Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876

Embed Size (px)

Citation preview

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    1/190

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    2/190

    Digitized by the Internet Archivein 2011 with funding from

    University of Toronto

    http://www.archive.org/details/ledoctrinedulogoOOsoul

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    3/190

    lie wrrmnT or mfdiafvai studies10 ELMSLEV PLACETORONTO 6, CANADA.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    4/190

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    5/190

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    6/190

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    7/190

    LA DOCTRINE

    DU LOGOS

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    8/190

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    9/190

    LA DOCTRINE

    DU LOGOSCHEZPHILON D'ALEXANDRIE

    ^Dissertation inauguraleprsente V Universit de Leipzig pour obtenir

    le diplme de Docteur en philosophie

    HENRY SOULIERCand. theol. et phil.

    TURINVlUCEITT BOITAImprimeur de S. M.

    l8 76

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    10/190

    KE 1NST1TUTE OF TUD1ES10 E

    Te;

    -tOb%

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    11/190

    TABLE DES MATIERES

    PRFACE Pag. 1-5INTRODUCTION 5~9

    I" PARTIEPRINCIPES GNRAUX

    CHAP. I. LA NOTION DE DIEU.Existence de Dieu: argument physico-thologique. Impossibilit de dterminer la nature divine. Dieu, lacause premire, est l'incomprhensible,l'innomable Le sentiment religieux engage toute-

    fois notre philosophe spculer sur la nature deDieu. bous la forme ngative des dtermina-tions philoniennes, se cachent des attributs posi-tifs: attributs mtaphysiques, attributs moraux.Absoluit et transcendance de Dieu. L'Exis-tence distincte de l'essence 9-18

    CHAP. II. LA NOTION DE LA MATIERE.TTa9r)TiKv, iiX], ovaia, jlavj v. Description pes-

    simiste de la matire. La o0a peut devenirmeilleure condition qu'elle soit place sousl'action de la Cause premire. Le Dieu dePhilon n'est pas l'auteur de la matire. Opi-nion contraire de Vacherot. Sentiments deGrossmann, deKEFERSTEiN, deZELLERet de Heinze. Philon n'affirme pas explicitement l'ternitde la matire, mais il refuse de la regarder commeune uvre de Dieu, puisqu'elle est indigne ducontact de l'tre absolu. Dualisme de Philon ig-28

    CHAP. III. LA NOTION DE L'UNIVERS.g I. Le Cosmos:La non-ternit du Cosmos. Dfinitions du Cosmos.Pythagore, Platon, Aristote, le Portique. Lessphres de l'univers. Les cinq lments. Clas-

    sification des tres crs. Le temps. L'incor-ruptibilit du monde est une consquence de lanotion philonienne de Dieu 28-37

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    12/190

    VI g II. Le Microcosme (l'homme):

    Caractres distinctifs de 1' homme : Xoyikv) VjJUX 1!?vo, XoYiau, bidvoia. La raison et la pa-role (r= X6yo voiGero et \. irporpopix). Volont et libert. Le mal et ses consquencesdans la nature intellectuelle et morale de l'homme. Incapacit de l'homme d'accomplir sa destinepar ses propres nergies Pag. 37-48CHAP. IV. CONSQUENCES DES PRINCIPES EXPOSS.La doctrine philonienne des intermdiaires divinsdcoule de la nature des principes exposs. D'une manire gnrale elle est base sur l'idede la transcendance divine absolue. i L'idede la perfection mtaphysique de Dieu, empchenotre philosophe de mettre la Divinit en rap-port immdiat, soit avec la matire confuse etsans ordre, soit avec le Cosmos qui n'est qu'uneorganisation de la matire, et infiniment infrieur Dieu. 2 L'ide de la perfection morale deDieu, empche notre auteur, soit de considrerla Divinit comme la Cause immdiate de l'homme(nature mixte, capable de bien et de mal), soitde la mettre en contact avec le mal ou l'appa-rence mme du mal. (Ex.: arrter les progrs dumal, .punir le mchant, sont dsuvrs indignesde l'Etre moralement parfait). A l'effet de r-soudre les antinomies, Philon est oblig d'intro-duire entre Dieu et l'Univers (parla voiespcu-culative) une srie d'intermdiaires auxquels ilattribue les fonctions incompatibles avec la natureinrinie de l'tre suprme. L'ensemble de cesintermdiaires peut tre compris dans la notiongnrale du Logos divin 49-62

    IIMB PARTIELA DOCTRINE DU LOGOS

    CHAP. I. LE LOGOS DANS SES RAPPORTS AVEC DIEU.g I. Le Logos, raison immanente de Dieu:Le Logos attribut divin, c'est--dire, force pensantede Dieu. Dieu imagine le plan de la cration

    par son moyen. Le Logos est Dieu ce quele logismos est l'architecte. Philon confondla force pensante avec la pense conue. Deuxmanires d'expliquer cette confusion. Le Logossignifie la fois la raison-attribut de Dieu et leproduit de celle-ci, savoir le monde intelligible.Ncessit d'tudier la thorie philonienne desides pour concevoir sa notion du Logos . . 63-70

    g II. Le Logos, ensemble des ides universelles :On part de la connaissance du monde sensible pourarriver celle du monde intelligible. Les idessont les types des choses qui doivent tre cres. Le Logos est le livre o sont inscrites les ides. Il est l'ide des ides. Classification des ides. Les genres et les espces. Le Logos est legenre suprme. Les ides sont des nombres, desmesures. Elles sont des ralits indpendantesde notre pense. Identit des ides et desforces 71-80

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    13/190

    VII III. Le Logos, organe de la manifestation divine:

    Philon affirme le fait de la manifestation divine,mais n'en indique pas expressment le modeessentiel. L'ide d'une projection continue dela divinit, atteste par divers passages philoniens,nous fait abonder dans 1 sens de la thorie ma-natiste, mais on ne saurait tablir cette dernired'une manire absolue. Le sens de parolw quePhilon attribue aussi au Logos n'indique pas lemode essentiel de la manifestation divine. Lathorie du double Logos (vbid9eTO et Trpoqpo-ptK) transporte en Dieu, n'est pas une doc-trine philonienne. Le Logos reste nanmoins,selon notre philosophe, l'organe manifestateur dela divinit Pag. 80-97

    g IV. Le Logos, hypostase divine:Si le Logos n'est pas une hypostase, l'ide de latranscendance divineest anantie. Philon affirme

    la distinction hypostatique entre Dieu et son Logosmanifestateur, et l'exprime dans les propositionssuivantes : le Logos est l'image de Dieu, il estsubordonn Dieu, il est le second type ration-nel, le second Dieu. Le Logos est le nom,l'interprte, le vicaire, l'ombre de Dieu. Iloccupe un autre ttto que celui de Dieu. LeLogos n'est, ni inengendr comme Dieu, ni en-gendr comme l'homme. Il se tient commemdiateur entre Dieu et l'Univers .... 98-105

    CHAP. IL LE LOGOS DANS SES RAPPORTS AVEC L'UNIVERS.Art. I. Avec le Cosmos en gnral.

    I. Le Logos, crateur et organisateur :Tandisque Dieu est la Cause premire, le Logos

    est l'instrument crateur. Dieu distingue et or-ganise toute chose au moyen de son Logos-divi-seur (tou). Partage de la substance. LeLogos forme les contraires que nous apercevonsdans l'univers. Le Logos est aussi crateur entant que les ides, dont il est l'ensemble, sontdes forces qui s'impriment dans la matire . a 1 06-11

    g H. Le Logos, conservateur et recteur:L'ouvrier n'abandonne pas son oeuvre : la fonctionde conservateur est une continuation de la pr-cdente. Le Logos est un lien universel, uneforce de la nature, une loi physique, la droiteraison de la nature. Identit du Geo \6yoet du Geo vuo- Le Logos relie entre euxles lments. Il est la Providence qui veillesur l'ordre moral universel 11 3- 120

    Art. II. Avec le Microcosme.g I . Le Logos, type de la nature rationnelle:

    L'homme participe de la nature du Logos, car il at cr son image. Le type rationnel enl'homme est une empreinte de la Raison divine. L'me humaine est le troisime type rationnel. Elle est un rayonnement du Logos. Touteactivit rationnelle de l'homme a sa source dansle Logos . 120-123

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    14/190

    VIII g II. Le Logos, source de la vie intellectuelle:

    Dfinitions de la sagesse et de la philosophie. Le Logos est l'ide de la sagesse et l'objet de laconnaissance. Il est la sagesse et il la parti-cipe aux hommes. Il est une nourriture spiri-tuelle. Parallle entre le Logos et la Manne. Le Logos inspire le sage. L'extase . Pag. I2 3-i3i

    g III. Le Logos, source de la vie morale:Le Logos est la loi morale universelle. Suivre

    cette loi c'est vivre selon la nature. La droiteraison de la nature, se participant aux tres, de-vient subjective aprs avoir t objective. L'o-bissance la loi naturelle constitue la vertu. Le Logos est donc en mme temps l'ide et lasource de la vertu. Allgorie des quatre fleuvesqui sortaient d'Eden. Le Logos arrose les vertus;il verse la coupe du divin breuvage. Le Logosest l'Ange des thophanies, mais dans ce sensPhilon l'identifie la conscience morale . . 1 3 1-142CKAP. III. LE LOGOS DANS SES RAPPORTS AVEC L'ENSEMBLE DES INTERMEDIAIRES.

    Identit du Logos et de la Xoqna Les forcesdivines sont comprises dans le Logos et sont dansun rapport de subordination avec lui. Classi-fications des Forces. Intermdiaires empruntsaux philosophiesantrieures:logoi, anges, gnies 143-154

    CONCLUSION

    Rsum de la notion philonienne du Logos. Opinions diverses sur la question de la person-nalit du Logos. Cette question sort du cercledes ides de Philon ; d'o il rsulte qu'il attribue, la fois, la personnalit et l'impersonnalit auLogos. Mais cette conception contradictoire,dont l'auteur n'a pas conscience, est un postulatdu systme philonien 1 55-1 65

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    15/190

    PREFACE

    Bien que la doctrine qui fait le sujet du prsent travailait t souvent traite avec l'importance et la profondeurqu'elle mrite par des thologiens et des historiens allemandsde la philosophie, elle ne semble pas avoir excit beaucoupd'intrt dans d'autres contres, en Italie et en France parexemple, attendu qu'il n'existe, notre connaissance, aucuncrit de ce genre dans la littrature scientifique de ces deuxpays (i). Nous n'avons pas la prtention de combler nousseuls cette lacune, mais nous croyons bien faire en appor-tant notre pierre, aussi petite qu'elle soit, la constructiond'un difice que d'autres plus autoriss que nous se char-geront de terminer et de perfectionner.

    Il est toutefois un motif spcial qui nous engage tudier,

    (i) Il n'existe du moins pas de travaux spciaux sur le Logos dePhilon. Les pages que Vacherot (Hist. de Vcole d'AlexandrieJ etFranck (La Cabale ou la Philosophie des JuifsJ consacrent Philonne sont pas des expositions de la doctrine philonienne du Logos.Quant Delaunay (Philon d'AlexandrieJ, il ne se place qu'au pointde vue historique.

    Soulibs, La doctrine du Loyos 1

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    16/190

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    17/190

    - 3 Maier - Commentt' {u Johannes.Dorner - EnUvickelunggeschichte der Lehre v. d. Person

    Christi.Keferstein - Philos Lehre y. d. gottl. Mittehvesen (Leipzig

    1846).Muller - Art. Philo in Her^og^s Real Encyclop. XI, 5y8.Steinhart - Art. Philo in Pauly's Real Encyclop. V,H99

    Bcher - Philonische Studien (Tb. 1848).Vacherot - Hist. crit. de VEcole d'Alexandrie (Paris 1846).Zeller - Die Philosophie der Griechen (Edit. 1868).Heinze - Die Lehre vom Logos in der griech. Philosophie

    (1872).Ueberweg - Gmndriss der Gesch. der Philosophie (1871).Schurer - Lehrbuch der neutestamentl . Zeitgeschich te (1 874).Franck - La Kabbale, ou la phil. des Juifs (Paris).Delaunay - Philon d'Alexandrie (Paris 1867).Nous regrettons de n'avoir pu profiter du remarquable

    ouvrage de Siegfried (Philo von Alexandria als Auslegerdes A. T.; Jena 1876) qui a paru une poque o notretravail tait termin.

    Turin, le 12 octobre 1875.

    Henri SoulierDr. Phil.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    18/190

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    19/190

    INTRODUCTION

    Avant de nous occuper de cette partie de l'enseignementde Philon qui traite de ride du Logos, nous devons exa-miner certains points principaux qui caractrisent l'ensemblede sa philosophie. Si Ton veut apprcier une ide sa justevaleur, il est ncessaire d'en considrer les antcdents ainsi-que la nature des rapports qui la relient avec son entou-rage. La doctrine qui fera l'objet spcial de notre tude setrouve prcisment former le point central vers lequel vien-nentse rencontrer tous les enseignements du clbre alexandrin-,elle est l'expression la plus caractristique de sa thosophieet le rsultat le plus direct de sa spculation. Cette thorieindique donc chez son reprsentant un travail intellectuelprliminaire qu'il est utile de connatre, et suppose unesrie de principes qu'il ne sera point superflu d'analyser,car ils nous indiqueront la route qui conduit l'ide mrede tout le systme, savoir la doctrine des Intermdiairesdivins.

    L'ide d'un intermdiaire suppose toujours la connaissance

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    20/190

    - 6 -des termes entre lesquels il est appel jouer un rle ^ds lors, comme la notion la plus gnrale que notre phi-losophe ait conue du Logos divin se trouve justement trecelle d'un lment intermdiaire, il est naturel que nouscherchions d'abord donner une ide aussi exacte que pos-sible des deux catgories d'tres entre lesquels le Logos devraexercer sa fonction mdiatrice dans le sens le plus tendu dece mot.De la connaissance de ces principes gnraux, dont nous

    donnerons d'abord une esquisse, devront jaillir des lumiressur les motifs qui conduisirent notre auteur dvelopperavec une si grande richesse de dtails une thorie qui devaitplus tard exercer une influence si marque sur l'colephilosophique d'Alexandrie et sur la mtaphysique des Presgrecs de l'Eglise chrtienne. Cette tude prliminaire estd'une grande importance pour notre sujet, car tout en trai-tant des deux antithses qui devront tre plus tard conci-lies, elle s'occupe prcisment aussi des lments qui consti-tuent la base mme du systme philosophico-religieux dePhilon le Juif.Nous sommes cependant loin de considrer les doctrines

    diverses de notre auteur comme formant un vritable sys-tme. Nous n'avons plutt ici que le mlange peu circons-pect de plusieurs tendances, d'une multitude d'lmentshtrognes, extraits de philosophies diverses, que le syncr-tiste ne s'est pas souvent donn la peine de coordonner lo-giquement, et dont il ne parat pas s'tre souci d'attnuerles contradictions. Toutefois l'ensemble des doctrines es-sentielles de Philon, c'est dire de celles qu'il s'est le plus

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    21/190

    7 appropries et qui sont aussi un fruit de ses mditations,nous paraissent reposer sur un terrain commun, sur unenotion gnrale prdominante : le dualisme. Oui, la thologieet la philosophie du penseur juif, se basent sur une con-ception dualiste trs-multiple, qui n'exprime pas seulementTincompatibilit absolue entre Dieu et la matire, mais engnral le contraste qui distingue et qui spare absolu-ment rinfini d'avec le fini, le parfait d'avec l'imparfait, l'in-telligible d'avec le sensible, l'esprit d'avec le corps, en unmot, qui met un abme entre Dieu et l'Univers. C'est ceque nous constaterons dans le courant de la premire partiede notre travail.

    C'est une de ces antithses qui sert de point de dpart notre philosophe pour rechercher 1' origine de touteschoses. Ce point de dpart lui est fourni, dit-il, par l'exp-rience. En effet, bienque Philon manifeste plusieurs re-prises sa prdilection pour toute connaissance qui drived'une intuition immdiate assez peu dtermine (i), et queselon lui la perception des choses se borne souvent au seulmonde sensible et corporel, nous avons cependant le droitd'affirmer qu'il considre aussi l'intermdiaire de l'exprienceet des sens comme un moyen efficace d'arriver une certaineconnaissance de la vrit. C'est du moins l'exprience quiprside son point de dpart, puisqu'il procde, selon sapropre expression, de bas en haut, c'est dire du par-

    (i) Philonis Judaei opra (quae reperiri potuerunt omnia, etc. Edid.Thomas Mangey. Lond. 1742, 2 vol.); Voyez: De Migratione Abra-hami, Tome I, p. 441, 446. De Cherubim . I, 143. De IncorruptMundi, II, 487.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    22/190

    ticulier au gnral (i), de la connaissance des choses sensi-bles celle des intelligibles (2). C'est pourquoi il nous ditsouvent que la philosophie est ne de la contemplationdes tres crs (3). Aussi, au dbut mme de ses recherchessur l'origine de l'univers il consulte son exprience, et parune tude approfondie de la nature il arrive se persuaderde l'existence de deux principes antrieurs toute crature.Ces deux lments sont dsigns sous les noms de t bpa-o*TT|piov aTiov et de t TraGniiKv ou TtaGriTv c'est dire l'agent cause et l'lment passif ou le passible. Il y adonc un principe actif et un lment qui supporte l'action (4).D'un ct la cause et de l'autre, non pas l'effet, mais l'objetsur lequel le premier agent peut exercer une influence etproduire des effets. Cette assertion nous met sous les yeuxune thorie dualiste que nous ne pourrons dterminer qu'a-prs avoir tudi la notion philonienne de Dieu et de lamatire.

    (1) De Praemiis et poenis, II, 414, 41b: KdTwBev vw irpopxea6at .(2) Qjiod a Deo mit. Somn., I, 649.(3) De Opificio mundi, I, 18. De spec. legibus, II, 33o. De Confus,linguarum, I, 41g.(4) De Opif. mundi, I, 2.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    23/190

    IRE PARTIE.

    PRINCIPES GENERAUX.

    CHAPITRE I.LA NOTION DE DIEU.

    Dieu est-il, et quelle est sa nature? Telles sont, dit notreauteur, les deux questions primordiales qui se prsententimmdiatement l'esprit de tout homme qui mdite sur laDivinit (i). Philon se proccupe d'abord de la premire, laquelle, dit-il, le philosophe est en tat de rpondre d'unemanire satisfaisante. Et pour sa part, bien que la Foi en latradition juive soit suffisante pour satisfaire sa conscience re-ligieuse au sujet de l'existence de Dieu, il n'en dsire pasmoins satisfaire aussi aux exigences de sa conscience philoso-phique en en cherchant des preuves. Il les puise dans l'argu-ment physico-thologique des anciens, qui conclut de l'exis-

    (i) De Monarchia, II, 216.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    24/190

    10 tence de l'Univers et de l'harmonie qui y rgne, l'existencede Dieu qui en est la cause premire. Philon se plait expo-ser cet argument toutes les fois que l'occasion s'en prsente,souvent mme avec loquence et avec art (i). Mais commece ct de sa doctrine n'offre aucune particularit en luimme, nous nous contentons de le signaler sans nous yarrter plus longtemps. La question de la nature oude Vessence divine (t t crn Kar tx\v ocrav) (2), laquellePhilon voudrait rpondre par une fin de non recevoir, auraplus d'importance pour nous, car elle est une doctrine es-sentielle de notre philosophe.

    Il se trouve fort embarrass quand il s'agit de dfinir lanature de l'tre dont il vient de constater l'existence. La m-thode qui procde du particulier au gnral, et par cons-quent de l'tre particulier l'tre universel, ne lui est d'au-cune utilit pour la connaissance de la nature divine (3), car,dit-il, il n'y'a rien en nous ni autour de nous, sur quoi nouspuissions nous baser pour la concevoir-, il nous manque unorgane pour atteindre ce but (4). Dieu est si lev et si loi-gn de la nature cre, qu'il est impossible l'me d'en p-ntrer l'essence (5)-, il est insaisissable (6). D'ailleurs com-ment l'me pourrait elle obtenir ce rsultat puisqu'elle ne seconnat pas elle mme (7)? Lorsqu'elle veut mditer sur lanature divine, elle tombe dans des contemplations obscureset finit par reconnatre que Dieu est incomprhensible (8).

    (1) De Monarch., II, 216-217. De Praemiis et poen., II, 414, etc.(2) Ibid. De Monarch., 1. cit.(3) Ibid.(4) De Nominum mutt., I, 579. Leg. alleg., I, III, 128.(5) De Somnis, I, II, 63o.(6) Ibid., 5 7 5.(7) De Mutt, nomin., 1. cit.(8) De posteritate Ca'ini, 1, 229.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    25/190

    11 Celui qui veut trop approfondir les mystres divins ressem-ble ces hbreux dont parle l'criture, qui aprs s'tre long-temps fatigus creuser un puits n'y trouvrent point d'eaupour se dsaltrer. On ne trouve point l'eau vivifiante, quandon veut pousser trop loin les connaissances humaines, cardu moment que l'on ne peut mme pas atteindre une per-fection relative dans le domaine des sciences et des arts,pourquoi prtendre arriver connatre le parfait et l'absoluen Dieu (i). Tout ce qui vient aprs Dieu est comprhen-sible l'homme, mais Dieu lui mme ne l'est point. C'estpourquoi le plus grand des prophtes, Mose, ne pouvantpntrer jusqu' l'essence divine, s'criait: Montre moi ta face afin que je te voie clairement. Ne te montre pas moi. par le ciel, par la terre, la mer, les astres, ni par aucune chose dans laquelle je puisse te voir comme dans un mi-ce roir, mais que je te voie en toi mme (2). Ailleurs, Phi-Ion nous rapporte le passage de Gen., 33, i3 o Mose dit l'Eternel: Quel est ton nom ? Dieu lui rpond: Je suiscelui qui suis , c'est dire, ajoute notre interprte, Manature est d'tre, mais non d'tre nomm (3). Car attri-buer un nom la divinit ce serait dfinir sa nature, choseimpossible puisque la sphre divine est d'un accs impra-ticable la pense humaine ; l'ide la plus pure ne peutatteindre la notion de l'essence divine. Si dans l'criture ilest parl du visage de Dieu (ttpctuuttov) ce n'est qu'en para-

    (1) De Plantatiotie, I, 041.(2) Leg. alleg., I, III, 107.(3) De Monarch., II, 218: De vita Mosis, II, 92: cprov aTO, yvj

    ejai liv " va naBvTe iaqpopv vto t kc [i1\ vto irpoaavabiba-xOUjoiv, tju obv vo.ua .n jno to irapcnrav KupioXoYe'TCU iL |livlu Trpo"-eart t evat. De Nom. mut., I, 57g. De Somnis, I, 655: \"fea0at fpo TreepuKev, \X uvov elvm t v.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    26/190

    12 bole pour indiquer l'ide de Celui qui est (i). Que Ton secontente donc de constater l'existence du divin, sans esprerobtenir davantage, cela doit suffire la raison humaine (2).Cependant si Philon pouvait dire que la raison doit se

    dclarer satisfaite de la certitude seule de l'existence de Dieu,sa conscience religieuse ne pouvait videmment pas s'en con-tenter. Aussi nous dit-il qu'il est excellent de s'enqurir dela nature du vrai Dieu^ car bien que les forces humainessoient limites, une telle tude nous procure une allgresseinouie, un bonheur inexprimable. Il en appelle non pas ceux qui n'ont fait qu'effleurer de leurs lvres la coupe dela philosophie, mais ceux qui ont pris une large part aubanquet des ides et des doctrines. L'me du sage s'lvesublime dans les rgions thres, parcourt l'immensit del'tendue et mdite sur tout ce qu'elle croit utile la con-naissance de la Divinit; elle ne se lasse point, bien qu'elledoute cependant d'aboutir un rsultat qui puisse pleine-ment la satisfaire (3). C'est pntr de ce double sentimentde crainte et de joie cleste que notre philosophe religieuxaborde la spculation.

    Il commencera par nous dire que Dieu, t v, est sansattributs, sans qualits (4)-, que la cause premire est plusque la sagesse, plus que le bien, plus que le beau, afinque l'on ne croie pas que l'tre par excellence n'est quela sagesse , la bont ou la beaut (5). Nous ne sommes

    (1) Fragm. phil. Ioh. Damasc, V. Mang., II, 654.(2) De posterit. Ca'ini, I, 2 58 : v0pdmou yp apxe XoYta.uw, (uxpi to

    KaTa|ua0ev, xi cfri xt, xai -rrdpxei t xjv \ujv axiov, TrpoeXGev. DeMonarch., II, 216.

    (3) De Monarch., II, 217.(4) Leg. alleg., I, 53: bel Yp rpfetoai xai rcoiov cctv evai.(5) De Opif. mundi, I, 2. t 6paaxf)ptov xtiv \ujv vo crxiv etXi-

    xpivaxaxo xai xpaicpvaxaxo, xpeixxwv xe f\ pexr) Kai xpeixxwv i\ iri-oxrnur), xai xpeixxwv ^ ax x -faOv xai xpeixxwv ax x xa\6v.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    27/190

    13 donc pas tonns de rencontrer chez notre auteur plusde dterminations ngatives de la nature de Dieu que depositives. Il se base en gnral sur le contraste qui existeentre Dieu et le monde ou entre Dieu et l'homme

    ,qu'il

    trouve exprim dans le Dent. 20 , 19 en ces termes: Dieu n'est pas comme l'homme et qu'il paraphraseen disant que Dieu n'est pas comme la crature, maisinfiniment au dessus d'elle et diffrent d'elle. Partantde ce principe (1) Philon tablit une antithse perptuelleentre les attributs et qualits finies de l'homme et l'ineffa-bilit de Dieu, d'o rsultent un grand nombre de prdicatsngatifs qu'il applique la divinit. En effet, pensait il, lemonde et l'homme sont crs, mais Dieu estl'Incr (2).Le monde et l'homme sont multiples et composs de par-ties, mais Dieu est inconcret (o a-p

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    28/190

    - 14 l'tre par excellence, les choses n'existent qu'en apparence (1).Dieu est d'une nature simple (2). 11 est l'auteur du temps,ternel et omniprsent (3). Il possde toute chose, il accordeet donne car il est tout puissant (4). Et ds lors Philonoubliant, semble-t-il, qu'il a trait de folie la prtentionde dterminer la nature divine, la dcrit lui mme avecune grande richesse d'expressions.Au point de vue mtaphysique proprement dit, Dieu estconsidr comme l'esprit universel (5) voO tlv Xuuv, con-tenant tous les tres dans son sein (6). Il n'est pas seule-ment plus pur que la vertu et la beaut, il est plus purencore que Vnn et plus ancien que Vunit (7). Il est invi-sible et incorporel (8). Sa demeure n'est pas un temple ouun portique , car le ciel , la terre , la mer et tous les l-ments, ne sont pas dignes de lui servir d'escabeau, tant samajest et son immensit dpassent toute notion (9). Il n'ya auprs de lui ni pass, ni prsent, ni futur, c'est direque la dure de Dieu c'est Vternit, l'archtype du temps (10).Dieu ne se repose point; de sa nature il est actif, commele feu de sa nature brle et la neige refroidit. Il est l'acti-

    (0 Quoi det. pot. ins.sol., I, 222. Leg. alleg., I, 11,66: (ivo ,kc ko8' citv, e iv Oo. De Nom. mut., I, 582.

    (2) Leg. alleg., 1. cit., cpcn irXf), page 67: TTaiorat Oe Kax xtv kc ti^v fjovba.

    (3) Leg. alleg., I, I, 44. De Humanitate, II, 386. De Conf. ling., I,425 : u o toO Oeo TreTrXr)pu)TCU Ta irvTa, -rrepixovxo o irepiexo|uvou,iu itavxaxoO re xal o6a|ao 0U|upf5rKev evai ilivlu.

    (4) Qttod det. pot., I, 118. Alleg. leg., I, I, 49. Opif. mundi, I, 10.(5) De Opif. mundi, I, 2. De Migrt. Abrah., I, 466, etc.(6) De Conf. ling., I, 425: YKK6\Tno"Tcu x \a.(7) De Vita contemplativa, II, 472: t v, o kc xTaGo KpefTvIcm, kc v eXiKpivaxepov kc novct&o pxeTovixcpov.(8) Alleg. leg., I, III, 128. De Cherubim, I, 1 57, 148.(9) Ibid., 157.(10) Quod Deus sit imm., I, 275 ss.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    29/190

    15 vite par excellence: TraeTou yp obfTOie ttoiujv Ge, XX'ujCTTrep biov t Kaieiv nup, Kal x ivo t M/uxev, outw KalGeoO t iToiev (i). Il doit donc tre aussi le principe del'activit de tous les autres tres. Toute plnitude , touteperfection dans la nature a sa source en Dieu , et existett et bi 0eoG ( la raison par exemple) , tandisque ce quiest infrieur n'existe que bi Oeo (2). En somme , Dieuest le fate, le point suprme de la perfection (3), et l'uni-vers avec tout ce qu'il contient d'tres de tous genres, nesaurait exprimer l'ide de sa grandeur (4). Toutefois, cequi caractrise Dieu avant tout, et qui doit nous le fairedistinguer absolument de toute crature, c'est que lui seulexiste de par lui mme et en lui mme , n'tant li avecrien en dehors de lui, et n'ayant aucune relation avec cequi n'est pas lui mme (5).

    Mais Philon n'est pas moins explicite au sujet de la na-ture morale de Dieu. Quoiqu'il ait considr d'abord l'Etrecomme tant au dessus du bien et au dessus du beau(pour le dterminer d'une manire ngative), il nous le pr-sente aussi comme le souverain bien dans le sens le pluspositif. "R b y v en. tjv vtuuv ptcrrov f| 0e (6)? Puisqu'ilest la cause de tout et qu'il est le souverain bien, il doitaussi tre la cause du bien, mais du bien seulement. Touteuvre de Dieu ne peut tre qu'excellente (7). Il est bon,

    (1) Alleg. leg., I, I, 44. Quod. det. pot., I, 222.(2) Alleg. leg., I, I, 5i. Voyez Zeller: Die Philosophie der Grie-

    chen, in ihrer geschichtl. Entwick. dargestellt. Leipziz 1868, V, 3 10.(3) De Cherubim, I, 154: TeXeioxrri r\ toutou cpai.(4) De Lgat ione ad Cajum, II, 546.(5) De Humanitate, loc cit. De Nom. mut., I, 582 : t yp v, f\ 8vaTi, oxl tjv Trp t(.(6) De Poenitentia, II, 405.(7) Conf. ling., I, 432: jivov YaGiLv aTi Ge alTiov. De Agri-

    cultura, I, 319 ss. De Nom. mutt., I, 583.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    30/190

    16 et c'est cause de sa bont qu'il a cr le monde (i). Ilveut que le bonheur et la joie rgnent parmi ses enfants,car il est lui mme le vrai bonheur, l'allgresse vritable,la plnitude de la flicit mme. Il est exempt de douleuret de crainte, il n'a aucune relation avec le mal, il est pleinde la plus pure flicit-, il n'a besoin de personne ni d'au-cun lment tranger lui mme pour tre le meilleur -, ildonne les biens de bonne source, c'est dire de lui mme (2).C'est pourquoi Philon peut affirmer que Dieu seul se rjouitvritablement, et que seul il doit tre ft car il gote unepaix ininterrompue (3). Enfin, puisqu'il est le seul tre par-fait , il est aussi le seul tre vritablement sage : il possdeen lui la sagesse parfaite et la science infinie (4). Tout cequi vient de Dieu est infini comme Lui, l'Inengendr, est in-fini (5). Tel il a t, tel il est prsentement et tel il demeurera jamais. Il est l'tre le plus universel, le genre suprmedans le sens le plus absolu. Il ne peut devenir ni meilleurni pire, il reste ternellement adquat lui mme (tfo ?paT autuj kc uoio Ge , unie vecriv TTp t X^Pv,ur|T iriTCKTiv itp t p\iiov bexouevo) (6). Tel est le Dieude Philon. Mais en dfinitive, tout ce que notre auteur nousdit de plus affirmatif peut se rsumer ainsi : Dieu existe, ilest l'Etre par excellence, il est cause de toute existence. Saufquelques rares exceptions, le philosophe alexandrin revientsans cesse son opinion favorite : On ne peut dfinir la na-

    (1) De Opif. mundi, I, 5. De Immutab. Dei, I, 288. De Migrt.Abrahami, I, 464.(2) De Chembim, I, 154.(3) Ibid. De Septenario, II, 280. De Sacrif. Ab., I, i83. De Somnis,1, II, 67 5.(4) Qjiod det. pot., I, 202. De Migrt., I, 457.(5) De Ebrietate, I, 362. De Opif., I, 5. De Sacrif. Ab., I, 173.(6) Leg. alleg., I, II, 81. De Jncorrupt. 7nundi, II, 5oo.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    31/190

    17 ture de la Divinit, il faut se contenter de quelques hypo-thses, savoir de celles qui nous sont suggres par la con-templation des tres crs. Or il est vident pour Philonque Dieu se manifestant en sa qualit de crateur ne donnepas une notion entire de sa nature. Autre est la nature di-vine dans sa plnitude, autre est la notion que nous pou-vons en retirer en mditant sur les uvres de la cration.Celle-ci ne nous donne que la notion de Vexistence qui n'estpas celle de Vessence; c'est dire que pour Philon la ma-nifestation de Dieu est distincte de sa nature propre. Onpeut mieux savoir ce que Dieu n'est pas que ce qu'il est enralit. Il doit ncessairement tre plus que ce qu'il se montre nous dans son activit cratrice-, de l les attributs ngatifsque nous avons mentionns.

    Cependant, comme nous l'avons remarqu, derrire cesdterminations ngatives s'en cachent de positives qui selaissent facilement apercevoir. L'ide d'absoluit, l'ide decause, l'ide de l'Etre existant par lui mme, l'ide d'acti-vit et de source de l'existence et de la vie universelle, quePhilon rapporte la Divinit, sont bien des affirmations.Mais il tient ce que Ton sache que nous ne connaissonsde Dieu que ce qui nous est enseign par la prsence del'Univers.La doctrine de l'Ancien Testament prsentait simplement lanotion d'un Dieu unique, personnel, crateur, tout-puissant:

    Philon parle d'un tre insaisissable l'esprit humain. Ilvoudrait, par un effort de la pense, faire abstraction desattributs divins pour parvenir la notion de l'essence purede la Divinit qui est un tre abstrait et transcendant; c'estpourquoi il nie que la contemplation des uvres divinespuisse nous donner une ide adquate de la nature intimede Dieu.

    Ajoutons en terminant ce chapitre qu'il y a, selon la penseSoulier, La doctrine du Lojos 2

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    32/190

    18 de Philon, deux degrs dans la connaissance du divin: d'a-bord, la notion du Dieu se manifestant, et auquel se ratta-chent les attributs que nous avons l'habitude de lui adjoindre;puis la notion de l'Etre transcendant en lui mme, abstractionfaite des attributs et de la manifestation. C'est ce dernierder qui reste inaccessible la raison humaine.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    33/190

    CHAPITRE II.

    LA NOTION DE LA MATIERE

    Bien que les dterminations philoniennes de la nature di-vine se soient gnralement prsentes sous une forme toutengative, nous n'en avons pas moins acquis la certitude dela haute perfection, de la puissance infinie, de la causalitabsolue du Dieu ineffable et incomprhensible de notre tho-sophe. Le uv de Philon, le opaorripiov amov est d'unegrandeur et d'une supriorit si infinies que les termes man-quent pour en exprimer l'ide; en revanche il n'est pas dequalification assez pessimiste qui puisse exprimer d'une ma-nire adquate la nature de la matire c'est dire du Tra0n-tikv. Philon l'appelle tantt \n, tantt ocria, tantt le ufi vet lui applique les prdicats les plus ngatifs. La ocria eneffet est sans qualit, sans ordre, pleine de contradictions,de confusion et d'incohrence, mais elle est susceptible demodifications, de transformations qui la font passer un tatmeilleur, si la Cause premire exerce sur elle quelque in-fluence (i). Bien que le ttoGiitikv soit immobile et inerte

    (i) De Opificio m., I, 5. "Hv |uv yP (oa(ct) TCuaro, caroio, ^/uxo,xepoiTirro, vapnocna, auiirpwvia jueoTri, xpoit^v kc fieTa^oX^vbxeTo ti^v ei Tvavxia kc t p\Tiaxa.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    34/190

    - 20 -de sa nature propre (didvr|Tov et auio) il peut tre misen mouvement par l'esprit universel et devenir sous son ac-tion une uvre parfaite, savoir l'univers qui nous entoure (1).Nous pouvons donc affirmer ds prsent que le Cosmossera pour notre philosophe le rsultat de Faction divine surla matire. Mais de ces deux principes, le aiiov et le TTanri-kv, il n'en est qu'un qui soit dou d'une volont propre etqui possde en lui la force, la vie et l'activit; l'autre l-ment est mort. Toutefois, de ce que l'un des deux prin-cipes est appel cause, il ne faut pas en conclure qu'il estla source de l'existence de l'autre. La matire ne nousest point donne comme tant une uvre de Dieu -, il ne l'apoint cre, elle coexistait avec lui. Le bpao"rr|piov outiovn'est que la cause du devenir de la matire, il n'est pas lacause de la matire elle mme. C'est en ce point que con-siste le dualisme de Philon. Dieu organise la matire, il nela produit pas. Comme cette thse est d'une grande impor-tance pour notre sujet, nous allons l'appuyer sur des asser-tions plus directes, tires des crits de notre auteur.

    Philon considre les genres et espces d'individus dontl'univers se compose comme des sarments qui proviennentd'un seul et mme cep, la matire. Ainsi, dans l'interpr-tation allgorique qu'il nous donne du texte Gen. 9. 20 EtNo laboureur commena de planter la vigne il nous dit : Considrons aussi les plantes parfaites qui sont dans l'uni-vers et le grand agriculteur de ce monde, c'est dire Dieu.La plante c'est le Cosmos qui ne contient pas seulement unseul genre mais une infinit de tiges qui ont cr d'une seuleracine , et pour mieux expliquer sa pense il ajoute imm-diatement: rreibri Y&p triv >JO"iav aTCXKTOV kc cruYKexujuvr|v

    () De Opificio m., pag. 2 : Kivr|9v 6 ko [oxrnuctTtaGv Kal yuxwGvtt toO voO, )aeTpa\ev ei t TeXeixciTOv pYOv, Tvbe tv Kajaov.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    35/190

    - 21 -oucrav il ain, ei rHiv kl iaHia kc ck tfuYXucreuj e bi-Kpicriv ccrwv KOCTuoTTXo"Tr| (nopqpov fjpHcxTO, T'iv u-v ko ubwpm t ucrov pptou, k. t. X. (i). Nous voyons ainsi quele monde et les cratures qu'il contient sont donc bien desgenres et des espces que Dieu a produits en agissant surla matire, c'est dire en les faisant germer et sortir decelle-ci. C'est de la v\r\ sans qualits et sans ordre queDieu a retir les tres qu'il a organiss en catgories diver-ses. La forme, la distinction et l'ordre ont t extraits del'informe, de la confusion et du dsordre. Mais l se bornel'action du crateur, ou plutt de l'organisateur, car le termeKOcnicm-XcTTri ne signifie pas autre chose. La matire exis-tait dj quand le grand agriculteur, pour nous exprimercomme Philon, planta les tres qui constituent le Cosmos.Dieu ne nous apparat point ici comme un crateur dans lesens que nous attachons aujourd'hui ce terme, mais commel'organisateur d'une substance qui existait avant la fonda-tion du monde.

    D'aprs notre philosophe une uvre n'est possible qu'envertu d'une cause (t cutiov = t cp5 ou), d'une matire (uXn.= t ou), d'un instrument (t pYaXeov = t bi ou), etd'une cause finale (ama= t bi ). Philon applique d'abordcette thorie la construction de tout difice, puis la cra-tion du monde qui est la grande ville par excellence (2).Dans ce passage Dieu est conu comme la cause premireactive, et la uXt] comme la substance dont les lments ontt retirs, et dont les objets ont t forms. La matiren'est point drive de la cause dans la pense de Philon,elle est plutt mise en parallle avec Dieu, sans que pour-tant il lui attribue la moindre activit. Elle n'est pas l'ins-

    (1) De plantt. Noe, I, 329.(2) De Cherubim, I, 161.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    36/190

    - 22 -trument de Dieu, mais elle est toutefois utilise par lui; elleest passive, mais elle existe avant toute action cratrice deDieu.

    Philon se montre d'ailleurs fort peu dispos admettrel'ide d'une cration ex-nihilo, car il nous dit en parlant del'incorruptibilit du monde (nepi qpGapaia toO ko"uou) qu'ilest tout aussi absurde de croire un anantissement descratures que d'admettre que quelque chose puisse provenirde rien. Car de mme, dit-il, que du non existant nulle uvre ne peut se produire, ainsi le monde ne peut non plus devenir nant aprs avoir t quelque chose (i).Vacherot (2) s'empare de l'ide de l'impossibilit d'une cra-tion ex-nihilo pour poser la thse de la cration de la ma-tire, bien plus, pour considrer la ouoia de Philon commeune manation de la divinit. Il s'appuie sur le passage sui-vant: Comme le soleil par sa lumire met en relief les corps qui sont cachs dans l'ombre, ainsi Dieu engendrant toutes choses , ne les a pas seulement rendues visibles (comme le font les rayons du soleil) mais il a fait ce qui auparavant n'tait pas -, il n'est pas seulement le otijuiouy de l'univers, il en est aussi le ktiOtti (3). Vacherotvoit dans les termes YevvriOcx et Kiic-m plus qu'une simpleorganisation de la matire. Selon lui le Dieu de Philon estcrateur dans toute la force du mot-, il n'ordonne pas seu-lement l'univers comme un simple dmiurge, il le produit

    (1) De Jncorruptibilitate mundi, II, 488: uicrrrep yp kv. toO jui^i vtooov YveTai, ob' ei t \x\ v qpBeipeTar k toO yP oaufj vto|urixavv oxi ^evoGai ti, t Te v omo\eaQai, vr|vo"TOv Kai arrauaTOv.

    (2) Vacherot -.Histoire critique de l'Ecole d'Alexandrie (Paris 1846),Tom. 1, pag. i5i-i52.

    (3) De Somnis, I, 632: uj vj\io t KeKpuniuva tiiv

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    37/190

    - 23 -et le tire tout entier de lui mme, vu que nulle part l'ided'une cration ex-nihilo n'est mentionne dans les crits duphilosophe alexandrin. Il nous semble que c'est exag-rer l'importance des termes que de conclure de ce dernierpassage la cration ou l'manation de la matire. D'a-bord les verbes fevvv et ttoiv, comme nous le verronsbientt, sont souvent synonymes chez notre auteur; ensuite,le terme KTicrri ne signifie pas crateur dans le sens quenous attachons aujourd'hui ce mot; il indique simple-ment une ide de fondation. C'est dans ce sens que les an-ciens l'employaient (i), pourquoi Philon lui aurait-il donnune autre signification? Le mot KTicrrri n'exclut pas nces-sairement l'ide d'une matire prexistante, d'autant plusque l'auteur affectionne cette expression vu qu' elle se prtebien la comparaison qu'il tablit souvent entre la for-mation du monde et la fondation d'une ville (2). Et quant ces mots: Dieu n'a pas seulement rendu visibles leschoses mais il a fait ce qui auparavant n'tait pas ils necontredisent en rien ce que Philon nous a dj fait conna-tre plus haut. En effet, l'uvre du opacriripiov anov consiste

    (1) Homre: Iliade, XX, 216: K-raae b Aapavyv. Odiss., XI, 262:ot ttplDtoi Or)(3i-| o KTiaav. Hrodote (Edit. Reiz), I, 149: x^PlvK-riZeiv. Pindare (PythiJ, 1, 62 : it\iv KTtaaev.

    (2) Heinze (Die Lehre vom Logos in der griech. Philosophie. 01-denburg 1872), p. 210, considrant que le terme KTicfTrj indique uneautre activit que celle du briuioup-f , puisque ces deux noms sontopposs l'un l'autre, dclare les donnes du prsent passage incon-ciliables avec les prcdentes. Selon lui, il serait difficile d'accorder auterme KTi'orri un autre sens que celui de crateur ex nihilo , surtoutsi l'on a gard la place qu'il occupe dans le texte cit. Toutefoisnous ne pouvons nous ranger de son ct, car si telle tait bien l'idede Philon il l'aurait affirme plus explicitement. D'ailleurs la com-paraison qu'il tablit ici entre le soleil et Dieu, l'engage relever parune amplification l'activit divine qu'il craindrait rabaisser trop en lamettant en parallle avec celle d'une crature.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    38/190

    24 dans l'organisation de . la substance confuse ; il apporteTordre o* le dsordre rgnait; il ajoute les qualits la ma-tire qui n'en avait aucune ; il donne la vie et le mouve-ment Tlment qui ne les possdait point: n'est ce pasfaire ce qui auparavant n'tait pas? L'ide d'une prexistencede la matire n'est donc point anantie par le passage quenous venons de citer , ni par ceux que Grossmann (i) etKeferstein (2) considrent comme tablissant l'ide d'unecration ex-nihilo. Ils sont d'ailleurs trop peu en harmonieavec les doctrines essentielles de notre thosophe.Nous croyons plutt que le passage suivant exprimera mieux

    l'ide vritable que Philon se faisait de la matire et de sesrapports avec le Dieu parfait et infini. Voici ce qu'il nousdit: 2 xeivri (Xn.) irvx5 Yvvrjcrev Oe, ok qpaTrr6|uevocxt- o Tp vjv Gjui oureipou ko TTcpup|uevr| uXn. ipaeivtv ebai(Liova kc uaKapiov, XX to o"uj|uToi buvueo"iv, k.X. t. (3). Nous constatons d'abord que le verbe fevvavquivaut -rroiev; en outre nous acqurons la certitude quela matire ne peut ni maner de Dieu ni avoir t cr parlui, autrement la restriction que renferment les mots ok qpciTr-T|uevo aT n'aurait aucun sens. Comment la matirepeut-elle maner de Dieu ou tre son uvre si Dieu sesouille pour ainsi dire en s'approchant d'elle? Commentl'aurait-il produite s'il la trouve ensuite indigne d'tre miseen contact avec lui mme? Non seulement Dieu n'est pasl'auteur immdiat de la matire, il n'en est pas mme la

    (1) Version Armnienne, I, 80; II, 616 (Tauchnitz: De Providentia,II, N. 49. De Deo, N. 6. Voy. Grossmann: Qiiaesliones philo-neae , I, pag. 19, 70).

    (2) De Monarchia, II, I, 216: 0ec el crxi Kai KTaTri Kai irotriTTi.tOv \uuv. Voy. Keferstsin, Philos Lehre von den gtlichen Mittel-wesen (Leipzig, 1846), p. 6.

    (3) De Sacrijicantilnis, II, 261.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    39/190

    - 25 -cause mdiate, car nulle part Philon ne nous dit que Dieuait laiss crer la matire par les Puissances subordonnesdont nous serons appels parler plus tard. Soit qu'il s'a-gisse de Dieu, soit qu'il s'agisse de ses intermdiaires, tou-jours l'action cratrice ne nous apparat que comme unesimple organisation ou comme un partage de la substance (i ).Mais ici l'on pourra objecter que si Dieu n'est pas l'au-

    teur de la matire il est impossible de rendre compte despassages nombreux o Philon conoit la Divinit comme lacause absolue du grand tout. Keferstein (2) essaie de r-pondre cette objection en posant le dilemme suivant. Oubien la matire est pour Philon le non-tre, le jun v pla-tonicien, c'est--dire quelque chose d'indtermin , qui n'apas une existence relle mais qui n'est pourtant pas le nantabsolu; ou bien, si l'on trouve que les expressions de notreauteur sont trop fortes pour n'tre rapportes qu'au [xr\ vdu philosophe grec, il faut admettre que la matire a dci-dment t cre par Dieu lui mme, vu que Philon ne pou-vait point ne pas s'apercevoir de la contradiction que ren-fermait sa thorie. Keferstein nous parat s'accommoder decette seconde alternative. Quant nous, sans vouloir pour-tant tablir une identit absolue entre la notion philoniennede la matire et celle de Platon, nous serions plutt dis-poss admettre la premire. En effet, le un v est cequ'il y a de plus ngatif, c'est dire qu'une telle notion dela matire pouvait, dans la pense de Philon, attnuer lacontradiction et l'inconsquence renfermes dans ces deuxpropositions: Dieu est la Cause du grand tout, Dieu n'a pascr la matire. Nous trouvons en effet des expressionsqui nous portent admettre une grande analogie entre la

    (1) Voyez aussi Zeller, Ouv. cit., V., 338.(2) Keferstein, Ouv. cit., p. 5 ss.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    40/190

    - 26 -notion platonicienne et celle de Philon, entr'autres celles-ci: i Tp MH ovta KaXecfev ei t evai, tctHiv il 6tTaia, Kaicaroiuuv noioTriTa, ko il vouiuuv noiTnja (i) ou bien: iun. vTa e t evai TrapaYaTev (2). La matire reprsentepour Philon quelque chose de vide et de dsert (Kevd,epn.ua) (3)*, elle est remplie de ncessit tandisque Dieu estla libert (4). Dieu est la cause du bien tandisque la ma-tire est une occasion de chute continuelle (5), quoique parelle mme elle ne soit qu'un lment passif et mort. Elleest donc d'une nature oppose celle de Dieu qui n'est passeulement la vie mais la source de la vie (6). Si la matireest devenue quelque chose de bon, si elle a t vivifie etorganise-, c'est parceque Dieu n'tait point jaloux de cequ'elle pouvait devenir, du moment que par elle mme elletait incapable de se dvelopper (7). Cette dernire ide quePhilon extrait du Time de Platon, nous prouve qu' l'-gard de la matire le philosophe d'Alexandrie s'accordaitavec celui d'Athnes, du moins quant au fond de la doc-trine. C'est toutefois l'imitation des Stociens que notreauteur appliqua la substance indtermine le nom deoaa, dont il se sert de prfrence tout autre.Nous considrons donc le dualisme de Dieu et de la ma-

    tire comme une doctrine essentielle de notre philosophe,c'est dire la prexistence de deux principes qui ont con-couru la fondation de l'univers, l'un par son activit et

    (1) De Iustitia, II, 867.(2) De Opif. mundi, I, 19. De Nom. mut., I, 585.(3) Leg. aileg., I, 52.(4) De Somnis, I, II, 692.(5) De Nom. mut., loc. cit.(6) De Profugis, I, 5y5 : Mvo fp Oe vyuxn KCt &un, KCl * ^ ict~

    qpepvTuu \ Kai Ta juT cppovriaeuu Zwf\q, amo. 'H |uv YPfXr], veKpv b Oe uXov ti r) u)i>i, TrriTn to Zf\v vvao.

    (7) De Opif. mundi, I, 5.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    41/190

    27 l'autre par sa passivit. Mais ces deux lments ne sontpoint en lutte; la matire n'est doue ni de volont, nide personnalit. Toute impulsion vient du ct de Dieu, lamatire se borne obir. Ds lors Philon pouvait aussisans tre inconsquent , rapporter en Dieu la raison detoute chose, et par l mme, le considrer comme la causepremire absolue et la source de toute existence. Quoiqu'ilen soit la matire en elle mme ne sera jamais conue parPhilon, comme ayant sa source en Dieu, elle est en dehors delui. Il n'affirme point son ternit, ni son origine, car il trouvetout naturel d'admettre ct de Dieu une substance ind-termine laquelle il donne des prdicats plus ou moinsngatifs selon l'occasion , et laquelle il peut aussi rap-porter, jusqu' un certain point, la cause des imperfectionsqu'il constate dans certaines cratures. Au reste, que l'onconsidre la ocria de Philon comme n'tant qu'un non-treou qu'on la conoive comme quelque chose de plus ; qu'ellesoit sans personnalit, sans vie et sans force, toujours est ilqu'elle est quelque chose de distinct et qu'elle existe endehors de Dieu, puisqu'elle est mauvaise et indigne de lui.

    Dieu et la matire, tels sont donc les deux principes quenotre philosophe place l'origine des choses. D'une ma-nire ou d'une autre Philon devra considrer l'univers quenous contemplons, comme le rsultat de l'activit de Dieus'exerant sur l'agent passif qui lui est entirement soumis.

    Mais, avant de nous demander comment cette action di-vine s'est effectue, selon la pense de notre auteur, il noussera utile de savoir de quelle manire il considrait l'uvreelle mme, c'est dire le Cosmos. Si c'est en contem-plant la nature, le monde corporel, que le sage peut arriver une certaine connaissance des choses clestes et spirituel-

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    42/190

    28 -les, et si telle est, comme nous l'avons dit, l'opinion denotre alexandrin , il ne sera donc pas superflu de l'inter-roger aussi sur sa notion de l'univers et des tres qui lecomposent. Il est vident que nous ne pourrons nousoccuper que de quelques points principaux, en tant qu'ilsoffrent quelques rapports avec notre sujet.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    43/190

    CHAPITRE III.LA NOTION DE L UNIVERS.

    i. Le Cosmos.

    Si notre auteur en exposant ses thses relatives la ma-tire ne s'affirma d'une manire absolue ni en faveur de sonternit ni en faveur de son origine, nous allons voir qu'enrevanche il s'efforce d'tablir la non-ternit du monde etson commencement. Le Cosmos n'a pas toujours exist, ilest le rsultat d'une dtermination prise par un tre ind-pendant et au dessus de lui. Le monde n'a point sa causeen lui mme. Il a t fait ce qu'il est. Comme son noml'indique, le K6o"ju est le rsultat d'une organisation ouplutt d'une ornamentation. La matire sans forme et sansapparence a t modele et orne , elle est devenue uneuvre d'art entre les mains d'un grand artiste. Le mondene possde pas sa propre cause en lui mme : il ne s'estpoint form par son nergie propre; c'est ce que Philonessaie de dmontrer au moyen de deux arguments basssur l'exprience.Le monde est dirig et gouvern par un tre indpen-dant de lui, l'tude de la nature nous le prouve; donc le

    monde doit avoir t cr par cet tre extrieur lui mme,autrement nous ne saurions concevoir une providence. De

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    44/190

    30 -plus, l'exprience nous montre aussi que le sensible est sus-ceptible de modifications continuelles; il n'y a que l'intel-ligible ou le spirituel qui soit immuable et par consquentli dans une certaine mesure l'inengendr et l'ternel;ds lors, Philon considrant que le monde rentre dans lacatgorie du sensible , transporte en dehors de l'univers lacause premire de toute existence. Le Cosmos devait avoireu une origine , et cette origine devait avoir sa cause enDieu (i).

    Mais que doit-on entendre par K6o>io? Pour rpondre cette question notre philosophe s'en rfre ses prd-cesseurs. Il mentionne la notion stocienne qui prsente lemonde comme tant une certaine ocria, organise ou nonorganise, devant durer jusqu' la combustion, et dont lesvolutions marquent les intervalles du temps. Puis ilrappelle celle de Pythagore qui conoit le Cosmos comme l'tendue du ciel et des astres (2), et enfin il donne

    (1) De Opif. mundi, I, 2 et 3. Au sujet du premier de ces deux ar-guments (qui n'ont du reste qu'une mdiocre importance) Philon nousdit que ceux qui soutiennent que le monde n'a pas t cr, ou- blient que par l mme ils privent le Cosmos de la chose la plus ncessaire la vie et la pit , savoir la Providence. En effet, la raison nous enseigne qu'une uvre n'est jamais dlaisse par son auteur, mais que bien plutt celui-ci veille au maintien et la conservation de ce qu'il a fait, en loignant de son uvre ce qui lui est funeste et en lui procurant ce qui lui est utile et propice. Or, ce qui n'a pas t form par un auteur, ne peut avoir de rela- tion avec ce qui ne Va pas form; donc, si le Monde n'a pas eu de commencement (et par consquent pas de crateur), il n'est qu'une rpublique sans chefs, sans juges, sans gouvernement, ce qui est contraire l'exprience . Voyez Daehne, Geschichtliche Darstel-lung der jdisch-alexandrinischen Religions-Philosophie (Halle, 1834J,I, 164 ss.

    (2) C'est pour expliquer le sens de cette thse que Philon nous ra-conte qu'un jour Anaxagore, qui l'on demandait le motif de ses pro-menades nocturnes, avait rpondu: C'est pour contempler le CosmosToO tv kouov QeaaaQou. De Mundi incorrupt., II, 488.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    45/190

    - 31 comme tant les meilleures dfinitions du Cosmos, cellesde Platon et d'Aristote. Selon ce dernier le Cosmos estl'ensemble du ciel et des astres, de la terre et de tout cequ'elle contient de genres et d'espces (acrrrina H opavokc dcripaiv KOtT Tteptoxnv, V] kc tiv T1 aTfj wu>v kccpuTijv) (i), et selon Platon, l'univers est une certaine har-monie du ciel et de la terre et de tous les tres qu'ils ren-ferment (2). En gnral Philon n'enseigne rien de parti-culier touchant la Cosmologie -, il se borne ordinairement remanier les thories dj connues. Tantt c'est Pytha-gore, tantt Platon et Aristote, tantt enfin le Portique, quilui fournissent les matriaux de son systme. Ainsi s'inspi-rant du philosophe athnien il nous dira: Figura mundi,sicui et mundus ipse, per providentiam' globi in formantfacta fuit : primttm, quia omni figura velocius mobilis est,et deinde magis necessaria, ne forte remissus ( mundas )deorsum ferretur ad immensam vacuitatem, cunctis parti-bus in suum mdium inclinationibus Occurrunt autemin Timaeo Platonis, qui mirifice laudent figurant perfectesphaericam cum sua utilitate, etc., etc. (3).La sphre universelle en contient neuf autres qui sontconcentriques. La premire est constitue par le ciel destoiles fixes, puis viennent les diverses sphres des plan-tes, enfin le globe terrestre qui occupe le centre de toutle systme. Toutes les parties dont l'univers se composesont entr'elles dans un rapport de parent, mais elles va-

    (1) De Incorrupt. m., 1. cit. Cf. Aristote: De Mundo, C. 2: k6v v totoi uepiexo-Mvuiv qpaeuuv.

    (2) Philon: Vers. arm. De Providentia, N. 21. Mundus est secun-dum Plalonem harmonia quaedam coeli et terrae, et earum naturarum,quae in ea sunt.(3) Ibid., Sermo II, 56.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    46/190

    32 rient quant leur nature propre et quant leurs volu-tions (i). Le Cosmos est compos d'un nombre infini decontraires, c'est dire d'lments opposs les uns aux au-tres (2), mais ils sont combins et rgis par une loi d'har-monie (3).

    Bien que l'univers contienne une infinit de genres et d'es-pces , tous les lments dont il se compose peuvent seramener quatre principaux qui sont: la terre, l'eau, l'airet le feu (4). Mais, l'imitation d'Aristote, Philon admettraun cinquime lment plus pur que tous les autres et duquelles mes sont formes. Cette substance c'est l'ther. Quatuorenim elementa mixturae sunt potins quam elemenia,Quinta vevo substantiel immixta et pura sola est factaCette substance est quelquefois dsigne sous le nom deiepv mip ou de cpXH dapeaio, et Philon drive le mot a9r|pde aGuu qui signifie allumer. Cet lment enveloppe les autreset se meut en cercles dans l'espace (5). Tel est le matrieldont le Cosmos se compose.Quant aux tres particuliers qui sont contenus dans notre

    globe, Philon les distingue en quatre catgories principales,dont chacune est doue de caractres propres. Certainsindividus ont reu de l'auteur des choses une 'Ht, c'est dire,selon notre philosophe , une proprit passive , une simplemanire d'tre, comme la pierre ou le bois dtach de l'arbre.D'autres tres sont dous d'une cpcri, c'est dire d'une na-

    (1) De Congr. quaer. erud., I, 534. De Providentiel, II, 60: vasto inmedio universorum conditam erexit terram.(2) Quis rer. div. haer., I, 5 18: Xfix) b twv vavnoTriTJv, 2 Ouv

    ira k(J|uo auvcrrr|ae.(3) De Cherubim, I, 159.(4) Quis rer. div. haer., I, 5i3. De Somnis, I, 674, etc.(5) Quaest. in Gen., III, N. 6. Conf. ling., I, 428. Deus Immutab.,

    I, 279. Quis rer. div., I, 514.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    47/190

    - 33 -ture impliquant une certaine force de dveloppement, telleque nous la constatons chez les vgtaux. En troisime lieu,Philon mentionne les cratures qui se meuvent et qui sontdoues d'une force vitale -, celles-ci ne se caractrisent ni parune Hi ni par une cpuo*i mais par la ipuxn qui est le prin-cipe de leur vie. Cette catgorie constitue le rgne animal.Enfin, une quatrime classe d'individus que Philon discerneest celle que nous appelions le genre humain. L'homme parl'un de ses cts appartient la troisime classe d'tres quenous venons de mentionner, mais il s'en distingue en ce qu'iln'est pas seulement pourvu d'une vpuxri mais d'une Xo-fiKf)qjuxn (1). Les signes distinctifs de ces quatre catgories d'-tres sont donc la 'Hi,la qpai, la ij/uxn et la XoYtxri ipuxn.. Toutesles cratures que le monde renferme forment une immensecollection de genres et d'espces qui drivent d'un principeunique, comme les diverses branches d'un arbre proviennentd'un seul et mme tronc (2). Philon dsigne souvent sous lenom de grande ville ()neYa\Tro\i), notre Cosmos ainsi cons-titu (3); et l'instar de ses prdcesseurs il le conoitcomme un tout anim et vivant, qu'il appelle quelquefoisgrand homme (ufa dv9pumo) (4). En sa qualit d'ceuvredivine le monde est le fils pun de Dieu (5); et commele temps, selon notre philosophe, est dtermin par le mou-vement des astres , le monde est appel aussi pre dutemps. Cette dernire dsignation provient de la notion pla-tonicienne du temps que Philon s'est approprie. Selonce dernier le temps est postrieur la cration du monde,

    (1) Qiiod Deus Immutab., I, 277 ss.(2) De Plantatione, I, 329.(3) De Opif. M., I, 4. De Cherubim, I, 161, etc.(4) Quis. rer. div. haer., I, 494.(5) Quod Deus Immutab., I, 277, etc.Soulier, La doctrine du Logos

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    48/190

    34 -car c'est le monde qui est la cause du temps. Il n'tait pointquestion de temps avant que* le Cosmos n'en et donn l'i-de par ses volutions. On ne peut donc point parler de tempset de cration simultanment (1).

    Il y a un seul Cosmos comme il y a un seul Dieu (2);l'univers estw comme son auteur est an, mais ils sont abso-lument distincts l'un de l'autre. On ne doit pas les confondre,c'est dire concevoir Dieu comme l'me (vpuxn) du monde,selon l'opinion des sages de la Chalde (3); car le monde estinfiniment infrieur Dieu en dignit. Oui, Dieu et le mondesont deux tres substantiellement distincts ; leurs naturessont incompatibles et ne peuvent admettre entr'elles aucuneespce de rapport immdiat (4). Le Dieu de Philon est rel-gu dans une sphre infiniment loigne du monde. T uaKpvtv Gev evai ttccoti Yevtfew ar juovov p, ko t TroppwTTWTrjv KaTXrmnv cito Tco"n. v0pumivr| biavoia biujKiO"0ai (5).Mais bien que ce dernier soit d'une essence absolument diversede celle de son auteur, bien que le Cosmos soit d'une natureinfiniment moins parfaite que celle de son crateur, il n'enest pas moins l'uvre la plus parfaite, comme Dieu est l'trele plus parfait (6).

    (1) Quod Deus Immutab., I, 277, etc.(2) De Opif. M., I, 42. De Incorrupt. M., II, 488.(3) De Migrt. Abrah., I, 464. Outoi (oi XaXoaoi) tv qpaivuevov

    totov Kaiaov v xol oCoiv ireTTrr|aav evcu (avov, f\ Gev vxa aTv,ip\ v aTJ 0ev TtepixovTa tjYv twv \u)v ipuxnv Muuuafj nvTOt Tfjjiv v to \ipeai KOivuuvia Kai ou|UTra0eia toO uavT 'oixe auvemYpqpe-o9ai, va Kai yevvnTv Tto

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    49/190

    - 35 -Tel il a t cr par Dieu au commencement, tel il doit

    subsister et durer l'infini, car le monde est incorruptibleet imprissable. Philon consacre un trait tout entier ladmonstration de cette thse. Il se base cet effet sur l'im-muable perfection de Dieu. Tout changement, dit-il, con-duit un tat meilleur ou pire que le prcdent. Si Dieuanantissait le monde en l'abandonnant lui mme il en r-sulterait des faits incompatibles avec la nature parfaite duDieu absolu. En effet, de deux choses l'une: ou bien Dieucrerait un monde nouveau, ou bien il ne le crerait pas.S'il en cre un autre, il sera videmment gal au premier,ou meilleur, ou pire. S'il est gal au prcdent, quoi bonle crer? S'il est meilleur ou pire, cela implique un chan-gement en Dieu. Dieu serait ds lors, ou bien meilleur cra-teur qu'auparavant, ou bien infrieur lui mme, ce qui estincompatible avec la notion philonienne de la Divinit, carcomme nous l'avons vu plus haut, Dieu ne peut devenirni meilleur ni pire; il est immuable et toujours semblable lui mme. On ne peut pas admettre davantage que Dieuanantisse le monde et laisse le nant reprendre la place del'tre, car si la cration du monde devait tre suivie d'unedestruction totale elle ne serait alors qu'un jeu puril. Dieun'aurait agi qu' la manire des enfants qui s'amusent fairedes tas de sable au bord de la mer pour les dtruire ensuite ( i).Les deux hypothses sont donc insoutenables. Philon trouvedans la perfection divine une garantie de l'incorruptibilit etde la dure du monde. Le Cosmos est donc destin de-meurer ce qu'il est, persister dans son tat, non point parune force qui lui soit propre, car Philon nous dit que toutce qui a t fait est sujet aux mutations et la corruption,

    (i) De Incorrupt. Mundi, II, 5oo, et passim.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    50/190

    36 mais en vertu d'un gouvernement divin, en vertu d'une acti-vit extrieure qui s'exerce sur lui et qui le conserve.

    Telle est en gnral la notion philonienne du Cosmos.Nous n'en avons prsent qu'une simple esquisse. Mais ellenous suffit pour l'intelligence du sujet qui devra nous oc-cuper.Nous avons mentionn les neuf sphres dont l'univers se

    compose, selon l'ide de notre philosophe -, nous pourrionsmme dire qu'il en est une dixime que nous appellerionsla sphre humaine, sans porter par l la moindre atteinte la conception philonienne. En effet, si Philon considre leCosmos comme un uya dv0puuTTO, il conoit aussi l'hommecomme un petit monde ou comme un petit ciel (PpaxKcfjao et Ppax opavo). Le monde est un grand hommeet l'homme un petit monde, car ils ont entr'eux de grandesanalogies et des liens troits de parent (i). L'un et l'autresont composs de quatre lments, savoir, la terre, l'eau,l'air et le feu (2)-, de plus, l'me de l'homme elle-mmeest tire de la cinquime substance dont l'univers se com-pose, c'est dire de l'ther (3). De leur nature, le mondeet l'homme sont intimement unis. Chacun d'eux reprsenteun tout, une unit avec ses diversits, et tous deux ils ma-nifestent la grandeur, la puissance et la bont de Dieu. Leursdestines sont unies par des liens indissolubles. Maiscomme les enseignements de Philon ont avant tout un butmoral et pratique, nous ne serons pas tonns de constater

    (1) Quis rer. div., I, 494. De Plantatione, I, 334. De Monarchia,II, 226. De Opif. Mundi, I, 19.

    (2) Quis rer. div. haer., I, 5 1 3. De Somnis, I, 674. De decem Ora-culis, II, i85: kfd) uv nerxu) ooia, baveiafaevo cp' KaTOU tvCTOixeiaiv, il J)v TrexeXaen \o kcfiuo, f f\ xal uoto, kciI po xatnup, t irp ti^]v nty oaTaaiv aTaKpaTOTa.

    (3) De Immutab. Dei, I, 279, et les passages cits plus haut.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    51/190

    37 qu'il attache une bien plus grande importance l'tude del'anthropologie qu' celle de la cosmologie. Le Cosmos engnral attire moins son attention que le ??icrocosme, c'est dire l'homme; il est donc ncessaire que nous nous oc-cupions tout particulirement de ce dernier.

    2. L'homme.Nous avons indiqu la classification philonienne des tres

    crs ; nous savons en quoi l'homme se distingue des autrescratures. L'homme reprsente la catgorie des tres psychi-ques-rationnels. Il est dou d'un corps et d'une vpuxn commetous les animaux, mais sa nature rationnelle (XoYiKr] cpcri) enfait un tre part. L'homme a t form de la terre laplus pure, et cet gard on peut l'appeler fils de la terre-mre (Ari|ur|Tr|p) (O ^ est donc, de ce ct, matriel et ter-restre. La vjjuxn qui reprsente en lui la vie animale estcompose de trois lments ou de trois facults principalesque Philon dsigne sous les noms de ao"9n.cri, (paviotaa etp^r|. Les sens peroivent les objets extrieurs; la cpavraoa(c. a. d. dans le sens platonicien, l'tat de l'me recevantles impressions des sens) (2) est l'effet produit par les sensdans la ipuxn; Ie dsir enfin est le rsultat de l'influence dessens et de l'imagination sur la nature psychique (3). L'homme ne se distingue pas seulement des autres craturespar l'excellence de ces trois facults, qui jusqu' un certaindegr sont aussi communes aux btes, mais surtout par sanature logique, c'est dire par son intelligence ou sa raison.

    (1) De Opif. M., I, 3o.(2) Platon, Theaet., 1 52 C.(3) Quod Deus sit immut., I, 278-279.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    52/190

    38 -La Xotikh tyuxn, autrement appele le vo, le Xyo, leXoTtcyjuo, la bidvom, est ce qu'il y a de plus excellent enl'homme -, par elle il est capable d'embrasser l'universalitdes choses. Tandis que le ct matriel de l'homme provientde la combinaison des quatre lments dont le monde secompose, l'me humaine rationnelle est tire d'une substanceplus pure et suprieure, elle a t forme au moyen del'ther, c'est dire l'essence dont ont t produites les na-tures divines (i). Le vo gouverne la nature vivante del'homme comme l'il gouverne et dirige les mouvementsdu corps (2). La raison se servant des facults psychiquesconoit des penses (voriuara); en d'autres termes, la raisonhumaine ( vo, Xto ) se sert des sens comme de subor-donns ou de satellites (3). En effet, les sens ne peroiventpoint par eux mmes ; l'oreille entend, l'il voit, mais c'estl'esprit qui dicte les impressions et qui produit la cpavraola,c'est dire la perception. Le vo veill par le contactdes sens avec les objets extrieurs, discerne la nature de cesderniers (4).Mais l'homme n'est pas seulement dou d'une nature sen-

    sible et d'une nature rationnelle; il ne se contente pas depercevoir les objets et d'en concevoir une notion ou uneide, il veut encore exprimer cette ide mme qu'il a conuedans le sjour inaccessible de son entendement, et cela aumoyen de la parole. La raison humaine est la source d'oprocde l'locution. Les paroles dcoulent de l'esprit commel'eau d'une source et viennent dverser au dehors toutes les

    (1) Quod Deus sit immutab., II, 278-279: toto Tfj MJUxrj t ebo( vog ok ic tjv ctTJv OToixeiujv, E Ov t \\ct TtexeXeTo, oienAd-cv6n KaGapouT^pa o kcU iueivovo IXaxe Tfj ooia, rj ai Geat qpoeibriiuioupTovTo. Aileg. Leg., I, 5i.

    (2) Ibid.(3) Quod det. pot. ins., I, 207. De Opif. M., 1, 33.(4) Alleg. leg., I, 96-98.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    53/190

    - 39 penses qui taient auparavant caches. La parole humaineest l'interprte de l'esprit, elle est rvlatrice des choses quela raison a dcides dans son conseil intrieur: myrn YPXtujv bivoia, kc otuiov cujtt Xyo, ti Ta v6uurmaTaTTCtVTa bi toutou, Ka9rrep vu.ctTa rco Trn.Yn e TouqpavTTippovTa, vaxeTar kc pueve crriv uiv v tw auTf\ 0ou-XeuTripiqj pepoXeuKev (i). Philon dsigne sous le nom de XyovbieeTo la conception intrieure ou la force pensante, etsous celui de Xyo rcpocpopix la pense exprime par l'or-gane vocal. Il modifie quelque fois cette dernire expressionpar celle de Xyo KoiT Trv rrpoqpopv. Ainsi, lorsque levo est excit ou mu, soit par des phnomnes extrieurssoit en lui mme, il conoit des ides qu'il ne pourra mettreau jour que par le concours de la parole, qui ;les transmetau dehors. Le propre de la parole est d'exprimer les ideset de mettre en lumire ce qui tait cach et invisible (2).

    Bref, l'homme porte en lui-mme ce qu'il y a de plusexcellent et de plus lev dans la nature vivante, le Xyoet le vo-, il domine toute crature par son me rationnellequi est invisible comme la divinit, qui connat comme Dieuce qui est distinct d'elle mme , et qui ouvre la voie auxsciences et aux arts en mditant sur toute chose (3).Mais l'homme tel que le crateur Ta voulu ne devait pas

    seulement tre dou de facults intellectuelles proprement

    (1) Qiiod det. pot. ins., I, 199.(2) Ibid., I, 21 5 ss. Outo \

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    54/190

    40 dites, il devait aussi possder des qualits morales, savoir,la force ou la facult de se dterminer spontanment dansun sens ou dans un autre. Il fallait qu'il ret encore unevolont et l'exercice spontan de celle-ci, c'est dire la li-bert. L'me humaine est la seule qui ait reu la facultd'agir de son propre mouvement: javri b r\ v0pumou ipuxnbeEajuvri Ttap 0eo rfiv i

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    55/190

    41 l'intention divine enfin, le premier homme devait recevoirla plus grande somme de biens ; rien ne devait lui man-quer. Ses sens devaient tre satisfaits par la prsence desuvres de la cration ; son intelligence et sa raison devaientdans la contemplation de ces uvres mmes , trouver uneoccasion d'exercer leurs facults. Oui, c'est du spectacle desbeauts de la nature que devait natre la philosophie, parlaquelle l'homme, bien que mortel, entrevoit l'ternit. Teltait rhomme primitivement, c'est dire qu'il tait heu-reux (i).Du moment que Philon accentue si fortement l'ide despontanit et de libert en l'homme, on doit s'attendre

    ce qu'il trouve l'origine du mal dans une certaine dter-mination de la volont humaine seulement, c'est dire quele mal doit tre un produit de tel ou tel acte de cette vo-lont. C'est bien tout d'abord aussi son intention, car ilnous affirme que la crature humaine mise en prsence dubien et du mal doit choisir et peut choisir le bien ; que lafacult d'accomplir la vertu ou le vice a sa source dans lapartie rationnelle de l'homme (2); que les sens par eux mmesne sont ni le bien ni le mal, mais qu'ils sont au contrairecommuns aux bons et aux mchants (3); or comme les mou-vements de la nature rationnelle se manifestent par des actesde la volont, le mal doit donc avoir pour cause cette vo-lont mme. Tout serait donc logique si notre philosophes'en tenait l. Mais il n'en est pas ainsi. Au dbut mmede son rcit de la Chute l'ide de libert fait place celle

    (1) Opif. Mundi, I, 18 et 36.(2 Ibid. } I, 17, KCtida b kc peTfj, tu Sv oko, vo kc Xfo, o

    auTai ireqpKOtaiv v6iaixa9ai.(3) Alleg. Leg., I, 100. AeKxov ouv, ti f\ uaQ^ac, oxe tjv (paXujv,

    ot6 tjv GTTou&aiuuv a-riv, XX (uaov ti axr| kc koivov aocpo Te Kalfiqppovo.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    56/190

    42 -de ncessit. Comme rien de ce qui est engendr, dit-il,n'est immuable, comme toute crature mortelle est sujette des changements ncessaires (ueTCt(3o\ votYKaia) il fallait(xpnv) que l'homme exprimentt quelque malheur (kcoco-jTpaYa dtoXaGoai). Ce fut la femme qui occasionna la chute,car c'est- de son contact avec l'homme que la volupt asurgi (i). Or, comme pour notre auteur la femme estle symbole des sens (2), ce sont bien aussi les affectionssensibles et le ct matriel de l'homme qui sont la causedu mal. L'impression des sens doit ncessairement tre fu-neste l'homme puisque c'est par elle que l'humanit a trendue malheureuse. Du moment qu'il est fait mention dechangements ncessaires ( ueraftoX ttvcrrKaia ) auxquels ilfallait que l'homme ft soumis, l'ide de volont ou de li-bert humaine se trouve compromise. D'ailleurs, Philon con-oit aussi le corps humain comme tant mauvais de sanature (3), et non pas seulement comme une pierre d'achoppe-ment. La volupt saisit l'esprit et l'me au moyen des senset rend l'homme esclave et mortel. Les affections du corpssont trangres la raison humaine, mais le dsir des chosesque l'on ne possde point se dveloppant, produit la con-voitise. L'me souffre ds lors de ces passions qui l'trei-gnent et la suffoquent. Elle se trouve renferme dans le corpscomme dans une prison cadavreuse qui l'empche d'at-teindre son but et de vivre en paix (4). En outre, la matired'o tout est provenu est elle mme pleine d'imperfection;

    (1) Opif. Mundi, I, 36.(2) Opif. M., I, 40. v ^juv yp dvp |uv \i Aov voO, yuvai-

    k b cri'a9r|

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    57/190

    43 le philosophe juif en s'inspirant des ides platoniciennesdevait voir dans tout ce qui est matriel et sensible une cer-taine force aveugle qui tend entraver les mouvements dela raison, qui n'coute point les conseils de l'esprit et quitend toujours plus son empire dans le monde. La matire,comme nous Pavons vu, n'a rien de positif en elle; elle n'estni le bien ni le mal; mais par sa prsence mme elle trou-ble l'essence du bien qui est dpose en l'homme. L'hommedans la position que nous venons de dcrire d'aprs lesdonnes de Philon, pouvait lutter mais non pas vaincre cause des taches ncessaires qui restent ineffaables danstoute nature mortelle (i). Il ne pouvait demeurer dansl'innocence puisque Dieu seul est immuable -, toute cratureest soumise au changement (2).L'homme, selon la notion philonienne, devait ncessaire-

    ment tomber, en admettant mme que ni la matire, niles sens ne lui eussent pas t nuisibles, car il portait danssa nature rationnelle mme (v vpuxri XoYiKf)) une prdisposi-tion la chute, une inclination inne vers le mal, que Philondsigne sous le nom de Kaida b (3). Nous verrons bienttquelle influence cette dernire ide devait exercer sur ladoctrine philonienne des intermdiaires , c' est pourquoinous nous rservons d'en parler plus longuement ailleurs. Ilnous suffit ici de l'indiquer.Avec le premier homme la postrit entire est tombe.De l tous les maux et toutes les misres qui nous acca-

    (1) De Nom. mut., I, 585: chreipa uv cm t KaTap^UTTcrivovTa t^vt^ux^i nep xvyaaGai xal Tto\o0aa9ai uavreXi ok vecmv roXe-trovrai fp vdrfKr| ttcivtI 6vn.Ti) ouYTve Kfjpe, & XuKpfaai uv k,vcupe8f)vcu b' etaotTrav &va-rov. Voyez aussi Ritter: Geschichte derPhilosophie, T. IV, p. 372 ss. (traduction franc.).

    (2) Alleg. leg., I. 82.(3) De Conf. Ung., I, 432.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    58/190

    44 blent (1). L'humanit actuelle est corrompue, elle a perdules qualits excellentes du premier homme dont l'image s'ef-face de plus en plus dans la suite des gnrations. L'hommeactuel n'est plus une fidle reproduction de l'homme pri-mitif. Il en est de lui comme des diverses reproductionsd'un tableau original. Le type primitif s'efface toujours pluslorsque des copies sont faites d'aprs d'autres copies. Philon compare aussi la postrit du premier homme unechane dont le premier anneau aurait t aimant. A me-sure que la chane se prolonge, les divers anneaux perdentde leur force magntique, c'est dire que les facults s'af-faiblissent et s'moussent. L'homme actuel est un vieillardqui a perdu les forces de la jeunesse et qui se souvient avecregret de ses premires annes (2).

    Ainsi donc, autant Philon avait exalt la nature et la f-licit de l'homme primitif, autant il rabaisse sa positionactuelle et son infortune. 11 n'y aurait l rien d'illogique,eu gard la diffrence relle qui distingue l'homme d'au-jourd'hui d'avec celui qui sortit des mains de Dieu, si Philonn'avait pas expos, indpendamment de la doctrine de lachute, des thories fort diverses touchant le mal et son ori-gine et des notions trs-incohrentes relativement la liberthumaine et la destine de l'homme en gnral. La questiondu mal ne lui apparat pas d'une manire claire. Il sentd'un ct la puissance fatale du pch dans l'humanit,ce qui l'engage dpeindre celle-ci avec de sombres cou-leurs, mais d'un autre ct il a conscience des aspirationsleves de l'homme, de sa libert, de sa puissance morale,de sa responsabilit incontestable, autant que n'importe quel

    (1) Opif. Mundi, I, 36.(2) Ibid., I, 33-34.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    59/190

    45 philosophe (i). Il affirme expressment que si nous n'tionspas libres nous ne saurions mriter une juste punition, carla responsabilit morale ne saurait alors peser sur notre cons-cience (2). Le sens pratique de Philon et le but moralqu'il poursuivait nous prouvent suffisamment qu'il croyait la libert humaine, qu'il concevait l'homme comme placentre Dieu et la matire, position qui lui permet de se tour-ner tantt vers l'un, tantt vers l'autre , et de choisir entrela puissance coactive de la matire et la servitude divinequi garantit la vritable libert de l'esprit (3). Mais Philonne parat pas s'tre appliqu concilier les lments con-tradictoires qui se font jour dans sa doctrine. Malgr lesefforts qu'il fait pour relever la spontanit des dtermina-tions morales de l'homme et son activit individuelle, la foireste pour lui la seule offrande que la crature rationnellepuisse prsenter Dieu. Mais nonobstant tout le bien que lafoi renferme en elle mme, l'homme ne peut cependant pas,dans l'ide de Philon, accomplir la vertu positive-, il doitse contenter d'viter le mal dans la mesure du possible.Tout ce qui est cr, est naturellement passif; le cra-teur seul est actif. "loiov fiv br\ 0eo t ttoieiv, o 0(ai m-YpijJao"9ai yvviituj, biov b fevvriToO t 7ro"xeiv (4). Il fautdonc qu'une influence divine accomplisse le bien positif enl'homme-, Dieu seul peut oprer vritablement dans la raisonhumaine. L'homme est compar la brebis qui se laissetondre*, elle est passive tandis que le tondeur est actif.L'homme toutefois exerce une certaine activit en s'accom-

    (i) In Genesin, IV. Qtioniam melior nostra pars ad superiora tenditsupra quam aether, supra quant coelunt supraque universa sensibilia.

    (2) Alleg. Leg., 1, 5o. Quod Deus immut., loc. cit.(3) Voyez Ritter, loc. cit. Opif. Mundi, 1, 3o. Alleg. leg., I, 125,

    passirn.(4) De Cherubim, I, 1 53.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    60/190

    46 modant de manire faciliter l'uvre du tondeur. Son acti-vit est donc toute relative (i). Quand il agit positivementc'est plutt dans la direction du mal. Non seulement il nepeut vaincre totalement le pch, il est mme sujet pcherinvolontairement, tant il est esclave de sa nature sensibleet corrompue (2).

    Mais si l'homme est rempli d'impuissance quand il s'agitde discerner et de faire le bien, il n'est pas plus heureuxdans la recherche du vrai. L'impie croit que par sa raisonet par ses sensations il pourra concevoir et percevoir ce qu'ilveut, mais il se trompe. Combien de fois l'intelligence et lessens ne se rendent-ils point coupables d'erreurs ou d'illu-sions (3)? La force perceptive tout aussi bien que la forcemorale doit nous venir d'en haut. L'me doit migrer deson corps et se prparer dans la solitude et la contemplation recevoir une lumire plus pure, une force nouvelle, sanslesquelles l'homme ne peut entrevoir la vrit, car touteimage n'est que tromperie et illusion (4).Le but de la vraie sagesse et de la vie humaine c'est la

    connaissance de Dieu (5), mais cette connaissance l'hommene peut la recevoir que de Dieu lui-mme. Il doit chercherDieu aid par Dieu, il doit connatre la lumire par la lu-mire (6). S'il ne se sent pas guid par une force suprieureil est plus important pour lui de chercher se connatresoi-mme, c'est--dire de s'occuper de sa propre me qui

    (1) De Cherubim, I, 1 5 5.(2) De Ebrietate, I, 379.(3) De Conf. ling., I, 424.(4) De Migrt., I, 44.3. De praemis et poen., II, 413. De Conf. ling.,loc. cit.(5) Quoi Deus immut., I, 294 c t b Tpjaa Tf} 66o, fvjoi

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    61/190

    47 est l'objet le plus digne et le plus excellent (i). Mais cettetude est difficile aussi, car bien que notre raison puisse toutvoir et tout contempler, elle ne peut cependant pas se con-natre elle mme; elle ne peut concevoir sa propre nature (2).C'est pourquoi Socrate avait raison de dire que le plussage est celui qui avoue ne rien savoir. Un seul trepossde la sagesse et la connaissance, c'est Dieu, car il estla source de la vrit, t yp urbv o0"9cu eibvcu, npamo"Trj|nr|,, vo vto (livou aocpo tou kc |uvou 0eoO(3) et cettevrit il peut la participer notre me qui la reoit commeune grce particulire du Dieu qui fait pleuvoir sur nousla force de conception. Kc |afiv CFqpaXXouvuiv re tjv kci9'flfi (xto Ttepi re voO kc ao"0n.CFiv Kprrripujv vcVfKn. tctKXou6ov juoXoev, ti 8e tu) |iv T vvoia Trj oT dvTiXriiyet Trou(3pe kc cmv o tjv kciG' nu (nepjvxpi Ta fiv(aeva, dXX toO b\ v kc f|jae Ye^ovauev, buupeaiTrdaai (4).

    Telle est donc selon notre philosophe la nature de l'hommeet sa destine sur la terre. Aprs nous l'avoir fait connatredans sa beaut et sa grandeur primitives il nous le montredans sa nature actuelle, dgnr et incapable d'arriver parses propres forces , non seulement la connaissance deDieu, mais aussi la pratique de la vertu positive et lascience des choses en gnral. Le mal a fortement agi surl'tre humain tout entier, de sorte que l'individu ne portepas seulement en lui l'empreinte du mal qu'il tient de lanature sensible et matrielle, mais aussi celui qui lui vientdu mauvais exemple qu'il reoit ds sa plus tendre en-

    (1) De Somnis, I, 629, 652. De Migrt., I, 466 ss.(2 Alleg. leg., I, 62. De Nom. mut., I, 579.(3) De Migrt., I, 437.(4) De Conf. ling., I, 424.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    62/190

    48 fance (i); mal qui ne fait que progresser et affaiblir de plusen plus l'lment du bien que Dieu a dpos en l'hommeds la cration des choses. L'homme ne saurait tre heu-reux dans un tel tat-, sa vie est remplie de maux que lespenchants gostes de son me lui occasionnent-, son espritest dans l'erreur, tout son tre est en dsordre. Commentpourrait-il vivre en paix (2)? La seule tche qui lui restec'est d'chapper le plus possible au contact des mchants etd'attendre dans la contemplation que Dieu opre et agissesur sa raison, son intelligence et son cur.

    (1) Quis rer. div., 1, 5 1 5-5 16.(2) De Septenario, I, 280.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    63/190

    CHAP. IV.

    CONSQUENCES DES PRINCIPES EXPOSES.

    Nous avons vu, dans les chapitres qui prcdent, quellestaient les ides principales de notre philosophe touchantla divinit, la matire, le monde et l'homme. Philon affir-mait ces doctrines en se basant sur des donnes juives, com-bines d'une manire plus ou moins ingnieuse avec desthories platoniciennes ou stociennes. Jusqu'ici l'effort despculation n'est pas considrable , c'est plutt l'clectismequi domine-, nous avons affaire un choix de principes trs-divers tirs des religions et des philosophies du pass. Maisces principes s'accordent-ils entr'eux? En d'autres termes,les divers matriaux que Philon a runis, sont ils suffisantspour satisfaire aux exigences, non pas d'un systme rigou-reux, mais de la plus simple logique ? Dieu et l'univers conuscomme nous venons de le voir, peuvent-ils marcher en har-monie? Peut-on dire que dans un tel tat de chose, tout tre,depuis Dieu lui-mme jusqu' la crature la plus chtive,se trouve en tat d'accomplir sa destine et de marcher dansl'ordre? Enfin, les doctrines que nous venons d'examinerpeuvent-elles, aux yeux de notre philosophe, rendre comptede toute chose? Nous ne le croyons pas, et Philon ne le

    Soulier, La doctrine du Logos 4

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    64/190

    - 50 -croyait pas lui-mme, car c'est prcisment partir d'icique commencent ses recherches spculatives. Il y a enPhilon plus qu'un syncrtiste. 11 y a le mtaphysicien et lespculateur. Nous n'avons pas encore prsent le Philonvritable, car nous ne nous sommes pas encore occups dela doctrine qui lui est propre. Il fallait avant tout con-natre les assises de l'difice qu'il va construire; nous de-vions ncessairement indiquer les lments qu'il puisait lascience des anciens matres, avant de le considrer commematre lui-mme.En effet, si notre philosophe a cru bon de retenir pourvraies les thories qu'il empruntait ses prdcesseurs, et

    que nous avons exposes plus haut, c'est qu'apparemmentil esprait en concilier les lments contradictoires au moyendu travail spculatif, et combler les lacunes qui s'y ma-nifestaient. Le but du prsent chapitre est prcisment defaire ressortir les lacunes et les contradictions qui se fontjour dans la srie des principes noncs prcdemment, etde montrer la ncessit dans laquelle Philon se trouve deremplir les vides et d'effacer les antinomies qui rgnentdans l'ensemble de ses dogmes antrieurs, par l'introductionde la grande doctrine qui le caractrise et le fait distinguerparmi les penseurs de l'antiquit , savoir la doctrine duLogos.Pour que les principes que Philon exposait au sujet deDieu, du monde, et de l'homme, pussent rester debout, ilfallait trouver un moyen de les combiner, de les lier, pourainsi dire, par un trait d'union. Il fallait que les lmentsincompatibles fussent concilis par l'introduction d'un l-ment nouveau, capable de faire disparatre les contradictions.Mais en quoi consistent ces antinomies? C'est ce que nousallons voir en rsumant en peu de mots les thses philo-niennes que nous avons exposes.

  • 8/6/2019 Soulier. Le doctrine du logos chez Philon d'Alexandrie. 1876.

    65/190

    - 51 Il a t constat d'un ct, que le Dieu du philosophe

    juif est Ttre transcendant et absolu, qu'il est renfermdans les profondeurs insondables de sa nature, que sa ma-jest divine est inabordable, que toute relation immdiateavec la matire et le monde extrieur est indigne de Lui,qu'il est spar de l'univers par une distance infinie, parun abme infranchissable:, d'autre part, nous voyons aucontraire que ce mme Dieu est la Cause premire de touteschoses, qu'il est agissant de sa nature, qu'il exerce son in-fluence sur le Chaos afin de l'organiser, qu'il est l'lmentactif, en opposition la matire qui est passive et qui n-cessite une intervention suprieure pour se mettre en mou-vement. Voil pour le ct mtaphysique. Mais nous n'a-vons pas tout dit. Au point de vue moral, Philon accentued'une part la saintet absolue de Dieu , son horreur pourle mal, sa haute dignit morale qui l'empche de se met-tre en rapport avec la nature pcheresse, tandis que d'unautre ct il s'efforce de dmontrer que l'univers et l'humanitent're (qui sont aprs tout une uvre divine) portent en euxle mal et la corruption. Evidemment ces thories ne pou-vaient s'accorder. Si l'univers ne peut se passer de Dieu, ilfaut que notre philosophe cherche un moyen de rapprocherces deux catgories d'tres. Quelles furent donc ses recherches?Nous avons vu que, partant de la notion de la transcen-dance divine absolue, Philon faisait une distinction entre

    l'ide de l'essence de Dieu et celle de son existence. Celle-cilui tait donne par la contemplation des uvres de lacration, tandisque l'autre lu