Steiner - GA 010 - L'Initiation

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  • 8/3/2019 Steiner - GA 010 - L'Initiation

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    BIBLIOTHQUE THOSOPHIQUE_________________________________________________________

    LINITIATIONOU

    LA CONNAISSANCE DES MONDES SUPRIEURS

    PAR

    RUDOLF STEINER

    _________

    Traduit de lallemandet prcd dune introduction

    PAR

    JULES SAUERWEIN_________

    DEUXIME DITION

    revue et corrige._________

    PARIS

    PUBLICATIONS THOSOPHIQUES

    10, RUE SAINT-LAZARE, 10__

    1912

    Version PDF du 13/11/2010

    http://anthroposophie.doc.pagesperso-orange.fr/http://anthroposophie.doc.pagesperso-orange.fr/http://anthroposophie.doc.pagesperso-orange.fr/
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    Cette cration est mise disposition selon

    La licence creative commons 2.0

    Paternit - Pas dUtilisation Commerciale - Pas de Modification

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    NOTE DE LDITEUR

    La publication au format PDF, de ce livre, pass dans le domaine public (selon la lgislationfranaise en vigueur), permet de porter la connaissance des intresss, ce qui fut comme dition,ce qui fut comme traduction, au commencement de lanthroposophie en France.

    Livre tmoin de la manifestation de luvre crite de Rudolf Steiner traduite en franais etpublie par lesPublications Thosophiques au cours de lanne 1912.

    Cette deuxime dition aux Publications Thosophiques marque la relation entre RudolfSteiner et la Socit thosophique, o il exera la responsabilit de secrtaire gnral de la sectionallemande de janvier 1902 mars 1913.

    Lditeur de cette publication au format PDF sest engag respecter le livre original etcest une garantie quil destine au lecteur1.

    Enfin lditeur attire lattention du lecteur sur le fait quil y a eu depuis 1912 dautrespublications en langue franaise du livreLInitiation, et que la publication de 1912 est considrercomme une tape, et non comme la version de rfrence.

    Novembre 2010.

    1 Vous pouvez signaler des diffrences par rapport loriginal ou des fautes de frappes, en crivant [email protected]

    mailto:[email protected]?subject=Remarques%20lecteurs%20Science%20Occulte%20PDFmailto:[email protected]?subject=Remarques%20lecteurs%20Science%20Occulte%20PDFmailto:[email protected]?subject=Remarques%20lecteurs%20Science%20Occulte%20PDF
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    LINITIATION

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    La Bibliothque thosophique se compose douvragesdits par le Comit de Publications thosophiques,59, avenue de La Bourdonais.

    ______________

    OUVRAGE DU MME AUTEUR______________

    LE MYSTRE CHRTIEN ET LES MYSTRES ANTIQUES,traduit de lallemand et prcd dune introduction par douard Schur.Perrin et Cie, diteurs.

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    BIBLIOTHQUE THOSOPHIQUE_________________________________________________________

    LINITIATIONOU

    LA CONNAISSANCE DES MONDES SUPRIEURS

    PAR

    RUDOLF STEINER

    _________

    Traduit de lallemandet prcd dune introduction

    PAR

    JULES SAUERWEIN

    _________

    DEUXIME DITION

    revue et corrige._________

    PARISPUBLICATIONS THOSOPHIQUES

    10, RUE SAINT-LAZARE, 10__

    1912

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    TABLE DES MATIRES__________

    Pages.

    Prface du traducteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1

    Prface de lauteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

    PREMIRE PARTIE

    LE CHEMINDE LINITIATION

    Chapitre I. Des caractres de la science spirituelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19

    Chapitre II. La prparation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

    Chapitre III. Lillumination . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

    Chapitre IV. Linitiation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

    Chapitre V. Des dispositions morales utiles au candidat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

    Chapitre VI. Des conditions imposs au candidat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

    DEUXIME PARTIE

    DES PHNOMNES ORGANIQUES QUI PRCDENT

    ET ACCOMPAGNENT LINITIATION

    Chapitre I. Les centres astrals . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62Chapitre II. Lorganisation du corps thrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72

    Chapitre III. Le rve et la veille . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81

    Chapitre IV. La dissociation de la personnalit humaine pendant linitiation . . . 89

    Chapitre V. Le premier gardien du seuil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94

    Chapitre VI. Le deuxime gardien du seuil. La vie et la mort . . . . . . . . . . . . . . . 98

    Table des Matires dition 1912 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103

    Renseignements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104

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    PRFACE DU TRADUCTEUR

    __________

    Louvrage que nous prsentons au public franais est dun caractre particulier et pour lecomprendre il faut le lire dans un tat desprit diffrent de celui que lon apporte la lecture desouvrages philosophiques ordinaires.

    Les ouvrages philosophiques relvent uniquement de la raison. On les a compris lorsquonest arriv saisir comment en partant dun ou de plusieurs postulats, le penseur construit un vastedifice de consquences et de conclusions, soit par dduction, soit par induction. Leur logiqueintrieure les justifie.

    Il ne suffirait pas dapprcier de la sorte louvrage de M. Steiner.

    Les penses qui y sont exprimes ont une valeur qui dpasse de beaucoup leur cohsionlogique. Elles ont pour but dveiller chez le lecteur la conscience de forces nouvelles qui portent ensoi les germes dune vrification exprimentale. Par suite elles ne sadressent point la raison seule.

    On prtendra quil est contraire au bon sens de se rendre docile et pour ainsi dire rceptif un enseignement avant que la raison par ses procds habituels nen ait prouv la solidit. Cetteobjection serait fonde sil ny avait rellement point autre chose dans loccultisme que deslments emprunts la raison et soumis son contrle, cest--dire en dernire analyse, deslments emprunts lobservation des sens et models dans les formes dune intelligence

    uniquement difie sur les donnes traditionnelles de cette observation.

    Or, M. Steiner ne le prtend point. Il a, au contraire, soin de nous dire que la vrification delenseignement occulte relve dun contrle plus haut et plus vaste que le champ daction dparti lentendement.

    Cela ne veut point dire que rien de ces notions accessibles un esprit intrieurementdisciplin, contredise ou heurte les lois universelles de la logique. Ce nest pas dans notre sicle demagnifiques conqutes scientifiques que lon peut jamais prtendre quil y ait contradiction relleentre une loi de lunivers et un phnomne, parce que cette loi ne suffit pas expliquer cephnomne. Nous assistons tous les jours des transmissions de forces que nos anctres auraient

    bon droit pu prtendre impossibles parce quelles paraissent contredire formellement certaines loisde la nature.

    Il est certain que les ondes atmosphriques ne peuvent porter le son perceptible au deldune certaine distance, et il serait contraire la raison daffirmer que sans aucune modification desconditions donnes ces mmes ondes pourront porter le son perceptible une distance mille foisplus grande. Mais lexprience nous a prouv que dautres forces pouvaient vhiculer le son demanire le transmettre notre oreille pour ainsi dire dans sa fracheur primitive.

    De mme il serait insens daffirmer que lil physique, tel quil est actuellement constituchez un homme normal pourra percevoir des objets situs au del dune matire solide et opaque.

    Mais en quoi est-il contraire aux lois de la nature quune autre forme de la lumire puisse trevhicule par dautres courants vibratoires, lesquels impressionnent des organes spciaux quand ilssont suffisamment volus dans lhomme.

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    Le livre de M. Steiner nous parle, en effet, dun certain nombre dtats de matire danslhomme ou hors de lhomme et nous affirme expressment que ni les sens physiques, nilentendement rduit leurs donnes ne sauraient les percevoir ou les concevoir.

    Quel est ltat desprit dans lequel il convient dexaminer de telles assertions et daccueillirun pareil systme ?

    Il nous semble quil faut, ou bien refuser a priori de lire cet ouvrage, ou bien le lire dans unedisposition dme profondment rceptive.

    Lorgueil humain, nous le savons, a peine consentir ce quil croit tre une humiliationpour lintelligence. Mais entre la rceptivit que nous demandons et la foi que rclament les glisesil y a un abme. La foi dogmatique est une vive reprsentation des choses que lon ne voit pas, quiimplique la croyance leur existence avant mme den avoir examin la possibilit. Au contraire, larceptivit est dabord au point de vue de lintelligence un tat de doute philosophique, galementloign de la ngation a priori et de laffirmation prmature.

    Telle est sa forme logique. Dautre part, loccultisme sadresse non seulement lintelligence, mais ltre humain tout entier, esprit, me et corps : il convient donc que cetterceptivit intellectuelle se double dune facult dassimilation sentimentale que les religions ontfort bien dfinie par ce prcepte souvent mal compris : Ouvrez vos curs.

    Un exemple nous fera mieux comprendre. Ces dispositions ne sont-elles pas exactement lesmmes que les dispositions ncessaires la comprhension profonde dune uvre dart et surtout

    dune uvre dart qui par son originalit sort de la tradition dont notre sens critique a prislhabitude ? Apprcier parfaitement la Neuvime Symphonie de Beethoven, nest-ce point la foisla comprendre et la sentir ? Pour la comprendre, ne faut-il pas avoir dblay notre esprit de touteune srie dides prconues sur le style musical ou sur la forme symphonique qui, si ellesdemeuraient en nous, formeraient autant dobstacles qui nous empcheraient de saisir le plan decette uvre ? Et, pour la sentir, ne faut-il pas aussi ouvrir notre cur, nous livrer avec une entirebonne foi, avec une sincrit absolue, ne faut-il pas en un mot, suivant le mot allemand si expressif,laisser cette musique rsonner au dedans de nous (nachklingen) ?

    Pour que notre sensibilit rapporte notre conscience un cho fidle de luvre dartextrieure, il faut que nous la fassions en quelque sorte concave, afin que lcho soit sincre. Mais

    parce que nous aurons peru de la sorte une uvre musicale ou autre, sensuit-il ncessairement quenous devions la considrer comme un chef-duvre ? Non, certes, nous naurons fait que la saisirintgralement, et je dirais mme que notre jugement final aura t pendant cette audition dautantplus parfaitement suspendu, et notre sentiment en quilibre, que notre rceptivit aura t pluscomplte, dans le sens que nous indiquons.

    Il faut accueillir les enseignements de loccultiste comme nous coutons luvre dun grandartiste. En prenant cet exemple nous ne prtendons pas pousser jusque dans ses derniresconsquences la similitude qui peut exister entre luvre dart et louvrage occulte. Ce seraitinexact. Nous voulons seulement montrer dans quelle mesure il est possible et utile de se placer enface dune cration de lesprit en faisant abandon momentanment de lesprit critique, sans rien

    aliner de la libert de juger.

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    PRFACE DU TRADUCTEUR 3

    Cet tat de rceptivit se dfinit donc par deux caractres principaux : 1 labsence didesprconues ; 2 la sympathie.

    En ce qui concerne le premier de ces caractres, nous nignorons pas que des prjugs trsgraves existent contre tout ce qui porte le nom de thosophie. Les uns considrent volontiers lemouvement thosophique comme issu dun vague bouddhisme, import en Occident il y a unevingtaine dannes par des artistes plus soucieux de renouveler des formes dart un peu uses que desassimiler vraiment lessence profonde de la mentalit orientale. Nous savons galement quelaction personnelle de Mme Blavatsky a donn lieu bien des critiques. Une enqute,insuffisamment tudie et mene avec parti pris par la Socit anglaise des recherchespsychiques , a accrdit lide que Mme Blavatsky stait laiss aller parfois a des simulations quisuffisaient infirmer lensemble des phnomnes attribus ses pouvoirs suprieurs. Un examenplus approfondi et plus impartial a prouv que les accusations formules contre elle taient sansfondement et nous renvoyons les lecteurs qui veulent sen convaincre louvrage de Mme AnnieBesant intitul Mme Blavatsky et les Matres de Sagesse. Au reste nous navons cit ici ce prjugfort rpandu que pour affirmer bien haut quun homme de science ou un philosophe ne doit enaucune faon se laisser influencer dans lapprciation des doctrines occultes par lopinion quil seserait, forme, soit sur les bouddhistes occidentaux, soit sur le caractre de Mme Blavatsky.

    Car M. Steiner, tout en professant le plus grand respect et la plus vive admiration pourluvre de la Socit thosophique a estim que les traditions occidentales suffisaientaujourdhui alimenter lenseignement loccultisme.

    Lesprit critique europen a le droit dexiger que la thosophie lui soit expose dans les

    cadres de penses qui lui sont habituelles. Quelle que soit la source premire des enseignementsoccultes il est une chose certaine, cest quil nest pas besoin de sortir de lEurope et de la rgionmditerranenne pour trouver les documents ncessaires et les instructeurs comptents, et si nousregardons vers le pass nous y voyons une longue suite doccultistes grce auxquels cette sagessena cess dtre vivante dans nos contres depuis la civilisation gyptienne jusqu nos jours, enpassant par la Grce et les occultistes du Moyen ge. Il ne faut donc pas aborder la lecture desouvrages de M. Steiner en conservant le prjug quil sagit la dune doctrine exotique importechez nous par la libre dcision de quelques-uns et par suite difficilement assimilable pour noscerveaux europens.

    Mais il importe quil ny ait nulle confusion cet gard, M. Steiner fait partie de la Socit

    thosophique. Il sy rattache ouvertement et son enseignement en ce qui concerne la disciplineocculte ne diffre sur aucun point essentiel de celui des thosophes indous. En quoi donc cettetradition occidentale scarte-t-elle de lorientale ? Cest surtout dans sa mthode et dans saprsentation.

    On apprciera assez exactement cette diffrence si lon a compar la psychologie officielletelle quelle est enseigne dans nos coles avec la mme science, telle que les indous ont coutumede lexposer. Les conclusions des rationalistes et des matrialistes sont de part et dautre, peu dechose prs, les mmes, mais il sen faut de beaucoup quelles se ressemblent dans leurs formes. ce sujet il est une remarque intressante quil faut faire en passant. Nous croyons trop volontiers quela religion et la philosophie officielle aux Indes se rapprochent beaucoup plus de la thosophie que

    chez nous. Il faut oublier ce prjug, car la vrit cest que loccultisme est presque aussi tranger la mentalit moyenne des Orientaux qu notre propre manire de penser. L-bas comme ici pourque loccultisme conqut son droit de cit, il faudrait que la science devint plus large et la religion

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    LINITIATION 4

    plus vivante. Et les points de contact possibles entre loccultisme dune part et les enseignementsreligieux et scientifique dautre part, sont aussi rels en Occident quen Orient, car les doctrinesthosophiques, bien loin dtre le patrimoine de certaines races, sont galement accessibles aux

    chercheurs sincres de tous les pays.

    Il ny a pas deux sotrismes, un occidental et un oriental. Toutes les vrits occultes dignesde ce nom ont une mme source, mais, de mme que toute science et que toute philosophie,lexposition de la doctrine thosophique porte lempreinte des races et des civilisations. LesAdeptes eux-mmes, qui viennent de temps en temps ranimer par leur action les courants spirituels,sattachent prsenter la vrit sous la forme qui lui permettra de pntrer le plus aisment dans lesesprits environnants.

    Avant daborder la lecture de cet ouvrage que nous apportons au public franais, il importedonc dabandonner le prjug que lon se trouve l en face dune conception de lUnivers et dunemthode exotiques, arbitrairement importes en Occident et dfinitivement incompatibles avectoute notre manire de sentir et de penser.

    Le deuxime argument que lon invoque pour refuser dexaminer srieusement les doctrinesthosophiques nous apparat comme un pur prjug au mme titre que le prcdent. Cest quelenseignement thosophique invite lhomme la recherche des vrits et des pouvoirssupra-sensibles et lui fait ainsi perdre son quilibre, de sorte quil se dtourne avec mpris de sesdevoirs sociaux. La premire partie de cette assertion est exacte et se trouve particulirement fondepour le livre qui suit cette introduction. En effet, si certains ouvrages thosophiques laissent de ctle dveloppement psychique pour se contenter dexposer des vrits gnrales dordre thique il

    nen est certes pas ainsi des uvres de M. Steiner. Il considre et ne craint pas de proclamer que lathosophie perd son originalit et son caractre propre si elle ne sappuie pas sur la base scientifiquede lexprimentation par le travail intrieur et mthodique.

    Cest le caractre personnel de lenseignement de M. Steiner que de mettre au premier rangdes doctrines thosophiques la pratique des exercices qui veillent les pouvoirs suprieurs. Le titreallemand de louvrage que nous avons traduit le prouve. Ce titre est la question qui toutnaturellement se prsente lesprit des hommes de science quand ils entendent parler des mondesinvisibles : Comment acquiert-on la connaissance de ces mondes ? Cest une rponse prcise cette question que formule louvrage de M. Steiner.

    Pendant longtemps ces sujets ont t considrs comme dordre purement sotrique. Lesanciens Matres ne les rvlaient que dans les mystres et, avant dtre admis entendre leursenseignements, le candidat devait subir de longues preuves pour prouver ses futurs instructeursquils pouvaient sans danger lui communiquer leur science et diriger ses pas sur le sentier delinitiation. De nos jours, encore nombreux sont les thosophes qui vitent volontiers de donner desindications prcises sur ces sujets. Ils sont davis que lenseignement exotrique est le seul quipuisse tre publi et quil convient de rassembler en des cercles ferms et de lier par desengagements solennels ceux qui veulent devenir des disciples.

    M. Steiner, sinspirant de trs hautes autorits, a pens que le moment tait venu de faireconnatre au grand public, tout au moins les bases essentielles de la discipline mystique, de faon

    intresser loccultisme tous les philosophes qui ne sauraient admettre que la vrit ne soit pasexpose logiquement. Ainsi loccultisme se prsente dans cet ouvrage sous la forme dune scienceexprimentale. Les conseils de M. Steiner sont pratiques ; il napporte point de dogmes.

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    PRFACE DU TRADUCTEUR 5

    Son ouvrage se divise en deux parties. Dans la premire, il expose la marche suivre pourparvenir la connaissance des mondes suprieurs. Dans la seconde, il fait, pour ainsi dire, laphysiologie et lanatomie des systmes organiques qui entrent en activit chez lhomme qui vise

    la perception suprieure. Il prend un un les organes des sens ncessaires cette perception etdtermine minutieusement linfluence que chacun des exercices prescrits dans la premire partieexerce sur le dveloppement de chacun des lments constitutifs de ces organes. Il dtermineexactement le rapport des causes et des effets.

    Par l il chappe aux reproches que lon peut faire dautres occultistes. On stonnait, eneffet, auparavant, que ceux dentre eux, peu nombreux du reste, qui ont cru devoir donner, sous uneforme symbolique ou autre, des conseils pratiques, naient pas dfini scientifiquement les effets quelobservation de leurs prceptes devait avoir sur lorganisme du disciple. Il est en effet arriv parfoisque des tudiants passionns pour leurs recherches aient dpass la mesure exacte qui convenait lamise en pratique des enseignements reus. On a eu dplorer des accidents, souvent srieux. Ledsquilibre sest empar de certaines personnes qui navaient pas assez clairement compris queloccultisme est une science aussi prcise, aussi exprimentale que les autres sciences naturelles.Elles staient abandonnes une disposition qui est le fait de certains mystiques, et qui, si onlanalyse soigneusement, se ramne la croyance que la loi de causalit nexerce plus dans lesmondes suprieurs laction que nous constatons dans les densits soumises lobservation des sensphysiques. Ces mystiques simaginent que la raison perd ses droits dans le royaume de la perceptionsuprieure. Dun effort limit ils tentent de faire natre des possibilits illimites ; de la sorte ilsperdent la conscience nette du point o il convient denrayer une certaine activit mentale, parcequelle a produit tout leffet voulu et quen insistant ltudiant ne pourrait que nuire lharmoniegnrale de son volution intrieure.

    Rien de pareil ne saurait advenir ceux qui sastreignent aux mthodes prconises par M.Steiner. chacun des exercices quil entreprend, le disciple connat dune manire prcise lesrsultats quil poursuit. Il sait les forces quil sagit dveiller et les signes auxquels il reconnatraquelles sont veilles dans la mesure ncessaire. Les enseignements pratiques lui sont prsentsdoss avec soin, comme des mdicaments ordonns par un mdecin prudent.

    En outre, M. Steiner lui rpte chaque instant que cette discipline, bien loin quelle lcartede ses devoirs journaliers et de ses obligations sociales, le met en mesure de sen acquitter avec uneperfection toujours grandissante. Il lui dmontre que lactivit intrieure de loccultisme nest pastrangre et en quelque sorte superpose lactivit normale de ses facults intellectuelles ou

    autres, et quelle est bien au contraire solidaire de tout lensemble de la vie intrieure. Elle est,dit-il, comme une plante qui ne saurait crotre quen puisant ses forces par de profondes racinesdans le sol qui peut la nourrir. Ce sol nourricier nest autre que le tout complexe form par nossentiments, nos penses et nos volitions. Ce nest point dans la passivit, ni par lintervention dunemystrieuse puissance venue den haut que lhomme peut dvelopper sa clairvoyance et sespouvoirs suprieurs : au contraire, cest par lactivit et par llaboration raisonne des lments desa vie normal quil fait germer en lui la vie suprieure, prolongement et extension naturelle de la vienormale.

    Ainsi se trouve, croyons-nous, cart le deuxime argument dont se servent les penseurscontemporains pour se refuser un examen consciencieux de loccultisme. Non seulement la

    pratique de loccultisme vritable ne saurait amener aucun dsquilibre, mais encore cest par cettepratique seule que lhomme peut conqurir cet quilibre suprieur qui le met au-dessus descontingences et des secousses de lexistence. En prenant conscience des forces les plus puissantes et

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    les plus permanentes quil recle en lui il se cre comme une citadelle o il peut, le moment venu,se mettre labri des tourmentes de la vie. Mais cest la vie mme qui lui fourni les matriaux decet difice et il sy desscherait sans aucun profit pour lui-mme, sil sen servait pour se soustraire

    ses obligations terrestres.

    Les grands alchimistes qui taient de purs occultistes avaient exprim cette vrit par lesymbole de la transmutation des mtaux. Dans le langage imag que ces anciens mystiques taientforcs demployer pour dissimuler leur pense linquisition de lglise, ces mots signifiaient latransformation progressive des nergies physiques et passionnelles en nergies spirituelles. Lechaos des forces infrieures tait symbolis par la matire brute, tandis que la spiritualit, sous saforme la plus haute, tait reprsente par lor, le mtal prcieux. La mthode de dveloppement,prconise par ces Matres, a t dans la suite celle des Rose-Croix. Cest une volution gnraleacclre et scientifiquement contrle de toutes les forces humaines ; cest une orientationnouvelle de toutes les activits, grce linfluence souveraine de la pense discipline. Dans cettetransposition rien ne doit tre perdu, mais toute chose doit revtir aux yeux du disciple sa vraiesignification en sclairant dun jour nouveau.

    Tel est encore aujourdhui loccultisme.

    Il ny a qu considrer lducation et luvre de M. Steiner pour se rendre compte que, loinde mpriser les donnes de la science ou le travail de lintelligence, cest au contraire sur leurs baseset avec leurs matriaux que cet occultisme entend construire ltre humain intgral, arm de tous lespouvoirs que la race humaine par la voie ordinaire et normale ne saurait dvelopper que lentementet laborieusement. Nous nous rfrons ici la belle prface que M. douard Schur a crite pour un

    autre livre de M. Steiner : le Mystre chrtien et les Mystres antiques. Il nous raconte comment M.Steiner, avant de commencer son apostolat, crut devoir passer vingt annes tudier fond lessciences et la philosophie. Voil, certes, une attitude bien loigne de ce mpris de la connaissancepositive que lon a cru pouvoir parfois reprocher certains mystiques. Vingt annes de labeur sontle plus grand hommage que lon puisse rendre la science contemporaine et le dveloppementintrieur qui ne cessa de saccentuer chez M. Steiner, pendant cette longue priode, prouve quil nya nulle contradiction entre la culture scientifique et la discipline occulte, pour celui qui sait les jugerde haut lune et lautre.

    Et quant lactivit sociale, qui pourrait prtendre quelle soit diminue par larecrudescence de la vie intrieure en contemplant les existences prodigieusement remplies de M.

    Steiner et de Mme Annie Besant ? Des voyages incessants, des confrences multiples, plusieursouvrages par an et un grand nombre de questions pratiques rgler, tel est lexemple que nousdonnent ces deux occultistes. Il est vident, pour quiconque les connat, que lintensit de la vieintrieure alimente leur activit incessante dans le monde extrieur. Loin de diminuer les sources deleurs nergies pratiques, leur communion incessante avec le monde spirituel leur sert en quelquesorte dun rservoir o ils peuvent tout moment puiser.

    Nous ne voulons point, dans le simple cadre dune introduction, passer en revue tous lesarguments que nous pourrions prsenter pour prouver que loccultisme pratique nloigne en rien dela vie et de ses devoirs, pas plus quil ne cre une barrire entre lesprit du disciple et le courant dela pense contemporaine. Beaucoup de nos contemporains, non sans raison, sattachent au principe

    quil faut tre de son temps . Loccultiste est de son temps, mais il lest plus profondment etplus consciemment quun autre homme, car il se refuse laisser imposer son propre esprit deslimites qui restreignent la mentalit contemporaine et il nestime avoir compris les tres avec qui il

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    PRFACE DU TRADUCTEUR 7

    vit que quand il a pu situer exactement leur degr dvolution sur limmense route de lvolution dumonde.

    ** *

    Mais nous avons affirm plus haut quil ne suffit point pour tirer un profit rel de la lecturede cet ouvrage de laborder lesprit libr de tout prjug. Nous avons prtendu quil fallait en outrepossder le deuxime lment de ce que M. Steiner nomme la rceptivit, cest--dire cette espcede sympathie spontane qui consiste laisser librement vibrer notre sensibilit lunisson dunevibration extrieure.

    Il ne sagit point, et tout ce qui prcde le prouve, de nous livrer sans raisonnement cetteinfluence extrieure ; ce serait la un mysticisme rudimentaire et peu clair. Il faut seulement queles barrires tombent non seulement devant le cerveau, mais aussi devant le cur, il faut que lonsoit aussi prt aimer qu comprendre, car la vritable intelligence des choses occultes sacquiertnon seulement par la critique rationnelle, mais encore par la sympathie. Et celle-ci sveille si lonvoit dans loccultisme une puissance qui vient vers nous pleine de bont, uniquement guide par ledsir de nous aider.

    Mais cest ici que lorgueil humain intervient et prtend navoir point besoin dtre aid. Silon est dans cet tat desprit, si lon marche dans la vie sans avoir jamais rien souponn desproblmes qui nous entourent et des abmes au bord desquels se droule la destine humaine, il vautmieux ne pas ouvrir ce livre : car un des lments les plus indispensables la pntration des vrits

    occultes fait dfaut. Cest celui que lon peut appeler : le dsir de la dlivrance . Quiconque estsatisfait de sa condition au point de ne pas souffrir des limites qui enserrent sa connaissance et sonactivit et pousse linconscience jusqu nier ces limites ne saurait en aucun cas tirer profit de cesenseignements : car pour ouvrir son cur et y recevoir une parole, il faut avant tout admettre quelon a besoin de recevoir quelque chose.

    Mais, vrai dire, cest surtout vis--vis des autres, cest dans la socit que les hommesadoptent cette attitude orgueilleuse et funeste leur progrs. En ralit il en est peu qui, se trouvantface face avec eux-mmes, persistent penser que les sens et la raison leur donnent tout ce quilspeuvent dsirer et leur ouvrent, dans lavenir, toutes les possibilits auxquelles ils se sentent le droitde prtendre. Il en est peu qui se refusent constater leur faiblesse. Mais ici nous sommes obligs

    dinsister un peu sur ce sentiment, de peur quon ne le confonde avec ce que les glises ont tropsouvent discrdit sous le nom dhumilit.

    Il ne sagit point dune humilit qui place lhomme en face du divin et qui le force convenir que son tre tout entier, raison, volont et sentiment, nest que nant en face delinstructeur qui lui rvle la vrit intgrale. Il ne sagit point non plus de cette conscience duneindignit foncire, que lglise, interprte peu claire du mysticisme chrtien, a rclame de sesfidles. De mme que loccultisme nexige jamais une foi aveugle, mais uniquement une raison nonprvenue, de mme il demande une sensibilit qui vibre librement lunisson des vrits nouvelleset non pas cet abaissement de la nature humaine tout entire devant une prtendue rvlation.

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    Et tout dabord il nest point question de placer lme humaine demble en prsence dunevrit divine qui descendrait sur elle de je ne sais quel paradis chimrique. Ce quil faut aucontraire, cest que lhomme regarde, observe, coute et synthtise, comme peut le faire un savant

    dans son laboratoire. De ltre le plus bas lentit la plus volue il peut slever comme par cettechelle que le disciple hbreu contemplait en songe, mais, arriv en haut de lchelle, cest avanttout en prsence de lui-mme quil se trouvera.

    Ce qui fait son indignit momentane nest compos que des lments transitoires sans cessevoluant de son tre, et dans cette indignit mme sont cachs les germes de ltre divin quil seraun jour. Cette croissance ne comporte point de miracles ni de solution de continuit. Toutes les loisscientifiques y exercent leur action. La causalit y rgne dun bout lautre, en souveraineimplacable : cest pourquoi dans une discipline occulte le sentiment normal est celui duneconfiance respectueuse vis--vis de ceux qui marchent en avant et non dune humilit foncire etstrile.

    Ce sentiment est issu de deux convictions : la premire, cest que nous avons besoin dtrelibrs, cest que nous connaissons peu de chose de lunivers et que nous vivons emprisonns danslaction comme dans la pense. La seconde, cest quil nous est possible de nous lever. Cest lacroyance que lchelle des tres en volution est, pour ainsi dire, infinie en hauteur, comme lespacelest en tous sens. Nous ne pouvons concevoir un tre, si rudimentaire soit-il, au del duquel il nyait pas quelque atome encore plus simple. Nous ne pouvons, dautre part, concevoir un tre, sisublime soit-il, au-dessus duquel il ny en ait pas un plus puissant et plus parfait encore. Noussavons quau-dessus de nous il y a des tres qui savent et qui peuvent plus que nous-mmes. Sansabandonner la logique ni rien cder de notre dignit, nous pouvons donc donner en quelque sorte

    notre me une attitude dfrente, quitte ne pas y persister si nous constatons que lesenseignements qui nous sont proposs proviennent de source moins haute.

    Si nous examinons nos contemporains, nous constaterons que cette attitude serait lgitimechez la plupart dentre eux parce quelle correspondrait aux aspirations lgitimes de leur nature. Ilen est bien peu, en effet, qui, se plaant sincrement en face deux-mmes, ne soient obligs de faireappel une force inconnue quils devinent sans pouvoir la percevoir, il en est bien peu dont le curet la raison se tiennent pour satisfaits des mthodes et des rsultats de la science officielle ou de lareligion formaliste.

    Quel est lhomme daction qui nprouve pas le besoin de se faire une ide sur la nature de

    la force laquelle il doit sa dcision et son audace ? Dans un livre allemand o nous trouvons lercit singulirement prcis dune initiation, le disciple, qui est un jeune chevalier, demande sonMatre : Apprenez-moi o sige la force qui conduit le cheval, qui tient le bouclier et qui manielpe. Et, aprs que, par des exercices mthodiques, le disciple est arriv connatre lesdiffrentes sources de cette force, le Matre, pour prouver la vertu de son enseignement, lobservependant le combat. Le soir venu, il lappelle lui et lui dit : Nous avons oubli dans la culture devos forces psychiques celle qui rside dans le poignet.

    Sans nous attarder sur le symbolisme de cette rponse nous devons noter lenseignement quien sort, cest quil nest point dans lactivit humaine de rgions interdites aux effets de la disciplineocculte. Suivant les niveaux et suivant les civilisations, elle sexerce en prenant pour point de dpart

    les forces existantes. Et cest pourquoi elle est universelle.

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    lpoque o se passe le rcit du mystique allemand, le progrs occulte pouvaitprcisment consister raliser les qualits de courage, daudace et de vaillance physiques mises auservice dune cause dsintresse et dont lensemble formait lidal du parfait chevalier. Ces mmes

    vertus de lhomme daction sont encore de nos jours un but digne dtre poursuivi pour beaucoupdmes. Les volutions individuelles ne marchent pas toutes la mme allure. Des peuples entiersen sont ltape du moyen ge, et mme dans les nations civilises il arrive que, sous des formesdiffrentes des formes chevaleresques, le courage et la vaillance sont et doivent tre, pour beaucoupdhommes, la fois le but et le ressort du dveloppement spirituel.

    Nous lisons dans louvrage qui suit que les instructeurs soumettent de propos dlibr lecandidat linitiation, des preuves qui doivent lhabituer bannir toute crainte et touteindcision. Cet tat dme, dont il recherche la ralisation, nest-il point celui qui forme lidal delhomme daction ? Cela ne veut point dire que dans ce domaine le but est dagir en suivantaveuglment des aspirations dont lorigine est inconnue. Il sagit, au contraire, de lutilisation rapidedes forces puises dans la mditation. Cette rapidit nimplique nullement linconscience : aucontraire, ces forces et leur source doivent tre parfaitement connues de loccultiste. Mais elles sonten quelque sorte accumules par son travail intrieur de faon pouvoir tre soudainementprcipites sur un point, de mme que lingnieur accumule lnergie de manire pouvoir lui faireproduire les effets prcis quil en attend.

    cette ducation sadjoint la culture dune facult qui nest pas moins prcieuse lhommedaction. Cest celle de pouvoir au moment voulu fermer volontairement les yeux sur un grandnombre de perceptions ou dimpulsions qui seraient de nature le paralyser ou tout au moins lagner dans laction nergique et prompte quil a rsolue. Que de fois des hommes adonns soit la

    carrire militaire, soit des carrires civiles qui rclament ces qualits de prcision et de vaillance,se sont malgr eux interrogs pour se demander sil ntait point possible darriver matriser et diriger leur gr des nergies souvent capricieuses ! Des gens qui nont pas suffisamment comprisla vaste porte de loccultisme simaginent volontiers que ces hommes daction ont pour premierdevoir, sils veulent entrer dans la voie du progrs spirituel, dabandonner leur idal humain devaillance et de force pour se consacrer uniquement au travail de la pense ou la culture dessentiments. Cette erreur provient dun malentendu. La mditation et la concentration sont desmoyens de rassembler ou daccumuler les forces utiles et de pourvoir ltre humain de tout unsystme de pouvoirs nouveaux. Mais ces forces sont destines laction aussi bien qu laperception. La mditation est aussi ncessaire au soldat qu lhomme daffaires ou au philosophe.Car toute activit, quelle quelle soit, a sa source dans le monde suprieur et, si lhomme pntre

    dans ce monde par la voie normale, il dcouvrira que, bien loin de devoir renoncer quoi que cesoit de sa force daction, il la verra dcuple en mme temps que canalise par sa communicationconsciente avec la source premire dont elle est issue.

    Dans cette courte revue des diffrents types de mentalit humaine, il est certaines mes quidoivent nous intresser tout particulirement parce que le mode normal de leur activit les conduitplus frquemment que beaucoup dautres sinterroger sur les grands problmes de ltre humain.Ce sont les artistes, crateurs ou interprtes.

    La plupart ont assurment besoin dune impulsion extrieure pour que leur puissance decration soit efficacement stimule, mais mme dans cette impulsion extrieure, ce sont les

    lments des choses accessibles la seule clairvoyance qui, leur insu, viennent fconder leurcerveaux. Tantt cest au spectacle de lunivers quils sont redevables du phnomne que lonnomme inspiration. Tantt cest aux chos des sensations tels quils demeurent enregistrs et en

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    quelque sorte virtuels dans leur mmoire profonde. Dans dautres cas, ce sont les expriences deleur vie intrieure qui dclanchent, pour ainsi dire, le mcanisme crateur.

    Ces phnomnes sont si mystrieux pour lhomme mme qui en est le thtre, quilslamnent presque forcment en rechercher lexplication. Le matrialisme officiel nen fournitaucune quand il sagit dune activit qui mrite vraiment le nom de cratrice. Car il ne faut pas sedissimuler que chez beaucoup de prtendus artistes, et mme parmi les plus rputs, la suite logiquedes phnomnes qui constituent linspiration est renverse ou souvent mutile. Lartiste mdiocreou moyen commence concevoir la forme extrieure de luvre et, dans cette conception tronque,il est bien vident que lducation technique, la mmoire et les traditions, jointes une facilitspciale dassimilation, suffisent amplement expliquer la prtendue cration. Mais pour lilclairvoyant ces crations ne sont quune enveloppe vide dme, une imitation sans vie propre deluvre dart.

    Les vritables artistes quand ils essayent de se comprendre eux-mmes ne peuvent sesatisfaire dune explication qui ne va pas au fond mme de leur activit. Ils savent, et ils sentent, nen point douter, que linspiration est une force dorigine spirituelle dont ils prennent subitementconscience par une cause occasionnelle du genre de celle que nous avons numre plus haut. Pourla plupart dentre eux, mme parmi les plus grands, la conscience sarrte l, et un dur labeur ycommence, un travail rude et en quelque sorte souterrain, qui consiste imaginer tout un monde deralisations possible, les examiner une une et choisir la meilleure, en quelque sorte sur lordrede cette force obscure qui demeure prsente au plus profond deux-mmes.

    Mais chez quelques-uns lintervention des forces issues des mondes suprieurs, cest--dire

    des rgions les plus intrieures de ltre humain, se prcise et sillustre avec une clart souveraine.Ceux-l peuvent vraiment dire quils conoivent luvre avant de lexcuter, non point par desfragments quil faut ensuite relier entre eux, mais dans son intgralit. Toutefois certains desattributs physiques qui la caractriseront une fois acheve, lui manquent encore, et par contre, elleen possde dautres, incomparablement suprieurs en force et en beaut quil sera impossible de luiconserver en la faisant descendre dans les cadres de la perception sensible. Pour citer un casparticulier qui fera mieux comprendre notre pense, cest ce moment que ce qui, de sa nature,dans le monde des sens est successif peut apparatre comme simultan. Une uvre musicale, parexemple, qui ne saurait tre perue que dans le temps est conue dans lespace, ou plutt en dehorsde ce qui sappelle temps et espace pour le cerveau physique.

    ce niveau suprieur de la cration artistique, lartiste est forcment un occultiste. Il peutarriver quil ne connaisse pas le systme mondial qui lui permettrait de situer son mode personneldactivit dans lensemble de lactivit universelle, que par suite il veuille y voir une interventiondivine et quil cherche la caractriser par ce mot de gnie qui nest que lignorance des lois de lanature dans leur application un cas donn. Mais il arrive aussi quil cre avec la pleine consciencede la vraie valeur et de la vraie cause de sa cration. Tel fut sans doute le cas de Platon, deShakespeare et de Gthe pour ne citer que ces trois noms. Ainsi de mme que lhomme daction,sil veut devenir matre de sa force, se trouve forcment amen loccultisme, de mme lartiste parle seul besoin de donner sa cration toute la hauteur et toute la sret quelle est susceptible depossder, se trouve amen rechercher les moyens de communiquer consciemment avec les rgionsspirituelles de lunivers.

    Les mthodes de M. Steiner font appel, en les intensifiant et en leur donnant une directionprcise, aux qualits mme dimagination et dobservation de la nature qui caractrisent lartiste.

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    Celui-ci na pas besoin de heurter lorientation gnrale de ses penses, il na pas besoin de faireviolence sa propre nature pour entrer dans la voie de la discipline occulte telle que la dcritlouvrage qui suit. Il lui suffit de mettre un peu dordre et de mthode dans sa mditation, plus de

    chaleur et de sympathie large dans sa communion avec les choses.

    Que de fois, sil est sincre, na-t-il pas eu, en prsence des tres, le sentiment dlicieux etangoissant la fois dun mystre, la conviction quune entit invisible et plus vivante se dissimulaitderrire la forme physique quil contemplait ? Est-ce quentre ces lments devins des choses et laportion la plus vibrante de son me et de sa sensibilit, il ne sest pas tabli un courant infinimenttroublant ? Est-ce quil na pas senti la force de fcondation issue de ce courant, cette force qui estproprement ce que lon nomme inspiration potique ? Et, voulant fixer cet insaisissable, le sentantchapper sa perception comme sa comprhension, ne sest-il pas rpt avec amertume quilsouhaiterait comme le Faust de Gthe pouvoir dire linstant qui passe : Arrte-toi ! tu es sibeau ! Comment percevoir, comment treindre, comment retenir cet instant qui passe ? Cest ceque loccultisme seul peut enseigner au pote. Et en le faisant il rpond un besoin profond de toutesa nature dartiste, besoin qui surgit ds quil interroge son me ou celle de lunivers.

    Voici maintenant un savant, un chercheur mthodique et consciencieux, fermement dcid ne rien admettre que ses sens ne laient peru et sa raison contrl. Il avance pas pas, observantminutieusement les phnomnes, les classant daprs leurs caractres communs ou dissemblablespour vrifier avec une scurit absolue dans quelles conditions ces phnomnes se reproduisent. Ilessaie de les provoquer en sentourant de toutes les garanties. De lanalyse, il passe la synthse.Enfin il peut tablir avec certitude que deux phnomnes se suivent forcment et dans tous les caslorsque des conditions minutieusement dcrites sont donnes nouveau. Il sest jur lui-mme de

    ne pas dpasser ces rsultats de lexprimentation et il demeure pench dans son laboratoire,refusant sa raison le droit de savancer au del de ce quil a pu constater et prouver.

    Mais inconsciemment son esprit a travaill et voici soudain quune grande lumire lenvahitet quune loi gnrale de lunivers dpassant infiniment les conclusions quil tait en droit deformer, vient sinscrire devant lui avec une autorit souveraine. Il demeure stupfait. Comment laconclusion peut-elle ainsi dborder de toutes parts sur les prmisses ? Nest-ce point l un procdantiscientifique au dernier degr que de remonter dune srie de cas particuliers laffirmationdune loi universelle. Et pourtant cette affirmation simpose. Alors le savant effray de laudace decette inconsciente induction, se replie sur lui-mme, revient pas pas sur le chemin quil a parcouruet en arrive ainsi progressivement soit restreindre la loi, soit se donner lillusion quelle nest

    quun rsum synthtique de la collection des cas particuliers. Mais il a beau faire et beau dire il nepeut sempcher de songer cette soudaine illumination de sa conscience, sans tre oblig desavouer lui-mme quil ny a que deux explications ce phnomnes : ou bien cest que legnral a une existence en soi, au dehors des cas particuliers, ou bien cest quil y a dans les casparticuliers des lments imperceptibles nos sens et qui nanmoins ont t perus par lui,puisquils ont donn naissance cette loi universelle que ne suffisent pas expliquer les lmentsdes phnomnes consciemment enregistrs au cours de son investigation. Mais ce nest que quandelle slve ces hauteurs que la science devient vritablement la porte de loccultisme, et tel est lesens profond du mot de Newton : Un peu de science loigne de Dieu, beaucoup de science yramne. Cette parole signifie que les dcouvertes dans le domaine de la science ne sauraientsexpliquer par le simple jeu de lentendement logique, quil y faut absolument lintervention, un

    moment quelconque de la recherche, des pouvoirs de connaissances suprieures, et que sans leurintervention il faut forcment restreindre et limiter troitement le champ de cette recherche.

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    LINITIATION 12

    Cest pourquoi les philosophes, qui, comme Herbert Spencer, nadmettent pas la plus lgreinfraction ces procds scientifiques, sont forcs de rserver lcart de toute investigation undomaine de linconnaissable dont ils proclament quil ne saurait tre atteint. Mais la science

    considre de plus en plus quil ne saurait y avoir de fruits dfendus pour lesprit humain. Sesreprsentants les plus autoriss ne veulent plus renoncer la recherche des causes profondes, lanalyse et la connaissance des forces mmes qui constituent le substratum vivant desphnomnes sensibles. Sans doute ils continuent rejeter les mthodes hasardeuses de lamtaphysique. Ils ne sauraient admettre quil suffise la pense de se replier sur elle-mme pour ydcouvrir avec certitude lunivers. Mais ils recherchent entre ces deux extrmes, le procdscientifique et le procd mtaphysique, un mode de connaissance et dinvestigation qui unisse lafois ltendue et la hardiesse du dernier la prcision et la sret du premier.

    Ils se trouvent ainsi amens ltude des pouvoirs latents quil est possible dveiller danslhomme mme. Mais ces pouvoirs ils entendent en enregistrer et en mesurer les effets parlobservation extrieure double dexprimentation, telle quils sont habitus la pratiquer dans lesautres domaines.

    Des faits nombreux sont venus leur dmontrer au cours des dernires annes que, danscertaines conditions donnes, les possibilits dinvestigation sagrandissent, que dans ces conditionsle champ de la conscience non seulement slargit, mais encore est impressionn par desperceptions dont on peut affirmer avec certitude quelles nont pas t apportes par les voiesordinaires de la sensibilit. Ces phnomnes sont encore rares, malaiss contrler, et gnralementlis un dsquilibre mental ou physique qui en diminue de beaucoup la valeur aux yeux dessavants. Mais certains sont incontestables et lon ne peut sempcher de les rapprocher des forces

    nouvellement dcouvertes dans la nature inanime.

    Nous ne croyons pas nous avancer en disant que quelques-uns parmi ces hommes de sciencesont, leur insu, dj proches parents de loccultiste. Ce rapprochement deviendra plus troit le

    jour, sans doute peu loign, o ils saviseront de rechercher une explication commune et gnrale des phnomnes qui leur paraissent aujourdhui encore fort dissemblables. La perception agrandieet modifie dans les tats dhypnose, la dcouverte de forces qui exigent comme vhicules des tatsde la matire autres que ceux scientifiquement connus, enfin lintervention dans la recherchescientifique dun pouvoir de connaissance tranger aux mthodes habituelles, voil quelques-unsdes faits quil faut rassembler, comparer et entre lesquels il sagirait de rechercher sil nexiste pasdes lments communs, une interprtation gnrale.

    Ainsi, comme lhomme daction, comme lartiste et le pote, lhomme de science son tour,quil regarde en lui ou autour de lui, ne saurait mconnatre que pour fonder solidement saconnaissance, pour affermir le pouvoir sur la nature quelle lui confre, il faut quil se dcide pntrer hardiment dans le domaine dont il a t tenu loign de nos jours, beaucoup plus par lesexcs dconcertants de la mtaphysique que par une incompatibilit vritable et profonde. Nousnavons certes pas la prtention que ces quelques observations trs simples suffisent intresser auvritable occultisme les hommes appartenant cette lite, dont nous avons essay desquisserquelques, types. Mais sils pouvaient seulement savouer eux-mmes leur dsir dune vrit pluslarge, dune base plus certaine pour la connaissance et pour la vie, ce premier pas serait le plusimportant. La connaissance des limites qui nous enserrent, et la conviction dune ralit au del de

    ces limites, sont des conditions suffisantes pour tout esprit sincre. Et si lon peut tre rebut parune doctrine complte du monde et de lunivers, il nen sera pas de mme, la lecture de louvragequi suit. Ce qui inquite les esprits inconsciemment avides de vrit quand on leur apporte une

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    hypothse, si grandiose soit-elle, sur le monde, cest quils ignorent laccumulation de travail fondsur leffort personnel et appuy sur la tradition, qui seule a permis de dresser ce plan grandiose de lanature. Ce qui doit au contraire les rassurer et les mouvoir, cest un enseignement qui rpond aux

    besoins les plus profonds de chacun deux, qui au moment o ils perdent pied dans leur tentativepour se comprendre eux-mmes, les prend pour ainsi dire par la main et leur dit : Vous voussentez environns dabmes, voici un peu de terre ferme. Franchissez le court espace qui vousspare de ce point, situ un peu au-dessus de la rgion dans laquelle vous errez actuellement. Je naipoint vous prophtiser ce que vous verrez si vous parvenez sur les plus hauts sommets, je naimme point vous dcrire, thoriquement, la manire dont vous devrez marcher, je me contente devous indiquer un lieu voisin de celui o vous avez habit jusquici. Avec un peu de sincrit et unpeu deffort vous y parviendrez, sans cesser dtre vous-mme et sans vous y trouver dpays, carcette rgion nest que le prolongement de celle que vous connaissez, et quand vous aurez accomplice court trajet, vous naurez qu vous interroger vous-mmes pour vous demander si lair que vousrespirez est un peu plus pur, votre vue un peu plus tendue, votre soif de connatre un peu moinsdouloureuse. Si, loyalement, vous sentez que vous devez rpondre oui ces questions que vousvous poserez vous-mmes, je naurai pas besoin de vous encourager beaucoup pour vous dcider vous lever encore un peu plus haut.

    Tel est le langage trs simple que tient loccultiste aux hommes sincres de notre poque, ceux, du moins, dont lactivit mentale revt des modalits assez complexes pour les amener, pourainsi dire par la force des choses, jusquau seuil des problmes de la vie intrieure. Mais il fautdautre part quils parviennent lesprit libr des formes traditionnelles et parfois dgnres souslesquelles se manifeste aujourdhui lantique sagesse. Nous voulons parler des formules religieuses.

    Jusquici nous navons point tenu compte de cet lment qui fait effectivement dfaut chezbeaucoup de nos contemporains et notamment parmi ceux qui appartiennent llite laquelle lesrflexions qui prcdent sont ddies. Les hommes dont nous avons parl nont besoin pour serapprocher de loccultisme que de rechercher la logique intrieure de leur pense et de leur activitparce quils ne sont point encombrs de dogmes dans lesquels ils ont pris lhabitude de cherchertout ce quils croient possible ou permis de connatre sur le vaste domaine qui chappe la scienceactuelle. Pour ceux-ci le problme se ramne la question suivante : Dans quelle mesure ladhsionsincre aux dogmes dune religion tablie favorise-t-elle ou entrave-t-elle les progrs de laconnaissance ?

    notre avis ceux qui, saidant la fois du travail intrieur et de la recherche historique, se

    donnent la peine dexaminer sincrement le fondement de la croyance religieuse arriverontforcment y dcouvrir la vrit dexprience qui y a t dpose lorigine par les Fondateurs quitous taient de grands occultistes. Mais il faut, pour que ce travail porte des fruits, le faire dans unesprit dentire libert, la fois respectueux et indpendant, sans se laisser intimider par lassuranceavec laquelle certains prdicateurs de ces dogmes proclament labsolue vrit des formules quilsimposent. Il faut que le croyant se place en face de sa foi comme en face dun phnomne quilsagit de comprendre, il faut quil la justifie par de solides raisons. Nous ne voulons pas dire par lquil sagisse de la faire comparatre devant dautres dogmes, ceux dun matrialisme troit et duneinvestigation scientifique limite. Beaucoup desprits sincres qui ont employ cette mthode nesont arrivs quau doute et la ngation de toute vie spirituelle. Non ! le phnomne de la croyancereligieuse doit tre abord avec la confiance quil nest nullement solidaire de ladhsion

    intellectuelle des propositions prcises, que tous les dogmes peuvent scrouler sans que lespritreligieux soit branl. Mais pour consolider cet esprit religieux, pour quil soit attach aux autresactivits de la vie intrieure, pour quil pousse de profondes racines dans la vie et dans la pense, il

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    faut ltablir dans son vritable terrain et lui donner de lair en renversant les barrires quilempchent de spanouir librement. Il ne sera justifi et rellement vivant que sil se dveloppeharmonieusement en accord avec toutes les autres manifestations normalement sorties de lesprit

    humain.

    Il y a deux manires de ne jamais parvenir reculer les lignes de la connaissance et de lapuissance humaine. La premire est de proclamer, comme les positivistes, quil est superflu devouloir pntrer dans le domaine de linconnaissable, parce que la raison y perd ses droits et lascience ses mthodes. La deuxime est daffirmer que ce domaine est interdit lhomme parce quetout ce quil lui est utile den savoir constitue le monopole de quelques hommes dans le pass etdans le prsent et que ce serait un orgueil funeste que de vouloir substituer leur autorit uneexprience personnelle, illicite et dangereuse. Les premiers disent au chercheur : Tu ne peuxpas , les seconds lui disent : Tu ne dois pas .

    Les temps sont venus ou lhumanit commence rejeter lun et lautre de ces dogmesgalement nuisibles la marche de lvolution. Ceux qui parmi les croyants portent leur attentionavant tout sur le ct personnel de leurs sentiments religieux tendent saffranchir de ceslimitations. Ltude compare des religions, lune des prparations les plus utiles la scienceocculte leur montre sous la relativit et linfinie varit des dogmes la permanence et lunit desenseignements sotriques, et quand ils sont entrs dans cette voie, leur dvotion, loin dtre unobstacle devient un stimulant et un appui. Car cette dvotion manifeste prcisment cettedisposition de lme que nous avons indique au dbut de cette prface comme le deuxime lment

    de la rceptivit rclame par lenseignement occulte. Elle nest autre que la conscience confuse despossibilits de pouvoir et de connaissance ouverte lhomme et linstinctive aspiration verslaccroissement de bonheur quelles rservent lindividu comme lespce.

    Le besoin de vrit qui se confond avec le besoin de libration ne saurait tre satisfait quepar un effort personnel. Il nexiste point pour lhomme de certitude par procuration. Les fondateursde religions, aussi bien que les instructeurs de tous les temps, peuvent bien montrer la voie etsoutenir le chercheur sincre dans ses premiers pas. Mais luniverselle loi de causalit, cest--direde justice, soppose ce quils transfusent en dautres les fruits de leurs efforts sculaires.

    Tout ce quil faudrait encore dire sur ce sujet se trouve renferm dans le livre qui suit et ilserait superflu, aussi bien que tmraire, de vouloir en ajoutant quelque chose cette prfaceempiter sur le domaine rserv ceux qui savent par eux-mmes. Nous navons song en crivantces quelques pages qu tenter une uvre trs modeste : celle de dissiper, sil est possible, quelquesprjugs et damener les esprits sincres prendre conscience de leur aspiration profonde vers unpeu de lumire. Nous avons essay desquisser les problmes qui se posent pour chacun au cours deson activit normale, et de trouver, pour ainsi dire, le dfaut de la cuirasse qui recouvre certainsesprits. Nous avons surtout voulu les amener savouer eux-mmes combien leur pse cettecuirasse, de prjugs, de parti pris ou dindiffrence. En senvironnant de limitations quils ontlhabitude de croire ncessaires, ils simaginent parfois se fortifier, tandis quils entravent le libre

    dveloppement de leur tre, qui seul leur apportera la vraie force et la vraie srnit.

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    PRFACE DU TRADUCTEUR 15

    La vieille maxime des sages de la Grce : Connais-toi toi-mme reste travers les gesternellement jeune comme la sagesse o elle est puise. Dans le domaine de la vie intrieure,connatre, cest prendre conscience. Comment lhomme prendrait-il intgralement conscience de

    lui-mme si davance il sest fait de son tre une conception borne au del de laquelle il ne veutpoint se connatre ? Et comment connatrait-il lunivers, sil na fait de lui-mme un instrument deconnaissance, capable de vibrer lunisson de toutes les vibrations ?

    JULES SAUERWEIN.

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    NOTE RELATIVE LA DEUXIME DITION

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    Depuis que la premire dition de la traduction franaise de linitiation a paru, M. Steiner aruni en volume les articles qui forment la matire de louvrage et qui primitivement avaient parudans la revue Lucifer-Gnosis. Il a introduit en mme temps dans son uvre une division enchapitres. Nous avons nanmoins cru pouvoir conserver dans cette deuxime dition notre propredivision en deux parties qui correspond aux habitudes du public franais, sans, au reste, scarteraucunement des intentions de lauteur.

    Quant lintroduction intitule Prliminaires dans la premire dition, nous lavonsremplace par la prface que M. Steiner a crite pour le volume allemand.

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    PRFACE DE LAUTEUR

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    Le volume que nous publions contient les articles que jai fait paratre primitivement dans larevue Lucifer-Gnosis, sous le titre : Comment acquiert-on la connaissance des mondessuprieurs ? Ce volume en renferme la premire partie : un second tome en contiendra la suite.Cette tude sur le dveloppement de lhomme la conqute des mondes supra-sensibles me paratrclamer quelques mots dintroduction, aujourdhui quelle se prsente au public sous une formenouvelle.

    Les communications relatives lvolution de lme humaine qui sy trouvent contenuespeuvent donner satisfaction des besoins divers. Elles sont en premier lieu destines aux personnesqui se sentent attires par les rsultats des investigations spirituelles et qui posent forcment laquestion suivante : Do tiennent donc leur science ces gens qui prtendent apporter une solutionaux nigmes les plus ardues ? Cest loccultisme qui fournit ces solutions. Quiconque veut observerles phnomnes qui les inspirent doit slever au niveau de la connaissance supra-sensible. Il doitparcourir le chemin que nous avons essay de dcrire dans cet ouvrage.

    Ce serait pourtant une erreur de croire que les enseignements de loccultisme sont sansvaleur pour lhomme qui ne peut ou ne veut pas parcourir lui-mme ce chemin. Pour faire desinvestigations dans ces mondes, il faut naturellement acqurir la facult dy pntrer. Mais lesrsultats de ces investigations, lorsquils sont communiqus, sont de telle nature que lon peut, sansavoir rien peru soi-mme, se convaincre de la vrit de ces communications. Il suffit pour prouverla plupart dentre elles de les juger avec son simple bon sens et sans aucune prvention. Il faut pourcela chasser les prjugs qui sont si nombreux chez tout homme. Par exemple, il ne manquera pasde gens pour trouver que telle ou telle donne occulte contredit les enseignements de la scienceactuelle, mais en vrit, il nest rien dans la science qui ne puisse saccorder avec les recherchesspirituelles. On peut facilement se laisser aller croire cette contradiction si lon ne sait pasexaminer sous toutes leurs faces les donnes scientifiques. Mais lon dcouvrira au contraire que

    plus on confronte sans prventions la science spirituelle et la science positive, plus leur accordapparat vident et complet.

    Il est vrai dire une partie des enseignements occultes qui se soustrait plus ou moins laraison. Pour apprcier sainement ce genre denseignement, il faudra se rappeler que ce nest pas laraison seule qui juge la vrit mais le sentiment spontan et sincre. Et quand ce sentiment ne selaisse garer par aucune sympathie ou antipathie pour telle ou telle opinion, mais se fait rceptif lgard des connaissances rapportes des mondes suprieurs, alors son instinct a la valeur dun

    jugement.

    Il y a encore dautres moyens pour apprcier les enseignements occultes pour les personnes

    qui ne veulent ou ne peuvent pas suivre le sentier qui conduit dans les mondes suprieurs. Cespersonnes peuvent, par exemple, trs bien prouver de quelle valeur sont ces connaissances pour laconduite de la vie, alors mme quelles les tiennent simplement de la bouche dun occultiste. Tout

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    le monde ne peut pas devenir rapidement un clairvoyant, mais les expriences des clairvoyantscomportent pour chacun un enseignement excellent et pratique, car chacun peut en trouverlapplication dans lexistence. On remarquera promptement combien la vie senrichit, grce ces

    nouvelles connaissances, dans tous les domaines, et combien elle sappauvrit pour celui qui lesnglige. Les expriences des mondes supra-sensibles bien appliques dans la vie revtent uncaractre dutilit minemment pratique.

    Sans vouloir soi-mme fouler de ses pieds le sentier suprieur de la connaissance, on peutcependant se sentir attir par les observations faites sur ce sentier et demander comment leclairvoyant slve jusqu ces observations. Pour les personnes que cette question intresse, cetouvrage prsente une description de tout ce quil faut entreprendre et raliser pour connatredirectement les mondes supra-sensibles. Le chemin qui y conduit est dcrit avec assez de dtail pourque, sans le suivre soi-mme, on puisse acqurir une relle confiance dans les rcits de ceux quilont parcouru. En se mettant ainsi au courant de toutes les obligations qui incombent au chercheurocculte, en tudiant la nature de son activit, on pourra en arriver approuver cette activit et comprendre pourquoi les enseignements occultes nous clairent sur tant de points, et ainsi cetouvrage servira ceux qui cherchent un rconfort et une scurit dans linstinct profond de vritqui les anime lgard des mondes suprieurs. Mais cet ouvrage ne sera pas moins utile ceux quicherchent eux-mmes le chemin de la connaissance supra-sensible. Ces personnes prouveront lavrit de ce que nous avanons ds quelles commenceront raliser en elle-mmes nosenseignements. Mais il sera bon de se rappeler sans cesse quici il ne suffit pas de se familiariseravec le contenu de louvrage comme cest le cas dans les autres domaines. Il faut vivreprofondment en soi-mme la discipline qui y est enseigne et, pour comprendre un pointparticulier, saider souvent des considrations relatives des points bien diffrents, et cest ainsi que

    lon parviendra la conception que lessentiel rside non dans une vrit mais dans laccord detoutes les vrits. Il faut que lon songe srieusement ce point de vue ds que lon dcide desadonner soi-mme aux exercices prescrits. Un exercice particulier peut tre bien compris etcorrectement excut et pourtant ne pas produire un rsultat correct, parce que ltudiant ngligedy adjoindre un autre exercice qui corrige le caractre trop spcial du premier et cre une harmonieintrieure. Celui qui lit cet ouvrage fond au point que cette lecture devienne pour lui comme uneexprience intrieure, non content de se familiariser avec le contenu mme en viendra prouver telou tel sentiment suivant les passages et il reconnatra quelle est limportance relative de ces diverssentiments pour lvolution de lme. Il dcouvrira aussi par lui-mme sous quelle forme approprie son individualit particulire, il devra accomplir tel ou tel exercice. Lorsque lon tudie, commecest le cas ici, des expriences qui doivent tre personnellement vcues, il est videmment

    ncessaire de recommencer sans cesse les examiner. On se convaincra vite quil en est beaucoupque lon ne saurait comprendre dune faon satisfaisante sans avoir essay de les raliser, et queseul cet essai permet de remarquer certains dtails subtils qui chappaient forcment auparavant.

    Quant aux lecteurs qui ne projettent pas de suivre le sentier que nous dcrivons, ilstrouveront dans cet ouvrage mainte rgle utile pour la vie intrieure normale, quil sagisse deprceptes ou dexplications apportes tel ou tel problme.

    Et beaucoup de personnes qui ont fait dans la vie telle ou telle exprience et qui bien desgards sont redevables lexistence dune vritable initiation, seront certainement satisfaites de voirprcises de solutions quils avaient pressenties, des connaissances quils possdaient dj sans

    avoir pu leur donner une forme stable.

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    PREMIRE PARTIE

    LE CHEMIN DE LINITIATION__________

    CHAPITRE PREMIER

    DES CARACTRES DE LA SCIENCE SPIRITUELLE

    Il existe ltat latent chez tout homme des possibilits qui en se ralisant lui permettentdacqurir la connaissance des mondes suprieurs. Le mystique, le gnostique et le thosophe parlent

    dun monde des mes et dun monde des esprits qui sont pour eux aussi rels que les objets quenotre il aperoit ou que notre main touche. En les coutant lon est en droit de se dire : Cesexpriences peuvent devenir les miennes si je dveloppe certains pouvoirs qui sommeillent encoreen moi.

    La seule question est de savoir par o il faut commencer pour amener ce rveil. Ceux-lseuls qui possdent dj ces pouvoirs peuvent donner des enseignements sur ce sujet. Depuis que legenre humain existe, il y a eu de tous temps des coles o les hommes dous de ces pouvoirssuprieurs ont donn leurs leons ceux qui aspiraient les possder. On les appelle : colesoccultes . Et lenseignement qui sy donne, se nomme enseignement occulte . Cettednomination provoque souvent un malentendu. On peut croire que les matres qui enseignent dans

    ces coles reprsentent une sorte dtres privilgis qui volontairement refusent leurs semblablesde leur communiquer leur science. Peut-tre pense-t-on aussi que, derrire cette science, il ny a riende bien srieux. On est tent dimaginer que sil sagissait l dune science vritable, on naurait nulbesoin den faire mystre et quon pourrait la livrer au public pour faire profiter lhumanit toutentire de ses bienfaits.

    Ceux qui linitiation a rvl la nature de la science occulte ne stonnent nullementdentendre les profanes raisonner ainsi. En quoi rside le ct mystrieux de linitiation ? cettequestion peuvent seuls rpondre ceux qui ont t admis participer au moins jusqu un certaindegr cette initiation mme. Puisquil en est ainsi, demandera-t-on, quel intrt peut prsenterpour un cur humain cette science occulte ? Comment et pourquoi cherchera-t-il pntrer des

    mystres dont il ne peut se reprsenter la nature ? Une semblable question rvle une ide tout faiterrone de la nature de loccultisme. En ralit, il en est de la science occulte comme de tout autresavoir ou pouvoir accessible lhomme. Cette science nest pas plus un mystre pour la moyenne

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    des hommes que lcriture nen est un pour celui qui on ne la pas enseigne. Et, de mme quepour apprendre crire, il suffit demployer les moyens appropris, de mme il suffit de choisir laroute qui conduit loccultisme pour devenir, non seulement un disciple, mais mme un matre

    dans cette science secrte.

    Une seule diffrence la spare des autres branches du savoir et de lactivit humaine. Cestque par la pauvret ou par le dfaut dducation premire, rsultant de son milieu, un homme peutse trouver dans limpossibilit dapprendre, par exemple, crire, tandis que, pour lacquisition dela connaissance et des pouvoirs dans les mondes suprieurs, il nexiste point dobstacle larecherche ardente et sincre. On simagine volontiers quil faut chercher dans un lieu prcis lesmatres de la sagesse pour recevoir leurs leons. cet gard, il est deux choses certaines : toutdabord celui qui aspire avec ardeur la connaissance ne reculera devant aucun effort, devant aucunobstacle pour chercher liniti capable de lui dcouvrir les mystres de lunivers. Dautre part, soyezpersuads que liniti saura surmonter toutes les difficults pour rencontrer le chercheur en qui ilaura constat un effort sincre et mritoire.

    Il existe en effet, parmi les initis, une loi svre qui les empche de refuser aucun hommela lumire laquelle il a le droit de prtendre. Mais une loi non moins svre leur interdit de livrerune parcelle quelconque de la science occulte ceux qui nen sont pas dignes. Et un initi estdautant plus parfait quil observe plus strictement ces deux lois. Lordre auquel appartiennent tousles initis est entour dun retranchement : ces deux lois sont le ciment qui assure la solidit de ceretranchement.

    Vous pouvez tre lintime ami dun initi : ce rempart vous sparera de lui aussi longtemps

    que vous ne serez pas initi vous-mme. Vous pouvez possder tout son cur, toute son affection :il ne vous confiera son secret que quand vous serez mr pour le recevoir. Vous pouvez le flatter,vous pouvez le torturer, rien ne pourra le dterminer vous livrer une chose quil sait ne pas devoirvous livrer parce que votre degr dvolution ne vous permet pas daccueillir cette rvlationcomme il convient.

    Les chemins que doit parcourir lhomme pour acqurir la maturit ncessaire cesrvlations sont dcrits avec prcision, ils sont ternellement tracs en lettres de feu dans lestemples o les initis conservent prcieusement ces augustes mystres. Dans les temps qui ontprcd notre histoire, ces temples taient visibles aux yeux des hommes. Aujourdhui que notre viesest loigne de toute spiritualit, la plupart dentre eux sont invisibles aux yeux. Pourtant ils

    existent partout, et quiconque les cherche peut les trouver.

    Cest dans son me seule que lhomme dcouvrira le moyen douvrir les lvres des initis.Sil dveloppe en soi certaines qualits, les trsors de la sagesse lui seront communiqus.

    Avant tout, lme doit, ds le dbut, faire preuve dune disposition fondamentale. La priodeo elle lacquiert se nomme dans le langage occulte le sentier du respect ou de la dvotion, et elleest indispensable celui qui veut devenir un tudiant de la sagesse occulte.

    Des expriences intrieures nous font savoir quelles sont les dispositions que lon remarqueds leur enfance chez ceux qui sont destins devenir plus tard des occultistes. Il existe des enfants

    qui regardent avec une sainte vnration certaines personnes ; ils prouvent pour elles un respectprofondment enracin dans leur cur qui fait taire toute pense de critique ou de contradiction.Ces enfants, quand ils sont devenus des jeunes gens ou des jeunes filles, ressentent comme un

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    bienfait davoir quelque chose respecter. Cest parmi eux que se recrutent la plupart des tudiantsde loccultisme. Vous tes-vous arrt parfois sur le seuil dun homme que vous vnrez etavez-vous, cette premire visite, ressenti comme une religieuse motion au moment de frapper

    cette porte et dentrer dans ce sanctuaire ? Vous pouvez considrer le sentiment que vous avez alorsprouv comme le germe des dispositions que doit avoir loccultiste.

    Cest un vritable bonheur pour ltre en voie de croissance de connatre ces sentiments,mais il ne faudrait pas croire que ces dispositions ont quelque rapport avec la subordination oulesclavage. Lexprience nous apprend que les hommes vraiment indpendants et fiers sont

    justement ceux qui ont appris respecter ce qui est respectable, et le respect est justifi partout o ilest issu des profondeurs du cur humain.

    Si nous ne nous pntrons de la conviction quil existe quelque chose au-dessus de nous,nous ne trouverons pas la force ncessaire pour nous lever un niveau suprieur notre niveauactuel. Liniti na pu conqurir la force de gravir les sommets de la connaissance que parce que soncur a su sabaisser dans le respect et la dvotion. On ne saurait monter jusquaux cimes de lespritquen passant par la porte de lhumilit. On ne peut parvenir la vraie science quaprs avoir appris lui rendre un culte. Certes, lhomme a le droit de regarder en face la lumire, mais ce droit il doitle conqurir. Il y a dans la vie spirituelle des lois aussi absolues que dans le monde matriel. Frottezune tige en verre avec une substance approprie, et elle acquiert le pouvoir dattirer des objets defaibles dimensions. Ce phnomne est le fait dune loi naturelle, que connat tout physicien. Demme on nignore pas, pour peu que lon connaisse les lments de loccultisme, que tout sentimentde vraie dvotion dveloppe dans lme une puissance qui doit la conduire, tt ou tard, sur le sentierde la connaissance. Celui qui a le bonheur de possder naturellement ces tendances dvotionnelles

    ou de les acqurir par une ducation approprie y trouvera, au cours de son existence, un auxiliaireprcieux quand il voudra sadonner la science occulte. Mais celui qui na pas cette prparationrencontrera des obstacles ds ses premiers pas dans le sentier de la connaissance sil nentreprendde dvelopper en lui-mme cette dvotion en simposant une discipline nergique.

    lpoque o nous vivons il est particulirement important dattirer lattention sur ce point.Notre civilisation a, en effet, un penchant critiquer, juger, dcider sur toutes choses, tandisquelle nous dtourne de la dvotion et du respect confiant. Nos enfants eux-mmes, prfrentcritiquer que dcouter avec respect. Or, toute critique, tout jugement prmatur port sur les autreschasse de lme les forces qui permettent daccder la connaissance, tandis quun mouvement derespect les dveloppe. Nous ne voulons pas faire par l le procs de notre culture, car cest

    prcisment la critique, lexamen conscient et lhabitude dprouver toutes choses pourchoisir la meilleure que nous devons les progrs de notre civilisation. Jamais lhomme ne seraitparvenu au degr de perfection actuelle dans les sciences, lindustrie, les transports ou la lgislationsil navait appliqu toute chose cet esprit de libre examen en soumettant toutes les questions auverdict de son jugement. Mais ce que nous avons ainsi gagn dans le domaine de la cultureextrieure, nous le perdons en revanche en dispositions spirituelles dans le domaine de lvolutionsuprieure.

    Il est pourtant un point dont chacun doit se rendre un compte exact : cest que lhomme quise laisse submerger par le courant de la culture contemporaine a beaucoup de peine parvenir laconnaissance des mondes suprieurs, sil ne se soumet une nergique discipline.

    Au temps o la vie matrielle tait plus simple, lessor spirituel tait moins malais. Leschoses saintes et respectables tranchaient davantage sur les choses de la vie courante. Lidal sest

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    abaiss notre poque desprit critique. Des sentiments tout autres ont pris la place du respect, de lavnration, de ladoration et de ladmiration. Ces dispositions, notre civilisation les refoule toujoursdavantage, de sorte que dans la vie quotidienne, lhomme a peu doccasions de les prouver. Celui

    qui poursuit la connaissance suprieure doit les provoquer en lui, les inoculer dans son me. Cenest point par ltude, mais bien par la vie mme que lon y parvient. Si vous voulez devenir untudiant de loccultisme, il faut dvelopper par lducation vos tendances dvotionnelles, rechercherdans votre entourage ou dans vos expriences ce qui peut vous imposer un sentiment dadmirationou de respect.

    Partout o les circonstances, partout o vos devoirs le permettent, il faut essayer de renoncer la critique et au jugement. Si, rencontrant un homme, je ne songe qu blmer ses faiblesses, je meravis moi-mme de la force spirituelle ; si je cherche avec amour pntrer ses qualits, jassimilede cette force spirituelle. Le disciple ne doit perdre aucune occasion dappliquer ce principe. Desoccultistes prouvs savent tout ce quils doivent leur habitude de considrer en toutes choses lebon ct et de diffrer prononcer leur jugement. Et cette rgle ne sapplique pas seulement lattitude extrieure elle doit rgir notre me mme. Lhomme a, sous la main, les moyens de seperfectionner lui-mme, de se transformer entirement avec le temps. Mais cette mtamorphose doitsaccomplir dans sa vie intrieure, dans sa pense. Il ne suffit pas de tmoigner du respect par notreattitude : le respect doit tre en nous.

    Aussi ltudiant doit-il commencer par faire une place la dvotion dans sa vie mentale. Ildoit bannir de sa conscience les sentiments de mpris ou de dnigrement, et sattacherparticulirement cultiver la dvotion.

    Lorsque dans le silence dune mditation paisible, nous nous appliquons chasser de notreconscience tout ce quelle renferme de critique, de dnigrement, de blme lgard de nossemblables, chacun de ces instants nous rapproche de la connaissance spirituelle. Et nousprogressons vite si dans ces moments-l nous nous pntrons de sentiments dadmiration, destimeet de respect vis--vis des choses et des hommes. Ceux qui ont lexprience de ces sujets saventbien que dans ces moments, des forces qui resteraient assoupies sveillent dans lme humaine.Lil spirituel souvre chez lhomme et peroit des objets quil ne saurait voir en temps normal. Ilcommence comprendre quil na connu auparavant quune partie de lunivers. Les hommes quilrencontre se prsentent lui sous une forme nouvelle. vrai dire ce nest pas cette discipline elleseule qui suffit pour permettre de percevoir laura humaine : il faut quune discipline encore plushaute sy ajoute. Mais pour slever jusqu ce niveau, il faut avoir nergiquement dvelopp les

    sentiments dvotionnels.

    Lentre du disciple dans le sentier de la connaissance saccomplit sans bruit, linsu detous : personne ne remarque un changement extrieur chez lui, il accomplit ses devoirs commeauparavant, il soccupe de ses affaires comme prcdemment. La transformation se passeuniquement dans son me, labri des regards. Tout dabord la disposition fondamentale de ladvotion rayonne dans toute sa vie sentimentale, et constitue le centre de sa vie intrieure. De mmeque le soleil vivifie de ses rayons tous les tres vivants, de mme chez le disciple la dvotion vivifietous les sentiments.

    Au dbut lhomme a de la peine croire que des sentiments tels que le respect ou la

    vnration aient quelque chose faire avec sa facult de connatre. Cette erreur vient de ce quonest gnralement enclin considrer la connaissance comme une facult en soi, indpendante detous les autres lments de la vie intrieure. On ne songe point que cest prcisment dans lme

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    que rside cette facult de connatre et que les sentiments sont pour lme ce que les aliments sontpour le corps. Si lon donne au corps des pierres manger au lieu de pain, son activit meurt. Il enest de mme pour lme. Le respect, lestime et la dvotion sont des substances qui la nourrissent,

    qui la rendent saine et vigoureuse, et par-dessus tout vigoureuse dans sa facult de connatre. Aucontraire, le mpris, lantipathie, le ddain vis--vis des choses respectables ont pour effet deparalyser et de dsagrger les pouvoirs de la connaissance.

    Loccultiste peut vrifier ce fait par lexamen de laura humaine. Lassimilation desentiments de respect et de dvotion provoque un changement dans laura. Certains lments teintsde rouge tirant sur le jaune ou sur le brun disparaissent et sont remplacs par des rouges nuancs debleu. Par suite, le rayon de la perception stend, elle est impressionne par des objets environnantsdont elle navait prcdemment aucune notion ; car la dvotion veille dans lme une forcesympathique capable dexercer une attraction sur certaines qualits des tres environnants, qualitsqui, autrement, demeureraient caches.

    Les effets de la dvotion sont encore plus actifs, si un autre ordre de sentiments vient syajouter : il sagit pour lhomme de ne plus se livrer, dans une mesure aussi large, aux impressionsdu monde extrieur, mais de dvelopper, par contre, en soi-mme une vie intrieure plus active. Unhomme toujours la poursuite de sensations nouvelles, la recherche de divertissements, ne sauraittrouver le chemin de la science occulte. On ne demande pas au disciple de devenir insensible aumonde extrieur, mais il faut que sa vie intrieure prdomine, et lui serve de directrice quand il selivre aux sensations extrieures. Par exemple, un homme dont lme est enrichie de sentimentscultivs par lui prouve tout autre chose en contemplant un beau paysage que lhomme dont la vieintrieure est indigente. Lun fait un voyage en mer, sans ressentir autre chose que de trs rares

    impressions. Un autre sa place entendra la parole de lesprit universel et les nigmes de la crationse dvoileront pour lui. Il faut avoir appris faire tat de ses sentiments et reprsentationspersonnelles, si lon veut tablir entre lme et le monde extrieur des relations fcondes. Le mondeextrieur, dans tous ses phnomnes, dborde dune beaut divine, mais il faut avoir connu en soi ledivin par une exprience vcue pour le dcouvrir dans son entourage.

    Ltudiant devra sattacher se rserver des moments de calme et de solitude pour seplonger dans la rflexion. Mais ces instants ne seront pas consacrs ses affaires personnelles, cequi aurait des effets contraires ce quil doit chercher. Il doit dans ses mditations laisser librementrsonner en lui lcho de ses expriences passes et des impressions reues du monde extrieur.Fleurs, animaux, actions, toutes choses lui dvoileront dans le silence des secrets insouponns. Et

    de la sorte, il se prpare accueillir les sensations futures que lui rserve lunivers avec desdispositions toutes nouvelles. Celui qui, dans le dfil ininterrompu des sensations ne recherche quela jouissance passagre voit ses pouvoirs de connatre smousser progressivement. Il faut quilsaccoutume ne pas seulement revivre par la pense la sensation de jouissance elle-mme, maissurtout faire fructifier par son activit intrieure le contenu de la jouissance, en vitant derechercher dans ce travail une simple prolongation de son plaisir.

    Il y a la un grave et prilleux cueil, cest quau lieu de travailler rellement sur soi-mmeon tente au contraire dpuiser aprs coup la jouissance passe. Il ne faut pas dissimuler quil existel pour ltudiant des sources derreurs perte de vue. Il faut quil aille son chemin au travers detentations multiples. Tout conspire endurcir son moi, le renfermer en lui-mme, et il doit, au

    contraire, louvrir largement aux forces universelles. Il a le devoir de rechercher la jouissance, carelle peut seule lunir au monde extrieur. Si son me smousse et se ferme la jouissance, elle estcomme une plante impuissante tirer de son entourage les sucs nourriciers. Sil en reste la

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    jouissance, il se confine en lui-mme. Il agit pour soi, lcart des forces universelles. Si intensesque puissent tre sa vie intrieure et sa culture du moi, il sest spar du monde. Il est mort pour lemonde.

    Ltudiant de loccultisme considre la jouissance comme un moyen dennoblissement envue de lvolution universelle. La jouissance est pour lui un instructeur, dont il reoit lesenseignements : aprs avoir reu ses leons, il marche en avant dans la voie du progrs, par la

    jouissance vers le travail. Il apprend, non pour entasser ses connaissances comme un trsor, maispour les mettre au service de lunivers.

    Il existe dans toute forme de loccultisme un principe que nul ne doit transgresser sil veutaboutir un rsultat. Le matre doit en pntrer llve quil guide. Il est ainsi conu : Touteconnaissance recherche avec le but unique daugmenter et denrichir le trsor de tes connaissancespersonnelles, tloigne de la voie ; mais toute connaissance que tu recherches pour accomplir untravail au service de lhumanit et de lvolution universelle, te porte un pas en avant.

    Cette loi doit tre strictement observe. On ne peut se regarder comme un vritable tudiantavant davoir fait de cette loi la directrice de son existence. Dans beaucoup dcoles, cette vritprend la forme de laxiome suivant : Toute ide qui ne devient pas idal tue en ton me une force ;toute ide qui devient idal suscite en toi une force vive.

    Les premiers enseignements communiqus au disciple ont pour objet le sentier de ladvotion et le dveloppement de vie intrieure. Ces rgles pratiques nont rien darbitraire, ellessont fondes sur des expriences et sur un savoir qui remonte la plus haute antiquit, elles revtent

    la mme forme partout o elles sont donnes par des matres qui connaissent les chemins de lascience suprieure. Tous les matres dignes de ce nom sont dans un parfait accord en ce quiconcerne le contenu de ces prescriptions, alors mme quils se serviraient parfois de motsdiffrents : les dissemblances tout fait secondaires et purement apparentes que lon croit dcouvrirentre leurs leons sont dues des causes dont nous navons pas parler ici.

    Il nest point de vrais matres en occultisme qui veuillent par ces rgles arriver exercer unedomination tyrannique sur les autres hommes ou restreindre, si peu que ce soit, le libre arbitre dequiconque. Car