marti.Un 3e concert a eu lieu le 7 avril à Antony,au conservatoire Darius Milhaud. ≈

Concerts de choralesau profit de l’associationRétina France

Le dimanche 25 juin 2001, l’ensemblede musique classique Fleurs de la culture,composé de musiciens adhérents à la SokaGakkai France a donné, dans la soirée, unconcert devant une centaine de personnesau centre culturel de la SGF à Paris. Despièces choisies de Schubert, Dvorak, Mozart,Stravinski, Tchaïkovski, Vivaldi, Beethovenet Peer Gynt de Grieg, interprétées avec unegrande qualité, ont charmé le public uneheure durant.Le 16 décembre 2001 , l’orchestreFleurs de la culture a donné pour la fin del’année un nouveau concert à Paris, en pré-sence d’environ 140 personnes, dont bonnombre d’invités non-bouddhistes. L’orchestre, composé de 15 musiciens, acommencé, sous la direction de RobertChapuis, le programme de la soirée parl’Invitation à la valse…Le souhait des musiciens de cet ensembleest de faire partager par la musique lesvaleurs humaines universelles mises enavant dans l’enseignement bouddhique. ≈

Concert classique au Centre culturel de la SGF Du 17 au 26 juin 2001, le Centre cultu-

rel de la SGF à Chartrettes accueillait uneexposition de photographies de Jean etAndré Fage, de membres du Club de pho-tographies du Val-de-Bièvres et de DaisakuIkeda. Il s’agit de la première manifesta-tion culturelle organisée au Château du prédepuis son inauguration, le 3 mai 2000. ≈

Exposition de photos “Regards croisés” à Chartrettes

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Exposition de dessinsd’enfants du monde à Flaine, en Haute-Savoie

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Au 21e siècle, cultivons la paix40

INITIATIVES

un grand enthousiasme, beaucoup de pré-paration pour vaincre les peurs et appré-hensions et une parfaite cohésion entretous ceux qui organisaient la conférence,ils ont réuni tous les ingrédients néces-saire pour la réussite de cette rencontre.

La projection de la vidéo Gandhi, King,Ikeda, bâtisseurs de paix fut suivie par desmini-conférences illustrées par des expé-riences (violence à l’école, apartheid enAfrique du Sud…). Ensuite un spectacle(hip-hop, jazz, poésie…), puis un buffetpour favoriser le dialogue. Une réussitepour ce “coup d’envoi”. ≈

Le 9 mars 2002, des membres de la jeu-nesse de la SGF (des 8e et 9e arrondisse-ments) ont organisé une conférence ayantpour thème “Dialogue pour la non-vio-lence”. Avec une salle de cinq cents placesprêtée par la mairie du 9e arrondissement,

Conférence sur la non-violence à Paris

Conférences organisées

en soutien à la Charte de la Terre

En 2002 la SGF a organisé un cycle deconférences en soutien à la Charte de

la Terre (voir ci-dessous). Le 29 mars2002, au Centre culturel de Paris de laSGF, a eu lieu la première conférence avecHervé Pilastre, directeur des opérationsinternationales de la Croix verte interna-tionale. Il y a présenté les conclusions duForum “Dialogues pour la Terre” qui s’estdéroulé à Lyon en février dernier. Durant l’année les centres culturels de laSGF ont accueillis différents conféren-ciers : Le prince Nicolas PetrovitchNiegosh, créateur d’une biennale d’artcontemporain à Cetinje au Monténégro;Marc-Alain Ouaknin, rabbin et docteur enphilosophie; Yves Cambefort, spécialistede l’œuvre de l’entomologiste Jean-HenriFabre ; Dennis Gira, théologien, ensei-gnant à l’Institut catholique de Paris etspécialiste du bouddhisme ; MarcelloCoradini, directeur de recherche àl’Agence spatiale européenne ; FaridaHachtroudi, journaliste, engagée dans la

protection du droit des femmes en Iran;Yvon Le Men, écrivain et poète ; AnnePetroff, fondatrice de l’associationGénération Arc-en-ciel qui s’occupe de latransmission aux jeunes générations desavoir-faire en voie de disparition. Le 22 avril, Lyon accueillait le Dr FrançoisSikirdji, chercheur en histoire et présidentde l’association du Vol de l’aigle, pour uneconférence sur Napoléon et Victor Hugo.En novembre, Josiane Trolliet, fondatricede l’association Pour une charte de laTerre ; Bertrand Charrier, directeur exécu-tif de la Croix verte internationale ; GuyCrequie, poète et Pierre Spacagna, direc-teur général adjoint de la SGF, ont étéinvités pour une conférence-débat autourdu livre Dialogue pour la paix deDaisaku Ikeda et Mikhaïl Gorbatchev. ≈

Le 4 mai 2002 : à Paris, trente jeunesfilles de la SGF, du groupe Ailes del’Espoir, et dix jeunes gens, du groupePercussion, ont participé au Village de lapaix, organisé par la paroisse deBelleville, rue de Belleville (19e et 20e

arrondissements), à la hauteur du métroJourdain, de 15h à 17h. Le but du spectacle, donné sur la place del’église dans une ambiance familiale etdétendue, était de promouvoir la paix parle respect des autres et une nouvelle soli-darité. La prestation des jeunes “fifres ettambours” aurait réjoui le défunt prési-dent de la SGF, M. Yamazaki, qui chéris-sait tant ce groupe, porteur de tous lesespoirs qu’il mettait en la jeunesse. ≈

Le groupe Percussion

Participation au Villagede la paix à Belleville

Le groupe Ailes de l’Espoir

Mme et M. Sikirdji

La Charte de la Terre, faisait par-tie des questions que le Sommet de la Terre deRio de 1992 laissa en suspens. Maurice Strong,alors secrétaire général du Sommet de la Terreet président du Conseil de la Terre, MikhaïlGorbatchev, président de la Croix verte inter-nationale et le gouvernement néerlandais unis-sent leurs efforts pour continuer l’élaborationde la Charte de la Terre. Une large consulta-tion internationale mobilise des centainesd’organisations et des milliers de personnesde différentes cultures et d’origines, une ver-

sion finale est adoptée en mars 2000.La Charte de la Terre présente des valeurs etdes principes pour un avenir durable, elle invi-te à la réflexion et veut susciter le question-nement, la prise de conscience individuelle.Les quatre piliers de la Charte sont: 1) le res-pect et la protection de la communauté de lavie, 2) l’intégrité écologique, 3) la justice socia-le et économique, 4) la démocratie, la non-violence et la paix. Le texte de la Charte est disponible sur le site:www.earthcharter.org

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41Au 21e siècle cultivons la paix

le plan manuscrit du Comte de Monte-Cristo,le manuscrit de l’épilogue du très célèbreroman Les Trois Mousquetaires, etc. Cette exposition a été rendue possible grâceau concours de plusieurs institutions : lemusée de Victor Hugo de la place desVosges, la Bibliothèque nationale, laBibliothèque historique de la Ville de Paris,le musée Victor Hugo de Villequier et laBibliothèque du Sénat.N’oublions pas que ces échanges sont aussiun moyen d’ouvrir “l’entrée dans le sièclede l’Homme et du peuple que Hugo appe-lait de ses vœux” (D. Ikeda). ≈

Amis de leur vivant, les deux grands dela littérature française se retrouvent

présentés ensemble à la Maison littérairede Victor Hugo à Bièvres pour la célébrationdu bicentenaire de leur naissance. La Maisonlittéraire (un musée affilié à la SGI) accueilleles visiteurs du 2 mars au 30 novembre 2002à l’occasion de cette exposition.¬ Côté Victor Hugo, en plus des pièces fai-sant partie de la collection permanente dela Maison, vous pourrez vous pencher surun recueil de 44 lettres de Juliette Drouet àHugo, témoignage important sur la pério-de du siège de Paris par les Prussiens (fin1870, début 1871), sur plusieurs “copeaux”manuscrits des Misérables et sur la fameu-se Table aux encriers (qui comporte lesencriers de Victor Hugo, Alexandre Dumas,George Sand et Lamartine), prêtée par lemusée de Victor Hugo de la Place des Vosges(Paris), etc.¬ Côté Alexandre Dumas (dit “Dumas père”),la Maison littéraire de Victor Hugo présenteau public un manuscrit de 280 pages, écritpour son Histoire de Louis XVI et la Révolution,

Exposition Alexandre Dumas à Bièvres

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Victor Hugo Alexandre Dumas

Une importante couverture médiatiquepour cette exposition trop rarement

présentée en France et qui a permis auxvisiteurs de la maison “passé-présent” dedécouvrir, du 8 au 25 mars 2002, quelque120 dessins d’enfants du monde entier. L’exposition “Enfants, messagers du21e siècle” a été présentée par la SokaGakkai, en partenariat avec la ville deSaint-Just-Saint Rambert.Daniel Brignon écrivait dans L’Essor du 15mars : «En présidant le vernissage (…), lemaire de Saint-Just-Saint-Rambert, AlainLaurendon, a dit son émotion et remarquéle climat particulier créé par les œuvres desenfants, touchantes par l’expression “ducœur et de la passion” qui s’en dégage… »

De son côté, Betty Mori, vice-directeur dela Soka Gakkai France, a expliqué qu’“avecleurs couleurs, leurs coups de crayon, leurvision du quotidien, nous pouvons ressen-tir que chacun de ces enfants, d’où qu’il

vienne, n’aspire qu’à une chose, un mondepaisible et heureux”, et Marie Pouget,directrice de la Culture, présentait l’expo-sition comme “un message d’espoir, dejoie et de paix”.Dans La Tribune de Forez, Richard Beaunecommentait : “L’exposition fait penser à uneencyclopédie des différentes cultures dumonde” et Carla Subtil écrivait dans LaGazette du 16 mars : “Ces dessins véhicu-lent bien un message de paix, et permettentsurtout un véritable dialogue des cultures,ce qui n’est pas encore si fréquent.” Plusieurs écoles de la commune se sont prê-tées au jeu, et les dessins de leurs élèvessont venus enrichir l’exposition de Saint-Just-Saint-Rambert. ≈

Exposition de dessins d’enfants du monde à St-Just-St Rambert

Dessin d’une fillette de 11 ans reçu de Moldavie

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Le samedi 9 mars 2002, devant une sallepleine, la chorale des femmes de la SGF,“la chorale Soleil”, présenta son nou-veau répertoire au conservatoire DariusMilhaud de la ville d’Antony. La repré-sentation se déroulait dans le cadre del’événement “Mille chœurs pour unregard”, organisé au profit de l’asso-

ciation Retina France, dont le but est decollecter des fonds consacrés à larecherche sur les problèmes de vue.La chorale de la municipalité d’Antony,“la chorale Lys de madrigaux” présentahuit morceaux ainsi que la chorale Soleil,puis les deux chorales chantèrentensemble en anglais. ≈

La chorale Soleil chante pour l’association Retina

Agir au quotidien contre la violence Le 13 avril 2002, des membres de lajeunesse de la SGF du sud de Parisont organisé une conférence sur lethème de “La violence, comment agir,quelles sont les solutions ?” Troisintervenants, pratiquants du boud-dhisme de Nichiren Daishonin, ontfait part de leur expérience de vie àce propos. M. le Maire du 15e arron-dissement s’est déclaré ravi de latenue de cette conférence. ≈

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Charte de la Soka Gakkai internationalePréambule

Buts et principes

1. La SGI s’engage à contribuer à la paix, la culture etl’éducation pour le bonheur et le bien-être de toutel’humanité en se fondant sur le principe bouddhiquede respect du caractère sacré de la vie.

2. La SGI, en s’appuyant sur l’idéal de citoyennetémondiale, s’engage à veiller au respect des droitsfondamentaux de la personne et à ne créer aucunediscrimination entre les êtres humains, quelle quesoit leur origine.

3. La SGI s’engage à respecter et à protéger la libertéde religion et la liberté d’expression en matièrereligieuse.

4. La SGI s’engage à faire mieux connaître le boud-dhisme de Nichiren Daishonin en établissant deséchanges profonds, contribuant ainsi au bonheurde tous.

5. La SGI s’engage, au sein des organisations quila constituent, à encourager ses membres àcontribuer à la prospérité de leurs pays respectifsen tant que bons citoyens.

6. La SGI s’engage à respecter l’indépendance etl’autonomie des organisations qui la constituent,en s’accordant aux conditions légales prévalantdans chaque pays.

7. Selon l’esprit bouddhique de tolérance, la SGIs’engage à respecter les autres religions, à dialogueret œuvrer avec elles à la résolution des problèmesfondamentaux auxquels l’humanité est confrontée.

8. La SGI s’engage à respecter la diversité descultures et à promouvoir les échanges culturelsafin de contribuer à la création d’une sociétémondiale fondée sur la compréhension mutuelleet l’harmonie.

9. La SGI s’engage à promouvoir la protection dela nature et de l’environnement en se fondantsur l’idéal bouddhique de symbiose.

10. La SGI s’engage à contribuer à promouvoirl’éducation, la recherche de la vérité aussi bienque le développement des connaissances, pourpermettre à tous les êtres humains de cultiverleurs qualités particulières et de goûter des viesépanouies et heureuses.

Nous sommes bien conscients du fait :Que jamais encore dans son histoire, l’huma-

nité n’a connu plus violentes disparités entreguerre et paix, discrimination et égalité, pauvretéet abondance…

Que le développement de technologies militairestoujours plus sophistiquées, celui des armesnucléaires notamment, a conduit à une situation oùla survie même de l’espèce humaine est menacée…

Que les discriminations raciales et religieusesengendrent la violence, entraînant l’humanité dansun cycle incessant de conflits…

Que l’égoïsme de l’humanité et l’avidité sans freinont créé des problèmes à l’échelle planétaire, notam-ment la dégradation de l’environnement naturel,creusant toujours plus le fossé entre nations écono-miquement développées et nations en voie de déve-loppement, avec de graves répercussions pour l’ave-nir collectif de l’humanité. Nous avons la ferme conviction :

Que le bouddhisme de Nichiren Daishonin,

philosophie humaniste fondée sur le respectinaliénable du caractère sacré de la vie et sur unebienveillance n’excluant personne, permet auxêtres humains de cultiver et de faire jaillir leursagesse inhérente.

Qu’en nourrissant la créativité de l’esprit humain,ce bouddhisme permettra de surmonter les difficultéset les crises auxquelles l’humanité est confrontée, etd’établir un monde où les sociétés pourront coexis-ter et prospérer de manière pacifique. Nous, organisations constitutives et membres de laSGI, en nous fondant sur l’esprit humaniste dubouddhisme, résolus à lever bien haut la bannièrede la citoyenneté mondiale, de l’esprit de toléranceet du respect des droits de la personne, déterminésà surmonter les problèmes auxquels l’humanitéest confrontée dans le monde entier par le dia-logue et par des efforts concrets fondés sur notreengagement irrévocable à la non-violence.

Nous adoptons cette charte qui affirme les butset principes suivants :

Nous, organisations constitutives et membres de la Soka Gakkai internationale (appelée ici SGI)adhérons au but fondamental et à la mission de contribuer à la paix, la culture et l’éducation en nousfondant sur la philosophie et les idéaux du bouddhisme de Nichiren Daishonin.

L’association Soka Gakkai France est une des organisations constitutives de la Soka Gakkai internationale (SGI).Elle partage l’engagement de la SGI pour la paix, la culture et l’éducation, basé sur le bouddhisme de NichirenDaishonin. Elle adhère à la charte de la SGI, qui affirme les idéaux de citoyenneté mondiale, de liberté religieuse, detolérance et de respect pour les autres religions. La charte de la SGI a été adoptée à la fin de l’année 1995.