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Annales de Géographie Statistiques et géographie humaine Jean Bastié Citer ce document / Cite this document : Bastié Jean. Statistiques et géographie humaine. In: Annales de Géographie, t. 69, n°371, 1960. pp. 66-68. doi : 10.3406/geo.1960.14529 http://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1960_num_69_371_14529 Document généré le 08/09/2015

Statistiques Et Géographie Humaine

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Statistica și geografia umană

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Annales de Géographie

Statistiques et géographie humaineJean Bastié

Citer ce document / Cite this document :

Bastié Jean. Statistiques et géographie humaine. In: Annales de Géographie, t. 69, n°371, 1960. pp. 66-68.

doi : 10.3406/geo.1960.14529

http://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1960_num_69_371_14529

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LES POLDERS D'APRÈS M. PAUL WAGRET1

Commençant par une citation de Paul Valéry et s'achevant après celle de quelques vers de Faust, l'ouvrage de M. Paul Wagret a un grand mérite : il se lit facilement. Le style vivant de l'auteur sait décrire les paysages souvent un peu nostalgiques des polders, paysages qui sont l'expression de la volonté de l'homme dans un cadre quelquefois à peine suggéré par le milieu primitif. L'ouvrage de M. Paul Wagret devait assurément paraître dans une collection qui s'intitule : La Nature et l'Homme. Nulle part, peut-être, ailleurs au monde, celui-ci et celle-là ne se sont côtoyés de si près. L'auteur a beaucoup lu, beaucoup voyagé aussi et su rapporter nombre de belles photographies qui sont un des charmes de ce livre.

Avec raison, M. Paul Wagret n'a pas limité le sujet aux Pays-Bas et évoque les constructions de polders dans le monde entier, depuis ceux « avant la lettre » des Sumériens, jusqu'aux projets de l'an 2000. Après l'étude rapide des conditions naturelles, l'auteur notant l'évolution historique des polders, montre les travaux médiévaux aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne et en France. Puis le siècle d'or hollandais marque l'épanouissement de la technique des assèchements, le xvine siècle, un déclin relatif, tandis que la fin du xixe et le xxe siècle, avec l'ère de la machine, marquent un renouveau des entreprises de polders ainsi que la mise en œuvre de conceptions nouvelles. L'auteur distingue ensuite des types de polders : polders d'atterrissements littoraux, d'assèchement de lacs intérieurs et les grands polders du type Zuyderzée. Cette étude générale se poursuit par l'examen des problèmes de protection et d'aménagement du milieu. Un chapitre, enfin, cherche à dégager la personnalité de polders moins bien connus que ceux des Pays-Bas.

Cet ouvrage de vulgarisation ne manque pas d'intérêt et nous lui souhaitons le succès qu'il mérite. Quelques inexactitudes cependant devraient être corrigées dans une seconde édition. C'est ainsi que nous avons relevé celles-ci, par exemple, sur les marais d'entre Loire et Gironde. Le Flamand Jacobs qui s'est établi à Noirmoutier au xvine siècle fit appel à la main-d'œuvre locale pour construire les digues et ne disposa jamais, contrairement à ce qu'affirme l'auteur, d'un millier d'ouvriers immigrés (p. 111). S'il est vrai que certaines firmes, intéressées par l'adjudication des travaux de l'anse de l'Aiguillon, s'étaient adjoint des techniciens hollandais, il est faux jusqu'à maintenant que l'opération soit en partie dirigée par ceux-ci (p. 170) ; les « bourrines » n'existent pas dans la Venise Verte (p. 287), mais sont exclusivement un type d'habitation du Marais breton \ enfin, on ne pratique pas la mytiliculture dans les alvéoles des marais salants abandonnés, mais sur les parties inférieures des estrans vaseux (p. 292).

Fernand Verger.

STATISTIQUES ET GÉOGRAPHIE HUMAINE

Suivant une démarche commune à bien des sciences humaines, la géographie ne se limite plus à l'observation individuelle des faits humains et à l'enquête monographique. Soucieuse à la fois d'atteindre à une exhaustivité et à une précision croissantes, elle tire parti, de plus en plus, de toutes sortes de statistiques à toutes les échelles : locale, régionale, nationale, mondiale. Par ailleurs, les statistiques mises à sa dispo-

1. Paul Wagret, Les Polders, Paris, Dunod, 1959, Collection La Nature et l'Homme, n° 3 316 p., 89 fig.

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sition par les divers services nationaux et mondiaux qui en établissent, souvent comme sous-produits d'actes administratifs de plus en plus nombreux, se multiplient et se diversifient. L'emploi des méthodes mécanographiques et électroniques d'exploitation permet de disposer très rapidement des résultats. Les statistiques ne se limitent plus à la population, à la production, aux échanges, mais concernent aussi les revenus privés et nationaux, les prix aux divers stades, les investissements, les consommations et même les besoins et leurs motivations. Elles deviennent aussi prévisionnelles.

Quelles que soient les formes d'organisation économique et politique, étant donné l'accélération des évolutions, la complexité croissante des faits humains et économiques et leurs intrications, les répercussions de tous ordres de la moindre mesure politique ou administrative, gouverner consiste de plus en plus à prévoir. Les autorités éprouvent le besoin croissant d'étayer leurs décisions sur une connaissance précise de la réalité actuelle et des évolutions passées et si possible futures : raison première de la multiplication des enquêtes statistiques dans tous les domaines. Le statisticien acquiert ainsi un pouvoir redoutable, celui de dire le fait collectif, et les résultats de ses travaux s'imposent peu à peu à l'opinion publique malgré une traditionnelle hostilité à leur égard, pas toujours désintéressée.

Le géographe ne peut ignorer ce flot montant. Il lui est nécessaire de connaître toutes les statistiques disponibles, leur périodicité, comment sont collectés et exploités les renseignements, la marge d'approximation des résultats, les méthodes mathématiques par lesquelles économistes et démographes les analysent, les techniques précises permettant de les rendre visuellement plus expressives sous la forme de graphiques et cartogrammes.

De nombreux ouvrages récents fort commodes nous apportent ce dont le géographe a besoin dans ce domaine. Nous n'en examinerons que deux1 :

Dans Initiation pratique à la statistique2, M. A. Liorzou présente sous une forme excessivement claire et condensée, avec de nombreux exemples concrets et actuels, le minimum de connaissances mathématiques nécessaires à tout utilisateur de statistiques : diverses sortes de séries statistiques chronologiques, de localisation et de structure, caractéristiques de grandeur et de dispersion, lois de distribution, ajustement et corrélation, échantillons ou sondages, indices, etc..

Dans Statistique et Économétrie3, M. Guitton, professeur à la Faculté de Droit et de Sciences économiques de Paris, nous apporte plus encore. Certes il expose les méthodes d'analyse mathématique, de comparaison et de représentation graphique applicables aux diverses séries statistiques. Mais il s'agit aussi de l'œuvre d'un économiste qui connaît parfaitement bien l'histoire des statistiques, leur établissement, leurs usages et surtout leurs limites :

« II n'est pas inutile d'insister sur cet aspect de la Statistique, qui pour beaucoup est le domaine seul du chiffre, de la sécheresse, de l'automatisme, du mécanisme pur. Sans doute on ne peut nier ce caractère. Cependant il ne faut pas oublier qu'à la base de la technique statistique économique, il y a toujours des hommes. Or le maniement des hommes demeurera toujours un art et une prudence. »

Indiquons à ce propos que le degré d'exactitude du recensement agricole de 1955 est très différent selon les régions en fonction de l'intensité de la propagande pouja- diste qui s'exerça contre lui. Elle le rend même inutilisable pour certaines.

1. Citons aussi : A. Monjallon, Introduction à la méthode statistique, Paris, Vuibert, 2e édition 1958, 280 p., 20 NF.

2. A. Liorzou, Initiation pratique à la statistique, Paris, Eyrolles, 2e édition 1957, 216 p., 19,5 NF.

3. H. Guitton, Statistique et Econométrie, Paris, Dalloz, 1959, 544 p., 18 NF.

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M. Guitton insiste sur le fait que les erreurs sont inévitables mais sont connais^ sables, se conservent et peuvent se corriger :

« Oui, il est vrai qu'une statistique ne coïncide pas avec la vérité. Gela ne veut par dire qu'il faille condamner toute statistique. Les statistiques sont des outils délicats, dangereux même à manier. Elles sont, un peu, comme des armes à feu, à ne pas mettre entre toutes les mains. »

Et il rappelle les propos du statisticien italien Bosco : « L'utilité de la critique est encore plus grande dans la science sociale que dans

les autres disciplines, parce que les faits étant plus complexes, les instruments et moyens d'observation plus imparfaits, les conditions dans lesquelles est placée l'observation offrent de plus grandes chances d'erreur. »

Les quatre-vingt-dix premières pages de M. Guitton consacrées aux problèmes posés par l'observation statistique sont fort intéressantes pour le géographe, qui, tout en n'ignorant aucune des statistiques relatives au problème ou à la région qu'il étudie, doit savoir résister à la séduction de leur apparente rigueur. Certes sa formation le met en garde contre l'oubli des assises territoriales et des conséquences spatiales des faits humains et économiques. Mais, de plus, la géographie, qui par sa nature même s'intéresse avant tout aux faits collectifs chiffrés dans les statistiques, doit savoir se placer de temps en temps sur le plan individuel pour comprendre ces faits collectifs et éviter une certaine déshumanisation. Les hommes sont des individus avant d'être des populations. L'information géographique n'est pas faite que de chiffres, elle exige aussi l'utilisation de la méthode monographique, l'analyse de situations locales conduisant à la connaissance concrète des mécanismes. Rien ne peut remplacer les contacts humains, l'observation personnelle dans leur cadre de vie des hommes au travail, avec leurs mobiles et les résultats qu'ils obtiennent individuellement et collectivement. Associer cette observation, effectuée dans un effort de compréhension sympathique à l'égard du sujet, à la meilleure connaissance statistique possible et aux comparaisons judicieuses, ne peut que donner à l'analyse géographique son maximum de fécondité.

Jean Bastié.

LA GÉOGRAPHIE DE LA POPULATION D'APRÈS Mm* J. BEAUJEU-GARNIER1

J'ai rendu compte du premier volume de Mme J. Beaujeu-Garniek sur la géographie de la population. Nous sommes maintenant en possession du second tome de cette œuvre considérable et le dessein qu'a poursuivi l'auteur nous apparaît en pleine clarté.

Depuis une trentaine d'années, l'attention a été attirée dans le monde entier sur les faits de population, soit que la baisse de la natalité dans certains pays fît craindre une déchéance dans l'ordre politique et dans l'ordre économique, soit au contraire qu'une croissance désordonnée du nombre des hommes accusât un tragique déséquilibre entre la population et les ressources dont elle dispose. Tout un corps de doctrine reposant sur l'observation des faits et sur leur interprétation statistique s'est constitué. La démographie a disposé Jchaque jour de moyens plus étendus et plus sûrs. Ses progrès, comme on l'a vu au Congrès de Rome dont il a été rendu compte dans

1. Mme J. Beaujeu-Garnier, Géographie de la population (Coll. A. Cholley), t. II, Paris, 1958, un vol. in-f0, 474 p., 112 flg., IV cartes h.-t., XXII pi. phot.