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59 Stevie-G : le son de l authentique Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les guita- res et basses Stevie-G ? Comment sont-elles nées ? Je suis un musicien amateur, bassiste en particulier. Adolescent, j’ai joué dans plusieurs groupes, puis, j’ai toujours continué la musique en parallèle de mon métier. Je me suis assez rapidement rendu compte que les instruments que j’achetais ne me correspon- daient jamais tout à fait tant au niveau du son que de l’esthétique. J’ai alors commencé à personnaliser mes basses. C’est notamment le design des années 50 et 60 qui m’a inspiré : j’aime l’esthétique industrielle, les voitures de cette époque et leurs couleurs par- ticulières et, bien sûr, les basses Fender. Un jour, j’ai eu l’idée d’acheter des pièces détachées d’époque sur eBay pour monter moi-même ma basse. Une fois celle-ci terminée, je l’ai vendue pour avoir les moyens d’en assembler une autre, et ainsi de suite… En fait, je me suis aperçu que j’avais autant, voire plus, de plaisir à fabriquer mes instruments qu’à les jouer. J’aime travailler de mes mains tout simplement. Il y a deux ans, j’ai donc décidé d’essayer de vivre de cette passion et de proposer mes services en fabri- quant des répliques de guitares et basses Fender à la demande. Les instruments Stevie-G étaient nés… Justement, pourquoi créer plus spécifiquement des répliques de Fender ? Et pourquoi préférer celles des premières années de la marque ? Les basses Fender restent, pour moi, en tant que bassiste, une référence. C’est Léo Fender qui a com- mercialisé la première basse électrique, la Precision Bass, puis la Jazz Bass, ma basse de prédilection. Aujourd’hui encore, une grande majorité de bassis- tes jouent avec une Fender, preuve de leur qualité. Et à mon sens, ce sont les guitares des premières années Fender qui ont le plus d’intérêt. J’ai eu la chance d’essayer quelques basses de cette époque : elles sont fondamentalement différentes des séries que l’on trouve aujourd’hui dans le commerce. La sensation est tellement organique, le son tellement envoûtant… Sans vouloir être passéiste, c’est un peu comme écouter un vinyle et un MP3 : le plaisir n’est pas le même. Malheureusement, ces instruments vin- tage sont aujourd’hui devenus très chers et souvent inaccessibles sur le marché de l’occasion. Qu’est-ce qui fait la particularité de vos instruments ? Elle est déjà dans la volonté d’être le plus fidèle pos- sible aux demandes qui me sont faites, et ce, dans Passionné ! C’est bien le premier mot qui vient à l’esprit lorsque l’on rencontre pour la première fois Stéphane Sandrin, seul au commande de Stevie-G. Féru des premières guitares et basses électriques Fender et véritable encyclopédie vivante, ce musicien fabrique et commercialise de très belles répliques de la mythique marque. Dans son atelier, loin des usines d’où sortent à la chaîne les guitares d’aujourd’hui, cet artisan auto- didacte fabrique ses instruments sur mesure en respectant la tradition des fifties : il ponce, peint et assemble les pièces à la main en portant une attention toute particulière à chaque étape du montage. En moins de deux ans, il a su se faire reconnaître et apprécier des musiciens amateurs ou professionnels pour la qualité de ses guitares et de ses basses au son si authentique. Qu’on soit musicien ou pas, difficile de ne pas être séduit par la démarche et la philosophie de ce passionné. Rencontre. fabriquer fabriquer 58

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Stevie-G : le son de l authentique

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les guita-res et basses Stevie-G ? Comment sont-elles nées ?Je suis un musicien amateur, bassiste en particulier. Adolescent, j’ai joué dans plusieurs groupes, puis, j’ai toujours continué la musique en parallèle de mon métier. Je me suis assez rapidement rendu compte que les instruments que j’achetais ne me correspon-daient jamais tout à fait tant au niveau du son que de l’esthétique. J’ai alors commencé à personnaliser mes basses. C’est notamment le design des années 50 et 60 qui m’a inspiré : j’aime l’esthétique industrielle, les voitures de cette époque et leurs couleurs par-ticulières et, bien sûr, les basses Fender. Un jour, j’ai eu l’idée d’acheter des pièces détachées d’époque sur eBay pour monter moi-même ma basse. Une fois celle-ci terminée, je l’ai vendue pour avoir les moyens d’en assembler une autre, et ainsi de suite… En fait, je me suis aperçu que j’avais autant, voire plus, de plaisir à fabriquer mes instruments qu’à les jouer. J’aime travailler de mes mains tout simplement. Il y a deux ans, j’ai donc décidé d’essayer de vivre de cette passion et de proposer mes services en fabri-quant des répliques de guitares et basses Fender à la demande. Les instruments Stevie-G étaient nés…

Justement, pourquoi créer plus spécifiquement des répliques de Fender ? Et pourquoi préférer celles des premières années de la marque ?Les basses Fender restent, pour moi, en tant que bassiste, une référence. C’est Léo Fender qui a com-mercialisé la première basse électrique, la Precision Bass, puis la Jazz Bass, ma basse de prédilection. Aujourd’hui encore, une grande majorité de bassis-tes jouent avec une Fender, preuve de leur qualité. Et à mon sens, ce sont les guitares des premières années Fender qui ont le plus d’intérêt. J’ai eu la chance d’essayer quelques basses de cette époque : elles sont fondamentalement différentes des séries que l’on trouve aujourd’hui dans le commerce. La sensation est tellement organique, le son tellement envoûtant… Sans vouloir être passéiste, c’est un peu comme écouter un vinyle et un MP3 : le plaisir n’est pas le même. Malheureusement, ces instruments vin-tage sont aujourd’hui devenus très chers et souvent inaccessibles sur le marché de l’occasion.

Qu’est-ce qui fait la particularité de vos instruments ?Elle est déjà dans la volonté d’être le plus fidèle pos-sible aux demandes qui me sont faites, et ce, dans

Passionné ! C’est bien le premier mot qui vient à l’esprit lorsque l’on rencontre pour la première fois Stéphane Sandrin, seul au commande de Stevie-G. Féru des premières guitares et basses électriques Fender et véritable encyclopédie vivante, ce musicien fabrique et commercialise de très belles répliques de la mythique marque. Dans son atelier, loin des usines d’où sortent à la chaîne les guitares d’aujourd’hui, cet artisan auto-didacte fabrique ses instruments sur mesure en respectant la tradition des fifties : il ponce, peint et assemble les pièces à la main en portant une attention toute particulière à chaque étape du montage. En moins de deux ans, il a su se faire reconnaître et apprécier des musiciens amateurs ou professionnels pour la qualité de ses guitares et de ses basses au son si authentique.Qu’on soit musicien ou pas, difficile de ne pas être séduit par la démarche et la philosophie de ce passionné. Rencontre.

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les moindre détails. Je simule même l’usure du temps pour leur donner un côté plus authentique. Je passe aussi beaucoup de temps en amont à conseiller les musiciens et à réfléchir avec eux à la conception de leur instrument. Mais je crois que ma valeur ajoutée est surtout dans la qualité que je porte au choix de chaque composant qui constitue mes guitares et mes basses : le bois du corps, le manche, l’accastillage [NDLR : ensemble des pièces métalliques d’un instru-ment.], les micros, etc. Même s’ils sont plus chers, je ne néglige aucun d’entre eux afin que l’instrument reste intègre et sonne comme il se doit. Et je dois dire qu’à chaque fois que je branche pour la pre-mière fois un instrument tout juste terminé, la magie opère… Cela n’a rien à voir avec le fait d’essayer une nouvelle guitare ou une nouvelle basse dans un magasin.

A l’heure où beaucoup de marques de guitares pro-duisent à la chaîne et sous-traitent la fabrication en Asie, vous produisez seul et à la commande. Votre démarche s’inscrit-elle plus globalement contre une certaine dérive de notre époque qui privilégie la rentabilité au détriment de la qualité ?Oui, bien sûr. Même si je n’en fais pas un combat, j’agis dans ce sens à mon tout petit niveau. Certes, je pourrais vendre plus d’instruments en les propo-sant à des prix plus abordables mais il faudrait que je rogne sur tous les composants comme le font beaucoup de fabricants. Certains font réaliser leurs pièces en Asie pour une question de rentabilité mais, personnellement, je ne veux pas rentrer dans cette logique marchande. Il est essentiel pour moi de ne produire que des instruments avec des composants de qualité.J’ai eu l’occasion de voir des vidéos sur les usines actuelles de quelques fabricants et je constate que la lutherie a disparu : les bois sont découpés par des scies automatiques et tout est assemblé à la chaîne. Certaines de ces usines sortent des centaines de guitares par jour, la qualité s’en ressent forcément…

Comme vous le précisez sur votre site Internet, vous n’êtes pas luthier. Mais comment avez-vous acquis ce savoir-faire ?Un luthier choisit son bois, le découpe, ce qui n’est pas mon cas. Je fais essentiellement de l’assemblage. Ma valeur ajoutée se situe sur tout au niveau du choix des composants, de la qualité du montage, de la finition et des réglages. J’ai appris ce savoir-faire seul, à force de travail. En faisant des erreurs aussi. A multiplier les réalisations, j’ai acquis une bonne expérience si bien qu’aujourd’hui, à chaque nouveau

projet, je sais comment je vais le mener. Je ne suis plus confronté à des limites techniques même lors-que l’on me demande, par exemple, des couleurs de peintures exotiques comme le violet d’une des basses de Prince.

Certaines de vos réalisations sont en effet des copies exactes de basses ou de guitares de musi-ciens célèbres (Sting, Frusciante, etc.) avec même les traces d’usure. Comment procédez-vous pour obtenir un rendu aussi proche des originales ?Je me suis constitué une base de données et d’ima-ges par instrument, par année, par type d’usures, etc. Je m’y réfère très souvent car le but du jeu est pour moi d’être crédible.Les musiciens avec lesquels je travaille m’envoient aussi des photos. Par exemple, pour la copie de la basse de Sting, dont je suis assez fier, j’ai reçu près de 500 photos et captures d’écran de concert afin de la reproduire dans les moindres détails. J’y ai passé du temps mais c’est aussi cela qui me passionne.

Vous reproche-t-on de faire de la contrefaçon ?Il n’est pas interdit de réaliser des copies et je ne suis pas le seul à en faire. En tout cas, ce n’est pas de la contrefaçon car toutes les pièces que j’utilise sont sous licence Fender. La question se pose lorsque l’on me demande, pour être au plus proche de l’originale, d’apposer un logo Fender sur une guitare. Même si pour moi, c’est plus un hommage qui fait que l’on se rappellerait toujours de la référence, je me l’interdis. Mais je signe tous mes instruments du logo Stevie-G, ce qui les différencie et les rend identifiables aussi.

Comment êtes-vous organisé en terme de produc-tion ? D’où viennent les pièces qui composent vos guitares et basses et comment les choisissez-vous ?J’ai rarement du stock car je commande mes pièces selon mes besoins. A part pour les micros, je me fournis exclusivement aux Etats-Unis, tout simple-ment parce que les guitares Fender sont à l’origine américaines. C’est là-bas que je peux retrouver des pièces détachées de qualité afin de réaliser des gui-tares authentiques. On trouve, par exemple, aux Etats-Unis, des essences de bois de grande qualité, très légères, qui sont parfaites pour ce genre d’instru-ments. J’ai, d’ailleurs, un très bon fournisseur de corps et de manches. Je lui fais une confiance quasi-aveu-gle. Au niveau de la résonance, c’est toujours parfait. J’utilise aussi des vernis nitrocellulosiques comme à l’époque pour les finitions : ils sont plus fragiles mais laissent davantage respirer le bois et offrent un meilleur rendu. Pour les micros, les musiciens ont

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parfois leur marque favorite. Personnellement, j’aime installer sur mes instruments les micros de la mar-que Hepcat Pickups du Français Stéphane Beaussard. On partage tous les deux la même philosophie et cette même passion de reprendre les recettes qui étaient si bonnes et qui ont été abandonnées pour des questions commerciales. Il bobine les micros comme dans les années 50 et s’est même rendu aux Etats-Unis pour retrouver le fournisseur du cuivre qui était utilisé à l’époque !

Combien de temps vous faut-il pour monter une basse ou une guitare ?Etant donné que j’achète mes pièces détachées aux Etats-Unis, il faut compter environ deux mois entre la commande et la livraison d’un instrument standard, bien qu’il n’existe pas deux commandes identiques. Disons trois mois au maximum dans le cas de demandes spécifiques.

Et quel est le prix moyen d’une guitare Stevie-G ?Le prix d’une basse ou d’une guitare est d’environ 1300 euros. Il peut varier en fonction des options choisies : un manche en ébène ou une couleur origi-nale qui nécessitera plus de travail et de recherches, cela aura une conséquence sur le tarif final. En fait, 1300 euros, c’est le prix d’une Fender américaine

neuve montée en série et qui n’aura donc pas béné-ficié des mêmes attentions.

Combien de guitares et basses avez-vous conçu jusqu’à aujourd’hui ?J’en ai réalisé plus de soixante en deux ans. Et j’en ai cinq actuellement en cours. J’ai la chance de bénéfi-cier d’un bon bouche à oreille.

La conception de basses et de guitares constitue-t-elle aujourd’hui votre métier à plein temps ?Non mais j’aimerais bien. Je suis graphiste de forma-tion. Après avoir travaillé en agence, je suis devenu indépendant il y a dix ans et je travaille essentiel-lement pour des musées. Mais ce métier ne me satisfait plus comme avant, peut-être parce qu’il est moins considéré aussi. Je préfère désormais réaliser des guitares. Cette activité a d’ailleurs pris le pas sur mon premier métier et occupe plus de 70% de mon temps.

Pour un guitariste, c’est un rêve de faire réaliser sa guitare sur mesure ou de détenir une réplique de son musicien préféré. Est-ce une satisfaction parti-culière pour vous de concrétiser ces rêves ?C’est tout à fait ça ! Et je suis ravi lorsqu’un musi-cien me recontacte pour me dire à quel point il est

satisfait de son instrument. J’éprouve aussi un plaisir particulier à relever les challenges que l’on me pro-pose. J’ai réalisé il y a quelques mois une copie d’une guitare Stratocaster de 1954 - un millésime très particulier de ce modèle - dans toute ses caracté-ristiques : boutons, caches micros, manche, etc. C’est une guitare qui m’a demandé beaucoup de travail, mais quelle satisfaction au final !

Quel est l’avenir de Stevie-G ?Je ferai un bilan à la fin de l’année. L’idéal serait de trouver un atelier plus grand où je pourrais entre autres exposer quelques modèles et donner la pos-sibilité de les essayer. Quant à ma structure, pour le moment, elle me convient parfaitement, d’autant plus que j’aime tout faire, pouvoir tout gérer et

rester autonome. En parallèle, je commence à réflé-chir aussi à une ligne d’instruments beaucoup plus personnels.

Y a-t-il un instrument que vous avez réalisé dont vous êtes particulièrement fier ?Pas spécialement… Enfin, si. Peut-être quatre ou cinq qui sortiraient du lot dont une Jazz Bass qui a été essayée à deux reprises par un bassiste professionnel reconnu. Il possède deux Fender originales des pre-mières années et il a été, semble-t-il, assez bluffé !

Léo Fender, électronicien de formation et spécialisé dans la réparation de postes de radio,

eut l’idée, dans les années 1940, de placer des micros électromagnétiques sur une guitare ayant un corps en bois plein. Séduit par le son brillant et cristallin de son invention, il décida de fabriquer quelques prototypes qui furent rapidement appréciés des musiciens de l’époque. Avec l’aide de Clayton Kaufmann, il crée alors l’entreprise Fender et commence à produire des guitares en petites séries dont la Telecaster qui sort en1950. C’est leur premier gros succès. En 1954, Fender lance la mythi-que Stratocaster qui adopte une forme avant-gardiste pour l’époque. Elle sera popularisée par des guitaristes comme Jimi Hendrix, David Gilmour (Pink Floyd) ou plus tard, Eric Clapton. En parallèle, en 1951, Léo Fender commercialise la première basse électrique, la Precision Bass, créée pour pallier au manque de puissance de la contrebasse dans la musique country et le rock’n roll. En 1960, sort la Jazz Bass. Ces deux instruments sont, depuis, omniprésents dans tous les styles de musique. Au début des années 70, CBS rachète la société Fender. Le géant de la télévision décide de produire en masse ses instruments. Pour améliorer la rentabilité, il fait le choix de baisser la qualité des matériaux utilisés. Léo Fender s’y oppose et quitte le groupe. Fender est aujourd’hui l’une des firmes les plus connues sur le marché de la guitare, de la basse et de l’amplifica-teur. L’entreprise possède plusieurs filiales d’instruments en Asie et au Mexique bien que le haut de gamme reste « made in USA ». Les guitares Fender demeurent une référence mais la marque est aujourd’hui souvent criti-quée par les musiciens qui lui reprochent de peu innover et de jouer sur sa notoriété et son histoire pour vendre des instruments parfois chers au vu de leur qualité.

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En savoir plus sur Stevie-GSon site : stevie-g.fr