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Stockage d'énergie pour la production de froid – Notes de cours N°1 Avant propos Le cours présenté ci-dessous regroupe un ensemble de notes que j'ai prises pour sa préparation basées sur un certain nombre de sources citées en annexe qui retracent ce qui vous a été présenté et précise certains points, les sources sont anoncées par [#]. Il vous dresse un premier panorama des différentes problématiques posées par le stockage d'énergie pour la production de froid. I. Introduction L'électricité est l'un des principaux vecteurs d'utilisation de l'énergie. La principale source de production d'électricité reste à l'heure actuelle les combustibles fossiles (voir tableau 1) avec près de 70%. tableau 1. Consommation d'électricité dans le monde [1] A titre d'information, il est présenté sur la figure 1 les différentes pertes sur la totalité de la production/distribution d'électricité à partir d'énergie fossile : près de 70% de pertes à la combustion, approximativement 4% sur le réseau et 28% à l'utilisation. F. Trinquet 1 Source : Le stockage de froid appliqué à la climatisation et aux centrales frigorifiques – Jean PATRY -

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Stockage d'énergie pour la production de froid – Notes de cours N°1

Avant propos

Le cours présenté ci-dessous regroupe un ensemble de notes que j'ai prises pour sa préparation basées sur un certain nombre de sources citées en annexe qui retracent ce qui vous a été présenté et précise certains points, les sources sont anoncées par [#]. Il vous dresse un premier panorama des différentes problématiques posées par le stockage d'énergie pour la production de froid.

I. Introduction

L'électricité est l'un des principaux vecteurs d'utilisation de l'énergie. La principale source de production d'électricité reste à l'heure actuelle les combustibles fossiles (voir tableau 1) avec près de 70%.

tableau 1. Consommation d'électricité dans le monde [1]

A titre d'information, il est présenté sur la figure 1 les différentes pertes sur la totalité de la production/distribution d'électricité à partir d'énergie fossile : près de 70% de pertes à la combustion, approximativement 4% sur le réseau et 28% à l'utilisation.

F. Trinquet 1

Source : Le stockage de froid appliqué à la climatisation et aux centrales frigorifiques – Jean PATRY -

figure 1. Production d'électricité et bilan énergétique - [1]

Sur l'ensemble de cette production d'énergie électrique 15% est consacrée à la production de froid [#]: ce qui représente un secteur non négligeable à travers lequel un certain nombre d'efforts sont attendus en terme de maîtrise d'énergie.

L'électricité présente un grand nombre d'avantages, qui la rendre de fait une source d'énergie confortable d'utilisation :

- elle peut-être produite à partir de multiples sources primaires fossiles et non-fossiles.

- elle peut être transportable en grande quantité et sur de grandes distances.- elle est convertible dans les principales formes d'énergie mécanique, chimique

et thermique.

Néanmoins elle présente un inconvénient majeur : elle ne peut pas être stockée à moins de la retransformer en énergie mécanique, chimique ou thermique.

Pour produire du froid au moment désiré l'être humain à commencer par le stocker. Ceci n'était pas possible dans n'importe quelle zone géographique : dans les pays tempérés le stockage était possible puisque des saisons très froides laissaient la place à des saisons plus chaudes.

Le matériau majoritairement utilisé pour le stockage d'énergie thermique associé à la production de froid a été la glace, et cei pour 4 raisons essentielle :

– Son abondance et sa gratuité– Sa non toxicité– Sa température relativement satisfaisante pour conserver des aliments– Sa forte enthalpie de changement d'état

F. Trinquet 2

Source : Le stockage de froid appliqué à la climatisation et aux centrales frigorif iques – Jean PATRY - 2007

La conservation de la glace s'effectuait dans des endroits adéquats : la multitude de « puits à glace » en Europe temoignent de l'essor de ces techniques et surtout de leur utilité. A ce titre, certains de ces « puits » avaient des dimensions importantes à l'image des puits de Brignoles (France) qui, avec leurs 6000 m3, permettaient d'alimenter les marchés de Marseille, de Toulon et d'Aubagne avec des produits conservés au froid. La figure 2 nous donne un aperçu des dimensions importantes de ce type de puits.

L'utilisation de ces « puits » a périclité à la fin du XIXè siècle, avec l'apparition et la montée en puissance des machines frigorifiques :

– En 1851 : Première machine à fabriquer la glace – John Gorrie (USA)– En 1860 : Premier réfrigérant mécanique – Fernand Carré (France)

Le XXè siècle a vu le développement incessant des machines frigorifiques et notament de leur dimensionnement, comme l'illustre la figure 3.

F. Trinquet 3

figure 2: La glacière de Pivaut - Var

Ø = 20m et H = 25m

figure 3: Accroissement du ratio puissance thermique/masse de cuivre des évaporateurs à tubes et calandre dans les applications du génie frigorifique et

climatique- [4]

La production de froid interagit avec un certain nombre de domaines d'application et principalement ceux cités ci-après :

– l'agroalimentaire : conservation des aliments;– Conservation des produits pharmaceutiques;– la climatisation.

Le domaine du froid auquel nous allons nous intéressé couvre une gamme de température allant de -40°C à +20°C.

Différents protocoles (Kyoto, Montréal) cherchent à limiter l'émission de gaz à effet de serre (GES), en conséquence de quoi, un certain nombre de recherches s'orientent vers des solutions inovantes en terme de maîtrise de l'énergie. Nous allons voir pourquoi les recherches sur le stockage d'énergie pour la production de froid contribuent à leur échelle à apporter des réponses à cette problématique.

II. Stockages d'énergie

1. Généralités

Les différentes formes de stockage d'énergie sont les suivantes :

– Chimique (Piles)– Mécanique (Pompage de l'eau)– Thermique

Le principe du stockage d'énergie peut s'énoncer comme suit : « Accumuler de l'énergie lorsqu'elle est abondante et la restituer lorsqu'elle devient rare ».

Avant de passer au stockage d'énergie thermique citons un exemple de développement potentiel du stockage d'énergie mécanique. Mises à part quelques « niches » asiatiques spécifiques, le potentiel hydroélectrique planétaire est quasi épuisé. Le projet Searev, porté par le programme Énergie du CNRS, cherche à utiliser la force engendrée par la houle sur un

F. Trinquet 4

figure 4: Searev - Laboratoire de Mécanique des Fluides de l'École Centrale

de Nantes

pendule (400 tonnes) incorporé dans une bouée, voir figure 4. Le Searev, dans des conditions d'utilisation favorables (houle convenable), est capable de délivrer une puissance comprise entre 500 kW et 700 kW ce qui permettrait de répondre aux besoin en électricité de 200 foyers par an.

2. Stockage d'énergie thermique

L’utilisation différée de l’énergie est l’idée commune qui vient à l’esprit dès que l’on parle de stockage. Dans la pratique, on peut alors réaliser cette opération par chaleur sensible ou par chaleur latente. A ce titre, on rappellera ici les principales différences entre ces deux modes de stockage :

– le stockage en chaleur sensible consiste à accumuler de l’énergie thermique dans un corps par accroissement de sa température sans changement d’état. La quantité d’énergie stockée est alors directement proportionnelle à la variation de température et à la quantité de matière concernée. Le coefficient de proportionnalité est la capacité calorifique Cp en J/(kg K).

– le stockage par chaleur latente consiste à exploiter la quantité d’énergie engagée lors du changement d’état d’un corps. La règle des phases implique qu’à pression atmosphérique et pour un corps pur, ce changement d’état se produit à température constante.

Les principales différences entre les deux modes de stockage tiennent au caractère isotherme et aux très fortes capacités de stockage du latent devant le sensible.

2.1. Chaleur sensible

A pression constante, si l'on réchauffe un corps (généralement liquide ou solide) de masse m et de capacité thermique massique c p T de la température initiale T 1 à la température T 2 on peut stocker une énergie donnée par sa variation d'enthalpie :

H 2−H 1 =∫T 1

T 2

mc pT dT

En supposant c p T =cste on obtient la relation suivante :

H 2−H 1 =mc p.T 2−T 1

2.2. Chaleur latente

Supposons que ce corps soit à T 1 un solide pur, de masse m ayant une température de fusion T F telle que T 1T FT 2 . L'énergie stockée serait donnée, à pression constante, par la variation d'enthalpie suivante :

H 2−H 1 =∫T 1

T F

mc ps T dTmL∫

T F

T 2

mc pl T dT

F. Trinquet 5

Avec c ps T et c p

l T : Capacités thermiques massiques respectivement solide et liquide du corps considéré (J/kg/K)

L : Chaleur latente de fusion

En supposant c ps T et c p

l T constantes nous obtenons :

H 2−H 1 =mc ps T F−T 1mLmc p

l T 2−T F

Les principales différences entre les deux modes de stockage tiennent au caractère isotherme et aux très fortes capacités de stockage du latent devant le sensible.

A titre d'exemple : la quantité d'énergie absorbée par 1 kg de glace correspond à la quantité d'énergie à fournir à 1 kg d'eau liquide pour passer de 0°C à 80°C.

3. Stockage et revalorisation en puissance

Prenons un exemple de stockage simple, voir figures 5 et 6, représentant la consommation journalière d'un hôpital.

F. Trinquet 6

figure 5: Consommation journalière d'un hôpital

figure 6: Consommation journalière d'un hôpital avec stockage d'énergie

Il s'agit de stocker l'énergie lorsque la demande en puissance est faible et de la restituer lorsque les sollicitations en puissance augmentent. Ce principe qui s'appuie sur une variation de la demande en terme de puissance présente de nombreux avantages :

– Dimensionnement du groupe de production de froid : diminution de la puissance installée

– Autonomie– Écrêtement : stabilisation des conditions de fonctionnement

Néanmoins, un simple bilan sur les quantités de matériau nécessaire à stocker l'énergie permettant de couvrir les besoins énergétiques n'est pas suffisant pour quantifier qualitivement l'énergie disponible par unité de temps : la revalorisation en puissance consiste à utiliser le stockage à un niveau de puissance supérieur au niveau de puissance de la phase d’exploitation de la source (voir figures 5 et 6).

A ce titre, les Matériaux à Changement de Phase (MCP) ne sont pas en eux-mêmes de bons matériaux puisque leur conductivité thermique est faible. La résistance thermique qui s’accumule entre la surface externe d’échange et le front de changement d’état devient rapidement majoritaire, limitant la puissance thermique et lui conférant un comportement décroissant.

La puissance de stockage/restitution est donc intrinsèquement limitée par la surface spécifique d’échange entre le matériau de stockage et le fluide de transfert. Cependant, l’offre industrielle récente de MCP micro-encapsulés (à forte surface d’échange spécifique) ou de composites conducteurs permet de repousser ses limitations et d’envisager la revalorisation en puissance. On observe ainsi depuis quelques décennies l’accroissement du nombre d’études dédiées à ce type d’applications, voir figures 7 et 8.

F. Trinquet 7

figure 7: Fibres textiles en coupe contenant des micronodules de MCP

(source Outlast)- [3]

figure 8: Microcapsules de paraffines BASF- [3]

III. Mesures calorimétriques et principales caractéristiques du changement de phase (solide/liquide).

Nous avons vu précédemment que les principales caractéristiques qui vont déterminer notre choix de Matériau à Changement de Phase sont sa température de fusion et sa chaleur latente de changement d'état.

Il est présenté dans cette partie une des méthodes de détermination de ces grandeurs physiques classée dans les méthodes calorimétriques directes.

1. Rappels, définition de la capacité thermique

Nous présentons sur la figure 7 le thermogramme en fonction du temps d'un corps changeant d'état soumis à une température extérieure constante.

figure 9: Thermogramme d'un corps changeant d'état (solide->liquide)

Ce changement d'état est caractérisé par un palier correspondant à la température de fusion (solide->liquide).

Si l'on provoque l'échauffement d'un système d'une température T à une température voisine TdT , la variation d'énergie interne correspondante dU est liée à la chaleur échangée Q par :

dU=Q− pe dV

Dans le cas qui nous intéresse, l'étude de phases solide et/ou liquide, la capacité thermique prise en compte est généralement celle obtenue à pression constante. En introduisant la fonction enthalpie H on obtient :

H /T p dT=Q p=C p dT

Avec C p : Capacité thermique à pressionConstante en J/K

Attention ne pas confondre capacité thermique massique (notée petit c) et capacité thermique.

F. Trinquet 8

2. Analyse calorimétrique différentielle (ACD)

Ce type d'analyse calorimétrique est très répandue, nous nous attacherons à une présentation générale. Le terme anglosaxon pour désigner cet outil est DSC (Differential Scanning Calorimetry).

Dans ce type de calorimètre, l’élément de détection essentiel est un fluxmètre, constitué d’une série de thermocouples. Ce fluxmètre relie thermiquement la cellule calorimétrique à son environnement, de telle sorte que la température de l’ensemble tend à devenir uniforme dans le temps. Le signal fourni par le fluxmètre est proportionnel au débit de chaleur transférée de la cellule de mesure vers l’extérieur.

Dans le montage différentiel (figure 10), la cellule de mesure est couplée thermiquement avec une cellule de référence, les fluxmètres sont disposés de manière à minimiser l’influence des perturbations du bloc calorimétrique. Le signal calorimétrique S est prélevé après couplage des thermopiles comme indiqué sur la figure.

2.1. Mesure des capacités thermiques par ACD

Les appareils d’ACD enregistrent un signal directement lié à la puissance thermiquew fournie à une cellule de mesure lors d’une modification de son équilibre thermique ; une

variation programmée de la température de celle-ci en fonction du temps ( dT /dt ) génère un signal S t proportionnel à l’énergie échangée par la cellule et le milieu extérieur. En programmant une vitesse de chauffage dT /dt et en enregistrant à chaque instant la puissance w t (thermogramme), il paraît donc simple de connaître la capacité thermique de la cellule :

C p T =w t

dT /dt

En réalité w(t) n’est jamais connue directement, il faut avoir recours à un calibrage permettant de calculer le facteur de proportionnalité k(T) liant le signal S(t) à l’énergie w(t), voir ci-après.

F. Trinquet 9

figure 10: Principe du montage différentiel – [10]

Deux méthodes sont principalement utilisées pour ces déterminations de capacité thermique par ACD :

– une méthode dite par balayage , dans laquelle on exploite directement le signal obtenu sur le thermogramme ;

– une méthode dite enthalpique , dans laquelle il est nécessaire d’intégrer le signal en fonction du temps afin d’obtenir l’énergie nécessaire pour faire passer la cellule d’un état initial 1 à un état final 2.

Que ce soit la méthode par balayage ou la méthode enthalpique, le protocole comporte les trois séries de mesures suivantes, avecrespectivement, dans le compartiment mesure :

– Une cellule vide ;– Une cellule contenant un produit étalon ;– Enfin, la cellule contenant le produit dont on veut déterminer la capacité

thermique.

Nous présentons la méthode par balayage.

Cette méthode exploite directement et à chaque instant le signal recueilli sur le thermogramme.

L’ensemble cellule de mesure plus cellule de référence est chauffé jusqu’à une température T 1 . Lorsque l’équilibre thermique est atteint (état repérable par la « qualité » de la ligne de base du thermogramme en fonction de l’étalonnage de l’appareil), le balayage commence : une vitesse de chauffage dT /dt est appliquée ausystème, l’ensemble passe alors de son équilibre thermique statique (température constante programmée) à un équilibre dynamique (variation programmée de la température dans le temps). Au bout d’un certain temps, la température de fin de balayage T 2 est atteinte et l’ensemble retrouve son équilibre thermique statique.

La figure 11 représente, en superposition, les trois thermogrammes obtenus successivement, cela en supposant des conditions idéales pour lesquelles les lignes de base obtenues dans les phases isothermes, pour les trois séries de mesures, seraient identiques. On aurait alors :

k T =C pétalon ,T

[S étalon ,T −S vide ,T ]

C p produit ,T =k T [S produit ,T −S vide ,T ]

F. Trinquet 10

En réalité, quelles que soient la qualité de l’appareillage et celle de l’expérimentateur, les différents thermogrammes ont l’allure de la figure 12.

.

Il est donc nécessaire de corriger les lignes de base pour revenir au cas idéal précédent. Cette correction peut s’effectuer de différentesfaçons (qu’il est nécessaire de connaître, surtout dans le cas d’appareillage possédant une exploitation informatisée des résultats). La plus courante des méthodes consiste à interpoler la ligne de base entre la température initiale T 1 et la température finale T 2 . La quantité à exploiter n’est plus S x , T mais une quantité calculée par rapport à cette nouvelle ligne de

S ' x ,T base. On a alors :

k T =C p étalon , T

[ S ' étalon ,T −S ' vide , T ]

C p produit ,T =k T [ S ' produit ,T −S ' vide , T ]

F. Trinquet 11

figure 11: Méthode par balayage : thermogramme théorique – [10]

figure 12: Méthode par balayage : thermogramme réel – [10]

3. Quelques thermogrammes

Le thermogramme d'un corps qui changement de phase n'a pas l'allure des thermogrammes schématisés présentés plus haut, comme le montre la figure 13.

Le pic le plus important est caractéristique de la zone de transition solide-liquide, le pic moins important correspond à transition solide-solide spécifique au matériau étudié. La masse de l'échantillon analysé est de l'ordre de quelques dizaines de mg. La rampe de température vaut 10 K/min de -60°C à +60°C. Le matériau de référence utilisé est du saphir.

Dans le cas d'un corps pur et dans des conditions opératoires convenables le pic caractéristique de la transition de phase correspond avec précision à la température de fusion

T F et la transition de phase est très peu étalée. Dans le cas présenté figure 11, le matériau est censé changer de phase à 7°C alors que l'analyse par ACD indique la présence d'un pic entre 10°C et 20°C avec une transition de phase qui s'étale sur quelques 20 K.

Le choix de la rampe de température va être un élément déterminant dans l'allure du thermogramme. C'est notament pour cette raison que peu de thermogramme s'exprime comme une capacité thermique massique en fonction de la température puisque celle-ci pour un même matériau va être différente sur une même gamme de température suivant la rampe de température choisie alors que le c p est censé avoir une valeur donnée à une tempéraure donnée pour un matériau donné. Néanmoins, lorsque de tels thermogrammes sont présentés on parle de capacité thermique apparente.

F. Trinquet 12

figure 13: Thermogramme d'un matériau qui change de phase solide-liquide

La rampe de tempéraure va jouer un rôle important sur l'allure du thermogramme comme le montre la figure 14.

Plus la rampe de température est importante plus la transition de phase va avoir tendance a s'étaler sur une gamme importante de températures et le pic de la transition de phase va avoir tendance à s'éloigner de la valeur de la température de fusion T F du matériau considéré.

4. Cristalisation et surfusion

Le thermogramme suivant, figure 15, est celui d'un matériau à qui on a appliqué une montée et une descendante en température.

F. Trinquet 13

figure 14: Thermogramme en fonction de la rampe de température – [5]

Le thermogramme met en relief le caractère asymétrique des phénomènes de fusion et de cristalisation. Les chaleurs latentes de ces deux transitions de phases étant quasiment identiques lors de la cristalisation le pic de la transition de phase est décalé par rapport à la température de fusion (ici T F=7 ° C ) sur la « gauche ». Ce phénomène porte un nom : c'est la surfusion.

Le liquide est dit surfondu ou métastable et, comme on va le préciser, cet état peut être maintenu longtemps (des heures ou des jours) et à des températures assez basses par rapport à la température de fusion T F . La cristallisation du liquide surfondu, que l’on nomme aussi rupture de métastabilité est possible de deux manières :

– soit provoquée par :– des chocs, des vibrations mécaniques, des ultrasons…,– un ensemencement, c’est-à-dire l’introduction d’un petit morceau de

cristal préparé par ailleurs ;– soit spontanée lorsque le refroidissement est suffisant.

Afin d’évaluer l’importance de la surfusion, on définit le degré de surfusion par :

T=T F−T *

F. Trinquet 14

figure 15: Thermogramme de la fusion et de la cristalisation d'un MCP

Il représente donc le retard à la transformation. Ce degré de surfusion dépend de nombreux paramètres :

– le volume de l’échantillon : plus le volume est petit, plus le degré de surfusion est grand ;

– la vitesse de refroidissement : ce paramètre influe peu sauf dans les cas de trempe où, pour certains liquides, la cristallisation ne peut avoir lieu donnant un constituant amorphe (verre) ;

– le nombre de cycles de refroidissement-réchauffement : d’un cycle à l’autre, il peut y avoir une modification d’ensemble des résultats ;

– la pression : comme pour TF, il faudrait de très fortes pressions pour détecter une influence notable sur le degré de surfusion. Il augmente alors avec la pression ;

– la concentration dans le cas des solutions.

Nous présentons rapidement ci-après l'écriture de la fonction probabiliste caractérisant la surfusion, elle est schématisée sur la figure 16 :

J T =AT exp −BT T F−T 2

Avec, B : constanteAT : fonction presque constante

Le tableau dresse quelques exemples de surfusion pour différents matériaux en fonction du volume considéré, figure 17 :

F. Trinquet 15

figure 16: Schématisation de la fonction J T - [2]

figure 17: Exemples de degrés de surfusion – [2]

Comme nous pouvons le constater, les degrés de surfusion augmentent lorsque le volume diminue pour atteindre des valeurs importantes dans certains cas.

Ainsi, il s'agira de trouver un compromis entre la nécessité d'avoir un rapport surface/volume le plus grand possible pour une masse donnée de produit qui soit capable de répondre aux besoins en terme de puissance et des tailles de conditionnement de MCP trop faibles qui engendreraient des phénomènes de surfusion trop importants.

IV. Matériaux à changement de phase et applications

Nous présentons ci-dessous une réprésentation schématique des différentes grandes familles de matériau à changement de phase susceptibles, pour une partie d'entre elles, de nous intéresser pour la production de froid (-40°C à +20°C), voir figure 18.

1. Critères de choix d'un M.C.P.

Les constituants utilisés pour le stockage par chaleur latente sont appelés matériau à changement de phases ou MCP. Il est bien évident que le premier critère de choix d’un MCP concerne la température de transformation puisqu’elle doit être conforme au procédé. Parmi tous les produits ayant une température de fusion acceptable, il est plus judicieux de choisir celui qui présentera la plus grande chaleur latente. D’autres critères très importants dans le choix des MCP sont à considérer tels :

– le coût : c’est, bien sûr, un critère déterminant. Le choix ne sera pas le même s’il s’agit de quelques kilogrammes (cas dans des utilisations domestiques) ou de quelques tonnes (utilisations industrielles) ;

F. Trinquet 16

figure 18: Classification des grandes familles de MCP suivant leur chaleur latente et leur

température de fusion

– la densité : un corps plus dense demandera un volume de stockage plus faible. Il faudra aussi s’intéresser à la variation de densité lors du changement d’état. C’est particulièrement vrai pour les MCP aqueux ;

– la tension de vapeur : elle doit être la plus faible possible ; – la dangerosité du produit : il est bien évident que l’utilisation de certains

produits est soumise à des réglementations et normalisations qu’il faut respecter ;– la stabilité dans le temps ou au cours de cycles fusion-cristallisation ;– la fiabilité des matériels de confinement : par exemple, l’utilisation de produits

corrosifs doit se faire dans des récipients ou tuyauteries en acier inoxydable ou en matières plastiques ou céramiques. Le coût de ces confinements est aussi à prendre en compte ;

– la surfusion devra être de faible importance: des additifs seront nécessaires. Il faudra en faire le bon choix et se préoccuper de leur coût.

Beaucoup de composés peuvent être envisagés pour être un MCP et plusieurs solutions sont souvent a priori possibles mais le fait de ne pas respecter un des critères énumérés ci-dessus peut les faire rayer de la liste.

2. Comportement des solutions à la transition de phase liquide-solide : cas des solutions salines

La figure 19 représente le diagramme de phases isobare d’un mélange binaire où les phases solides sont immiscibles. C’est, par exemple, le cas des mélanges eau-sel.

Les concentrations seront exprimées en fractions massiques de la forme :

x=mB

mAmB

Avec, x : fraction massique du constituant B

F. Trinquet 17

figure 19: Diagramme de phase schématique d'un mélange binaire avec phases solides

immiscibles – [2]

mA : masse du constituant A (eau par exemple)mB : masse du constituant B (sel par exemple)

La courbe Γ A représente, pour une fraction massique en constituant B égale à x_0, la température d’équilibre avec le constituant A solide pur. La courbe Γ B représente, pour une fraction massique en constituant B égale à x, la température d’équilibre avec le constituant B solide pur. Ces deux courbes sont appelées liquidus. Les solidus, qui représentent les températures d’équilibre en fonction des concentrations en phase solide, ont ici une forme un peu particulière puisque les phases solides sont pures. Elles sont donc constituées des deux droites verticales à x = 0 et x = 1, limitées vers le haut par les températures de fusion des corps purs T F

A et T FB . Il est intéressant de noter l’existence de

l’intersection entre les deux liquidus au point E. En effet, à la température T E , il y a équilibre entre trois phases : le solide A pur, le solide B pur et une solution à la fraction molaire x E . Nous sommes dans le cas d’un mélange eutectique.

Sur le thermogramme, présenté figure 20, on peut observer parfaitement la fusion eutectique à la température T E puis la fusion progressive qui se termine à T F x0 . Remarquons que, si la quantité d’énergie en cause à la fusion eutectique est importante (d’autant plus que la concentration est proche de celle de l’eutectique), le reste de l’énergie en cause à la fusion progressive est quantitativement plus importante à la fin lorsque l’on s’approche de la température d’équilibre T F x0 . Ainsi, en pratique, le déstockage du froid (ou le stockage du chaud) a lieu sur plusieurs intervalles de températures. Cela est, bien sûr, dommageable pour un stockage (ou déstockage) pratique. C’est pourquoi, pour ce type de solutions, seules les concentrations eutectiques sont vraiment utilisées.

3. Familles de MCP et chaleur latente

Nous présentons ici les familles de M.C.P. susceptibles de nous intéressées pour le stockage, figure 21 pour les sels et figure 22 pour les paraffines.

F. Trinquet 18

figure 20: Thermogramme typique d'une solution – [2]

Les températures de fusion sont données à l'eutectique sur la figure 21.

Les températures de fusion sont données à l'eutectique sur la figure 22 pour les composés organiques.

D'une façon générale les sels restent des candidats sérieux pour des températures négatives pour peu que leurs températures de fusion (à l'eutectique) correspondent aux gammes de températures visées par l'application.

4. Applications

La partie distribution indirecte du froid par fluide frigoporteur sera traitée dans la partie consacrée aux coulis.

Des recherches récentes se développent par rapport à l'utilsation de M.C.P. Dans l'enveloppe des bâtiments. Nous sommes dans ce cas à la limite du domaine du stockage d'énergie pour la production de froid (problématique du confort) mais certains éléments de

F. Trinquet 19

figure 21: Température de fusion et chaleur latente de différents sels

figure 22: Température de fusion et chaleur latente pour des paraffines et des composés organiques

cette littérature sont intéressants à étudier car ils traitent de l'incorporation de M.C.P. Dans une enveloppe fermée.

La figure 23 montre les résultats obtenus, avec et sans M.C.P. incorporés dans les parois, pour des cellules jumelles soumises à des variations de température.

L'amortissement de la température intérieure peut aller jusqu'à -5 K.

La figure 24 présente des travaux de thèse menés en partie sur ce sujet (incorporation de M.C.P. dans les parois de bâtiment).

F. Trinquet 20

figure 23: Variation de la température intérieure avec et sans M.C.P.

figure 24: A gauche M.C.P. intégrés à une paroi [6] et à droite une simulation de M.C.P dans des parois [7]

MCP

La difficulté première rencontrée dans le cas de l'incorporation de M.C.P. dans les parois du bâti est que l'on ne peut pas connaître les températures ambaintes, d'où la difficultés dans le choix du M.C.P..

L'étude présentée figure 25 s'applique à un cas inverse de celui du bâtiment puisque c'est la température dans l'enveloppe qu'il faut amortir.

L'évolution de la courbe verte (présence de M.C.P.) montre bien le rôle d'amortissement joué par le M.C.P. sur la température interne de la salle informatique.

Enfin pour finir, et nous rapprocher du froid, les travaux de Kamel Azzouz ont étudié l'impact de M.C.P. sur les gains énergétiques dans un système frigorifique domestique. Pour cela il a placé un M.C.P. au contact de l'évaporateur, voir figure 26.

F. Trinquet 21

figure 25: Effet de l'incorporation de M.C.P. dans les parois sur la température intérieure d'une salle informatique - [9]

MCP microencapsulés

(5-40 µm) intégrés

dans le béton des

parois

Température de

fusion : 28°CTempérature intérieure

Température dans les parois

Avec MCP

Sans MCP

Les gains obtenus sont importants puisqu'ils peuvent aller jusqu'à une diminution de 30% du COP dans le cas le plus favorable, voir figure 27.

De nombreuses applications pourraient être cités : par exemple le transport de produits pharmaceutiques dans des boîtes isothermes qui doivent respecter des températures comprises entre 2° et 8°C.

F. Trinquet 22

figure 26: Schéma de principe du positionnement du M.C.P. dans le système frigorifique domestique

figure 27: Variation du COP pour différents cas de figure

0

0,5

1

1,5

2

2,5

3

1 2 3 4 5

CO

P

eau (5 mm)sans PCM

1 : Text=15°C,R =0 W 2 : Text=20°C,R =0 W 3 : Text=25°C,R =0 W 4 : Text=20°C,R =9 W 5 : Text=30°C,R =0 W

V. Annexe

[1] Jean PATRY - Le stockage de froid appliqué à la climatisation et aux centrales frigorifiques - 2007

[2] J.P. DUMAS- Stockage du froid par chaleur latente - Technique de l’Ingénieur [3] J.P. DUMAS/X. PY - Stockage d'énergie thermique par Matériau à Changement de

Phase (M.C.P.) ECPH – - 2009[4] C. MARVILLET - Évaporateurs et condenseurs : les méthodes industrielles

d'intensification des échanges thermiques - ECPH - 2009[5] A. JAMIL et al. - Simulation of the thermal transfer during an eutectic melting of a

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F. Trinquet 23