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Startup De la Fondation à l’Exit Sujets choisis

Startup - Kellerhals Carrard

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StartupDe la Fondation à l’ExitSujets choisis

Préface

Pour qui a vécu sur le terrain l’évolution économique de ces vingt dernières années, le développement de l’entrepreneuriat en Suisse, et notamment en Suisse Romande, est réjouissant. Alors que nombre de secteurs traditionnels devaient faire face à des défis majeurs, l’innovation est apparue progressivement comme la matière première la plus prometteuse de notre pays. Il apparaît que la Suisse est désormais l’un des pays qui investit la proportion la plus importante de son PIB dans la recherche et le développement, et elle se trouve fort bien positionnée, en comparaison internationale, sur le plan des brevets et des publications scientifiques à l’aune de sa population.

Un tel essor s’est accompagné d’une amélioration des conditions cadres pour les nouvelles entreprises technologiques. S’il est vrai que la notion de « start- up » n’est pas définie et ne bénéficie que rarement d’un statut particulier dans l’ordre juridique, les acteurs ont (ou peuvent avoir) aujourd’hui une vision claire des enjeux juridiques et fiscaux qui vont marquer les étapes de développement de leur société. On peut songer aux modalités qui accompagnent et valorisent au sein des Hautes Ecoles le transfert de la technologie du secteur public au secteur privé. Ou encore à la standardisation de contrats d’investissement ou des conventions d’actionnaires qui ont parfaitement intégré le modèle d’affaires de sociétés à forte croissance. Certes, nombre de réflexions restent à conduire pour améliorer l’écosystème : le financement du scale up, les moyens de freiner l’exode de la technologie lors des Trade Sales ou encore la démocratisation des IPO ou des STO et la création de plateformes d’échange.

Dans ce contexte, le créateur d’entreprise n’est pas en manque d’information. Il trouve en libre accès de nombreuses publications qui tantôt vulgarisent tantôt approfondissent les thèmes liés au régime juridique des startups, mais en éclairant le plus souvent certains aspects seulement. Aussi nous est-il apparu qu’il y avait une place pour un guide qui décrirait, de manière simple, précise et pratique, le cadre juridique marquant toutes les étapes de la vie de la société, de sa constitution à son exit.

Tel est le but de ce guide rédigé par de nombreux auteurs, dont le trait commun est de consacrer avec passion une large partie de leur activité à l’accompagnement d’entrepreneurs et de jeunes entreprises. Cet esprit les a d’ailleurs conduit à créer eux-mêmes une startup juridique, Seed Up, pour qui « le meilleur moyen de comprendre les défis rencontrés par une startup, c’est d’en être une » !

Au-delà de ce credo, nous sommes convaincus que le meilleur accompagnement d’une startup repose bien sur l’état d’esprit de son conseiller, qui doit être non

point un observateur mais une partie prenante du projet, de ses vicissitudes à ses succès. Puisse ce guide en témoigner et faciliter la tâche de ceux pour qui l’outil juridique devrait être un moyen de faciliter le développement du projet, et non de l’entraver.

Remerciements

Ont collaboré à la préparation de

ce guide :

Pierre Bovet, Marina Castelli, Jean-Luc Chenaux, Alexandre Gachet, Max-André Haas, Vincent Jäggi, Nicolas Krauer, Stéphane Manaï, Joséphine Marmy,

Sylvia Paolone, Edgar Philippin, Anne-Gabrielle Piaget, Frédéric Rochat, Virginie Rodieux, Hannah Sutter,

Laurence Turner, Cindy Ung.

Table des matières

1. Projet et Business plan .....................................................................11.1 Contexte .............................................................................................................2

1.2 Business Model et Business Plan ................................................................3

1.3 Étude de faisabilité juridique ........................................................................7

2. Fondation : choix de la forme juridique, processus et documents liés ..............................................................8

2.1 Contexte .............................................................................................................9

2.2 Sociétés de personnes et sociétés de capitaux ................................... 10

2.3 Brève description des principales structures juridiques .................... 10

2.4 Critères de choix entre les différentes formes juridiques .................. 11

3. Relations entre actionnaires ........................................................ 143.1 Contexte .......................................................................................................... 15

3.2 Régime légal .................................................................................................. 16

3.3 Les dispositions courantes des conventions d’actionnaires ............. 17

4. Relations avec les collaborateurs ............................................... 234.1 Contexte .......................................................................................................... 24

4.2 Le contrat de travail ...................................................................................... 25

4.3 L’emploi de collaborateurs étrangers ...................................................... 27

4.4 L’intéressement des collaborateurs ......................................................... 31

5. Relations avec les tiers .................................................................. 365.1 Commercialisation de biens et services en Suisse .............................. 37

5.2 La commercialisation de biens et services sur Internet ..................... 46

6. La protection des données ........................................................... 536.1 Contexte .......................................................................................................... 54

6.2 Le champ d’application ............................................................................... 55

6.3 Droits et devoirs en cas de traitement de données personnelles .... 55

6.4 Règlement européen ................................................................................... 57

6.5 Révision de la LPD ........................................................................................ 58

7. Le financement de la startup ....................................................... 607.1 Le tour de financement et l’augmentation de capital .......................... 61

7.2 L’emprunt convertible .................................................................................. 73

7.3 L’assainissement de la startup .................................................................. 77

8. L’exit ................................................................................................... 828.1 La vente de la société .................................................................................. 83

8.2 L’entrée en bourse (Initial Public Offering) ............................................. 87

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1. Projet et Business plan

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1.1 Contexte Tout projet entrepreneurial nécessite une planification d’affaires intégrant des réflexions de stratégies commerciale, organisationnelle, financière et juridique. Le secteur entrepreneurial a connu une croissance importante ces dernières années et les outils à disposition des nouveaux managers se multiplient.

L’outil de référence dans le domaine a pendant longtemps été le business plan. Sujet d’étude incontournable dans toutes les business schools les plus renommées, il constituait le document préalable indispensable à toute nouvelle entreprise. Il reste un modèle de référence pour de nombreuses entreprises.

Nous assistons toutefois depuis quelques années à l’émergence de nouvelles approches dans le domaine entrepreneurial. Le courant dominant actuel se veut plus itératif et expérimental que le courant classique du business plan, concentré sur la planification. Le monde entrepreneurial parle désormais de méthodologie dite « lean startup », dont la caractéristique principale est la réduction du risque.

Ce chapitre présente brièvement ces deux approches.

3Kellerhals Carrard

1.2 Business Model et Business PlanA titre préalable, il convient de préciser que ces deux courants peuvent être complémentaires et qu’ils poursuivent un but commun qui est de conceptualiser une entreprise en activité ou en création, et d’en définir les contours en termes économiques, organisationnels, financiers et juridiques. Les outils à disposition sont d’un degré de pertinence plus ou moins élevé selon l’étape du cycle de vie dans laquelle se trouve la société. On préférera le Business Model Canvas (inspiré de l’approche « lean startup ») pour les projets naissants alors que le Business Plan sera plus pertinent pour des entreprises plus développées. La timeline ci- dessous illustre de façon schématique le modèle le plus adéquat en fonction du développement de la startup :

IDEA STAGE

Une idée/projetUn marché potentiel

Pas de structure juridique

CO-FOUNDER STAGE

Le produit/service se dessineUne équipe

Premiers advisors

FFF

Une structure juridiqueLe produit/service est présentable

Plusieurs personnes sont impliquéespremiers contrats

Succès du produit/servicelargement con�rmé

par le marchéDe nombreux investisseurs

externes sont intéressés

EXIT

Le produit/service est utilisablePremiers clients

Premières entrées de fondsPremiers employés

SEED ROUND(BUSINESS ANGELS)

Solide possibilité de croissanceDes investisseurs externes sont

intéressés

SERIES A(VENTURE CAPITALISTS)

BUSINESS MODEL CANVAS - BUSINESS PLAN

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Figure 1 : Approche « lean startup » v. Business plan

1.2.1 Business Model CanvasToute startup doit définir son business model et sécuriser certains éléments juridiques avant d’atteindre le stade du Seed Round.

Le business model décrit les principes sur la base desquels une entreprise crée et délivre de la valeur à ses clients. Le concept Business Model Canvas a été présenté au grand public par A. Osterwalder et Y. Pigneur en 2010 dans leur ouvrage « Business Model Generation ». Il fait office de référence dans le domaine de la définition des modèles économiques et constitue un outil efficace et intuitif à disposition des entrepreneurs au début de leur aventure.

4Kellerhals Carrard

Nous sommes d’avis qu’un business plan complet ne se justifie pas au stade embryonnaire de l’entreprise dès lors qu’il devrait comporter des analyses prédictives approximatives avant même de pouvoir confronter le produit/service au marché. Le Business Model Canvas décrit en neufs blocs clairs la matrice du modèle économique :

1. Key partners : fournisseurs et partenaires cruciaux.

2. Key activities : activités principales nécessaires à la réussite du business model.

3. Key ressources : ensemble des ressources matérielles (actifs mobiliers et immobiliers), humaines, financières et intellectuelles (marques, brevets, droits d’auteur, etc.).

4. Value propositions : combinaison de produits et/ou services créateurs de valeur pour le segment de clientèle ciblé. Cela répond à leur(s) besoin(s) et permet de résoudre leur(s) problème(s). La valeur peut résider dans le prix et/ou la qualité.

5. Customer relationship : démarche marketing visant à acquérir et fidéliser les clients.

6. Channels : canaux de communication, de distribution et de vente.

7. Customer segments : différents groupes d’individus ciblés par la proposition de valeur de l’entreprise. Il s’agit des personnes ayant des besoins, envies et une propension à payer similaires. On distingue le marché de masse, de niche (clientèle très spécialisée), segmenté (plusieurs types de clients similaires) ou diversifié (clients ciblés différents).

8. Cost Structure : coûts fixes et variables.

9. Revenue Streams : trésorerie générée par les ventes uniques, d’abonnements, de licence ou de leasing.

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The Business Model Canvas

DesigneD by: Strategyzer AGThe makers of Business Model Generation and Strategyzer

This work is licensed under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported License. To view a copy of this license, visit:

http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/ or send a letter to Creative Commons, 171 Second Street, Suite 300, San Francisco, California, 94105, USA.

strategyzer.com

Revenue Streams

Customer SegmentsValue PropositionsKey ActivitiesKey Partners

Cost Structure

Customer Relationships

Designed by: Date: Version:Designed for:

ChannelsKey Resources

1.2.2 Business Plan Le business plan est un outil de planification davantage adapté aux startups dont le stade de développement est plus avancé, qui ont déjà levé des fonds auprès de leur proches et dont le produit/service commence à trouver ses premiers clients. En effet, à partir de cet instant, il est opportun de prévoir un modèle plus complet avec des informations détaillées comportant une large partie financière et, notamment, des prédictions. Dans tous les cas, le processus de préparation du business plan est utile pour aider un entrepreneur à réfléchir aux points essentiels de son activité. Notons qu’un business plan doit être présenté de manière différente selon son destinataire : un investisseur, un établissement financier ou un partenaire commercial ne seront pas attentifs aux mêmes éléments du business plan et il convient d’adapter sa présentation en fonction du but poursuivi.

Voici un modèle standard adapté aux startups :

1. Management summary : business model expliqué de manière synthétique, informations financières principales (chiffre d’affaires le cas échéant, besoins en financement) et objectifs (propositions).

2. Entreprise : siège, nom, forme juridique, but social, fondateur(s), structure du capital, administrateurs et conseillers.

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3. Management et personnel : profil des fondateurs et managers, organigramme, pouvoirs décisionnels et de signature, processus décisionnels et employés.

4. Produits/services : description détaillée des composantes du produit/service ainsi que des besoins qu’ils comblent chez les clients et les problèmes qu’ils résolvent.

5. Marché : description des segments de clientèle visés, du volume du marché potentiel, des parts de marché prévues, du taux de croissance du marché considéré et analyse détaillée de la concurrence (benchmark au niveau des forces et faiblesses).

6. Marketing : définition d’une stratégie marketing (positionnement : stratégie par les coûts, différenciation ou de niche) et mise en œuvre opérationnelle en termes de politique de produit, de prix, de communication et de distribution.

7. Analyse des risques : décroissance de la demande, perte d’un partenaire stratégique, perte de parts de marchés, innovation majeure mettant à mal le business model.

8. Production et infrastructures (cas échéant) : lieu de production (avantages et inconvénients), infrastructures, machines de production.

9. Planification financière : obligation de tenir une comptabilité pour les entreprises ayant réalisé plus de CHF 500’000 de chiffres d’affaires l’année précédente et pour les personnes morales. Sinon, possibilité de tenir une comptabilité.

10. Propriété intellectuelle : brevet, protection de marque, droit d’auteur, nom de domaine.

11. Milestones : prochains objectifs et délais (ex : levée de fonds).

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1.3 Étude de faisabilité juridiqueLa réflexion juridique s’inscrit dans la définition du business model. Au même titre que le business plan, les besoins juridiques sont différents en fonction du stade de développement de la startup. Nous recommandons ainsi de mener certaines réflexions juridiques au niveau micro (i.e. au niveau de certains éléments de l’entreprise), méso (i.e au niveau de l’entreprise dans son ensemble) et macro (i.e relations entreprise – entités externes) :

- Au niveau micro : étude de faisabilité juridique, protection de la propriété intellectuelle le cas échéant.

- Au niveau méso : création d’une structure juridique adaptée à la situation, convention d’actionnaires

- Au niveau macro : gestion des partenaires.

L’étude de faisabilité juridique permet de déterminer la conformité juridique du produit/service envisagé. Cette étude s’inscrit dans l’approche « lean startup » décrite plus haut, qui conseille de confronter le plus tôt possible un produit/service à son marché potentiel. Elle permet aussi de limiter les coûts et les risques d’échec, voire de violation des dispositions légales. Il s’agit donc d’une analyse à mener le plus rapidement possible pour un entrepreneur en vue d’évaluer ses risques financiers (probabilité et montants) et de mettre en place les éléments indispensables à l’exercice de son activité future.

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2. Fondation : choix de la forme juridique, processus et documents liés

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2.1 Contexte Le choix de la forme juridique s’inscrit dans le processus de développement d’une startup. La forme juridique relève d’ailleurs moins du « choix » à proprement parler que du résultat d’une analyse de la structure la plus adaptée à la situation et aux objectifs de l’entreprise.

Le Code des obligations suisse (CO) contient des règles impératives (auxquelles on ne peut déroger) et des règles dispositives propres à chaque structure juridique. Une bonne connaissance des différentes formes juridiques et des règles qui leurs sont associées sont nécessaires afin d’éviter les mauvaises surprises.

Nous nous intéressons dans ce chapitre aux éléments pratiques qui doivent permettre aux fondateurs d’une startup de se déterminer sur la forme juridique qu’ils souhaitent donner à leur activité : la nature de l’activité, le nombre de fondateurs, la publicité de l’actionnariat, les besoins en financement et les risques liés au modèle d’affaires sont autant de critères qu’il convient de prendre en considération au moment de choisir la forme juridique de son entreprise.

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2.2 Sociétés de personnes et sociétés de capitaux L’ordre juridique suisse connait un numerus clausus des formes de sociétés. Il n’est dès lors pas possible d’organiser en Suisse une société sur la base du droit étranger.

En pratique, les entreprises exercent généralement sous la forme de la raison individuelle, de la société en nom collectif (SNC), de la société à responsabilité limitée (Sàrl) et de la société anonyme (SA).

On oppose les sociétés de personnes aux sociétés de capitaux. La SNC fait partie de la première catégorie ; la Sàrl et la SA sont quant à elles des sociétés de capitaux.

La différence fondamentale entre ces deux catégories réside dans la responsabilité des propriétaires pour les dettes de la société : les associés d’une société de personnes encourent une responsabilité illimitée sur tout leur patrimoine pour ces dettes alors que le patrimoine d’une société de capitaux est seul à répondre des dettes de la société, à l’exclusion du patrimoine de ses propriétaires.

2.3 Brève description des principales structures juridiques2.3.1 L’entreprise individuelleL’entreprise individuelle n’est pas une société et elle n’est pas réglementée spécifiquement par le Code des obligations. Elle ne dispose pas de la personnalité morale. Elle est donc éminemment personnelle et incarnée par l’indépendant qui l’exploite.

Contrairement aux sociétés de capitaux, elle n’a pas de capital minimum nécessaire ni de structure d’organisation imposée par la loi. Elle permet toutefois l’engagement de personnel et la conclusion de contrats commerciaux.

L’inconvénient principal de l’entreprise individuelle réside dans le fait que son propriétaire est directement exposé à ses créanciers si l’activité n’est pas suffisante pour dégager un bénéfice. Pour cette raison, elle est en général limitée aux activités artisanales ou locales, pour lesquelles le risque économique peut être maîtrisé.

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2.3.2 La société en nom collectif La SNC est fondée par deux ou plusieurs personnes physiques. C’est une société de personnes qui dispose de la quasi-personnalité juridique. Comme l’entreprise individuelle, elle ne dispose pas d’un capital minimum de départ nécessaire. Le corollaire est une responsabilité illimitée des associés pour les dettes de la société, même si elle est subsidiaire par rapport aux avoirs de la société : le créancier doit donc d’abord s’en prendre aux biens de la société et ne peut s’en prendre aux associés que si les poursuites contre la SNC sont restées infructueuses.

2.3.3 La société à responsabilité limitée et la société anonyme La Sàrl est une forme juridique très intéressante pour les entrepreneurs : son capital minimal est relativement faible (CHF 20’000) mais il répond seul des dettes de la société. Les propriétaires de la Sàrl (appelés les « associés ») sont ainsi protégés et n’exposent pas leur patrimoine personnel pour le cas où l’activité exercée ne serait pas un succès.

La SA présente cette même caractéristique. Elle offre toutefois des possibilités plus larges en matière d’aménagement du capital, notamment la constitution de capital conditionnel destiné à rémunérer des collaborateurs dans le cadre de plans d’intéressement (voir le chapitre 4.4) ci-après). En outre, les propriétaires (appelés les « actionnaires ») peuvent rester anonymes à l’égard des tiers, contrairement à la Sàrl, dont les associés sont inscrits au Registre du commerce. La SA est donc la forme privilégiée lorsque des investisseurs professionnels tiers (business angels, investisseurs privés fortunés, venture capitalists) souhaitent investir dans une startup.

2.4 Critères de choix entre les différentes formes juridiques2.4.1 La nature de l’activitéLa nature de l’activité est un premier critère permettant d’opérer un choix parmi les différentes formes juridiques : le caractère local ou international du business, le développement de l’activité et le type de commerce sont autant d’éléments qui seront à la base du choix de la forme juridique.

2.4.2 Le nombre et le type de fondateursPar définition, une entreprise individuelle est exercée par une seule personne physique, même si cette dernière peut s’entourer de collaborateurs. Elle ne se

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prête pas à l’activité de plusieurs fondateurs. La SNC quant à elle ne peut être fondée par une seule personne.

Les sociétés de capitaux peuvent pour leur part être constituées par une ou plusieurs personnes, physiques ou morales.

2.4.3 La publicité de l’actionnariatEn cas d’exercice sous la forme de la raison individuelle, l’inscription nominative au Registre du commerce ne permet pas au fondateur de conserver un quelconque anonymat. Il en va de même pour la SNC.

L’anonymat du sociétariat est également exclu dans le cadre de la Sàrl puisque les noms des détenteurs de parts sont inscrits au Registre du commerce, contrairement à la SA. Cette dernière est donc la seule à garantir une confidentialité des investisseurs à l’égard du public.

2.4.4 Les risques liés à l’entrepriseLa durée des engagements contractés par l’entreprise, leur ampleur, les risques de l’activité et l’importance des investissements sont déterminants pour le choix de la forme juridique. Pour des questions de responsabilité, il est impératif de constituer une société de capitaux lorsque les risques liés à l’entreprise sont importants.

Aucune activité n’est dépourvue de risque : toutefois, il convient de peser les risques effectivement encourus avec la nécessité d’investir un capital de départ dans la constitution d’une société.

2.4.5 Les besoins en financement et la structure du capitalLes sociétés de personnes et l’entreprise individuelle ne requièrent aucun capital minimum. Les possibilités de financement par des fonds étrangers sont donc fortement dépendantes de la capacité de leur fondateur à fournir des garanties personnelles (assurance-vie, hypothèque).

Les sociétés de capitaux requièrent pour leur part un capital social minimum (de CHF 20’000 au sein d’une Sàrl et de CHF 100’000 au sein d’une SA, le capital pouvant toutefois être libéré effectivement à hauteur de CHF 50’000 seulement pour la SA), qui constitue un socle de garantie pour les investisseurs dès lors que le droit suisse impose des mesures drastiques lorsque ce coussin de sécurité est mis en danger (voir le chapitre 7.3) ci-après). Les possibilités de financement sont dès lors plus accessibles pour ces sociétés car le capital social constitue en lui-même une garantie pour les nouveaux investisseurs.

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Contrairement à la SA, les règles régissant la Sàrl permettent d’imposer des obligations supplémentaires aux associés, notamment sous la forme de contributions complémentaires au capital. En revanche, les différents mécanismes d’augmentation du capital prévues dans la SA offrent une grande souplesse pour aménager l’entrée d’un ou de plusieurs investisseurs. La possibilité par exemple de prévoir des actions privilégiées est cruciale une fois que la startup a atteint un certain stade de développement et souhaite intégrer des investisseurs professionnels dans son capital. Ainsi, lorsque le business nécessite la mise à disposition de ressources financières importantes de la part d’investisseurs tiers, il est impératif que l’activité soit menée sous la forme d’une SA.

La transformation d’une Sàrl en SA est une opération prévue par le droit suisse. Elle présente toutefois une certaine complexité qui n’est pas à sous-estimer, et peut engendrer des frais inattendus. L’opération est particulièrement critique lorsque la transformation a lieu lors d’un tour de financement afin de garantir l’anonymat des investisseurs.

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3. Relations entre actionnaires

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3.1 Contexte La convention d’actionnaires vise à régler contractuellement les droits et obligations des actionnaires dans une mesure que les statuts n’autorisent pas. Les statuts ne peuvent prévoir d’autres obligations pour les actionnaires que celle de libérer le prix d’émission des actions (article 680 CO). Or, en pratique, le besoin existe de règlementer les relations entre les actionnaires. La convention d’actionnaires réunit tout ou partie des actionnaires appartenant généralement à une même société. Elle comporte habituellement des dispositions relatives à l’organisation de la société (gouvernance d’entreprise, composition du conseil d’administration, quorum, majorité et droit de veto relatifs aux décisions du conseil d’administration et de l’assemblée générale), aux limitations de transfert des actions et à la protection de l’investissement (anti-dilution, réalisation de l’investissement).

La convention d’actionnaires permet de personnaliser les relations réciproques des actionnaires. Dans les startups, il s’agit d’un document fondamental pour régir, dans un premier temps, les relations entre les actionnaires fondateurs, puis, par la suite, les relations avec les investisseurs financiers pendant la durée de l’investissement jusqu’à l’exit.

De plus, quand bien même une convention d’actionnaires n’a pas vocation à empêcher la survenance de conflits entre actionnaires ni à les résoudre, elle peut néanmoins éviter que ceux-ci ne débordent sur le plan judicaire en fournissant un cadre contractuel adéquat pour les prévenir et les gérer.

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3.2 Régime légalLa convention d’actionnaires est un contrat soumis au droit des obligations, mais n’est pas expressément traitée par la partie spéciale du Code des obligations.

Si les parties poursuivent un but commun – typiquement dans le cas d’une convention de vote – la convention prendra la forme d’une société simple (articles 530 ss CO). Il faudra examiner dans chaque cas d’espèce si les prestations et obligations convenues entre les parties se trouvent dans un rapport d’échange, ou si c’est au contraire l’objectif commun qui prédomine. La qualification juridique joue notamment un rôle lorsqu’une norme impérative est en jeu, ou lorsque la convention doit être interprétée et complétée (par exemple sur sa durée).

3.2.1 L’effet limité entre les partiesLa convention d’actionnaires ne produit d’effets qu’entre ses parties. Partant, les actes effectués en violation de la convention d’actionnaires sont pleinement valables s’ils ont été accomplis en conformité avec le droit des sociétés et le droit des contrats. La convention ne saurait ainsi être opposée à la société et le contrevenant s’expose aux seules sanctions prévues par le droit des obligations.

3.2.2 La société partie à la convention ?La question est controversée. Un consensus se dégage toutefois qui tend à exclure la participation de la société à la convention pour les dispositions touchant à l’exercice des droits de l’actionnaire, et notamment du droit de vote. Pas plus qu’elle n’est autorisée à imposer à ses actionnaires des obligations allant au-delà de la libération de leurs actions, la société ne saurait intervenir dans le processus de formation de sa propre volonté. Il faut admettre toutefois que la société peut prendre des engagements spécifiques à l’égard de ses actionnaires en matière de transfert des actions propres détenues par la société (droit de préemption des parties à la convention) ou d’autres engagements qui n’influencent pas directement le droit de vote des actionnaires.

3.2.3 Coordination nécessaireEn tout état, il faut coordonner dans toute la mesure du possible les dispositions des statuts, du règlement d’organisation et de la convention d’actionnaires afin d’éviter toute contradiction entre leurs dispositions respectives.

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3.3 Les dispositions courantes des conventions d’actionnaires3.3.1 Le préambuleIl est utile de prévoir un mécanisme contractuel permettant aux éventuels nouveaux actionnaires reconnus par le conseil d’administration d’adhérer ultérieurement à la convention existante sans avoir à solliciter l’accord et la signature des actionnaires existants.

3.3.2 GouvernanceLa convention d’actionnaires prévoit fréquemment des dispositions relatives à la gouvernance de la société. Ces dispositions doivent alors être reflétées dans toute la mesure possible dans les statuts et le règlement d’organisation.

A la différence des statuts, la convention d’actionnaires permet d’imposer des obligations supplémentaires à l’actionnaire, notamment dans un but de gouvernance :

- Accord écrit des actionnaires : l’accord écrit d’une majorité spécifique des détenteurs d’actions (ordinaires et/ou privilégiées) pour certaines décisions de l’assemblée générale, inconnu du droit de la SA en raison du principe d’immédiateté, représente un moyen de contrôle utile ;

- Composition du conseil d’administration : la composition du conseil d’administration est cruciale. La conclusion d’une convention d’actionnaires permet de déroger au principe majoritaire, en tant qu’elle permet de déterminer la composition du conseil d’administration et de garantir le nombre d’administrateurs attribués à chaque groupe d’actionnaires. Elle peut également prévoir la possibilité d’élire des administrateurs indépendants, dont la présence au sein du conseil constitue une pratique recommandée. La convention d’actionnaires détermine quel actionnaire ou groupe d’actionnaires peut désigner un ou plusieurs administrateurs, et mentionne parfois nommément les administrateurs initiaux pour une période déterminée. Les actionnaires sont ensuite tenus de respecter leur engagement contractuel en élisant ou réélisant formellement les administrateurs à l’occasion d’une assemblée générale. Toutefois, et dans la mesure où un administrateur peut être amené à démissionner ou à être révoqué par l’assemblée générale, il est important de ne pas se limiter à nommer les administrateurs attribués à chaque groupe d’actionnaires mais de prévoir un processus clair de nomination et de remplacement ;

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- Statut d’observateur : le statut d’observateur est fréquemment prévu pour des investisseurs minoritaires qui souhaitent pouvoir participer aux séances du conseil d’administration sans avoir le pouvoir d’influer sur le processus décisionnel. Il faut alors veiller à ce que le statut d’observateur ne confère aucun droit de vote et qu’il soit soumis à une stricte obligation de confidentialité, en particulier lorsque cet observateur n’est pas actionnaire et donc pas signataire de la convention d’actionnaires ;

- Prise de décision : des règles particulières dérogeant au principe légal (dispositif) de la majorité relative (art. 713 CO) peuvent figurer dans la convention d’actionnaires et être reflétées dans le règlement d’organisation. Il est courant de requérir la présence d’une majorité absolue des membres du conseil d’administration, incluant parfois obligatoirement un administrateur spécifique. Or les situations de blocage doivent être évitées, notamment lorsqu’elles sont provoquées par l’absence, volontaire ou non, de certains administrateurs. A cet effet, la convention d’actionnaires peut prévoir qu’en cas de non-atteinte du quorum requis, une nouvelle séance du conseil d’administration est convoquée dans un délai déterminé avec le même ordre du jour et sans nécessité de respecter un quelconque quorum. Ensuite, des dispositions de protection spécifiques peuvent soumettre certaines décisions importantes à une majorité qualifiée du conseil d’administration (« important board matters ») ou de l’assemblée générale (« important shareholder matters »). Toutefois, ces dispositions protectrices doivent constituer une exception et n’ont pas vocation à former un corset autour du conseil d’administration en limitant son pouvoir décisionnel de manière excessive. D’une manière générale, les requêtes concernant l’octroi de pouvoirs de veto doivent être accueillies avec circonspection, et ce dans l’intérêt commun. Concernant les décisions importantes de l’assemblée générale, elles doivent figurer dans les statuts pour être opposables aux tiers, étant précisé que les statuts peuvent prévoir des règles plus strictes pour les décisions importantes prévues par l’article 704 alinéa 1er CO, mais pas des prescriptions moins rigoureuses ;

- Instructions de vote : l’accord par lequel un administrateur s’engage à exercer son mandat selon les instructions d’une tierce personne qualifie de consortium d’administration. Il est limité par l’article 717 CO et il n’est admissible que s’il concrétise les intérêts de la société et les administrateurs ne sauraient en inférer une exonération de toute responsabilité ;

- Droit à l’information : la définition claire du contenu et des modalités de l’information aux actionnaires parties à la convention est essentielle au vu des limites de la loi quant à son contenu (article 697 alinéas 1 et 2 CO) et sa fréquence (article 697 alinéas 1 et 4 CO). Le conseil d’administration n’a en effet aucune obligation découlant du droit des sociétés d’informer les

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actionnaires entre deux assemblées générales, si ce n’est sur l’organisation de la société dans le cadre de l’article 716b alinéa 2 CO. Toutefois, lorsque tous les actionnaires ne sont pas parties à la convention, les administrateurs « délégués » par les membres du syndicat ne peuvent transmettre aux actionnaires toutes les informations dont ils ont connaissance dans l’exercice de leur mandat ;

- Politique de dividendes : la politique de dividendes peut être prévue dans une société qui réalise des bénéfices, ce qui est rarement le cas des startups avant l’exit. Une clause concernant la distribution des bénéfices permet notamment à un actionnaire minoritaire de s’assurer un rendement minimum. L’actionnaire majoritaire peut ainsi s’engager à distribuer des dividendes s’il y a un bénéfice distribuable.

3.3.3 Limitation au transfert des actions - Limitation au transfert des actions : les dispositions relatives aux restrictions

de transfert d’actions permettent à la fois de limiter le cercle des actionnaires et d’éviter que certains groupes d’actionnaires ne puissent aliéner leurs titres sans l’accord ou la participation des autres. En particulier, les investisseurs financiers souhaitent éviter que des tiers indésirables ou des concurrents puissent prendre ou augmenter leur participation sans contrôle, ou encore que les fondateurs puissent réaliser une plus-value sur leurs titres en profitant de la prime d’émission du tour de financement. Le principe de base consiste à interdire le transfert des titres si les conditions prévues dans la convention ne sont pas réalisées, de sorte que les parties ne puissent en acquérir, respectivement vendre ceux qu’elles détiennent, ou encore accepter l’adhésion d’un nouvel actionnaire à la convention. Il convient cependant de tenir compte des limites posées par l’article 27 CC à la durée de l’interdiction de transfert. Une interdiction de trois à cinq ans paraît acceptable. La règle de base doit s’accompagner des exceptions et procédures adaptées aux besoins spécifiques des parties (par exemple décès, interdiction) ;

- Droit d’acquisition préférentielle : la convention d’actionnaires offre une plus grande liberté que les statuts dans l’aménagement des droits d’acquisition. Ces derniers ne peuvent trouver leur place dans les statuts que s’ils s’inscrivent dans les limites des restrictions à la transmissibilité des actions nominatives (article 685b alinéa 7 CO). En pratique, le droit d’acquisition préférentielle (ou droit d’offre préférentielle) est plus fréquent que le droit de préemption stricto sensu. Tandis que le droit de préemption est soumis à la condition suspensive de la conclusion du contrat avec un tiers et suppose donc une négociation complète avec ce dernier, on lui préfère souvent un droit qui fait naître le droit par la communication de l’intention d’aliéner ou de la réception d’une offre émanant d’un acquéreur de bonne foi, actionnaire ou

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pas. Dans ce dernier cas, la réception d’une telle offre déclenche l’obligation pour l’actionnaire d’offrir aux autres parties de leur céder ses actions aux prix et conditions offerts par le tiers. L’exercice partiel du droit d’acquisition prioritaire est souvent exclu pour éviter la dilution de l’aliénateur et le maintien d’une minorité de blocage pour l’acquéreur. En cas d’exercice du droit par plusieurs coactionnaires, la solution consiste habituellement à aménager une répartition proportionnelle entre eux. A défaut d’exercice du droit par les coactionnaires, l’offrant est libre d’aliéner ses actions à l’acquéreur annoncé aux mêmes prix et conditions dans un délai limité conventionnellement ;

- Tag along : le droit de sortie conjointe impose à chaque partie de faire participer ses coactionnaires aux mêmes prix et conditions d’offres de vente qu’elle reçoit de tiers. Cette disposition poursuit le plus souvent l’objectif de protéger l’investisseur minoritaire contre le risque d’une sortie des fondateurs ou du management. Le mécanisme permet une répartition de la prime de contrôle entre tous les actionnaires. Le droit de sortie conjointe peut prendre la forme d’une procédure de co-sale, par laquelle chaque actionnaire peut vendre une part proportionnelle de ses titres, ou alors la forme d’un tag-along au sens étroit, généralement déclenché par la vente de la majorité du capital-actions, permettant aux actionnaires minoritaires de vendre l’intégralité de leur participation au tiers acquéreur (ce qui, en pratique, peut avoir pour effet de faire échec à la transaction envisagée) ;

- Drag along : l’obligation de cession conjointe prévoit un droit des actionnaires majoritaires de forcer les minoritaires à vendre leurs actions simultanément. Elle s’applique lorsque des actionnaires représentant un certain pourcentage du capital-actions décident d’accepter l’offre d’un tiers (souvent un acteur industriel) portant sur la totalité des actions de la société. L’insertion d’un tel mécanisme dans la convention est capital pour une société dont l’objectif est l’exit, car l’acquéreur insistera le plus souvent pour détenir 100% de la société ;

- Fins des rapports de travail : les conventions d’actionnaires contiennent habituellement des clauses prévoyant des mécanismes de put et de call en faveur des autres actionnaires, voire de la société dans les limites de la loi (soit de l’article 659 CO qui suppose que la société dispose de fonds propres librement disponibles et qui limite le pourcentage d’actions propres détenues par la société), en cas de fin des rapports de travail ou d’autres rapports contractuels, par exemple avec des consultants ou des partenaires commerciaux. En particulier, le départ d’un fondateur est un sujet délicat qui justifie de prévoir en amont de telles dispositions. En effet, ces clauses permettent d’éviter que des personnes qui ont quitté la société en mauvais termes – suite à un licenciement ou dans un contexte litigieux –

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demeurent dans le cercle des actionnaires. Il est courant de tenir compte des circonstances de la « séparation » en distinguant entre les « good leavers » (par exemple la résiliation ordinaire par l’employeur, la démission de l’employé pour de justes motifs ou après un certain délai, décès, incapacité) et les « bad leavers » (par exemple la résiliation extraordinaire pour justes motifs par l’employeur, la démission de l’employé sans juste motifs ou sans motifs justifiés, la violation de la convention d’actionnaires). Les circonstances dans lesquelles les rapports contractuels ont pris fin déterminent le prix de vente ou de rachat (plus ou moins élevé) ou le pourcentage de la participation.

3.3.4 Dispositions financières - Privilèges de liquidation et de dividendes : dans le domaine du private

equity, les investisseurs financiers exigent souvent de pouvoir souscrire des actions privilégiées en cas de liquidation de la société (dans un sens large qui vise toute forme de réalisation de l’investissement, notamment en cas de vente d’actions). Dans ce contexte, l’investisseur veut s’assurer d’obtenir un rendement minimum avant que le produit de la liquidation ne soit distribué aux titulaires d’actions ordinaires (en particulier aux fondateurs). Les privilèges de dividendes et de liquidation se complètent fréquemment de manière à former une unité fonctionnelle. Ils devront apparaître dans les statuts, du moins lorsqu’ils concernent la liquidation au sens strict de la société (clauses facultativement nécessaires au sens de l’article 627 chiffre 9 CO) ;

- Protection contre la dilution (ratchet) : l’investisseur financier réclame généralement l’introduction d’une clause de protection contre la dilution financière (non garantie par le droit de souscription préférentiel) lors d’un tour de financement subséquent. Une telle clause trouve notamment application lorsque le prix d’émission d’une augmentation de capital postérieure à son investissement est inférieur pour des motifs tenant soit aux conditions du marché soit aux difficultés de la société. Le mécanisme – appelé ratchet – lui permet de souscrire de nouvelles actions à la valeur nominale selon une formule destinée à lui conférer un prix d’émission moyen correspondant à la nouvelle valorisation de la société. Le droit est parfois assorti d’une clause appelée « pay-to-play » qui présuppose que le bénéficiaire souscrive au nouveau tour pour être protégé contre la dilution de sa participation existante ;

- Intéressement : lors de l’entrée d’un investisseur, la convention d’actionnaires prévoit généralement le principe et les limites d’un plan d’intéressement en actions ou en options pour le management ou pour l’ensemble du personnel. Ce plan reposera tantôt sur du capital conditionnel (représentant un pourcentage déterminé du capital-actions inscrit au registre du commerce), tantôt sur des actions propres, voire parfois sur des actions mises à disposition par les actionnaires existants.

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3.3.5 DuréeIl est fréquent de prévoir une durée initiale relativement longue (entre dix et quinze ans), puis un renouvellement tacite par périodes plus courtes (de cinq ans en cinq ans).

3.3.6 Autres engagements - Interdiction de concurrence : l’interdiction de concurrence est une

clause classique qui doit être rédigée en précisant en particulier le champ d’application, la durée et les personnes concernées (en particuliers les fondateurs) ; elle duplique et étend souvent la clause de prohibition de concurrence contenue dans les contrats de travail.

- Clause pénale : afin que la convention soit respectée, on peut faire appel à une clause pénale. La clause pénale est souvent prophylactique dans ses effets. Une pénalité doit être payée à la société ou aux autres actionnaires en cas de non-respect d’une disposition de la convention, et ce, indépendamment de tout dommage effectif comme cela serait normalement le cas. L’obligation de vendre les actions à prix bas en cas de violation de la convention peut constituer une variante intéressante qui implique toutefois une mainmise sur les actions.

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4. Relations avec les collaborateurs

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4.1 Contexte Tout entrepreneur en Suisse est confronté au droit du travail. Le Code des obligations contient les dispositions principales en matière de droit du travail, dont les employeurs et les employés peuvent décider conjointement de s’écarter, sous réserve des dispositions impératives : la liberté contractuelle reste le principe fondamental applicable en Suisse.

La rémunération des collaborateurs dans une startup repose souvent sur la mise en œuvre de plans d’intéressement, permettant aux collaborateurs de participer au succès futur d’une entreprise. La remise d’options, très fréquente dans la pratique, nécessite toutefois une réflexion préalable et une certaine rigueur dans la tenue de la documentation pour éviter la multiplication des promesses qui peuvent s’avérer longues et coûteuses à respecter ou à dénouer.

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4.2 Le contrat de travailLe contrat de travail peut être conclu oralement, mais il est vivement recommandé en pratique de s’en remettre à la forme écrite pour limiter les risques de litige.

Il contiendra les dispositions usuelles pour ce type de relations (fonction, description des tâches, salaires, vacances, heures supplémentaires, etc.).

De manière générale, le droit suisse n’impose pas de salaire minimum : le salaire est convenu d’entente entre les parties. La liberté contractuelle peut toutefois être limitée par les dispositions d’une convention collective de travail. De telles conventions existent par exemple dans le domaine de l’hôtellerie et de la restauration, ou encore dans le domaine de la construction. Ces conventions, négociées par des représentants du patronat et des employés, peuvent imposer l’application de dispositions particulières sur l’ensemble du territoire suisse dans le domaine concerné (par exemple en matière de salaire minimum). Il convient d’être particulièrement attentif à l’existence de telles conventions, sous peine que les dispositions contractuelles convenues avec les collaborateurs soient tout simplement nulles.

Il convient également d’être prudent dans l’attribution de bonus : même discrétionnaires, des bonus peuvent être qualifiés de salaires s’ils sont versés de manière systématique et pendant plusieurs années à un employé. De tels bonus perdent alors leur caractère discrétionnaire pour faire partie intégrante du salaire. Tout employeur serait bien inspiré de confirmer par écrit à son employé au moment du paiement que le bonus est versé à titre discrétionnaire. La situation est bien entendu différente si le bonus est directement lié à l’atteinte de certains objectifs : si ces objectifs sont atteints, le bonus est dû et perd son caractère discrétionnaire.

Les salaires payés sont soumis aux charges sociales, représentant environ 13.5% du salaire brut (dont la moitié est à charge de l’employé et l’autre moitié à charge de l’employeur). Les cotisations sociales à charge de l’employé sont déduites du montant qui lui est versé. La responsabilité du paiement des charges sociales incombe à l’employeur. Le salaire est dû même en cas de maladie et d’accident pour une période qui dépend de la durée de la relation contractuelle entre l’employeur et l’employé.

L’employeur devra également être attentif à la nécessité de prélever un impôt à la source pour les employés étrangers domiciliés en Suisse (sous réserve des étrangers au bénéfice d’un permis C, voir ci-après le chapitre 4.3).

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Sous réserve du respect des dispositions légales ou contractuelles en matière de préavis, chaque partie est libre de mettre fin au contrat de travail en tout temps. La résiliation immédiate du contrat est également connue du droit suisse lorsque le lien de confiance est définitivement rompu entre les parties. Les parties peuvent aussi convenir d’une durée fixe de la relation de travail, qui prendra ainsi fin sans résiliation à l’échéance du terme prévu (une résiliation immédiate pour justes motifs étant toujours possible).

L’employeur est toutefois restreint dans sa liberté de résilier le contrat de travail dans certaines situations particulières, par exemple en cas de maladie de l’employé ou en cas de maternité. L’employé bénéficie ainsi de certaines périodes de protection offertes par le droit suisse.

La période légale de préavis à défaut de dispositions contractuelles contraires est d’un mois durant la première année de travail, puis de deux mois jusqu’à la neuvième année de contrat et enfin de trois mois pour les relations de travail qui durent depuis plus de neuf ans.

D’une manière générale, la durée hebdomadaire de travail est limitée à 45 heures. L’employé peut être tenu d’effectuer des heures supplémentaires s’il en est capable et si l’intérêt de l’employeur le justifie. Dans un tel cas de figure, l’employeur doit compenser les heures supplémentaires par des périodes de repos de même durée ou par le paiement d’heures supplémentaires à un tarif horaire correspondant à 125% du tarif habituel (le contrat de travail peut toutefois prévoir que les heures supplémentaires seront rémunérées au tarif habituel jusqu’à 60 heures supplémentaires par année calendaire).

La durée minimale des vacances imposée par le droit suisse est de 4 semaines (5 semaines pour les employés âgés de moins de 20 ans).

La nature de l’activité de la startup peut conduire l’employeur à imposer des restrictions spécifiques à l’employé, notamment en termes de confidentialité, de transfert de droits de propriété intellectuelle et de prohibition de concurrence. Ces restrictions ne sont toutefois pas sans limite et peuvent notamment être réduites lorsqu’elles sont jugées disproportionnées. En particulier, les conditions suivantes doivent être réunies pour qu’une clause de prohibition de concurrence soit admissible :

- La clause de prohibition de concurrence doit être conclue par écrit ;

- L’obligation de non-concurrence ne peut être imposée qu’à des employés bénéficiant de connaissance spécifique de la société (liste de clients ; secrets d’affaires) ;

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- La clause ne doit pas limiter de manière disproportionnée l’employé dans sa capacité à gagner sa vie après la fin de son contrat, notamment s’agissant de la durée de la prohibition et du territoire sur lequel celle-ci s’inscrit ;

- La prohibition ne peut concerner que le domaine d’activité dans lequel la société exerce son activité.

La violation de la clause de prohibition de concurrence peut être sanctionnée par une clause pénale, à savoir le paiement d’une indemnité forfaitaire permettant d’exclure la nécessité de devoir démontrer le dommage subi par l’employeur, démonstration particulièrement délicate dans le domaine de la prohibition de concurrence. La clause pénale doit également être proportionnée (généralement maximum une année de salaire).

Il convient de porter une attention particulière à la situation des fondateurs employés des hautes écoles : il est fréquent que des doctorants décident de créer une entreprise dont le but sera le développement et la commercialisation de leur sujet d’étude. Très fréquente en pratique, la création d’une spin-off nécessite de régler de manière scrupuleuse la façon dont les droits de propriété intellectuelle, appartenant généralement à la haute école, pourront être mis à profit par l’entité nouvellement créée. Les grandes écoles sont rompues à cet exercice et disposent d’une politique désormais bien arrêtée en matière de licence des droits ; l’exercice est parfois plus compliqué avec des hautes écoles qui ne disposent pas d’une telle expérience ni d’un département de transfert de technologie.

4.3 L’emploi de collaborateurs étrangers4.3.1 ContexteEn Suisse, les non-nationaux sont plus de 2 millions et représentent plus du quart de la population totale du pays. La législation sur les étrangers ainsi que les dispositions de droit international applicables en la matière constituent les bases légales permettant de contrôler l’entrée en Suisse et la sortie de Suisse des étrangers, de régler leurs conditions de séjour et de prendre des mesures d’éloignement à leur encontre.

Depuis l’entrée en vigueur de l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) entre la Suisse et l’Union Européenne le 1er juin 2002, le régime applicable aux travailleurs étrangers est dual. Le régime des ressortissants d’un pays membre de l’Union Européenne ou de l’Association européenne de libre-échange doit être distingué de celui applicable aux ressortissants des autres pays, les pays

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tiers. L’ALCP a été introduit par étape au moyen de réglementations transitoires. Les règles spéciales applicables durant une période transitoire varient selon les pays ou groupes de pays, avec des différences au niveau des procédures d’annonce et d’autorisation obligatoire. Les critères d’admission sont mentionnés dans la Loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 et dans l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative (OASA) du 24 octobre 2007. Ils sont détaillés dans les Directives et commentaires – Domaine des étrangers.

Depuis le 1er janvier 2015, le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) traite toutes les questions relevant du droit des étrangers et du droit d’asile en Suisse. Cette modification répond à l’importance croissante de cette unité organisationnelle, dont le domaine d’activité est de plus en plus vaste.

Notons d’emblée que l’emploi clandestin de travailleurs étrangers en violation des dispositions du droit des étrangers constitue un travail au noir au sens de la Loi fédérale sur le travail au noir du 17 juin 2005 (LTN). L’un des objectifs de la LTN est la lutte contre la sous-enchère salariale. La réglementation des contrats de travail des étrangers est ainsi destinée, d’une part, à protéger les travailleurs étrangers et, d’autre part, à garantir l’égalité de traitement avec les travailleurs suisses.

Il convient de distinguer les conditions permettant aux ressortissants de l’UE et de l’AELE et aux ressortissants d’Etats tiers d’accéder au marché du travail suisse.

4.3.2 Travailler en Suisse pour les ressortissants membres de l’UE ou de l’AELELes ressortissants des Etats membres de l’UE et de l’AELE bénéficient d’une totale libre circulation qui leur permet d’entrer, de vivre et de travailler en Suisse. L’accès au marché du travail et le regroupement familial sont facilités. Ces travailleurs bénéficient d’un accès facilité au marché suisse de l’emploi, et cela indépendamment de leur niveau de qualification. Ne sont toutefois pas concernés par cette liberté les activités des agences de placement et de location de service, ainsi que les services financiers.

Selon la durée de travail envisagée, la procédure à engager doit être adaptée.

Pour exercer une activité lucrative de courte durée, de trois mois au plus sur l’année civile, les ressortissants des Etats membres de l’UE (UE-27) et de l’AELE n’ont pas besoin d’autorisation. Toutefois, l’employeur suisse est tenu d’annoncer cette activité lucrative au plus tard le jour précédant le début de l’activité. Une simple annonce par internet sur le site de l’Autorité fédérale est suffisante.

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Pour cela, il utilise la procédure d’annonce électronique via le site internet de l’office fédéral des migrations :

https://meweb.admin.ch/meldeverfahren/?request_language=fr

En ce qui concerne une activité lucrative de plus de 3 mois, ces mêmes ressortissants doivent solliciter un titre de séjour :

Les différents titres de séjour

Une annonce doit être faite auprès de la commune de domicile du ressortissant, sur le site du service de la population avant son entrée en fonction en présentant les documents suivants :

- Une carte d’identité ou un passeport valable ;

Ressortissants de pays membres de l’UE-27*/AELE**

Ressortissants de pays tiers

Livret L UE/AELE (autorisation de courte durée)

Livret B (autorisation de séjour)

Livret B UE/AELE (autorisation de séjour) Livret C (autorisation d’établissement)

Livret C UE/AELE (autorisation d’établissement)

Livret Ci (autorisation de séjour avec activité lucrative)

Livret Ci UE/AELE (autorisation de séjour avec activité lucrative)

Livret G (autorisation frontalière)

Livret G UE/AELE (autorisation frontalière)

Livret L (autorisation de courte durée)

Livret F (pour étrangers admis provisoirement)

Livret N (pour requérants d‘asile)

Livret S (pour les personnes à protéger)

*L’UE-27 comprend les pays suivants: Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Suède, Slovaquie, Slovénie.

**AELE: Islande, Norvège, Principauté de Liechtenstein

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- En cas d’activité salariée : une déclaration d’engagement de l’employeur ou une attestation de travail (contrat de travail par exemple) ;

- En cas d’activité indépendante : les livres de compte afin de pouvoir prouver que la personne dispose de ressources financières nécessaires pour subvenir à ses besoins. Si la personne devient dépendante de l’aide sociale, elle perd le droit de séjourner en Suisse. Le service compétent pour les travailleurs indépendants est l’autorité cantonale des migrations (www.sem.admin.ch >entrée et séjour>vivre et travailler en Suisse).

Il est à noter que les ressortissants de certains pays européens connaissent des conditions particulières.

4.3.3 Travailler en Suisse pour les ressortissants d’Etats tiersL’exercice d’une activité salariéeL’employeur qui souhaite engager un ressortissant d’Etat tiers déposera sa demande auprès de l’autorité cantonale des migrations ou du marché du travail. En cas de réponse positive de la part du canton, la demande est transmise au Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) pour approbation. Les conclusions du SEM sont communiquées aux parties concernées et aux autorités cantonales par voie d’une décision.

S’agissant des personnes soumises à l’obligation de visa, l’autorité cantonale des migrations transmet par voie électronique l’autorisation de délivrer un visa à la représentation suisse à l’étranger. Le ressortissant pourra aller chercher son visa à la représentation suisse. Il devra s’annoncer auprès du contrôle de l’habitant dans les deux semaines qui suivent son arrivée en Suisse ; ce n’est qu’à ce moment qu’il pourra commencer de travailler.

Les conditions d’admission suivantes, notamment, s’appliquent aux ressortissants de pays tiers :

- L’engagement doit répondre à un besoin de l’économie ;

- Leur admission n’est autorisée que dans les limites du contingent fixé ;

- Ils ne peuvent être engagés que si aucun ressortissant suisse ni aucun ressortissant d’un pays membre de l’UE/AELE n’a pu être trouvé ;

- Une autorisation est délivrée aux cadres, aux spécialistes et aux autres travailleurs qualifiés. Sont réputés travailleurs qualifiés en premier lieu les personnes au bénéfice d’une formation universitaire ou d’un diplôme d’une haute école spécialisée, d’une formation spécifique ainsi que de plusieurs années d’expérience professionnelle. Pour l’octroi d’une autorisation de

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séjour, des critères d’intégration sont aussi pris en compte : la capacité d’adaptation professionnelle et sociale, les connaissances linguistiques et l’âge ;

- Les conditions de rémunération et de travail doivent être les mêmes que pour les ressortissants nationaux.

L’exercice d’une activité indépendanteL’activité lucrative indépendante de ressortissants d’Etats tiers qui élisent domicile en Suisse est soumise dès le premier jour à la procédure d’autorisation cantonale et fédérale. Pour ces ressortissants, seuls les travailleurs qualifiés sont admis et cela dans des proportions restreintes, conformément au mandat du Conseil fédéral.

Une autorisation peut être délivrée lorsque les intérêts économiques le justifient, que certaines conditions personnelles, financières et opérationnelles sont remplies et que les éventuelles restrictions quant au nombre d’étrangers le permettent.

Les conjoints de ressortissants suisses ainsi que les conjoints de personnes au bénéfice d’une autorisation d’établissement n’ont pas besoin d’une autorisation pour exercer une activité lucrative indépendante.

4.4 L’intéressement des collaborateurs4.4.1 Remarques introductivesL’intéressement des collaborateurs est l’un des thèmes récurrents du monde de l’entreprise. Historiquement, il avait notamment pour objectif d’aligner les intérêts des dirigeants sur ceux des actionnaires en attribuant des titres des participations aux dirigeants.

La participation des collaborateurs au capital d’une entreprise est fréquente dans le monde des startups. Sa motivation ne réside pas toujours dans l’alignement des intérêts des collaborateurs avec ceux des actionnaires fondateurs. Elle tend souvent à rémunérer des collaborateurs (ou des consultants) à des conditions inférieures au marché, dans une phase durant laquelle les liquidités sont cruciales pour le développement de la société. Il s’agit donc d’un mode de rémunération qui permet d’économiser des liquidités. Cette situation peut conduire au risque de requalification des actions ou options en revenu et, partant, aux strictes limitations du droit du travail.

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L’intéressement des collaborateurs n’a pas qu’une vocation financière : il permet également d’associer directement les collaborateurs à la vie de l’entreprise lorsqu’il prend la forme d’une prise de participation dans le capital de la société. Dans ce contexte, il a une fonction sociale dans l’entreprise puisqu’il offrira la possibilité aux employés de participer à la prise des décisions les plus importantes pour la startup.

4.4.2 Les différentes formes d’intéressementD’une manière générale, on distingue deux formes de plan d’intéressement (ou « plan de participation », les deux termes étant utilisés de façon indifférente dans ce guide) :

- Le plan d’intéressement ordinaire;

- Le plan d’intéressement virtuel.

Le bénéficiaire d’un plan d’intéressement ordinaire participera, à terme et si les conditions posées sont satisfaites, au capital de la société, à la différence du bénéficiaire d’un plan d’intéressement virtuel, dont l’intéressement sera purement financier.

En pratique, le plan d’option (qui entre dans la catégorie des plans d’intéressement physiques puisque l’exercice d’une option permet l’octroi d’un titre de participation dans la société) est la forme la plus souvent utilisée.

Il est également possible d’octroyer aux collaborateurs des bons de participation en lieu et place d’actions. En résumé, les détenteurs de bons de participation ont des droits économiques (p.ex la distribution de dividendes) mais n’ont pas de droits de vote lors des assemblées générales.

4.4.3 Le plan d’actionsLe plan d’actions (share plan) consiste à attribuer des parts de la startup à des collaborateurs (en général sous forme d’actions). Elles peuvent être attribuées gratuitement au collaborateur ou alors à un prix préférentiel.

Dans un plan d’actions, le collaborateur devient actionnaire à part entière de la startup, avec tous les droits qui y sont attachés (droit de participer à l’assemblée générale, droit de vote, droit au dividende, droit à l’institution d’un contrôle/examen spécial, etc.).

Quels sont les avantages et les inconvénients d’un tel plan ?

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Avantages : - La participation du collaborateur au capital constitue la forme la plus aboutie

d’intégration dans la vie sociale de la société car elle lui permet de participer aux prises de décision les plus importantes pour la vie de la startup ;

- Le collaborateur participe directement à l’augmentation de la valeur de la société puisqu’il détient une part de son capital ;

- Pour la startup, il s’agit d’une rémunération sans sortie de liquidités.

Inconvénients : - Si le collaborateur participe directement à l’augmentation de la valeur de la

société, il est également impacté en cas de perte de valeur de celle-ci : sa rémunération peut donc être ramenée à zéro en cas de faillite de la startup ;

- Les collaborateurs reçoivent en général des actions ordinaires de la startup : les différents tours de financement qui agrémenteront la vie de la startup entraîneront l’émission d’actions privilégiées (avec notamment des privilèges de liquidation en cas de vente de la société) qui ne laisseront souvent que des miettes aux collaborateurs ;

- L’émission de capital et sa distribution aux employés entraînent nécessairement une dilution des actionnaires existants ;

- La gestion d’un nombre important d’actionnaires (fondateurs, investisseurs, employés) peut devenir problématique pour la startup et créer des coûts de fonctionnement à ne pas négliger. Il convient en outre de régler le sort des employés qui quittent la startup : le rachat des parts attribuées à des employés nécessite que les autres actionnaires (voire la société) disposent des liquidités nécessaires au moment du départ de l’employé.

L’attribution d’actions est taxée fiscalement au moment de la remise des actions au collaborateur. L’impôt est calculé sur la différence entre la valeur vénale des actions remises et le prix payé par l’employé (dans l’hypothèse où l’employé a dû s’acquitter d’un prix d’acquisition).

Une éventuelle période de blocage (à savoir une période durant laquelle l’employé n’est pas autorisé à vendre ses actions) est prise en considération dans le calcul de l’impôt puisqu’un abattement de 6% sur la valeur vénale des titres est prévu par année de blocage.

L’avantage déterminant pour le collaborateur intervient au moment de la vente des titres : à supposer que la startup fasse l’objet d’un exit (par exemple sous la forme d’une vente de la société à un tiers), le gain réalisé sur la vente des titres sera, en général, franc d’impôt (gain en capital).

34Kellerhals Carrard

4.4.4 Le plan d’optionsLe plan d’options (stock option plan) est la forme la plus utilisée en pratique pour l’intéressement des collaborateurs.

Dans un tel plan, le collaborateur se voit accorder le droit contractuel (l’option) d’acquérir des titres de la société à des conditions définies dans le plan.

L’octroi d’options peut, là également, être gratuit ou onéreux : il s’agit de ne pas confondre le prix à payer par le collaborateur pour acquérir les options du prix d’exercice de l’option (strike price), à savoir le prix à payer pour exercer les options et acquérir les titres sous-jacents.

Les objectifs poursuivis par la remise d’options peuvent être différents et les conditions posées dans le plan devront être rédigées de façon à atteindre ces objectifs :

- Des options peuvent être accordées afin de fidéliser les collaborateurs : dans un tel cas de figure, les options ne pourront pas être exercées pendant une certaine période (la période dite de vesting), permettant ainsi d’assurer la fidélité des collaborateurs qui, en général, perdront tous leurs droits en cas de départ de la startup. En principe, il est prévu qu’un pourcentage défini des options devienne exerçable chaque année (par exemple 25% par année, toutes les options pouvant être exercées à l’issue d’une période de fidélité de quatre ans) ;

- Des options peuvent être attribuées en vue de rémunérer la performance de certains collaborateurs : ainsi, des options seront remises aux collaborateurs en cas d’atteinte de certains objectifs déterminés fixés préalablement (exemple : obtention du CE Mark).

Les avantages présentés ci-avant concernant le plan d’action sont applicables à partir du moment où l’option est exercée et que le collaborateur est devenu actionnaire de la société.

Avant cela, on s’aperçoit en pratique que l’attribution d’option ne crée par la même dynamique positive sociale que l’attribution d’actions. L’option a tendance à créer un incitatif à court terme des bénéficiaires : l’upside pour le collaborateur réside dans la faculté d’exercer l’option à un prix qui soit inférieur à la valeur vénale des actions. Il est peu fréquent que des collaborateurs exercent leurs options, acquièrent les titres sous-jacents et conservent ces titres. En principe, le collaborateur exercera l’option en vue de procéder immédiatement à la vente des titres sous-jacents et de réaliser un gain (il est toutefois possible d’imposer une période de blocage durant laquelle les actions ne pourront être vendues). De ce point de vue, l’intéressement des collaborateurs présente des caractéristiques très différentes du plan d’actions.

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Sur le plan fiscal, les options sont généralement imposées au moment de leur exercice, sur la différence entre la valeur vénale des titres et le prix d’exercice.

4.4.5 Les plans virtuelsLe collaborateur ne participe pas au capital de la startup dans le cadre d’un plan virtuel. Il se voit accorder des droits « virtuels » qui lui donneront droit à une certaine rémunération en fonction de l’évolution de la valeur de la startup.

Ainsi, dans un plan « fantôme », le collaborateur se verra accorder un certain nombre d’actions virtuelles, qui seront tenues dans un registre. Le plan déterminera à quelles conditions le collaborateur est autorisé à vendre (toujours de manière virtuelle) ses titres contre rémunération en fonction de la valeur des titres à une date déterminée. Il bénéficiera donc de l’augmentation de la valeur des actions de la société alors même qu’il n’est pas actionnaire de la startup et qu’il ne peut exercer aucun des droits accordés aux actionnaires (droit de participer à l’assemblée générale, droit de vote, droit au dividende, droit à l’institution d’un contrôle/examen spécial, etc.).

Il est également possible de limiter la rémunération du collaborateur à la plus-value des titres « virtuels » entre le moment de leur attribution (toujours virtuelle) et celui de leur vente (là également, toujours virtuelle). Cette forme de plan est appelée Stock Appreciation Right.

Les plans virtuels permettent d’éviter la dilution du capital. Ils limitent également le nombre d’actionnaires et réduisent ainsi les coûts d’administration. Ils n’ont en revanche que peu de fonction sociale au sein de la startup puisqu’ils n’accordent aucun droit d’actionnaire au collaborateur.

Sous l’angle fiscal, le principe est simple : le collaborateur est imposé au moment de l’encaissement, sur le montant perçu, comme dans le cas d’un revenu ordinaire.

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5. Relations avec les tiers

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5.1 Commercialisation de biens et services en Suisse5.1.1 Les grands axes de la stratégie de commercialisation des produitsToute startup atteignant un stade de maturité dans la conception de ses produits est confrontée à la question de leur mise sur le marché (« hit the market »).

Une startup doit donc faire face à des choix importants dans le cadre de la mise en œuvre de sa stratégie de commercialisation.

La startup face à ses clients : commercialisation à raison du type de produits offertsDe manière générale, une startup peut offrir et commercialiser des biens matériels (biens de consommation courante, médicaments, etc.) et immatériels (droits d’utilisation d’un logiciel, d’une application, d’une base de données, etc.).

Une startup peut également fournir (à titre principal ou accessoire) des services tels que la fourniture de prestations (développement d’applications, prestations de conseil, etc.) ou la mise en relation de différentes personnes (acheteur-vendeur, fournisseur de prestations-consommateur, etc.).

La distinction à raison du type de produits offerts est importante parce qu’elle influe directement sur la qualification du contrat qui va être conclu avec la contrepartie et sur les règles légales applicables à la relation.

Le tableau ci-après résume les grandes catégories de contrats pouvant régir les relations entre une startup et ses clients, sous réserve de spécificités propres à chaque cas :

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Types de produits commercialisés

Qualification du contrat passé avec la startup

Commercialisation de biens matériels

Contrat de vente (articles 184 ss CO).

Commercialisation de biens immatériels

Contrat de licence (contrat innommé non spécifiquement réglé par les dispositions du Code des obligations).

Fourniture de services/prestations

- Contrat d’entreprise (articles 363 ss CO) ; ou - Contrat de mandat (articles 394 ss CO).

La relation peut être qualifiée de contrat d’entreprise lorsqu’un résultat est garanti par la startup et que ce résultant prend la forme d’un ouvrage (matériel ou immatériel).

Dans le contrat de mandat, l’exécution du contrat implique uniquement une obligation de moyen, sans garantie de résultat.

La distinction entre une obligation de résultat et une obligation de moyen est parfois difficile. Il est donc important qu’une startup définisse clairement la relation juridique nouée avec ses clients.

La startup face à ses partenaires de distribution : commercialisation directe et par le recours à un réseau de distribution

Une startup peut commercialiser ses produits en traitant directement avec ses clients ou par le biais d’un réseau de distribution (auquel cas la startup aura recours à un partenaire commercial pour la vente de ses produits).

Lorsque la startup recourt à un réseau de distribution, le modèle d’affaires du partenaire de distribution doit être clairement défini. En effet, il peut agir pour son propre compte, en achetant à ses risques les produits en vue de les revendre aux clients, ou se limiter à un simple rôle d’intermédiaire agissant pour le compte de la startup, à savoir en tant que représentant direct ou indirect de celle-ci.

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Le modèle d’affaires du partenaire de distribution aura là encore une influence déterminante sur la qualification juridique du contrat conclu entre la startup et le partenaire de distribution :

Rôle du partenaire de distribution

Qualification du contrat conclu avec le distributeur

Le partenaire de distribution achète les biens en son nom et pour son propre compte dans le but de les revendre aux clients.

Contrat de distribution (contrat innommé non spécifiquement réglé par les dispositions du Code des obligations) et contrats apparentés (franchise).

Dans le cadre de la commercialisation de biens immatériels, il peut s’agir d’un contrat de licence.

Le partenaire de distribution a une activité limitée à un rôle d’intermédiaire représentant la startup auprès de clients. Dans ce cas, la startup devient le partenaire contractuel des clients qui sont introduits par le partenaire de distribution.

Le droit prévoit principalement deux formes de contrat de représentation commerciale : - Contrat d’agence (articles 418a ss CO) : le

partenaire de distribution est l’agent de la startup et agit au nom et pour le compte de la startup (représentation directe). L’agent peut avoir un rôle consistant à (i) indiquer une occasion pour la startup de conclure une affaire (« agent indicateur ») et/ou (ii) négocier les termes de la vente devant être conclue directement entre la startup et le client (« agent négociateur ») ; ou

- Contrat de commission (articles 425 ss CO) : le partenaire de distribution est le commissionnaire de la startup et conclut des contrats en son nom mais pour le compte de la startup (représentation indirecte).

La mise en place d’un réseau de distributeurs, d’agents ou de commissionnaires repose sur le postulat que les parties entendent se lier pour une certaine durée (généralement entre deux et cinq ans).

A l’inverse, si les parties entendent collaborer dans le cadre d’une opération spécifique ou isolée, il est usuellement fait recours à des contrats de vente ou, lorsque la partie contractante de la startup exerce uniquement un rôle d’intermédiaire, à des contrats de courtage (articles 412 ss CO).

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Lorsque le distributeur est pleinement intégré au concept marketing de la startup qui a mis en place une distribution unifiée selon un certain concept marketing établi par celle-ci, il est souvent fait recours au contrat de franchise. Cette forme de distribution, moins fréquente en Suisse que dans le reste de l’Union européenne, est par exemple utilisée pour mettre en place des chaînes de boulangerie, de fast-food, de fitness, etc.

Les distinctions susmentionnées peuvent être sujettes à d’innombrables variations. Ainsi, si le distributeur est chargé tant de la production (selon les recettes et spécifications transmises par la startup) que de la commercialisation des produits concernés, le contrat passé entre la startup et le distributeur comprendra également un aspect de licence de production, voire de contrat d’entreprise.

5.1.2 Les limitations à la liberté de mettre en œuvre sa stratégie de distributionEn droit suisse, les parties impliquées dans une relation de commercialisation de produits sont en principe libres de s’organiser comme elles l’entendent dès lors que l’essentiel des dispositions du droit suisse ne sont pas de nature impérative. Il en découle que les parties ont une grande marge de manœuvre pour négocier les termes de l’accord qui les liera. Dans ce cadre, il est recommandé aux startups de porter une attention particulière aux points suivants :

- Produits : gamme de produits devant être commercialisés ; modification de la gamme ;

- Prix : détermination des prix et révision de ceux-ci durant la durée du contrat ;

- Exclusivité : éventuelle exclusivité territoriale/de clientèle concédée au partenaire de distribution ;

- Objectifs : éventuels objectifs de vente, volumes minimaux d’achat et conséquences découlant du non-respect de ceux-ci (perte/réduction de l’exclusivité, résiliation du contrat) ;

- Commandes : Processus d’établissements des plannings de commandes de produits (rolling forecasts) et de passation de commandes ;

- Logistique : obligations des parties, répartition des coûts (y  compris frais de transport, d’assurance et droits de douanes et autres taxes) et risques associés au transport et à la livraison des produits ;

- Marketing : politique de marketing et promotion des produits (ex. dépenses minimales, remboursement de certains frais, etc.) ;

- Service après-vente : obligation des parties en relation avec (i) l’entretien des produits et (ii) la gestion des cas de garantie.

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Si les parties à un contrat disposent d’une large marge de manœuvre en ce qui concerne le contenu de leur contrat, elles demeurent néanmoins tenues de respecter le droit impératif ou semi-impératif suisse.

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Dérogation contractuelle aux délais de prescription

Vendeur professionnel

Vendeur particulier (consommateur)

Acheteur professionnel

Aucune limitation quant à la modification contractuelle des délais de garantie pour des biens neufs ou d’occasions.

Aucune limitation quant à la modification contractuelle des délais de garantie pour des biens neufs ou d’occasions.

Acheteur particulier (consommateur)

- Pour un bien neuf : délai de garantie minimal de deux ans.

- Pour un bien  d’occasion : délai de garantie minimal d’un an.

- Toute clause prévoyant la réduction des délais légaux de prescription de la garantie pour défauts est illicite et donc nulle.

Aucune limitation quant à la modification contractuelle des délais de garantie pour des biens neufs ou d’occasions.

En tout cas, les autres limitations de la responsabilité en cas de faute, ainsi que l’exclusion totale de garantie, restent, en principe, valables”

Les dispositions impératives et semi-impératives découlant de la nature du contratIl est nécessaire de qualifier juridiquement la relation régissant les parties afin de déterminer les éventuelles règles impératives et semi-impératives imposées par la loi. Une startup devra notamment être attentive aux règles suivantes :

- Contrat de vente et d’entreprise : une startup est libre d’exclure toute garantie lorsqu’elle vend des produits destinés à un usage personnel ou familial. Le système suisse est basé sur le principe du « tout ou rien », en ce sens que si la startup ne souhaite pas exclure toute garantie, elle devra alors à tout le moins offrir une garantie minimale d’une durée de deux ans pour des biens neufs et d’une année pour des biens d’occasion. La situation peut ainsi être résumée comme suit :

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- Contrat d’agence : le contrat d’agence comporte de nombreuses dispositions impératives destinées à protéger l’agent, qu’il soit une personne physique ou morale, notamment le droit à une indemnité spéciale lorsqu’une prohibition de concurrence a été convenue à l’échéance du contrat ou encore l’obligation que les délais de résiliation du contrat soient identiques pour les parties.

Le cas particulier de l’indemnité de clientèleL’indemnité de clientèle peut être définie comme le droit pour un agent d’être rémunéré pour la clientèle qu’il a développée en faveur de la startup pendant la durée du contrat.

Disposition impérative du contrat d’agence (article 418u CO), le Tribunal fédéral a étendu dans un arrêt célèbre (ATF 134 III 497) l’indemnité de clientèle aux contrats de distribution pour autant qu’une exclusivité territoriale soit accordée au distributeur et que les deux conditions cumulatives suivantes soient réalisées : (i) le distributeur est intégré dans l’organisation de vente du concédant de façon telle qu’il se trouve dans une situation similaire à celle de l’agent (exemples : la startup bénéficie du droit d’approuver l’ensemble des points de vente du distributeur ; la mise en place d’un système de customer relationship management ; l’obligation pour le distributeur d’engager des investissements à des fins de promotion) ; (ii) la clientèle est transférée à la startup au terme du contrat : dans une relation ordinaire de distribution, la clientèle est celle du distributeur, qui agit en son nom et pour son propre compte. Si, malgré cela, la startup retire un profit ultérieur du développement de la clientèle par le distributeur, alors une indemnité de clientèle sera due (exemples : le distributeur a développé une clientèle désormais fortement attachée aux produits ou à la marque de la startup ; le distributeur est contraint, directement ou indirectement, de céder cette clientèle à la startup en fin de contrat).

L’indemnité de clientèle doit être « convenable ». Elle est toutefois plafonnée au « gain annuel net résultant du contrat et calculé d’après la moyenne des cinq dernières années ou d’après celle de la durée entière du contrat si celui-ci a duré moins longtemps », conformément à l’article 418u alinéa 1er CO. Dans ce cadre, le juge bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation.

En raison de sa nature impérative, l’indemnité de clientèle ne peut être exclue contractuellement, y compris en matière de contrat de distribution lorsque les conditions posées par le Tribunal fédéral et exposées ci-dessus sont remplies. En revanche, un agent ou un distributeur est libre de renoncer à cette indemnité clientèle à l’échéance du contrat (et non de manière anticipée). Une déclaration de solde de tout compte peut ainsi permettre de libérer la startup de tout risque lié à la revendication d’une telle indemnité.

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Les aspects réglementairesSous réserve de certaines industries spécifiques régulées telles que la banque ou l’assurance, les distributeurs actifs sur le territoire suisse ne sont en général pas tenus de requérir de licences ou d’autorisations étatiques pour commercialiser leurs produits.

En vertu du principe de la libre circulation des marchandises dans l’Union européenne, les produits fabriqués et commercialisés en conformité avec la législation applicable dans un pays membre de l’Union peuvent en général être commercialisés en Suisse sans formalités excessives et autres entraves techniques, en application de la loi fédérale sur les entraves techniques au commerce (LETC) et de l’ordonnance sur la mise sur le marché de produits fabriqués selon des prescriptions étrangères (OPPEtr). Certains domaines d’activités sont néanmoins soumis à des régimes spécifiques plus contraignants tels que, par exemple, le domaine alimentaire ou médical.

Il est ainsi conseillé à une startup ayant une activité internationale de s’assurer des règles légales applicables à son activité dans chacun des pays. Une telle précaution lui permettra notamment de pouvoir adapter son activité ou vérifier la conformité de son produit avec les règles nationales. Dans le cadre d’une relation commerciale de distribution (dans le cadre d’un contrat de distribution, d’agence ou de commissionnaire par exemple), une startup peut « déléguer » la vérification de la conformité de son activité ou de son produit sur un territoire à son partenaire commercial. La délégation de la vérification de la conformité d’une activité ou d’un produit sur un territoire à un partenaire commercial n’exclut toutefois pas nécessairement la responsabilité de la startup en cas de contravention au régime légal du pays concerné.

Le droit de la concurrenceLe droit de la concurrence suisse est fortement influencé par le droit de la concurrence de l’Union européenne. Les accords de distribution dans un sens large, comprenant les licences et, à certaines conditions les contrats d’agence et de commission, sont considérés par l’autorité de la concurrence suisse, la COMCO, comme des accords verticaux intervenant entre des entreprises actives à différents échelons de la chaîne de production et de commercialisation des produits (producteur-distributeur/grossiste-détaillant).

Le droit suisse de la concurrence vise à empêcher les conséquences nuisibles que pourraient avoir des restrictions à la concurrence afin de promouvoir la concurrence dans l’intérêt d’une économie de marché fondée sur un régime libéral. En application de l’article 5 alinéa 4 de la loi sur les cartels et autres restrictions à la concurrence (LCart), deux types d’accords sont considérés comme particulièrement préjudiciables à un régime de concurrence efficace : il s’agit

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des accords portant sur les prix et les accords d’attribution de territoire. Placée dans un contexte de rapports verticaux et de distribution, une startup doit prêter une très grande attention à tout accord conclu avec un partenaire contractuel. Sous réserve d’une justification pour des motifs d’efficacité économique, une startup doit notamment exclure de ses contrats :

- les accords imposant aux revendeurs des prix de revente minimaux ou fixes : l’un des principes cardinaux du droit de la concurrence est que le revendeur de produits (par exemple un détaillant autorisé) doit pouvoir déterminer librement ses prix de revente, à savoir sans intervention de la startup (celle-ci étant néanmoins autorisée à fixer des prix maximaux). La COMCO adopte pour l’heure une pratique particulièrement restrictive, à tel point que la simple transmission par une entreprise concédante de listes de prix recommandés à l’attention de son réseau de détaillants peut être assimilée à un accord de fixation de prix de revente si lesdites recommandations sont effectivement appliquées par une part significative des membres du réseau.

- l’allocation de territoires exclusifs excluant de manière absolue toute importation parallèle : l’interdiction d’allouer des territoires vise à lutter en priorité contre l’isolement et ainsi la création d’îlots de cherté. S’il est possible d’accorder des territoires exclusifs à un distributeur, les importations doivent rester possibles. Ainsi, toute obligation imposée à un distributeur de ne pas répondre passivement aux sollicitations provenant de l’extérieur de son territoire de vente (« ventes passives ») contreviendrait gravement au droit de la concurrence et exposerait une startup à des sanctions importantes. Les ventes réalisées par internet constituent en règle générale des ventes passives.

Depuis un arrêt de principe du Tribunal fédéral (arrêt du 28 juin 2016 rendu dans la cause 2C_180/2014 dit « arrêt GABA »), les restrictions imposant aux revendeurs des prix fixes ou minimaux et/ou l’allocation de territoires exclusifs excluant de manière absolue toute importation parallèle sont jugées comme qualitativement graves et ce, indépendamment de tout impact réel sur le marché et des parts de marchés des entreprises participantes.

Une startup peut être sévèrement sanctionnée si elle conclut un accord sur l’un des aspects susmentionnés avec un partenaire commercial, ceci même si le marché de la concurrence n’est pas réellement affecté. A cet égard, les sanctions en cas de violation du droit de la concurrence peuvent se monter jusqu’à 10% du chiffre d’affaires réalisé en Suisse au cours des trois dernières années, conformément à l’article 49a alinéa 1er LCart. Il est donc très important qu’une startup garde à l’esprit les risques possibles au niveau du droit de la concurrence au moment où elle conclut des contrats avec des partenaires commerciaux.

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Il convient de préciser que d’autres types d’accords peuvent s’avérer problématiques au regard du droit de concurrence. Ainsi, tout accord qui aurait pour conséquence de mettre en péril le marché concurrentiel peut être sanctionné par l’autorité de la concurrence suisse ou une autorité étrangère. La COMCO publie sur son site internet des communications en relation avec différentes problématiques. Elle a, par ailleurs, adapté sa communication sur l’appréciation des accords verticaux du 28 juin 2010 suite à l’arrêt GABA permettant d’apprécier la licéité de certains accords. Les startups doivent garder à l’esprit les risques d’un éventuel comportement anti-concurrentiel possibles.

5.2 La commercialisation de biens et services sur Internet5.2.1 IntroductionL’« e-commerce » (ou commerce en ligne) est devenu un outil standard permettant aux acheteurs et vendeurs d’opérer des transactions commerciales à distance par le biais d’internet. La notion de commerce en ligne doit être comprise dans un sens large puisque les biens mis en commercialisation peuvent revêtir différentes formes : vente de licence (par exemple dans le cas de l’acquisition d’un logiciel, d’un SaaS, etc.), vente de biens (par exemple en commandant des articles sur internet), fourniture de services (par exemple en recourant à des plateformes de traduction), etc.

Les considérations qui suivent ont pour objet d’attirer l’attention de la startup sur différentes problématiques en relation avec le commerce en ligne ou l’exploitation d’une plateforme internet.

5.2.2 L’inexistence d’un droit suisse de la consommation pour le commerce en ligne La Suisse n’a pas de code de la consommation ou de loi en matière de commerce en ligne. Le droit suisse de la consommation se compose plutôt de règles éparses figurant dans différentes lois (Code des obligations, Loi contre la concurrence déloyale, Loi sur la responsabilité du fait des produits, Code de procédure civile, etc.).

Contrairement à la législation européenne, le droit suisse ne dispose pas non plus de loi particulière en matière de vente en ligne : les dispositions générales du contrat de vente prévues aux articles 197 ss CO sont applicables. Une start- up qui commercialise des biens et services vers l’Union européenne par le biais d’internet devra être attentive car elle sera alors soumise aux dispositions du

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droit européen en matière de vente en ligne et de protection des données (par exemple dans l’utilisation des cookies).

5.2.3 L’importance des conditions générales En raison de la distance qui peut séparer les différentes parties recourant au commerce en ligne, le risque de malentendu sur la nature de l’objet ou du service acheté est accru.

Afin de prévoir les règles applicables à la relation entre les parties (acheteur/vendeur/plateforme/etc.), il est fortement conseillé de recourir à des conditions générales d’utilisation. Les conditions générales, une fois acceptées par les parties, compléteront les règles légales applicables à leur relation et feront office de contrat. Elles peuvent prévoir des mécanismes qui diffèrent des dispositions légales suisses lorsque celles-ci ne sont pas impératives.

Les conditions générales doivent être intégrées à la relation entre les parties afin de leur être applicables. Aussi faut-il prévoir un mécanisme pour que le cocontractant «accepte» l’application des conditions générales. Cette intégration intervient généralement par le biais d’une case à cocher « j’accepte les conditions générales ».

Il n’existe pas en droit suisse de disposition légale qui requiert la mise à disposition des conditions générales et la prise de connaissance effective de celles-ci avant la conclusion d’un contrat. Les conditions générales doivent néanmoins être disponibles et accessibles aux parties au moment de la conclusion du contrat dans la langue du lieu de consommation ou de la transaction, voire celle du consommateur.

En outre, les conditions générales doivent respecter certains standards afin de ne pas contrevenir aux dispositions de la Loi fédérale contre la concurrence déloyale : les conditions générales ne doivent ainsi pas ériger un système favorable à l’excès à la partie qui impose l’utilisation de ses conditions générales. La startup devra notamment être attentive aux clauses dites insolites : l’attention du consommateur doit être clairement attirée sur les clauses inattendues ou insolites des conditions générales (par exemple par l’utilisation d’une police différente mettant en exergue la disposition concernée).

Enfin, il convient d’être attentif aux clauses prévues dans les conditions générales et notamment à ne pas enfreindre des dispositions impératives du droit de la concurrence (voir à ce sujet le chapitre 5.1.2) ci-avant).

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5.2.4 L’inexistence d’un droit de rétractation en Suisse Il n’existe, à ce jour, aucun droit de rétractation légal applicable aux contrats à distance. Ce droit est pour l’instant limité aux contrats conclus à la suite d’un démarchage à domicile ou analogue (sur le lieu de travail, dans les transports, sur la voie publique, etc.).

Seules des circonstances « exceptionnelles » permettent à l’acheteur en ligne d’annuler complètement ou partiellement un contrat de vente, à savoir i) l’erreur (articles 23 ss CO), ii) la tromperie (article 28 CO), iii) la contrainte (articles 29-30 CO) ou encore iv) le défaut grave de l’objet acheté (article 205 CO). Dans de tels cas de figure, l’acheteur peut agir en nullité du contrat et réclamer le remboursement des prestations faites.

Le droit de rétractation peut toutefois être convenu contractuellement, par exemple dans les conditions générales.

5.2.5 Le débit des cartes de crédit lors d’une transaction sur internet Sous réserve de dispositions contractuelles contraires, l’usage en Suisse veut que les parties exécutent leurs obligations de paiement et de livraison immédiatement, à savoir au moment de la conclusion du contrat. Ce régime n’est pas adapté aux ventes à distance et, notamment, aux ventes sur internet. Dans ces hypothèses, les principes d’immédiateté et de simultanéité ne peuvent être respectés, puisque la marchandise doit encore être expédiée chez l’acheteur.

La liberté contractuelle autorise cependant les parties à prévoir des échéances différentes pour leurs obligations respectives, par exemple sous la forme d’un paiement à terme (paiement postérieur à la date de conclusion du contrat), d’un paiement par acomptes (paiement échelonné) ou encore de prépaiements (régime spécifique prévu aux articles 227a ss CO). Les règles évoquées ci-dessus valent également pour le débit de cartes bancaires.

Il est ainsi usuel de prévoir que le débit d’une carte de crédit intervienne au moment de l’expédition de la commande ou encore de la confirmation du client de sa commande sur le site. Par conséquent, la question de l’exigibilité du prix et des modalités de paiement doit être réglée dans les conditions générales.

5.2.6 Les exigences en matière de service de paiement en ligne Afin de lutter contre le blanchiment d’argent, la Loi sur le blanchiment d’argent du 10 octobre 1997 (LBA) impose certaines obligations aux personnes qui, à titre professionnel, acceptent, gardent en dépôt ou aident à placer ou à

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transférer des valeurs patrimoniales appartenant à des tiers. On parle alors d’intermédiaire financier.

Lorsqu’un client paie directement la startup pour son produit ou son service, cette dernière reçoit un paiement pour sa contreprestation. Cette situation ne pose pas de problème au niveau de la Loi sur le blanchiment d’argent.

La situation est plus complexe dans l’hypothèse où la startup encaisse de l’argent pour un tiers (notamment lorsque la startup agit comme plateforme intermédiaire entre un fournisseur de biens/services et un consommateur). En effet, lorsqu’une startup opère un service de paiement en encaissant de l’argent pour un tiers, l’activité présente le risque de pouvoir entrer dans le champ d’application de la LBA avec toutes les conséquences qui en résultent. Afin de déterminer si une startup est soumise à la LBA, il conviendra de déterminer si elle opère un service de paiement. La question se pose notamment lorsqu’une startup exploite une market place ou encore un site de crowdfunding.

La notion d’intermédiaire financier professionnel a été concrétisée par Loi fédérale sur les établissements financiers du 15 juin 2018 et dépend de nombreuses circonstances (commission sur les transactions, flux de fonds en espèces et/ ou par virement, volume des transactions, etc.) qu’il conviendra d’analyser dans chaque cas particulier.

Si une startup est assujettie à la LBA en raison de son rôle de service de paiement, elle a notamment les obligations suivantes :

- Un devoir de vérification de l’identité du cocontractant et de l’ayant droit économique (cf. article 45 OBA-FINMA) ;

- Un devoir de s’affilier à un organisme d’autorégulation (organisme qui édicte les règles à suivre pour le respect des règles de la LBA et qui exerce une certaine surveillance sur les intermédiaires financiers) ;

- Un devoir de clarifier l’arrière-plan économique et le but d’une transaction en cas de doute ;

- Un devoir d’établir certains documents (dossiers LBA : identité de l’ayant droit économique, liste des relations d’affaires soumises à la LBA, etc.) et de les conserver ; et,

- Un devoir de communication en cas de soupçons fondés de blanchiment et de blocage des fonds de la transaction suspecte.

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Il découle de ce qui précède qu’il est impératif qu’une startup se renseigne sur ses obligations en matière de blanchiment d’argent lorsqu’elle encaisse de l’argent pour un tiers.

5.2.7 Le contenu d’un site internet et la possibilité offerte à des utilisateurs d’ajouter du contenu sur le site L’exploitation ou l’utilisation d’un site internet nécessite de surveiller le contenu des annonces et de prévoir, si cela est nécessaire, un certain nombre d’interdictions quant aux biens et services proposés (que ce soit par le biais des conditions générales ou d’un document annexe).

A titre exemplatif, il sera nécessaire de prévoir des interdictions en lien avec :

- La vente de produits qui lèsent des droits de propriété intellectuelle (contrefaçons par exemple) ;

- La vente de produits volés (recel) ;

- La vente de produits électroniques interdits (appareil d’écoutes illicites ; brouilleur de radar) ;

- La vente de supports informatiques contenant des données personnelles en violation de la loi sur la protection des données ;

- La vente de supports ayant un contenu négationniste, pornographique/pédopornographique, à caractère violent, etc.

L’importance de gérer le contenu d’un site internet est d’autant plus grande lorsque les utilisateurs du site ont la possibilité, par exemple, d’y publier des annonces ou d’y vendre des produits ou services.

5.2.8 Spécificité concernant la vente de produits soumis à des droits de propriété intellectuelle Une question fréquente en pratique est de savoir si une entreprise peut acquérir à l’étranger des biens protégés par des droits de propriété intellectuelle en vue de leur revente sur internet.

Sous l’angle du droit d’auteur et du droit des marques, un produit acquis avec l’autorisation du titulaire dans un pays peut être revendu licitement dans un autre pays (principe dit de l’épuisement international). Une startup peut donc acquérir des livres dans un pays et les revendre à sa clientèle sur Internet.

Une exception existe pour les œuvres audiovisuelles. En effet, le droit de la propriété intellectuelle instaure une exception (temporaire) en matière d’importations

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parallèles et d’approvisionnement d’œuvres audiovisuelles sur le marché suisse. Le droit d’auteur suisse prévoit que les supports audiovisuels (DVD, Blue-Ray) ne peuvent être mis sur le marché que lorsque l’exploitation de l’œuvre dans les cinémas est terminée. L’exploitation des œuvres audiovisuelles se fait ainsi généralement « en cascade », c’est-à-dire d’abord en salle, puis sous la forme de vidéo/DVD et finalement à la télévision, l’objectif étant de protéger la diffusion cinématographique. En Suisse, la configuration linguistique du pays a pour conséquence que l’exception temporaire est dictée par la fin des représentations dans les salles de cinéma de la région concernée : l’importation de DVD en langue française est autorisée dès que les projections cinématographiques sont terminées en Suisse romande, sans égard aux autres régions linguistiques.

5.2.9 Quelques règles à respecter pour le commerce en ligne en matière de lutte contre la concurrence déloyale En matière de commerce électronique, la Loi sur la concurrence déloyale du 19 décembre 1986 (LCD) impose quelques devoirs minimaux d’information (article 3 alinéa 1er lettre s LCD). Ainsi, pour qu’un comportement ne soit ni déloyal, ni illicite, la loi exige de celui qui propose des marchandises, des œuvres ou des prestations sur internet qu’il respecte les conditions suivantes :

- L’indication de manière claire et complète de son identité et de son adresse de contact, y compris pour le courrier électronique ;

- L’indication de manière claire et complète des différentes étapes techniques conduisant à la conclusion d’un contrat ;

- La fourniture des outils techniques appropriés permettant de détecter et de corriger les erreurs de saisie avant l’envoi d’une commande ;

- La confirmation sans délai de la commande du client par courrier électronique.

Les exigences susmentionnée ont pour objectif de remédier, au moins partiellement, au déséquilibre informationnel affectant la relation entre professionnel et consommateur. Elles accroissent la transparence quant à l’identité du professionnel et aux étapes de la conclusion du contrat. En cas de non-respect des points mentionnés, le consommateur (mais aussi les associations de consommateurs ou la Confédération) peut requérir le prononcé de sanctions civile ou pénale. La violation de la LCD n’entraîne toutefois pas la nullité du contrat.

La sollicitation des clients peut quant à elle prendre différentes formes, que ce soit par l’envoi d’une chose non commandée ou par le biais de publicité.

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En matière d’envoi d’une chose non commandée, le droit suisse prévoit que celui qui reçoit une chose non commandée d’une société commerciale n’est pas tenu de la renvoyer tout comme il n’est pas non plus tenu de la conserver (article 6a alinéa 2 CO). Ainsi, la démarche consistant à envoyer des biens chez le consommateur avec un bulletin de versement n’engage nullement le consommateur. Un tel comportement peut toutefois tomber sous le coup de la loi sur la concurrence déloyale.

En ce qui concerne l’envoi de publicité de masse (SPAM), une protection contre la publicité non sollicitée est prévue dans la LCD (article 3 alinéa 1 lettre o LCD). A cet égard, la loi prévoit que, d’une manière générale, celui qui envoie ou fait envoyer de la publicité de masse par courriel (automatisé) doit au préalable requérir le consentement du destinataire de l’envoi. Le principe mentionné souffre néanmoins d’une exception. La LCD considère en effet que celui qui (i) a obtenu les coordonnées de ses clients lors de la vente de marchandises, d’œuvres ou de prestations et (ii) leur a indiqué qu’ils pouvaient s’opposer à l’envoi de publicité de masse par voie de télécommunication n’agit pas de façon déloyale s’il leur adresse une telle publicité sans leur consentement, pour autant que cette publicité concerne des marchandises, œuvres et prestations propres analogues. La LCD n’instaure donc pas une interdiction générale d’envoyer de la publicité par courriel aux consommateurs mais encadre l’envoi de celle-ci.

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6. La protection des données

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6.1 Contexte Dans le cadre de son activité, une startup peut être amenée à récolter une large quantité de données concernant ses clients, fournisseurs ou employés. En Suisse, le traitement de données dites personnelles est soumis aux exigences de la Loi fédérale sur la protection des données du 19 juin 1992 (LPD). Une entreprise qui traite des données personnelles doit donc s’assurer qu’elle respecte ces exigences légales.

La LPD ne tend pas à protéger les données personnelles elles-mêmes, mais la personnalité de la personne concernée. Sont protégées les personnes physiques vivantes et les personnes morales. S’agissant de ces dernières, la législation révisée les exlura du champ de protection.

Le traitement de données personnelles est un enjeu majeur en raison de l’exploitation commerciale qui en est faite par les grands acteurs du monde digital.

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6.2 Le champ d’application La notion de données personnelles est une notion très large. Elle recouvre toutes les données pouvant être mises en relation avec une personne (exemples : nom, prénom, adresse, numéro de téléphone, n° AVS, etc.). Par contre, lorsque les données sont anonymisées de manière irréversible, elles échappent à la LPD.

Certaines données sont dites sensibles. Il s’agit notamment des données concernant la santé, la sphère intime, l’appartenance à une race, les opinions religieuses et politiques. On parle également de profil de la personnalité lorsqu’un ensemble de données offre une image relativement complète sur une personne physique. En cas de traitement de données sensibles ou de profil de la personnalité, des devoirs et exigences spécifiques s’appliquent.

Il y a traitement de données soumis aux exigences de la LPD en cas de collecte, de communication, exploitation, modification, conservation, archivage et destruction des données. Dès lors, le simple fait pour une startup de collecter et conserver les données de clients telles que l’adresse, la date de naissance etc. constitue un traitement de données au sens de la LPD.

6.3 Droits et devoirs en cas de traitement de données personnelles6.3.1 Principes de base : licéité, bonne foi, reconnaissabilité, proportionnalité et finalitéUn traitement de données doit être licite, soit ne pas être contraire à une disposition légale. Il doit être fait de bonne foi, ce qui signifie qu’il ne doit pas être fait à l’insu de la personne concernée, laquelle doit s’attendre à ce que ses données soient collectées et traitées. Le traitement de données doit être fait dans un but précis et seules les données aptes et objectivement nécessaires à atteindre ce but doivent être traitées. Lorsque des données ont été collectées dans un certain but, une entreprise ne peut pas par la suite les utiliser dans un autre but sans le consentement de la personne concernée.

6.3.2 Sous-traitanceL’auteur du traitement, autrement dit le maître du fichier, est responsable du traitement qui est fait des données qu’il collecte et traite. Il reste responsable même dans les hypothèses où il sous-traite certains traitements de données à un tiers. Dès lors, lorsqu’une entreprise envisage de sous-traiter des traitements

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de données à un tiers, il est recommandé de mener une « due diligence  » du sous-traitant afin de s’assurer que celui-ci respectera les exigences applicables en matière de traitement de données personnelles. Il faut ensuite, dans la convention conclue avec le sous-traitant, prévoir explicitement que celui-ci doit respecter les exigences légales en matière de protection de données. Des modèles de contrats de sous-traitance sont disponibles sur le site Internet du Préposé fédéral à la protection des données (https://www.edoeb.admin.ch/edoeb/fr/home/protection-des-donnees/handel-und-wirtschaft/uebermittlung-ins-ausland/externalisation--outsourcing-.html).

6.3.3 Droit d’accèsLa personne concernée doit avoir accès aux données la concernant. En d’autres termes, toute personne peut demander à une entreprise si des données la concernant sont traitées sans avoir à se prévaloir de justes motifs. Dans un tel cas, le maître du fichier doit lui communiquer toutes les informations concernant ses données (origine, but du traitement, catégorie de données traitées, destinataires des données, etc.). L’accès aux données doit être gratuit et écrit. Une personne ne peut pas renoncer à l’avance à son droit d’accès. Il est donc inutile de demander à une personne de renoncer à son droit d’accès au moment de la collecte de ses données. Un tel renoncement serait nul et sans effet et l’entreprise devra malgré tout accorder à la personne un droit d’accès à ses données.

6.3.4 Sécurité des donnéesEn cas de traitement de données, il faut obligatoirement en assurer la sécurité par des mesures techniques et organisationnelles. Les mesures techniques sont notamment celles liées à la sécurité informatique (antivirus, sécurité du réseau informatique) et la sécurité des locaux en général (mise sous alarme, accès limité etc.). Les mesures organisationnelles sont celles liées à l’organisation interne de l’entreprise. Il est par exemple recommandé de limiter l’accès aux données personnelles traitées aux employés qui en ont besoin dans l’exercice de leur activité.

6.3.5 Communication transfrontièreDans le cadre de son activité, une entreprise peut être amenée à transférer des données personnelles qu’elle traite à l’étranger, par exemple à un sous-traitant, une succursale ou même en cas de stockage sur un serveur informatique situé à l’étranger.

La communication de données personnelles vers des pays étrangers est illicite si la personnalité de la personne concernée devait s’en trouver gravement menacée. La loi présume qu’une telle menace existe si la législation de l’Etat destinataire n’assure pas une protection équivalente des données personnelles à celle de

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la Suisse. Par contre, si la législation d’un Etat assure une protection suffisante, la communication transfrontière de données vers cet Etat est autorisée. C’est notamment le cas des Etats membres de l’Union européenne. La protection des données personnelles est jugée adéquate, de sorte qu’il est possible de transférer des données vers les Etats membres de l’Union européenne. Par contre, aux Etats-Unis par exemple, la protection des données n’est pas jugée adéquate. Le Préposé fédéral à la protection des données tient une liste des pays à destination desquels les données peuvent être transférées (https://www.edoeb.admin.ch/edoeb/fr/home/protection-des-donnees/handel-und-wirtschaft/uebermittlung-ins-ausland.html).

Si la protection des données personnelles n’est pas jugée suffisante dans un Etat étranger, le transfert des données vers cet Etat peut être licite, mais à certaines conditions seulement. La personne concernée peut en particulier consentir au transfert de ses données vers l’étranger. Pour que le consentement d’une personne soit jugé valable, la personne doit préalablement avoir été informée du fait que ses données seront transférées vers un ou plusieurs Etats définis et que la législation de ces Etats n’assure pas une protection jugée équivalente à celle de la Suisse. Elle doit en outre donner son consentement au transfert pour un but défini. Un consentement donné au transfert général des données vers l’étranger n’est pas jugé suffisant. Par exemple, le simple fait de mentionner dans les conditions générales que les données personnelles de clients pourraient être transférées à l’étranger n’est pas suffisant. Il faut mentionner que les données seront transférées vers tel ou tel Etat et dans tel ou tel but précis. Lorsque seront transférées des données dites sensibles, le consentement de la personne doit en outre être donné de manière explicite. Dans un tel cas de figure, il est recommandé d’exiger un comportement actif de la personne, par exemple qu’elle remplisse une rubrique d’un formulaire ou coche un case prévue à cet effet.

6.3.6 Autres dispositions particulièresLe respect des exigences de la LPD ne dispense pas de respecter les exigences spécifiques à certains métiers (exemple : secret médical, secret bancaire). Lorsqu’une entreprise est soumise à des règles « métier » particulières, elle doit en outre s’assurer qu’elle s’y conforme.

6.4 Règlement européen 6.4.1 Introduction et champ d’applicationLe Parlement européen a adopté le 27 avril 2016 un nouveau Règlement sur la protection des données n° 2016/679 (RGPD). Le RGPD est directement applicable dans tous les Etats membres du l’Union européenne depuis le 25 mai 2018. Dans

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certaines hypothèses, le RGPD peut s’appliquer même à une entreprise établie en Suisse. Le RGPD s’applique en effet à une entreprise suisse si celle-ci traite des données personnelles dans le cadre des activités d’un établissement situé dans l’Union européenne ou d’un sous-traitant établi dans l’Union européenne. Le RGPD s’applique également à une entreprise suisse, quand bien même elle n’a pas d’établissement dans l’Union européenne, lorsque celle-ci (i) offre des biens ou des services dans l’Union européenne ou (ii) effectue des suivis de comportement de personnes résidant au sein de l’Union européenne.

Une entreprise offre des biens ou des services dans l’Union européenne lorsqu’elle vise des personnes situées dans l’Union européenne. Constitue des indices d’une telle offre le fait d’utiliser une langue ou une monnaie courante de l’Union européenne, de mentionner des clients ou utilisateurs dans l’Union européenne. Par contre, le simple fait d’avoir un site Internet accessible depuis l’Union européenne ne suffit pas.

6.4.2 Quelques obligations pour les entreprises soumises au RGPDLes entreprises soumises au RGPD devront notamment obligatoirement :

- Tenir un registre des traitements mentionnant la nature et la finalité du traitement et les catégories de destinataires et de données traitées ;

- Désigner un délégataire dans l’Union européenne ;

- Procéder à une analyse d’impact préalable en cas de risque élevé pour les droits et libertés des personnes concernées ;

- Adresser à l’autorité de contrôle une notification en cas de violation de la sécurité des données personnelles au plus tard dans les 72 heures et à la personne concernée en cas de risque élevé pour ses droits et libertés.

Les entreprises soumises au RGPD qui ne respectent pas ces exigences s’exposent à de lourdes sanctions pouvant aller jusqu’à EUR 20 millions ou à 4% du chiffre d’affaires du groupe (et non pas seulement de l’entité concernée).

6.5 Révision de la LPDLe Conseil fédéral a adopté le 15 septembre 2017 un projet de révision totale de la LPD. La révision de la LPD aété adoptée le 25 septembre 2020 et, les entreprises suisses devront adapter leur pratique pour se conformer aux nouvelles exigences.

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La révision a pour principal objectif d’harmoniser le droit suisse au droit européen et d’assurer une meilleure protection aux individus. Parmi les nouveautés et particularités de la révision de la LPD, on peut citer ce qui suit :

- La de révision a la particularité de s’appliquer désormais aux données des personnes physiques uniquement, à l’exclusion des personnes morales ;

- Devoir d’information : les individus seront informés du traitement de leurs données quel que soit le type de données concernées. Le devoir d’information couvre l’identité et les coordonnées du responsable de traitement, le type de données traitées et la finalité du traitement. En cas de prise de décision individuelle automatisée, la personne concernée doit avoir la possibilité de faire valoir son point de vue ;

- Comme en droit européen, lorsque le traitement envisagé entraîne un risque élevé pour la personnalité et les droits fondamentaux, l’entreprise responsable du traitement doit effectuer une analyse d’impact préalable. En cas de violation de la sécurité des données, le préposé doit être informé sans délai de la violation ;

- La liste des actes constitutifs d’une infraction pénale a été allongée et la sanction augmentée à un montant maximal de CHF 250’000.

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7. Le financement de la startup

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7.1 Le tour de financement et l’augmentation de capital7.1.1 ContexteLa levée de fonds propres dans le cadre d’un tour de financement est le moyen de financement le plus fréquent en pratique pour les jeunes startups suisses. Elle permet de financer le développement de la société sans endettement ni paiement d’intérêts par l’entrée de nouveaux investisseurs au capital. Ces nouveaux actionnaires acquerront ainsi tous les droits liés à la détention de titres de participation (droits de vote, droits d’information et, dans certains cas, droits préférentiels en matière de dividendes et en cas de liquidation).

7.1.2 Le processus de levée de fonds propres La levée de fonds propres comprend trois phases :

- la phase de préparation ;

- la phase de négociation ; et

- la phase de mise en œuvre de l’investissement.

La phase de préparationLa phase de préparation dure généralement un à deux mois et a pour objectif de préparer les négociations avec les investisseurs potentiels. Durant cette phase, il est primordial pour la direction de la startup d’établir une valorisation de l’entreprise et un business plan (voir le chapitre 1 ci-avant). La documentation sociale, contractuelle et financière de la société doit au surplus être préparée durant cette phase, et ce afin de permettre aux investisseurs potentiels d’effectuer un audit légal, financier et fiscal avec célérité le moment venu. Il est en outre conseillé en pratique de rédiger, à ce stade, un projet de term sheet ou de lettre d’intention (LOI) contenant les conditions et modalités essentielles du financement recherché par la startup.

La phase de négociationUne fois la phase préparatoire terminée, la recherche d’investisseurs peut commencer. Avant d’entamer toute négociation ou discussion concrète, il est toutefois primordial de signer un accord de confidentialité avec les investisseurs potentiels afin de protéger la propriété intellectuelle et le know-how de la société, ainsi que toute autre information confidentielle communiquée. Durant cette phase, les parties signent généralement une term sheet et entament la négociation et la rédaction du contrat d’investissement et, le cas échéant, de la nouvelle convention d’actionnaires. Avant la signature de la documentation contractuelle finale, les investisseurs potentiels effectuent généralement un audit légal, financier et, dans

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certains cas, fiscal afin d’identifier et estimer les risques liés à l’investissement envisagé. La phase d’audit peut en pratique prendre plusieurs mois, notamment lorsque la documentation pertinente n’est pas mise à disposition rapidement ou de manière suffisamment organisée par la société. En règle générale, la phase de négociation dure un à six mois.

La phase de mise en œuvre de l’investissementUne fois que les parties sont arrivées à un accord, l’investissement peut alors être mis en œuvre. La phase de mise en œuvre comprend non seulement la signature de la documentation contractuelle, mais également la réalisation d’étapes formelles requises par le droit suisse, dont la tenue d’une assemblée générale des actionnaires devant notaire décidant de l’augmentation ordinaire du capital-actions, ainsi que le dépôt d’une réquisition d’inscription auprès de l’office compétent du registre du commerce, accompagnée de la documentation légale requise. Les fonds propres levés ne peuvent en outre être libérés et utilisés par la société que sur inscription de l’augmentation du capital-actions au registre du commerce.

Les autorités suisses font généralement preuve de célérité et les formalités nécessaires pour la mise en œuvre de l’augmentation de capital requièrent généralement une à deux semaines. La durée peut être plus longue lorsque les investisseurs sont des entités ou personnes étrangères et que certains documents doivent faire l’objet de légalisations à l’étranger. La phase de mise en œuvre peut ainsi, selon les circonstances, durer de deux semaines à deux mois.

Une bonne préparation est primordiale pour toute startup recherchant un financement. Ceci est particulièrement vrai au vu des situations financières souvent précaires des startups et du devoir de diligence du conseil d’administration, dont les membres peuvent, à certaines conditions, être tenus personnellement responsables pour des recherches de financement et l’adoption de mesures d’assainissement jugées tardives .

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Processus D’une Levée de Fonds Propres

7.1.3 La documentation contractuelle Dans le cadre d’une levée de fonds, les documents contractuels principaux se composent d’une term sheet (ou d’une lettre d’intention [LOI]), du contrat d’investissement et, le cas échéant, d’une nouvelle convention d’actionnaires.

Il est fréquent également que les investisseurs potentiels requièrent la modification de certains contrats liés (tels que le contrat de travail d’employés jugés clés ou les contrats concernant la propriété intellectuelle de la société), ainsi que l’adoption de nouveaux documents sociaux, à savoir des statuts révisés, un nouveau règlement d’organisation du conseil d’administration et un (nouveau) plan d’intéressement.

Dans ce chapitre, nous allons nous concentrer sur la term sheet, le contrat d’investissement et les droits préférentiels de liquidation.

Préparation Négociation Mise en oeuvre

1 - 2 mois 1 - 6 mois 2 semaines - 2 mois

- Valorisation de la société- Plan de �nancement- Modèle de participation- Registre des actionnaires- Présentation pour investisseurs (�pitch�)- Préparation de la Term Sheet

- Signature du contrat d’investissement, de la convention d’actionnaires et d’autres contrats liés- Augmentation du capital-actions- Inscription au registre du commerce

- Accord de con�dentialité- Term Sheet- Audit légal, �nance et �scal- Rédaction des contrats dé�nitifs

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Documents Légaux d’une Levée de Fonds Propres

Contrats liés

- Contrats de travail- Contrats PI

Contrats liés

Contrat d’investissement

- Règle l’augmentation de capital et l’investissement

Term Sheet

Consacre le cadre et les composantes principales des documents sulvants:

Statuts

- Révisés conformément à la loi et la convention d’actionnaires

Règlementd’organisation

- Révisés conformément à la loi et la convention d’actionnaires

Convention d’actionnaires

- Gouvernance- Restrictions au transfert des actions- Droits préférentiels

ESOP

- Plan d’intéressement des employés

Contrats liésESOP

Term SheetLors de la phase préliminaire des négociations, les parties concluent généralement une term sheet ou une lettre d’intention (LOI).

La term sheet est un document non contraignant conclu entre la société et l’investisseur potentiel qui fixe le cadre des négociations, ainsi que les conditions et modalités principales de l’investissement envisagé.

Lors de la négociation de la term sheet, il est conseillé d’identifier les potentiels éléments bloquants (« deal-breakers »), que ce soit du point de vue de la startup ou de l’investisseur. En effet, bien que la term sheet soit, à l’exception de certaines clauses, un document dépourvu de force obligatoire, il est difficile en pratique d’y déroger par la suite.

La term sheet règle, de manière non contraignante, les composantes économiques et commerciales principales de l’investissement envisagé, qui seront reprises et reflétées par la suite de manière définitive et obligatoire dans le cadre du contrat d’investissement et, le cas échéant, de la nouvelle convention d’actionnaires. Parmi ces éléments figurent notamment :

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Composantes économiques

Composantes relatives au contrôle

Le montant de l’investissement Les restrictions au transfert des actions

Le prix par action et la valorisation de l’entreprise

Drag Along, Tag Along et sortie forcée

Un mécanisme d’anti-dilution

Les quorums minimaux et les droits de véto

Les droits préférentiels de l’investisseur

La composition du conseil d’administration

Les éventuelles garanties fournies par la société et/ou les fondateurs

Les clauses de non-concurrence

Le plan d’intéressement et le montant du nouveau capital-actions conditionnel

Le droit à l’information des actionnaires

La term sheet prévoit également fréquemment et de manière non contraignante l’adoption de nouveaux documents sociaux. En pratique, les modifications apportées aux statuts et au règlement interne d’organisation visent souvent à accorder un certain degré d’influence ou de contrôle aux investisseurs dans le cadre du processus décisionnel de la société (par exemple quorum minimum de présence, actions à droit de vote privilégié, droit de véto).

Parmi les clauses contraignantes de la term sheet figurent en principe les clauses de confidentialité, d’exclusivité, d’allocation des frais de négociation, d’élection de droit et d’élection de for. Les clauses d’exclusivité visent à empêcher la startup de négocier un financement avec d’autres investisseurs potentiels. Il est donc important pour le conseil d’administration d’évaluer, au vu de son devoir de diligence et de la situation financière de la startup, la période d’exclusivité maximale pouvant être accordée.

La rédaction et la négociation de la term sheet sont des étapes importantes, qui ne doivent pas être sous-estimées. En règle générale, les investisseurs requièrent lors de la négociation de la term sheet l’octroi de certains droits visant à leur permettre d’influencer, voire contrôler, les décisions sociales importantes à venir, ainsi qu’à maximiser leur investissement financier par le biais de droits préférentiels

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de liquidation et de mécanismes d’anti-dilution. A ce stade déjà des négociations, il est ainsi important pour une startup de se faire accompagner par des experts et conseillers qualifiés. La continuation des négociations et la signature de la documentation contractuelle définitive dépendent généralement de la réalisation d’un audit légal, financier et fiscal jugé satisfaisant par l’investisseur.

Le contrat d’investissementLe contrat d’investissement et de souscription d’actions est le contrat signé par la société, l’investisseur et, dans certains cas, les fondateurs qui règle les conditions et modalités de la levée de fonds. Parmi les conditions et modalités réglées dans le contrat d’investissement figurent notamment :

N° Clauses Commentaire1 Le montant de

l’investissementL’apport en capital en vue de la souscription et de l’émission de nouvelles actions peut avoir lieu sous plusieurs formes (en espèces, en nature, par le biais d’une reprise de bien ou d’une compensation de créance). L’investissement en capital se fait toutefois généralement sous la forme d’un apport en espèces. Les autres types d’apports en capital (dits qualifiés) requièrent le respect d’exigences formelles additionnelles en raison du but protecteur du capital-actions.

2 Le prix par action et la valorisation de l’entreprise

Le prix par action souscrite est fonction de la valorisation de la société. La valorisation de l’entreprise est fréquemment définie par la startup elle-même. Selon les moyens et le niveau de sophistication de l’investisseur, ce dernier effectuera également une due diligence financière, assisté d’experts en la matière, aux fins d’établir la valorisation de l’entreprise. La valorisation d’une startup reste une question difficile, en particulier lorsqu’elle ne génère aucun cash flow positif.

Le prix par action est composé de la valeur nominale du titre et de l’agio, en fonction de la valorisation de l’entreprise.

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3 Le nombre et le type d’actions

Le nombre d’actions qui seront émises en faveur de l’investisseur est réglé par le contrat d’investissement et dépend du montant total de l’investissement convenu et du prix par action.

Dans le cadre d’un investissement, la société peut émettre des actions ordinaires ou privilégiées en faveur des investisseurs.

Des droits préférentiels peuvent en effet être accordés en termes de droit de vote ou de liquidation de la société (au sens large, y compris en cas de vente de la société) (voir le chapitre 7.1.4)).

4 Les Milestones Les parties peuvent convenir d’un investissement en une ou plusieurs tranches. Un investissement en plusieurs tranches, qui est alors souvent conditionné à la réalisation de certaines étapes de développement ou de résultats financiers (Milestones), permet de protéger l’investisseur contre les risques encourus, tout en octroyant une perspective de financement à moyen terme à la startup.

Lors de la négociation du financement en plusieurs tranches, il est primordial pour la startup de convenir de Milestones réalistes et réalisables.

5 L’utilisation de l’investissement

Les parties peuvent convenir d’une utilisation générale de l’investissement (par exemple, le développement de la société ou de sa technologie) ou, selon les cas, plus précise (par exemple, le développement d’une technologie ou d’un marché précis).

En pratique, il arrive fréquemment que les parties conviennent d’une utilisation de l’investissement conformément au business plan établi par la société.

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6 Un mécanisme d’anti-dilution

Une clause d’anti-dilution offre une protection à l’investisseur pour le cas où des actions de la startup seraient souscrites ultérieurement par de nouveaux entrants à un prix inférieur au prix souscrit par l’investisseur.

Il existe plusieurs types de clauses d’anti-dilution, qui peuvent être plus au moins favorables aux investisseurs (broad based ou narrow based). Une attention particulière doit donc être portée à la teneur de la clause et de la formule mathématique d’anti-dilution proposées, qui peuvent, en pratique et lorsque mal négociées, impliquer des conséquences drastiques pour les fondateurs et actionnaires existants de la startup.

7 Droits préférentiels (actions à droit de vote privilégié ; droits préférentiels de liquidation)

Dans certains cas, des actions à droit de vote privilégié (article 693 CO) sont requises par les investisseurs en vue d’augmenter leur influence dans le processus décisionnel de la société.

Nous renvoyons le lecteur au chiffre 7.1.4) concernant les privilèges de liquidation.

Les droits préférentiels de vote et de liquidation, bien que négociés dans le cadre de l’investissement, sont usuellement consacrés par la nouvelle convention d’actionnaires.

8 Les restrictions au transfert et le contrôle des actions

Les restrictions au transfert des actions ont pour objectif de permettre aux investisseurs et autres actionnaires de contrôler l’actionnariat, notamment en vue de sécuriser l’exit. Pour plus de détails, nous renvoyons le lecteur au chapitre 3.3.3).

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9 Exit En investissant dans une startup, les investisseurs ont souvent pour objectif la réalisation d’un exit à moyen terme (3 à 7 ans) et d’un gain en capital correspondant.

L’exit peut prendre plusieurs formes telles que la vente de toutes les actions de la société (share deal), la vente des actifs de la société (asset deal), l’introduction en bourse (IPO) ou encore la liquidation de la société.

Afin d’être à même d’imposer l’exit aux autres actionnaires, les investisseurs majoritaires requièrent généralement un droit d’imposer une cession forcée aux actionnaires minoritaires (drag along).

10 La composition du conseil d’administration

Les investisseurs requièrent souvent le droit d’avoir un ou plusieurs représentants au sein du conseil d’administration. De tels représentants seront fréquemment des membres de la direction ou employés de l’investisseur en question. Ceci permet à l’investisseur de s’engager activement dans le développement de la startup et de disposer de toutes les informations mises à disposition par la direction.

11 Les quorums et les droits de véto

Il est fréquent que les investisseurs requièrent l’inscription de quorums minimaux de présence et de vote pour la prise de certaines décisions par l’assemblée générale des actionnaires et/ou par le conseil d’administration. Ces quorums ont pour objectif de permettre aux investisseurs d’influencer, voire selon les circonstances, de déterminer l’issue de certaines décisions sociales importantes.

Dans certains cas, un droit de veto est également requis par les investisseurs pour certaines décisions particulièrement importantes.

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12 Les éventuelles garanties fournies par la société et/ou les fondateurs

Dans le cadre du contrat d’investissement, les fondateurs peuvent être amenés à accorder des garanties aux investisseurs en vue d’obtenir le financement souhaité.

Une attention particulière doit être portée à la teneur et à l’étendue des garanties fournies, au vu du risque personnel encouru par les fondateurs. Il existe plusieurs mécanismes permettant de limiter lesdits risques, comme par exemple celui de limiter :

- le montant maximum de dédommagement pouvant être requis ;

- la période de validité des garanties (par exemple 3, 6, 12 ou 18 mois après la levée de fonds) ;

- l’étendue des garanties au vu de ce que l’investisseur savait ou aurait dû savoir au moment de la conclusion du contrat d’investissement, en particulier du fait de la réalisation d’un audit légal, financier et fiscal.

A cet égard, le contrat d’investissement est un contrat innomé en droit suisse, qui contient notamment des composantes relevant du droit de la vente. Ainsi, le régime du défaut de la chose vendue (articles 197 ss CO) est applicable par analogie au contrat d’investissement, sauf accord contraire des parties.

Généralement, la société, respectivement ses fondateurs, fournissent les garanties. Pour éviter une violation de l’article 680 CO (interdiction de remboursement des apports) et l’indemnisation en espèces par les organes, le contrat prévoit un mécanisme compensatoire (sous forme d’augmentation de capital pour un prix d’émission équivalent à la valeur nominale) en cas de violation des garanties.

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13 Les clauses de non-concurrence

Des engagements de non-concurrence et de non-sollicitation sont usuellement requis des fondateurs jouant un rôle dans la gestion et le développement de l’entreprise, ainsi que de la part des employés clés de la société.

De tels engagements permettent non seulement de protéger les intérêts des investisseurs et autres actionnaires, mais surtout et avant tout les intérêts de la société.

La validité des clauses de non-concurrence et de non-sollicitation est soumise à des restrictions de droit impératif.

Le droit suisse fixe en effet des limites en termes de durée et d’étendue de tels engagements (domaine d’activité et territoire).

14 Les droits à l’information des actionnaires

Le droit à l’information des actionnaires est particulièrement restreint en droit suisse, notamment en raison des contraintes formelles imposées par le CO. Pour ces raisons, il est souvent décidé d’élargir contractuellement le droit à l’information des actionnaires.

15 L’adoption d’un plan d’intéressement

Un apport en capital peut s’accompagner de la mise en place d’un plan d’intéressement du personnel. L’adoption d’un plan d’intéressement est généralement dans l’intérêt de la société qui dispose de ce fait de moyens additionnels pour attirer et retenir des personnes de talent.

Le contrat d’investissement règle généralement le nombre maximum d’options ou d’actions pouvant être émises dans le cadre du plan ainsi que, dans certains cas, le prix d’exercice des droits d’options. Pour le reste, il est usuel d’accorder de la flexibilité au conseil d’administration de la startup pour la gestion et la mise en œuvre du plan d’intéressement.

16 Confidentialité Le contrat d’investissement contient généralement une clause de confidentialité couvrant non seulement l’existence et le contenu du contrat, mais également l’ensemble des informations échangées par les parties dans le cadre des négociations et de la mise en œuvre de l’investissement.

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17 Frais de négociation

Les parties règlent généralement l’allocation des frais liés à la négociation de l’investissement dans le cadre du contrat d’investissement. Il est fréquent que ces frais soient mis à charge de la startup.

18 Election de droit Il est recommandé de prévoir systématiquement le droit du lieu du siège de la startup comme droit applicable au contrat d’investissement.

19 Election de for Les tribunaux compétents au lieu du siège de la startup sont généralement désignés comme for exclusivement compétent par les parties. Dans certains cas, les parties choisissent en outre l’arbitrage international commercial comme mode de résolution des litiges, qui ne se justifie toutefois qu’en cas d’investissement important.

Plusieurs documents figurent en général en annexe du contrat d’investissement, dont notamment les bulletins de souscription d’actions, la réquisition d’inscription au registre du commerce, un tableau reflétant l’actionnariat actuel et l’actionnariat projeté ainsi qu’un business plan établi par la startup.

7.1.4 Les privilèges de liquidation En investissant dans une startup, les investisseurs ont souvent pour objectif la réalisation d’un exit à moyen terme (3 à 7 ans), c’est-à-dire d’un gain en capital lors de la réalisation de l’investissement. L’exit peut prendre plusieurs formes telles que la vente de toutes les actions de la société (share deal), la vente des actifs de la société (asset deal), l’introduction en bourse (IPO) ou encore la liquidation de la société.

Afin de maximiser leurs investissements dans la société au moment de l’exit, les investisseurs sophistiqués, tels que les venture capitalists, requièrent généralement l’octroi de droits de préférence sur le produit de la vente, sur le dividende et sur la liquidation, en sus de l’adoption d’un mécanisme d’anti-dilution. Nous nous concentrerons ici sur les privilèges de liquidation au sens large.

En temps normal, le produit de liquidation (qu’il s’agisse d’une liquidation au sens étroit ou d’une vente de la société) est réparti entre les actionnaires en proportion de leurs apports respectifs au capital-actions. En d’autres termes, seule la valeur nominale libérée est déterminante, à l’exclusion de l’éventuel supplément de prix de souscription d’actions (l’agio) payé par l’actionnaire en échange de l’émission d’actions. Les actionnaires peuvent toutefois déroger à la solution légale et prévoir dans la convention d’actionnaires une répartition du produit d’une éventuelle liquidation en priorité aux investisseurs ayant souscrit des actions à un prix plus

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élevé. La préférence sur le produit de liquidation est usuellement réglée par les statuts de la société, ainsi que par la nouvelle convention d’actionnaires négociée à l’occasion de l’investissement.

Il existe principalement deux sortes de droits de préférence de liquidation  : les droits dits participatifs (participating) et les droits dits non-participatifs (non- participating) :

- dans le premier cas, l’investisseur reçoit un montant prioritaire (correspondant par exemple au montant de l’investissement initial portant intérêt ou un multiple de l’investissement [par exemple x1.2]). Le solde du dividende de liquidation est ensuite réparti entre tous les actionnaires, y compris l’investisseur, en proportion de leur apport au capital-actions ;

- Le second cas de figure se distingue du premier en ce sens que l’investisseur ne participe pas à la distribution du solde du dividende après avoir perçu un montant prioritaire.

Les privilèges de liquidation sont très fréquents en pratique et ils peuvent avoir des conséquences redoutables, notamment lorsque la startup ne connaît pas un grand succès et se retrouve dans la situation de devoir être liquidée : s’il existe une technologie pouvant être vendue à un tiers, en général à vil prix considérant le sort final de la startup, ce seul actif sera dans les faits mis en vente pour le seul profit des investisseurs bénéficiant de privilèges de liquidation.

7.2 L’emprunt convertible7.2.1 ContexteLe financement d’une startup revêt une importance capitale. La phase de lancement est d’autant plus délicate que le financement bancaire n’est généralement pas accessible à une startup.

Dans ce contexte, l’emprunt convertible apparaît comme un outil très intéressant. Il se veut un moyen de financement complémentaire au financement « classique » que constitue un tour de financement par augmentation du capital de la société. Il permet notamment de réagir très rapidement à des situations de crise de liquidités, qui ne laissent généralement pas le temps au conseil d’administration de trouver un consensus au sein des actionnaires existants.

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7.2.2 Nature du contrat et clauses contractuelles usuelles L’emprunt convertible est un contrat de prêt (sous forme d’espèces), dont la caractéristique première réside dans le fait que son remboursement ne prendra pas nécessairement la forme d’un paiement en faveur du prêteur (ce qui en ferait un simple prêt de consommation au sens des articles 312 ss CO) mais la remise de parts sociales de la startup ensuite d’une conversion de la créance en titres. En cas de conversion du prêt, le prêteur deviendra ainsi actionnaire de la société startup.

Outre l’indication du montant du prêt, le contrat prévoit en principe les modalités de remise de ce prêt à la société startup, ainsi que l’usage auquel servira le montant ainsi prêté. Le contrat prévoira également une échéance à partir de laquelle ce prêt sera soit (i) remboursé en espèces (y compris les éventuels intérêts échus), soit (ii) converti en titres de la startup (actions, parts sociales) (hypothèse du contrat de prêt convertible). Souvent, le contrat prévoit par ailleurs une rémunération du prêt consenti sous la forme d’intérêts ou un discount sur le prix d’émission fixé lors du prochain tour de financement

Les modalités de la conversion sont également réglées contractuellement de manière précise. Une telle conversion peut ainsi être obligatoire en fonction de la survenance de certains événements déterminés (un nouveau tour de financement ou une vente de la société, par exemple), ou facultative, c’est-à-dire laissée à la libre appréciation du prêteur ou d’un groupe de prêteurs, le cas échéant. Dans le cadre des modalités de conversion, le contrat s’attachera également à prévoir (i) le prix d’émission des titres qui seront émis à la suite de la conversion du prêt (prix qui devra être déterminé ou déterminable à tout le moins), ainsi que (ii) le type de titres (soit, dans le cadre d’une société anonyme, la catégorie d’actions  – ordinaires ou privilégiées) qui seront émis à cette occasion. Si le prêteur n’est pas déjà actionnaire de la startup au moment de la conclusion du contrat, il conviendra encore de prévoir contractuellement son obligation d’adhérer à une éventuelle convention d’actionnaires en cas de conversion, dès lors que la conversion aura pour effet d’accorder la qualité d’actionnaire au prêteur.

Enfin, il est fréquent que le contrat de prêt convertible soit assorti d’une convention de postposition, compte tenu de la situation financière et surtout bilancielle souvent fragile d’une startup, en particulier dans les premiers temps de son existence. Une telle clause prévoit ainsi que la créance du prêteur résultant du prêt (y compris les éventuels intérêts y relatifs) est placée à un rang inférieur à celui de toutes les autres créances de la société en cas de surendettement de celle-ci au sens de l’article 725 alinéa 2 CO, de sorte que la créance ne pourra pas être remboursée au prêteur tant que durera la situation de surendettement. Cette postposition répond à des conditions strictes, qui sont décrites au chapitre 7.3.3) ci-dessous.

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7.2.3 Avantages pratiques de l’emprunt convertible pour une startup L’immédiateté du financementL’avantage majeur de l’emprunt convertible tient au fait que la startup peut disposer immédiatement du montant du prêt, sans entrer dans de longues négociations sur la valorisation : le montant est généralement mis à disposition de la startup au moment de la conclusion du contrat. Une telle mise à disposition immédiate du montant versé est exclue lors d’un tour de financement « classique » par augmentation du capital de la société, puisque les fonds versés sont crédités sur un compte de consignation et que ces fonds ne seront libérés en faveur de la startup qu’après inscription de l’augmentation de capital au registre du commerce, opération qui peut prendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Cette immédiateté du financement peut être déterminante pour la survie de la startup, notamment pour faire face aux échéances obligatoires (par exemple le versement des salaires).

Contrôle (provisoire) du cercle des actionnairesUn autre avantage du contrat de prêt convertible tient au fait que la startup dispose de fonds supplémentaires sans pour autant devoir faire face (trop) rapidement à un cercle d’actionnaires conséquent, susceptible d’occasionner d’éventuels blocages au sein de la société, a fortiori si le cercle des actionnaires devient ainsi très hétérogène. Un tel avantage doit cependant être nuancé dans la mesure où la qualité d’actionnaire du prêteur sera en principe acquise ultérieurement, soit au moment de la conversion de son prêt en titres de la société.

7.2.4 Traitement fiscal de l’emprunt convertible GénéralitésLorsque l’emprunt est émis (i) par une société suisse, (ii) que le droit de conversion doit permettre de souscrire des droits de participation nouvellement créés de la société suisse émettrice de l’emprunt ou d’une société suisse (ou étrangère) apparentée à celle-ci, (iii) et que l’emprunt est émis soit au pair, soit avec un agio3 , le remboursement devant quant à lui être effectué au pair, on parle en droit fiscal d’ « emprunt convertible classique »4.

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3On considère le prix global de l’ensemble « obligation + droit de conversion »4Si une des conditions à l’emprunt convertible classique venait à manquer, il s’agit d’un emprunt convertible non classique, dont les conséquences fiscales sont différentes que celles exposées ici et doivent être étudiées au cas par cas.

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Droit de timbre d’émissionIl n’est prélevé aucun droit de timbre d’émission au moment de l’émission de l’emprunt convertible.

Au moment de la conversion en capital (nouvelles actions créées), il conviendra de déclarer le droit de timbre d’émission. Le système est celui de l’auto-déclaration (formulaire 7 de l’Administration fédérale des contributions), qui doit intervenir dans les 30 jours à compter de l’inscription au registre du commerce de l’augmentation des droits de participation.

Le droit de timbre est prélevé à un taux 1% sur les émissions et augmentations du capital social, avec une franchise à hauteur d’un capital-actions/ capital social de CHF 1’000’000. Il est dû sur le montant reçu par la société en contrepartie des droits de participation, mais au moins sur la valeur nominale.

Impôt anticipéLes intérêts périodiques servis au créancier de l’emprunt sont exempts du prélèvement de l’impôt anticipé par le débiteur des intérêts, pour autant que ceux-ci correspondent au taux du marché ou (pour des actionnaires existants) au taux admis par l’AFC.

Cela étant, au moment où l’émetteur de l’emprunt accepte des fonds provenant (i) soit de plus de 10 créanciers contre l’émission de reconnaissances de dettes à des conditions identiques (ii) soit, de façon constante, de plus de 20 créanciers contre l’émission de reconnaissances de dettes à des conditions variables, il doit prélever l’impôt anticipé de 35% sur les intérêts servis. Il s’agit aussi d’une procédure d’auto-déclaration.

Impôt fédéral direct et impôts cantonaux et communaux sur le revenu et la fortunePour l’émetteur de l’emprunt, les intérêts servis sur sa dette sont déductibles de son bénéfice imposable ; le capital conditionnel n’est pas imposé.

Les intérêts périodiques reçus par les créanciers constituent un rendement de la fortune imposable. L’actif de la dette doit figurer dans la fortune / actifs des créanciers.

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7.3 L’assainissement de la startup7.3.1 ContexteLorsqu’une société est en difficulté, elle court deux risques qui peuvent la conduire à la faillite :

- Si la société est incapable de faire face à ses dépenses courantes faute de liquidités suffisantes, n’importe quel créancier qui n’est pas payé peut requérir sa mise en faillite, moyennant le respect de certaines procédures judiciaires ;

- Si les pertes générées, qui réduisent les fonds propres, entament le capital social, le droit suisse prévoit des obligations pour le conseil d’administration (et aussi l’organe de révision) lorsque les actifs ne couvrent plus suffisamment le capital, et en particulier s’ils ne couvrent plus entièrement les dettes de la société.

Il est fréquent qu’une société startup commence par générer des pertes. Le conseil d’administration doit être très attentif à ce que la société soit financée de manière adéquate, tant du point de vue des liquidités que du point de vue du bilan, car les membres engagent sinon leur responsabilité personnelle.

Nous nous concentrerons ici sur le second aspect évoqué ci-dessus, à savoir les conséquences et mesures à prendre en relation avec les pertes au bilan, ainsi que sur certains aspects pratiques à garder à l’esprit dans une situation financière difficile.

7.3.2 Le régime légal Article 725 alinéa 1er CO. Si les actifs ne couvrent pas au moins 50% du capital social (en valeur nominale) et des réserves obligatoires, le conseil d’administration doit convoquer une assemblée générale et lui soumettre des propositions d’assainissement. La loi ne définit pas le contenu des mesures à prendre, qui dépendent de la situation et peuvent être de plusieurs types, notamment :

- Mesures d’organisation : réduire les coûts, renégocier certains contrats, vendre certains actifs pour générer des liquidités, augmenter les recettes ;

- Mesures comptables : réduire le capital pour absorber la perte  ; dissoudre des réserves s’il en existe ; réévaluer certains actifs dans les limites permises par le droit comptable ;

- Réduction des dettes : convertir des créances en capital ; postposer des créances au moins à hauteur du surendettement (voir ci-après) ; obtenir des abandons de créances de certains créanciers (éventuellement couplées avec

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l’octroi de bons de jouissance, voir ci-dessous) ; rembourser des créances par cession d’actifs (attention à l’action révocatoire, cf. ci-dessous) ;

- Apport de liquidités : augmenter le capital (immédiatement ou par conversion future d’un nouveau prêt, généralement postposé)  ; apporter des actifs à fonds perdus (sans augmentation du capital).

Les mesures ci-dessus sont généralement combinées en fonction des circonstances.

Article 725 alinéa 2 CO. Si le conseil d’administration a des raisons sérieuses de craindre que les actifs de la société ne couvrent plus la totalité des dettes, il doit établir un bilan intermédiaire, révisé par un auditeur. Si ce bilan (aux valeurs de continuation) fait apparaître une insuffisance d’actifs (surendettement), le conseil d’administration doit faire établir un second bilan, également audité, cette fois-ci aux valeurs de liquidation. Il est rare, mais pas impossible en pratique, que ce second bilan présente une situation meilleure que le premier. Si tel n’est pas le cas, soit si les deux bilans font apparaître un surendettement, le conseil d’administration a deux possibilités :

- La société peut continuer ses activités si des créanciers acceptent de «postposer» leur créance à concurrence du surendettement, c’est-à-dire qu’ils acceptent d’être payés, en cas de faillite, seulement après que tous les autres créanciers auront reçu 100% de leur créance ;

- A défaut d’obtenir une telle postposition, le conseil d’administration doit avertir le juge ; si le conseil d’administration se refuse ou tarde à avertir le juge et que le surendettement est manifeste, l’organe de révision (pour autant que la société en ait un) a l’obligation de faire lui-même cet avis au juge. A réception de l’avis de surendettement, le juge convoquera une audience et y prononcera la faillite de la société, à moins que :

- le conseil d’administration ne parvienne à rendre vraisemblable que l’assainissement de la société paraît possible ; dans ce cas, le juge ajournera la décision de faillite en laissant à la société un délai (prolongeable) pour prendre les mesures nécessaires à sa restructuration ;

- le conseil d’administration ne requière le sursis concordataire ; dans ce cas, le juge prononcera un sursis provisoire, de quatre mois au maximum, qui suspend les poursuites contre la société et permet la mise en œuvre d’un plan de restructuration ou d’un concordat (distribution coordonnée des actifs de la société à ses différents créanciers) sous la supervision d’un commissaire nommé par le juge. Si le juge estime que le plan qui lui est soumis durant le sursis provisoire fait apparaître des perspectives d’assainissement ou de concordat, il octroie un nouveau sursis (définitif) de quatre à six mois, prolongeable.

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7.3.3 Implications pratiques pour les startupsResponsabilité pour défaut d’avis au jugeSi le conseil d’administration omet d’aviser le juge lorsque la société est surendettée, il ne se passera en principe rien tant que la société est en mesure de faire face à ses dépenses courantes. Toutefois, si la société tombe par la suite en faillite, les membres du conseil d’administration (et dans certaines conditions l’organe de révision) pourront être tenus responsables de l’accroissement du surendettement de la société entre le moment où le juge aurait dû être averti si la loi avait été correctement appliquée et le montant effectif du découvert. Si des mesures concrètes d’assainissement peuvent être mises en œuvre, le conseil d’administration dispose exceptionnellement d’un délai de grâce de quatre à six semaines supplémentaires pour avertir le juge depuis le moment où il devrait avoir eu des raisons sérieuses d’admettre le surendettement. Ce cas de figure représente plus de trois quarts des cas de responsabilité d’administrateurs en Suisse.

Liquidités nécessaires pour un bilan aux valeurs de continuationSauf exception, le bilan de la société aux valeurs de continuation (going concern) fait apparaître une situation financière meilleure que le bilan aux valeurs de liquidation (qui doit inclure notamment les frais de liquidation, de résiliation des contrats de travail et de bail, l’impossibilité de réaliser certains actifs immatériels activés au bilan). Les sociétés ont dès lors tendance à se fonder essentiellement sur le bilan aux valeurs de continuation pour juger du surendettement de la société. Cela n’est toutefois possible que si la société a suffisamment de liquidités pour faire face à ses obligations à court terme, soit les montants à payer dans un délai de 12 mois. Ainsi, lorsqu’une société arrive à court de liquidités, elle ne peut techniquement plus établir de comptes aux valeurs de continuation ; dans un tel cas, si un refinancement ne peut pas être mis sur pied (par exemple parce que les négociations avec un investisseur n’aboutissent pas), le conseil d’administration peut se voir reprocher d’avoir tardé à avertir le juge dans une situation où le surendettement résultait du bilan aux valeurs de liquidation, seul applicable dans les circonstances.

Paiement des charges socialesLe conseil d’administration devra porter une attention particulière au paiement des charges sociales. En particulier, la part retenue sur le salaire des employés doit impérativement être payée, car son non-paiement est passible de sanctions pénales. Des normes spéciales rendent les membres du conseil d’administration personnellement responsables du paiement des charges sociales dues sur les salaires des employés jusqu’à la faillite.

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Convention de postpositionAfin de libérer le conseil d’administration de son obligation d’avertir le juge en cas de surendettement, la postposition d’une créance doit répondre à des conditions strictes, notamment être illimitée dans le temps (jusqu’à ce que la société soit sortie du surendettement), inconditionnelle (ne pas être liée à l’achèvement de certains objectifs, ou la décision d’autres personnes), et le créancier doit lui-même être dans une situation financière qui lui permet de renoncer le cas échéant à cette créance. La Chambre fiduciaire a préparé un modèle de convention de postposition qu’il est prudent d’utiliser pour s’assurer de la validité de la postposition et ainsi éviter une possible responsabilité.

Bons de jouissanceAfin d’inciter des créanciers à accepter de faire certaines concessions pour permettre d’assainir la société, il est possible de leur octroyer des « bons de jouissance ». Ces bons de jouissance sont créés par une disposition dans les statuts, mais ne figurent pas au bilan et ne constituent pas une obligation de la société ; ils donnent à leurs titulaires uniquement des droits en cas de distribution de bénéfice, de liquidation ou d’émission de nouvelles actions. Voici quelques exemples de bons de jouissance (le contenu pouvant être défini très librement pour autant qu’il ne crée aucune obligation affectant négativement le résultat financier de la société) :

- Un créancier qui a renoncé à une créance de 100 recevra, par exemple, 100 + 5% d’intérêts par année sur tout bénéfice distribué sous forme de dividende ou sur tout produit de liquidation, cela avant que les actionnaires ne reçoivent quoi que ce soit ;

- Un créancier qui a accepté de postposer sa créance à hauteur de 100 se voit octroyer le droit (mais non l’obligation) de souscrire 50 actions lors de la prochaine augmentation de capital (en plus des actions que ce créancier pourra souscrire par conversion de sa créance postposée lors de cette augmentation de capital).

Actes révocablesLorsque la société se trouve dans une situation critique, et qu’il faut craindre une faillite, la loi prévoit que la société (débiteur) ne peut pas payer certains de ses créanciers au détriment des autres, qui ne recevront par hypothèse qu’un dividende (pourcentage de leur créance) dans la faillite. Les créanciers ainsi lésés peuvent dans un tel cas agir contre le bénéficiaire du paiement au moyen de l’action « révocatoire » dans les cas suivants :

- Lorsque le débiteur a effectué des donations (ou des transactions à des conditions excessivement favorables) en faveur de certaines personnes dans l’année précédant la faillite ;

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- Lorsque le débiteur, dans l’année précédant la faillite, et alors qu’il était déjà surendetté, a constitué des sûretés pour des dettes existantes, ou a payé une dette autrement qu’en numéraire (espèces), ou encore a payé une dette avant son échéance, à moins que le créancier favorisé parvienne à établir qu’il ne connaissant pas le surendettement (et ne devait pas le connaître au vu des circonstances) ;

- Lorsque le débiteur a effectué, dans les cinq ans qui précèdent la faillite, d’autres actes au préjudice de ses créanciers et que le bénéficiaire de ces actes pouvait et devait le reconnaître.

L’action révocatoire pose en pratique notamment des difficultés pour mettre sur pied des restructurations passant par la cession de certains actifs (ou parts d’entreprises) à des tiers qui sont par ailleurs créanciers, et qui pourraient se trouver ainsi avantagés, ou lorsque le produit de cette vente doit servir à refinancer (en tout ou en partie) un prêt bancaire. Selon les circonstances, la prudence commande parfois de placer la transaction sous la protection du juge (ou d’un commissaire désigné par le juge), au travers d’une procédure d’ajournement de faillite ou de sursis concordataire.

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8. L’exit +

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8.1 La vente de la société8.1.1 ContexteLa sortie (exit), dont le but est de permettre aux actionnaires de réaliser leur investissement, peut se faire notamment par le biais d’une cession de l’entreprise par la vente de ses actions ou par un transfert de (certains de) ses actifs et passifs ; une telle réalisation de l’investissement peut aussi passer par une mise en bourse des actions de la société (IPO), qui permettra alors aux actionnaires de vendre leurs actions sur le marché (voir le chapitre 8.2) ci-après). On parle de trade sale lorsque l’entreprise est vendue à une autre société, que ce soit par le biais d’une vente de la société elle-même, soit de ses actions (share deal), ou d’une vente par la société de ses actifs (asset deal).

8.1.2 Trade sale en généralLe processus de vente comprend différentes étapes, en particulier :

- La communication par les vendeurs d’un teaser contenant une description sommaire de l’entreprise à vendre, de manière à ne pas la rendre reconnaissable, les destinataires ne s’étant souvent pas encore engagés à sauvegarder la confidentialité ;

- La signature d’un accord de confidentialité ;

- La communication par les vendeurs d’un Information Memorandum à l’intention des acquéreurs potentiels, comprenant notamment une description plus détaillée de l’entreprise, voire des indications quant à sa valorisation et au prix souhaité ;

- La signature d’une lettre d’intention (Term Sheet/Letter of Intent/Memorandum of Understanding) afin de formaliser les aspects principaux de la transaction envisagée et du processus de vente, sans toutefois lier les parties à ce stade ;

- L’audit de due diligence financier, comptable, juridique et fiscal effectué par l’acheteur. A cette occasion une data room doit être préparée par les vendeurs (sous forme de classeurs en format papier mis à disposition de l’acheteur ou, plus fréquemment, sous forme virtuelle permettant une consultation à distance et un contrôle par les vendeurs des documents consultés) ; la data room contient l’essentiel de la documentation de la société (documents sociaux, états financiers, contrats de toutes natures, documentation relative aux assurances, employés, litiges, etc.) ;

- La négociation du contrat de vente ;

- La signature et l’exécution (closing) du contrat de vente.

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8.1.3 Le contenu d’un contrat de vente d’entrepriseLe cas le plus classique de vente d’entreprise en Suisse est celui de la vente des actions. En effet, il présente souvent des avantages fiscaux pour le vendeur et permet à l’acquéreur de s’assurer d’obtenir l’intégralité des droits et obligations de l’entreprise cible. Nous décrirons donc dans cette section le contenu usuel d’un contrat de vente d’actions, et réserverons à la section suivante les spécificités de la vente d’actifs (asset deal).

Objet de la venteDans un contrat de vente d’actions, l’objet de la vente est simple  : il s’agit des actions de la société cible. Toutefois, il convient de s’assurer que le vendeur dispose bien de tous les droits sur ces actions, notamment qu’elles n’ont pas été remises en gage pour garantir un emprunt, et que le vendeur est bien titulaire de tous les certificats d’actions existants. Il n’est pas rare en pratique que d’anciens actionnaires aient négligé de remettre des certificats d’actions (ou de les endosser en faveur du nouvel actionnaire) ou de formaliser les cessions d’actions par des documents adéquats. Une négligence à ce stade peut s’avérer difficile à corriger, surtout lorsque l’ancien actionnaire ne peut être atteint ou n’est pas (plus) disposé à collaborer.

Signature et exécutionIl n’est pas rare que les parties se mettent d’accord sur tous les éléments du contrat, mais que le paiement du prix et le transfert des actions doivent attendre que certains événements se soient réalisés. Le contrat est alors signé, mais il est soumis à des conditions ; si les conditions se réalisent, le contrat deviendra parfait et sera exécuté : le vendeur transférera ses actions et l’acheteur paiera le prix ; sinon, les parties seront déliées de toute obligation. De telles conditions entre la signature et l’exécution (closing) peuvent être l’obtention de consentements de tiers ou d’autorisations d’une autorité (par exemple la commission de la concurrence), la signature de contrat de travail avec certains employés-clés, l’obtention d’une confirmation par l’autorité fiscale du traitement de certains aspects de la transaction (tax ruling) ou encore l’obtention par l’acquéreur du financement nécessaire à payer le prix de vente.

PrixLe prix de vente peut être fixe ou variable. Même un prix fixe peut nécessiter des ajustements, en fonction de faits existants au moment de l’exécution (closing) de la transaction (par exemple la valeur des fonds propres de l’entreprise, ou la déduction du prix de vente de l’endettement net de la société) ou selon la réalisation de faits futurs, (on parle alors d’earn out, par exemple la réalisation de certains objectifs comme un chiffre d’affaires minimum, un bénéfice minimum, l’obtention d’un brevet, une autorisation de mise sur le marché, etc.).

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L’acheteur peut retenir une partie du prix de vente, qu’il pourra compenser en cas de violation des garanties. Alternativement, cette partie du prix de vente peut être payée en mains d’un tiers (escrow), qui la libérera en faveur du vendeur à l’expiration du délai de garantie s’il n’y a pas eu de violation, et en faveur de l’acheteur dans la mesure où il a subi un dommage du fait de la violation de garanties. Cette retenue en mains d’un tiers permet aussi au vendeur de s’assurer dans une certaine mesure que l’acquéreur ne tentera pas d’invoquer abusivement des garanties pour renégocier à la baisse un solde du prix de vente restant à payer.

GarantiesLors de la négociation du contrat de vente, la rédaction des clauses de garantie revêt une importance particulière. Le Code des obligations ne régit pas spécifiquement la vente d’entreprise. A défaut de clauses de garantie spécifiques figurant dans le contrat, la garantie légale ne s’étend qu’à l’existence physique et juridique de la chose vendue. En cas de vente d’actions, la garantie ne porte donc que sur la propriété des actions, et non sur les qualités de l’entreprise visée. L’acheteur doit donc inclure dans le contrat des garanties couvrant tous les aspects qu’il estime déterminants pour que l’entreprise qu’il acquiert ait bien la valeur qu’il lui attribue et qui justifie le prix qu’il est prêt à payer.

Les résultats de l’audit de due diligence amèneront l’acheteur potentiel à (i) exiger des garanties lui permettant d’obtenir une indemnité si la société ne présente pas les qualités promises, (ii) réduire le prix et assumer lui-même la charge financière en cas de survenance du risque, (iii) prendre des mesures pour réduire ou éviter le risque, notamment en conditionnant la transaction à l’élimination du risque (par exemple en obtenant une autorisation nécessaire) ou en optant pour un asset deal excluant la reprise du risque identifié, ou encore (iv) renoncer à la transaction, s’il considère que le risque identifié est trop important pour pouvoir l’assumer.

Les garanties portent généralement au moins sur (i) la titularité des actions, (ii) la conformité de l’activité de la société aux exigences légales, (iii) l’exactitude des comptes de la société, (iv) la conduite de la société depuis la date des derniers comptes audités, (v) le paiement de tous les impôts et charges sociales dus par la société, (vi) les actifs de la société, notamment les droits de propriété intellectuelle, d’éventuelles participations dans d’autres entreprises ou la propriété d’immeubles, (vii) les contrats importants de la société et leur validité (clients, fournisseurs, baux, leasing), (viii) les employés de la société (notamment le paiement de leurs salaires, de leurs heures supplémentaires et vacances, l’absence de bonus promis et non reflétés dans les comptes, le respect de conventions collectives de travail), (ix) l’absence de litiges impliquant la société (ou leur description précise et l’allocation des risques qui en découlent entre l’acheteur et le vendeur).

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Les garanties sont données pour une certaine durée (qui peut varier selon le type de garantie) ; leur étendue est souvent limitée à un montant maximum.

Notons que l’inclusion de garanties est également nécessaire dans le contrat de vente d’actifs, car l’acheteur tiendra à préciser exactement les qualités qu’il attend de l’entreprise, et non s’en remettre aux principes généraux du droit de la vente.

Autres clausesLes contrats de vente d’actions contiennent bon nombre d’autres clauses, d’importance variable, portant notamment sur :

- L’obligation du vendeur de ne pas faire concurrence à la société après la vente ;

- L’obligation du vendeur de transmettre les contacts et de présenter l’acquéreur à la clientèle, d’assurer certains services durant une période de transition ;

- La continuation des rapports de travail entre l’entreprise et le vendeur pour une certaine durée à un certain salaire ;

- Le droit pour une partie (généralement l’acheteur) de céder ses droits découlant du contrat à un tiers (souvent une société du même groupe) avant l’exécution (closing) ;

- Le droit applicable et la désignation du tribunal (étatique ou arbitral) devant lequel devront se dérouler tous les éventuels litiges découlant du contrat.

8.1.4 L’asset dealLorsque l’acquéreur est par exemple intéressé à acquérir une partie seulement des actifs de l’entreprise ou que cette dernière présente un risque important au niveau de ses passifs que l’acheteur ne souhaite pas assumer, les parties pourront décider de procéder par le biais d’un asset deal.

En droit suisse, il existe deux régimes légaux différents permettant la vente d’actifs et passifs d’une société :

- Le transfert d’actifs et passifs à titre singulier, en application des règles du Code civil et du Code des obligations : dans ce cas, chaque bien devra être transféré selon les modalités qui lui sont propres (transfert de possession pour les biens meubles, inscription au registre foncier pour les immeubles, inscription aux registres des brevets, marques, designs, etc. pour les droits de propriété intellectuelle, cession écrite pour les créances). Le transfert des obligations et des contrats, ainsi que parfois le transfert de certaines créances nécessiteront d’obtenir l’accord de tiers ; cet accord pourra être obtenu par consentement tacite (par exemple à défaut de réponse dans un

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certain délai), mais il nécessite de s’adresser à tous les cocontractants de l’entreprise ;

- Le transfert de patrimoine au sens des articles 69 ss de la Loi fédérale sur la fusion, la scission, la transformation et le transfert de patrimoine : cette loi permet un transfert d’actifs et passifs à titre universel ; l’intégralité du patrimoine désigné dans le contrat est transféré en un seul acte. L’accord des tiers n’est en principe pas nécessaire, le transfert étant opéré de par la loi au moment de son inscription au registre du commerce. Ce mode de procéder présente l’avantage de permettre un transfert des contrats, en principe du moins, sans devoir recueillir l’accord de toutes les contreparties  ; il doit en revanche être publié au registre du commerce, de sorte que les conditions de la transaction, y compris le prix payé, seront accessibles au public sur simple consultation du registre du commerce.

Dans les deux cas, le processus implique notamment de dresser un inventaire des actifs et passifs transférés.

En outre, un transfert d’entreprise par asset deal implique d’informer les employés à l’avance de la transaction et, si des mesures concernant les employés (notamment des licenciements) sont envisagées, de les consulter de manière à leur permettre d’émettre des propositions.

8.2 L’entrée en bourse (Initial Public Offering)8.2.1 ContexteLa cotation en bourse, qui va le plus souvent de pair avec une émission de nouvelles actions (IPO), représente un moyen pour une société de (i) lever des fonds supplémentaires pour financer le développement des activités, tout en (ii) permettant aux actionnaires, notamment les investisseurs financiers, de monétiser leur investissement en vendant les actions, non pas à un seul acheteur (comme c’est le cas dans une trade sale), mais à une multitude d’acquéreurs sur un marché organisé.

Contrairement à une vente (trade sale), où la société se trouve souvent restructurée pour en permettre l’intégration au sein du groupe de l’acquéreur, l’IPO laisse subsister l’indépendance de la société, dont le management reste généralement en place, souvent avec l’adjonction d’une ou deux personnes destinées à assurer les nouvelles fonctions que la cotation rend nécessaires.

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Avantages :

- Accès facilité aux marchés des capitaux pour le financement (lors de l’IPO et par la suite, par des augmentations de capital ou l’émission d’emprunts par obligations) ;

- Liquidité des titres permettant un désinvestissement progressif et une certaine objectivisation de la valeur des titres ;

- Possibilité d’instaurer des systèmes de rémunération (plans d’options) dont les bénéfices sont plus aisément mesurables par les employés ;

- Visibilité accrue pour la société et ses produits, et recrutement facilité de personnel qualifié.

Inconvénients :

- La mise en bourse elle-même est un processus long et fastidieux, qui draine beaucoup de temps et d’énergie du management et le divertit du développement des affaires durant plusieurs mois (préparation d’un prospectus et fourniture d’une multitude d’informations de due diligence permettant d’en vérifier l’exactitude, retraitement des états financiers, présentation de la société par le management aux futurs investisseurs dans l’IPO au cours de road shows) ;

- Le fait d’être une société cotée entraîne des obligations règlementaires importantes (obligation de publier des états financiers périodiques, application de règles comptables spécifiques, exigences accrues sur les qualifications du réviseur, limites à la rémunération des dirigeants, obligation d’annonce de certains événements et de certaines transactions sur titres) ;

- La cotation expose la société aux fluctuations boursières, qui peuvent avoir un effet néfaste sur la marche des affaires, par exemple en renchérissant le coût de financement, ou indirectement en poussant les dirigeants à privilégier certaines démarches à court/moyen terme au détriment d’une vision à plus long terme non reconnue par le marché. La cotation nécessite également de prendre des mesures favorisant la liquidité des titres, en s’assurant notamment que la société est suivie par des analystes.

8.2.2 Le processus d’IPOLe processus de mise en bourse s’étale généralement sur une période de 6 à 9 mois :

- Les premières opérations consistent à sélectionner les acteurs internes (management, administrateurs) et externes (une ou plusieurs banques d’investissement qui aideront à placer les titres auprès d’investisseurs  ; auditeur capable de préparer les états financiers dans un référentiel comptable reconnu ; étude d’avocats expérimentée ; société de communication) ;

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- Au début du processus :

- la bourse sur laquelle se déroulera l’IPO doit être sélectionnée très tôt, car sa réglementation déterminera de nombreuses étapes du processus ;

- la banque principale doit comprendre le positionnement et les spécificités de la société, pour définir la meilleure façon de présenter l’investissement dans l’IPO aux futurs investisseurs potentiels (equity story) ;

- le personnel doit être formé sur la nécessité de tenir le processus d’IPO confidentiel, sous peine de voir le processus stoppé sur injonction d’une autorité de surveillance ;

- une data room doit être préparée contenant l’essentiel de la documentation de la société (documents sociaux, contrats de toutes natures, règlements, certifications, processus, gestion des risques, etc.), et mise à disposition des avocats pour la rédaction du prospectus.

- Plusieurs groupes de travail sont ensuite désignés, dont la coordination est assurée par une personne ou un groupe de personnes au sein de la société, si possible entièrement dédiés à cette tâche :

- les banques assistent à la préparation des présentations aux analystes financiers, qui émettront leurs recommandations, ainsi qu’aux présentations aux investisseurs eux-mêmes dans le cadre de road shows qui se déroulent typiquement durant les deux à trois semaines qui précèdent le jour de la mise en bourse ; les banques préparent également le carnet d’ordres (où les investisseurs indiquent les montants qu’ils sont disposés à investir, en fonction des différents prix possibles de l’action), conseillent la société dans la fixation du prix d’émission et se chargent de coordonner les opérations avec les systèmes informatiques de la bourse pour assurer la correcte exécution des ordres placés par les investisseurs et le négoce dès le premier jour de cotation ;

- les avocats rédigent l’essentiel du prospectus, dont le contenu est destiné à décrire, à l’intention des investisseurs, les activités et l’organisation de la société, ses résultats financiers au cours des (généralement trois) dernières années, l’utilisation prévue des fonds levés dans l’IPO, et surtout les facteurs de risques pour les investisseurs. Le prospectus doit contenir toutes les informations importantes, qui doivent être correctes et étayées par des sources fiables ; les avocats s’en assurent en procédant à une analyse des documents mis à disposition par la société dans un processus de due diligence. Des erreurs ou omissions dans le prospectus sont susceptibles d’engager la responsabilité de toutes les personnes ayant participé à l’émission des nouvelles actions. Les avocats préparent également le contrat de souscription que la société signera avec les banques au moment

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de la mise en bourse (pour la souscription des nouvelles actions offertes au public par l’intermédiaire des banques impliquées) ;

- les auditeurs retraitent les comptes de la société des deux ou trois dernières années pour les présenter selon les normes exigées par la bourse sélectionnée (typiquement IFRS ou US GAAP) ; ce processus soulève fréquemment des questions qui n’avaient pas été identifiés jusqu’alors, et dont la résolution n’est pas toujours aisée ;

- la société de communication met au point le site web de la société, à activer le jour de la mise en bourse. De même, pour tenir compte des restrictions que plusieurs pays imposent sur les offres de titres sur leur territoire, il convient de poser des filtres adéquats pour assurer l’accès aux informations par les seules personnes auxquelles elles sont destinées.

- Quelques semaines avant la mise en bourse proprement dite, la société fixe la fourchette de prix dans laquelle les actions seront offertes en souscription ; sur cette base, un prospectus préliminaire est publié, qui sert de base à la tournée des investisseurs (road show). Ce n’est qu’à l’issue du road show que les banques, ayant recueilli toutes les indications d’intérêts, puis les souscriptions fermes des investisseurs intéressés, aident la société à fixer le prix d’émission définitif auquel les actions seront effectivement vendues par la société le premier jour de bourse ;

- Le jour de l’IPO, premier jour de cotation, les actions nouvelles, qui ont été souscrites par les investisseurs (souvent par l’intermédiaire des banques) au prix fixé par la société, suivent le cours de bourse en fonction de l’offre et de la demande. La société est désormais cotée, et comme telle immédiatement soumise à toutes les obligations spécifiques.

8.2.3 Aspects pratiquesGouvernance interne du processusIl est primordial de définir très tôt les personnes au sein du management et du conseil d’administration qui seront responsables (i) de mener et coordonner les différents intervenants et assurer que chacun effectue ses tâches à satisfaction et à temps et (ii) de préparer les décisions du conseil d’administration et de tenir les administrateurs informés de manière adéquate en fonction de l’avancement du processus.

Gestion du calendrierLe respect du calendrier est important : les fenêtres d’opportunité pour une IPO sont aléatoires ; le processus est généralement lancé lorsque la période paraît favorable, mais rien ne garantit jamais que la fenêtre restera ouverte; le processus est donc souvent, voire toujours, géré en mode rapide, voire très rapide, générant un stress important sur les personnes impliquées ; les retards doivent être évités.

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Catégories d’actionsIl est fréquent que les conventions d’actionnaires prévoient la conversion automatique de toutes les actions privilégiées en actions ordinaires lors d’une IPO. Il peut s’ensuivre des tensions entre les différentes catégories d’actionnaires sur la voie à suivre, certains privilégiant une vente à un acquéreur (trade sale) pour conserver leurs privilèges, tandis que d’autres, titulaires d’actions ordinaires ou à moindres privilèges, auront intérêt au traitement égalitaire d’une IPO.

Lock-upAfin de faciliter le placement des titres dans le marché, il est fréquent que les actionnaires de la société, ainsi que le management, s’engagent à conserver leurs actions pendant une certaine durée à compter de l’IPO (typiquement entre 6 et 12 mois). On parle alors de lock-up. Le but de cette période de blocage est d’éviter qu’immédiatement après la mise en bourse, tous les actionnaires désireux de monétiser leur investissement offrent en même temps leurs titres à la vente, faisant alors artificiellement chuter le cours de bourse par un excès d’offre.

Obligations applicables aux sociétés cotéesNous avons mentionné plus haut les nombreuses obligations réglementaires applicables aux sociétés cotées. La cotation requiert bien souvent d’engager au moins une personne, généralement hautement qualifiée, chargée d’assurer le respect de ces obligations et des relations avec les investisseurs (mise à jour du site web, annonces des événements importants aux autorités de régulation et à la bourse, annonce des transaction du management et des franchissements de seuils par des actionnaires importants, etc.). Par ailleurs, la société devra suivre des règles de gouvernance qui imposeront le plus souvent de créer (ou de formaliser) au moins des comités d’audit et de rémunération au sein du conseil d’administration.

Lettre d’engagement avec les banquesIl faut être attentif à la rémunération des banques pour leurs services ; en principe, celles-ci sont rémunérées largement au succès, mais perçoivent néanmoins des frais fixes pour le cas où l’IPO n’aboutirait pas, notamment en raison des conditions du marché ou en raison d’une autre transaction à laquelle la société donne sa préférence. Les lettres d’engagement avec les banques prévoient souvent une rémunération à percevoir sur les autres transactions et ces clauses méritent une attention particulière. De même, la société doit être attentive à ne pas laisser une entière latitude aux banques de faire supporter à la société n’importe quel montant d’honoraires facturés par ses propres conseillers (avocats, etc.).

Choix de la bourseLes critères tiennent avant tout au potentiel du marché, certaines bourses ayant un avantage concurrentiel dans certains secteurs de l’économie (par exemple

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technologies médicales, activités financières, etc.). Le degré d’interventionnisme du régulateur, et sa réactivité, doivent également être pris en compte pour maximiser les chances de réussir l’IPO sans retard, et sans être forcé de divulguer des informations que la société peut considérer comme stratégiques, et donc confidentielles.

Fixation du prixLa société (respectivement ses actionnaires actuels) aura généralement tendance à privilégier le prix d’émission des nouvelles actions le plus élevé possible, afin de minimiser la dilution pour un montant d’investissement donné, ou d’augmenter le montant d’investissement pour une dilution donnée. A l’inverse, les banques seront soucieuses que le prix d’IPO intègre une décote pour permettre aux premiers investisseurs de réaliser un gain immédiat dès la cotation, et ainsi aux banques de maintenir l’intérêt de leur cercle de clients traditionnellement désireux d’investir dans des IPO. Cette tension devra se résoudre au moment de la fixation du prix, immédiatement avant le premier jour de cotation. Il faut toutefois se souvenir qu’en raison des lock-up (cf. ci-dessus), la plupart des actionnaires existants ne pourront pas bénéficier d’un prix d’IPO élevé si le cours baisse par la suite avant l’expiration de la période de blocage.

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