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ÉpruÉruÉe ESSÀIS PHILOSOPH1QUES Collection fondée par Jean Hlppollte et dirigée par Jean-Lac Marion it ô 3157 aôo1 l SPINOZA Guures Éditio.t pubJiée sous la direction de Pierte-François Moreau I Introduction génétale par Pierre-François MonnLu PREMIERS ÉCRITS TRACTATUS DE INTELLE,CTUS E,MENDATIONE TRAITÉ DE LA NÉT'OruTN, DE L'ENTENDEME,NT Texte établi par Filippo MrcNrNt Traduction par Michelle Ber-ssaos KORTE \'ERHÀNDELING COURT TRAITÉ Texte établ,i par Fi-lippo MIcNINI Traduction par Joël GaN.Lurr Ouurage publié aaec le concoars du Centre national da liure PRESSES UNIVE.RSITÀIRES DE FRANCE

Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

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Page 1: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

ÉpruÉruÉeESSÀIS PHILOSOPH1QUES

Collection fondée par Jean Hlppollteet dirigée par Jean-Lac Marion

itô3157aôo1l

SPINOZA

GuuresÉditio.t pubJiée sous la direction de

Pierte-François Moreau

IIntroduction génétalepar Pierre-François MonnLu

PREMIERS ÉCRITS

TRACTATUS DE INTELLE,CTUS E,MENDATIONETRAITÉ DE LA NÉT'OruTN, DE L'ENTENDEME,NT

Texte établi par Filippo MrcNrNtTraduction par Michelle Ber-ssaos

KORTE \'ERHÀNDELINGCOURT TRAITÉ

Texte établ,i par Fi-lippo MIcNINITraduction par Joël GaN.Lurr

Ouurage publié aaec le concoars

du Centre national da liure

PRESSES UNIVE.RSITÀIRES DE FRANCE

Page 2: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

TRAITÉ DE LA RÉFoRME DE L'ENTE,NDEMENT

la page, il y ait eu des appels de notes précis au moyen de signes diacriri-ques. On a des raisons de croire que l'autographe de Spinozâ n'avait pasencore été < ordine conscriptum >, non seulement au seni qu,i1 n,avait pasreçu une rédaction définitive, mais aussi au sens quT n'avait pas été misâ-u propre (dtscripturz) par l'auteur. De là, la possibilité des confusions oude la pluralité des endroits où placer les appels de notes, de la par dutraducteur et de l'éditeur du texte latin.

2 / La traduction de Glazemaker n'a pas été menée à pattir d,untexte latin pÉparé pour la publication. Si c'était le cas, pôur ce quiconcerne les annotations, l'ensemble des variantes serait inexplicablê.

3 / r'e texte latin et la traduction néedandaise n'ont pas èté colla-tionnés et contrôlés avant d'être imprimés, mais leur rédàction et ieurpublication ont suivi deux parcours parallèles et autonomes, tout enétant imprimés chez le même typographe.

H\?OTHESE SUR LA TRANSMISSIONE,T LA CONSTITUTION DES DEUX TEXTES

Les erreurs communes aux opera Postbuma et aux Nagerate schriftendémontrent qu'elles dépendent toutes les deux d,une seile et mêmesource, qui est, selon toute probabilité, I'autographe de Spinoza.

Je préfère penser qu'entre I'autographe et les deux rédâctions il n'y apas eu une copie intermédiaire dont elles auraient été tirées. En effet,cette copie aurait dû résoudre, d'une manière ou d'une autre, les problè-mes de lecture dont nous avons trouvéla ûace dans certain., ,r"-riunt.r.En tout cas, nous devrions supposer encore une révision de cette copiepar l'éditeur du texte latin, indépendamment de la traduction et nousn'aurions obtenu aucufr

'oantage par rappoft à I'hypothèse seron

laquelle les deux rédactions dépendent diréctemenr àè l'autographe(entia non sunt maltiplicanda sine necessitate). Mais les variantes exaàinéesci-dessus démontrent aussi que les opera Posthwma ou la rédactionmanuscrite latine préparée pour la publicatio n des opera postbuma n'ontpas été la version utilisée pour les Nagelate scbiften La seule solution pos-sible.est donc que les opera Po$buma etles Nagelate scltiften dérivent demanière indépendante de l'autographe de Spinoza. Les opera posrhuma

seraient Ie résultat de la révision du texte de Spinoza par un ou plusieurs

INTRODUCTION AU TRACIATUS DE INTEI-LECTUS ETIENDANONE

réviseurs et, en outre, des interventions de caractère matériel du typo-graphe concernant la présentation du texte. I-ns Nagelate Schrifan seraientle résultat de la traduction de Glazemaket, ainsi que des interventions dela personne qui a eu en charge l'édition de I'ensemble de l'æuvre, trèsprobablement J. Jelles, qui a composé aussi la préface générale des(Euures posthames, ainsi quel'Auertissement aa /ecteur au début du TIE.

5. STRUCTURE DE L'CEUVRE

$ 1-17: Introduction1 : préambule2-6 : première phase de la décision6-10: seconde phase de la décision10-11 : troisième phase de la décision12-1.3 : illusuation de la perspective philosophique14-16 : programme d'une vie authentique17 : les trois règles provisoires de vie

S 1B-49 : Définition et iustification générale de la méthode

1,8-24:les modes de connaissance25-29 : le meilleur mode du connaître30-49 :la méthode avec laquelle nous connaissons par ce genre de

connaissance

30-32: la meilleure méthode pout rechercher la vérité nedemande pas une autre méthode qui la iustifie et la fonde

33-34 I'idée vraie est simultanément réaLté objective et for-melle

35 : identité de la vérité et de la certitude36-38: définition de la méthode comme connaissance réflexive

ou idée d'une idée39-40: les trois parties de la méthode41,-42: l'idée vraie doit reproduire exactement l'essence

formelle43-48 : réponse à trois objections49 : résumé de I'argumentation développée et plan général de la

méthode

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Page 3: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

TRAITÉ DE LA RÉFORME DE L'ENTENDEMENT

S 50-90 : Première partie de la méthode : distinction entre l'idée vraie etles autres perceptions, fictives, fausses, douteuses

50-51 : avertissements52-65 : de I'idée fictive

52- 57 : la fiction concernant l'edstence possible58-64: la {iction relative à l'essence65 : conclusion concernant l'idée fictive

66-76 : de l'idée fausse77- 80: de l'idée douteuse81-83: mémoire et oubli84-90 : distinction entre imagination et intellection

$ 91-i 10 : Seconde partie de la méthode :

91 : la production d'idées claires et distinctes àpartr du seul espritet la construction d'un lien entre elles de manière à conduire àune seule idée

92: les choses peuvent être conçues soit par leur essence (si ellessont causes de soi) soit par leur cause prochaine (si elles ne sontpas cause de soi)

93-97 : les conditions d'une bonne définition98-103: nécessité et difficulté de la connaissance des choses

singulières104-105: la connaissance des choses externes106-110 : propriété et puissance de I'entendement

(traduit pat Lorenzo Vinciguera)

Bibliographie

ÉorttoNs

B. d. S., Opera Postbama, paoran nies post Praefutionem exbibetur, 1,G77 . LapÉface latine est due à L. Meyer qui a traduit avec quelques varian-tes la préface composée par J. Jelles pour l'édition néedandaise desmêmes CEuuru posthumu (Nagekn Scltriftn). Le volume contient,dans I'ordre : Ethica, Tractatus Politicus, Tractatus de Intellectas eruenda-tizne, Epirtz/ae, Compendium grammatiæs linguae Hebraeae.

54 55

INTRODUCTION AU TRACIATUS DE INTEI,I,ECTUS EùIENDATIONE

De lVagelate Schrifnn uan B. d. S. Als Zedekunst, Staatkande, Verbeteinguan'tVerstant, Brieuen en Antaoorden. Uit uerscbeide Talen in de l{ederlandsche

gebragt. Gedrukt in 't Jaar 1.677 .

Benedicti de SpinoTa lpera quae supercunt onnia. Iterum edenda curavit,praefationes, vitam auctoris, nec non notitias, quae ad historiamscriptorum pertinent, addidit Henr. Ebrh. Gotdob Paulus, Jenae,1 802-1 803.

Benedicti de Spinory opera philosophica onnia edidit et praefationem adjecitA. Gfoerer, Stuttgart, 1830.

Benedicti de Spinoqa Opera quae supersunl omnia. Ex editionibus principibusdenuo edidit et praefatus est Carolus Hermannus Bruder, Lipsiae,tB43-1846, 1.91.3.

Ad Benedicti de Spinoqa Opera quae supercunl omnia Supplerneatum. CortinensTractalum hucusque ineditwm De Deo et homine, Tractatum de Iride, Epistl-las nonnullas inedilas, et ad eas uitanqae pbilosopbi collectanea, Amstelo-dami,1862. Édition due àJ. van Vloten, qui publie pour la premièrefois la Korle Wrhandeling découverte depuis peu, mais en suivant lems. B, et lui ajoutant une traduction latine.

Spinoqae Opera pbiksophica im Urtext, hrsg. v. Hugo Ginsberg,Leipzig,1875-1882.

Benedicti de SpinoTa Opera quotqaot reperta swnt. RecognoveruntJ. van Vlo-ten etJ. P. N. Land, Hagae Comitum, 1882-1883, 1895,7914.

SpinoTa Apera, im Auftrag der Heidelberger Akademie der STissenschaf-ten, hrsg. v. C. Gebhardt, Heidelberg [1925], 7972'; Supplementa,

vol. V, hrsg. von C. Gebhardt, C. \finter, Heidelberg,1,987.Spinoza, Traité de la Reforne de lEntendenenl, Inttoàuction, texte, traduc-

tion et commentaire de B. Rousset, Yrin,Paits, 1992.Spinoza, Tractatus de Infel/ectus Emendatione, Introduzione, testo, tradu-

zione e commento di F. Mignini, Quodlibet (Spinozana), Macerata,2009.

TRADUCÏONS

Traité de la Refome de lEnnndement et de la meilleure uoie à saiure pourpanenirà /a uraie connaissance des choses, texte, trâduction et notes pafA. Koyré, Paris, 1979, 1994.

Traité de /'amendement de I'intellect, traduction par Bernard Pautrat, Paris,t999.

Page 4: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

1355,/31 TRA CTATU S

DEINTELLECTUS EMENDATIONE

Et de via qua optime in veram rerumcognitionem dirigitur.

Texte établi par Filippo Migni"i

4-5, lin tc gclijk van de Middel om het zelfde volmaakt te maken À/L

TRAITÉ DE I-A NÉT'ONNNEDE L'ENTENDEMENT

et de la meilleure voie qui le dirigevers la connaissance de Ia vêrité

Traduction par Michelle Beyssade

Page 5: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

ADMONITIOad

LECTOREM

Tractatas, qaem de Intellectas Emendatione ett. inperfecturn hic tibi danus, Benede Lcctor,

.farn mahw ante annu abAuctorefuit consnipns. In anino serper habuit euru pnfcm; ar, atiis negotiispra?editar, et tandem morte abrcptas, ad optatunfnem perducere non potait. Cum uem multa prae-clara atqtte ati/ia contineaî, quae Veriîatis sincero indagatori nonparum e refutura uudab|anut, te iis piuarc nolainus; et, ut etiam maha obtcara, rudia adbuc et inpolita, qrot io tà ltiotinde ocmm'rnt, condonare non graueis, horum ne inscias esser, adnonitun * qaoqae use aoluimus.Vah.

ll5r,,'11

l0

1-10. Admonitio - vale : hanc versionem probabiliter L. MeJret exaravit, originalem lectionemJ. Jelles secutus, quam NS sic praebet, p. 406:

BERICHTaan de

LEZEF.

IY'aaù Lryi dery VerMlùg uan de Vafuing ran 't Verstant m4 't uzlk try bier onolnaakJ ngLækfulilk aat u cyrtunm, ir aleê anr Mjarcn wn der ryfdn ,gbrifugscbmm gnnert Z/n mmemn wasdr', dltrukop b na'ken n h mlejm D"k b, furarlhe @fuùn rcrhindat m eindel/k uan fu dootythst*kt, beû bet niet tzt bet gtmtcht ein& kmnm heryn f,Iaq datit daar in ræl wttffijifu n nandirgn 41n kgupen, die, gelrk a1 uastelik Lvttmtl,xvn, aan dEtruhA Naspaader nizt lwinig dfuCINfig <utlmtLWn, ry lxbbn ry a datrdnintwillefl bant En @ ddg mkuæl fuiwlxfu, dà1 daûin *tir*, *onh;cba@ bb n daa uvorkamm, dear de uing:rw ryad ain, ry lxbfui aa u hbr {wi//en fuiicl:m, on rietnbndigdamin tu nz4n Vamuzl

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A uerfissemenl au ledeu r

hTruté de la Réfotme de I'Entendement (1) etc., qxte nïat te donnons ici dans son

état d'inachèaement, lecteur bienueillant, a été conposé par lauteur ii a dfà bien des années. Il eut

îoujoun l'intention de l'acheuer, mais d'autres tâches l'en znt enPêché, etfnalenent la mort I'em'

porta sans qu'il pût l'anener à lafn désirée. Toutefoi:, comme iJ contient nombre de choses admira--bb

et utilu qai, nous n'en doatons nullement, ne serznlPar defaibleproft à quipoarsuit sincère-

ment /a uéritâ, nous n'auons pas uou/u t'en piuer. De plus, afn que tu n'aies pas dt peine à excuser

ce qai s'1 reficnnlre slilaenl, çà et /à, d'obscar, d'encore rude et néglqe, nzas aazni uoalu qae hr sois

aassi auerti, pour qae tu n'ignores pas ces circonstanæs. Adieu.

Note: Pout la commodité des références, le texte latin teproduit la division en p^ta-

graphes numérotés inuoduite par Brudet dans son édition et généralement utilisée, division

quine figue ni dans les OPni dans les À/L La numétotation est tepotée en marge dans la

traduction.Les notes de Spinoza sont appelées par des lettres et se tfouvent au bas des pages. Les

notes explicatives appelées pat des chifftes dans la ttaduction se tfouvent à la fin du texte.

Page 6: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

p57 /sl TRACTATUSDe

INTELLECTUS EMENDATIONEEt de via qua optime in veram refl.rn

cognitionem dirigt*.

[] Posquam me erçen-entia docuit omni4 quae in communi via Êe+rcnter occurrunqvana et futilia esse; c'm viderem omnu_, {} quibus et quae timebam,^nihr neque bonineque mali in se habere, nisi quatenus ab iii animus movebatur, .o.rrtitui tandem inqoi-rele, p aliquid daretur, quod verum bonum et sui communicabile esseq .t , q.ro ,ôlo,rejectis caeteris omnibus, animus afûceretur; imo, an aliquid daretur, quo in rento etacquisito, continua ac summa in âetermxn ftueter laetitia.

[2] Dico, me tandem nnainùn, primo enim intuitu inconsultum videbatur, propteî remnrnc incerarrq certam amittere velle. \tdebam nimirum commod4 qu e ex honore ac di.ritiisa5suiqtul et q99d ab iis quae-rendis coçbar abstinere, si seriÀ rei arii novae operamdare vellem; et si fone summa felicitas in iis esset sira penpiciebam me ea debere .ake; sivero

1l {s-non esset sib eisque antum darem operarn" ni- éti^- surnfiu carerem feliciaæ.[3] volvebam igint animo, an forte esset possibiie ad novr:m institutum aut saltem ad

ipsius certitudinem pervenire, licet ordo et coirmune vitae meae institurum flon mutare-tur; quod saepe frustra tentavi.

,,. NoT, quae plenrmque in via occum:nt et apud homines, ut ex eorum operibus

coligerc liceg tanquam surnmurn bonum aestimantur, Àa lrue; tria rearguntur, 'clivitias

4 En æ gelijk van de Mddel om het zelfde volmaakt te maken NS fort et de methodo ad eum perfi-cicndurn) 7 upmxi, voor de welken À/-l : a Op, edd. 9 et ,ott on. Ng abi halxtur waot mde_19b* qæt (it nary. BonuyL verum commr.rnicabile) 14 setiamr emstigiijk (fort, sûo)À/J 15 pempiciebam azz. À/J 16 summa carerern fericitate: het zelfde... ,oo"Â*ier'deru..,Ns (fut rpsa debte cercte, sicut in hea I 5) 17 volvebam igitut animo : ik overwoog dieshalven inmijn gemoed À/J 78 meae om. NS

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TRAITÉ DE IÂ NÉTONUBDE L'ENTENDEMENT

et de la meilleure voie qui le dirb.vers la connaissance de Ia vêrité

Quand I'expérience m'eut enseigné que tout ce qui advient couramment dans lavie commune est vain et futile, comme je voyais que tous les objets de mes soins etde mes craintes n'avaient en eux-mêmes rien de bon ni de mauvais, si ce n'est dansla mesure où l'âme en était émue, je résolus finalement de chercher s'il y avaitquelque chose qui serait un bien véritable, capable de se communiquer et qui, unefois tout le reste rcyeté, senit I'unique affection de l'âme; bien plus, s'il y avaitquelque chose dont la découverte et I'acquisition me feraient jouir pour l'éternitéd'une joie suprême et continue.

Je drs quefnalenentje résolas (2) : à première I'ue en effet, il semblait inconsidéré,pour une chose alors incertaine, d'en vouloir perdre une certaine. Je voyais bien lesavântâges que l'on tire des honneurs et de la richesse, et que j'étais contraint derenoncer à leur recherche si je voulais m'appliquer sérieusement à une autre chosenouvelle. Si famais le bonheur suprême s'y uouvait, je me rendais compte que jedevrais en être privé ; si au contraire il ne s'y trouvait pas et si ie m'y appliquaisexclusivement, je serais alors aussi privé du bonheur suprême.

Voici donc la question que j'agitais en mon âme (3) : ne serait-il pas possible,par chance, de parvenir à une nouvelle règle de vie (4), ou du moins à une certitude à

son sujet, sans changer I'ordre et la règle commune de ma vie ?Je le tentai souventen vain.

De fait, ce qui advient la plupart du temps dans lavie, et que les hommes, à en jugetpar leurs actes, estiment comme le bien suprême, se ramène à ces trois objets (5) :

I

l,

ii

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Page 7: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

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TRACTATUS DE INTELLE,CTUS EMENDATIONE

::]l;1 ],n"rîrem argue libidinem, His tribus adeo distrahitur mens, ut minime possir

o(j alro alquo bono cog,tare.

. lal Nrr.u quod ad ]ibidinem attineq ea adeo suspendiûr animus, ac si in ariquo bonoquiesceret, qrrc maxime impeditur ne de alio cogiieq sed port illi,r. fr,ritiorroi1 ,r1--useqlgf tristitia, quae, si non suspendit m€nrem, ti.r.n p.n*b"t et hebetat. [5] Hànoresac divitias prosequendo non pârum etiam distrahitur mens, praesertim ubi hâe non nisiPfi)pt€r se queruntur' quia tum supponuntur summum esse 6o.rum. Honore vero multoadnuc magrs mens drstrahitur;,:ypp""i1,'..ry- semper bonum esse per se et tânquamfirus uicimus ad q'ern omnia didùtur. Deinde in his non dan*, ri*,-ïHai.r., tr;torrasect quo plus umusque possiderur, .?.-r*i, augenrr laetitia er consequener magii ac magsinciamur rd utrumque augendum. Si autém r[. itr

"liq.ro casu ftustrernur, trrm"somma ori-

tur tristitia Est denique honor magno rmpedÀ..rto, .à quod, ut ç.o- ,rr.q*-l .rianecessario id cietum hominum est drrge.raa frg."d" ..iï..t.q.,od'o.rrgo fi,gii-t et quae-rendo quod rulgo quaenrnt homines.

. [6] cum itâque viderem haec oq''a adeo obsare, çominus op@rm novo {} instituto

1ï:,T, -,.:9.11se opposita, ut ab uno aut altero .,àss-io esiet abstinendLinr, coçbarnqurcre' qud mru esset utilius; nempe. ur dixi, videbar bonum cemrm pro inceno amitærevelle' Sed postquam aiiquanrulum hurc rer r'cubuerarr! rrveni primo, si, hisà omis*, J ,ro*-T:lTlï":""p*r, me bonum sua narura incemm, ut cl'ar. .* di.ti, prrr,r-* ."ffb.rqor'ussunu'' pro o'certq non s4*.y natura (firum enim bonum quae.èu"4, sed tantumcluoad ipsius consecutionem. flfl Assidua autem meditatione eo perveni, ut viderâ quod tr:rrqmodo possim penitus deliberare , mala certa pro bono certo omitterem. vdebam enim me in

a. Potaissent hae latius et di-rtincriu: expliai, distinguendo sciticet diaitias qlae q*aennturuelpmptern, aelpmpter h1fluen' ael pnpter libidiren, uel pmptr uaktudinen et augwenttm scientianrn et artian; sed hi od saunbùm ,tnendtzr, qaia bays kci non rt ltau aùo accxrate inqaià.

t5

(r prosequendo: petsequendo I Gcdd, 22 possim :possem Lan G

15 etpt4nxi, on. NS n dit niew oogqemerk: Ahc,rl On23bae anrui, de riikdom À$: haec OnLû. Gbh.

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l-

1

I

ItË*

TRAITÉ DE I.{ RÉFORME DE L'ENTENDEMENT

la richesse, les honneurs et le plaisir. Tous trois divertissent (6) tellement I'espritqu'il ne peut guère penser à quelque autre bien. En effet, pour ce qui est du plaisir,l'âme s'y absorbe tellement, comme si elle trouvait le repos dans un bien, qu'elle estabsolument empêchée de penser à un autre; mais aptès la jouissance qu'il donnevient une tristesse extrême qui, si elle n'absorbe pas I'esprit, le trouble en tout cas etI'engourdit. La poursuite des honneurs et de la dchesse divertit aussi beaucoup I'es-prit, surtout lorsque celle-ci n'est recherchée que pour elle-même, parce qu'alors elleest prise pour le bien suprême". Quant aux honneurs, ils divertissent I'esprit beau-coup plus encore ; car ils sont toujours pris pour un bien en soi et comme la fin der-nière vers laquelle tout est diriç. De plus, dans ces deux cas, il n'y a pas, commedans le cas du plaisir, de repentir; au contraire, plus on en possède, plus la joie aug-mente) et par conséquent nous sommes de plus en plus incités à les âugmenter. Maissi rrous sommes en quelque occasion frustrés dans notte espoir, alors naît une tris-tesse extrême. Enfin les honneurs sont une gtande entrave, en ce que, pour les obte-nir, il faut nécessairement diriger sa vie selon le point de lrre des hommes, c'est-à-dire éviter ce que la foule évite et rechercher ce que la foule recherche.

Voyant donc que tous ces objets m'empêchaient tellement de m'appliquer à unenouvçlle règle de vie, et même y étaient tellement opposés qu'il fallait nécessaire-r-nent renoncer soit à ceuxJà, soit à celle-ci, i'étais contraint de chercher ce quim'était le plus utile (7) ; je sembiais bien, je I'ai dit, vouloir perdre un bien certainpour uû bien incertain (8). Mais après avoir quelque peu mûri la question, je décou-vris d'abord que si, abandonnant ces objets, je m'attachais à une nouvelle règle devie, j'abandonnerais un bien incertain par sa nafure, comme nous pouvons claire-ment le conclure de ce qui a été dit, pour un bien incertain non pas, certes, par sa

nature (car je recherchais un bien stable), mais seulement quânt à son obtention (9).

Puis une méditation assidue me conduisit à voir qu'alors, si seulement ie pouvaism'engager à fond,

f 'abandonnais des maux certains pour un bien certain (10). Je me

a. On aurait pu expliquer cela plus longuement et en faisant plus de distinctions, selonque la richesse est rechelchée pour elle-même, ou en vue des honneurs, ou du plaisir, ou de lasanté et du progrès des sciences et des arts. Mais cela viendra à sa place : ce n'est pâs ici le lieude faite une enquête si précise.

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Page 8: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

ltse/71

TRACTATUS DE INTI],LLECTUS EMENDATIONB

supr.no vets.an penorlo a ] me cqgr rernediurq quamvis incernurl summis viribus quaerere;ycluti aeger lethali morbo laborans, qui, ubi mortem certam praevidet ni adhibeanu reme-dium, illud ipsum, quamrrs incerturrq summis viribus cogitur quaercre, nempe in eo tota ÇussPes est sita" Illa autem omnia, quae r.r:lgus sequitur, non tantum nilum conferuntrcmedium ad nostrum esse conservandum, sed ètiam id impediunt, et frequenter suntcausa.interitus eorum qui ea possident oet semper causa interitus eotum qui ab iispossidentu.

[8] Permula enim exstant exempla eorum qui persecutionem ad necem usquepassi sunt propter ipsorum drïtias, et etiam eoruÀ quq ur opes comparareng tot periculiss€se eJposuenrng ut tandem vita poenam luerent suae snrltitiae. Neque eorum pauciorasunt ex€mpl4 qui ut honorem assequerentur aut defendereng miserriÀe passi sunt. Innu-metanda denique exsant exemplâ eorum qu! prae nimia libidine, mortern sibiacceletavenrnt

[9] videbantur porro ex eo haec {} esse mal4 quod tota felicias aut infelicias in hocsolo sita esg videlicet rn qualitate objed cui adhaeràus amore. NarrL propær illud çodnon anxrtlrr nunqYm orientur lites, nulla erit tristitia si pereag nulla invidia si ab alio porrido-nt, nullus timor, nullum odium e! ut verbo dicam, nuliae commotiones animi. euae quidemomnia contingunt in amore eorum quae perire possunq uti haec omnia de quibus'modolocuti sumus. Sed amor e€â rcrn altffit !\ et infnitam sola laetitia pascit animurrL ipseque.""T. -l.sg!*

est expers; quod valde est desiderandum, torisque viribus quaerendum.[10] verum non absque ratione usus sum his verbis,-nodopsin serin &riberan.Nmn,

qr.umvis haec mente adeo dare perciperem, non poterâm tamen ideo ofitrrem avainam,libidinem ajsue gloriam deponere. [11] Hoc unum- videbam, <iuod, quamdiu mens circahas cogiationes versabatur, tamdiu illa aversabatur et serio de nôvo cogitabat institr:to; quodm4gno mihi fuit solatio. Namvidebam inarnâlz- nofl esse talis conditionis, ot..-êdii.

b. Haec accaratiu stnt demoaslranda.

1 summis r:'iribus : uit 4. r'oi" vermoogen NS fort. tois .À|n:s, $ 23 totisque viribus

l..r*"T. trlrr : uit alle zijn vetmoçn À/J 4 quae vulgus sequin:r : naar de welken iry gemene-liik trachten Â/J (fr. quae vulgo sequimur, y' 3, 1 6) 6 l,# pôssident

^ff all indien mar àru mag

spre!<e+slpplc, 14aparxi,on.NS:onzoP,edd. 16sipereat:zomenhetveriiest Nsfoltspadanrr) 19 ipseque onwi, in. NS: ipsague Op, edd" i2 aÀeo etidero on. NS.

l5

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TRAITÉ DE I-A RÉFORME DE L'ENTENDEMENT

voyais en effet plongé dans un péril extrême et contrâint de rechercher un remède,frlt-il incenain, jusqu'à l'extrémité de mes forces, comme un malade atteint d'uneaffection mortelle qui, lorsqu'il voit venir une moit certaine s'il n'emploie unremède, est contraint de le rechercher, fût-il incertain, iusqu'à l'extrémité de ses for-ces, puisque là réside tout son espoir. Or tous ces objets que poursuit la foule, nonseulement n'apportent aucun remède pour conserver notre être, mais ils y fontmême obstacle et, souvent cause de la perte de ceux qui les possèdent, ils sont tou-jours cause de la perte de ceux qui en sont possédésb (rt).

Il y a en effet de ttès nombreux exemples de gens qui ont souffert la persécu-tion jusqu'à la mort à cause de ieur richesse, ainsi que d'autres qui, pour s'entichir, se

sont exposés à tant de périls qu'ils ont fini p^r payet de leur vie leur folie. Il n'y a pasmoins d'exemples de gens qui, pour obtenir ou conserver des honneurs, ont souf-fert de manière très pitoyable. Innombrables enfin sont les exemples de ceux qui onthâté leur mort par excès de plaisir.

A la réflexion, ces marx semblaient tenir à ce que tout le bonheur ou Ie malheurne dépend que d'une chose, la qualité de l'objet auquel I'amour nous attache. Pource qui n'est pas aimé en effet, i-l ne naîtra jamais de querelles, L n'y aura aucune tris-tesse s'il périt, aucune jalousie sT est possédé par un âutre, aucune crainte, aucun€haine, en un mot aucun trouble de l'âme. Voilà, certes, ce qui arrive quand on aimedes choses périssables, comme toutes celles dont nous venons de pader. MaisI'amour pour une chose étemelle et infinie repaît l'âme uniquement de foie, il est purde toute tristesse ; c'est cela quï faut ardemment désirer et rechercher de toutes ses

forces.En vétité, ce n'est pâs sans taison que i'ai usé de ces mots : si seulement je poaaais

m'engager sêieusement (12). En effet, si clairement que mon esprit perçût cela, je nepouvais cependant me dépouiller totâlement de la cupidité, du plaisir et de la gloire.Voici seulement ce que fe voyais : tânt que I'esprit se tournait vers ces pensées, il se

détournait des premiers objets et pensait sérieusement à une nouvelle règle de vie ;ce fut pour moi un grand soulagement. Car ie voyais que ces maux n'étaient pasd'une nature telle quTs se refusent à céder aux remèdes. Et bien qu'au début

b. Cela est à démonuer de manière plus ptécise.

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t.tllÉ

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TRÂCTATUS DE INTELLECTUS E,MENDATIONE

1160/81 nollent cedere. Et lquamvis in initio haec intervalla essent rara et per admodum exi-guum temporis spatium durarent, postquâm tâmen verum bonum magis ac magismihi innotuit, intervalla ista frequentiora et longiora fuerunt, praesertim postquam vidinunmonrm acquisitionem aut libidinem et gloriam tamdiu obesse, quamdiu propter

5 se et non tanquâm media ad alia quaeruntur. Si vero tanquâm media quaeruntur,modum tunc habebunt et minime oberunt; sed contra, ad finem propter quem quae-runtur multum conducent, ut suo loco ostendemus.

[12] Iltc tantum breviter dicam, quid per venxn bonum intelligam et simul quid sitsummum bonum. Quod ut recte intelliga.tur, notandum est, quod bonum et malum

1(l non nisi respective dicantur; adeo ut una eademque res possit dici bona et mzlasecundum diversos respecfus, eodem modo ac perfectum et imperfectum. Nihilenim, in suâ flatura spectatum, perfectum dicetur vel imperfectum, praesertim post-quam noverimus, omnia, quae fiunt, secundum aeternum ordinem et secundum cer-tas Naturae leges fieri.

15 [13] Cum autem humana imbecillitas illum ordinem cogitatione suâ non assequa-tur, et interim homo concipiat flâturatn aliquam humanam sua multo firmiorem, etsimul nihii obstare videat, quominus talem naturam acquirat, incitatur ad mediaquaerendum quae ipsum ad talem ducant perfectionem. Et omne illud quod potestesse medium ut eo perveniat vocatur verum bonum; summun autem bonum est eo

20 pervenire ut ille, cum aliis individuis si fieri potest, tali natura fruatur. Quaenam autemilla sit aatura ostendemus suo loco, nimirum esse 'cognitionem unionis quâm menscum tota Natura habet.

[14] Hic est itaque finis ad quem tendo, talem scilicet naturam acquirere eg ut multimecum eam acquirant, conari. Hoc est, de mea felicitate etiam est operam dare ut alii

25 multi idem âtque ego intelligant, ut eorum intellectus et cupiditas prorsus cum meointellectu et cupiditate conveniant.

c. Haecfuias suo bn exp/inntun

3 intervalla':.r,ta on. NS 15 humana imbecillitas: de zwakke mensch À{1 (pa imbecillishomo) '!6homo om. N5' 27 esplicantur: zal verklaar worden À/J(erplicabuntur) ,fut adnutc editoibzs trifui potest

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TRAITÉ DE I-A RÉFORME DE L'ENTENDIIMENT

ces intervalles aient été rares et n'aient duré qu'un espace de temps très limité, pour-tant, à mesufe que Ie bien véritable me fut de mieux en mieux connu, ces intervalles

devinrent plus fréquents et plus longs (13), surtout quand i'eus observé que le gain

d'argent ou le plaisir et la gloire font du tort tant qu'on les recherche pour eux-

mêÀes et non comme moyens en vue d'auffes choses. Mais si on les recherche

comme moyens, ils autont alors leur limite et ne feront gr.rère de tort ; au contraire ils

contribueront grandement à la fin pour laquelle on les recherche, comme nous le

montrerons en son lieu.

Je me bornerai ici à dire brièvement ce que i'entends (14) par vrai bien et en

même temps ce qu'est le bien suprême. Pour I'entendre correctement, il faut noterque bon ef mauvais ne se disent que de manière relative, au point_qu'une seule et

même chose peut être dite bonne et mâuvaise selon les diverses relations considé-

rées, de même que padatt et imparfait. Nulle chose, en effet, considérée dans sa

nafilre, ne sera dite patfaite ou imparfaite, surtout quand nous saurons que tout ce

qui arrive se produit selon un ofdfe éternel et selon les lois déterminées de la Nature.

Mais commè l'humaine faiblesse n'accède pas à Ia pensée de cet ordre et que

l'homme, dans cet état (15), se rePréseflte une nâture humaine beaucoup plus forteque la sienne, sans den voir dans le même temps qui l'empêcherait d'acquérir une

tèle natufe, il est incité à rechercher les moyens susceptibles de le conduire à une

telle perfection. Tout ce qui peut être un moyen d'y parvenir est âppelé un vrai

bien (16) ; et 1e bien suprême est de parvenir à iouir d'une telle nâture, avec d'auttes

individus, s'il se peut. Ce qu'est cette natufe, nous le mofitfelons en son lieu : c'est la

connaissance de I'union qu'a l'esprit avec la Nature tout entière' (17).

Voilà donc la fin vers laquelle je tends : acquérit une telie nature et tâcher que

beaucoup I'acquiètent avec moi. Autrement dit, il appartient aussi à mon bonheurde faire que bèaucoup d'autres pattageflt ma compréhension des choses, afin que

leur enteÀdemeflt et leur désit s'accordent pleinement âvec mon entendement et

mon désit.

c. Cela est expliqué (18) plus amplement en son lieu.

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TRACTATUS DE INTELLECTUS EMENDATIONE

l}6l/t)l [15] Utque hoc fiat,'necesse est tântùm de Natura intelligere I quantum sufflcitad tdem naû.ram acquirendam; deinde formare talem societatem qualis desideranda,ut quampludmi quam fa"illime et secure eo perveniant; porro, danda est opera MoraliPhilosophiae, ut et Doctrinae de puerorum Educatione; et quia valetudo non pâr-

5 vum est medium ad hunc finem assequendum, concinnanda est integra Medicina; etquia ârte multa, quae difficilia sunt, facilia redduntur, multumque temporis et commo-ditatis in vita ea lucrari possrunus, ideo Mechanica nullo modo est contemnenda. Sedante omnia excogitandus est modus medendi intellectus ipsumque, quantum licet, ini-tio expurgandi, ut feliciter res absque errore et quam optime intelligat.

l0 [16] Unde quisque jam poterit videre me onures scientias ad unum "ûnem {} velledirigere, sci-licet ut ad summam humanam, quam diximus, perfectionem perveniarur,ct sic omne illud quod in scienti,is nihil ad ûnem nostrum nos promovet anquam inu-tile erit reficiendum; hoc est, ut uno verbo dicam, omnes nostrae operationes, simul etcogitationes, ad hunc sunt didgendae finem.

l5 [1] Sed guia dum curarnus eum consequi et operâm damus ut intellecnrm in rectamviam redigamus, necesse est vivere, proptereâ ante omnia cogimur quasdam vivendiregulas tanquam bonas supponere, has scilicet.1, Ad captum vulgi loqui et illa omnia opetari quae nihil impedimenti adferunt,quominus nostrum scopum âttingamus. Nam non parum emolumenti ab eo possu-

20 mus acquirere, modo ipsius captui, quantum fieri potest, concedamus; adde, quodtali modo amicas praebebunt aures ad veritatem audiendam.2. Deliciis in tantum frui, in quantum ad tuendam valetudinem sufâcit.3. Denique tantum nummorlrm, âut cujuscunque dterius rei quaerere, quantum suffi-cit ad vitam et valetudinem sustentandam, et ad mores civitatis, qui nostrum scopum

25 non oppugnant, imitandos.

[18] Hisce sic positis, ad primum, quod ante omnia faciendum est, me accingarq ad

d. Nota, qr4od l)ic tantt/m Mm ennmerarc scientias ad. nostnm scopam necessarias, /icet ad earzm seiettnon attexdam.

e. Finis in sàentiis est tnirus, ad quem omnes sunt dirigendae,

7 unvttz on. NS 9-10 quannrm licet, initio expqgandi nnexi, sin. NS: qtantum initio liceg expur-pndtOP,edà 10a<punxùetscopwnOP,dd. l2postÊnemGvtppLetscopum 13unovetbo: met weinig woorden À,/J 23 cujuscunque azz. À/J 23 quantum - 25 imitandos: als

tot d'hondethouding van 't leven, van de gezontheit, en van de zeden der burgetschap, die niettqçn onz ooggemerk sttijden, genoechîs NS fort quantum sufûcit ad vitam, valetudinem et morescivitatis, qui nostrum scopum non oppugnânt, sustentandos)

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TRAITÉ DE I-A RÉFORME DE L'ENTENDEIV{ENT

Pour ce faire, il est nécessaire d'avoir de la Nature une compréhension suffi-sante (19) pour I'acquisition d'une telle nature ; puis de former une société qui per-mette âu plus grand nombre possible d'y parvenir aussi facilement et âussi sûrementque possible. En outre il faut s'appliquer à la philosophie morale, ainsi qu'à une doc-trine de I'éducation des enfants. Parce que la santé est un moyen non néqligeabled'arriver à cette fin, il faut donner à la médecine son plein accomplissement; etpârce que l'art facrhte beaucoup de choses difficiles et que nous pouvons ainsigagner beaucoup, dans Ia vie, en temps et en commodité, il ne faut nullement négli-ger la mécaniqued. Mais âvâflt tout, il faut réfléchit et trouver le moyen de guérir I'en-tendement et, autant qu'on le peut, de le purifier (21) dès le début, afin qu'il téussisseà avoir des choses Ia meilleure compréhension possible, exempte d'erreur. Ainsichacun pourra déjà voir que je veux diriger toutes les sciences vers une seuleflr,' Q2): parvenir à la suprême perfection humaine dont nous avons padé. Parconséquent, tout ce qui dans les sciences ne nous fait en rien avancet vers notre findevra être re,eté comme inutile; autrement dit, en un mot, toutes nos actionscomme toutes nos pensées doivent être dirigées vers cette fin.

Mais pendant que nous travaillons à I'atteindre et que nous nous appliquons à

ramener I'entendement dans la voie Q3) droite, il faut vivre. Aussi sommes-nouscontrâiilts avânt tout de poser comme bonnes ceftaines règles de conduite (24), quevoici:1. Nous mettre à la portée de Ia foule dans nos paroles et en toutes les actions qui

ne nous empêchent pas d'atteindre notre but. Car nous pouvoûs en obtenir biendes avantages pourvu que nous restions autant qu'il est possible à sa portée;aioutez que nous rencontrerons ainsi des oreilles bienveillantes pour écouter lavérité.

2. Jortr des plaisirs autant qu'il suffit (25) pour conserver la santé.

3. Enfin rechercher I'argent ou toute autre chose autant qu'il suffit pour enffetenirla vie et la sânté, et pour suivte les mceurs de la cité qui ne s'opposent pas à notrebut.

Ces règles étant ainsi posées, ie commencerai par m'attacher à ce qui doit êtrefzult avant tout : réformer l'entendement et le rendre apte à avoir des choses I'intelli-

d. Notez que je me contente ici d'énuméter les sciences nécessaires à notte but, sans

m'occuper de leur ordre (20).

e. Les sciences onf une fin unique, vets laquelle elles doivent toutes être dirigées.

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TRACTATUS DE INTELLECTUS EMENDÀTIONE

1362/101 ernendandum scilicet intellecnrm eumqr.re I aptum reddendum ad res tali modo intelligendas,quo opus est, ut nostrum finem asseqwunur. Quod ut fiag exigit ordo, quem nanrraliter habe-mus, ut hic resumam omnes modos percipiendi, quos hucusque habui ad aliquid indubieafÊrmandum vel nçgandur4 ço omnium optimum eligam et simul meas vires et naturarn,

5 quam perficere cupio, noscere incrpiam. [19] Si accurate attendo, possunt omnes ad qua-tuor potissimum reduci:1. Est percçtio, cluam ex auditu aut ex aliquo srgno ad placitum, quod vocang habemus.2. Est percçtio, quam habernus ab e:çenentiâ lrag4 hoc esg ab experientr4 quae non determi-natur ab intellecn:; sed tzntum ia dicitur, quia casu sic occurrit et nullum aliud habemus expe-

10 rimentum çod hoc oppugnât, et ideo tanquam inconcussum apud nos manet.3. Est perceptio, ubi essentia rei o< alia re conduditur, sed non adaequate; quod fig rcum vel abaliquo effectu causam colligimus, vel cum conduditur ab aliço universali, quod semper aliquaproprieus concomitatur.4. Dariçre perceptio esg ubi rcs percipinr per soJam suam essertiarr\ vel per cognitionem

15 swrc proxiflvrc câlrsae.p0] auâe omnia exernplis illustrabo.Ex auditr-r untum scio mzum natalern diern, et quod ales paj:entes habui, et similia, de

quibus nunquam dubitavi.Per eryerientiam vagam scio me moritumm: hoc enim ideo affirmo, qi,

"idi alios mei

20 similes obiisse mofiem, quamvis neque omnes per idem temporis spatium vixerint.neque ex eodem morbo obierint. Deinde per experientiam vagârî etiam scio, quod

1363/111 oleum sit aptum alimenrum ad nutrien ;dr- h"-*rm, q.rodqr. agua ad èam

f. Hoc canft, nihil dc caasa intelliginas praeter id qaod in efectu mnsiàaattts. paod satis qpant a( ilquod am m a n{/,1 nii gnenlissinis terminis eepl.iælur, nempe his: Ergo datur aliquid; etgo datur aliqua

25 potentia etc; uel etiam ex eo quod ipsant rcgatiue expinantEtgo non est hoc vel illud slc. In secand.o casa

aliqùd musae tribaiar pnp*r ffectun, quod ckrv nncipiur, ù in exerQk ostendzmrs; rcran, nihil praetr pnpia,non aav rci esseniia

5 ad quatuor: tot drie ^/,t

7 ex aliquo signo ad placitum, quod vocant amxi, sim. À/,f naar belie-ven hebben, gelijk men't noemt: ex aliquo signo, quod vocant aÀplacrtum OII a*t 9 alfuà an.

^lt 11 Est perceptio azz. À/J 14 perceptio est on. NS 23 pneter nrr. Stan, eàd, in. NS

behalven: yoplrrr OP, VL

TRAITE DE I-A REFORME DE I-'ENTENDEN{ENT

gence nécessaire pour atteindre notre fin. Pour cela, l'ordre qui nous est naturelexige que je recense ici tous les modes de percevoir dont i'ai usé jusqu'à présentpour affirmer ou nier quelque chose sans en douter (26), afrn de choisir le meilieurde tous et de commencer du même coup à connaitre mes forces ainsi que Ia natureque je désire porter à sa perfection. A y regarder de près, le mieux est de les ramenerà quâtre.1. Il y a la perception t-irée du our-dire ou de quelque signe qualifié d'arbitùre (27).2. IIy a la perception acquise par une expérience vague (28), c'est-à-dke pâr une

expérience qui n'est pas déterminée par i'entendement ; si on I'appelle ainsi, c'estseulement parce qu'elle se présente comme cela par hasard et que nous n'expéri-mentons rien d'autre qui s'y oppose. C'est pourquoi cela reste en nous commeinéb:o;nlê.

3. Il y a la perception où l'essence d'une chose est conclue à partir d'une autrechose, mais de manière non adéquate Q9) ; ce qui a lieu soit quand à partir dequelque effet nous inférons la cause, soit quand on tire une conclusion dequelque universel toujours accompagné de quelque propriétér (30).

4. Enfin iIy ala perception où la chose est perçue par sa propre essence et par elleseule, ou par la connaissance de sa câuse prochaine (32).

J'i-llustrerai tout cela paf des exemples.

Je sais par le seul our-dire le jour de ma naissance, et que i'ai eu tels parents, etchoses semblables, dont je n'ai jamais douté.

Je sais par expérience vague que je mourrai : ie l'afftme en effet parce quej'ai r.'u qu'avaient succombé à la mort d'autres êttes sembiables à moi, bienqu'ils n'aient pâs tous vécu ie même laps de temps ni succombé à la mêmemaladie. C'est encore pai expérience vâgue que je sais aussi que l'huile est un ali-ment propre à entretenir la flamme et que I'eau est propre à l'éteindre;

f. Lotsque cela a lieu, nous n'avons de la cause aucune compréhension en dehors de ce

que nous considétons dans l'effet. Ce qui se voit assez du fait que la cause n'est alors expliquéequ'en termes très généraux comme ceux-ci, Donc il 1 a qæ/qze chose, Donc il1 a quelqae pais-

ianîe, etc. ; ou encote du fait qu'on I'exprime de manière n égaive, Donc ce n'est pas ceci, ou cela, ett.

Dans le second câs, on attribue à la cause, en raison de I'effet, quelque chose que I'on conçoitclairement, comme nous le montterons dans l'exemple, mais rien que des caractères pro-pres (31), et non l'essence particulière d'une chose.

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TRACTATUS DE INTELLE,CTUS EMENDATIONE

extinguendam apta sit; scio etiam quod canis sit animal latrans et homo animal rationale,ct sic fere omnia novi, quae ad usum vitae faciunt.

[21] Ex alia vero re hoc modo concludimus. Postquam clare percipimus nos tale cor-pus sentire et nullum aiiud, inde, inquan, crarc concludimus animam unitam sesse cor-pori, quae unio est causa talis sensationis; sed, quaenam sit illa sensatio et unio, nonabsolute inde possumus intelligere. Vel, postquam novi naturam visus, et simul eumhabere talem proprietatem, ut unâm eandemque rem ad magneim distantiam mino-rem videamus, quam si eam cominus intueamur, inde hconcludimus solem majoremcsse quam apparet, et alia his similia.

[22] Per solam deruque rei essentiam res percipitur quando ex eo, quod aliquidnovi, scio quid hoc sit aliquid nosse, vel ex eo, quod novi eisentiam arimae,sciam eamcorpori esse unitam. Eadem cognitione novimus duo et tria esse quinque ej, si denturduae lineae.uni terriae parallelae, eas etiam inter sese parallelas, erc. Ea amen, quaehucusque tali cognitione potui intelliçre, perpaucâ fuerunt.

[23] Ut autem haec omnia melius intelligantur, unico antum utar exemplo, hoc scili-cet' Dantur tres numeri: quaerit quis quaftum, qui sit ad tertium ut secundus ad pri-mum. Dicunt hic passim mercatores se scire quid sit agendum, ut quarnrs inveniatur,quia nempe eam operationem nondum oblivioni tradiderunt quam nudam sine

g. Exbu*enpbclanùdn'videa,qaodnukwtati.Nanperillamnioncnrihilintelligimrcpraetersn-sationem ipsam, efeclan sciliæt, ex qtr catÆam) fu q*a nihil intelliginu, nnchdzbauus.

h. Talis nntkio, qilan)it ætta sit, non tamm salis tvta est nii mæime mtibre. Nam, nii oprime mrmtsibi, in emru statin incidtxt ubi miril ns ita ahtratu nncipiant, ,10t1 4iltem ?er retum arcntian, sturin ab inagina-tioæ nnfutfurax Nan il ryod in se tlnilm er, muhiplex esse imaginartw hominet. Nam iis, quz absrrade,seorsim et confuse concipiunt, nonina inrponant, qaae ab ipis ad alia nagisfanitiaia signficand*n aurpartur;qto ft, at ltaec inaginentur eodem mod.o ac eas rcs imaginai nlent, qùb*s primam haec nomina inpuTennt

4 inqrcn on. NS 8 hic adnot hponi, in. Appiltn: pst5 sed OP 9 alia: meer andere

^ll' 17 Dicunt-scirc: De kooplieden weten re zeggen NS (fu.mercatores scirmt

dicce..) 20 effecnrm ûlrui, in. À,/J: effectus OP, etrættsAz., G

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TRAITÉ DE I-A RÉFORME DE L'ENTENDEMENT

et aussi que le chien est un animal qui aboie et I'homme un animal doué de raison, etj'ai appris ainsi presque tout ce qui contribue à I'usage de la vie.

Voici maintenânt comment nous tirons une conclusion à partir d'une autrechose: après avoir clairement perçu que nous sentons tel corps, et nul autre, de Ià,dis-je, nous concluons clairement que l'âme est unie âu corps, cette union étz;ntlacause d'une telle sensation ; mais en quoi consistent cette sensation et cette union,nous ne pouvons le comprendre par là de manière absolues. Ou encore, après avoirappris la nature de la vision ainsi que sa propriété selon laquelle une seule et mêmechose lue à grande distance nous paraît plus petite que regardée de près, nous enconcluons que le soleil est plus grand qu'il n'appauit, et âuties choses semblables à

celles-làh (34).Enûn une chose est perçue pâr sa seule essence quand, du fait que ie connais

quelque chose, je sais ce que c'est que connaître quelque chose, ou encore, du faitque ie connais I'essence de l'âme, je sais qu'elle est unie âu corps (35). Par le mêmemode de connaissance nous connaissons que deux et trois font cinq et que, si I'on a

deux lignes parallèles à une même troisième, elles sont aussi parallèles entreelles, etc. Toutefois les choses dont jusqu'ici j'ai pu avoir I'intellection pff uneconnaissance de cette sorte ont été en fort petit nombre.

Pour mieux faire entendre.tout cela, je me servirai d'un exemple unique, quevoici. Soient trois nombres : on en cherche un quatrième qui soit au troisièmecomme le second est au premier. Les marchands disent ici bien souvent qu'ils saventce qu'il faut fure pour trouver le quatrième: c'est qu'ils n'ont pas encore oubliél'opération qu'ils ont apprise par our-dire, telle quelle (36), sans démonstration, dela bouche de leurs maîtres. D'autres, de l'expérience de cas simples, tirent une

g. Cet exemple fait voir clairement ce que je viens de noter (33): par cette union nousn'entendons rien en dehors de la sensation elle-même, c'est-à-dire en dehors de I'effet à partirduquel nous avons conclu la cause, dont nous n'avons aucune compréhension.

h. Une telle conclusion, bien que certaine, n'est pourtant pas assez assurée, à moinsqu'on ne soit au pius haut point sur ses gardes. Car à moins qu'on ne se mette bien en garde,on tombeta aussitôt dans I'etreur: en effet, quand on conçoit les choses de manière si abs-traite, et non par leut véritable essence, I'imagination y met aussitôt de la confusion. Cat ce quien soi est un, les hommes imaginent que c'est multiple : aux choses qu'ils conçoivent abstraite-ment, séparément et confusément, ils imposent en effet des noms qu'ils utilisent pour désignerdes choses plus familères. Il en résulte qu'ils les imaginent de la même manière qu'ils ont cou-tume d'imaginer les choses auxquelles ils ont d'abotd imposé ces noms.

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TRACTATUS DE INTELLECTUS EMENDATIONE

ll$4/l2l dcrnonstratione a suis magistis audiverunt. Alii lvero ab erperientia simplicium faciuntardoma universalq scilicet ubi lluarrus nrxnems per se pateg ut ilhjsZ4,3,( ubi o<petiunturqud ducto secundo in tertium et producto deinde per primnm diviso, 6at quodens 6; etcum vident eundem numerum produci" quern s.ine hac operatione noverant esie proportio-

5 nalem, inde condudunt operationem esse bonam ad quartum fl.rnenun pt"p"niô"a.-scrnper inveniendum. [24 S.d mathematici, vi dernonstrationis prop. 19. lib.-7. Euclidis,sciunt quales numeri inter se sint proportionales, scilicet ex nattua proponionis ejusqueprcprietatg quod nempe numerus, qui fit ex primo et quano, aequalis sit numero, qd6tex secundo et tertio; âttâmer! proporuonalitaæm datorum nurnerofllrn non

l0 vident eg si videang non vident eam vi iltus piopositionis, sed intuitive, nullam operatianern facientes.

p5J Ut autem e'r his optimus eligatur modus percipiendi requiritw ut brwiter enume-remus quae sint necessaria media, ut nostrum finem assequamur, haec scilicer1. Nostram naturarr! quam cupimus perûcere, e*acte nosie, et simul tantum de rerum

15 natura quantum sit necesse.2. Ut nde remm differentias convenientias et oppugrwrtias recte colligamus.3, Ut recte concipiatur, quid possint pad quid non.4. Ut hoc conferatur cum natura et potentia hominis.

Et ex istis facile apparebit summ4 ad quam homo poæst pervenhe, perfectio.20 [26] His sic corsideratis, videamus qus modus percipiardi nobis sit eligendus.

. Quod ad p--rimum attinet, per se paæt çod ex audit', prâeterqum çod sit res admo-dum inceta, nullam percipiamus essentiam rei, sicuti ex nostro exemplo ,pp"..q et *- ri.t-gularis existenta alicuius rei non noscatur, nisi cognia essentia, ut posæa viâebitw, hinc clarecondudimus otrurem certitudinem, quam ex auditu habemus, à scientiis esse secluden-

25 dam. Nam a simplici auditr4 ubi non praecessit ptoptius intellectus, nunquam qus poteritaffici

TRAITÉ DE I.{ RÉFORME DE L'ENTENDEMENT

une tègle (37) universelle : là où le quatrième nombre est manifeste de lui-même, parexemple dans le cas de 2, 4,3, 6, ils font l'expérience qu'en multipliant le second parle troisième et en divisant ensuite le produit par le premier, on a Pour quotient 6, etcomrne ils voient qu'on obtient le même nombre que, sans cette opération, ilssavaient être le nombre proportionnel, ils en concluent que l'opération est bonnepour troul'er toufours le quatrième nombre proportionnel. Mais les mathématicienssâvent, en vertu de la démonsttation de la proposition 19 du Livte 7 d'Euclide, quelsnombres sont proportionnels entre eux: ils le tirent de la nature de la ptoportion etde sa propriété selon laquelle le produit du premiet et du quatrième nombres est égal

au produit du second et du troisième (38) ; et pourtânt ils ne voient pas la propof-tionnalité adéquate des nombtes donnés, et s'ils Ia voient, i,ls ne la voient pas envertu de cette proposition, mais intuitivement (39), sans faire aucune opération.

Or, afin de choisir le meilleur de ces modes de percevoir, il nous faut énumérerbrièvement les moyens nécessaires pour atteindre notre fln. Les voici :

1. connaître exactement notfe nâtufe, que nous désirons porter à sa perfection;connaître aussi la nature des choses, autant seulement qu'il est nécessaire

2. pour en dégager correctement ce en quoi les choses diffètent, s'accordent ous'opPosent ;

3. pour concevoir correctement ce à quoi elles se prêtent ou non;4. pout confronter cela avec la natue et la puissance de I'homme (40).

Et I'on ^percevt^

facilement, à partir de là, la suprême perfection à laquelleI'homme peut parvenir.Compte tenu de ces exigences, voyons quel mode de percevoir ii nous faut

choisir.En ce qui coflcerne le premier, il est de soi manifeste que par our-dire, outre que

la chose est tout à fait incertaine, nous ne percevons jamais l'essence de Ia chose,ainsi qu'il ressort de notre exemple ; et comme I'existence singulière d'une chosen'est connue que si son essence est connue, ainsi qu'on le verra pat la suite (41),

nous en concluons clairement que toute assurance tirée du ouï-dire doit être excluedes sciences. Par le simple our-dite, en effet, sans intervention de son propre eflten-dement (42), personne ne pourrâ )amais être affecté.

7 propottionis : evenredighet NS, ubi legitur in margine ptoportionalitas sicat in lirea 9app,ret: volgt À,/J

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TRACTATUS DE INTELLECTUS EMENDATIONE

l.lô5ll3l l27l'Quoad secundum, nullus etiam dicendus esg quod habeat ideam illius propor-tionis, quam quaerit. Praeterquam quod sit res admodum incerta et sine fiÂe, nihiltamen unquam. tali..modo quis in rebus naturalibus percipiet praeter accidentia, quaenunquam clare intelliguntur, nisi praecognitis essentiis. Unde etiam et ille secludenàus

5 est.

p8] De terrio autem, aliquo modo dicendum, quod habeamus ideam rei, deindequod etiam absque periculo erroris concludamus; sed tamen per se non eritmedium, ut nostram perfectionem acquiramus.

[29] Solus, quartus modus comprehendit essentiam rei adaequatam et absquel0 erroris periculo; ideoque maxime erit usurpandus. Quomodo .tgo rit adhibendus, utr.es inc,ognitae tali cognitione a nobis intelligantur, simulque, ut"hoc quam compen-diose fiat, cutabimus explicare.

-[30] Postquam novimus quaenam cognitio nobis sit necessaria, tradenda est via et

methodus, qua res, quae srmt cognoscendae, tali cognitione .ognor."-or. euod utl5 fiat, venit prius considerandum q"ôd hic non dabitur ùquisitio in infinitu-, ,.ù..t, ,rtinveniatur optima methodus verum investigandi, {i opus est alia methodo, utmethodus veri investigandi investigetur, ei ut seé"ndà methodus investigetur,{} "pyt

est alia tettia et sic in infinitum; tali enim modo nunquam ad veri cogfiitio-nem, imo ad nullam cognitionem perveniretur. Hoc vero eodèm modo se haËet, ac20 se habent instrumenta colporeâ, ubi eodem modo liceret argumentari. Nam, ,rt ier-rum cudatur, malleo opus est, et ut malleus habeatur, eum fiei necessr.iln est; ad quodalio malleo, aliisque.in-strumentis opus est, quae etiam ut habeantur, aliis opus erit'ins-trumentis, et sic in infinitum; et hoc modo frustra aliquis ptobare .o.r"r.ù. hominesnullam habere Potestatem ferrum cudendi. [31] Sed, queÀadmodum homines initio

25 innatis instrumentis quaedam.!?r#^u, q"rm"i9 raboriose er imperfecte, facere qui-l1h6/14lt verunq iisque confectis alia difficiliora minori labore et perfectius'confe lcerung a'sic

. t' Hic al'i4unto pnlixias agan de experientiq et Enpiicorun et rccntiun phiksEhorau pmcedendi metbo-dtam examinabo,

I illius: van eniç À/J 16 verum investigandi: van de vzaarheit À/J 1,6. r,g aptnxi, on. NS:w2n o.P' edd. 16 investigandi: æ vinden (fott nvenendt) 27 post F,rnptrco"i" naa, ws a,alles door ervarentheid willen dm

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TRÂITÉ DE I-A RÉFORME DE L'ENTENDEMENT

Quant au second', on ne doit pas non plus dire de personne qu'il a l'idée de laproportion quT cherche. Outre que la chose est tout à fait incetaine et non défini-tive, un tel mode en tout cas(44) ne feraizmats rien percevoir dans les choses natu-relles en dehors des accidents, qu'on ne comprend jamais clairement sans laconnaissance ptéalable des essences. Ce mode doit donc aussi être exclu.

Du troisième, en tevanche, il faut dire en quelque manière que nous avons I'idéede la chose, et aussi que nous concluons sans risque d'etreut; mais pourtant il nesera pas en lui-même un moyen d'atteindre notre perfection.

Seul le quatrième mode saisit I'essence adéquate de Ia chose, et sans risque d'er-reur; aussi faudra-t-il en faire Ie plus grand usage. Quel emploi faut-il donc en fairepour qu'une connaissance de cette sorte nous donne I'intellection des choses incon-nues, et cela, en ouffe, le plus directement (45) possible, c'est ce que nous prendronssoin d'expliquer.

Maintenant que nous savons quelle sorte de connaissance nous est nécessaire, ilfaut enseigner Ia voie et la méthode (46) à suivre pour acquérir une telle connais-sance des choses à connaître. Pour cela, la première observation qui s'impose est

qu'il n'y aurâ pas ici une enquête allant à I'infini, une enquête selon laquelle, pouttrouver la meilleure méthode de recherche du vrai, il est besoin d'une autre méthodepour rechercher la méthode de recherche du vrai et, pour rechercher la secondeméthode, il est besoin d'une troisième, et ainsi à finfini; de cette manière, en effet,on ne parviendtatt jamus à Ia connaissance du vrai, ni même à aucune connaissance.En fait, il en est ici comme dans le cas des instruments matériels (4Q, qui pourraientdonnet lieu à la même argumentation. Par exemple, pour forger le fer, il est besoind'un marteau et, pour avoir un mârteau, i-l est nécessaite de le fabriquer; pour cela ilest besoin d'un autre marteau et d'autres instruments, et pour avoir ceux-ci à leurtout, il sera besoin d'auttes instflrments, et ainsi à I'infini; et de cette maniète ons'efforcerait de ptouver que les hommes n'ont aucun pouvoir de forger le fet, mais

en vain. En réalité, de même que les hommes, au début, avec des instruments nâtu-rels, ont pu faire certâines choses très faciles, bien qu'avec peine et de manièreimparfaite, puis, une fois celles-ci façonnées, efl ont fâçonné d'autres plus difficilesavec moins de peine et de manière plus parfaite, et ainsi, progressânt par degrés

i. Ici je taitetai de l'expérience de manière un peu plus développée; et j'examinetai la

méthode et la manière de procéder des Empiriques et des philosophes récents (43).

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t0

l5

20

TRÀCTATUS DE INTELLECTUS EMENDATIONE

lfadabrn, ab openbus simpliossimis ad insmmenta, et ab instnrmentis ad alia opera et instru-mcna pergendo, eo Pervenemnt ut tot et tam dif6cilia parvo labore perûcianq ii. .tlr- int+lcchrs, \i sua nativ4 facit sibi instrumenta intenectuâia quibus alias 6.,

".qoiri rd ,ti,

bperaintellecnulia et o<iis opetibus aliairsuumerrt4 seupotàatern uherius -o=lgai o ri.gradftim petgit, donec sapientiae crimen atringar

p4 Qt"d autern intellectus ita sese habeaq facile etit viderg modo inælliganr quid sit

ryùodys -verum rnvestigandi et quaenam sint illa innata instrumentâ, quibus taitum Jget ad

alia ex i.is instrumenta conâcieÀda, ut ulterius procedar Ad quoâ âstendendum sic pro-ccdo.

pI Ido'".'" (rabernus enimideamve',m) est diversum çid a suo ideato (nam aliud estcitculus, aliud idea ciru:li; idea errim circuli non ét aùqurd habens peripheriam ei centrum uticitculus, nec idea coqporis est ipsum corpus); et cum sit quid divàum a suo ideato, eritetiam per se aliquid rntelligibile. Hoc esg iâe4quoad suam Ëssentiam fomalem, potest esseob;ectum altetiw essentiae objectivae, et nrsLrs haec altera essenda objectiva erit àûr4 in se

:P*:g q'xd rcale et grteligibile, et sic indefinite. [34] perrus, ex gr., est qurd reale; vera âutem

idea Petri est essentia Petti obiectiv4 et in se çidreale .t "-nn5

jio*."- ab ipso peto. cum

!ta+r: id€aPefti sit +ud reale, habens;,r3r1t o"-*ti^- peculiarera ait aiam çià nte[igibile, idcst.objectum alterir:s ideae, quâe idea habebitin se objàctive omneid quod idà peui haia for-maliter;. et runus d:n .1u". est ideae Petd, haba iterum ,*- ...*tir.q quae etiam potestcsse- objecnrm alterius ideae, et sic indefinite. e""d qoir+* p"rest experi4 âum videt se scireçid sit Pems, .t etiam scirc se scire, .t.r** ..it s. .*. qù ..4 .t. unàe corstat quod, ut

, .k. Per uim tativam inleligo ilhd quod ia noùis a causis *"lazis <natt> cal.tsatilti quodqaepostea in mea phi-bEhia xplicabinas.

l. Hic wcanrîlr uperq in nea phik:Ebia, qaid tint, exptiabianm. Not4 quod bic illn lantilm aîabiml4r ostendat id Eroà nodo dixi, ud etiatn not buczsqzc æctepmîeiirre,

cl tinsl alia scitl aaldc neæssaia.

4 tanh open pawi : oP ante intellectsalta hal:et 8 Ad quod ostendendum : om die te toonen À/J(ott Ld qne ostendenda) 10 nam - 12 corpus intriparcntbein pasui 21 et etiam sùe: en<xrk weet (frt et etiam scit) 22 non srppl. G: on. Op,'Ng Ba VL 22.24 mea ont. NS

TRAITE DE I-A REFORME DE L'ENTENDEMENT

des ouvrages les plus simples aux instruments, et des instruments à d'autres ouvra-ges et instruments, sont pârvenus à parachever tant de choses et de si difficiles avecpeu de peine ; de même aussi I'entendement, pâr sa propre force nativek, se formedes instruments intellectuels âu moyen desquels il acquiert d'autres forces pour d'au-tres ouvrages intellectuels' (48), et de ces ouvrâges tire d'autres instruments, c'est-à-dire le pouvoir de pousset plus loin sa recherche, et ainsi progresse par degrés jus-qu'à ce qu'il atteigne le faîte de la sagesse.

Or, qu'il en soit ainsi de I'entendement, il serâ facile de le voir, poun'u qu'onentende ce qu'est la méthode de recherche du vrai, et quels sont précisément ces ins-truments naturels qui lui suffisent comme point de départ pour en façonner d'au-tres, afin d'aller plus avant. Voici comment fe procède pour le montrer' (49).

Une idée vraie (et nous en âvons (50)) est quelque chose de différent de ce dontelle est l'idée. En effet, une chose est le cercle, autre chose I'idée du cetcle ; car I'idéedu cercle n'est pas quelque chose qui a une circonférence et un centre, comme Iecercle, et I'idée du corps n'est pas Ie colps lui-même. Et puisqu'elle est quelque chosede différent de ce dont elle est I'idée, elle sera aussi par elle-même quelque chose d'in-telligible. Autrement dit, I'idée, prise dans son essence formelle, peut être I'objetd'une autre essence objective (51) et, à son tour, cette autre essence objective seraaussi, considérée en elle-même, quelque chose de réel et d'intelliible, et ainsi indéfi-niment. Pierre, par exemple, est quelque chose de réel ; l'idée vraie de Pierre est I'es-sence objective de Piere et, en elle-même, quelque chose de réel et d'entièrement dif-férent de Pierre lui-même. Puisque f idée de Pierre est quelque chose de réel, qui a sapropre essence particulière, elle sera donc aussi quelque chose d'intell.igible, c'est-à-dire I'obf et d'une autre idée, idée qui aura en elle objectivement tout ce que I'idée dePierre a formellement ; et, à sofl tour, I'idée qui a pour obfet I'idée de Piere a derechefsâ propre essence, qui peut aussi êtte l'obiet d'une autre idée, et âinsi indéfini-ment. C'est ce dont chacun peut faire I'expérience quand il voit quI sait cequ'est Pierre et qu'il sait aussi qu'il le sait et, encore, sait qu'il sait qu'il le sait, etc. D'oùil est manileste que, pouÎ que I'entendement comprenne I'essence de Pierre,

k. Par force native, j'entends ce qui en nous n'est pas causé par des causes extérieures;nous I'expliquerons plus tard dans ma Philosophie.

l. Je parle ici d'ouvrages; dans ma Philosophie j'expliquerai en quoi ils consistent.m. Notez que nous ptendtons soin de montfer ici non seulement ce que je viens de dire,

mais aussi que nous avons procédé jusqu'ici coffectement, ainsi que d'autres choses qu'il estrout à fait nécessaire de savoir.

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TRACTATUS DE INTELLECTUS EMENDATIONE

li67/l5l intelligatur essentia Petri,,non sit necesse I rp.*r ideam petri ntelliçte, et multo minusidcam ideae Petri quod idem est, ac si dicerem non esse op's, ut sciam, quod sciam mescire, er muito minus esse opus scire guod sciam me ,.d., ;";

"r4i; quam ad intelri-gendam essentiam trianguli opus sit essentiam circuli'intelligere. S.JËrrt

"rio- darur in5 his ideis; nam, ut sciaÀ me scire, necessario debeo prius ;t .

- - --.-

.[35] Hinc pateg qud certitudo nihil sit praeter ipsam essentiam objeaivam; id esq

modus, quo sentimus essentiam formalem, eit ipsa ..nitudo. unde iterum pateq quodad certjtudinem veritatis nullo alio signo sii opus, quâm veram habere ideam; nam, utiostendimus, non opus.esr, ut sciam,"quod r.ià- -è ,*.. e" q,iÈ". ;r- patet nemi_t0 nem Posse scire çid sit summa ceninrdo, nisi qui habet rdr.d;id;^" aut essentiamobiectiv-am alicujus rei; nimirurrq quia idem .rt ..nit rdo ., ..ri.r,i. obi..,irr .

. [36] cum itaque. veritas nuilo egeat signo, sed sufficiat t^u.r. .rr.rrti"s renrnobjectivas, auq quod.idem est, ideas, ,r"t o-nË tolatur dubium, ti". ..q** quod veranon est method

,sveramethodu..iiËiHr,;1ii!;i.,'..::.ïrïïË:f"ï.Ë*.iiiJ:i"ffiîilla idem significant) debito ordine "quaerantur.

[3f Runus methodus necessarioiebet loqui de ratiocinatione aut de intellectionq idesq methodus non est ipsum ratiocinari ad rntelligendum causas r.-À, .,Lrrr,o minus esttd intelligcre câusas rerum; sed est intelligerg iurd sit vera idea, .rÀ1.^.,..i, percep-20 11:tU-lasunsuenao

eiusque naturam ^l.tigàao, ,rt ird. ,ros't

"- l"t uig..ra^pot ir-uam noscamus et mentem ita cohibeamus, ut ad illam nofinarn

"m"i" i.ri.lligri qrr.

sunt intelliçnda 99.19", auxili4 certas regulas et etiam facienao ne mens inu_tilibus deâtigenu. p8] unde.oritgit*, methodum;r.,ï aiJ.*" ""i."g",i""em refle-

|

n' Noa qnd b111n n41i7nu: qwnodopina asentia oQeaiaa tobù innata it Nau idprtinet ad iraes25 tigationen Naturae, uli balcfiius explicantar'et inul utenditur qaol praew ifuan, nulk datur afitwationequ negatio neqae dla uollntas.

o. puid qaaaen in anima sit explicatur fu nea pltiksophia.

TRAITE DE LA REFORME DE L'ENTENDEMENT

il n'est pas nécessaire (52) qu'il comprerine I'idée de Piere elle-même, et bien moinsencore I'idée de I'idée de Piere ; ce qui revient à dire que, pour savoir, je n'ai pasbesoin de savoir que je sais, et j'ai encore bien moins besoin de savoir que je sais queje sais, pas plus que pour comprendre I'essence du triangle il n'est besoin de com-prendre I'essence du cercle'. C'est [e contraire qui a lieu dans le cas de ces idées:pour savoir que je sais, en effet, ie dois nécessairement d'abord savoir.

Il en ressort que la certitude n'est rien en dehors de I'essence obiective elle-même ; je veux dire que Ia modalité sous laquelle flous avofls le sentiment de I'es-sence formelle (54) est précisément la certitude. D'où il ressort aussi que, pour lacertitude de la vérité, il n'est besoin d'aucun autre signe que la possession de l'idéevtaie ; en effet, comme nous I'avons montré, fe n'ai pas besoin, pour savoir, desavoir que je sais. De cela il ressort encore que personne ne peut savoir ce qu'est laplus haute certitude sinon celui qui a I'idée adéquate, c'est-à-dire I'essence objective,

1:.0""0". chose ; c'est évident, puisque la certitude et l'essence obiective, c'est tout

Aussi, puisque la véntê n'a besoin d'aucun signe et qu'il suffit, pour dissipertout doute, de posséder les essences objectives des choses ou, ce qui revient aumême, leurs idées, il s'ensuit que ce n'est pas Ia vraie méthode que celle qui consisteà rechercher le signe de la vérité après l'acquisition des idées : la vraie méthode est lavoie à suivre pour rechercher la vérité elle-même, ou les essences objectives deschoses, ou leurs idées (tous ces termes ont la même signification) dans I'ordrerequis" (55).

La méthode, revenons-y (56), doit nécessairement parler du raisonnement oude l'intellection. Je précise : la méthode n'est pas I'acte même de raisonner pourcomprendre les causes des choses et bien moins encore I'acte de comprendre lescauses des choses ; elle consiste à comprendre ce qu'est une idée vraie, en Ia distin-guant de toutes les auues perceptions et en étudiant sa nâture, afin que, parlà (57),nous prenions connaissance de notre pouvoir de comprendre et astreignions I'esprità comprendre selon cette norme tout ce qu.i est à comprendre, lui fournissantcomme secours des règles déterminées et lui épârgnant âussi d'inutiles farigues.D'où I'on conclut que la méthode n'est rien d'autre qu'une connaissance réflexive,

n. Notez que nous ne cherchons pas ici comment la première essence objective est innéeen nous. Car ceia relèr'e de l'étude de la narute, où ces questions sont expliquées plus ample-ment, et où I'on montre en même temps qu'en dehors de I'idée il n'y a aucune affitmation ninégation, ni aucune volonté (53).

o. En quoi consiste cette techerche dans l'âme, je l'explique dans ma Philosophie.

J)

31

lsrq

21 ad ilbm nofinâm: naat die reçl en naar dzt rechsnoer À/Jwonden À/J (explicabirur); mea om. NS

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27 explicatur: zaJ.,, verirda:rtt

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TRACTATUS DE INTELLECTLTS EMENDATIONE

l36tl/161 xivam, aut ideam ideae; et qurâ non datur idea ideag nisi prius detu idea" ergo methodusnon dafjtur nlsi ptius deturidea. Unde illa bona erii m.Âodus, q.,". o.r..r&t quomodomens diriçnda sit ad daae verae ideae noflnân. porro cum Liio, q*. est inter duasideas, sit eadem cum-ratione, qlrae est inter essentias formales idearurn ilatom, inde sequi-s nr^ qod cognitio reflexiv4 quâe est ideae entis perfectissrrni, prâestantior erit cognidonereflexiva caeterârum idearum; hoc est, perfectisiima ea .rit rriethodus qrrq rd dr* iao.ents perfectissimi

"9."Trt9 ostendit quomodo mens sit dlrgenda

[3E E" hit !3te inætfigitur quomodo mers, plua lnæli;genaq atâ simul acquirat irstru-mentq çibus facilius.pegat inteiligere. Narn, ut o A.tir li*i.ollig..., debet ante omnia in10 nobis existere vera ide4 tanquâm-innatum instrumentum, q.,a iit uécta intellgatur simuldirgrerlta quâe est mter taiem petcçtionern et eetef,âs omnes. eua in re corsistit unamethodipars' Et cum per se darum sitmentern eo meiius se intelig;, quo plura de Naturainteiligjt, inde corstat hanc methodi par.tern eo perfectiorem r"*, d" Àà" du", i"æ1git, a

fore perfectissmarrL cum mers-ad cogltiànern nnts perfatissimi âftendit sive rcflectit15 [a0] Deinde, quo plura mens nor'rq eo melius .t ,*. oir., et ordinem Naturae rnæIigiqq'ro autem melius suas.vires intelligpg eo facilius potest seipsam dirigere et regtrJas sibi proffnerc; et quo melius ordinem Natr.rae inteligit, eo facilius potest ràb irrrr,ilii* .ottiU.r.. loçibus toa consistit metlodus, uti diximus."

[41] Adde quod idea eodern modo se habet objective ac iprsius idean:m se habet realiter. Si20 ergo daretur aliquid in Natura nih.il commercii haÉen, * âûi, rebus, ejus etiam {} essentia

9Pj*i"a quae convenire omnino deberet cum fonnali, nihn eti^m octmÀercii haberet cumaliis ideis, id esg nihil de ipsa poterimus concludere. Ei contr4 q*. trrb.rt commerciumcum aliis rebus, uti.

9'nt. omnia quae in Natura existunt, -,aig*t ,,, et ipsorum etiamessentiae objectivae idem habebuntcommerciurr\ id esq aliae ideË ex  ddo...rr*, q*"

25 p. Connmian haben un aliis rvbas utpnd*ci ab atiis, mt aliapmdamz.

9 pergat intelliçre: met te verstaan voongaat NJ fort, pergat inteliçndo) 20 eapunxt, on. NS':si datur Ol si daretur G

86 B7

TRAITÉ DE LA RÉFORME DE L'ENTENDBMENT

ou I'idée de I'idée ; et parce qu'il n'y a pas d'idée de I'idée s'il n'y a d'abord une idée, iln'y aura donc pas de méthode s'il n'y a d'abord une idée. Par conséquent, ce serâune bonne méthode que cel,le qui montre comment I'esprit doit être dirigé selon lanorme d'une idée vraie que nous avons (58). Poursuivons : comme il v a le mêmerapport entre deux idées et entre les essences formelles de ces idées, il s'ensuit que laconnaissance réflexive qui porte sur l'idée de l'être le plus parfait sera supérieure à laconnaissance réflexive de toutes les autres idées ; auttement dit, la méthode la plusparfaite sera celle qui montre cornment l'esprit doit être dirigé selon la norme deI'idée que nous âvons de l'être le plus parfait.

Dès lors on comprend facilement comment I'esprit, en comprenant plus dechoses, acquiert du même coup d'autres instrumeflts à I'aide desquels il lui est plusfaciJe de progresser dans la compréhension (59). En effet, ainsi qu'on peut conclurede ce qui précède, il doit avanr tout exister en nous, comme un instrument inné.une idée vraie, dont 1a comptéhension fait en même temps comprendre ladifférence entre une telle perception et toutes les autres. En cela consiste une pre-mière partie de la méthodè. Et èomme il est évident que I'esprit se comprend d-'au-tant mieux qu'il comprend plus de choses concernant lâ nature, il en résulte quecette partie de la méthode sera d'autant plus parfaite que l'esprit comprend plus dechoses, et qu'elle sera 1a plus patfaite quand I'esprit s'applique, ou réfléchit, à laconnaissance de l'être le plus parfait. Ensuite, plus l'esprit possède de connaissan-ces, mieux il comprend et ses propres forces et I'ordre de la narure. Or, mieux ilcomprend ses propres forces, plus il lui est facile de se diriger lui-même et de se pro-poser des règles ; et mieux il comprend I'ordre de la nature, plus il lui est facile des'abstenir de démarches inutiles. En cela consiste toute la méthode, comme nousI'avons dit (60).

Aioutez qu'il en est obiectivement de I'idée comme il en est réellement de cedont elle est I'idée. Si donc Ly avait quelque chose dans la nature qui n'eût aucuncommerce avec d'autres choses, son essence objective, qui devrait s'accorder entiè-fem€nt avec I'essence formelle, n'aurait elle non plus aucun commerceP avec d'au-tres idées, c'est-à-dire qu'elle ne donnerait Lieu à aucune conclusion. Au contraire, leschoses qui ont commerce avec d'autres, comme c'est le cas de toutes celles qui exis-tent dans la nature, seront objet d'intellection, et leurs essences objectives aurontle même commerce, c'est-à-dire que d'auttes idées s'en déduiront, lesquelles

p. Avoir commerce âvec d'âutres choses, c'est être ptoduit par d'autres choses, ou pro-duire d'autres choses.

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TRACTATUS DE INTELLECTUS EMENDATIONE

1169/17l literum habebunt commercium cum aliis, et sic instrument4 ad procedendum ulterius,cfescent. Quod conabamur demonstrare.

. [4{ Porro er< hoc ukimo, quod diximus, sciliceg çod idea omnino cum sua essentia for-mali debeat convenire, patet iterum ex eo, quod, ut'mens "or*-o*ino referat Naturae5 exemplar, debeat omnes suas ideas producel ab e4 quae ..r.r otigi.r.; et fontem totiusNaturae, ut ipsa etiam sit fors caeteàmm ideanrm.

[€ Hi. fote aliquis mirabitur,quod nos, ubi diximus bonam methodum earn esse,quae. ostendit quomodo mens sit- dirigenda ad datae verae ideae "àÀ^, hoc ratioci-*d9 probemus; id quod ostendere i,idetw.hoc p.. .. """ .rr. ;;. Atque adeol0 qtaeri poæst utrum nos bene ratiocinemur. Si bene i"ti".i"am*, à.beÀs incipere a dataidea" et cum incipere a data idea egeat demonstratione, deberemus iterum nostrum rado-cinium probare, et tum iterum ilùd alterum et sic in infnitum.

.t44] Sed ad hY respondS quod si çus, fato çodarn" sic processisset natutam investi-gando, scilicet ad datae verae ideae.to*r- alias acqure.rdo ideas debito ordine, n'nquâmt5 de sua veritate rdulrgsseg eo quod-veritar, otl o.t!.rai-or, ;p;;;.facig et etiamsponte omnia ipsi affluxissent. Sed quia hoc nunquam ,rt ,"ô conùryig ideo .o"*fui illa sic ponere, ut illud, quod non pâsso-or r",o, po.*à;;;;;."sirio acquira_mus, et simul ut

^pp^rerct" ad probandam veritatem et bonum r"tio.irrir,m, nulis nos

çgere instrumentis nisi ipsa veritâte et bono ratiocinio. N"^, u"""À.",iocinium bene20 ratiocinando comprobavi et adhuc probare conor. Adde, q""â.,i"- i,o. modo hominesæsr.ref,ant mediationibus suis internis.'

[4{ Ratio auterrl cur in Naturae inquisitione raro contingat ut debito otdine ea investi-getur' est proptet ptaejudicia, quorum câusas postea in"nostra Philosophia explicabi-mus;,deinde, g*,."p": est mâgna et

^ccwat:distirr.tiorr., .i;;;;;;.tendemus, id25 quod valde est laboriosum; dlnique. prop-ter statum refl'n humanarum, qui, ut jam

ostensum est' prorsus est mu,"biris. Sunt adhuc ariae mtiones, quâs non inquiri;us.'

TNATÉ DE I.A RÉFORME DE L'ENTENDEMENT

auront à leur tour commerce avec d'autres, et ainsi s'accroîtront les instrumentspour aller plus avant. Ce que nous nous efforcions de démontrer. En outre, de ceque nous venons de dire, à savoir que l'idée doit s'accorder entièrement avec sonessence formelle (61), il ressort aussi que, pour que notre esprit rapporte (62) entiè-rement le tableau de la Natute, it doit produire toutes ses idées à partir de ceiie quirapporte I'origine et la source de la nature tout entière, de sorte qu'elle soit elle-même aussi la source de toutes les autres idées.

Ici l'on s'étonnera peut-être : ûous avons dit que Ia bonne méthode est celle quimontre comment I'esprit doit être dirigé selon la norme d'une idée vraie donnée, etnous le prouvons en raisonnant ; ce qui semble montrer que cela n'est pas connu desoi. Aussi peut-on demander si nous raisonnons bien. Si nous raisonnons bien, nousdevons partir d'une idée donnée, et comm€ un tel point de départ exige unedémonstration, nous devrions prouver à son tour notre raisonnement, puis cesecond taisonnement à son tour, et ainsi à l'infini. A quoi ie réponds : si quelqu'un,par fe ne sais quelle chance, avait procédé ainsi dans l'érude de Ia nature, ie veux direen acquérant d'autres idées dans I'ordre requis seion ia norme d'une idée vraiedonnée, famais il n'aurait douté de la vérité qu'il aurait possédéeq (63), parce que 1a

vérité, comme nous l'avons monffé, se manifeste d'elle-même, et aussi tout lui serâitvenu d'un cours spontâné (64). Mais puisque celz n'arrive jamais, ou n'arrive querârement, f'ai été contraint d'avancer les considérations précédentes, pour que nouspuissions tout de même acquérir par un dessein réfléchi ce que nous ne pouvonsavoir par chance, et pour fase appara3tre en même temps qu'afin de ptouver lavérité et le bon raisonnement, nous n'avons besoin d'aucun instrument si ce n'est dela seule vérité et du bon raisonnement. Car c'est en raisonnant bien que f'aiapprouvé le bon raisonnement et que je m'efforce encore de le prouver. Ajoutezqu'ainsi les hommes s'âccoutument également à méditer en eux-mêmes. Quant à laraison pour laquelle il arrive rârement dans l'étude de la nature qu'on I'explore selonI'ordre requis, cela vient des préiugés, dont nous expliquerons les causes plus tarddans notre Philosophie (65) ; ensuite c'est qu'il faut beaucoup d'attention et de dis-cernement, comme nous le montrerons plus tard, ce qui exige un grand effort;enfin cela vient de l'état des affaires humaines, tout à fait instable, comme iel'ai dêiàmontré (66). Il y a encore d'autres raisons, que nous ne cherchons pas.

q. De même aussi que nous ne doutons pas, ici, de la vétité que nous possédons.

43

q. Siai etian bic non dubitamus de nostra aritaîe.

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4 cx eo oa' NS, t4- G 9 adeo : hier À/J 14 ideas on. NS et ahas nale interprvtauit ueùnfu opcenandere wijze, dan volçns de behotelijke ordening (fort in nt ideas dcnu) z5 ft51 ur. i*^ *t20 Adde

8889

Page 19: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

TRACTATUS DE ]NTELLECTUS ET{ENDATIONE

13711/ltll [46] Si quis forte quaetat cur ipse statim ante omnia veritates naturae isto ordineostenderim (nam veritas se ipsam patefaciQ, ei respondeo simulque moneo ne, propterparadoxa quâe forte passim occurrent, eâs velit tanquam falsas rejicere; sed priusdignetur ordinem considerare quo eas probemus et tum certus evadet nos verum asse-

5 quutos fuisse. Et haec fuit câusa cur haec praemiserim.

[47] Si postea forte quis Scepticus et de ipsa prima veritate et de omnibus, quas adnofinân primae deducemus, dubius adhuc maneret, i.lle, profecto, âut contra conscien-tiam loquerur, âut nos fatebimur dari homines penirus etiam animo occaecatos a nad-vitâte âut a praejudiciorum causa, id est, aliquo externo casu. Nam, neque seipsos

l0 sentiunt: si aliquid affirmant vel dubitant, nesciunt se dubitare a:ot affumare; dicunt senihil scire; hoc ipsum, quod nihil sciunq dicunt se ignorare. Neque hoc absolutedicunt: nam metuunt fateri se existere quamdiu nihil sciun! adeo ut tandem debeantobmutescere, ne forte aliquid supponant quod veritatem tedoleat. [48] Denique, cumipsis non est loquendum de scientiis; nam, quod ad vitae et societatis usum aninet,

15 necessitas eos coëgit ut supponerent se esse, et ut suum utile quaererent er, iure-jurando multa affirmarent et negarent. Nam si aliquid ipsis proberur, nesciunt anprobet aut deûciat argumentatio; si negant, concedunt aut opponunt, nesciunr senegare, concedere aut opponere; adeoque habendi sunt tanquâm automatâ, quaemente omnino carent.

20 [49] Resumamus jam nostrum propositum. Habuimus hucusque, primo, finem adguem omnes nostras cogitationes dirigere studemus. Cognovimus, secundo, quaenâmsit optima perceptio, cujus ope âd nostrâm perfectionem pervenire possimus. Cogno-vimus, tertio, quaenam sit prima via, cui mcns insistere debeat, ur bene incipiat; quaeest, ut âd nofinâm datae cujuscunque verae ideae pergat, certis legibus, inquirere.

25 Quod ut recte fiat, haec debet methodus praestare. Primo, veram ideam a caeterisomnibus perceptionibus distinguere et mentem a caeteris perceptionibus cohibere.

1 cut ipse OP, À/.t C; cur nonipse corr. P, tim. Bx, 11, 3 eas nm.xi, NSbnat : ea OP, G 3 fal-sas nmxi: fùsa OP 10 dicuntl : voegen 'er noch by

^ff (ÉrL addun! 20 habuimus : heb-

[:en À[f (rabemu s) 21. 22 cognovimus : weten À/.Ç (cognoscimus)

TRAITÉ DE I-A RÉFORME DE L'ENTENDEMENT

Si quelqu'un demande, Peut-être, pourquoi j'ai moi-même commencé toutd'abord par montrer les vérités de la nature dans cet ordrelà (67), puisque Iavêtitése manifèste d'elle-même, je lui téponds en lui conseillant de bien vouloir ne pas les

reieter comme fausses à cause des paradoxes qrri se trouveront Peut-être çà et 1à;

qu'il consente d'abord à observer l'ordre suivi pour 1es prouver, et alors il finira par

devenir certain que nous âvons atteint le vrai. Voilà pourquoi i'ai mis cel2 en

premier.Si par la suite quelque scePtique, Peut-être, demeurait dans le doute sur lâ pre-

mière vérité elle-même comme sur toutes celles que nous déduirons en prenantpour norme la première, c'est assurément qu'un tel homme parlera contre sa cons-

èi.rr.., oo alors nous âvouerons qu'il y a des hommes dont l'esprit aussi est complè-tement aveugle de naissance ou du fait des préjugés, c'est-à-dire de quelqueinfluence éttangère. D'abord, en effet, i1s n'ont pas de sentiment sul eux-mêmes ;s'ils affirment quelque chose ou s'ils doutent, ils ne savent pas qu'ils doutent ouqu'ils affirment ; ils &sent qu'ils ne savent den, et cela même, qu'ils ne_savent rien, ils

dir.nt qrr'il. I'ignorent; de plus, ils ne le disent pas de maniète absolue, car ils ontpeur d'âvouer qu'i-ls existent tout en ne sachant rien, si bien qu'ils doivent finale-

m€nt se taire pour ne pas risquer d'admettre quelque chose qui â-it senteuf de vérité.

En définitive, âvec eux, il ne faut pâs pader de science, car Pour ce qui touche

I'usage de la vie et de la société, ia nécessité les a conttaints à admettre qu'rjs existent,

à rechercher ce qui leur est utile, à affirmer et à fiief sous sefinent bien des choses.

De fait, si on leur prouve quelque chose, ils ne sâvent pas si l'argumentation est pro-bante ou déficiente. S'ils nient, concèdent ou obiectent, ils ne savent pas qu'ils nient,

concèdent ou objectent. Aussi faut-il les tenit Pour des âutomates, entièrement

dépourvus d'esprit (68).Reprenons maintenant notte proPos (69). Jusqu'ici nous avons, en premier lieu'

posé la fin vers laquelle nous nous employons à diriger toutes nos pensées. Nousà.rons, e., second lieu, reconnu quelle est la perception 1a meilleure nous permettânt

de parvenir à notre perfection. Nous avons reconnu, en troisième lieu, quelle est au

.oÀ-.tt..-.nt la voie dans laquelle I'esprit doit s'engager pour prendre un bondépart; cette voie, c'est de menet sa techerche suivant des lois déterminées, afin que

l'eiprit progresse selon la norme d'une idée vraie, quelle qu'elle soit, .que nous

avons (70;.-Pour que cela soit fait correctement, voici ce que Ia méthode doitassurer : premièrement, distingrrer I'idée vraie de toutes les auttes percePtions

et préserver I'esprit de ces autres Perceptiôns; deuxièmement, fournir des règles

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1.5

TRACTATUS DE INTELLECTUS EMENDATIONE

secundo, uadere rqulas, ut res incognitae ad talern nornam perci I piantur. Teniq ordinemconstituete, ne inutilibus defrtjgernlr. Postquam hanc methdum

""1-*, r,rdlmus, qruno,lT: T.{d.r- perfectissimam futurarn"

"bi habuerim.rs ideam entis p.rf..ti.rir.ri. u.rd.

initio illud erit maxime observandum, ut quânto ocius ad cogrutionà aris entis perve-niamus.

[50] kropiamus iaq'e a pnima parte quae est, uti diximus, distaguere et sepaf,areidSm vqaq a caeteris perceptionibus, et cohibere mentem ne &lsas, 6càs et dubias cumvetis.confirndat çod urcr:nque fi.rse hic oçlicarc animus esg ut lectores éetineam in cogitationerci adeo necessâriâe> .t aiam quia multi r*jt çi vel de veris dubiar4 er< eo quod nonZtend.nxrt ad disunctionern quâe est inter veram perceptionern et alias omnes. Aàeo ut sint velutihomines qui, cum vigilarent, non dubitabânt se vigilare; sed postquam semel in *-rrii.,u1 lppe-ûc putarunt se certo vigilffe, quod postea Frl.,rm ...ê ..pË.i.b".rt, etiam de suisvigiliis,dubitarunq quod .qrrg, sr" .rur,q*- distinxen:nt inter somniurn., ulgilirro

[51] Inærim rnoneo me hic essendam uniu:culusque percçtionis, o-q* p.rîrirr,r-:t]am ?usam, ryn quia hoc ad philosophiam pertineg sed tarrtrm taditun mid çod.methodus po_:tu1ât,

id og ^àtc,

qr* É"..pri" fict4 iarsa et âubia .r...*,., o qoo-modg_1lyuquâque liberabimur. Sir itâ{ue pti-^ i"quiriri" circa ideam ficarn

- [52] Cum omnis percçtio sit vel rei can fuam exste"rus consideraae, vel solius essentiae,et trequenuores bcuones contingant circa_ res tanquam existentes consideratas, ideo priusde hac loquar, sciliçg1 r6i sola existenra fitg*, o t"i, quae in tali acn: nngln,,, ,rrâÇt ,, sru.

:lPP" t "

ntelligi Ex gr., 6ngo rerurr\ quern no'"1 ire domurr\ *- -Ë rr"isete et .slmila"

Hic quaero circa quae talis idea versetut..vid.o eâm tantum versari circa possibili4 nonvero circa necessada neque circa impossibilâ

. p3] Rem impossibilem voco, cujus natr.ua implicat contradictionem ut ea existat; neces-

sariam, cujus natura implicat contradictioneÀ ut I ea non existat; possibilem, cujus

t. L4& dterfus id qtod de fo1lotberihr rotzbinas, qaar a nbir ckn intel/iganfiq sed ir w ertjctio, qsod dica-m* eas tala in nrporibus nehstibrc exi:tm.

TRAITÉ DE LA RÉFORME DE L'ENTENDEMENT

pour percevoir les choses inconnues selon une telle norme ; uoisièmement, instituerun ordre pour nous éviter d'inutiles fatigues (71). Une fois cette méthode connue,nous avons l'u, en quattième lieu, que cette méthode sera la plus parfaite quand nousaurons atteint I'idée de l'être le plus parfait (72).Par conséquent, dès le début, il fau-dra principalement prendre soin de parvenir le plus vite possible à la connaissanced'un tei être.

Commençons donc par la première partie de la méthode, qui consiste, nousI'avons dit, à distinguer et à séparer I'idée vraie de toutes les autres perceptions et à

empêcher I'esprit de confondre les fausses, Ies fictives et les douteuses avec lesvraies ; ce que j'ai en tout cas I'intention d'expliquer ici amplement, afin de retenirles lecteurs dans Ia pensée d'une chose si nécessaire, et aussi pârce que nombreuxsont ceux qui doutent même des idées vraies pour n'avoir pas porté leur attentionsur ce qui distingue la perception vraie de toutes les autres. Si bien qu'ils sontcomme des hommes qui, éveillés, ne doutaient pas d'être éveillés, mais qui, aprèsavoir cru une fois dans leurs rêves, comme il arrive souverit, qu'ils étaient sûrementéveillés, et

^y^nT reconnu ensuite Ieur ereur, se sont mis à douter même de leurs

états de veille ; cela parce qu'ils n'ont jamais fait la distinction entre le rêve et laveille (73). J'avertis cependant que je ne vais pas ici uaiter de I'essence de chaqueperception et I'expliquer pâr sa cause première, parce que cela relève de la philo-sophie (4) ; j'exposerai seulement ce qu'exige la méthode, c'est-à-dire à quoi se rap-portent la petception fictive, la fausse et la douteuse, et comment nous libérer dechacune d'elles (75). Examinons donc en premier lieu I'idée fictive.

Toute perception est perception soit d'une chose considérée comme existantesoit de la seule essence, et la plupart des fictions concernent des choses considéréescomme existantes. Je paderai donc d'abord de cette derniète sorte, à savoir de celleoù seule l'existence est obiet de fiction et où la chose, obiet d'un tel acte de fiction,est ou est supposée être objet d'intellection. Par exemple, je forge Ia fiction quePierre, que je connais, va chez lui, qu'il me rend visite, et choses semblables'. Jedemande alors: à quoi se râpporte une telle idée ?Je vois qu'elle se tapporte seule-ment au possible, et non âu nécessaire ni à I'impossible.

J'appelle impossible une chose dont la nature implique qu'il est contradictoirequ'elle existe ; nécessaire, une chose dont la nature implique qu'il est conmadictoire

t. Voyez plus loin (76) ce que nous noterons au sujet des hlpothèses qui sont pout nousobiet d'une claite intellection ; il y a fiction en ce que nous disons qu'il existe quelque chose detei dans les corps célestes.

51

2 novimus: kennende À/J (noscendo); vidimus: zien,v-f (vidernus) 6 a ryatarc on.NJ 13 somnium nrmi æ NS drxrrcn: sotnn:m op, etrà '

1a pdrnâm anui x'NS etste:pnÀmarn oI) edd' 24 ut et exrstat: in wezentrijk æ àjn NS fu. in existendo ticat in naryine NSltahlsr); Ptt ru;n:a.a Mppt G 1n existendo, sed mvrce

92 93

Page 21: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

TRACTATUS DE INTELLECTUS EMENDATIONE

quidem existentia, ipsa sua natura, non implicat contradictionem ut existat âut nonexistat, sed cujus existentiae necessitas aut impossibi.litas pendet a causis nobis ignotis,quamdiu ipsius existentiam fingimus; ideoque, si ipsius necessitas aut impossibilitas,quae a causis externis pendet, nobis esset nota, nihï etiam de ea potuissemusfingere.

[54] Unde sequitur, si detur aliquis Deus aut omniscium quid, nihil prorsus eumposse fingere. Nam, quod ad nos attinet, postquam 'novi me existere, non possumfingere me existere aut non existere; nec etiam possum fingere elephantem, qui tran-seat per acus foramen; nec possum, postquam tnaturam Dei novi, fingere eum existen-tem aut non existentem; idem intelliçndum est de chimâera, cuius narura existereimplicat. Ex quibus pâtet id quod dixi, scilicet quod fictio, de qua hic loquimur, noncontingit circa aeternas \feritates.

[55] Sed ântequam ulterius pergâm, hic obiter notandum est, quod illa differen-tia, quae est inter essentiam unius rei et essentiam altedus, ea ipsa sit inter actualitatemaut existentiam eiusdem rei et inter actualitatem aut existentiam alterius rei. Adeo ut,si existentiam ex. gr. Adami tantum per generalem existent-iam concipere velimus,idem futurum sit ac si, ad concipiendam ipsius essentiam, ad naturam entis attenda-mus, ut tandem definiamus Adamum esse ens. Itaque, quo existentia generalius conci-pitur, eo etiam confusius concipitur faciLiusque unicuique rei potest zffingç; econfta,ubi panicularius concipitur, clarius tum inteiligitur et ldifficilius alicui, nisi rei ipsi, ubi nonattendimus ad Naturae ordinem, affingitur. Quod notatu digrum est.

s. puia ns, nodn ea intelligatur, n ipsan nanfrtat, idto tantum egenus exempk ine alia denonstratiane.

Iùnqze nit balas nnlradic'tori4 qaae, ut @parca.l esnfaka, tantun opus nænseri, lti rtatin appnebit, qaun defu-

tione cha esrmtiam kquemun

t. Not4 quanuis mthi diant se dsbitan an De*s existat, ilks tanen nihilprader nomm haberc, uel aliryid

fngn, qaod Dean uocanl id qaod aam Dei natura non conumil atpostea no kn ostendam.

u, Statim etiam ostendan quod nallafxio uersettr circa aeternas ,eritateJ. Per aeteman ueritaten ta/em

intelligo qxae, si ut afirnatiua, nanquam pzlerit erse negatiua. Sic prina et aetuna writas est Deum esse; filnar/tem est detenta ueritat Adamum cogiare. Chimaemm non esse est arttfld ueritas; non autem Aàamttrnnon cogitare.

l existentia 04 NS edd.: essennaJ, Bl. 4 de ea an. NS 6 em con CarÀlJhy: nos O!, hoc

W 1G11 existere implicat : strijdigheit van wezendiik te wezen insluit À/J (ûz contrâdicuonemocistendi involvit) 27 Satim - vedtaæs on. N$ C insn post 14 veÀtaæs

TRAITÉ DE I-A RÉFORME DE L'ENTENDEMENT

qu'elle n'existe pas; possible, une chose dont I'existence, à considéret sa seule

rnture (7\, n'implique pas qu'il est conradictoire qu'elle existe ni qu'elle n'existepas, mais dont la nécessité ou I'impossibilité d'existence dépend de causes qui noussont inconnues tout le temps que nous forgeons la fiction de son existence;pa;rconséquent, si sa nécessité ou son impossibilité, qui dépend de causes extérieures,nous avait été connue, nous n'aurions même pas pu forger 1a moindre fiction à sonsujet.

Il s'ensuit que, s'il y a quelque Dieu (78) ou quelque être omniscient, il ne peutforger absolument âucune fiction. De fatt, en ce qui nous concerne, une fois que je

sais que j'existe, ie ne peux pas forger la fiction que j'existe ou que je n'existe pas' ; je

ne peux pas non plus forger Ia fiction d'un éléphant passant par le chas d'uneaiguille ; et ie ne peux pâs, une fois connue la natute de Dieu, me le représenter parfiction existant ou n'existant pas'; la même chose doit s'entendre de la chimère,dont la natute exclut (80) I'existence. De là ressort ce que j'ai dit, à savoir que la fic-tion dont nous padons ici ne concerne pas les vérités éternelles'.

Mais avant d'aller plus loin, il faut noter ici âu pâssâge qu'il y a la même diffé-rence entre I'essence d'une chose et I'essence d'une autre qu'entte l'existence en acte

de I'une et l'existence en acte de I'autre. À tel point qoe, si nous voulions concevoirl'existence, pâr exemple, dâdam par le seul recours à i'existence en général, ce seraitcomme si, pour concevoit son essence, nous portions notre âttention sur la naturede I'être, pour donner finalement comme définition: Adam est un être. Aussi, plusI'existence est conçue de manière générale, plus elle est conçue de manière confuse,et plus il est fâcile de I'attdbuer par fiction à toute chose ; au contraire, quand elle estconçue de marrière plus particulière, elle est alors plus clairement comptise, et il estplus difficile, alors même que nous ne prêtons pas attention à l'ordre de la nature, deI'attribuer par fiction à quelque chose d'autre que la chose même (81). Cela mérited'être noté.

s. La chose se manifeste d'elle-même à l'entendement; aussi âvons-nous seulementbesoin d'un exemple, sâns autre démonstration. Il en sera de même de la proposition conttâ-dictoire, qu'il suffit de rappeler pour en fure apprakte la fausseté, comme on le vera bientôtquand nous parlerons de 1a {iction relative à l'essence.

t. Notez que, bien que beaucoup de gens disent qu'ils doutent de l'existence de Dieu, ce

n'est toutefois pour eux rien qu'un rrom, ou bien ils forgent quelque fiction qu'ils appellentDieu; ce qui ne s'accorde pâs avec la nature de Dieu, comme je le montrerai plus tatd en sonlieu (79).

u. Je montrerai aussi bientôt qu'il n'y a jzmus de fiction d'aucune sorte concernant les

vérités éternelles. Par vérité éternelle j'entends une ptoposition telle qu'elle ne pourra iamais, si

elle est affrmative, devenir négative. Ainsi Dieu existe est une védté première et éternelle, maisAdam pense n'est pas une vérité êternelle. Iz chinère n'exirte pas est une vérité étetnelle, mais nonAdam ne pense pas.

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TRACTATUS DE INTELLECTUS EMENDATIONE

[56] Veniunt jam hic ea considerand4 quae r,rrlgo dicuntur fingi, quamvis clâre intelli-gamus rern ita sese non habere uti eam fingimus. Ex. g., quamvis sc.iam terram esse rotun-darn, nihn tamen vetât, quominus alicui dicam tefiam medium globum esse et tânqrxlmmedium pomum auriacum in scutelJa" aut solem circum terrâm moveri et similia. Ad haecsi attendamus, nihil videbimus quod non cohaereat cum jam fictis, modo prius adverta-mus nos aliquando potuisse effare et jam errorum nostrorum esse conscios; deinde,quod possumus fingere aut, ad minimum, putâre alios homines in eodem esse erroreaut in eum, ut nos antehac, posse incidere. Hoc, inquarn, fingere possumus, quamdiu nul-Iam videmus impossibilitatem nullamque necessitatem. Quando itaque alicui dico ærramnon esse roûndâm etc., nihil ,li"d ræ quam in memoriam revoco efforem quem fortehabui aut in quern labi potul, et postea flngo aut puto eum cui hoc dico adhuc esse autposse labi in eundem errorem. Quod, ut dixi" fir€o, quamdiu nullam video impossibilita-tem nullamque necessitatem; hanc vero si intellexissem, nihil pronus fingere potuisserrl ettantum dicendum fuisset me aliquid operatum esse.

[57] Superest iam ut ea etiân notemus quae in quaestionibus supponuntur, id quodpassim etiam contingit circa impossibiJia, ex. gr. quum dicimus: supponamus hanccandelam ardentem iam non ardere, âut supponarnus eam ardere in aliquo spatio imagina-rio sive ubi nulla dantur corporâ. Quorum similia passim supponuntur, quamvis hoc ulti-mum dare rrltelligatur impossibile esse; sed quando hoc fig nil pronus fingitur. Namprimo nihil aliud egi quam quod -in

lmemoriam revocavi aliam candelam non ardentem(aut hanc eandem concepi sine flamma) eq quod cogito de ea candela, idipsum de hacinteligo quamdiu ad flammam non attendo. In secundo nih.il aliud fig quam absttahere

x. Postea, am dcfctione, quat ueralar circa *sntias, kqaentn; ckrv Epmebit qndfctio nanqaan aliqaidnouifacit aut mentipraebet, sed qaod tantum ea, quae sunt in mebm aù in inaginatione, rcwcantar ad memoiam,et q*od cotfun ad omnia siml nns altendit. Rancantar, ex. gn, in memoriam kqæb et aù0ry et a.îil mens

confuse altendit sine distinctione, pûat arborem kqai. Iden de exi$entia intelligit*t; pracsertim, uti diximus, a.madco gennaliter ac ens nacipitur; qaia tun faàte applicatur onnibas, Etae simil in memoria onumtnt, paodnotatu ualde digaum est

5 frais mrcxi rx NS het voorgedachæ : dta:s OP, edd.

1374/221 20

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TRAITÉ DE I.A RÉFORME DE L'ENTENDEMENT

I1 convient maintenant de considétet ici les cas où l'on dit communément qu'il ya fiction, bien que nous comprenions clairement que la chose ne se comporte pas

comme nous la feignons. Par exemple, bien que je sache que la terre est ronde, rienne m'empêche toutefois de dire à quelqu'un que la terre est une demi-sphère etcomme une demi-otange sur une assiette, ou que le soleil se meut autour de la terre,et choses semblables. Si nous y faisons attention, nous ne verrons rien qui s'écartedes fictions précédentes, pourvu que nous remarquions, d'abord, que nous avons punous trompef à un certain moment et être maintenant conscients de nos ereurs, etensuite, que nous pouvoris feindre ou au moins supposer (82) que d'autres sontdans la même erreur ou peuveflt y tomber, comme nous auparavânt. Cela (83), dis-je, nous pouvons le feindte, tant que nous ne voyons aucune impossibilité ou néces-sité. Quand donc je dis à quelqu'un que la terre n'est pas ronde, etc., je ne fais querappeler à ma mémoire I'erreur que j'ai peut-être commise ou dans laquelle j'ai puglisser et, après cela, feindre ou supposer que celui à qui je le dis est encore dans lamême effeur, ou peut y glisset: fiction que je forge, ai-je dit, tant que ie ne voisaucune impossibiJité ou nécessité. Mais si j'en avais eu l'intellection, je n'aurais puformer absolument aucune fiction, et ce qu'il aurait fallu simplement dire, c'est quej'a;- fait je ne sais quelle opération (84).

Il reste maintenant à signaler âussi les suppositions faites dans les discus-sions (85). Cela concerne parfois même des choses impossibles, par exemple quarrdnous disons : supposons que cette chandeile en train de brûler ne brûle plus, ou sup-posons qu'elle brûle dans quelque espace imaginaire, c'est-à-dire où il n'y a aucuncorps. On fait parfois des suppositions semblables, bien que I'on comprenne claire-ment que cette dernière est impossible ; et rédtté, quand cela se fait, il n'y a pas dutout de fiction. En effet, dans le premier cas, je n'ai fait que rappeler à ma mémoireune autre chandelle ne brrilant pas(ou bien concevoir la même chandelle sansflamme) et ce que je pense de cette autre chandelle, je l'entends aussi de celle-ci tantque je ne prête pas attention à la flamme". Dans le second cas, on ne fait qu'abstraire

x. Plus loin, quand nous paderons de la fiction qui se rapporte aux essences, il appataîttaclaitement que jamais Ia fiction ne produit ou n'offre à l'esprit quoi que ce soit de nouveau;simplement, ce qui est dans le cerveau ou dans l'imagination est rappelé à la mémoite, et l'es-pdt s'applique confusément à tout en même temps. Une patole et un arbre, par exemple, sonttappelés à la mémoire, et comme l'esprit s'y applique confusément et sans rien distinguer, il se

figure un arbre qui pade. La même chose s'entend de l'existence, surtout, comme nous l'avonsdit, quand elle est conçue de manière aussi générale que l'être, parce qu'on I'attdbue alors faci-lement à tout ce qui se présente en même temps à la mémoire. Ce qui métite bien d'êtrenoté (86).

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TRACTATUS DE, INTELLECTUS EMENDATIONE

cogitâtiones a corporibus cirurmjacentibus, ut mens se convef,tat ad solam candeJae, in se

sola specatae, ut posteâ concludat candelam nullam habere câusâm adsui ipsius destructionern Adeo ug si nulla esserrt colpora circumpcatia candela lnæ. ac

etiam flamma marrerertimmutabiles, aut similia Nufla igitur dâhrr hic fictiq sed vverae ac merae

æsertiones.

[58] Transeamus iam ad fctiones, qwrc versanftrt circa essentias solas, vel cum a]iqua

acu.ulitate sive existerrtia simul Grca çus hoc maxime venit considerandum, quod, quo mensminus intelligit et tamen plura percipiq eo majorem habeat potentiam fingendi, et quoplura intelligiq eo magis illa potentia diminuatur. Eodern o< gr. modo quo suprâvidimus nosnon posse fingere, quamdiu cogrtâmus, nos cogiure et non cogiare; sic aiarrL posuryam novi-mus nafi.ram corporis, non possunus fingete muscam infiniurrL sive, postguam novimusnatr:r:rm "animae, nofl possurnus fingere eam esse quadraarq quamvrs omnia vabis possimusefhri Sed, uti diximus, ço minus homines nofl.rnt nânmlm, eo facilius multa possunt fin-

çre, veluti arbores loqui, homines in momento rnuari in lapides, in fontes, apparere in spe-

culis specta" nihil fieri âliquid etiam Deos in bestias et homines muati, ac infinita.i* gotoi.alla-

y. Iùn etian dc l4potheibas inh/ligmd*n, qaarfmt ad etrtos mot*s upËtandtn, qui conaenitttt cnm cae-

lorun phaenornnis, nisi quod ex iis, si notibus cadestibss aP?licentuC nataram carbmm concludant, qtlae tarTten

alia potest esn, praueûim cun ad explicandan tales moTus ntitar aiar musae posint nncipi.

z. Saepe coatingit hominmt hanc lacem anim ad smm nemoriam rcaocan et imal aliqum Lvry,olvam

inaginen foman. Cum uem hatc d*o sintl @raaertantuti faxilz putat re inqiflari el fngen aninan cl\nftam,qdz nomn a t ipsa nol àstingait Hicpastuk û kclons non sintpraccipites ad hoc rcfutanàm, qt404 ti spem, ttott

facient, nodo ad exenpk qaan accllrate attendanl et insl ad ea qilae Jequr,ffittar.

1 5 infinita : meer À/.f 20 ana 9epe ald. À/,f Hier stâat aan te merke n, dat (fot. Nota bene, quodsimt in nota b infra) 21 reptaesentantur: hem vootkomen NS (fort ptaesentanut M offer.nn:lr)

98 99

TRAITÉ DE LA, RÉFORME DE L'ENTENDEMENT

ses pensées des corps environnants, pour que I'esprit se tourne vers la seule contem-platicin de ia chandelle considérée seule en elle-même, afin de conclure ensuite quela chandelle ne contient pas la cause de sa propte desttuction; si bien que, s'il n'yavait pas de colps environnants, cette chandelle, et âussi la flamme, demeuretaientsans changement ; ou âuttes choses semblables. Il n'y a donc ici aucune fiction, maisdes assettions vrâies, purement et simplementr (87).

Passons maintenant aux fictions qui se rapportent aux essences, âux essences

seules ou aux essences accompâgnées d'existence en âcte. Voici la principale obset-vation à faire à leur suiet: le pouvoir qu'a I'esprit de fotget des fictions est d'âutântplus grand qu'il a moins d'intellections tout en ayânt pourtant plus de perceptions, etce pouvoir diminue d'autant plus qu'il a plus d'intellections (89). De même que, parexemple, nous I'avons'"'u plus haut, nous fle Pouvons Pas,Tant que nous pensons,forgerla fiction que nous pensons et que flous ne peflsons pas (90), de même aussi,

une fois connue ia nature des co1ps, nous ne pouvons forger lz fiction d'unemouche infinie, ou encore, une fois connue la natute de l'âme, nous ne pouvons for-ger la fiction qu'elle est canêe", bien que nous puissions en paroles énoncer n'im-porte quoi. Nous I'avons dit, moins les hommes connaissent la nature, plus il leurest fâcile de forger quantité de fictions : que des arbres padent, que des hommes se

changent subitement en pierres, en soufces, que des spectres apparâissent dans des

miroirs, que le rien devienne quelque chose, et même que des dieux se changent enbêtes et en hommes, et une infinité d'autres fictions de ce genre (91).

y. La même chose doit s'entendre aussi des hypothèses faites pour expliquer de cettainsmouvements qui s'accotdent avec les phénomènes obsewés dans les cieux, à ceci ptès que. si

on les applique âux mouvements célestes, on en conclut la nature des cieux, qui cependant

peut être différente, étant donné surtout qu'on peut concevoit bien d'autres causes pout expli-quer de tels mouvements (88).

z. II arnve souvent qu'un homme rappelle à sa mémoite ce mot à'ârze et forme en même

temps quelque image corporelle. Or, comme ces deux reptésentations se font en même temps,il se figure facilement qu'il imagine et forge une âme colpotelle, patce qu'il ne distingue pas le

nom de la chose elle-même. Je demande ici que les lecteurs ne s'empressent pas de téfuter ce

point, et ils ne le feront pas, ie I'espète, pounrr qu'ils considètent avec la plus gtande attentionles exemples, ainsi que la suite.

Page 24: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

TRACTATUS DE INTELLECTUS EMENDATIONE

[59] Atiquis forte putabit quod fictio fictionem terminat, sed non intellectio; hcr

€Ët, F)squam firxi aliqud et quadam libertâte volui assentiri id sic in rerum natura existere,

hoc'cfficit ut postea non possimus id alio modo cogttafe. Ex. gr., postquam firxi (ut cum iis

k4rar) nanram coryoris ulerq mihique ex mea libertate persuadete volui eam sic realiter

otirtcrc, non arnplius licet muscam v. g' inûnitam fingere, et postquâm finxi essentiam

nnimac, eam quadrare non possun, etc. [60] Sed hoc examinandum. Primo, vel nçgant vel

conccdunt noi atiquid posse inælligere. Si concedung riecessffio id ipsurr\ çod de ficnone

diCgnt, ctiam de inielieAione dicendum erit Si vero hoc negang videamus nos, qui scimus

non aliquid scire, quid dicant. Hoc scilicet dicunt, ânimâm posse sentire et multis modis per-

CiçrCrc non se ipsdn neclue rcs quae e:dsnmt, s€d tântum ea quae nec in se nec ullibi sun! hoc

dq anint m possg sola iua vi, creare sensationes aut ideas, quae non sunt t€rtun, adeo ut ex

pettc aam tarquârn Deurn considerent Poro dicunt nos, aut aninum nosUarq Alern habere-libcrAUq

ut rr.osmeq aut sg imo suam ipsam libertatern cogat Nam postquam ea aliquid 6n-

xit et æsensum ei praebuig non potest id alio modo cogiUire aut fingere, a etiam ea ûctione

cogjtur, ut Aiam tali modo cogitetur, ut prima fictio non oppugnetur; sicut hic etiam cogun-

tw absurda, quae hic recenseo, admittere, ProPter suam fictionem; âd quae explodenda

non dcfatigabimur ullis demonstrationibus. Sed eos ifl suis deliriis linquendo, cuabimus ut

or vcbis, çae cum ipnis fecimus, aliquid vai ad nosûram rern haudamus, nempe hoc.

t611 "Nlens, curn ad rern ficam a sru rrah:cr ûlsam attendit ut eam persitet _et

inteligât:

bonoque ordine ex ea deducat qry1e sunt deducenda, facile I falsitatem pa_tefaciet; et si

rcs fiatâ sua natufa sit lvera, cum mens ad eam attendit u1 ç2m inlslligat et ex eâ

bono ordine incipiat deducere quae inde sequuntuf, feliciter perget sine ulla inter-ruptione, sicut vidimus quod, ex falsa fictione modo allata, statim ad ostendendâm

cius absurditatem et âIias inde deducus praebuit se intellectw' [62] Nuilo ergo modo

a, Qtanuis hoc expnientia ùùar conchden et qris dicat id nihil ere, quia d.efcit d.enonstratia, eam, i qtis

thidoral, tic habeat, Can in natura nihit pusit dai quod lw leges opptrgnet, sed nm omttia senndum ceftal Et$

l$ .frtl, tt ættos, cet'tis lcgfbus, saos pndamnt ffeavs inuftagabili nncatenatione, hirc seqaibr qnd anima, ubi mnn @nîipil, paget nQectiw mden efeaasfonnan. Wdc inJra ubi dt idtaJàI.:a bqaor

TRAITÉ DE IA RÉFORME DE L'ENTENDEMENT

Certains croiront peur-être que ce qui met un terme à la fiction, c'est la fiction,non l'intellection ; autremenr dit, qu'une fois gue lu forgê la fiction d'une chose etqu'usant d'une certaine libeté j'ai voulu accorder gu'elle existe ainsi dans Ia nature,cela fait que nous ne pouvons plus ensuite penser la chose autrement. Par exemple,une fois que j'ai (pour parler leur langage) forç telle fiction sur la narure du corps etqu'en vertu de ma liberté j'ai voulu me persuader qu'elle existe ainsi réellement, il nem'est plus possible de forger, par exemple, la fiction d'une mouche in{inie, et unefois que j'at fotgé une fiction sur I'essence de I'âme, je ne peux la rendrecarrée, etc. (92). Mais il faut examiner ce point. D'abord, ou bien ils nient, ou bien ilsconcèdent que nous pouvons avoir quelque inteliection. S'ils le concèdent, il faudranécessairement dire aussi de I'intellection ce qu'ils disent de la fiction. S'ils le nient,voyons, nous qui sâvons que nous sâvons quelque chose, ce qu'ils disent. Or voicice qu'ils disent : que l'âme peut avoir de multiples sensarions et perceptions, non pasd'elle-même ni des choses qui existent, mais seulement de ce qui n'existe ni en eIè ninulle pârt; âutrement dit, que l'âme peut par sa seule force créer des sensations oudes idées qui ne sont pas celles de choses réelles, si bien qu,ils la considèrent quelquepeu comme un Dieu. De surcroît, ils disent que nous avons, nous ou notre âme, uneliberté de telle nature qu'elle nous contraint nous-même, ou contrâint notre âme,bien plus, sa propre liberté elle-même. Cat une fois qu'elie a forgé Ia ficrion dequelque chose et lui a accordé son assentiment, elle ne peut en fotmer une âutrepensée ou une autre fiction, et cette fiction lâ contraint même à être pensée elle ausside maniète à ne pas s'opposer à la première fiction. C'est ainsi qu'ils sont aussi con-traints d'admettre ici, à cause de leur fiction, les absutdités que ie viens d'énumérer ;pour rejeter de telles absurdités, nous ne nous donnerons pas le mal de la moindredémonstration. Nous les abandonnerons à ieur dél-ire, en âyânt soin de recueillir decet échange de paroles quelque chose de vrai qui importe à notre objet. Voici:quand I'esprit s'applique à une chose fictive et, de sa nature, fausse, pour Ia soupeseret ia comprendre, et en déduire en bon otdre ce qui doit en être déduit, il lui serafacile de tendre manifeste sa fausseté; et si la chose fictive est, de sâ nature, vraie,quand l'esprit s'y applique pour la comprendre et commencer à en déduire en bonordre ce qui en découle, il continuera avec bonheur sans être interrompu (93). C'estainsi que I'entendement, nous I'avons \'r.r, partant de la fiction fausse mentionnée àl'instant, s'est aussitôt porté à en monffer l'absurdité et celle de ses conséquences".

a. J'ul'air de tirer cette conclusion de I'expérience, et l'on dira qu'elle ne vaut rien parceque la démonstration fait défaut. Mais si I'on y tient, la voici. Puisqu'il ne peut rien y avoit dansla natute qui s'oppose à ses lois et que toutes choses se font conformément à ses lois détermi-nées de sotte qu'elles produisent, par des lois déterminées, leurs effets déterminés dans unenchaînement irréfragable, il s'ensuit que l'âme, quand elle conçoit une chose avec vérité,continuera à former objectivement les mêmes effets (94). Voyez plus bas, là où je pade deI'idée fausse.

61

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(r crm quadrare non possrxn: kan ik haar niet langer vietkant verdichten À/.J L5 cogiætx nr-

nrr, ruz. NJ dit op zodanige wijze te denken: cogitenmr OP, ut etiam alia tali modo mgltentur

C; 19 16l] antu 17 kd pwh Br L9 adnot a. hb p:tti, in NS: lorl 17 demonstrationibus parzrzT

( )P 22 incipîat comxi, im. À/.1 incipi OP, edd.; quae inde sequunturuz. ^/J

100 101

Page 25: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

TRACTATUS DE INTELLECTUS EMENDATIONE

timendum erit nos aliquid fingere, si modo clarc et distincte rem percipiamus. Namsi fote dicamus homines in momento mutari in bestias, id valde generaliter dicitur,adeo ut nuiius detur conceptus, id est idea, sive cohaerentia subjecti et praedicati inmente; si edm daretur, simul videret medium et causâs, quo et cur tale quid factum sit.

5 Deinde nec ad naturam subfecti et praedicati attenditur. Porro, modo prima idea nonsit ficta et ex ea càeter^e omnes ideae deducantur, paulatim praecipitania fingendievanescet,

[63] Deinde, cum idea ficta non possit esse clan et distincta, sed solummodoconfusa, et omnis confusio inde procedat, quod mens rem integram aut ex multis

10 compositam tantum ex parte noscât, et notum ab ignoto non distinguat;ptaetete ,quod ad multa, quae continentur in unaquaque re, simul attendat sine ulla distinctione,

[64] inde sequitur, primo, quod si idea sit alicujus rei simplicissimâe, eâ non nisi claraet distincta poterit esse; nâm res illa non ex parte, sed tota, aut nihil ejus innotesceredebebit. Sequitur, secundo, quod si res, quae componitur ex multis, in panes omnes

15 simplicissimas cogitatione dividatur et ad unamquamque seorsim attendatur, omnistum confusio evanescet. Sequitur, tertio, quod fictio non possit esse simplex, sed quodfiat ex compositione diversarum idearum confusarum, quae sunt diversarum rerumatque actionum in natura existentium, vel melius, ex attentione bsimul sine assensu adtales diversas ideas. Nam, si esset simplex, esset clara et distincta, et per consequens

7 /25j 20 vera; si ex compositione idearum distinctarum, esset etiam earum I compositio clara

b. NB qndfctio, in se Eeaatu, non mtitum dffirat a sonnio, nii qaod in somniis non oferantarcaqsae, qtlae tigilartibus lpe seflrt/iltlt oferxnnr, ex qaibw collig*nt illa repraesenlamina illo tenporc rotrcpraesentari a nbas exTra se constitatis. Enor autem, tlt statim a?parebit, est uigilando somniare; et si sitadmodam manifestut, dlliiilm aocatar.

14. 16 Sequitr:r ozz. À/J

TRAITE DE I-A RÉFORME DE L'ENTE,NDEMENT

Nous n'aurons donc nullement à craindre de forger une fiction, poun'u quenous percevions la chose clairement et distinctement. Car s'il nous arrive de dire quedes hommes se changent subitement en bêtes, cela est dit de manière tout à faitgênérale, si bien qu'il n'y a dans l'esprit aucun concept, c'est-à-dire aucune idée,âutrement dit aucune liaison (95) entre sujet et prédicat ; s'il y en avait, I'esprit verraiten effet en même temps le moyen et les causes par quoi et pourquoi une telle choses'est produite. En outre, on ne prête pâs non plus attention à la nature du sujet et duprédicat.

Poursuivons : pourvu que la première idée ne soit pas une fiction et que toutesles autres idées en soient déduites, le penchant à forger des fictions disparaîtra peu àpeu (96). En outre, comme une idée fictive ne peut pâs être claire et distincte, maisseulement confuse, et comme toute confusion provient de ce que l'esprit ne prendqu'une connaissance partielle d'une chose formant un tout ou composée de nom-breux éléments, sans distinguer le connu de I'inconnu, et, de plus, s'applique enmême temps, indistinctement, aux nombreux éléments contenus en chaquechose (97), il s'ensuit en premier lieu que si une idée est celle d'une chose absolumentsimple, elle ne pourra être que claire et distincte; car cette chose se fera nécessaire-ment connaître, non pâs partiellement, mais tout entière ou pas du tout (98). Il s'en-suit en second lieu que si une chose composée de nombreux éléments est divisée pârla pensée en toutes ses pafties les plus simples, et si I'attention se porte à chacuneséparément, âlors toute confusion disparaîtra. Il s'ensuit en troisième lieu qu'une fic-tion ne peut être simple ; elle vient de la composition de diverses idées confuses, idéesde diverses choses et actions existant dans la nature, ou, pour mieux dire, de I'atten-tion portée simultanément, sans assenriment (99), à de telles idées diversesb. Car sielle était simple, elle serait claire et distincte, et par conséquent vraie ; et si elle venaitde Ia composition d'idées distinctes, leur composition serait également claire

b. Remarquons que la fiction, envisagée en elle-même, ne diffère pas beaucoup du têve,si ce n'est que ne s'offrent pas dans les rêves les causes qui s'offrent à I'homme éveillé, grâceaux sens, et dont il conclut que ces représentations ne ptoviennent pâs, à ce moment-là, dechoses situées hors de lui (100). Quant à l'ereur, ainsi qu'il tppzraîtta bientôt, elle consiste àrèver éveillé; et quand elle est tout à fait manifeste, on I'appelle délire.

oz

63

13 Nam- 14 debebit on. NS

102 103

Page 26: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

TRACTATUS DE INTELLECTUS EMENDATIONE

et distinctâ, ac proinde vera. Ex. gr., postquam novimus nâturam circuli ac etiam natu-ram quadtati, jam non possum ea duo componere et circulum facete quadtatum, autanimam quadratam et similia.

[65] Concludamus iterum breviter et videamus quomodo fictio nullo modo sittimenda, ut ea cum veris ideis confundatur. Nam, quoad primam, de qua prius locutisumus, ubi scilcet res clare concipitur, vidimus, quod si ea res, quâe clate concipitur, etetiam ipsius existentia sit per se aeterna veritas, nihil circa talem rem poterimus fingere;sed, si existentia rei conceptae non sit aeterna veritas, tantum est curandum, ut exis-tentia rei cum ejus essentia conferatur, et simul ad ordinem nattJr^e attendatur.

Quoad secundam fictionem, quam diximus esse simul âttentionem sine assensu addiversas ideas confusas, quae sunt diversarum refllm âtque actionum in natura existen-tium, vidimus etiam rem simplicissimam non posse fingi, sed intelligi, et etiam rem com-positam, modo ad partes simplicissimas, ex quibus componitur, attendâmus; imo, nec

ex ipsis -llas actiones, quâe verâe non sunt, 4os posse fingere; nam, simul cogemurcontemplati, quomodo et cur tale quid fiat.

[66] His sic intellectis, transeamus iam ad inquisitionem ideae falsae, ut videa-mus circa qwre versetur et quomodo nobis possimus câv€re ne in falsas petceptionesincidamus. Quod utrumque non erit nobis jam difficile, post inquisitionem ideae

flctae. Nam inter ipsas nulla alia datur differentia, nisi quod haec supponat assen-

sum, hoc est (uti ,am notavimus), quod nullae offeruntur causae, dum repraesenta-mina ipsi offeruntur, quibus, sicut fingens, possit colligere ea non orid a rebus extra se,

et quod fere nihil aliud sit quam oculis apertis, sive dum vigilamus, somniare. Versaturitaque idea falsa vel (ut melius loquar) referrur ad existentiam rei, cuius essentia

cognoscitur, sive circa essentiam, eodem modo ac idea frctz.

[67] Quae ad existentiam refern:r, emendatur eodem modo ac fictio. Nam si naturarei notae supponat existentiam necessariam, impossibile est ut circa existentiam illiusrei fallamur; sed, si existentia rei non sit aeterna veritas, uti est eius essentia, sed quodnecessitas aut impossibilitas existendi pendeat a causis atemis, tr.rm I cape omnia eodern

modo ço diximus, cum de fictione selrno esseq nam eodem modo emendatur.

2 possum: konnen À,{ possumus G 4 iterum: van 't begin NS Wû. ab initio)27 illius rei om. NS; rei on. NS

TRAITÉ DE I-A RÉFORME DE L'ENTENDEMENT

et distincte, et par suite vrare. Par exemple, une fois connue la nature du cercle ainsique la nature du carré, je ne peux plus composer ces deux nâtures et forger un cerclecarcê ou une âme cartée, et choses semblables.

Concluons encore une fois brièvement, et voyons commeÂt il faut bannir toutecrainte de confondre la fiction avec les idées vraies (101). En effet, pour ce qui estdu premier genre de fiction, dont nous âvons padé d'abord, à savoir lorsque lachose est claitement conçue, nous avons'"r: que si ia chose clairement conçue est ensoi une vérité éternelle et que son existence I'est aussi, nous ne pourrons forger surune telle chose aucune fiction ; mais si I'existence de la chose conçue n'est pas unevétité éternelle, tT faut seulement prendre soin de confronter l'existence de la choseâvec son essence et de prêter en même temps attention à l'otdre de la nature. Pource qui est du second genre de fiction, dont nous avons dit qu'il consiste en uneattention portée simultanément, sans assentiment, à diverses idées confuses dediverses choses et actions existant dans la nature, nous avons vu également qu'unechose absolument simple ne peut être obfet de fiction, mais seulement d'intellec-tion ; de même une chose composée, poun'u que nous ptêtions attention âux pâr-ties les plus simples dont elle est composée. Bien plus, nous ne pouvons même pas

forger à partir d'elles des fictions d'actions qui ne sont pas r.raies, câr nous seronscontraints de considérer en même temps comment et pourquoi se produit quelquechose de tel.

Cela êtant bien compris, passons maintenant à I'examen de I'idée fausse, afin devoir à quoi elle se rapporte et comment nous pouvofls nous garder de tomber dansdes perceptions fausses. Deux tâches qui ne nous seront pas difficiles maintenant,après i'examen de I'idée fictive. Car elles ne diffèrent entre elles qu'en ce que f idéefausse suppose l'assentiment; âutrement dit (comme nous l'avons déjà noté), aumoment où des représentations s'offrent à I'espdt (102), aucune câuse ne s'offre luipermettant de conclure, comme celui qui fotge une fiction, qu'elles ne viennent pas

de choses hors de lui; et ce n'est guère autre chose que rêver les yeux ouverts,c'est-à-dire à l'état de veille. Aussi, I'idée fausse se rapporte ou (pout mieux dire) se

réfère (103) à I'existence d'une chose dont I'essence est connue, ou bien porte surune €ssence, tout comme I'idée fictive.

Celle qui se réfère à I'existence se corrige de la même manière que la fiction. Sien effet la nature de la chose connue suppose l'existence nécessaire, il est impossibleque nous rlous trompions sur son existence ; mais si I'existence de la chose n'est pas

une vérité éternelle, comme I'est son essence, et que (104) la nécessité ou f impossi-bilité d'exister dépende de causes externes, qu'on suive en tout les explications don-nées quand il était question de la fiction, cat l'effeur se corrige de la même manière.

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Page 27: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

TRÂCTATUS DE INTELLF,CTUS EMENDATIONE

p8] Quod attinet ad alteram, quae ad essentias refernrr, vel etiam ad actiones, tales per-cqrtiones necessado semper sunt con6.rsae, compositae er< diversis confi.rsis percçtionibusreruminnaturaexistentium,utcumhominibuspersuadeturinsilvis,inimaginiÈus,it bnotir.tcaetrds adesse numina dari coryor4 e>r quomm sola compositione fiat ititabcnx; cadavwratiocinaa ambulare, loqui; Deum decipi et similia Sed ideae quae sunt clârâe et distincaenunquâm posslrrit esse falsae. Nam ideae ierum, qu†clare et distincte concipiuntur, suntvel. simpJicissimae vel compositae ex ideis simplicissimis, id esq a simplicissimis ideisdeductae. Quod vero idea simplicrssima .ro.t g**jt esse fals4 potait unus'quisque vidergmodg sciæ quid sit verum sive intellecnrs, et simul çid âlsurn

[69] Narq quod id specat çod fonnam veri constituig cenum est cogjationem veram a

fa]sa ngn.tTPq p:: denominæionem extrinsecarr! sed maxime po iiuin"or- disrngut

Nam si quis âberordine concçrt ûbticam aliquarra qumvis alis Ëbrià nunquam o<stiteritnec

*qr unqram eratitura siq ejus nihilominus cogitatio vera esq et cogitatio eadem est, sivefabrica s<isat sive minus; et contr4 ri digoit dicit Petn:rq ex gr., o<især{nec amen scit petrumexistere, i[â c%itaûo respgcn: rlliw âlsa esg ve! si mavis, .ron ot -,.rr, +umvis petnrs reveaexistaq nec haec enunciatio, Petrus existig vera €st, nisi respectu rlius qui certo scit Petrumo<isære.

. Pl y"a. *;* in ideis dad aliçrd reale, p€r $od verae a 6lsis jisdsguunur. errcd qur-

dern jam investigandum etig ut optimÀ vedatis nomram habeamus (ex dâà€ enim ;2e ideâenotrna:o: nostras cogitationes debere deærrninare diximus, methodumçe cogrritionemesse reflexivam) et proprietates intellects noscânus. Nec dicendum tta.rc arri*ti^^ o99 ""tU.WS cogjtatio vera.est res cognoscere per ptimas suas cm.Nas, in qucr quidon aâlsa $d9 dltrqre.t, p{oxt eandern syqna o<plicui cogiaâ" enim ve'" edâm didfllr, q,rL .r.--tiam alicujus pnncip-ii objective invohig quod causam non habet et per se er in se cognosci-tur. [1] Quâre forma verae cogiationis in eadern I ipsa cogiurione sine relatiËne ad

TRAITÉ DE I-A RÉFORME DE L'ENTENDEMENT

Quant à l'autre, qui se réfère aux essences ou aussi aux actions, de telles percep-tions sont toujours nécessairement confuses, composées de diverses percepdonsconfuses de choses existant dans Ia nâture, comme lorsque les hommes se laissentpersuader que des divinités sont présentes dans les forêts, les images, Ies animaux etles autres choses ; qu'il y a des corps dont la seule composition produit I'entende-ment; que des cadavtes raisonnent, marchent, padent; que Dieu est uompé et cho-ses semblables. En revanche, les idées claires et distinctes ne peuvent jamais êrefausses. Car les idées de choses qui sont conçues clairement et distinctement sont oubien absolument simples ou bien composées d'idées absolument simples, c'est-à-dire déduites d'idées absolument simples. Or, qu'une idée absolument simple nepuisse être fausse, chacun pourra le voir, pounrr quT sache ce qu'est le vrai,ou (105) I'entendement, et du même coup ce qu'est le faux.

En effet, quant à ce qui constitue la forme du vrai, iI est certain que la penséevraie se distingue de Ia fausse, non pas seulement par une dénomination extrin-sèque, mais principalement (106) pâr une dénomination intrinsèque. Car si unouvrier a procédé selon I'ordre pour concevoir un ouvrâge, même si un tel ouvragen'a iamas existé et ne doit non plus famais exister, cette pensée ne laisse pas d'êtrevraie et, que I'ouvrage existe ou n'eiste pas, la pensée est la même. Au conuaire, siquelqu'un dit, par exemple, que Pierre existe, sans pouftant savoir que Pierre existe,cette pensée-là, relativement à lui, est fausse ou, si I'on préfère, n'est pas vraie, mêmesi Pietre existe effectivement; et cet énoncé, Pierre existe, n'est vrai que relative-meflt à celui qui sait avec certitude que Pierre existe.

D'oir il suit qu'il y a dans les idées quelque chose de réel par quoi les vraies sedistinguent des fausses. C'est bien cela qu'il faudra maintenant examiner, afind'avoir la mei-lleure norme de vérité (nous avons dit en effet que flous devons déter-miner nos pensées à partir de la norme d'une idée vraie donnée et que la méthodeest une connaissance réflexive) et de prendre connaissance des propriétés de I'en-tendement. Et il ne faut pas dire que cette différence vient de ce que la pensée vraieconsiste à connaître les choses par leurs causes premières, en quoi, certes, elle diffé-rerait grandement de Iâ fausse, telle que fe l'ai expliquée plus haut (107). Car on ditvraie également la pensée qui enveloppe obfectivement I'essence d'un principe,lequel n'a pas de cause et est connu par soi et en soi (108). Aussi la forme de la

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Page 28: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

TRACTATUS DE INTE,LLECTUS EMENDATIONE

alias debet esse sita; nec obfectum ranquam causam agnoscit, sed ab ipsa intellectrxpotentia et nâturâ pendere debec Narq si sçponamus inællectum ens aliçod no'"rrm perce-pisse, çod nunquâm exstitig sicut aliqui Dei intellecnrm concipiunt ffrtequam r€s crearet(quae sane percçtio a nullo obiecto oriri potuit), et ex tali petceptione alias legitime dedu-cere, ofilnes illae cogrationes verae essent et a nullo objecto extemo detenninaae, sed a solainællecnrs poæntia et rraturâ dep€nderert Qrurc id, quod fonnâm verae cogitatonis constituigin ipsa eadern cogiatione est quafferdurn et ab intellectrx natura deducendurn

[2] Hoc igitr:r ut investigetur, ideam aliquam veram ob oculos poftrmus, cuius objectummaxime certo scimus a vi nostra cogiandi pendere, nec obiecnrm aliçod in runrra habere;ln uli enim idea ut ex iarn dictis pateg facilius id, quod volumus, investigare poterimus. Ex.gr', ad formandum concetum globi Êngo ad libitum câr.$ârr\ nempe sernicircr.rlum c.ircacentrum rotari et ex rotatione globum quasi oriri. Haec sane idea vera esg et quamvis scia-mus nullumin naturaglobum sic unquam ortum fuisse, esthaec amenveraperceptio et facil-limus modus formandi globi concçtum. Jam notandum hânc perceptionern affitmare serni-circr:lum tota4 quae affimratio falsa esseg si non esset junca conceptui globi vel causaetalem motum determinântis, sivg absolutg si haec affirmatio nuda eiset Narn, t'm mensentum terideret ad affinrrandum solum sernicitculi moturrL çi nec in sernicirculi conceptucontinent, nec ex conceptu cirusâe motum deteminantis oritur. Quale âlsius in hoc soloonsistig çod ali+rid de aliqua re affitrnen:r, quod in ipsius, çem formavimus, conceptr.r, noncontinetur, ut motus vel quies de semicirculo. Unde sequitur simplices cogitationes nonposse non esse veras, ut simplo< sernicircrni monrs, quantitatis etc. idea. Quicqr:rd ba7 affrt-mationis contineng earum adaequat conceptufi\ nec ultra se extendig quare nobis licet adlibitr.rm sine ullo eroris scn-pulo ideas simplices forïrarc.

[3] Superest igitur untum qtlâerere, quâ potentia mens nostra eas formare possit, etquousque ea potentia se exterdâq hoc enim invento, facile videbimus summârr! ad qr:am

t

TRAITÉ DE LA RÉFORME DE L'ENTENDEMENT

pensée vraie doit-elle résider dans cette pensée même, sans relation à d'autres. Ellene reconnaît pas non plus comme cause un objet, mais doit dépendre de ia puis-sance même et de la nature de I'entendement. Si en effet nous supposons que l'en-tendement â perçu quelque être nouveau qui n'a jamais existé (109), ainsi que cet-tains conçoivent I'enteûdement de Dieu avzntla création (perception qui n'a pu, àcoup sûr, provenir d'aucun objet), et que d'une telle perception il en déduise légiti-mement d'autres, toutes ces pensées seraient vraies, sans être déterminées par âucunobjet extérieur; elles dépendraient de la seule puissance et de la natute de I'entende-ment. C'est pourquoi ce qui constitue la forme de la pensée vraie doit être cherchédans cette pensée même et déduit de la nature de I'entendement.

Donc, pour mener cet examen, plaçons sous nos yeux quelque idée vtaie dontnous sâvoTrs avec Ia plus grande certitude que son obiet dépend de notte force depenser, et qu'elle n'a aucun obiet dans la nature ; c'est sur une telle idée, comme ilressoft de ce qui vient d'être dit, que nous Pouffons plus facilement examinet ce quenous voulons. Par exemple, pour former le concept de sphère, fe forge (110) à mongré la fiction d'une cause: un demi-cercle tourne autour de son centre et la sphèreest cornme engendtée pat cette rotation. Cette idée est assurément vraie et, quoiquenous sachions qu'aucune sphère n'a jamais été engendrée ainsi dans lâ nature, c'estlà pourtant une perception vraie et la manière la plus facile de former le concept desphère. Il faut noter maintenant que cette petception affirme que 1e demi-cercletourne, affirmation qui serait fausse si elle n'était jointe au concept de sphère ou à

celui d'une cause déterminant un tel mouvement, c'est-à-dire, absolument parlant, s.i

cette affirmation était isolée (1 11). Car I'esprit ne tendrait alors qu'à affirmer le seulmouvement du demi-cetcle, mouvemeflt qui n'est pâs contenu dans le concept de

demi-cercle et qui ne résulte pas non plus du concept d'une cause déterminant Iemouvement. Aussi ia fausseté consiste-t-elle en cela seul qu'au suiet d'une chose onaffirme quelque chose qui n'est pâs cofltenu dans le concept que nous en âvons

formé, comme le mouvement ou le repos au sujet du demi-cercle. D'où suit que les

pensées simples fle peuvent pâs ne pâs être vraies (112), comme f idée simple dudemi-cercle, du mouvement, de la quantité, etc. Ce qu'elles contiennent d'affirma-tion est adéquat (113) à leur concept et ne s'étend pas au-delà; ce poutquoi il nous

est permis de former des idées simples à notre gré sans Ia moindre crainte d'erreur.Il ne reste donc qu'à chercher par quelle puissance notre esPrit peut les former

et iusqu'où s'étend cette puissânce : cela trouvé, nous verrons facilement la connais-sance la plus haute à laquelle nous pouvons parvenir. Il est en effet certain que cette

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73

Ç5 deducere mr. W : deduceret OP 7 eadem on. NS 10 poterimus azz. À/J 22 nec ulvzse extendit azr. À/J 25 summam - 1 1Q1 cognitionem : het begrip van 't geen zien, tot de welke wyorue kennis konnen btengen NS @d, sutnnarn, ad quam possumus perducere cognitionem)

108 109

Page 29: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

TRACTÂTUS DE INTELLECTUS EMENDATIONE

l,llt0/2ttl Possumus pervenùe, cogni I tionem. Certum enim est hanc ejus potentiam se nono<tendere in infnitum. Narrl cum aliçid de aliqua re affifinamus, quod in conc€ptq quernde ea forrnamus, non continetu, id defectum nostrae perceptionis indicaq sive quod Âuti-latas quasi et truncatas habernus cogitationes sive ideas. Motum enim semicirculi irlrnm or.

5 vidimr:s, ubi nudus in menæ est, eum ipsum autern venrr\ si concçtr:i globi jungatur velconcePtui alicuius causae talem motum determinantis. Quod si de natura entis cogitantissit, uti pdma ftonte videtur, cogitationes veras sive adaequatas forrnare, certum est id€as iru-daequaas ex eo tântum in nobis oriri, quod pars sumus alicujus entis cogitantis, cuiusquaedam cogitationes ex toto, quaedâm ex pârte tantum nostrârn mentern consdtuunu

10 f4l S.d çod adhuc venit considerandum et çod circa fictionern non fuit operae pre-tium noarg .t ubi maxitna danr deceptio, esg quando contingit ut quaedarr\ W e'-futrùo.-tione offen:ntu, sint etiam in lntellecna hoc es! quod clare et distincte concipiantur, quodtum, quamdiu distinctum a confi.rso non distinguitur, certitudo, hoc es! idea vera cumnon distinctjs commiscenr. Ex. gr., quidam Stoicorum forte audiven:rrt nomen ânimâE et

15 euarn $od sit immoralis, quâe tantum confi:se rnaginabantra inrâginabanûr aiam simd etinæ[içbant, corpora subtilissima caetea omnia pene&arc et a nu]lis penetrari. Cum haecomnia simul imaginabantur, concomitante certiudine hujus axiomatis,statim certi reddeban-trr menffin esse subtilissima illa coryor4 et subtilissima {} cory"o non dividi etc.

[5] Sed ab hoc etiam liberamur, dum conâmur ad normam datae vene ideae omnes20 nostss perceptiones cavendo, uti initio diximus, ab iis, +qs or auditu aut ab ope-

denûâ v4ga habemus. Adde çod alis deceptio ei< eo orinu, quod res nimis abstracte conci-plur.p rram Per se satis darum esq me illud, quodin suo vero objecto concipiq alteti non posseapplicae Oriar denique etiam ex eo, quod prima elementa totius naturae non intelligungunde, sine ordine procedendo et rururtm cum abstractis, quâmvls sint vera axioÀata,

/291 25 confundendo, se ipsos confundunt ordinemque nâturae pewer I tunt. Nobis autem, siquam minime absffacte procedamus et a primis elementis, hoc est, a fonte et originenaturâe, quam primum fieri potest, incipiamus, nullo modo talis deceptioerit metuenda. [6] Quod autem affinet ad cogrritionem originis naturae, -irrl-.

TRAITE DE L{ REFOR"\IE DE LEr.\TENDEMENT

puissance de I'esprit ne s'étend pas à I'infini. Car lorsque nous affirmons d'unechose quelque chose qui n'est pas contenu dans le concept que nous en formons,cela indique un manque en notre perception, c'est-à-dire que nous avons des pen-sées ou idées en quelque sorte mutilées et ffonquées (114). Nous âvons vu en effetque le mouvement du demi-cercle est faux quand il est isoié dans I'esprit, mais vrais'il est joint au concept de la sphère ou au concept de quelque cause déterminant untel mouvement. Que s'il est de la nature d'un être pensant, comme ii semble âu pre-mier abord, de former des pensées vraies, c'est-à-dire adéquates, i.l est certain que les

idées inadéquates naissent en nous de cela seul que nous sommes une panie dequelque être pensant dont ceftâines pensées en leur totalité, d'autres en partie seule-ment, constituent notre esprit (115).

Mais i1 faut encore observer quelque chose qu'il ne valait pas la peine de notet à

propos de la fiction, et c'est le cas où l'on se trompe le plus gravement: quand ilarrive que certaines choses qui s'offrent à f imagination sont aussi dans I'entende-ment, c'est-à-dire sont clairement et distinct€ment conçues. Car alors, tant que ledistinct n'est pas distingué du confus, la certitude, c'est-à-dire I'idée vraie, est mêléeaux idées non distinctes. Par exemple, certains des Stoïciens ont entendu à I'occa-sion le mot d'âme et aussi qu'elle est immortelle, choses dont ils n'avaient qu'uneimagination confuse; ils imaginaient aussi en même temps, tout en le comptenant,que les coqps les plus subtils pénètrent tous les autres et ne sont pénérés Par aucun.Comme ils imaginaient tout cela en même temps, en y joignant la cert-itude de cetaxiome, ils devenaient aussitôt certains que I'esprit consiste efl c€s corPs très subtilset que ces co{ps très subtils ne sont pas divisés, etc.

De cela aussi nous nous délivrons en nous efforçant d'examiner toutes nos Per-ceptions selon la norme de I'idée vraie que nous âvons, nous gardznt, comme nousI'avons dit au début, de celles que nous tirons du our-dite ou par expérieflce vague.Ajoutez que si I'on se trompe ainsi, c'est qu'on conçoit les choses de maniète tropabstraite ; car il est de soi suffisamment clair que ce que je conçois dans son véritableobfet, fe ne puis l'appliquer à quelque chose d'autre. Cela provient enfln aussi de ce

qu'on ne comprend pas les éléments premiets de toute la nature ; par suite, procé-dant sans ordre et confondant Ia nafure avec des abstractions, quand bien même ce

seraient des axiomes vrais, on tombe soi-même dans la confusion et I'on pervertitI'ordre de la nature (116). Quant à nous, si nous procédons de manière aussi

peu abstraite que possible et si nous commençons aussitôt que possible par les pre-miers éléments, c'est-à-dire par la source et I'origine de la nature, nous n'auronsâucunement à redouter de nous tfomper ainsi. Et en ce qui concerne la

74

15imaginabanturetiamsimul comxiexNsZybeelddenzichookmetenenirlenve$tonden:imagirubantur etiam, et simul intelligebant OP, edd. 1.8 xpunxi, on. NS: 'ùJa Op, edd,

110 111

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TRACTÂTUS DE INTELLECTUS EMENDATIONE

est timendum ne eam cum absffactis confundâmus. Nam, cum aliquid abstracteconcipitur, uti sunt omnia universalia, semper latius comprehenduntur in intellectu,quâm revera in natura existefe possunt eorum particularia. Deinde, cum in naturadentur multa quorum differentia adeo est exigua ut fere intellectum effugiat, tumfacile (si abstracte concipiantur) potest contingere ut confundamur. At, cum origoNaturae, ut posteâ videbimus, nec abstracte sive universaliter concipi possig "neclatius possit extendi in intellectu qufin revera est, nec ullam habeat similitudinem cummutabilibus, nulla circa ejus ideam metuenda est conclusio, modo normam veritatis(quam jam ostendimus) habeamus. Est nimirum hoc ens unicum, dinfinitum, hoc est,est omne esse et pfaeter quod nullum datur esse.

[7] Hucusque dê idea falsa. Supetest ut de idea dubia inquimmus, hoc est, ut inqui-râmus quaenâm sint ea, quae nos possunt in dubium pertrahere, et simul quomododubitatio tollatur. I-oquor de vera dubitatione in mente et non de eâ quam passim vide-mus contingere, ubi scilicet verbis, quamvis animus non dubitet, dicit quis se dubitare.Non est enim methodi hoc emendare, sed potius pertinet ad inquisitionem perti-naciae et ejus emendationem.

[78] Dubitatio itaque in anima nulla datur per rem ipsam de qua dubitatur;hoc est, si tantum unica sit idea in anima, sive ea sit vera sive falsa, nulla dabiturdubitatio neque etiam certitudo, sed tantum talis sensatio. Est enim in se nihjlaliud nisi talis sensatio; sed dabitut per aliam ideam, quae non adeo clara acdistincta est, ut possimus ex ea aliquid certi citca rem de qua dubitatur,

c. Hoc suprajan dnmonslratum est Si enin ta/e ens non Nisteftl, n&nq&alnpossetprvdaci; adeoqae mentpl*: potset intelligerc qilam ndtua Praestar, rlaod stpra fahan esse ûrxtitit

à. Ifaec non sunt altributa Dei, quae utendunt ipsitts essentiam, at in Philosophia ostendam.

4 adeo - effug1at : zeer klein is, en nauwelijks ventaan kan word en (for.L vùde est exigu4 et fete inæl-lechlm effr€ig 5 confrrndamur: confirndantur crm Br., in. NS zy velrnrt worden,edd. 6 c hic posui, nniecturam KaQaaius: a OP ubi ryfeÉur ad 1,0 es:ê t habeamus : volgen À/J@A teneamus) 9 d conwi: z OP 13-14 videmus contingere: hoten NS (fort audimus)

TRAITÉ DE IÀ RÉFORME DE L'ENTENDEMENT

conlaissance de I'origine de la natute, il n'est nullement à craindre que nous lâconfondions avec des abstractions. Lorsqu'on conçoit quelque chose de manièreabstraite, comme c'est le cas pour tous les universels, ces concepts s'étendent tou-jours dans I'entendement plus loin que ne peuvent existet réellement dans la natuteles choses particulières qui leur correspondent. De plus, comme il y a dans la naturebien des choses dont la diffétence est si mince qu'elle échappe presque à I'entende-ment, il est alors facile (si on les conçoit de manière absuaite) de tombet dans laconfusion (117). En tevanche, I'origine de la nature, nous le verrons plus tard, nepeut être conçue de manière abstraite et universelle, elle ne peut s'étendte dans I'en-tendement plus loin qu'en téalité', elle n'a âucune ressemblance avec les choseschangeantes ; aucune confusion n'est donc à redouter concernânt son idée, pourvuque nous ayons Ia norme de lavêité (que nous avons déjà indiquée). De toute évi-dence c'est un être unique, infinid ; âutrement dit, c'est la totâlité de l'être, en dehorsde quoi il n'y a aucun être.

Voilà pour l'idée fausse. Il nous reste à examiner l'idée douteuse, c'est-à-dire à

examiner en quoi consiste ce qui peut nous entraîner dans le doute et, du mêmecoup, comment le doute est dissipé. Je pade du doute effectivement éprouvé dansl'esprit, et non de celui que nous voyons couramment survenit (120) quand, enparoles, sans que l'esprit doute, quelqu'un dit qu'il doute. Ce n'est pas en effet à laméthode qu'il appartient de réformer cette âttitude, mais plutôt à I'examen et à laréforme de I'entêtement.

Ainsi, il n'y a aucun doute qui vienne en l'âme par la chose même dont ondoute ; autrement dit, s'il n'y a dans l'âme qu'une seule idée, qu'elle soit vraie ouqu'elle soit fausse, il n'y aua aucun doute, ni certitude non plus, mais seulement telou tel sentimeit (121). En elle-même, elle n'est en effet rien d'autre que sentimentde ceci ou de cela. Mais le doute viendra pâr une autre idée, qui n'est pas suffisam-ment claire et distincte pour que nous puissions en conclure quelque chose decertain concernant la chose dont on doute; âutrement dit, I'idée qui nous fette

c. Cela a déjà été démontté plus haut. Si en effet un tel être n'existait pas, il ne pourraitjamais ête produit; si bien que l'esprit pourtait comprendte plus que la nature ne pourtaitoffrir, et l'on a établi plus haut que c'est faux (118).

d. Ce ne sont pas là des attributs de Dieu qui montrent son essence, comme ie le monte-rai dans la Philosophie (119).

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vfiTRACTATUS DE INTELLECTUS EMENDATIONE

.182/301 conduderq I hoc est, idea, quae nos in dubium conficig non est dara et distincta k gr" ri

çis nunqum cogtaverit de sersuum fa.lla"i4 sive experientia sive quomodocunque sit, nun-quam dubitabit an sol major aut minot sit quam appareq iflde rustici passim miranfi.u, crrnaudiunt solem multo majorem esse quam globum ærrae. Sed'cogiando de fallacia sensuum

5 oritur dubitatio, et si çis, post dubitâtionen\ veram cogritionern sensurm etquomodo per eonun instnmenta res ad distantiam repraesententur, tum dubitatio iterumtollitur.

[9] Unde sequiuu nos non posse veras ideas in dubium vocare er< eo quod forte aliquisDeus deceptor existag qui vel in maxime certis nos falliq nisi quamdiu nullam habemus

10 claram et distinctam <Dei> ideam, hoc esg si attendamus ad cognitionem quam de origineomnium rerum habemus, et nihT inveniamus quod nos doceat eum non esse deceptoremeadem illa cognitione qu4 cum attendimus ad naturam triangulL invenimus ejus tres angulosaequales esse duobus rectis; sed si alem cognitionem Dei habemus qualern habernus uian-gul, ûm omnis dubitatio tolliu:t Et eodern modq qro possumus pen'enire ad ulem cogni-

15 tionem trianguli, quamvis non certo sciamus an aliquis summus deceptor nos fallag eodernaiam modo possumus pervenite ad alem Dei cognitionem, quamvis non certo sciamus andehff $xs summus decçtor eg modo eam habeamus, suficia ad tollerxiarq uti dixi, ornnemdubitationem quam de ideis claris et distinctis habere possumus.

[80] Potro, si quis tecæ pnrcedatinvestjgando qrae pnus suntinvestiganda nulla intemrpa20 concatenatione refl.un, et sciat quomodo quaestiones sint deteminânda€ antequam ad

ean:m cognitionern nunquâm nisi certissimas ideas, id est, dâras et distiflctashabebir Nam dubitatio nihil âliud est qrum suspensio arrimi circa aliquam affirmationemaut negationem <rei>, quam afûrmaret aut negaret, nisi occurreret aliquid, quo ignoto,cognitio ejus rei debet esse imperfeca. Unde colligitur quod dubitatio semper oritur ex

25 eo, quod res absque ordine investigentur.

Id ut, scit sensus aliqaando u duepisrc; sed hoc tantum confuse scit; nam nescit qaomod.o sensas

3 lnde on. NS 4 e nnwi : l: OP 6 itenm on. NS 1,0 Dei srppl G ex NS: on. OL Br,14- 1,3 pstrcæs add. NS zo bliift de twijtrelrrg, rin. G @, (fox. nm dubiatio manet) 23 teisnpplctti, van't geen, 't welk À,lJ: om. OP, G 2627 ita adnotatio babeur in OP: NS, G ins. post5 dubitatio.

TRAITÉ DE I-A RÉFORME DE L'ENTENDEMENT

dans le doute n'est pas clure et distincte. Par exemple, si I'on n'a jamais pensé à unetromperie de s sens, que ce soit pour en avou fait l'expérience ou tout autrement, onne doutera iamais si le soleil est plus grand ou plus petit qu'il n'apparaît; aussi est-ilcourant que les paysans s'étonnent quand ils entendent dire que le soleil est beau-coup plus grand que le globe teff€stre. Mais que I'on pense à une tromperie des

sens" (122), et le doute naît. Et si, après avoir douté, on a acquis une connaissancevraie des sefls et de la façon dont, par I'entremise des organes des sens, Ies chosessont représentées à distance, alors le doute est à son tour (124) dissipé.

D'où il suit (125) que si nous pouvons révoquer en doute les idées vraies enpensânt qu'il eiste peut-être quelque Dieu trompeur qui ûous abuse même dans les

choses les plus certaines, c'est seulement aussi longtemps que nous n'avons aucuneidée claire et distincte de Dieu (126), c'est-à-dire seulement si nous portons notreattention sur lâ connaissance que nous âvons de I'origine de toutes choses et si nousne trouvons rien qui nous aPprenne que Dieu n'est pas tfompeur Pâf une connais-sance semblâble à celle qui nous fait trouver, quand nous Portons notre attentionsur la nature du triangle, que ses trois angles sont égaux à deux droits ; mais si nousavons une connaissance de Dieu telle que nous efl avons du triangle, alors toutdoute est dissipé. Et de même que nous pouvons parvenir à une telle connaissancedu triangle, bien que nous ne sachions pas âvec certitude si quelque souverain tom-peur nous abuse ou non, de même aussi nous Pouvons parvenir à une telle connais-sance de Dieu, bien que nous ne sachions pas avec ceftitude s'il y a ou non un sou-verain tromperu ; et Pourvu que nous âyons cette connaissance, elle suffra, commeje I'ai dit, pour dissiper tout doute que nous pouvons avoir sur les idées claires etdistinctes.

Allons plus loin (127) : si l'on procède correctement dans l'étude de ce qui doitêtre étudié d'abord, sâns âucune intemrption dans l'enchaînement des choses, et siI'on sait comment déterminer les questions avant de s'attacher à leur solution, onn'atra jamzlLs que des idées très certaines, c'est-à-dire claires et distinctes. Car ledoute n'est rien d'autre que la suspension d'une zfftrmaaot ou d'une négation queI'esprit effectuerait s'il ne se présentait quelque chose dont I'ignorance rend néces-sairement imparfaitela connaissance de la chose en question. D'où I'on conclut quele doute naît touiours de ce que les choses sont étudiées sans otdre.

e. Ptécisons : on sait (123) que les sens nous ont quelquefois abusés ; mais cela, on ne le

sait que confusément, car on ne sait pas de quelle façon les sens ûompent.

79

fallant.

t1,4 115

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TRACTATUS DE INTELLECTUS EMENDATIONE

1383/311 [81] Haec sunt quae promisi tradere in hac prima paræ methodi. Sed, lut nihii omittameorurn qu†ad cognitionem intellecnrs et ejus vires possr:nt conducere, tradam etiam paucade memoda et oblivione. Lrbi hoc maxime venit considerandum, quod memoda corrobo-retur ope inællecn:s et etiam absque ope intellectr:s. Narn, quoad pdmr:r.t, quo res magis est

5 intelligibilis, eo facilius retinetur, et contr4 ço minu, eo facilius eam obliviscimur. Ex. gr, sitradam aliari copiam verborum soluon:rrl ea multo dificilius retinebit quam si eadem verba infomra narrationis tradam.

[82] Corroboratur etiam absque ope intellecnx, scilicet a vi qua imaginatio, aut sensusquem vocaf,rt cofilrnun€f4 afficinr ab aliqua re singulari corporeâ Dico dngulavm, imagjrutio

10 enim tantum a singuJaribus afficinr. Narq si çis lguiq e>. gr., uriam tannrm fabulam amato-riam, eam optime retinebit, luamdiu non legerit plurcs alias ejus geneds, quiâ turn sola vigetin n4gtnationq sd si plutes sint ejusdem generis, simul omnes imaginâmur et fâcile confi.rn-duntur. Dico et:am m/naamma solis corporibus afficitwimaginatio. Cum itaque memoriaab inællectu corroboretur, et etiam sine intellectu, inde concluditur eam çid diversum esse

15 ab intellectr:, et circa intellectum in se spectatum nullam dari memoriam neque oblivionem.

[83] Quid eqo ent memoria? Nihil aliud quam sensatio impressionum cerebri, simul cumad deærminatam durationem tensationis. Quod etiarn osteridit rerniniscenua

narq ibi anima cogitat de illa sensationg sed non sub continua duratione, et sic idea istiussensationis non est iPsa duâtio sensationis, id est, ipsa memoria. An vero ideae ipsae ali-

20 quam patiantur cornrptionem, videbimus in Phlosophia. Et si hoc alicui valde absurdumvideatut, sufficiet ad nostrum propositum ut cogitet quod, quo res est singLrlarior, eo âcilius

1384/321 retineatur, sicut er< exernplo comdiae modo allato pateL Porro, quo rrs in lællgibilioa eoetiam facilius retinenr. Unde maxime singulârern et snuûlrnodo trtelligibilem non poterimusnon tetinere.

25 f. Si wn dlîatio it indetemiflata, nenoria /w rci est inpnfiAa, qaod quitque etian uidcbr a nah.ra didj-cisse. Saepe enin, tt ali,csi melias avdanas itt eo qtd dicit, mganu qtaxda et ubi id contigerit paamuis etianideae ipsae suam babeanl dlrationem in meiltq lamefi, otm assreti simss daralionem determinare ope ali@lt,ileflssrae mltur, qnd etian ope inagittationisft, ifuo nulkn adbac memoiam abstnamas, quat itp*az ttutis.

12 confundunrur : en verwarren hen À/J @rl. conftndimus) 75 f nnexi: d OP

81'i$gfl,{ftvrl

TRAITÉ DE LA RÉFORME DE L'ENTENDEMENT

Telles sont les questions que f 'ai promis de traiter dans cette première partie dela méthode. Mais pour ne rien omettre de ce qui peut contribuer à la connaissancede l'entendement et de ses forces, j'ajouteru quelques mots sur la mémoire et l'ou-bli. Ici la principale observation à faire, c'est que la mémoire s'affermit avec I'aide del'entendement, et aussi sans I'aide de I'entendement. D'abord, en effet, une choseest reteflue d'autant plus facilement qu'elle est intelligible ; et inversement nous I'ou-blions d'autant plus facilement qu'elle I'est moins. Par exemple, si je donne à quel-qu'un une multitude de mots sans Iien, il les retiendra beaucoup plus difficilementque si je lui donne les mêmes mots sous forme de Écit.La mémoire s'affermit aussisans I'aide de I'entendement, à savoir par la force avec laquelle l'imagination, ou lesens dit commun (128), est affectée pâr une chose singulière corporelle. Je dis ingu-liàrc : l'imzgjnation n'est en effet affectée que par les choses singu-lières. Par exemple,si quelqu'un n'a jamais lu qu'une seule comédie galante, il la retiendra parfaitementtant qu'il n'en aura pas lu plusieurs âutres du même genre, parce qu'elle est alorsseule à s'imposer dâns l'imagination ; mais s'il y en a plusieurs du même geflre, nousles imaginons toutes à la fois et elles se confondent facilement. Je dis aussr corporelle:

car llmagination est affectée seulement par les corps. Si donc la mémoire s'affermitgrâce à i'entendement et aussi sans l'entendement, on en conclut qu'eiie est queiquechose de différent de I'entendement et que, concernant l'entendement pris en lui-même, il n'y a ni mémoire ni oubli. Que sera donc la mémoire ? Rien d'autre que lasensation d'impressions du cerveau, accompagnée d'une pensée visant à détermi-net (129) la durée de la sensationt. Ce que montre aussi la réminiscence. Dans ce cas,en effet, 1'àrne ala pensée de cette sensation, mais sans la situer dans la continuité dela durée; et ainsi I'idée de cette sensation n'est pas la durée propre à la sensadon,c'est-à-dire n'est pas à proprement pader mémoire. Quant à savoir si les idées elles-mêmes sont suiettes à quelque corruption, nous le verrons dans la Philo-sophie (131). Si cela vous paraît totalement dénué de sens, il suffira pour notre pro-pos que vous pensiez que plus une chose est singulière, plus il est facile de la retenir,comme le met en évidence l'exemple de la comédie mentionné à I'instant; si I'ona)oute que plus une chose est intelligible, plus il est facile également de la tetenir, ilen résuite que nous ne pourrons pas ne pâs retenir une chose au plus haut pointsingulière et purement inlslligible (132).

f. Si au conuaire la dutée est indéterminée, 1a mémoire de la chose est imparfaite : tout le

monde semble l'avoit appris naturellement. Souvent, en effet, pour mieux croite quelqu'undans ce qu'il dit, nous demandons quand et où cela est arrivé. Les idées eiles-mêmes ont bienaussi leur propre durée dans I'esprit, mais comme nous sommes habitués à déterminer la duréeà l'aide d'une mesure de mouvement, ce qui se fait aussi à l'aide de I'imagination, nous n'obser-vons jusqu'ici aucune mémoire qui soit le fait de l'esprit pur (130).

t:Ii

11,6 117

Page 33: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

10

TRACTATUS DE INTELLECTUS EMENDATIONE

.[8]l Sic-rtaqug distinximw inter ideam veram et câeteras perceptiones, ostendimwç9çod ideae fræe,falsae et caeterae habeant suam originem ab imagjnation€, hoc esg a çibus-dam sensationibus fornritis (ut sic loçar) atque solutis, quae nôn orir:rtw ab ipsa merrtis

Potent4 sed a cawis exçtemis, prout coryus, sive somniando sive vigilando, varios accipitmotus. Vel si placeq hic per imaginationem quicquid velis cape, modo sit çid divenum àbintellectu, et unde anima habeat rationem patientis. Perinde enim est $xcquid capias, post-quaT novimus

-eandern Trid rzgum esse et a quo arrima patinu, et simul etiam novimus ço-modoope intellecn:s ab eadern libemmur. Quare etiam nemo miretur me hic nondum pro.bane dari colpus et alia necessari4 er tamen loqur de imaginationg de co4rore et eiuscorstitrrtione. N*pg ut dixi, est pednde +rld opirtq posû+râm novi esse çA vagum etr

[8! At ideam veram simplicern esse ostendimus aut or simplicibus compositam, et quaeostendit quomodo et cur aliquid sig aut factum siq et quod ipsius effecnx obiectivi inanima ptocedunt ad rationem fonrralitatis ipsius objecti Id quod idem est quod veteres dixe-runt, flernpe veram scientiam procedere a causa ad effecnrs; nisi quod nunquarq çod sciarn"conoï)erunq uti nos hig animârn secundum ceras lges 4gentem et quæi aliquod automaspiribrâle

p{ U@quanumininitio licuigacquisivimusnotitiamnosuiintellectus et talemnormamverae ideag ut jam non vereamur ne verâ cum falsis aut fictis confundamus. Nec etiam

cur quâ€dam intelligamus quae nullo modo sub imaginationem cadr:n! et aliasint in tn'raginatione quae prorsus oppugnant intellecnrn, alia denique cum intellectuconveniang quandoquidem novimus operationes illas, a quibus imaginationes producun-tur, fied secundum alias lçgss, pl'o$us divenas a legjbus intellecn-rs, et animam circa irnâgnationern tantum haberc rationem patientis. ffi Ex quo etiam constat, quam facile ii in

TRAITÉ DE I-A RÉFORME DE L'ENTENDEMENT

Ainsi donc nous âvons distingué I'idée vraie de toutes les autres petceptions etnous avons montré que les idées fictives, fausses, et l€s autres, tirent leur origine deI'imagination, c'est-à-dire de certaines sensations fotuites (pour ainsi dire (133)) etsans lien, qui ne proviennent pâs de la puissance même de l'esprit, mais de causesextérieures, selon que le corps, qu'il rêve ou qu'il veille, reçoit divers mouvements ;ou si I'on préfère, qu'on entende ici par imagination tout ce que I'on voudra, pourvuque ce soit quelque chose de différent de I'entendement, et qui confère à l'âme unrôle passif. Peu importe en effet la manière dont on I'entend, dès qu'on sait qu'elleest queique chose de vâgue et qui rend l'âme passive (134), et qu'on sait aussi par là-même comment s'en libérer avec I'aide de I'entendement. Que personne ne s'étonnedonc que ie ne prouve pâs encore ici qu'il y â un corps (135), et autres choses néces-saires, tout en padant de I'imagination, du corps et de sa constitution : peu importe,je I'ai dit, comment je I'entends, dès que je sais qu'elle est quelque chose devâgue, etc.

Du moins avons-nous montré que I'idée vraie est simple ou composée d'idéessimples, qu'elle montre comment et pourquoi quelque chose existe ou s'est produit,et que ses effets objectifs procèdent dans l'âme en râpport avec l'êue formel de sonobjet ; ce qui revient à ce qu'ont dit les anciens, à savoir que la science vraie ptocèdede la cause aux effets, à ceci près que jamais, que je sache, ils n'ont conçu l'âme, ainsique nous le faisons ici, comme agissant selon des iois déterminées, et pour ainsi ditecomme un automate spirituel (136).

Par là nous avons acquis, autânt qu'il était possible audépart,la notion (137)de notre entendement, et une nofine de I'idée vraie telle que désormais nous necraignons plus de confondre Ie vrai avec le faux ou le fictif. Nous ne nous deman-detons pas non plus pourquoi nous avoTrs l'intellection de certaines choses qui netombent d'aucune façon sous I'imagination, pourquoi il y a dans I'imaginationdes choses qui s'opposent complètement à I'entendement, et d'autres enfin quis'accotdent avec I'entendement, puisque nous sâvons que les opérations quiproduisent les imaginations s'effectuent selon d'autres lois, complètement diffé-tentes des lois de l'entendement, et que i'âme, s'agissant de I'imagination, n'aqu'un rôle passif. Ainsi l'on reconnaît avec quelle facilité ceux qui n'ont pas

ùïi:i.Et,id

iit:.i

15

3 (ut sic loquar) atque solutis: en (om zo te spreken) losseC 6 hat:eat rationern patientis: adl ganscheliik

^/J^/J

21 illas om. NS

À/$ atque (ut sic loquar) solutis7 patitur: aàl gnschehlk

118 119

Page 34: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

F;ttTMCTATUS DE INTELLECTUS EMENDATIONE

l3tl5/331 lmagnos effores possunt delabi, qui non âccurate distinxerunt inter imagrnationem etintellectionem. In hos, ex. gr., quod extensio debeat esse in loco, debeat esse finit4 cujuspartes ab invicem distinguantur realiter, quod sit primum et unicum fundamentumomnium rerwn, et uno tempore majus spatium occupet quam alio, multaque ejusmodi

5 dtz, quae omnia prorsus oppugnant veritatem, ut suo loco ostendemus.

[88] Deinde, cum verba sint pars imaginationis, hoc es! quod, prout vage ex aliquadispositione colporis compofl.mtur in memori4 multos conceptus tngamus, ideo nondubitandum quin etiam verba, aeque ac imaginatio, possint esse causa multorummagnorumque errorum, nisi magnopere ab ipsis câveâmrs. [89] Adde quod sint consti-

10 tua ad libitum et captum r,rrlgi, adeo ut non s.int nisi signa renrm, prout sunt in irnagina-tiong non âutem prout sunt in intellectu. Quod dare patet ex eo, quod omnibus iis, quaeantum sunt in intellectu et non in imaginatione, nomina imposuerunt saepe negativa, utisunt incolporeum, infinitum etc.; et etiam multa, quae sunt revera affrrmaiv4 negativeexprimunt et contra, uti sunt increarum, independens, infinitum, immortale etc., quia

15 nimirum horum contraria multo facilius imaginamu, ideoque prius primis hominibusoccurrefl.rnt et nominâ positiva susufpârunt

[90] Vitamus pr eterc aliam magnam causam confusionis, et quae facig quominusintellectus ad se reflecta: nempe, curn flon distinguimus inter imaginationem et intel-lectionem, putamus e , quae faciJius imaginamur, nobis esse clariora, et id, quod imagi-

20 ftlmur, putâmus intelligere. Unde, quae sunt poslponenda anteponimus, et sic verusordo ptogrediendi pervertitur, nec aliquid legitime concluditur.

l3tl6/341 [91] hPoro, ut tandern ad secundam parærn huius methodi perve Iniamus, proponâm,

primo, nostrum scopum in hac methodo, ac deinde media, ut eum attingamus. Scopus

g. Malta afirnanas €t negamr/s, qaia natara auùorum id afimarc et ltegarc Patitt/r, flzn aerv rcrun25 natura; adeoqtq hac ignorata, facile aliqaidfalsan pro tvm saneftnt$.

h. Prauipaa hujuspartis rugula est, ut expinaparte seqtlitt/r; rccensm omnes iùas, quas expum inallecta

in robis inaenimts, at eae ab iis, qaat imaginamur, distinguartuq qtod expropiefatibas unizsctjatqze, nempe

inaginationis et inallearc, eit eliciendtlnr.

3 distinguantur ran trZ: distingur.rntut OP, L C 1.4 sr.nÊ on. NS 16 hic posui signun adnot.

gsin.N$abiignrnalnot halryturante TTvit:rm.us 22hcorrexi:e OP 24m,:la,-25 sunere-mus in tu\ttl post 16 usntpannt pstit OP, G 28 intellectus comxi ex NS vetstzmt : intellectionis ONPàl

TRAITÉ DE I-A RÉFORME DE L'ENTENDEMENT

distingué soigneusemeflt I'imagination et I'intellection peuvefit glisser dans de graves

.ÎÏeo.i. Dans celles-ci par exemple : que l'étendue doit être dans un l-ieu, qu'elle doitêtre finie, que ses parties sont réellement distinctes les unes des autres, qu'elle est le

premier et l'unique fondement de toutes choses; qu'elle occupe à un certain

mo-.ttt plus d'espace qu'à un autre, et bien d'autres choses de ce genre' qui sont

toutes complètement opposées à la vétrté, comme nous le

lieu (138).De plus, comme les mots sont une partie de l'imagination, je veux dire que c'est

selon qulils se composent vâguemeflt dans la mémoire en vertu de quelque disposr-

tion du corps, que nous forgeons bon nombre de concepts (139), il ne fait pas de

doute qu'ilJpeuvent aussi, tout âutant que I'imagination, câusef de multiples et gra-

ves effèufs, à moins que nous nous mettions séfieusement en garde contre eux.

Aioutez qu'ils ont été formés selon lâ fantaisie et le point de I'ue de la foule (140), si

bien qu'ils ne sont que les signes des choses telles qu'elles sont dâfls I'imagination, et

non tèIes qu'elles sônt dans l'entendement. Voici ce qui le met en pleine évidence : à

tout ce quièst seulement dans I'entendement et non dans I'imagination, on a imposé

des termes souvent négtifs, comme incolporel, infini, etc., et même on exprime de

manière négative bien des choses qui sont en réalité positives, et inversement,

comme incréé, indépendant, infini, immortel (141), etc., parce que nous imaginons

bien sûr beaucoup plus facilement leurs contraires et que Pour cette raison ceux-ci

se sont pfésentés d'abord aux premiers hommes et ont accapaté les termes positifss.

Nous évitons en outre une âutre cause importante de confiusion, et qui

empêche I'entendement de réfléchir sur lui-même: quand nous ne distinguons pas

imagination et intellection, nous cfoyons que ce que nous imaginons plus facilement

est plus clair pour nous, et ce que nous imaginons, nous croyons en avoir I'intellec-

tion. Par suité, nous mettons avânt ce qui doit venir après ; ainsi le véritable ordre de

progression est perverti et il n'y a pas de conclusion légitime (142)'- Poursuivonr. Po,.rt ariver enfin à la seconde partie de cette méthodeh (143), je

présenterai d'abord le but qui est le nôtre dans cette méthode, et ensuite les moyens

g. Il y a beaucoup de choses que nous affirmons et nions parce que la nature des mots s'y

prête, mais non la nature des choses ; aussi, dans l'ignotance de celle-ci, nous prendrions faci-

lement pout vtai quelque chose de faux.h. La règle principale de cette partie, comme il suit de la ptemiète partie, est de recenser

toutes les idées que nous tfouvons en nous issues de I'entendement pur, pour les distinguer de

celles que nous imaginons ; ce qui devra ètre dêgagê à partit des ptopriétés respectives de

f imagination et de l'entendement.

88

li.r

ii.T:

90

91

121,

Page 35: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

TRACTATUS DE, INTELLECTUS EMENDATIONE

iaque est datas et listincas halrerc ideas, ales videliceq quâe ex purâ mentg et non ex fortuitismotibus-corpons factae sinc Deinde, omnes ideae ad .r.r^- ù redigantur, conabimur eastali modo concatenare et ordinate, ut mens nostra, quoâd .jus fiei potesg referat objec-tive formalitatem naturâe, çoad toum et çoad ejus paræs.

5 [94 Quoad primurq ut fam tradidim":, *qrjdt* ad nostrum u.ltimum ûnern, ut resconcipianrt vel per soiam suam essentiam vel per proximam suâm câusarn. Sciliceg si res sitin se, sivg ut rulgo dicittu,.causa su! tum per iolarn suam essentiam debebit intelligi Si verores non sit in sg sed requirat câusam ut existaq rum per proximam .*m .r.,.à- d.b.tintelligu nân, re\rer4 togritio effecnx nihil aliud est qû- p"rf..ti"to causae cogmtionem

10 acquirere.

[93] Unde, ntrnquâm nobis licebiq quamdiu de inquisitione remm agimq ex absuzctis ali-çid condudere; et magnopere cavebimus, ne misceamus e4 quâe tan"hm sunt in intellectqqg fu $* sunt in re. Sed optima coacluso erit depromenda ab essentia aliqua paniculariaffirmativ4 sive a vera et lçgitima definitione. Narrrab xiomatibus solis univenÀbus non15 potest intellectus ad slngularia descendere, quandoquidem axiomata ad infinita s€ g)ftendlurt,nec intellechrm mr4 ad unum quâm ad aliud ri"g"lro. conternplandum determinant.p4 Qur€ recta inveniendi via est erdau alicpa definitioire cqgiationes formare; quod eo feli-cius et facil-ius procedet,.quo rem-aliquam melius deûnivâmus. Quare cardJ totius hujussecundae methodi panls in hoc solo versatur, nempe in conditionibus bonae definitionis20 cogroscendis et deinde in modo eas inveniendi. PriÂo, itaque, de conditionibus definitionis

^g?Jn.- pq Defnitio,.ut dicaar perfec4 debebit intirnam essortiam rci erpÏcare, et câvere ne qusloco propna quaedam usurpernus. Ad çod erylicandurrL ut alia exernpla omittam, ne vidâaliorum errores velle detgere, adferam annrn o<ernplum alicuius rei Àstracae, quae perinde

t7 /351 25 est çomodocunque deûniaar, I circrni scilicet Quod" à a.n"iat lr I esse ûguram aïffi cuius

TRÀITÉ DE LA RÉFORME DE L,ENTENDEMENT

d'y accéder. Le but, donc, est d'avoir des idées claires et distinctes, c'est-à-dire tellesqu'elles proviennent de I'esprit pur et non de mouvements fortuits du corps.Ensuite, pour famenet toutes les idées à une seule, nous nous efforcerons de les

enchaîner et de les ordonner d'une façon telle que notre esprit, autant qu'il se peutfaire, rapporte objectivement l'être formel de la nafure, en sa totalité et dans ses

parties.En ce qui concerne Ie premier point, comme nous I'avons déjà exposé (144), il

est requis pour notre {in dernière qu'une chose soit conçue ou bien par sa seuleessence ou bien par sa cause prochaine. A savoir: si la chose est en soi ou, comrneon dit communément (145), cause de soi, elle devra alors être comprise par sa seuleess€nce; si au contraire la chose n'est pas en soi, mais requiert pour exister unecause, alors elle devra être comprise pâr sâ câuse prochaine. Car en vérité connaîftel'effet n'est rien d'auffe qu'acquédr une connaissance plus parfaite de la causei.

Aussi ne nous sera-t-il jamais permis, tant qu'il s'agit d'étudier les choses réelles,de conclure quoi que ce soit à partir d'abstractions ; et nous prendrons grand soin dene pas mêler ce qui n'est que dans I'entendement avec ce qui est dans le réel. La con-clusion la meilleure devra être tirée de quelque essence particulière afftmaùve (146),c'est-à-dire d'une définition véritable et légitime. Des seuls axiomes universels, eneffet, I'entendement ne peut descendre aux choses singulières, puisque les axiomess'étendent à une infinité de choses et ne déterminent pas I'entendement à considérerune chose singulière plutôt qu'une autre. C'est pourquoi la bonne voie de décou-verte consiste à se donner quelque définition comme point de départ pour formerdes pensées ; ce qui s'accomplira avec d'autant plus de bonheur et de facilité quenous aurons donné d'une chose une meilleure définition. C'est pourquoi I'axe detoute cette seconde partie de Ia méthode concerne exclusivement la connaissancedes conditions d'une bonne définition, puis la manière de les trouver. Je uaiteraidonc d'abord des conditions de la définition.

La définition, pour être dite parfaite, devra expliquer l'essence int-ime de lachose et prendre soin de ne pas lui substituer ceftains caractères propres. Pourexpliquer ce point, laissant de côté d'auttes exemples pour ne pas avoir I'air de rele-ver les erreurs des autres, j'apportetai seulement l'exemple d'une chose abstraitequ'il est indifférent de définir d'une manière ou d'une autre : l'exemple du cercle. Sion Ie définit comme une figure dans laquelle les lignes menées du centre à la

i. Notez qu'il en résulte manifestement que nous ne pouvons tien comprendre véritable-ment de la Nature sans par là même accroître la connaissance de la cause ptemière, c'est-à-direde Dieu.

93

i. My, Q*od binc @paruat rihil nos ù Natara posse </cgltine> inntligar, qain inat ngnitionetzt prinaccazsae, sitt Dei, anplioran nddanus.

8 ut eistat: om wezentlijk te zljn NS (in natg. causa existendi) 9 i cornxi: f op 14 a-xio-matjbus correx. G: axiomatis oP 18 cardo - 19 partis: de gtotvest van het tweede vandeze middel (fon. catào secundae hujus methodi) - 26 legitim"e sappleti ex NS utettelijk, ofbehotehik, sin. G

95

122

Page 36: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

TRACTÂTUS DE INTELLECTUS EMENDATIONE

lineae, a centro ad circumferentiam duct e, sunt aequales, nerno non vida talem detnitio-nem minime explicare essentiam circuli, sed tantrm ejus aliquam proprietâtem. Et quam-vis, ut dixi, ùca figuras et caetera entia rationis hoc parum referaq multum tamen refen circaerrtia phpica etrufu nimirurr! quia propdetaæs rerurn non intelliguntur, quamdiu ean:messentiae ignorantur. Si autem has praeterrnittimus, necessârio concâterntionem intellectus,quae natufâe concrten rtionem referre debeq pefvert€mus et a nostro scopo pnrrsus aberra-

bimus. Ut itaque hoc vitio liberemur, erunt haec observanda in definitione.[96J Si res sit creata:

1. definitio debebig uti diximus, comprehendere causam proximam. Ex. gr., circulus, secun-dum hanc legem, sic esset defniendus: eum esse fguram quae describinr a linea quacunqug

ffi.* €lrtrernitâs est fix4 alia mobilis; guae definitio clare comprehendit causam proxi-

2. Talis requilitur concqnrs rei, sive definitiq ut omnes proprietates rer, dum sol4 non auæmcum aliis coniuncr4 spectatr-u, ex ea condudi possinq uti in hac definitione cfuculi videre est.

Nam ex ea cbte concluditur omnes lineas a centro ad citcumferentiam ductas aequales

esse. Quodque hoc sit necessadum reçisitum deûnitionis, adeo per se est attendenti manifes-tum ut non videatut operae pretium in ipsius demonstratione morari, nec etiam ostendere exhoc secundo requisito ofir\em definitionem debere esse affirmativam. foquot de affirma-tione intellectiv4 parum curando verbalem, çae, propter verborum p€nwiârr\ potedt for-asse aliquando nçptive er<pdmr, quârnvis atrrnative inte[igâû]r.

[9] Defnitiorus vero rei inoeaae haec sr:nt requisita1. Ut omnern causam secludag hoc es! obiectr:m nullo alio pn€ter suum €sse çgeat âd suiexplicationern2. Uç data efus rei deûnitione, nullus maneat locus çaestioni, an sir3. Ut dJa quoad menterrg habeat subsantiv4 quâe possint adjectivarl hoc esg ne per ali-qua abstracta erplicetur.4. Et ultimo (quamvis hoc notare non sit valde necessarium) lrequùitur, ut ab ejusdefinitione omnes ejus proprietates concludantur. Quae etiam omnia âttendentiâccurate fiunt manifesta.

28 concludanrur: verklaart worden À/J

1,24

TRAITÉ DE I-A RÉFORME DE L'ENTENDEMENT

circonférence soflt égales, tout le monde voit qu'une telle définition n'expl-ique pâs

du tout I'essence du cercle, mais seulement une de ses propriétés. Et bien que,

comme je l,ai dit, s'agissant de figures et de tous les aures êttes de raison, cela

importe perr, cela impàrte beaucoup en tout cas- lorsqu'il s'agit d'êtres physiques et

réeis (1af : effectivement, on ne comprend pas les propriétés des choses tant qu'on

ignorè lerrrs €ss€nces. Or, si nous les négligeons, nous pervertirons nécessairement

lËnchaînement de I'entendement qui doit rapporter l'enchaînement de la nature, et

nous nous écarterons tout à fait dJnoue but. C'est pourquoi, Pouf nous délivrer de

ce défaut, il faudra dans la dé{inition fespecter les conditions suivantes.

Si la chose est créée (148) :

1. La définition devra, nous I'avons dit, comprendfe la cause prochaine. Par

exemple le cercle, selon cette règle, devtait être_défini comme suit: c'est une figure

décrià par toute ligne dont unJextrémité est fixe et l'aure mobile. Il est clair que

cette définition comprend la cause prochaine (149).

2. Le concept on défittitio.t de là chose doit être tel que toutes les propriétés de

la chose, quand on I'envisage seule et non jointe à d'autres, puissent en ê11e con-

.lo.r, co-*. on peut le .,oÈ drn. notre définition du cercle . En effet, on en conclut

ciairement que to;tes les lignes menées du centre à,la circonférence sont égales. Quece soit là un réquisit nécesiaire de la définition, cela est de soi si manifeste à qui est

attentif qu'il ne vaut pas la peine, semble-t-il, de s'attarder à le démontrer, ni non

plus de izuevoir, a partir dJ ce second réquisit, que toute définition doit être affir-

-atirre. Je parle de ltaffirmation mentale, me souciant peu de la-verbale, qui pouffa

peut-êtfe parfois, du fait de la pénude de mots, s'exprimer sous fotme négative, bien

qu'on l'entende de manière affrrmative.

Quant à la définition de la chose incréée, les réquisits sont les suivants.

1. Qu'elte exclue toute cause (150), c'est-à-dire que I'obiet n'ait besoin pouf son

explicâtion de rien d'autre que de son être propre'2. Qu'une fois donnée la dé{inition de cette chose, il n'v ait plus lieu de poser la

question : existe-t-elle ?

3. Qu'elle ne comporte, mentalement, aucun substantif- qui puisse être adfec-

ti;é(151), c'est-à-dire qu'elle ne s'explique pas pâr des abstractions'

4. Et pour finir ftien qu il ne soit pas absolument nécessaite de le noter), il est

,.qoi. q,r. to.ries les'propriétés dè la chose se concluent de sa définition. Tout

celà arssi devient manifeite à celui qui y prête soigneusement attention.

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10

1-5

25

1388/36)

3 castera on. NS 76 pet se on. NS

125

Page 37: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

TRACTÂTUS DE INTELLECTUS EMENDATIONE

_ [98]_Din etiam quod optima conclusio erit depromenda ab essentia aliqua pani-culari ,66t-rorra; quo enim specialior est idea, eo distinctior ac proinde .i"rior ..t.Unde cogmtio panicularium quam maxime nobis quaercnda est.

[99] Quoad ordinem vero, et ut omfles flostrae perceptiones ordinentur etuniantur, requiritur ug quamprimum fieri potest et ratio postuJaq inquiramus an deturquoddam ens, et simul quale, quod sit omnium rerun caus4 ut ejus essentia objectiva sitetiam causa omnium nostrarum ideamm, et tum mens nostta, uti diximus, quammaxime referet naturam; flârn, et ipsius essentiam et ordinem et unionem habebitobjective. unde possumus videre apprime nobis esse necessarium ut semper a rebusphysicis, sive ab entibus realibus, omnes nostras ideas deducamus, progrediendo,quoad ejus fieri potest, secundum seriem causarum, ab uno ente reali ad ali,rd ensreale, et ita quidem, ut ad âbstracta et universalia non transearnus, sive ut ab iis aliquidreale non concludamus sive ut ea ab aliquo reali non condudantur: utrumque enimverum pfogressum intellectus intemrmpit.

[100] sed notandum me hi.' per seriem câusarurn et realium entium non ntelligereseriem rerum singularium mutabiliurr\ sed antummodo seriem rerum fixârum aeterna-mrnque. Seriem enim rerum singulatium mutabilium impossibile foret humanae imbecillitatiæsequi, cum popter eâf,utn oûurctn flrmenrn superantem multitudinem, tum propter infi-nias circumstantias in una a eadern ne, quarurn unâquaeque potest esse caus4 ut res existataut non existag quandoquidem eanrm existentia nullam habet connexionem culn eârur-dern essentia" sive (ut jam diximus) non est aetema vedtas. [01] venrmenimvero nequeetiam opus est ut eanrm setiern intelligamus, siçidem remm singulâdum mutabilium essentiaenon sunt-dçromendae ab earum serie sive ordine existendi, cum hic nihil aliud nobis praebeatpraeter denominationes extrinsecas, relationes aut ad summum circumstantiai: quaeomnia longe absunt ab intima essentia rerum. Haec vero tantum est petenda a

-fixis

TRAITÉ DE LA RÉFORME DE L'ENTENDEMENT

J'ai dit aussi que la conclusion la meilleure devra être tirée de quelque essenceparticulière affirmative; en effet plus une idée est spéciale, plus elle est distincte, etpar conséquent plus claire. Aussi devons-nous rechercher le plus possible laconnaissance des choses particulières.

En ce qui concerne l'ordre, et pour ordonner et unifier toutes nos percep-tions (152), il est requis, dès que faire se peut et que la raison I'exige, que nous cher-chions s'il y a un certain être, et en même temps quel il est, qui soit la cause de touteschoses, de softe que son essence objective soit aussi la cause de toutes nos idées ; etalors notre esprit, nous I'avons dit (153), tappofiera le plus possible la nature, câr ilen a:ut^, sur le mode obiectif, et I'essence, et I'ordre, et I'unité. De là nous pouvonsvoir qul nous est âvant tout nécessaire de déduire touiours toutes nos idées dechoses physiques, c'est-à-dire d'êtte réels, en progressânt, âutant que faite se peut,selon la série des causes, d'un être réel à un autre être réel, et cela, bien sûr, sans pas-ser à l'abstrait et à l'universel, ni pour en conclure quelque chose de réel, ni pour leconclure de quelque chose de réel (154) : dans les deux cas en effet, on interrompt levéritable progrès de I'entendement.

Mais il faut noter qu'ici, par Ia série des causes et des êtres réels, ie n'entends pasla série des choses singulières chângeantes, mais seulement lâ série des choses flxeset éternelles. Il serait en effet impossible à la faiblesse humaine de saisir la série deschoses singulières changeantes (155), tânt à cause de leur multitude innombrablequ'à cause des circonstances infinies touchant une seule et même chose, circonstan-ces dont chacune peut être cause de son existence ou de sa non-existence ; car I'exis-tence de ces choses n'a aucune connexion avec Ieur essence ou, si I'on veut (commenous I'avons déià dit), n'est pas une vérité éternelle (156). Mais en vérité, il n'est pasnon plus besoin d'en comprendte Ia série, puisque les essences des choses singuliè-res changeantes n'ont pas à être tirées de leur série, c'est-à-dire de leur ordre d'accèsà I'existence, lequel ne nous offre rien d'autre que des dénominations extrinsèques,des relations, ou tout au plus des circonstances; et tout cela est bien éloigné deI'essence intime des choses. Cette essence, au contraire, ne doit être demandée

98

t0

l5

100

9 rppnme on. NS

126

Page 38: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

TRACTATUS DE INTELLECTUS EMENDÀTIONE

1389/371 atque aetemis re I bus, et simul a legibus, in iis rebus tanquam in suis veris codicibus ins-criptis, secundum quas omnia singularia et ûunt et ordinantur. Imo, haec mutabilia sin-gularia adeo intime atque essentialiter (ut sic dicam) ab iis fixis pendent, ut sine iis necesse nec concipi possint. Unde haec fixa et aeterna, quamvis sint singularia, tamen, ob

5 eorum ubique praesentiam ac latissimam potentiam, erunt nobis tanquam universalia,sive Benera definitionum terum singularium mutabilium et câusâe proximae omnium

t102] S.4 cum h<rc ita sig non parum difficultatis videtur subesse ut ad horum singula-rium cognitionem pervenire possimus; nam, omnia simul concipeie res est longe

10 supra humani intellectus vires. Ordo autem ut unum ante aliud intelligatur, uti diximus,non est petendus ab eorum existendi serie, neque eiLam z rebus aetemis: ibi enimomniâ hâec sunt simul natura. Unde a\aatxilta necessario sunt quâerendaprzeterlllaquibus utimur ad res aeternas earumque leges intelligendum; attamen non est huiusIoci ea tradere neque etiam opus est, nisi postquam remm aeternamm, earumque

15 infallibilium legum, sufficientem acquisiverimus cognitionem, sensuumque nostrorumnatura nobis innoruerit.

[103] Antequam ad rerum singularium cognitionem accingamur, tempus erit ut ea

auxilia tradamus quae omnia eo tendent, ut nostris sensibus sciamus ud et experi-menta certis legibus et ordine facere, quae sufficient ad rem, quae inquiritur, determi-

20 nandam, ut tandem ex iis concludamus, secundum quasnâm rerum aetemarum legesfacta sit, et intima ejus natura nobis innotescât, ut suo loco ostendam.

[104] Hic, ut ad propositum rev€rtar, tântum enitar tradere quae videntur neces-saria ut ad cognitionem refl.xn aetetnarum pervenire possimus, earumque definitio-nes formemus conditionibus supra traditis. Quod ut fiat, revocandum in memoriam

25 id quod supra diximus, nempe quod, ubi mens ad aliquam cogitationem attendit utipsam pelpendat bonoque ordine ex ea deducat quae legitime sunt deducenda, si ea

falsa fuerit, falsitatem deteget; sin âutem vera, tum feliciter perget sine ulla inær-

1390/38) ruptione res veras inde de lducere. Hoq inquam, ad nostrâm rem requiritur. Nam, ex

TRAITÉ DE LA RÉFORME DE I,'trNTENDEMENT

qu'aux choses fixes et éternelles, ainsi qu'aux lois qui y sont pour ainsi dire codifiéescomme dans leur vrai registre, Iois seion lesquelles toutes les choses singulières se

produisent et s'ordonnent (157). Bien p1us, ces choses singulières changeantesdépendent si intimement et, dirais-je, si essentiellèment (158) de ces choses fixesqu'elles ne peuveflt sans celles-ci ni être ni être conçues. Aussi, ces choses fixes etéternelies, tout en étant singulières, seront cependant pour nous, à cause de leur pré-sence en tout lieu et de leur puissânce très étendue, comme des universaux ou desgenres (159) pour les définitions des choses singulières changeantes, et les câusesprochaioes de toutes choses (160).

Cela étant, une difficulté, et non des moindres, semble sous-jacente à l'effort deconnaissance de ces choses singulières. Les concevoir toutes à la fois est en effetbien au-dessus des fotces de I'entendement humâin. Or I'ordre à suivre pour com-prendre une chose avant une autre ne doit pas être demandé, nous l'avons dit, à lasérie de leurs existences, ni non plus aux choses éternelles. Là en effet toutes ceschoses sont pn î î;re simultanées. Aussi faut-il nécessairement rechercher d'autressecours, en plus de ceux dont nous nous servons pouf comprendre les choses éter-nelles et leurs iois. Cependant ce n'est pas ici le lieu d'en traiter, et il n'en est pas nonplus besoin tânt que nous n'aurons pas acquis une connaissance suffisante des cho-ses éternelles, ainsi que de leurs lois infaillibles> et tânt que la nature de nos sens nenous sera pâs connue. C'est avant de nous attacher à la connaissance des choses sin-guliètes qu'il sera temps de traiter de ces secours: tous visent à nous apprendre à

user de nos sens et à fatte, suivant certaines lois et avec ordre, les expérimenta-tions (161) qui suffisent à déterminet la chose cherchée, pour en conclure enfinselon quelles lois des choses éternelles elle a été produite et en connaîtte la natureintime, comme je le montterai en son lieu. Ici, pour revenir à mon propos, je m'ef-forcerai seulement d'exposer ce qui semble nécessaire pour que nous puissions par-venir à la connaissance des choses éternelles et pour que nous formions leursdéfinitions suivant les conditions ci-dessus exposées.

Pour cela, il faut rappeler à la mémoire ce que nous avons dit plus haut (162), à

savoir : lorsque l'esprit s'applique à quelque pensée pour l'apprécier et en déduire enbon ordre ce qui doit en être légitimement déduit, si cette peflsée est fausse, il endécèiera la fausseté; et si elle est vraie, alots il continuerâ, sâns être jamais inter-rompu, à en déduire avec bonheur des choses vraies. Cela, dis-je, est requis pour

102

703

104

128 129

Page 39: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

10

15

tn

TRACTATUS DE INTELLECTUS BMENDATIONE

nullo <alio> fundameno cogitationes nostme detenninari queunt [105] Si igjtw rcrnomnium ptimam investigare velimus, necesse est.lari aliquod firndamentum, quod nostras

cogitationes çs dirigat. Deinde, quia methodus est ipsâ cognitio reflexiva, hoc fundamen-tum, quod nostras cogitationes dfuigere debeg nullum aliud potest esse quam cognitio ejus

çod fonnam vedtatis corstitr-riq et cognitio intellecnis ejusque proprietanrm et virium. Hacenim acquisita, frrndamentum habebimus â quo nostrâs deducernus, et viamqua intellectrx, prout eius fen capacitas, pervenire poterit ad rerum aeternarum cognitionern,habita nimirum ratione virium intellecus.

[106] Quod si vero ad raturam pertineat veras formare ideas, ut in pdmaparæ ostensurr\ hic jam inquirendum qrrld per vires et potentiam intellectus inælligamus.

Quoniam vero praecipua nostrae methodi pârs est vires intellecnrs ejusçe naturam optimeinteligere, cogimur necessatio (per ea quae in hac secunda pârte methodi tradidi) haec

deducere ex ipsa cogitationis et intellectus definitione.

[10! Sed hucusque nullas regulas inveniendi defnitiones habuimus; et çia eas taderenon possumus, nisi cognita natura sive definitione intellecnx .|sq* p"torta hinc sequinuquod vel definitio intellecnx per se debet esse dara vel nihn intelligere possumus. Illa amen perse absolute dara non esq affâmer\ quia ejus proprietates, ut omnia qu†ex intellectr,r habe-

mus, dare et distinae percipi nequeunt msi cognita earum rlatur4 ergo definitio intellectusper se innotescet si ad ejus proprietates, quas dare et distincte intelligimus, attendârnus.Intellectus igitur proprietates hic enumeremus eâsque perpendamus, deque nosttis innatisninstrumentis agere incipiamus.

[08] Intellecnx proprietaæs, quas praecipue notâvi et dare intelligo, hae swrl1. Q""d certitudinem involvag hoc esg çod sdât res ita esse formaliter ut in ipso objectivecontinentur.2. Quod quaedam percipiat, sive quasdam formet ideas abso llute, quasdam or aliis.

N*pg quarrtiatis ideam forrnat absoluæ nec ad alias arendit cogitationes; motus vero ideas

noq nisi attendendo ad ideam quantitatis.

k. Wde supra,pag. 365. i66 et nqq.

1 a\o stppl G sin. N3 detetrniruri anw. Ç sin. NS.: mninan OP

^/J 72meùtcdr on. NS 21, k mut g OP

TRA]TÉ DE I.A RÉFORME DE L,ENTENDEMENT

notre obfet. Car il n'y a pas d'autre fondement à partir duquel nos pensées puissentêtre déterminées (163). Si donc nous voulons pousser I'investigation jusqu'à la chosequi vient avant toute âutre, ce qui est nécessaire, c'est un fondement qui y dirige nospensées. Et puisque la méthode consiste en la seule connaissance réflexive, ce fon-dement qui doit diriger nos pensées ne peut être que la connaissance de ce qui cons-titue la forme de la vêÀté, ainsi que la connaissance de I'entendement, de ses pro-ptiétés et de ses forces. Celle-ci acquise, en effet, nous aurons un fondement gtâceauquel nous déduirons nos pensées, et la voie par laquelle I'entendement, dans lamesure de sa capacité, pouffa parvenir à la connaissance des choses éternelles;compte tenu, bien sûr, des forces de I'entendement.

Maintenant, sT appartient àIa naure de la pensée de former des idées vraies,comme on I'a monué dans la première partie, il faut ici chercher ce que nous com-prenons par forces et puissance de l'entendement. Or, puisque la principale partiede note méthode consiste à comprendre parfaitement les forces de l'entendementet sâ nature, nous sommes nécessairement contraints (en vernr de ce que j'ai exposédans cette seconde partie de la méthode) de le déduire de la définition même de I'en-tendement et de la pensée. Mais jusqu'ici nous n'avons pas eu de règle pout trouverles définitions, et puisque nous ne pouvons en donner sans connaître la nature,c'est-à-dire la définition, de I'entendement ainsi que sa puissance, il s'ensuit ou bienque Ia définition de I'entendement doit être claire par elle-même, ou bien que nousne pouvons rien comprendte. Cette définition, cependant, n'est pas claire absolu-ment par elle-même. Toutefois (164), puisque les propriétés de I'entendement,comme tout ce que nous tenons de l'entendement, ne Peuvent être clairement etdistinctement perçues sans que leur nature soit connue, il en tésulte que la définitionde I'entendement se fera connaîue par elle-même si nous portons notre attentionsur les propriétés de l'entendement que nous comprenons clairement et distincte-ment, Recensons donc ici les propriétés de I'entendement, apprécions-les, et com-mençons à traiter de nos instruments innésk.

Les propriétés de I'entendement que j'ai principalement remarquées(l66) et que

ie comprends clairement sont les suivantes :

1. Il enveloppe la certitude; autrement dit, il sait que les choses sont formellementtelles qu'elles sont contenues en lui objectivement.

2. Il perçoit certaines choses, c'est-à-dire forme certaines idées, absolument, lesautres à partir d'autres idées. C'est bien absolument qu'il forme I'idée de quantité,sans avoir égard à d'autres pensées ; mais les idées du mouvement, il ne les formequ'en ayant égard ù I'idée de quantité.

k. Voir plus haut $ 39-40 et sq. (165).

707

et/391 2s

108

130

11, optirne on.

t31

Page 40: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

15

TRACTATUS DE INTELLECTUS EMENDATIONE

3. Qu"s absolute fonrrag infinitatern erprimunÇ at deterrninaus ex aliis fbnrrat ldeam enim

quantitatis, si eam per causam percipig nrr-r quantitatern deærrninat' ut cum ex mou alicuius

pï"i -rp*, ex mànr fineae vero planurn, ex motu pr:ncti lineam.otfui percipiq quae

çia.rr, i*...pti"nes non inserviunt ad intelligendam, sed tantum ad determinandam

quantitatem. Quod inde appâret, quia eas quasi ex motu oriri conopimus, cun tamen

Àot o not percrpiaur nisi -perceptaqr:andtate,

et morum edam ad formandam lineam in

infinitum .ônti.t t^t possumus, quod minime Possemus facere, si non haberemus ideam

inûnitae qrantitatis.4. Ideas positivas prius forrLar quam nçgativas.

5. Res nbn tam iub durat-ione, quam sub quadam specie aetemitatis percipit et nrrmeto

infinito. Vel potius, ad res percipiendas nec ad numerum nec ad dr:rationern âtterdiq cum

autern fes û4gt"firq o. r"b ...t" nunefo, determinata dutatione et qu2ntitâte percptr

6. Ideae, quâs"clârâs et distinctâs forrnamus, ita ex sola necessitaæ nostrae nanrue sequi viden-

nr, ut absôhæ a sola nostra potenta pendere vldeârrtuq confusae autem contia' Nobis enim

invitis saepe forrrantur.7. Ideas i.*rt, q*, intellectus ex aliis format, multis modis mens determinâre potest ug

ad determinandnrn, .". gt., planum ellipseos, fingit stylum chordae adhaerentem ùca duo

centra moveri, vel concifit in6ttit" porr.t eandem sernpef et certam âionern ad daWn a]t-

quam rectam lineam h"b."ua vel cônum plano aliço obliço sectr:rr! ita ut angulus indina-

tionis major sit angulo verticis coni, vel aiiis inûnitis modis.

8. Ideae,'quo ph-:rperfeoionrs alicujus objecti erldmunt, eo Perfectiofes sunL.Nafii. fâbfurr\

+u fr"u- aliçod o<cogra"it, non iA admiramur ac illurrl qLu æmplum aliquod lnsgre

er<cogiarnt

TRAITÉ DE I-A RÉFORME DE L'ENTENDETVIENT

3. Celles qu'il forme absolument expriment I'iniinité ; et celles qu'il forme à partird'auffes sont déterminées. Soit en effet I'idée de quantité : s'il recourt à une cause

pour la percevoir, alors i.l détermine la quantité. Par exemple, quand il perçoitqu'à partir du mouvement d'un plan on engendre un volume ; à partir du mouve-ment d'une ligne, un plan; à partir enfin du mouvement d'un point, une ligne.Ces perceptions ne servent pas, bien srir, à comprendre la quantité, mais seule-

ment à la déterminer. Et voici ce qui le rend manifeste: nous les concevonscomme engendrées par le mouvement, alors que pourtant on ne perçoit pas lemouvement sans percevoir d'abord la quantité, et de plus nous pouvons Pourformer une ligne prolonger le mouvement à I'inûni, ce que flous ne pouttionsabsolument pas faire si nous n'avions pas I'idée de quantité infinie.

4. Il forme les idées positives avant les idées négatives.

5. I1 perçoit les choses non pas tânt sous I'aspect de (167) ia durée que sous i'aspectd'une certaine forme d'éternité et d'un nombre infini. Ou plutôt, pout percevoirles choses, il n'a égard ni au nombre ni à la durée ; mais quand il imagine les

choses, il les petçoit sous I'aspect d'un certain nombre, d'une durée et d'unequantité déterminées.

6. Les idées que nous fotmons claites et distinctes paraissent suivre de la seule

nécessité de notre nature, en ce sens qu'elles sembient dépendre absolument de

notre seule puissance. C'est Ie contraite pour les confuses; elles se fotment eneffet souvent malgré nous.

7. L'esprit peut déterminer de multiples manières (168) les idées des choses queI'entendement fotme à partir d'auffes : ainsi, pour déterminer Par exemple unesurface elliptique, i-l feint qu'un poinçon appliqué contre une corde se meutâutour de deux centres, ou bien il conçoit une int-rnité de points ayant touiours lemême rapport déterminé âvec une dtoite donnée, ou un cône coupé par un plânoblique de façon telle que I'angle d'inc[naison soit plus grand que l'angle au som-met du cône, et il y a une infinité d'autres manières (169).

8. Les idées sont d'âutant plus parfaites qu'il y a plus de perfection dans l'objetqu'elies expriment. Car I'ouvrier qui a conçu une chapel.le excite moins notreadmiration que celui qui a conçu un temple magnifique.

1, ldeam-2 determinat Ideam enim quantitatis, si per causam percipit, tum eam Pet quaflfltâtem

determinat nn C, in. NS

132 t33

Page 41: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

I TRACTATUS DE INTELLECTUS EMENDATIONE

1392/401 tt09j I naiWe quae ad cogiationern refenrntru, ut amor, lræri.ta *", nihil moror; nffrLnec ad nostnrm institutum pmesens faciunt nec etiam possunt concipi nisi petcçto intel-lecnr Nara percçtione omnino sublata" ea omnia tolluntur.

[10] Ideae falsae et fictae nihï positinrm habent (ut abunde ostendimus) per quod falsae

5 aut ficae dicr-rrnrq sed solo defecnr cognitionis ut ules corsiderântur. Ideae ergo fâlsae et

fictae, quâtenus tales, nihil nos de essentia cogitationis docere possung sed haec petenda ex

modo recensitis proprietatibus positivis. Hoc esg iam aliquid cofirnune statuendum esq o<

quo hâe propriùtes necessariô sequântur, sivg quo dato, hae necessario dentur, et quo

sublato, haec omnia tollantur.

10 Rdi4ua darilcmntur

TRAITÉ DE LA RÉFORME DE L'ENTE,NDEMENT

Je ne m'artête pas à toutes les autres sortes de pensée, comme I'amour, lajoie, etc. : elles ne concernent pas notre projet actuel (170), et l'on ne peut même pasles concevoir sans percevoir d'abord I'entendement. Car si la perception est entière-ment supprimée. eLles le sont toutes aussi.

Les idées fausses et fictives n'ont rien de positif (nous 1'avons abondammentmontré) qui les fasse qualifier de fausses ou de fictives ; c'est seulement à cause d'unmânque de connaissance qu'elles sont considérées comme telles (171). Par consé-quent, les idées fausses et fictives, en tant que telles, ne peuvent rien nous apprendresur l'essence de Ia pensée ; celle-ci doit être demandée aux propriétés positives qu'onvient de recenser. Autrement dit, il faut maintenant établir quelque chose de com-mun d'où suivent nécessairement ces propriétés, c'est-à-dite tel que, s'il est donné,ces propriétés le soient nécessairement aussi, et s'il est supprimé, tout cela le soitaussi (172).

Le reste mânque.

110

1,34 1,35

Page 42: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

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Notes au Tractatusde Intel/ectus Emendatione

Notes sur l'établissement du textepar Filippo Mig-ni

Le -cors-litre

Le sous-tiffe de À'/J suppose une version latine (à savoir : Et de Àtethodo ad ean perficiendtn) qutn'a rien en commun avec le sous-titre de OP. Or, ce detnier ne peut être mis sur le compted'une libetté prise pat le traducteur. Deux hlpothèses sont alots possibles : 1 / absent dansl'otiginal, le sous-titre trrut êté ajouté par les rédacteurs de OP et de Àif les uns indépendarn-ment des âutres ; 2 / le sous-tite original aurait été celui transmis par À11; modifié après la tra-ducdon par un réviseur du texte latin, il aurait été expiicitê ad eun persipiendzn en foncnon delaméthode (dirigitur) et de I'action qu'exptime la perfection de l'entendement (in ueram reram rcgni-

tionen).

[ 1 (64,7)

qùbls et qaae timeban : NS ttad.,ttt uoor de welken, en die ik næsde, montrant ne pâs zvoir lu a qùbas(couramment

^cceptê p^t les éditeuts), mais plutôt qtibas (daa\.,Bn hsant qaibus, la phrase

acquiert un sens différent, mais qui est satisfaisant si l'on distingue entre lâ ( crâinte pout desbiens que i'on pense perdte> (qaibus) et <la crainte pour des maux que I'on pense acquérir>(quae). On peut en effet observer que la distinction ente la ctainte de perdre un bien et lacrainte d'acquérit un mal est expressément faite dans l'affirmation qui suit, selon laquelle tou-tes ces choses (qùfut et quae tineban) n'ont en elles-mêmes iren neqae boni neqae mali, si ce n'esten tant que par elles animus mouebahtr,

[ 4 (66, 23)

bae : en tad,ttsant bae par rijkdon, Glazemaker démonue avoir lu hae, c'est-à-dire les dchesses,et non baec (ces choses), comme le veut OP. La leçon de À/J doit être préférée à la lbis entaison de la téférence explicite et directe de la note à hae dela ligne 8, et parce que I'explicationde la note concetne seulement les richesses et non les honneurs, dont on pade aux lignes 9-1 1.

La leçon haet pourtut être considérée une fausse lecture du réviseur ou bien encore unecoquille.

t37

Page 43: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

PREMIERS ECRITS

[ 6 (66, 15)

filuo inititato: deu raisons m'ont conduit à expulser alictti. 1. / Glzzemaker traduit exâctementcomme dans deux auttes occurrences (3, 1.9 ; 4,22), où OP donne la leçon nowm institillila.2 / l n texte nous met devant seulement àelux ittstitata : fe commute uitae institutum, âuquel l'âu-teur veut se soustrùe, et un institutam altetnrtif, défini par le but qu'il entend poursuivre - par-venir à un bien stable et durable. Iæs deux inrtittia sotrt à ce point exclusifs I'un de l'autle, queab uno atrt alteru necessaio esset abstinendan (4,19-20). I1 ne semble donc y avoir aucune place poutun quelconque auûe institutam,

s e (68,14)

ex eo haec esse mala: Ia leçon de À/Jest ptéférable, car le texte n'entend pas montrer d'où sontissus (orta esse) haec mala (substanttf), mais pour quelle raison (ex eo) ces choses (baec), à savoir lesdchesses, leplaisitetleshonneurs (illanakde4,29),sontnala (adjectif.Laraisonestquecesfaux biens sont périssables (igne 20), et donc ils tendent périssable également I'amour qui s'yjoint (4, 23-25). IIs sont ainsi mala si on les techerche pour eux-mêmes, mais non en tant quemoyens pôur parvenit à de vrais biens. Dans un tel contexte, .-,y'4 est tfompeut, parce qu'illaisse supposer queles mala en question sont les conséquences des cois faux biens communé-ment recherchés par les hommes, plutôt que ces faux biens eux-mêmes. Ayant compris letextedanscesens,ilestvtâisemblâbleque,paranalogieaveclalignelT (nanquamoientzr/ites),le réviseur ait inûoduit Ie vert:e orior et assimilé ces maux aux dangers, aux persécutions et auxmorts dont il est question dans les lignes précédentes (4, 9-14).

î e (68, le)

ip:eqre : NS ne traduit pas ipsaqw et rêfère exPerc à anlr (Jr[aar de liefde tot d'eewige er oneindige qaakuoed de gæst net blfabE alleen, en is aan alle droeJheit aitge:laten). Je ctois que laleçon ipseque, Éf&êeù anory doit êue ptéférée à ipsaque, rêfêtêe à laetitia, et cela pour deux raisons : 1 / puisqu'ilvient d'être ptécisé que l'âme est remplie de sola laetitia, sans mélange de tristesse, l'ajout seraitpléonastique ;2 / patce que dans les lignes qui précèdent il a été question d'un amour (celuipour les choses pétissables), dans leguel contingunt (igne 20), avec la laetitia, aussi des passionstristes : préciser qu'un tel âmour (tourné vers un objet immuable) est exempt de toute tristessea donc un sens.

î t5 (72, 8-9)

initio exparyandi:la version néerlandaise (uoor qo aeel men kan, itt 't begin qriueren) peut ètre consi-dérée comme correcte pour les raisons suivantes : 1 / dans le contexte, initio renlorce ante

onnia qloi précède (7, 9), tout en ptécisant que lâ purification est nécessaire au début du che-min, parce qu'une petite eûeur au commencement d'un processus de connaissance devientune grande erreur à Ia fin. 2 /Le début de l'entreprise philosophique est spécifiquementconcetné par une limitation de la purification de l'entendement (qtlantilm licet), cat poul quecette purification se fasse I'exercice de I'entendement est de toute façon requis ; or, n'étant pasencore purifié, l'entendement doit procéder avec une précaution extrême à travets sâ propreauto-anâiyse, en se fondant sur une idée vraie donnée et sur le principe de l'auto-évidence duvtu. 3 / En ce sens il convient d'interpréter la phrase quantan in initio licait (30, 24), qui ne

NOTES AU TRACL4T-IJ'S NN T;TrcU-AC7-US E|I,ENDATIONE

confirme pas la leçon àe OP en qu€stion ici, mais qui au contraire exprime la nécessité de sacorecdon. Elle en synthétise les deux moments : celui de Ia méthode, qui constitue le début deI'activité philosophique, et celui de la limite qui lui est inhétente lqaoitun t;cu1.

s 1e (74,7)

adpkànn, quod ucant: puisquT ne Fait aucun doute que adplacitun se téfère à la narure dusigne, dont il souligne I'indiffétence objective (peu impàrte celui que l,on aura choisi), et pas àsa_dénomination, qnd uocant (comme I'on dit) a pour fonction d'expliquer la formuleinusuellead p/aritun. Le texte de oP a posé queiques difficultés aux éditeurs'et âux traducteurs, queH. H. Joachim a résumées unsi: <"euod uocant ad placitaù' is obscure, but means (I rhink),'the so called chosen sign" > foachim, 1958,p.27). Dans le traité (ainsi que dans E, TTp, Tp,Epp) I'erpressio n ad placitan n'est plus employée, tandis que l'on rencontie trois fois ad libitanQ5'15.29;31,'11). onûouveiaformule adptaàtan chèzBacon (Noaumorganun,165, 15;218, 1,2;275,25).

î 30 (80,16)

lptls ert: deux raisons permettent de considéter la leçon de À,/Jcomme authentique: 1/letexte expose l'atgument del'inqrisitio in infnban qui est à exclure. Il est nécessaire que l,atgo-ment soit donné positivement (optts est), cr.,st I'on lisait nun lprs est, le ta/i enin n)do qut"neconduit à aucune connaissance n'aurait âucun sens. 2 / La leçàn ptoposée est confirmèe parI'exemple des instruments corporels, respectivement

"r*quèh ùdeà ,odo liceret argumentai.

L'argument, qui reproduit de manière spéculaite celui qui èst employé pour la méÀode, estconstruit positivement, c'est-à-dire sans négtion : ttfem4n radaur, na//ei opls est.L'atgtmentdoit êue formulé de manière positive précisément pour pouvoir êre exchi en raison àe I'ab-surdité à laquelle il conduit. on peut donc supposer que nin ut été aioutêpar le réviseur tombédans une lertiofadlior.

[ 4t (86, 20)

si .datz.r:

laleçon cordgée, si elle était maintenue, évoquerait une situation conceptuelle contra-

9i.toi.. , elle suggérerait la possibilité qu'une essenceàbjective (ou idée) soit donnée ; or, cettehypothèse est exclue pat ie contexte, étant donné sa corrélation avec l'essence formelle etI'impossibilité, dans la natute (14,28), qu'une essence formelle n'ait aucune relation avec d,au-tres essences formelles. Le texte, en vérité, n'entend pas souligner s'il se donne ou pas uneessence objective qui coresponde à une essence formelle n'ayani aucune relation av.. à'"otr",essences formelles, mais exclusivement le parallélisme parfait entre essence formelle etessence objective. Dans un tel contexte I'incise, outre que ûompeuse, est donc parfaitementsuperflue.

[ 51 (e2,14)

Plmam : l'zutear précise qu'il n'entend pas exposer une docttine philosophique des idées, fon-dées sur la description de leur essence et de leut cause ptemière; une telè explication, en effet,telèverait de la philosophie et non de la doctrine de la méthode. cependant, puisque laméthode également tequiert une quelque explication causale, on peut penser qu'e[à peut être

138139

Page 44: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

PRF.MTRRS Écnns

donnêe per causam proximam. On en a une conftmation extérieute dans 1'Ép. 37 à Bouwmees-

ter, dans laquelle on lit que pout satisfaire les exigences de la méthode ( nzfl est lpas natllram

menlisperpiman eJas caasam clgnlsære, (O4, 189,5-8).

î 56 (e6, 5)

fxis : \a nécessité de coriger dictis pat fctis se fonde sur trois ârguments : 1 ,/ la difficulté d'ex-

pliquer la traduction de Glazemaker (het aaoryedacha), tout en attribuant au traducteur la Plusgrande liberté. 2 / La àitfi,cultê de comptendte Ia rêférence aux choses déjà dites (dictis) sut la

fiction dans le contexte en question. 3 / La log1qte du texte: I'auteur entend expliquer ce

genre de fiction par la connexion et la cohérence avec ce qui a àêjà étê imaginé ou feint aupa-

nv^nt (/)et allrgedachn), afin d'éviter de comprendte la fiction présente comme une inventionabsolue de I'esptit ou un acte pur de la voionté. En tevanche, un tei gente de fiction serait

impossible si elle n'avait pas été précédée de I'erreur de celui qui feint (d'où la nécessité d'une

cohauio can janfxis), ou encore si l'on jugeait impossible de communiquet une teiie fiction à

d'autres.

[ 60 (100, 15)

cogitetar : la leçon de OP (cogiannr) n'est pas défendable à cause de l'absence d'un suiet pluriel.Pour cette taison Gebhardt inttodtisitrn alia; mais cela n'a pas de justification dans le texte et

est superflu, dans la mesure où le verbe au singulier impetsonnel exprime de manière adéquate

le concept, et qu'il est plus facile de supposer l'ajout de lalettte n in cogitetur qte l'oubli d'unalia. Glazemaker aussi semble avoirlt cagitetar.

s 70 (106,le)

datae : OP et NS reportent la leçon data.Je ptêfère corngerpzr datae pour deux taisons : 1 / une

notme donnée de l'idée vraie n'est pas possible, pârce que la norme n'est pâs extrinsèque à

l'idée vraie, mais, au contraite, intrinsèquement constituée par I'idée waie en tant que vraie et

en tant que donnée. Une notme donnée ne se donne p^s, c r la méthode est ce qui doit lamontrer sur le fondement de I'idée vtaie, en tant qu'une idée vraie est donnée: methodas non

dabitur, ni:i pius detur idea (14,2).2 / Dans ce qui ptécède et dans les 1 1 lieux où, outre celui-ci,

1I appatût,le terme norma n'est jamais accompagnée de I'adjectif data; en revanche on ten-contre cinq fois la formule ad dalae uerae ideae norwam (1.4,3-4; 14,8; 1'5, L5-1,6; 16,26-27 ;

26,23) avec les variantes ad datae ideae Entis petfexissini nornan (14,8) et ad nornam datae ralas-

ct/fique uerae ideae (1,6,26-2l.Dans les autres cas, il s'agit toujouts de la norme constituée par

I'idée vtaie ou par la vérité :13,25 ad illan nomtam, c'est-à-dite celle constituée par l'idée vraie ;

76,8 ad nomam prinae, c'est-à-due ueritalis ; 27, 1'3 nomtan ueiTatis ; 30, 25 norwam verae ideae

î 76 (/12, 5)

confsndamar : suivant la leçon de NS (ry ueraart worden) et :une correction précédente de Bruderet de Moten-Land, Gebhardt a juç devoit accotder le verbe zvec malta et condpiantur. Mais,puisque cette corection ne s'impose pas, bien au contraire, confandanar àe ia ligne 10 est le

pendant naturel du confitndamur de ia ligne 5, et que la v^i^îte du texte néerlandais peut âisé-

ment être attribuée au ffaducteur (il est facile de prendre un n pour nfl,ie pÉfère maintenir laleçon de OP.

NOTES AU TRACTATUS DE INTELLECTUS EMENDATIONE

s 80 (114,23)

rei: j'au intêgrê pour les taisons suivantes : 1 ,/ I'obiet de l'investigation droite, qu'il fautconduire dans i'otdre dû (méthode) sont les rer Q4-25 et 30). 2 / La phtase qaam afirrnaret aalnegaret, rêf&êe à afimationen aû regationem, non seulement n'est pas usuelle, mais semble nepas avoit de sens. Une chose est d'affitmer ou de nier quelque chose, autre chose est d'affir-mer une affirmation ou de nier une négation. 11 semble donc que le qaam de la ligne 28 doitêtre référé à l'objet de I'affitmation ou de la négaaon. 3 / elas rei de la ligne 29 ne se téférerast à

tien s'il n'était pas précédé pat rei àlaltgne 28, respectivement à lâquelle chose l'on puisse dire

/as.4 / Pat ailleurs, une confitmation quele qaam de la ligne 28 ne se réfère pas à afimtatio attlnegatio nots vient de À/,1 qui traduit <reD , qmm par uan 't geen, 't welk et ne traduit pas elas de \ahgne 29.

[ 8e (120,24-25)

Je considère ce texte comme la note g pout les raisons suivantes : 1 / à cause du témoignagede À/Jet patce que de cette façon on reconstruit intégralement la série des notes.2 / Patce qule

ce passage est sans connexion littérale avec ce qui précède, et intenompt le lien logique avec lepatagtaphe suivant, où I'absence d'une distinction entre imagination et entendement, qui, dansle paragraphe précédent, concerne seulement I'usage des mots, est expressément indiquéecomme câuse de confusion. 3 / Dans le manuscrit l'annotation était probablement ajoutée enmarge, sâns référence explicite. De là son assomption dans le texte de la part de OP, etla Éfê-tence discutable dans À/-Ç. La note semble devoir être plutôt mise en relation avec le discoutssur I'affitmation ou la négation, et elle a le carâctère d'un éclaircissement nécessaire et synthé-tique. Appuhn conserve cette note dâns le texte, tout en pensant que la phrase < estprobablement une note jointe au texte après coup > (211).

I el (120,28)

intellectuts: je préfère corriget conformément à la leçon À,/.J, cat, alors que le terme inaginatioindique à la fois la faculté d'imaginer et I'acte d'imaginer, une telle ambivalence n'existe pasentre intellectas Qa faculté de comprendte) et intellectio ('acte de comptendre). Or, de même qu'ilest évident que dans le contexte de cette note inaginatio indique la faculté d'imaginer, puisqueI'on techetche ses propriétés comme plus tard l'on rechetchera les propriétés de I'entende-ment et non de l'intellection, de même il est évident que I'autographe contenatt intellectus et nonin*llectionis. La correction a pu être suggérée au réviseur pat les deux lieux de la même page oùil est fait référence à la nécessité de distinguer irter imaginationem et intellectionen Q. 2 et 21) ; ilsemble avoir oublié cependant les deux autres lieux, où I'on fait téférence aux choses qui sontou ne sont pas in intelleùa et in imaginatilne (. 12-14) et à ia faculté cettaine de l'entendement(intellectas) à la ligne 30.

I 108 032, 1-2)

Idean - detenninat,'la leçon À/.t suivie pat Gebhardt, est erronée au moins pour deux raisons :

1, / #firmet que l'idée de la quantité est déteminée par une quantité détetminée n'a pas desens, car l'idée peut êûe déterminée seulement par une auûe idêe,2 / I-æ thème n'est pas celui

140 141

Page 45: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

PREMTERS Écnrrs

de la détermination de l'idée, mais de 1a détetmination de la quantité, comme on le lit explicite-

ment à la ligne 8-9. Le texte tend à affirmer que si I'entendement perçoit I'idée d'une quantité

grâce à l'idée d'une autre quantité qui en est la cause, alors la quantité est nécessairement déter-

minée, parce que cette idée est fotmée grâce à une aute idée et non absolument; en tevanche,

les idées qui sont fotmées absolument expriment de l'infini.

(traduit de l'italien par Lorenzo Vinciguerra)

Notes au Traitéde la Réforne de I'Entendement

Michelle Beyssade

7. Enendatio. La traduction usuelle par réforwe n'est pas pleinement satisfaisante, maisaucune autre ne lui est préférable pour rendre un tetme dont le sens a divets aspects. I,e S 16,

avec l'expression modss medendi innllemts ipsanqw,,. expxrgandi (e moyen de guérir I'entende-ment et de le pudfiet), poutrait lui faire préfétet purifcatior oa paryation. Mas prifcation aiotte-tait une connotation de spiritualité religieuse etpatgation pÀilégierait excessivement la conno-tation médicale du terme. Emendatio désigne la cotrection à apporter à un texte aussi bien quele remède à donner à un malade. Mendum àésigne d'abotd I'etreur ou la maladresse d'un texte.Cf. le sens d'emendare dansla ptéface avx Opera posthzna de Spinoza, ligne 4. L'idêe de réformeest celle qu'impliquent les tites des ouvrages deYiète, De Enendatione aeqaationm, et de Hob-bes, Examinatio et emendatio mathematicae hodierwaa Les occurences d'emendatio dansle TIE pevvent être tendues par râJorme et celles d'emendare px réfotrzer ou corriger. Puifcation et p*ifer neconviendraient pas ; prlrgatizn et pilrger encote moinl Amendemeflt et amendar, tetenus dans unettaduction técente, offtent I'avantage d'être fotmés sut la même ncine qu'enendatio et pout-raient supplanter le tiue classique.

2. L'attocitation souligne en le dêpl*çantle tanden (finalement) qui annonce la dutée et la

succession des moments d'une expérience vécue et réfléchie.3. Volueban anino. Rémintscence du langage épique, transmise peut-être pat Sénèque.

Cf. pat exemple lettre 24 à Ladlias: in animo uoluta. Les ptemiètes pages du ZE empruntentbeaucoup au vocabulaire de Sénèque, notamment des lettres à Lucilius . Cf. pat exemple pourles $ 1 et 7 lettre 74, ketitiaJn/itur maxima continua saa, et lettre 82, assidua neditatio. Commoda estleterme retenu par Sénèque pout désigner les préfétables de la doctrine stoïcienne.

4. inçitt'tttm.Leterme implique à la fois l'idée de pro jet et celle d'organisation, qui dominenttouf à touf dâns ses cinq occurrences. Il vaut pouttant mieux le ttaduite toujouts pat la mêmeexpression pout identifiet cette notion importante dans les premières pages du TIE.

5. haec tia. Regtoupement ttaditionnel, patmi d'autes, et susceptible de variations.Cf. dristote, Etltqae à NicomaEre, I, 3 ; Sénèque, I-ettre 66 à Lscilias. Cette tripatition se

retrouve dans l'Ethiqw, fV,44, scolie. La valeut sociale plutôt que motale que désigne honorest

mieux rendue par le pludel honneun. Par compensation, le pluriel diuitiae est ttaduit pat unsinguliet, qui ne modifie pas le sens.

6. disTrabitur. Spinoza emploie trois fois en quelques lignes ce tetme ttès fort: l'espdt est

tiré en tous sens. Cf. Eth.,Iil, déf. du désit, explication : ut homo diuersimode trahatar. Cf. aussi

TTP, chzp.XYl7. L'utile seta le critère du choix. La notion d'utile est à mettre en rapport avec l'idée de

conservationdenoffeêteetdesalut. Cf. KV,II,26,\5;Eth.,IV,déf. 1 et2etIV,24.

r43

Page 46: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

PREMIERS ECRITS

8. Rappel de la première vision du choix (cf. $ 2), éprouvé maintenant comme inévitableaprès l'échec des tentatives de conciliation entre le mode de vie commun et la recherche d,unautte bien.

9. N{on.rent central de la délibération: I'analyse de la cettitude, qui distingue ie point deI'ue de la natute du bien et celui de son obtention, permet le progtès de 1a délibétatio.r.t ort .la voie au dénoucment de la crise.

10' Renversement de l'évaluation, suspendu toutefois à une condition: le bien certainquant à sâ nature reste incertain quant à son obtention. Deliberare aune signifrcation plus largeque délibérer en frânçâis; I'accent peut être mis soit sur la réflexion soit sut la décision àlaquelle celle-ci conduit. Le $ 10 invite à ptivilégier ce second aspect.

11 . Cf. Aristippe de Cytène : <Je possède Lar's, mais je n,en suis pas possédé. >12. L'autocitation n'est pas absolument exacte, mais elle est fidèle âu sens. spinoza

tevient sur la condition énoncée au $ 7. La difficulté est dans le passage à l'acte. cf. nln., w,préface,Éù., IY,7,'!4et17,scolie,oùSpinozacitelaparoled,bvidi Vdeoneliorapmboqre,deteiora sequr, Je aois le rueilleur et je l'appmute, etyfais k pire.

13. Demière phase de l'expérience: l'engagement dans la recherche du bien védtable,par son exetcice même, éloigne et détache des maux certains, et dissipe peu à peu I'incertitudequant à I'obtenrion du bien. Le chercher est déjà le posséder.

1'4. intelligau. Cette ptemiète occurrence du verbe intelligere mârque, à I'intérieur dupréambule (premier moment d'une intoduction selon le $ a9), un changement de ton. Aurécit d'une expérience dont les phases sont ie plus souvent inttoduites pat le verbe uid.ere, suc-cède, avec I'intellection, une anticipation de la Philosophie. La doctdne de Spinoza sur le bienet le mal est remarquablement constante. Sur la relativité du bien et du mal, gréparée pâr toutce qui ptécède et dès le $ 1, cf. KII,I, chap. 10, 1I, chap.-4; CM,I, chap. 6 ; Étb.,I, appendice,[Y, préhce, déf. 1 et 2, pr. 68. sur la r.ie en société, cf . Étrt., ry,34-37. sur I'ordre d.lâ ,r"ru.e,cf. Eth., l, 16, 25 et corollaire, 28, 29, 33.

La traduction du verbe intelligere ptêsente des difficultés insurmontables. Il est impossiblede le ttaduire toujours par enlendre, qui signifie aussi ouii. Aussi préféreta-t-on sourient caa-prendre, et patfois connaître s'11 est clair qu'il s'agit d'une connaissance d'entendement, Aaoir l,in-tellection de estune uaduction exacte, qui permet de garderlapatentê a,ec intellectas: on peut laretenir quand elle n'entraîne pas une construction trop loutde.

, 1,5. innin, pendant ce temps, en attendânt, souligne que la concepdon d,une naturehumaine supérieure comme modèle (cf . Elh.,IV, préface : exemplar natarae imattae) est liée à lafaiblesse humaine et à sa méconnâissance de I'ordre de la nature.

1'6' temm bonnn. Cette expression, appliquée ici à ce qui est un moven pour le biensuprême, n'a pas le même sens qu'au $ 1.

1,7 . L'zccent est mis sur la connaissance . CF. KV,II, chap. 22 ; Éth., IV, 28 ; V, notam-ment 20, scolie et 27.

18' Le temps ptésent semble indiquer que la doctrine est élaborée au moment où la noteest ajoutée âu texte.

. 1'9. tant*m..' qsant tm sufiàt. cf. plus loin $ 25 tantan... qilafltrm sit necesse.Il n'y a pas lieud'allet au-delà de ce qui esr nécessaire et suffisant. cf. Éth., II, préface , sohmmoà0. if. aussiKl Il, chap.22.

20. La note souligne le caractère scienrifique des disciplines comprises dans le pro-gramme tracé.

21'. nedear, s ?tlryarc: vocabulùe médical, inspiré de Bacon (que Spinoza connaît et cri-tiquedanslalettre2,àoldenburg).cf.parexemple Nouamorganum,I, 115,il,32.L'idéed'unemédecine de I'esprit est courânte à l'époque.

NOTES AU TRACIATUS DE INTEI,LE'-TUS E]LENDATIONE

22. A compzret avec Descartes, Regnlae ad directionen ingenii, règlel.23, ria : première occurence, dans le texte du Ttaité, de ce terme qui figure dès son sous-

tttte. Methodas, plus technique, inten'iendra plus tard, joint à uia ($ 30), et sem alots beaucoupplus ftéquent (33 occurrences contre 7 pour ùa).

24. Cf. leltrelT,àBouwneester(70juin1666),fin.Lesttoisrèglesquisuiventpeuventêtremises en rappott avec.[es trois objets communément appréciés, cf. $ 3. Leur énoncé marque lafin du premier moment de llntroduction.

25. tantun... quanttm.., szficit, comme aux $ 14 et25,avn sens restrictif, mais qu'il ne

convientpâsd'accentuet.LasagessedeSpinozan'estpasunascétisme,cf. Eth.,lY,45scohe.26. indabie, sans en douter. Pout Spinoza, l'absence de doute n'est pas la certitude,

cf. $ 78.L'ensemble des $ 18-29 sur les modes de perception, qui constitue le second moment de

l'introduction (cf. $ a9), est à comparei avec KV,Il, chap. 1,2 et 4, et Etb. pdncipalement II,40, scolie 2 ; 47 et 42. Les À,/J annoncent tiois modes, mais en énumèrent ensuite quatre. Oncomptend le potissimum qui exprime une ptéfétence, non un impétatif.

27 . Le texte des OP, quod uocant ad pkcitan, pourrait être conservé. Il peut avoir le mêmesens que le terte des À/,S ou un sens un peu diffétent: [quelque signe] < que I'on tetient arbi-trairement >.

28. experieûia uaga, expêience vague, c'est-à-dire errante, sans fin (cf. $ 27), non détet-minée par l'entendement. L'expression est reprise de Bacon, cf. par exemple

^/ru*m organam,I,

100 ; cf. aussi l, 82 sur les catactètes de cette expédence vague. Ici Spinoza ne semble pas dis-ttngoer expeientia et expeimenttm: alizd (omis, il est vmi, dans les À'/.5) le met sur le même planqt'experientia, Il en sera autrement au $ 103. L'expérience ne se réduit pas à I'expérience vagre.

29, non adaequate. Ptemiète occutrence du vocabulaite de l'adéquation. Le terme n'est pas

dé{ini, mais évoque la plénitude d'une connaissance qui s'égalerait à son objet.30. Les exemples du $ 21 permettent de reuouver dans la note f les deux cas du troisième

mode de perception. Aussi l'appe1 de note, placé dans le texte latin, selon l'usage, avant ce quela note vise à compléter, doit-il être teporté après l'énoncé des deux cas.

31. pnpria.I-e même terme est empioyé au S 95. Cf. KV,l, chap.3 S 1. Cf. aussi la défini-tion du ptopte par Àristote, Tapiqaes, I, 5. Spinoza distingue-t-il dans le TIE prEriun et pnpi(lar? La question est discutée.

32. À rapprocher de la bonne définition $ 95 sq.

33. Dans la note précédente, le premier exemple illustre en effet le premier cas du troi-sième mode de perception. Spinoza vise ici Descartes et sa preuve de I'union de l'âme au

corps. Ce mode de perception est à I'opposé de la vraie connaissance, qui procède de la cause à

I'effet. Cf. $ 85.

34. Malgré quelques difficultés, on peut voir dans cet exemple l'illustration du deuxièmecas du troisième mode de petception. Au sujet du soleil, cause de notte vision, nous concluonsclaitement quelque chose sut sa grandeur (une propriété) à partit de quelque chose d'univetsei(a connaissance de la propriété génétale de la vision). Mais I'essence particuliète de la chosenous échappe.

On pourrait maintenir I'appel de note h tel qu'il est placé dans les OP, avant qaaenam sililla sensatio, et rapporter la note h à l'exemple précédent. La connaissance de l'union de l'âme etdu coqps, dans le troisième mode de perception, est inadéquate, et rierr ne la garattst (non .ratis

tuta est) conttele risque de tetombée dans la pensée imaginative, dont le langage vient accroîffela confusion. N'ayant pas accédé à la pensée de cette union comme unité de deux attributsd'une unique substance, nous imaginons une multiplicité de colps unis à une muluplicitéd'âmes.

144 1,45

Page 47: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

pREMTERS ÉcRrts

35. Cf-. la docttine de Spinoza dans Éth.,II, 11 et 13, cotollaire.

. 36. nada, expliqué par (sans démonstration>. Le même terme se retrouve $ 72, traduitalots par < isolée >.

37 . axioma : le te.-e est utilisé aussi par Bacon en un sens pius large que |usage actuel.Cf. Nowm organam,I,25, 1,05, 106.

38. L'exemple illusre ici seurement le deuxième cas du uoisième mode de percepuon.39. inlritiue. Seule occurrence de ce terme dznsle TIE, qui ne,comporte noà plu. ,rcon

terme de la même ramile. L'Éthique paae de science inruitive qÉtn., it,40, scoÉe 2) et deconnaissance intuitive (IV, appendice, chap.4,v, 36, scorie). Le quatrième Éode de percep-tion est une vision directe, sans opétation, sans détour par une proposition univetseile, de laproportionnalité de ces nombres-là. Margré le caractèrè abstraii qui sera reconnu plus loin($ 95) aux objets mathématiques, l'exempie met bien en rumière la différence ..rt . rà. qrr^t .modes de petcçtion, de même qu'au $ 72 la fotmation du concept de sphète mettra en évi-dence la puissance de .l'entendement.

40- Les points 2, 3 et 4 sont des propositions subordonnées qui complètent la deuxièmepattie du point 1, <connaître la nature des choses autant seurement qo'il est nécessaire...> etprécisent le but de la connaissance de la narure au-delà duquel il n'estias nécessaite de pour-suivre. ce qui est nécessaire est aussi suffisant, cf. $ 14. Le càntenu del;Étbiqae estici esquissé.

41. Cf. S 52 sq. sut la fiction.

1?. lnlriils intelhctus pe:t signifier aussi I'enrendement proprement dit.43. spinoza pense à l'É,cole de médecins des rr. et lr sieiles, dont Sextus Empiricus a

tiré son nom et, parmi les philosophes récents, à Bacon.44. tamen. Les ttaducteurs Iaissent souvent tomber ce tamen effectivement sulprenant, car

Ia,proposition ne s'oppose en rien à Ia ptécédente. Tamen invite ici, comme btsqiil a or, ...rsadversatif, à concentrer I'attention sur ce qu'il intro<luit. Sur les limites de l,app'on de I'expé-rience, cf. Lêtttu 10, à S. de Vries, mars 1663.

, 45. conpendios' Seule occutrence de ce rerme, absent del'Éthiq*e. L'exigence de rapiditéet d'économie est impotânte chez Spinoza. Ct $ 49 et 99.

46. nerhodas, Première occuffence de ce terme qui seta désormais ftéquent. Ici com-mence le ttoisième moment de l,introduction Gf. S 49).

. - _ 47 . La comparaison avec les outils se ûouve chez Bacon, qui exptime une tout auue idée

\\1ray oUanan, préface ; I, 2) e,t c,hez Descartes (Regatae ad direxioneà ingenii, ,ègk WIf, AT X,397) Spinoza avait sans doute lu le texte des RegalÀdontdes copies .it"."t"i"rit dans ies pro-vinces-unies._Dans cette page très heureusemeni élaborée, Spinoza s'inspire probabrement dupassaç de la Règle MII, tout en.faisant preuve d'indépendance dans le style et la pensce. Il nefaudrait pourtant pas forcer la différencè entre Spinoza et Descartes,

48. opera intelhdaalia: expression de Bacon, ihez qui on rouve zussi in$rumenta mentis etnsdae mentis rires.

49. rI paraît plus naturel,. dans ra ttaduction, de placer après ( monfter > l'appel de notemis après ldra àans le texte latin. La note ajoute en efiet que Spinoza montrera arrssi d'"rrtr.schoses.

50. Habcmus cstim idezm ueraa, spinoza veut dire qull y a du vrai dans nos idées, ou desidées vraies en nous. Nous ne .o--és pas en dehors du vrai ; de l'idée vraie, nous en avons. Ilvaut mieux éviter une traduction qui laisserait croire que nous avons une idée vraie et uneseule.

_- 51. Lldée prise dans sa réalité propre peut être I'objet d'une auûe idée. L'essence for-

melle de quelque chose est son êtt..tr roi coÀme mode d'un des attributs. L'essence objectivede quelque chose est son être en tânt qu'objet d'une idée. L'idée vraie compofte en eile otlecri-

NOTES AU TKACTATUS DE INTEILECTUS EMENDATIONE

vement tout ce que sofl idéat compotte formellement. Iæ couple formel-obiectif, d'originescolastique, se trouve aussi chez Descartes. Mais Descartes I'applique à l'idée, alors que chezSpinoza I'essence objective comme I'essence fotmelle concernent la chose, qu'elle soit modede I'attribut étendue ou de l'attribut pensée.

52. Iæ redoublement de I'idée est possible, mais non nécessaite. Le second savoir n'estpas nécessaire.à la plénitude du premiet.

53. Cf. Eth.,II,49.54. modut quo scntirztus essentiamfotmahm. Sentift est souvent synonyme de percipen. Cf. $ 60.

L'idée est padois dite sensatio, cf , $78. Sentire esseûiamforma/en est avoir une perception ou idée.Moùts qao : la certitude est une modalité de I'idée, une manière de sentit ou de percevoir, c'est-à-dire d'affirmer (tentire, c'est sentir et opiner, être de tel ou tel sentiment), différente dela sen-

utio tsolée du $ 78, qui n'est pas cetitude. La certitude est éptouvée dans I'idée vtaie, elle n'estrien en dehors de l'idée vraie. La premiète propriété de I'entendement ($ 108) est à tapprocherde cette analyse. Cf. Éth.,43 et scolie. Cf. aussi httre 76, àA. Bngh: uram index sui eifaki, etTTP, chap.II, Geb. III, p. 30.

55. debito ordine: première des rois occurences de cette expression,absente del'Étbiqre.Lavraie méthode est ici identifiée à la rechetche du vrai. L'objet de sa recherche est la

vérité elle-même et non le signe de lavêtitê.56, Rrrszs: une certaine distance va appamître entre l'exercice de la connaissance et un

aspect, ou une partie, de la méthode (cf. $ 39). Ce pourquoi la méthode seta dite plus loin($ 38) idée de I'idée ou connaissance réflexive; cf. ie derniet mot du $ 39, reflectit.

57. tlt inds....'à rapprocher de Deirde... ($ 40). < En cela consiste toute la méthode. >

58. ad datae uerae ideae notnam, < selon la norme d'une idée vraie que nous avons >. Cf, $ 33ltabemw enim ideam aeram. Datur stgnfte il1 a. Cl. entre autres exemples S 5, 30, 47. Cette idéevraie n'étant pas à proprement parier donnée à I'entendement, même s'il n'a qu'à La, d,êgaget,

ttadrite data ùera idea pat <<we tàée vraie donnée > dès la ptemiète occurtence de cette expres-sion risquerait d'odenter le lecteut dans une mauvaise ditection. Une fois ce risque éliminé,lotsque I'expression revient, < donnée > peut se substituer à < que nous avons ).

59. C'est ce que Spinoza voulait montrer. Cf. $ 32, fin.60. Cf. aussi $ 49.

61. S'agit-il de l'essence fotmelle de I'idée ou de l'essence formelle de l'idéat? La ques-tion est discutée . La rêî&ence à ce qui vient d'être dit, c'est-à-dire probablement au début du

S 41 ( ( il en est objectivement de l'idée comme il en est réellement de ce dont elle est I'idée > )poutrait faire penchet vers la seconde interprétation, et I'on pourrait tradr:Jrte s*a essentiaJonnali

pat < l'essence fotmelle qui lui cortespond >.

62. rertn. La traduction du vetbe refem (cf. aussi $ 91 et 99) doit éviter de suggérer quel'idée représente, reproduit ou reflète I'objet, et qu'elle est seconde par rapport à lui ou causéepat lui, ce qui est contraire à la doctdne spinoziite. Ce qu'on appelle le parallélisme çcf. Éth.,II, I est ici anticipé, sans son fondement ontologique.

63. Cf. S 80 < le doute naît toujours de ce que les choses sont étudiées sans ordte >.

64. Cf. $.61 et 104.

65. Cf. Etb.,I, appendice.66. cf. s 3,4,9.67. Passage problématique, interprété diversement et souvent tenu pour coffompu. Veri-

tater flatlîae: cette exptession tenvoie peut-êue à un autte ouvrâge quele TIE, auquel elle ne

convient guère. Spinoza pense peut-être à sa Philosopbie. Isto ordine : I'expressioo désigne-t-elleun âutre ordre que ùbito ordiæ? S'agit-il de I'ordre suivi dans le TIE ou, plutôt, de celui d'unâutre our-rage, Ia Philosopltie?

146147

Page 48: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

pREMTERS Écnrrs

68. Réfutarion vigoureuse, classique (cf. Lucrèce, De rerum natura,Iy,469 sq.) du scepti-cisme_.^Spinoza ne pense pas. seulemeni aux Sceptiques de l,Antiquité.

, 6.9. Après avoir_répond'à trois objectioni spi.t""" fait une mise au point qui éclaire ieplan de ce qui précède (une longue introduction)

"i d. .. qui va suivre.

70. En premierlieu: $1-16. En second Ïeu: $ lg_29. En troisième lieu: $ 30_4g.71. Premièrement: $ 50-90. Deuxièmement: ( or-la. Troisièmement: $ 9"9-sq. spinoza

annonce ici les tois points qu'il se propose de traitit dans la suite.72' En quatrième lieu : cf' $ 38 et 39. vidimus qrartq à un temps passé, fait suite à cognozi-

mzs tertio, et achève le rappel de ce qui précède.

. 73. Spinoza pense à l'atgument scèptique du rêve, et peut-être à Descartes qui en fait uneraison de douter. Mais Descartes finalemenidistingue le rêve etla veille (cf. ]féditation u!,etla phrase suivante ne s'applique pas à lui.

74. Cf. Ethique,II.75. Cf. bttre 37, à Bonnmeestea 10 juin 1666. ( Ir est avant tout nécessaire de disunguer

entre l'entendement et l'imagination, c'est-à-dke enffe les idées vraies et les autres, a slrroir l.sfictives, les fausses, les douteuses et d'une manière générale toutes cenes qu aefà"ae"t a. r^seule mémoire. Pour le comprendre, autant du màins que l'exige t" -etrrodË, il nLst pasbesoin de connaîtte la naturede.r'esprit pat sa.^rrr. prË-ièr.;î suffit a. JJrrÀjp"r rrrr.

Bl.-tT O.r;ttOO"n t,biskiola)^de I'esprit ôu d., p"rc.ptions, de la manjère .r,sei[é. pa,

bâcon ) A -rapprocher

du $ 84 : peu importe la manièrà dont on comprend l'imaginition.76. Cf. note y.

77, Laphrase esr curieusemert construite, mais la pensée de spinoza est craire: quantau possible, lâ nârure, c'est-à-dire l'essence de ra chose, nimpliqrre ni ion e"istence J r" .ro.r-existence. cf. les définitions spinozistes du nécessaire, de i'impossible .t a,, fo..ili. a".r.CM,7, chap. 3 et Éth.,I, 33, scolie 1 ; IV, déf. 3 et 4.

78. Première occurrence^de Deas dans l'ouvrage (à l'intédeur d'une supposition).79' Dans I'examen des fictions concernant leJ.rr..rces. Sur les mots'comme âccasion

d'erreurs cf. $ 88.80. implicat ss. ent. contradictianem

. I-es quatre exemples donnés sont de t)?es différents. Il s'agit dans tous les cas d,une fic-1on qui porterait sur I'existence. Mais les à.r.," premi.n .*.mp1., concernent des vérités defait' les deux derniers concernent des vérités d^'essence. Ainsi que re montre r" .rot. ,., qoipose comme une vérité étemelie <La chimère n'existe pas r, la chimère est ici quelque choiedont I'essence même exclu ]existence: pa, e*.-ple'o' cercle catté (et non une sirène).Cf Cll, I, chap. 1 et 3. Cf. Descartes, Eitretien orri Brruou, AT, V, 160'. L,exemple a. t,ete-phant passant par le chas d'une aiguiiie srnspire de ra Bibte. < Il est prus f".ilË a u., .rra-T:"o_d. pâsser pâr le ttou d'une aiguille qu,à un riche d,entter dans le tovaume de Dieu>(À{atthieu, 19).

81' La méconnaissance de I'ordre de la natute favotise la fiction. Celle-ci a toutefois deslimites si nous évitons de penset I'existence de maniète générale et abstraite. Cette remarqueest à meffr€ en rapport avec la notion d'essence particulièie aFfirmative, .f. 5 93 .t la. ôi.

"rssila récapitulation du $ 65 : il faut toujours conftàter l'existence d,une chos! a'ec son essence.Sut le rapport entre essence et existence, cf. KI1,I,préface, $ 5 et Étb.,it,a,if.à.-

-"

- 8f. Putan. Yenant aptès ftgere et précédé de a) nirinnt, putan a ici un sens faible, qui

n'impl.ique-aucune croyance à l'objet de ia représentation. De Âême dans 1., .rot", * .t r.83. É1ar désigne ce qui ptécède immédialement. La fiction, en 1,o..o.r.r,.", fo.,. *. l,.r^

t;u1 t''ayty eensée comme possibie, et non, comme on le croit comm...ré-.ni, sr* 1" .otorr_dité de la Terre.

NOTES AU TRACTATUS DE INTEI-IECTUS EMENDATIONE

84. ne aliqaid aperattlril esre: exptession généralement reconnue comme peu clatte, Aliquidétant tout à fait indéterminé, Spinoza veut probablement dire qu'il ne sait comment dési-gner cefte opétation qui n'est pas une fiction. A rapprocher du $ 58 : nous pouvons tout dite,c'est-à-dire n'importe quoi.

85. quaestiones. Il s'agit des questions qui sont I'objet de recherches et de discussions dansles sciences. Cf. Descattes Règhs pour k dirutiot d.e I'espit, t'ègle XII, AT, X,428-430.

86. L'explication de la fiction que Spinoza commence à ptoposer ici sera ptécisée au

s 64.

87. Alors que dans les cas précédents, Spinoza déplaçait la {iction, maintenant il nie queces suppositions soient des fictions. Ces expériences fictives, ou plutôt idéales, à partir de sup-positions impossibles, faisant abstraction des conditions réelies, sont parfois invoquées par lessavants pour prouver quelque chose de vtai et éclairer un phénomène, par exemple, ici, lacombustion. Spinoza a dans I'espdt un problème examiné par Descartes dans les Pindpu de laPh,ilasopbie, 1lI, 22 et IV, 95-101.

88. La conception des hypothèses scientifiques que Spinoza indique ici au passage est à

rapprocher de celle de Descanes. Cf. Principu de k PbilotEhie,IIL 15, 19, 43-46 etIY,199-207.Cf. la ptésentation qu'en donne Spinoza dans les Pincipes de k Phiksopbie de Ducartu...,Ill,préambule.

89. Spinoza n'oppose pâs toujours, comme ici,perripere et intelligere. Sur le tapport de pto-portionnalité inverse entre l'aptitude à imaginer et l'aptitude à comptendre cf. TTP, chzp.IL

90. L'exemple donné plus haut ($ 54) concernait i'existence, non la pensée.

91. Les exemples donnés impliquent une critique de la mytholog.ie antique et de cettainescroyances des religions juive et chrétienne. Cenains de ces exempies se retouvent dans l'É#z-qzc, 1,8, scolie 2. Sur les spectres, cf. learcs 52-54-56, à Boxel.

92. Spinoza considère une objection possible à sa thèse selon laquelle l'intellection réduitla fiction et y met un terme. Il expose l'objection dans le langage de ceux auxquels il s'oppose;c'est ainsi qu'il pade de la liberté d'assentiment. Cette liberté est une thèse cartésienne, mais ladocuine exposée concernant la fiction n'est pas celle de Descartes. I1 est possible que Spinoza,sans viser en particulier tel ou tel philosophe, veuille dissiper l'.idée d'un monde autonome dela fiction susceptible de se développer sans fin.

93. Le vtai se tévèle par la possibilité qu'il offre d'une déduction sans inteffuption.Cf. $ 104 où I'on rerouve les mêmes termes :Jeliciterpergel sine tili irrerfllptilfre; alors que le fauxse trahit pat les absurdités qui en découient tôt ou tard et qui mettent un te(me à la pensée.

Une idée fotgée par I'esprit peut se révéler vraie. Par exemple : la fiction d'un demi-cercle tour-nant autour de son centte, cf. $ 72.

94. c'est-à-dite à former les idées, ou essences objectives, de ces effets. La démonstrations'appuie sur la correspondance entre I'enchaînement des choses et I'enchaînement des idées,

cf. $ 41-42 (cf. aussi Ethiqae, lI,7) et sur la nécessité de l'enchaînement des choses dans 1a

nature (cf. Etbiqae, I, 29).

95. cohaetvntia, seule occurrence dans le TIE. Terme stoïcien, dont le sens est à Ia foisphysique et logique: il désigne aussi bien la cohésion des phénomènes de la nature(cf. I-euru 32, à Oldenbug 20 nov.1665, et TTP, chap. XVI, Geb. III p. 191) et la cohérence destermes dans un syllogisme. En ce dernier sens, il évoque l'adéquation. Ici la fiction esr énoncéesans que I'esprit pense une liaison cohérente entre le sujet et le ptédicat. Ceux-ci sont associés

de manière passive (cf. note x) ; il n'y a pas de véritable acte de I'esprit, (( âucun concept >,

cf . Ethiqw,II, déf. 3 : l,e concept est une action de l'esprit. Employé en son sens physique parDescartes dans les Principia philosopbiae, lI, 54, cohaerentia est traduit par liaison.

148 149

Page 49: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

PREMTERS Écnns

,96. pailatin: il faut compter sur le temps. De même en ce qui concerne les affects,cf. Ethiqae, V, 7 et 20, scolie.

97. L'iàêe est alors mutilée et confuse, inadéquate.98. Cf. Descartes, Règlespotr la dirrction de l'espit, règle XII,,4f X,420.La remarque pré-

cédente sur la confusion n'a pas encore excepté le simple ; la res integra pouuut êffe une chosesimple. Mais I'explication de la confusion a pour conséquence (sequitar) I'impossibilité de laconfusion dans le simple.

99. La note b contribue à éclairer ce point importânt, qui peut surptendre, peut-êtredégagé ici pat Spinoza pour s'opposer aux tenânts de la liberté d'assentiment dont il est ques-tion au $ 59. L'absence d'assentiment s'explique par Ia présence de petceptions qui I'excluent.A comparer avec Ethiqae, ll, 17, scolie.

100. Cf. Étttiqae, II, 17, scolie : < Et pour commencer d'indiquer ce qu'est l'erreur... >>

C'est aussi ce que fait Spinoza ici. Cf. aussi Etbique,II,35 et scolie;49, scolie.101. Dissiper toute crainte de la fiction en montrant comment l'éviter: tel était le but,

souligné dans cette récapitulation, visé pat Spinoza, comme le médecin qui montre au patientcomment il peut éviter Ia maladie et ne pas la cnindre, Ici se manifeste la connotation médi-cale du terme emendatio,

102. ipsi ne peut représenter que I'esprit, qui est aussi le sujet non exprimé àe possit. Cettenégligence dans le style vient peut-être de ce que la phtase, qui renvoie à la note b, a été ajoutéeaprès coup.

103. Referre semble impliquer un point d'application plus détetminé gue t'ersari.'104. nd.qzod, après re..., qaod est une redondance, dont les écrits de Spinoza donnent

d'autres exemples. Cf. J. H. Iæopold, De Spinoqae elocatione dicendique genere, p.9.105. Cette équivalence s'éclairera plus loin, S 70-71.106. La dénomination extrinsèque Q'accord avec l'objet) n'est pas exclue, mais c'est sur-

tout,,et fondâmentalement, un calâctère interne à la pensée vraie qui la distingue de la fausse.

Ct. Ethiqry II,43, scolie. Cette thèse essentielle est ici mise en évidence par des exemples. Leptemiet est à râpptocher de l'exemple du temple dans Ia lettre 9, à S. de I,'ies, fêvrter 1,663.1Êsecond, concetnant la pensée vraie d'une existence, est plus paradoxal, et fait encore mieuxressotir I'intériodté du caractète vrai d'une pensée.

107. Cf. $ 53. L'ignotance des causes tend possible la fiction, et par suite I'erreur.108. Cf. la définition du 4" mode de perception: une chose est connue pat sa seule

essence ou par la connaissance de sa cause ptochaine.Cette phrase contient la seule occurence du motlincipiart da;nsle TIE. Ce qrt est mis en

évidence sur le cas du principe est affirmé de toute pensée vra-ie. Le catactère intrinsèque de lavérité d'une pensée exclut même la considération de son rapport à d'autes pensées. Toutesnos idées vtaies, et pas seulement I'idée de Dieu, expriment par elles-mêmes la puissance de

I'entendement. Si elles se produisent les unes des autres à patir d'un principe connu par soi,c'est parce que, plus fondamentalement, elles sont produites par I'entendement, et exprimenttoutes la puissance de l'entendement. C'est ce qui constitue la forme du vrai. Cf. Eth,, II, 5.

109. L'exemple de I'ouwier donné au $ 69 peut illustrer cette autonomie de l'idée vraie,qui n'est pas causée par un objet extédeur. L'exemple présent, supposition impossible pourSpinoza, est donné à des fins pédagogiques pour penuader les tenânts de la thèse d'un Dieucréateur.

710. fngo. Cette idée forgée résistera à l'épreuve de la déduction et manifestera ainsi sâ

vérité. Cf. $ 61 et 104.Pour la réflexion sur la forme de la pensée vrrre,la géométde est un domaine ptivilégié.

Spinoza s'attache à l'aspect génétique de la définition, mis en évidence par Hobbes en pardcu-

NOTES AU TRACT'4ru| DE INTEI-IECTUS ENIEN"DATIONE

lier dans son Examinatio et emendatio mathemaliue hodiernae publiée en 1660' et déià dans le Da

ârpor, (f.par exemple I, 1, $ 5 et 6, $ 13) publié en 1655' Certes' connaîfte pat les causes ne

*fht p". à définir la pensée"vraie ; À^is'Ii connaissance par la cause met en pleine lumière

..,,a poirru.r.. d. p.n.., qui constitue la forme de la pensée vraie'

il1. oodo, opiosê à1anaa' À,apptocher de nd) (ttaàuit alots par <telle quelle>) riaa

demanstratione au $ 23.

1,1,2. C'est à. que Spinoza se ptoposait d'établit à la fin du $ 68' Les -exemples

donnés

semblent impliquer une cefiaine ,.Ltirite du simple. Âussi bien le $ 63 parlait de ns inplicis-

simae.

1,13. adaeqtare, seule occutrence de ce vetbe' Mais on trouve adaequate (1 fois) et

adaequtas ç+ fâis;.-Sur I'adéquat et Ie vrai, cf' Éthiqtte' II' déf' 4 et I' axiome 6; lettre 60' à

Tschimhaas.

lii,. Ces adiectifs et l'explication.donnée sur l'exemple qui suit-éclairent Par contrâste

I'idée d'adéquatio.r. À .o-pu,it zvec Éthiqu'.Il' 35 <.mutilées et confuses r>'

115. Explication ont;ogique, que dÉveiopperal'Éthiqw' cf' II' 11' corollaite' Cf' aussi

kttre 32, à Oldenbttrg 20 novembte 1665''116. Cf. kttre 12, à L. Mqtaa 20 av:l:i,l 7663'

Sur le lien entre imaginaJon et abstraction cf' $ 55' Cf aussi note h: dans le 3' mode de

oerception. I'inadéquation est iiée à l'abstraction'' ifZ. Cf. Ethiqtle, II, 40, scoLie I sut les notions gÉnétales'

118. La plr.. d. l'^pp"l d. note est incertaine; de même la signification de.la note'

119. Ce sont des propriétés de Dieu, non des âttributs' comme le sont la Pensée et

l'Étendue. Cl 1a théorieàe là det'inition de la chose inctéée S 97. Cf. atssi KV,I,1,9, note 1'

- iO. qaan passim ridenas cotttingere' Ces tetmes semblent viser des fotmes passagères et

,rrp.rn.i"tt'., - qooique obstinées -îe doute, plutôt que 1e doute sceptique' susceptible toute-

fois de Ia même critique. cf. $ 47 : < un tel homme parler" contre sa conscience. >> cf. Descar-

irr, a Ayoorlrlr*r,point 13 , u IL ttt sont sceptiques que de nom' et Peut-être même ne persis-

,"*-il.î".t. i'f,atésie oir ils sont de douter de tôotes ihoses que par volonté et parti pris >

121. sensatio, ttaduit par sendment' Senin est sÔuvent àssociê à pertipere àans ce Traité

.o--. a"rr, lninlqor.L'iàée est petception ou sensation de quelque chose' Cela ne veut pâs

àjJ" f"lif Jy ^

pa, ,ffir-^tio n. Sr)tirc si'grrifr" ,.nti..et opinet, êtte de tel ou tel sentiment, êue

J,"riJ qr.. L'lie. .r, sensat)0, et 1a certiËde est molns qao sentimtts essentian fontalen ($ 35) '

1,22, Lanote e précisequ" tttte pt"sét d'une trômperie des sens' qui nous jette dans le

doute. n'est pas claire et distincte. et en quoi'

izz. Srlt^V*emesuiet (qtis)quecigitaueritetfubitabitdtnslzphraseptêcêdenteetatrtt-siveit àans la suivante.

124. iteran,à son tour. L'ânaiyse fait se succéder trois états' Le premiei étât de non-doute

a été dissipé p^. l. do.,.. Ilt"in,.'1uttt (orsque l'idée confuse qui a enttaîné le doute est cla-

rifiée; le doute, à son tour' est dissipé'

Sur l,ensemble d" t,"rr"Çr. do àoot., .f. Etbiqae,ll,4g, scolie, notamment ( Par certitude

nous entendons quelque .ir'o.. a" po,itiË tt non la privation de doute )' et la réponse à la

2' objection. - r^ i__^-+^^125. Cette conséquence est en réalité un autte exempie, mais de.grande,importance' purs-

qu,il s,agit de montrer comment ptend finr:n doute sut lis idées claires et distinctes. Spinoza

io.,.r. i?i sa réponse à r"bi;;;"; du cercle adressée^à.Descâftes, eIl patticulier par Atnauld

f+ "Uj.l,i"*,i 7,V11,214,1x,166)' La réponse de Spinoza est longuement développée dans

i., iioip$ di n intmopn;e'd, ôrrroiff dtnintrés nbn k nétbode géonétiqae.1* p11., inttoduc-

,i." ICJU- I, 147 sq.): *1,-,i.qo. cette réponse [celle de Descattesl ne satisfait pas tout le

150151

Page 50: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

PREMTERS Écnrrs

monde, j'en donnerai une autre... > Cf. aussi 77?, chap. VI et n. 6 (Geb. III, p. 84 er252-253).En fait, l'analyse de Spinoza est une explicitation de la téponse de Descartes.

126. I-.e. texte donné dans les OP (sans Daz) poutrait être maintenu. Dans ce cas, la phtasequi suit, introduite par hoc est, exp|qrerait que, tant que nous ne savons pas que Dieu n'est pastrompeur, nous n'avons aucune idée claire et distincte, car I'idée d'un Dieu ttompeut jette lesoupçon, et donc quelque obscutité et confusion, sut toute idée : ce n'est pas seulernent la cer-titude qui nous fait alors défaut, mais même la clartê et la distinction. Certes, c'est I'absenced'une idée claire et distincte de Dieu qui fait que nous n'avons aucune idée claire et distincte ;d'où l'addition des À/L Mais le texte des ON tel quel, se justifie.

1,27 . lci Spinoza va se sépater de Descartes : il n'accorde pas au doute la même fonctionque Descartes.

128. Tel est en effet le vocabulaire scolastique, utilisé pat Descattes (cL Méditation II, AT,VII, 32, l. 18-19 ; Traiti de I'Honne, AT,XI,176,l.30-31 ; Description da corps hmai4 AT,Xl,227,t. 16-1T.

129. c'est-à-dite, ainsi que la note f pefinet de le ptéciser, délimiter, localiset dans letemps. La téminiscence, dont la phrase suivante dit qu'elle n'est pas à proprement parlermémoire parce que ce qui est retenu n'est pâs situé dans (non stb) la durée continue, confirmepar contraste que cette détermination est essentielie à la mémoire.

Sur l'imagination et 1â mémoire, compârer avec Éthiqre,Il, 17, scolie; 18, scolie.130. Cf. Etbiqae,7I,44, scolie etV,27. Sur le problème de la mémoite intellectuelie,

cf. Descattes à Mercenne, 1" avnl 1640 ; à HrEgens, 10 octobre 1.642 ; àAmauld,letttes de juin etjuillet 1648. Entretiet auec Baman, AT,Y,'!50.

131. Cf. KV. II chap.26, g 8; Érh..Y,23,scohe.132. A tapprocher du $ 76, fin.133, Spinoza use du langage commun. Pour lui, tour âffive nécessairement.134. Vague, c'est-à-dite non déterminé par I'entendement. Cf. $ 18 sut le 2'mode de per-

ception. L'entendemenq lui, agit selon des lois déterminées et selon une norme. L'oppositionde l'activité à la passivité est essentielle chez Spinoza (c1. Éthiqxe, III, déf. 3, ptop. 1 ; V, 20,scolie ; 40, cotollaire).

L^ kttre 37, à Boawnæster (10 juin 1666), regtoupe aussi sous I'imagination les idées fictives,fausses et doutetses.Dansl'Etbiqm (II, 40, scoiie 2) la connaissance du 1". genre, qui regroupedeux sottes de petception, par expérience vague et par signes, est appelée aussi imagination.

135. Cf. \ 51. Dans |'Etbiqm, Spinoza établira I'existence du corps (I, 13 et corollaire)avant d'expliquer I'imagination (II, 17 et scolie).

136. autonate tpirilwl en ce sens que 1'esprit n'obéit qu'à ses ptopres lois. Spirituel effacelIdée de mécanique aveugle que le terme âutomate (emplolé au $ 48 pout qualifiet les Scepti-ques : < des automates entièrement dépourvus d'esprit >) peut évoquer. L'audace de l'exptes-sion est atténuée par qusi. Leibniz utilisera cette expression (cf, Slstème noauem dt la nature et de

la commtnicatiott des sabstances $ 15 ; cf. aussi Monadokgie, $ 18, < des automâtes incorporels >)."t3T. notitia (seuie occurrence de ce terme), une notion, une approche, qui n'est pâs une

véritable connaissance de notte entendement, par I'essence ou pat la cause.138. Ces ctitiques, qui visent tantôt les Épicutiens ou les Stoiciens, tanrôt Descartes,

annoncent en effet certaines thèses spinozistes. Cf. Cotart 'fraitti,I, chap. 2 S 18-22 ; Éthique,I,13, corollaire ; 15, scolie. Cf. aussi leure 12, à L. Meya 20 avril1663.

139 . Conceptas fnganus : canæptlts a ici un sens latge. Ob jet de ficdon (fngarus), il n'est pasun acte de l'espnt. Vage, vaguement: d'une manière qui n'est pas déterminée par l'entende-ment. Cf. Etbiqw, II,49, scolie << L'essence des mots et des imâges est constituée par les seulsmouvements cotporels, qui n'enveloppent en aucule façon le concept de la pensée. >

NOTES AU TRAOlruS DE INTELIECTUS EMENDATIONE

140. Cf. $ 19 sut le 1". mode de petception. CÎ.B2Lcon, Nouun 0r8at11tr/1,I, 43 : les idoles de

la place publique.1.41. Incorpont, mis tout à l'heure à côté à'infri, rc se rettouve pas ici. c'est qu'il y a dans

le mot infni, qtrrrt "o

risque d'ereur, un degré de plus (etiam, et mème) ' Infni àésigne nêganve'

ment qu;lque chose de ptsitif, alors que (et contra, et inversement) ce qui est désigné positive-

ment (fnl àst nêganf. Incorporet désigne aussi négativement quelque chose de p osildf, m ls c0rp0-

rel, àIt d:ffêrence de fnr, désigne queique chose de positif'

142. tegitirza: conforme àux lois de I'entendement et à l'ordfe requis. L'entendernent est

empêché de"téfléchir sur lui-même, c'est-à-dire de metffe en ceuvfe la méthode, qui est une

connaissànce réfl exive.

143. Cf. $ 49 <Deuxièmement, fournif des règles pour petcevoit les choses inconnues

selon une telle norme ).

1.44. Cl. $ 1 9 et 29 sur le 4" mode de percepdon. La hn detnière, à laquelle se subotdonne

le but de cette méthode, a été précisée aux $ 13 et 14.

145. Spinoza pr.rrâ i.i ..i dirt^... Par rappoft à une expression co=1ntel objet de dis-

cussions a"poi. t,a"tiq"ité (cf. notamment Proclus, Elementalio theol.ogica \ 46 ' Starcz, Dispu-

tationes netElysicae, l, i. t, n. 27 ; Descartes, Méditati,ns nétapfutsiqttu, 1rc et 4€ obiections et

réponses). ô"-tt. réti..nce s'accorde avec le $ 70 (e pdncipe est sans cause) et le $ 97 (a défi-

niton de la chose incréée exclut toute cause). Caasa st'ri désigne improprement un être sans

."o... À la différence du Traité de ta Refonze de lentendemenT, Ie Coart Traité et lEthtqw

emploient cette expression sans réticence (cf. notamment Caurt Traité' I, chap. 1, $ 10 i Ethi

qoi l, aet.l, proi. 25 scoJie) : c'est que Spinoza lui donne alors un sens positif, comme

I' av att fait Descartes.146. Cette notion, ptéparée par les S 55, 75 et 76, fle se retrouve pas dans les autres

ouvrages de Spinoza. Cf. S 96 < Toute définition doit êtte affirmative >'

f47. C"r'd..rr adjectifs sont ici synonymes. Cf. $ 99 a rebus phlsicis siae ab entibus realibu ;

ces êtres réels sont opposés aux êtres de raison ou absttaits, comme sont les figules géomé-

triques.148. Dans f9tbique, Spinoza n'usera plus du langage de la ctéation'

149. C,est en efiet une définition génétique, à la différence de celle du $ 95. La géo-

métrie, qui nous fait prendre conscience-de Ia puissance de l'entendement (cf. $ 72), offre un

modèle de définition.150. Ce n'est donc pâs une définition génétique, à la différence de celle d'une chose

créée. Dans Ia knre 60, à 'fcbimhalt, Spinoza cànsidèie que la définition de Dieu dans l'Etbiqae

g, déf. 6) exprime, de même que la bonne définition du cetcle, la cause efficiente. 11 ptécise:

nj" "."r, ai.à une cause efficiente aussi bien intetne qu'extetne. > Il pense tlotsla caasa sai de

manière positive, et non, comme dans le TIE, de manière seulement négative.

151. Cf. KV, chaP. 1, $ 9 note.

752. Cf . $ g1 : n Ënsuiie, pouf famener toutes les idées à une seule... >> ; cf. aussi $ 49 :

<uoisièmement, instituer r.r oidr....r. Ce <ttoisièmement) est-il devenu le 2"d point de la

2"ù part!.e?

153. Cf. $ g1 et g5. Cf. aussi s 42. cf. Éthique,Il,7 < L'ordre et la connexion des idées

sont ies mêmes que l'ordre et la connexion des choses >'

154. Tel esile défaut du 3'mode de petception' cf' $ 19 et n' f'155. Il s'agit de l,infinité des modes finis que sont 1es choses existantes. Cf. $ L07 eamn

ærie siue ordine eà$endi (cf. Éthiq*e,1,1.6,25 corollabe,23). Spinoza souligne Ia complexité de la

détermination.156. Cf. $ 53 sq'

1,52 153

Page 51: Spinoza, Traité de la Réforme de l'Entendement, PUF

PREMTERS Écnns

157. Àpartirdel'Éthique,ll,del^tettre64,àSchutkr,du29 juilIet1675,ainsi queduCoar.tTraité, \ chap. 8 et 9, on peut penser que les choses fixes et éternelles sont les attributs de lanature divine (a pensée et l'étendue), auxquels f idée de série invite à ajouter les modes infinisimmédiats (l'entendement absolument infini, le mouvement et le repos). Les lois seraient les

modes infinis médiats (pout l'étendue, la <figure de tout l'univers>>, facies talias aniuersi,

l'ensemble de tous les râpports de mouvement et de repos qui règlent les déterminations des

choses existantes). Sur la loi, cf. Traité théokgico-politique, chap. IV: ( C'est pâr analogie que lemot de loi se voit appliqué aux choses natutelles. > Spinoza use ici de I'analog1e (tanqaam in saisuris codiribas) sans en étre victime.

158. essentialinr. Spinoza avance avec précaulion ce terme assez ï^te, absent de l'Étbiqae,et dont on a ici la seule occurrence dans le Traité,prêprêepatl'expression d'essence intime. Ilfaut aussi ptéciser que ces choses fixes et éternelles, dont dépendent et qu'enveloppent leschoses singuliè,tes changeantes, ne constituent pas I'essence de celles-ci. Cf. Cauû Traité, II,pÉft,ce, \ 5 ; Etltique, II, àéf . 2 (ici on ne peut dire uice uersa),Il, 10 scolie et 37.

159. Cf. Cbart Traité,I, chap. 7, $ 10 < comme s'ils étaient leur genre >. Cf. aussi I, chap. 8et I'expression de nature nâfllrée univetselle. Ce sont des cârâctèles communs à toutes les cho-ses singuliètes changeantes, partout présents, mais seulement comne (tanquam) des universauou des genres parce que ce sont des choses singulières, non absffaites du réel. Cette mise enévidence d'une universalité non abstraite semble être une approche des notions communes del'Etttique, cf. 1I, 37 -38-40 et scolies. Au début du scolie I j quand Spinoza dit avoir autrefoismédité sur ces questions, il fait probablement ailusion âux ré{lexions du Traité de k ReJànne de

/'entendement.

1 60. À cause de leur puissance très étendue. Elles sont donc comprises dans la définitronde toutes les,choses singulières. Sut Dieu comme câuse prochaine, et non éloignée, de touteschoses, cf. Ethiqae,1,28, scolJe.

1,67. experinenta. Il ne s'agit plus de l'expérience vague. E^?erinefltum a ici un sens plusprécis qu'au $ 19. A rapptocher de Descartes, Discours de la néthode,Yl;AT,Y7,63-65. Sut l'at-tention de Spinoza à l'expérience cf. note i et hltre 6, à Oldenbarg. Sur les limites de I'appel àl'expédence, cf. Pincipes de k phik:Ehie d.e Descartu démontrés nhn la néthade géonéhiqw, II, 6,scolie (fin) et lettre 10, à S. de Vriu, mars 1663.

162. Cf S 61.1,63. Le texte des Operaporthuna, Nam ex nalkfundamenta rugitationes nostrae tentinai qaeunt,

contloversé et cotrigé de diverses manières, peut pouftant être conservé. Ex nil/ofandanentateûninari qiletlltt teprend sine a//a intemtptione, et 1â phrâse est à rapprochet du $ 71 : < La formede la pensée vraie... ne teconnaît pâs pour cause un ob,et >, ( toutes ces pensées seraient vraies,sans être déterminées pâr aucun objet extérieut > (a nullo oblecto externo d.etemtinatae). Tetminai exsignifie une détermination extérieure. Il n'y a den de tel pour la pensée vraie. Si elle se fondesut quelque chose, ce n'est pâs sur quelque chose qui lui serait extérieur. La phtase suivântereconnaît une autre fonction au fondement: non pas limitet, mais diriget. Maintenu sâns cor-rection, le texte des OP peut êtte traduit ainsi: < Cat nos pensées ne sauraient trouver horsd'elles un fondement qui soit leut terme. )

164. Ici s'inttoduit la solution de l'aporie qui vient d'êre énoncée. Ceres, la dé{inition del'entendement n'est pas claire absohmentpar elle-même. Ëlle peut toutefois s'éclaircit non pasabsolument par elle-même, mais à partir de (en relation avec) la connaissance claire de proprié-tés de I'entendement.

165. La note tenvoie aux pages des O. P. qui corespondent aux $ 29-30 et sq.

166. Rematquées âu cours des analyses précédentes. Cf. notamment S 35, 38, 72, 85,86, 89.

NOTES AU TR,IC-TAruS DE INTEI-LECTUS EMENDATIONE

1.67. sab: sousl'aspect àe.Cf.Éthiqtte, notammentll,44,cotollaire2 Y,22;29etscolie; 30, 31, scolie ;36. Cf.

^ùssi lettre 12, à L. MryerQ août 1663).

168. Ce n'est pas le cas pour les idées qu'il forme absolument, cat elles sont simples.

1,69. Cf.l'ouvrage de Ftans van Schooten, que Spinoza connaissait: De otganica cottricanm

sectionam in plano duciptione Tractata: (1'646).

170. Ces modes de pensée sont étudiés dans le Coaft Traité etdtnsl'Ethiqae, c'est-à-dire

dans la < Philosophie >.

1,71. Cf Ethique,II,33,35 et scolie. Dans Ie Traité, cf. $ 62 sq.

1.72. Telle est la notion, pour ne pâs dite la définition, spinoziste de I'essence, cf' -E#., II,àéf.2.

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