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D ê ées durée de validité sont très variables d’une catégorie de produit à l’autre. Alors que le chêne se conserve très bien in situ du fait de sa durabilité naturelle, que les résineux peuvent rester 5 ans et plus saturés d’eau et être transformés ensuite comme du bois frais, il en est tout autrement pour le hêtre : essence réputée très sensible, son bois se dégrade très rapidement dès son exploitation. Au lendemain de la tempête de 1999, face à l’abondance de l’offre, certains propriétaires ont tenté de recourir au stockage. Conservation de tiges en forêt, conservation sous eau, ou encore conservation sous bâche, à l’époque pratiquement inconnue en France, ont été expertisées tout spécialement pour le hêtre. C’est le résultat des différents travaux qui ont été consacrés à ces méthodes qui sont présentés ici, sous l’angle technique et économique. l k l d h bl l d d Stockage du bois de hêtre P. 22 Différer l'exploitation des chablis ? Le bilan encourageant de la conservation des chablis de hêtre non exploités P. 27 Stockage du hêtre par aspersion. Deux années d'expérience en Meuse P. 32 Le stockage par ensilage étanche tient ses promesses P. 37 Le stockage sous bâche plastique a-t-il un avenir commercial ? P. 41 Stratégies de stockage du hêtre et commercialisation : bilan de l'ONF RDV techniques n° 1 - été 2003 - ONF

Stockage du bois de hêtre

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Page 1: Stockage du bois de hêtre

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ê ées durée de validité sont très variables d’une catégorie de produit à l’autre. Alors que le chêne se conserve très bien in situ du fait de sa durabilité naturelle, que les résineux peuvent rester 5 ans et plus saturés d’eau et être transformés ensuite comme du bois frais, il en est tout autrement pour le hêtre : essence réputée très sensible, son bois se dégrade très rapidement dès son exploitation.Au lendemain de la tempête de 1999, face à l’abondance de l’offre, certains propriétaires ont tenté de recourir au stockage. Conservation de tiges en forêt, conservation sous eau, ou encore conservation sous bâche, à l’époque pratiquement inconnue en France, ont été expertisées tout spécialement pour le hêtre. C’est le résultat des différents travaux qui ont été consacrés à ces méthodes qui sont présentés ici, sous l’angle technique et économique.

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Stockage du bois de hêtre

P. 22 Différer l'exploitation des chablis ? Le bilan encourageant de la conservation des chablis de hêtre non exploités

P. 27 Stockage du hêtre par aspersion. Deux années d'expérience en Meuse

P. 32 Le stockage par ensilage étanche tient ses promesses

P. 37 Le stockage sous bâche plastique a-t-il un avenir commercial ?

P. 41 Stratégies de stockage du hêtre et commercialisation : bilan de l'ONF

������� RDV techniques n° 1 - été 2003 - ONF

Page 2: Stockage du bois de hêtre

RDV techniques n° 1 - été 2003 - ONF

a tempête du 26 décembre1999 a provoqué des

dégâts considérables dans leshêtraies, particulièrement dans lenord-est de la France. La très granderapidité de dégradation du bois dehêtre dès qu’il est exploité, l’impos-sibilité de recourir à des stockagesprovisoires bord de route, ont renfor-cé le sentiment d’urgence et l’objec-tif de commercialiser les bois au plusvite, si possible pour le printemps, auplus tard dans l’été 2000.

Devant l’impossibilité d’exploiter etde commercialiser rapidement l’inté-gralité des volumes sinistrés, et faceau coût et aux difficultés logistiquesrencontrées lors d’un stockage horsforêt, il est vite apparu essentiel de nepas se priver des possibilités destockage “naturel” des arbres enforêt : certaines observations, issuesnotamment des chablis de 1990 enAllemagne, attestaient d’une “certai-ne” capacité des chablis encore enra-cinés à se maintenir, à la faveur d’unabri (chablis disséminés), lorsqu’unepartie suffisante du système racinaire

est en contact avec le sol (voir enca-dré). Néanmoins, le rythme de dégra-dation des chablis, et les critères à uti-liser pour définir au mieux les prioritésde récolte étaient mal connus. C’est

dans ce contexte qu’une étude a étélancée pour suivre l’évolution de cha-blis de hêtre dans différentes condi-tions de sol et d’ombrage pendantune à deux années (voir protocole).

Différer l’exploitation des chablis ?Le bilan encourageant de la conservation

des chablis de hêtre non exploités

L

Observer l’évolution des chablis de hêtre laissés en l’état pendant une ou deux

saisons en forêt, et dresser un bilan objectif du préjudice économique constaté au

moment du sciage : tel était l’objectif de cette étude, fruit d’une collaboration entre

l’ONF (STIR Nord-Est et service recherche développement de Haute-Marne), le

CTBA, l’INRA, l’AFOCEL et le DSF.

Après un an passé en forêt, la qualité de conservation est jugée très satisfaisante pour

une essence réputée sensible comme le hêtre, et ce dans une large gamme de conditions

stationnelles. Une dégradation sensible des grumes est observée la seconde année.

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Les conditions de survie des arbres chablis : bilan de l’expérience allemande

Le maintien sur coupe sans exploitation des bois de hêtre est possiblelorsqu’une partie suffisante du système racinaire reste fonctionnelle : lehouppier continue ainsi à être alimenté en eau, et le bois conserve unehumidité suffisante pour empêcher l’activité des champignons et desinsectes. L’expérience allemande (Oliver-Villanueva et Sachsse, 1992 ;Eisenbarth, 1995), montre que cette technique serait envisageable pour lehêtre, sous réserve que :

les arbres renversés conservent des liaisons racinaires fonctionnellesencore assez importantes (au moins 25 % de la circonférence de la galette encontact avec le sol)

les arbres n’aient pas été déplacés lors de leur chuteles houppiers et grumes soient peu endommagésles grumes ne reposent pas directement sur le sol (risques de coloration).

De plus, l’alimentation en eau de la station, et surtout l’éclairement deschablis conditionneraient fortement les chances de survie : des chablisdisséminés (abrités par le peuplement résiduel) pourraient tenir 1 à 2 saisonsde végétation. Des arbres couchés en plein découvert s’altèreraientbeaucoup plus rapidement (dépréciation importante dès la première année).

Page 3: Stockage du bois de hêtre

Une dégradation bien plusrapide des chablis exposés au

soleil...

Dès la première saison après tempê-te, l’éclairement reçu par les chablisest apparu comme le facteur le plusdéterminant vis-à-vis de l’évolutionde la grume et du houppier : compa-rés aux chablis situés en pleinelumière, les chablis disséminés (fig. 1)ont présenté un débourrement plusimportant, une teneur en eau desfeuilles plus élevée, et une dégrada-tion de l’écorce beaucoup moinsmarquée. À la fin de l’été 2000,moins de 15 % des chablis dissémi-nés présentaient un houppier sec ouflétri contre déjà plus de 40 % deschablis en parcelles rasées.

Deux ans après la tempête, l’état deshouppiers des chablis situés sous unombrage faible s’est nettementdégradé tandis que les chablis béné-ficiant d’un ombrage plus fort présen-taient encore une très bonne vitalité(moins de 10 % des houppiers secs ouflétris), et un niveau de dégradationde l’écorce relativement faible.

Ces observations visuelles ont étéconfirmées par le suivi au cours del’année 2000 de l’humidité du bois(Nepveu, 2001). Les chablis dissémi-nés ont conservé tout au long del’année une humidité comparable àcelle des arbres sur pied, et cela mal-gré un mois de juin particulièrementchaud et sec. En revanche, les chablisdes parcelles rasées ont montré unehumidité nettement inférieure dès ledébut du mois de juillet 2000.

Ainsi, le système racinaire des arbreschablis, même endommagés par lachute de l’arbre, joue encore un rôletrès actif de pompage de l’eau dansle sol. L’évapotranspiration beau-coup plus élevée des houppiersexposés en plein soleil ne permetcependant pas une alimentationhydrique suffisante, ce qui expliquela plus faible humidité de ces boisobservée dès le début de la saison.

RDV techniques n° 1 - été 2003 - ONF���������

Les dispositifs de l’étude

Les deux dispositifs de l’étude sont installés dans des peuplements de hêtreadultes (diamètre moyen proche de 50 cm), plus ou moins lourdementtouchés par la tempête, en situation de plateau (pentes exclues).

En Meurthe-et-Moselle, 136 arbres chablis localisés en FD de Haye (solsuperficiel calcaire) et en FD de Natrou (sol profond sur limon) ont été suivispendant un an (exploitation novembre 2000). Le principal facteur étudiéétait l’éclairement des chablis : dans chaque forêt, l’échantillon comportaitpour moitié des arbres issus d’une parcelle rasée (plein éclairement) et pourmoitié des chablis disséminés en trouée, bénéficiant d’un abri modéré(ombrage faible, éclairement proche de 40 % du plein découvert). Ces 136arbres chablis étaient comparés à une vingtaine d’arbres témoins sur pied,représentant une référence d’arbres de vitalité normale, pas (ou très peu)endommagés par la tempête.

En Haute-Marne, 568 arbres chablis ont été suivis, la moitié d’entre euxpendant un an (exploitation fin octobre 2000), l’autre moitié pendant deuxans (exploitation automne 2001). Ces chablis étaient tous ombragés, soittrès dispersés (ombrage fort, éclairement inférieur à 20 % du pleindécouvert), soit renversés par petites trouées (ombrage plus faible,éclairement supérieur à 20 % du plein découvert). Ils étaient situés en FDd’Auberive (sol brun calcique sur calcaire fissuré), en FD de Bussières (solbrun acide sur grès) et en FD de Morimond (sol lessivé à pseudogley surlimon). Une trentaine d’arbres sur pied (encroués pour partie) a permisd’avoir une référence d’arbres témoins. Sur la moitié environ de l’échantillond’arbres chablis, une découpe des houppiers a été réalisée en mars 2000,dans l’espoir de limiter l’évaporation du houppier et d’augmenter ainsi leschances de survie des arbres.

Suivi des arbres chablis

Les arbres chablis des 2 sites ont fait l’objet d’une description initialedétaillée, complétée par un suivi de l’aspect extérieur des arbres et decertaines propriétés du bois sur un sous-échantillon d’arbres chablis.

Enfin, après exploitation, une description de l’état des découpes a étéréalisée, suivie de la notation du degré d’altération des billons.

Fig. 1 État des houppiers des arbres chablis après une ou deux saisons de végétation

(*) Le % plus faible la 2e année s’explique par le fait que les % ont été établis sur des échantillons par-tiellement différents (la moitié des arbres ayant été exploitées après une saison).

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Après 1 saisonAprès 2 saisons

Site Meurthe et Moselle Site Haute Marne

Page 4: Stockage du bois de hêtre

Le bilan à la découpe :essentiellement de

l’échauffure

Les chablis n’ont fait l’objet d’aucuneattaque d’insecte significative, hor-mis quelques piqûres observées en2001 sur un nombre très réduit dechablis. Au cours du bûcheronnageet du sciage, les altérations obser-vées ont été majoritairement clas-sées comme “échauffure”. Ellesétaient presque systématiquementpositionnées en périphérie desdécoupes, avec souvent une péné-tration radiale très nette (voir photo).

Les échauffures en position supérieu-re (côté soleil) étaient bien plus nom-breuses pour les arbres peu ombra-gés. Des colorations suspectes ontpar ailleurs été observées, et les casde pourriture sont restés quant à euxexceptionnels. Des traces de bleuis-sement très marquées ont égalementété notées sur un nombre réduit debillons, sur sol acide uniquement (5 %des billons en FD de Bussières, 2,5 %en FD de Morimond). Le développe-ment de cette altération serait à relierau contexte stationnel, avec un risqueaccru en présence d’hydromorphie.

Un bilan final satisfaisantaprès une saison de

végétation

Dans les parcelles rasées, seulementun tiers des billons se sont révélés

exempts de toute altération (fig. 2).Néanmoins, l’altération, bien sou-vent localisée en périphérie (péné-tration inférieure à 2,5 cm) et donclimitée aux dosses, n’induisait pastoujours de préjudice économique.Au final, le bilan est moins défavora-ble qu’attendu : seulement 30 % desbillons présentaient une altérationsignificative (avec perte de valeurdes bois). Compte tenu de la pro-gression de l’altération dès la pre-mière année, ces bois ne pouvaienttoutefois pas être conservés en l’étatune seconde année.

La conservation des chablis disséminésest quant à elle bien meilleure. Lesdégradations ont été 2 à 4 fois moinsimportantes qu’en parcelle rasée :

pour les chablis bénéficiant d’unombrage modéré, seulement 16 % desbillons présentent une altération impor-tante (FD de Haye et de Natrou, 54),

pour les chablis bénéficiant d’unombrage fort, seulement 8 % (variant de5 à 14 %) des billons présentent des alté-rations significatives (FD d’Auberive, deBussières et de Morimond, 52).

Ces résultats très satisfaisantsconfortent ceux établis en 1990

8 mois après la tempête, où avaientété observés 16 % de billons altérésdans les chablis disséminés et 38 %dans ceux en pleine lumière(Eisenbarth, 1995).

Concernant les propriétés papetièresdu bois, le bilan effectué par cuissonKraft d’échantillons prélevés ennovembre 2000 a montré que leschablis ne présentaient qu’une faiblediminution du rendement en pâte encomparaison du bois frais : la valori-sation papetière reste possible sansperte notable, y compris pour lesbois altérés des parcelles rasées (DaSilva Perez et al., 2001).

RDV techniques n° 1 - été 2003 - ONF ���������

Arbre chablis très altéré en parcelle rasée

Découpe sans altération d’unarbre chablis situé à l’ombre

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Meurthe et Moselle (FD Haye et Natrou)

Haute Marne (FD Auberive,Bussières, Morimond)

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Fig. 2 Niveau d’altération des billons apprécié à la découpe

Altération absente : aucune altération visibleAltération faible : altération limitée aux dosses (moins de 2,5 cm de pénétration radiale) n’entraînant aucunpréjudice économiqueAltération importante : altération présente, ne se limitant pas à la périphérie (pénétration supérieure à2,5 cm), entraînant un préjudice économique certainEvaluation faite sur l’ensemble des billons issus de la grume découpe marchande (25 cm environ)

Page 5: Stockage du bois de hêtre

Des résultats encoresatisfaisants à l’ombre la

seconde année

Au cours de l’année 2001, les chablisdisséminés ont commencé à sedégrader plus sensiblement (diminu-tion progressive de l’humidité dubois et dégradation de ses proprié-tés papetières). En septembre 2001,une partie des chablis présentait unbois partiellement impropre pourl’industrie papetière.

Le bilan établi à la découpe ennovembre 2001 confirme cette ten-dance en montrant une nette dégra-dation par rapport à l’état des bois ennovembre 2000. Néanmoins, le pour-centage de billons significativementaltérés (avec perte de valeur des bois)reste “acceptable” : 28 % en FD deBussières et de Morimond, et 35 % enFD d’Auberive. Des différences assezsensibles sont observées en fonctiondu niveau d’ombrage dont bénéfi-cient les chablis : les 3/4 des chablisles plus abrités (chablis diffus très dis-persés, éclairement relatif au sol infé-rieur à 10 %) ne présentent aucunealtération tandis que la moitié seule-ment des chablis agrégés en trouée(éclairement relatif compris entre 20et 30 %) restent sains.

Un délai entre exploitationet sciage faible !

Ces résultats encourageants ne doi-vent pas faire oublier la plus grandesensibilité à l’altération des bois cha-blis fragilisés par une saison passéeen forêt. Le sciage des grumes doitêtre assuré au plus vite après exploi-tation, sous peine d’une forte dépré-ciation de leur valeur : 2 à 3 semainesentre bûcheronnage et sciage ontsuffi pour qu’une dégradation trèssensible des grumes intervienne enFD de Natrou. En FD d’Auberive,l’état des grumes sciées en février2001, 3 mois après exploitation, s’estrévélé comparable à celui observé 9mois plus tard sur les chablis conservés2 années successives en forêt (31 % de

billons nettement altérés, contre seu-lement 14 % pour les grumes sciéesen novembre 2000).

Le démantèlement partieldes houppiers peu

convaincant

Au printemps 2000, un démantèle-ment partiel d’une partie des chablisdisséminés de Haute-Marne avait étéréalisé, pour tenter d’augmenter leschances de survie des arbres chablisen limitant l’évapotranspiration duhouppier. Cette pratique n’a eu d’ef-fet bénéfique que sur sol superficielcalcaire (FD d’Auberive), et n’a per-mis qu’une réduction légère du pour-centage de billons altérés.

Quels sont les facteurssusceptibles d’améliorer oude réduire la qualité de la

conservation ?

Outre le rôle primordial de l’ombra-ge dont bénéficient les chablis, l’étu-de réalisée a permis de préciser l’in-fluence de trois facteurs principauxdont la prise en compte peut êtreutile pour hiérarchiser les prioritésd’exploitation :

l’état du système racinaire et duhouppier : les arbres dont le houp-pier a été fortement endommagélors de la chute de l’arbre présententun niveau d’altération du bois plusavancé. Un fort déplacement desarbres lors de leur chute s’accompa-gne également d’un risque accrud’altération ;

l’environnement immédiat desgrumes : la présence d’un tapis debranches sur la grume joue un rôletrès favorable en limitant leur exposi-tion au soleil. En revanche, la présen-ce de ronces sur la grume sembles’accompagner d’un risque accru dedégradation du bois dont la causen’est pas évidente (incidence devariations microstationnelles, oumaintien d’une plus forte humidité

locale autour de la grume) ;

le diamètre des grumes : l’état dubois s’est révélé indépendant du dia-mètre des arbres lors de la premièresaison de végétation. En revanche, àl’issue de la deuxième saison passéeen forêt (chablis disséminés), on a puobserver une nette élévation duniveau d’altération avec le diamètredes arbres. La présence de cœurrouge ne constitue pas en revancheun facteur aggravant.

Deux autres facteurs jouent un rôleplus négligeable :

le contact des grumes avec le sol :après un an de stockage en forêt, onn’observe aucun effet du contactavec le sol sur l’état du bois, quelque soit le contexte stationnel. Enrevanche, après 2 ans de stockage,on observe une tendance assez légè-re mais significative à une dégrada-tion des billons plus avancée lorsquela grume repose sur le sol. Le contactdes grumes avec le sol constitueraitdonc bien un facteur aggravant, sanspour autant être d’importancemajeure.

les conditions stationnelles : lesrésultats obtenus semblent équiva-lents sur une large gamme de condi-tions stationnelles, des sols superfi-ciels sur plateaux calcaires aux sta-tions fraîches sur limons et argile.

Pour conclure

Différer l’exploitation de chablis dis-séminés : une prise de risque faible

Dans les conditions climatiques plutôtfavorables des saisons 2000 et 2001(précipitations supérieures de 25 % à lamoyenne, malgré un mois de juin 2000exceptionnellement chaud et sec enMeurthe-et-Moselle), les chablis dehêtre ont conservé une bonne qualitédurant la première année (voir tableauci-après) : le suivi réalisé démontre lefaible à très faible niveau d’altérationdes chablis disséminés de hêtre la

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Page 6: Stockage du bois de hêtre

première année, et ce dans une largegamme stationnelle (1). La conserva-tion de ces chablis peut même êtreparfois envisagée sur 2 ans, surtouten cas de chablis diffus (petitestrouées). Mais elle se justifie généra-lement beaucoup moins sur le planlogistique et commercial.

Chablis en pleine lumière : des ris-ques notables

Le cas des parcelles rasées est beau-coup moins favorable, un éclaire-ment fort réduisant fortement leschances de survie des arbres.Néanmoins, la perte de valeur desbois ne devrait pas excéder 30 à 40 %en une saison, ce qui reste raisonnableet peut tout à fait, dans certains cas(exclure les bois de haute valeur ! ), jus-tifier la décision de retarder l’exploi-tation. Une conservation sur 2 annéesn’est en revanche pas envisageablesans perte de valeur drastique desbois.

Des résultats très encourageantspour un bois réputé très sensible

Cette technique naturelle de stocka-ge, de par sa gratuité et sa facilité demise en œuvre, donne au gestionnai-re une marge de manœuvre trèsappréciable dans le contexte de crisequi suit les chablis. En aidant à hié-rarchiser l’urgence, elle peut contri-buer à éviter une exploitation systé-matique et précipitée, limitant ainsiindirectement les risques de dégâtsd’exploitation (tassement des sols).

Elle mérite donc d’être considéréecomme une méthode de stockage àpart entière, qui, associée à d’autrescritères (valeur des bois, état du mar-ché, risques de dégâts au sol) et encomplément d’autres techniques destockage, doit permettre d’élaborerune stratégie reposant sur une analyserationnelle des priorités d’exploitation.

Isabelle VINKLERONF, service patrimonial

DT [email protected]

Michel ALZINGREONF, service étude et

développementAgence de Haute-Marne

[email protected]

Bibliographie

DA SILVA PEREZ D., CHANTRE G.,MEDINA S., 2002. Conservation desbois chablis de hêtre non exploitéslaissés en l’état en forêt. Compte-rendu Contrat BP009. DocumentAFOCEL, Laboratoire Bois-Process.

EISENBARTH E., 1995. Schnitt-holzeigenschaften bei lebend-lagerung von Rotbuche (Fagus sylva-tica L.) aus Wintersturmwurf 1990 inAbhangigkeit von Lagerart undLagerdauer. Mitteilungen aus derForstliche Versuchsanstalt RheinlandPfalz, No. 33-95, 211 p.

NEPVEU G., 2001. Effet de la conser-vation sans exploitation sur l’altéra-tion de chablis de hêtre (Fagus sylva-tica L.). INRA - Rapport interne de laconvention ONF/INRA/AFOCELn°BP009.

OLIVER-VILLANUEVA J.V., SACHSSEH., 1992. Lebendkonservierung vonsturmgeworfenen Buchen. Forst undHolz, vol. 47, n° 9, pp. 227 - 232

PARROT J., SNIEG O., 2001. Suivi du sciage de hêtres chablis.Observations effectuées par JacquesParrot et Olek Snieg. Compte-rendud’observation. Document CentreTechnique du Bois et del’Ameublement, 17 p. + annexes.

VINKLER I., 2002. Suivi et améliora-tion de deux techniques de conser-vation du bois de hêtre en Meurtheet Moselle et en Haute Marne.Rapport interne. Convention de recherche DERF/ONF/CTBAn°61.45.33/00. 66 p.

Remerciements

Ce projet a été réalisé en partenariatavec l’INRA (Qualité des bois, G. Nepveu et F. Longuetaud), leCTBA (P. Vautherin, J. Parrot, O. Snieg), l’AFOCEL (G. Chantre, D. Da Silva Perez), le DSF (J.L. Flot).

Il a été rendu possible grâce à la col-laboration des Ets Dupuis (55),Carnio (52) et Patusset (52), que noussouhaitons remercier pour leur aima-ble collaboration. Nos remercie-ments vont également aux person-nels des équipes de la STIR Nord Estet du service recherche et dévelop-pement de Haute-Marne, ainsiqu’aux gestionnaires des forêts étu-diées grâce auxquels ce projet a puêtre mené à bien.

RDV techniques n° 1 - été 2003 - ONF ���������

Parcelles rasées Chablis disséminés

Ombrage modéré Ombrage fort

(chablis en trouée) (chablis diffus)

Après 1 an 20 à 40 % 10 à 20 % < 10 %

Après 2 ans > 50 % 30 à 40 % 25 à 30 %(perte inacceptable)

Pourcentage de billons significativement altérés (avec perte partielle oucomplète de valeur) en fonction du type de chablis

(1) Ces résultats ne sont pas forcément transposables à des chablis qui surviendraient en période de végétation.

Page 7: Stockage du bois de hêtre

RDV techniques n° 1 - été 2003 - ONF

Stockage du hêtre par aspersionDeux années d’expérience en Meuse…

our éviter l’altération desbois et étaler sa mise en

marché, c’est le principe de la conser-vation sous eau par aspersion qui a étéretenu. Plus complexe à mettre enœuvre que l’immersion, cette techni-que permet cependant de mieux maî-triser le stock.

Réagir, s’organiser

Le service commercialisation du SD dela Meuse, piloté par Alain Marin, a rapi-dement mis en place une cellule « stockage » composée de 4 personnes :Gersende Gérard pour les aspectsréglementaires et les contacts avec lesservices de l’État, Eric Dumont pour laconception et la réalisation du site, EricFrançois pour l’approvisionnement enbois, Marylène Galodé pour la mainte-nance du site. Parallèlement, ont étéconstituées une cellule « exploitation »dirigée par Jean-Luc Mathieu et unecellule « transport » dirigée par OlivierVicherat et Stéphane Latourte.

S’appuyer sur laréglementation pour le choix

des sites…L’activité de stockage de bois par voiehumide est soumise à autorisation au

titre de la rubrique 1531 de la nomen-clature relative aux installations clas-sées pour la protection de l’environne-ment. Cependant, dans le cadre de latempête et à titre exceptionnel, cetteprocédure a été allégée en une simpledéclaration, réduisant ainsi les délaisde traitement du dossier.

Le choix du site a principalement étédéterminé selon les prescriptions relati-ves au stockage, mais il a égalementpris en compte :

les autres exigences des installationsclassées en terme d’exclusion (zonesinondables, périmètres de protectionrapprochée des captages d’eau), derespect de distance minimale (100 mdes habitations et zones accueillant dupublic) ;

un apport en eau suffisant ;une infrastructure de qualité :

réseau routier d’accès au site et voirieintérieure ;

un approvisionnement électriqueproche afin de limiter les frais de rac-cordement ;

la gestion des effluents des eaux deruissellement provenant des grumesstockées, nécessitant un avis des servi-ces déconcentrés de l’État (DDASS,DDAF, DRIRE, DIREN). Lorsque le volu-me stocké dépasse 10 000 m3, un bas-

sin tampon doit être créé pour collec-ter les effluents d’arrosage. Il doit êtredimensionné pour contenir leseffluents d’une journée et permettreainsi d’apporter d’éventuelles mesurescorrectives, notamment du pH, avantrejet dans le milieu naturel.

C’est ainsi qu’a été choisie une ancien-ne gare désaffectée appartenant enpartie aux Voies Navigables de France(VNF) et à la commune de Mauvages,le tout sur 5 ha. Après consultation desservices de l’État et des propriétairesdu terrain, les modalités de l’installa-tion du site ont pu être fixées. Unetournée avec les élus de la communede Mauvages a permis de les rassurer surla sécurité de l’installation, en particuliervis à vis des risques de pollution. La forteimplication des partenaires, en particu-lier M. Hatier, chef de subdivision deVNF à Void, et Mme Wojtowicz, maire dela commune, a été déterminante dansl’avancement rapide du projet.

…et sur le savoir-faire descollègues, des partenaires et

des voisinsLa conception du site résulte des diffé-rentes recommandations qui ont puêtre faites par M. Vautherin du CTBA et

26 décembre 1999 : l’ouragan Lothar traversait le département de la Meuse, parcourant

près de 100 000 hectares et laissant derrière lui 3,3 M m3 de chablis dans les forêts

publiques. Face à une demande de moins en moins pressante des acheteurs, et aux

risques grandissants d’altération du bois, principalement par l’échauffure, le service

départemental de la Meuse décide le stockage sous aspersion de 36 000 m3 de hêtre en

provenance de forêts domaniales pour éviter toute dépréciation irrémédiable des bois.

Un défi humain, technique et économique …

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Page 8: Stockage du bois de hêtre

M. Rouchon, responsable du parc à gru-mes ONF de St Michel de Maurienne,ainsi que de l’expérience de nos amisforestiers allemands (enquête réaliséepar Ingrid Seynave, STIR Nord-Est).

Deux mois pour êtreopérationnels

Le terrain était entièrement stabilisé etson accès était assuré par une routedépartementale sans contrainte d’ou-vrage d’art et de tonnage, mais le site adû être spécialement aménagé. Enaccord avec la réglementation, le stocka-ge a été prévu en circuit ouvert (leseffluents transitent par le bassin tamponpour analyse et mesures correctiveséventuelles avant rejet dans le milieunaturel) avec possibilité de récupérationdes effluents. Des réductions de prélève-ment d’eau ont cependant dû être envi-sagées en cas d’étiage, par recyclagedes eaux décantées du bassin.

Une organisation rigoureusedu stock

Des piles allongées…Le stock de bois a été organisé enpiles allongées disposées tête-bêche. Les bois d’une longueurmoyenne de 8 m s’enchevêtrent surau maximum 4 m, afin de maintenirune inclinaison régulière et unebonne stabilité des grumes, notam-ment lors du déstockage. Les pilesont une largeur de 16 m et une hau-teur maximale de 5 m, ce qui permetde maintenir au sol le dispositif d’ar-rosage et de pouvoir le gérer àvolonté.

…installées sur des plates-formes…Chaque pile est installée sur une plate-forme de profil en travers en forme de V(3 % de pente) ; elle est rendue étanchedans sa partie centrale sur une largeurde 6 m, par création d’un bicouche surgrave laitier spécialement dosé. Unepente en long de 1 % a été donnée pouracheminer les effluents vers le bassin.

Les piles sont séparées par une voie decirculation de 5 m de large, permettantle passage aisé des grumiers sans arrêtde l’arrosage.

…réparties en cellules selon la quali-té et la provenance des boisUne cellule correspond à une qualité etdes provenances similaires et constitueun article de vente (environ 500 m3 pourla qualité B, jusqu’à 2000 m3 pour lesqualités inférieures). Chaque cellule estséparée par des poteaux IPE 200 ; enbout de travée le dispositif est doubléafin d’assurer la stabilité des piles. Cesséparations ont permis d’individualiserles cellules et de déstocker facilementles bois, quel que soit leur emplace-ment dans les piles.

Un dispositif d’arrosagemodulable selon l’évolution

du stockage

L’arrosage est certainement le poste leplus délicat à traiter : il s’agit de fairepénétrer l’eau dans les grumes au

niveau des culées. La station de pompa-ge est dimensionnée afin d’assurer undébit de 4 à 5 m3 d’eau pour 1 000 m3 debois stockés. L’eau est prélevée direc-tement dans le canal. Le systèmeoffrant les meilleures garanties d’effica-cité (adaptation au volume, automatis-me, sécurité, maintenance) a été privi-légié : un groupe de pompage com-posé de 3 pompes de surface à com-mande automatique et déclenchementpar variation de pression, pouvantdébiter chacune 90 m3/h. Les pompesont dû fonctionner simultanémentdurant toute la durée du stockage. Unequatrième pompe a été installée auniveau du bassin, pour le vidanger ouutiliser l’eau qui s’y trouvait pour l’arro-sage en cas de besoin. Sur chacune desquatre pompes a été installé un systè-me d’aspiration muni d’une crépineautonettoyante.

Le circuit d’alimentation en eau estconstitué :

d’un réseau primaire (tronçon allantde la station de pompage au site pro-prement dit) composé de tuyaux en

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Le dispositif d’arroseurs

Parmi les trois types d’arroseurs proposés (arroseurs à batteur, arroseurscirculaires, ou brumisateurs), les arroseurs circulaires de la Sté Pompes etautomatisme ont été choisis (500 unités, type Nelson) :

monté sur canne de 2 m et muni d’un déflecteur, un seul arroseur est capablede couvrir toute la hauteur de la pile (5 m)

la mécanique est très simple et fiable (tout en matière plastique)la pression d’utilisation est faible (< 3 bars)les buses sont interchangeables et leurs différents calibres permettent des

débits variésla consommation en eau est réduite (0,25 à 0,5 m3/h).

Les arroseurs des culées des grumes sont munis de déflecteurs et montés sur descannes de 2 m de hauteur tous les 6 m. Sur le haut de la pile, où l’arrosage limitel’évaporation et maintient un brouillard humide ambiant, le dispositif estcomposé d’arroseurs sans déflecteur disposés tous les 12 m. L’arrosage afinalement débuté le 2 juin 2000, soit 2,5 mois après le début des travaux.

Cellule en cours de constitution(voir les séparations en IPE)

35 900 m3 de hêtre ont été stockés4600 m3 de qualité B, répartis

en 9 cellules de stockage21000 m3 qualité de C, répartis

en 16 cellules10300 m3 qualité C avec cœur

rouge non flammé de diamètren’excédant pas 40 % de celui de lagrume, répartis en 6 cellules.

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Page 9: Stockage du bois de hêtre

PEHD (polyéthylène haute densité) dediamètre 200 mm (60 m), puis 110 mm(150 m), enterré ou scellé au bétondans sa partie aérienne ;

d’un réseau secondaire (tronçons ali-mentant les travées formées par les pilesde bois) de diamètre 63 mm (4000 m)constitué de tuyaux en barres de 6 m rac-cordés par emboîtement au niveau despieds d’arroseurs ou des manchons, l’é-tanchéité étant assurée sous pression pardes joints à lèvre. Chaque réseau secon-daire est amovible (adaptation perma-nente au volume réellement stocké) etcommandé par vanne électronique assu-rant l’isolement des travées en cours destockage ou de déstockage. De plus cedispositif a permis d’éviter les arrêts tropbrutaux (« coups de bélier ») qui auraientpu provoquer des dégâts graves sur leréseau et les pompes.

Une capacité de transportlocal insuffisante

1500 rotations en provenance de 16 forêtsdomaniales ont été nécessaires pourapprovisionner le site. Face à un réel défi-cit de transporteurs régionaux, nousavons dû faire appel à des transporteursétrangers (belges, luxembourgeois, sué-dois, tchèques), qui malheureusementn’avaient pas toujours le matériel adé-quat. À chaque rotation, le bon detransport (utilisé ensuite pour le suivi dustock) était contrôlé lors du décharge-ment par des équipes d’ouvriers fores-tiers. En cas de rotations trop espacées,les équipes clôturaient le site, autre exi-gence des installations classées. Lors de

la mise en place du stock, l’arrosage n’ajamais été interrompu.

Une maintenance réduitegrâce à la qualité du matériel

La maintenance s’est bornée à conser-ver les crépines propres pour obtenir lemeilleur rendement possible (7,5 bars àla sortie des pompes). L’eau prélevéedans le canal était propre, sans sable,légèrement chargée de limon à l’occa-sion du passage de péniches, ce qui afortement limité les bouchages d’arro-seurs. La conception des arroseurs apermis des interventions sans outil (untrombone faisait l’affaire pour débou-cher la buse !). Des bouchons, dispo-sés en bout de ligne d’arrosage,étaient ouverts régulièrement afin derincer les tuyaux. Ce sont les résidus deplastique, résultant d’un mauvais ébar-bage des tuyaux, qui ont souvent été àl’origine des dysfonctionnements. Unsoin particulier avait été apporté autransport des tuyaux pour ne pas lespolluer avec des graviers ou autresdétritus. Deux fois par an, les arroseurssont démontés et trempés 24 h dansun bain détartrant (pH de l’eau ducanal dépassant 8 unités), puis débar-rassés du tartre et des mousses grâce àune simple brosse en nylon.

Une équipe d’intervention de troisouvriers forestiers a été formée à l’en-tretien du dispositif sur le haut despiles. Délicat, les grumes étant glis-santes, il a nécessité l’utilisation degriffes d’alpiniste et une attentiontoute particulière lors des déplace-ments.

L’arrosage a été interrompu deux foispour cause de gel (1 semaine en janvier2001, et 5 semaines en décembre etjanvier 2002). La mise hors gel étaitrapide car la vidange du réseau secon-daire était automatique dès l’arrêt despompes. Le circuit primaire était munide purges automatiques et d’unevanne principale placée en aval dudispositif. Les pompes étaient vidan-gées classiquement et les tuyauxd’aspersion vidangés au niveau des cla-pets anti-retour. Les crépines étaientmaintenues immergées dans le canal.

Une surveillance permanente

Un bungalow de chantier et une lignetéléphonique ont été installés sur lesite. Dans la semaine, une visite quoti-dienne a été réalisée selon un protoco-le de visite et d’intervention spécifique.Le week-end, une permanence a étémise en place (3 h les samedi etdimanche matin) durant la premièreannée de stockage. Le reste du tempsune télé surveillance par le réseauTelecom nous alertait en cas d’arrêt depompage ou d’effraction sur le site. Lesorages ont souvent été à l’origine desarrêts. En cas de coupures courtes, lespompes se réinitialisaient automati-quement, sinon une procédure deremise en marche était nécessaire.

Le suivi des bois stockés

Un suivi technique du site a été assuré parM. Vautherin dans le cadre d’une conven-tion ONF-CTBA.

Par échantillonnage, des mesures d’hy-grométrie des bois ont été effectuéesainsi que des examens biologiques surcertaines grumes échantillons. Le résul-tat des trois visites (juin, septembre, etnovembre) montre que les bois ont trèsvite été saturés en eau (le taux d’humidi-té est passé de 55 % en juin à 85 % enseptembre) remplissant ainsi les condi-tions nécessaires à une bonne conserva-tion. Les attaques antérieures au stocka-ge, décelées lors de la première visite,ne se sont pas développées. Le site n’ajamais été mis en danger par un défautd’arrosage. La fiabilité du système a per-mis de conserver les bois deux années

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Effet brumisateur des déflecteursmontés sur les arroseurs circulaires

Paysage glaciaire par très grand froid

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Page 10: Stockage du bois de hêtre

malgré des conditions de mise sous eaudéfavorables (exploitation, débardageet transport tardifs avaient favorisé l’ap-parition d’échauffure avant le stockage).D’autre part, une qualification de sciagesur un échantillon de 200 m3 de grumesa été faite par le CTBA. Les résultats des-tinés aux acheteurs potentiels étaientpeu encourageants mais ont très vite étérelativisés :

ils concernaient des bois de haut depile, stockés en dernier et plus exposésque les autres,

ils ne reflétaient pas les observationsfaites lors des essais ultérieurs menésdans le cadre de négociations com-merciales.

Neuf mois au maximum avant appari-tion d’une coloration rosée de cœurLe déroulage après étuvage de bois dequalité B réalisé par la société Muller enAllemagne a montré qu’au bout de 9mois d’arrosage les bois n’avaient passubi de changement notable de colora-tion. Cependant, on a pu constater çà etlà des décolorations blanchâtres, proba-blement liées à des cellules de boisn’ayant pas été saturées en eau. Demême, a pu être notée en périphérie dela grume la naissance d’une auréole grisâ-tre qui semblait plus fréquente au niveaudes zones écorcées. L’importance des

purges (rondelles coupées à l’extrémitéde la grume présentant des altérations)est toujours variable mais n’a jamaisdépassé à ce stade 40 cm.

Des purges plus importantes au boutde 18 moisEn février 2002, soit au bout de 18 moisd’arrosage, en plus de la coloration auniveau du cœur, des traînées grisâtres, endirection du cœur, sont apparues sur uneforte proportion de grumes. Toutefoiselles étaient très atténuées sur des boissortant du séchoir. Des purges plusimportantes se sont avérées nécessaires,mais toujours très variables en fonctionde l’état sanitaire des grumes au momentdu stockage. À défaut de recherche dechampignons dans ces parties colorées, ilest difficile de tirer des conclusions surleur possible altération.

Commercialisation : desventes à l’amiable

Une vente par appel d’offres s’estdéroulée le 8 janvier 2001 mais aucunlot n’a trouvé preneur. Elle a été suiviede « ventes-échantillons » permettantaux acheteurs d’apprécier la qualitédes bois avant de se prononcer surl’achat du lot. Nous nous sommesdéplacés chaque fois que l’acheteur lesouhaitait pour négocier le prix devente de la cellule, au moment de latransformation de l’échantillon. C’estainsi que la totalité du stock a été ven-due à l’amiable. Quatorze acheteursfrançais et étrangers se sont partagésle stock. Les prix moyens constatés ontété (années 2001 et 2002) :

qualité B : 114 €/m3

qualité C : 64 €/m3

qualité C avec cœur rouge : 57 €/m3

Globalement les acheteurs étaientsatisfaits de la conservation des bois.Ils ont cependant déploré à justetitre ne pas avoir retrouvé la « surme-sure » qui aurait dû être appliquéepour ce type de stockage, ayant pourobjet la compensation matière despurges à effectuer.

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Grumes de hêtre après 18 moisde stockage par aspersion

Aspersion et environnement

La qualité de l’eau issue du stockage a été particulièrement surveillée conformément à la réglementation, notamment encircuit ouvert afin de mesurer et évaluer différents paramètres physico-chimiques (matières en suspension, oxygène dissout,demande en oxygène (DBO5, DCO, et pH)). Aucune anomalie n’a été relevée.

Un recyclage complet des rejets ayant très rapidement été mis en place afin de garantir un arrosage optimal des grumes, lesanalyses ont été réduites dès fin 2000.

Pour la remise en état du site à la fin de l’exploitation, des analyses de boues ont été effectuées dans le bassin. Elles ont porté surla recherche d’éléments tels que les hydrocarbures, les phénols, les acides humiques, les matières organiques, le nitrate etl’atrazine. L’analyse des sédiments n’a fait apparaître aucune pollution, les éléments recherchés y étant retrouvés en trace infime.

Ainsi la remise en état du site s’est limitée au démontage de la station de pompage et des réseaux d’eau secondaires. Lepropriétaire n’ayant pas souhaité son remblaiement, le bassin est resté en l’état.

Paramètres Seuils Unités 19/07/00 28/07/00 04/08/00 28/08/00 11/09/00 10/11/00

pH <5,5 U >8 >8 >8 >8 >8 >8

DBO5 <10 mg/l mg O2/l 2 2 2 3 3 <2

DCO <40 mg/l mg O2/l 24 16 39 14 26 11

Indice phénols <1μg/l mg/l - - - - <0,01 <0,01

SURVEILLANCE DES PARAMÈTRES PHYSICO-CHIMIQUES DES EFFLUENTS

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Page 11: Stockage du bois de hêtre

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Albin de PinhoPDG de la société DULAMELLA

producteur de spatules, fourchettes,et autre ustensile en bois,

acheteur de grumes stockées sur lesite de Mauvages

Pouvez-vous citer en quelques motsles exigences principales liées àvotre production ?Nous avons un cahier des chargesbien spécifique, bois blanc, sansnœuds, bien cylindrique et tendre.

Les bois stockés sous aspersionrépondaient-ils à ces exigences ?Oui, lorsque toutes les conditionsétaient réunies.

Quelles sont pour vous les principa-les contraintes et inconvénients liésà l’arrosage ?Aucune, si l’arrosage ne dépasse pas10 mois.

Quelle longueur de purge avez-vousdû pratiquer en moyenne sur lesgrumes ?Quelques centimètres seulement.

Avez-vous rencontré des traces d’échauffure ? Si oui, dans quellesproportions ?Le mot échauffure n’est pas exact, lebois était plutôt taché, car beaucoupde grumes n’avaient plus d’écorce etétaient arrosées depuis longtemps.

Avez-vous constaté un comporte-ment différent des bois après trans-formation (aspect, résistance) ?La résistance n’a pas posé de problè-me et notre produit était légèrementcoloré.

Vous avez acheté 2400 m3 de boissur le site, quelle conclusion pou-vez-vous tirer de la conservationsous eau des bois de hêtre ?Nous serions prêts à acheter du boissous arrosage pour la période allantde juin à octobre.

Une expérience riche enenseignements

Sur le plan technique

L’expérience peut être considéréecomme une réussite technique et mon-tre qu’un arrosage continu et soignépermet de maintenir des grumes dehêtre dans un état de conservation satis-faisant durant une période relativementlongue (2 ans) pour des bois de qualitémoyenne. Par contre, pour les bois dequalité supérieure, se pose rapidementle problème de la coloration qui affectedirectement le classement.

Le procédé de vente par échantillon aété fondamental pour la commercialisa-tion du stock compte tenu de l’impor-tance des lots, en volume et en valeurmarchande, et des incertitudes sur laqualité de conservation des bois.

Sur le plan professionnel Bien des domaines ont dû être abor-dés, approfondis, maîtrisés.

La réglementation, complexe, a étérespectée à la lettre (dossier ICPE,marchés et subventions) malgré lecontexte exceptionnel de crise lié à latempête. Nous devions être exem-plaires dans ce domaine.

L’équipe, malgré des connaissancesincomplètes au départ, s’est parfaite-ment approprié la technique destockage par aspersion.

Les effets sur l’environnement ont étéévalués et maîtrisés ; aucune incidencesur le milieu n’a pu être constatée.

La commercialisation selon deuxvolets, le premier concernant le choixstratégique de stocker du bois de hêtredans un marché montrant des signesd’essoufflement, le second concernantla vente de bois stockés sous eau à desacheteurs particuliers et par consé-quent limités. Hormis l’effet d’annoncequi a semblé redynamiser localementles ventes, l’impact sur le marché estsans doute resté limité compte tenu dela faible proportion de bois concernés.

Et enfin sur le plan humain !Chacun a bénéficié de toute l’autonomienécessaire pour faire aboutir la tâche quilui était confiée : si nous avons atteintnotre objectif c’est grâce à la mobilisationde tous, et surtout à un état d’esprit et àun travail d’équipe exceptionnels.

Eric DUMONTONF, responsable qualité

Agences de Verdun et [email protected]

Un bilan financier positif

L’activité stockage a bénéficié d’aides de l’état (60 % du montant del’investissement et 2,74 €/m3 de grume transportée). Dès le début de la créationdu site, les dépenses d’investissement et de fonctionnement de l’aire ont étéprécisément suivies en intégrant le coût des personnels fonctionnaires.

* création de l’aire de stockage (plate-forme, voirie, implantation électrique,assainissement) et du dispositif d’arrosage (achat et mise en place)** transport des grumes, consommation électrique, location bungalow dechantier, télé surveillance, maintenance globale du site.

Le bilan de l’activité de stockage (hors dépenses et recettes liées au transportdes bois) s’établit ainsi : investissement 4,30 €/m3 - fonctionnement 5,50 €/m3 /anremise en état 0,20 €/m3.

Dépenses (€) Recettes (€) Bilan net (€)

Investissement * 412 105 Aides au stockage 256 023 156 081

Fonctionnement ** 1 008 255 Aides au transport 98 564 909 691

Ventes de bois 2 391 213 2 391 213

Total dépenses 1 420 360 Total recettes 2 745 802 1 325 441

Soit en €/m3 40 Soit en €/m3 77 37

BILAN FINANCIER

Page 12: Stockage du bois de hêtre

RDV techniques n° 1 - été 2003 - ONF

a tempête de décembre1999, qui a provoqué des

dégâts considérables dans la forêtfrançaise, a saturé la filière bois. Aune offre très abondante, devaits’ajouter le risque d’une pénurie aucours des années suivantes. Dans cecontexte, un certain nombre de pro-priétaires forestiers se sont intéres-sés à d’autres modes de stockageque ceux habituellement pratiqués,comme l’aspersion, et qui pour cer-tains peuvent présenter des inconvé-nients.

Une étude sur la conservation degrumes de hêtre par ensilage a doncété lancée en 2000 en partenariatavec le CTBA. L’objectif général étaitd’une part de pouvoir disposer deréférences pour des techniques nonexpérimentées en France (silo étan-che ou ouvert), ou jamais expérimen-tées auparavant (stockage sousatmosphère confinée d’azote), etd’autre part, de mettre au point desprocédés industriels simples, écono-miques et durables pour le stockagedu bois sous bâche. L’essence choi-sie pour l’étude fut le hêtre, car sonbois est réputé particulièrement sen-sible aux altérations.

Trois méthodes de stockagesous bâches testées

Quelques essais précurseurs ont étémenés à l’étranger, notamment enSuisse et en Allemagne (voir encadré).

Trois techniques différentes de stocka-ge sous bâche ont ainsi été mises enœuvre : stockage en silo sous atmos-

phère d’azote, stockage en silo ouvertet stockage en silo étanche.

Une étude multi-sites...

Et trois sites d’étude ont été retenusdans les régions dont les peuplementsde hêtre ont été particulièrement tou-chés : Chizé en Poitou-Charentes,Langres en Champagne-Ardennes et etNancy (Velaine-en-Haye) en Lorraine.

Le stockage par ensilage étanche tient ses promesses

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Après le traumatisme des tempêtes de décembre 1999, une méthode originale destockage des bois a été testée et suivie expérimentalement. Elle consiste à disposer lesgrumes dans des silos constitués de bâches plastiques, afin de priver les agents dedégradation des bois de l’oxygène indispensable à leur développement. Des variantes decette méthode ont été mises en œuvre dans différents sites. Le stockage sous atmosphèred’azote s’avère coûteux et de faible intérêt. La conservation en silo ouvert ne constituequ’un « dépannage » de courte durée. En revanche, la conservation en silo étancheoffre de réelles perspectives d’avenir, pour une conservation durable des bois de qualité.

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Synthèse des premiers essais exploratoires

En SuisseLes suisses ont eu l’idée de recouvrir de bâches plastiques en matièresynthétique (polyéthylène) les piles de bois en forêt, afin de conserver unehumidité optimale. Le procédé a ensuite été amélioré en enterrant les bords dela bâche. Cette technique, que l’on peut qualifier d’« ensilage ouvert » permeteffectivement d’améliorer la conservation de petites piles de bois entreposées enforêt, mais son efficacité à long terme et à plus grande échelle reste à démontrer.

En AllemagnePlus tard, suite aux chablis de 1990, les allemands ont testé une variante del’ensilage anaérobie. Le procédé consiste à envelopper totalement des piles debois par des bâches de polyéthylène soudées entre elles pour former des silosétanches. L’oxygène emprisonné est alors rapidement consommé par desprocessus de fermentation et d’oxydation. Cette technique a été testée dans leBade-Wurtemberg sur du hêtre et de l’épicéa, avec des résultats très favorablesà l’issue d’une conservation de 4 ans. Elle a été de nouveau utilisée suite auxchablis de 1999 sur hêtre et épicéa de qualité supérieure, en Forêt Noire.

Page 13: Stockage du bois de hêtre

Dans chacun de ces sites , des méthodesdifférentes de stockage ont été mises enœuvre, et ont été suivies selon desprotocoles harmonisés (voir protocole).

Le principe du stockageanaérobie : zéro oxygène,

zéro pathogène

Toute méthode de stockage doit mini-miser les risques d’altération des bois.Ceux dus aux champignons responsa-bles du bleuissement, de l’échauffure,ou de pourritures se manifestent dèslors que :

le taux d’humidité est favorable :pourcentage en eau compris entre 20 %et 100 % du poids sec des grumes,

la température est suffisante : leschampignons peuvent se développerau-delà de 4°C,

le taux d’oxygène dans le bois estsuffisant : pas de référence en matièrede seuil critique de développementdes agents pathogènes.

L’une des principales stratégies deconservation consiste à contrôler letaux d’humidité, soit en le maintenanten deçà de 20 % par séchage, soit en

RDV techniques n° 1 - été 2003 - ONF���������

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Un silo étanche est constitué de bâches en PVC soigneusement soudées entre elles

Dispositifs expérimentaux et procédés

Le procédé « suisse », qu’on dénommera procédé de conservation en silo ouvert, a été testé sur le site de Langres. Cettetechnique consiste à recouvrir les grumes d’une bâche simple en polyéthylène noir, avec deux variantes étudiées : épaisseurde 350 μm et épaisseur de 450 μm. Les pans des enveloppes plastiques sont ensuite enterrés dans une tranchée de 40 cm deprofondeur et 40 cm de largeur. Les bois sont empilés sur des rangs de bastaings posés à même le sol. Les silos ont un volumeunitaire variant de 18 à 50 m3. Ils sont disposés dans une clairière de 1 ha entourée de futaies.

Une méthode nouvelle, qu’on dénommera conservation en silo sous atmosphère d’azote, a été testée sur le site de Nancy :elle consiste à injecter en continu de l’azote à l’intérieur d’une bâche de polyéthylène noir simple, d’épaisseur 115 μm etfermée par thermosoudure. On pensait que la légère surpression induite tout au long du stockage permettrait decompenser d’éventuelles petites fuites. Les bois sont également posés sur des bastaings. Le volume unitaire des silos estde l’ordre de 80 m3. Jamais testé pour la conservation de grumes, ce procédé est mis en œuvre par la société Air Liquidepour la conservation de produits agro-alimentaires.

Le procédé « SILVA », mis en œuvre par la société STEP, qu’on dénommera plus explicitement conservation des bois en siloétanche a été testé dans les deux sites précédents, ainsi que sur le site de Chizé. Dans ce procédé, l’étanchéité du silo estprimordiale. Elle est obtenue au moyen d’une double enveloppe : pose d’un géotextile sur un sol soigneusement préparé(compacté et débarrassé de tout élément risquant de déchirer les bâches), suivie de la pose du liner PVC. Le joint d’étanchéitéde l’enveloppe principale en PVC avec le liner de sol PVC est façonné minutieusement sur le site (voir photo). Le matériau PVC,d’épaisseur 1 mm, est plus résistant que le polyéthylène et donc plus coûteux (5,35 €/m2 contre 0,21 €/m2 pour la bâche enpolyéthylène d’épaisseur 115 μm et 1,07 €/m2 pour celle de 450 μm). Les grumes sont déposées sur une rangée de bastaings.Les silos ont un volume unitaire d’environ 200 m3.

Suivi des dispositifs

Les données et mesures récoltées visaient à suivre les conditions de stockage et les propriétés des grumes.

Page 14: Stockage du bois de hêtre

le maintenant supérieur à 100 % parimmersion ou aspersion.

L’autre stratégie permettant un ralen-tissement des facteurs d’altérationconsiste à contrôler le taux d’oxygè-ne, qui est indispensable à la surviedes principaux agents d’altération dubois. On recherche des conditionsproches de l’anaérobiose, c’est-à-dire un taux d’oxygène aussi procheque possible de zéro. C’est cettestratégie qui est étudiée dans le pré-sent article.

Première clef de réussite : la réduction rapide du taux d’oxygène

Durant la période de chute de l’oxygè-ne, les conditions d’humidité et de tem-pérature sous les bâches sont en effetparticulièrement favorables à l’activitéfongique. Il est donc primordial quecette période soit la plus brève possible.

L’ensilage sous atmosphère d’azote :une méthode inefficaceDans le cas de l’ensilage avec injectioncontinue d’azote, il a fallu une quinzai-ne de jours pour obtenir des conditionsproches de l’anaérobiose. Par la suite,le taux d’oxygène a fluctué au cours dutemps, avec des remontées jusqu’à untaux de 10 % alors qu’il était de 15 %sous la bâche témoin (sans injectiond’azote). Parallèlement, les opérations

de sciage des bois de septembre 2000et mars 2001 (soit respectivement après3 et 9 mois de stockage) ont montréune forte progression entre ces deuxdates de l’altération des bois, notam-ment de l’échauffure.

Le procédé de conservation en silo sousatmosphère d’azote se révèle donc inef-ficace. Les causes sont à imputer à unemise en œuvre défaillante, avec l’utilisa-tion de bâches en polyéthylène trop fra-giles pour supporter l’injection d’azote.En outre, les coûts de fonctionnementliés à la production d’azote en continu(30 €/m3/an environ) sont dissuasifs.

La conservation en silo ouvert : uneméthode de « dépannage » facile àmettre en œuvreA Langres, les suivis des variations dutaux d’oxygène ont montré que sa chuteest très hétérogène selon les silos :

pour les tas où le rapport [volumestocké/surface au sol] est compris entre0,85 et 1,04 m3/m2, ce taux atteintmoins de 1 % en 15 jours ;

en revanche, pour les autres tas, oùle rapport [volume stocké/surface ausol] est plus faible (0,5 m3/m2 environ),la chute de l’oxygène est beaucoupplus lente et irrégulière.

L’observation de la qualité des bois amontré une nette corrélation avec letaux d’oxygène : les produits où il estresté en deçà de 3 %, sont peu atteints

par l’échauffure et présentent une écor-ce adhérente. A l’inverse, dans les cas oùl’oxygène est resté élevé (supérieur à 3 %), les dégradations sont importantes,l’écorce fortement craquelée et soule-vée. L’échauffure a donc continué sondéveloppement durant le stockage.

La conservation en silo étanche : uneméthode sûre et efficaceLe taux d’oxygène a rapidement chutéen 10 jours maximum (voir graphique).Ce phénomène a permis de garantir uneconservation des bois impeccable jus-qu’à aujourd’hui, soit après 3 ans destockage. Les différentes ouvertures desilos, suivies d’essais de sciage, ontconfirmé que le bois ainsi stocké estidentique à du bois frais, apte au sciage,au déroulage et au tranchage. Au débâ-chage, les grumes présentent un aspecthumide, et leurs écorces sont adhéren-tes. Seules quelques moisissures jaunât-res sont présentes sur les sections. Ausciage, les seules traces d’échauffuredécelables sont situées aux extrémités,et donc certainement déjà présentesavant le stockage. On observe aussi par-fois la présence de quelques traces bru-nâtres superficielles sans incidence sur laqualité des sciages.

Deuxième clef de réussite : lemaintien d’un taux d’oxygène

proche de zéro et constant

Dans le cas du stockage en siloouvert, l’augmentation du tauxd’oxygène après le 10 octobre 2000est générale et régulière, jusqu’àatteindre en février 2001 un tauxvariant de 2 à 9 % selon les tas. Cemode de stockage ne garantit doncune bonne conservation des boisque pour une durée d’environ 6 moismaximum, si l’on respecte un empila-ge avec une surface au sol réduite(rapport [volume/surface au sol] avoi-sinant 1 m3/m2).

Pour la conservation des bois en silototalement étanche, le taux d’oxygène,après une chute rapide, s’est maintenu àun niveau proche de zéro. Cette métho-de garantit donc une bonne conserva-tion sur des durées assez longues.

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Nombre de jours à partir de la fermeture du silo (jour 0)

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Variation du taux d’oxygène dans un silo étanche (FD Chizé)Courbe établie à partir de 2 mesures quotidiennes (matin et soir)

Page 15: Stockage du bois de hêtre

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Quels phénomènes sedéroulent dans les silos

étanches ?

La baisse de l’oxygène s’accompa-gne d’un gonflement spectaculairedes bâches en PVC et l’air de l’en-ceinte se sature en dioxyde de car-bone. Ce double phénomène per-met de penser que des processusd’oxydation et de fermentation onteu lieu. L’oxygène est en effet rapi-dement consommé par les cellulesdu bois et le cortège de bactéries etde champignons présents dans lessilos. Les substrats consommés setrouvent principalement dans lescondensats (1), qui contiennent descomposés organiques provenantdes bois. Ces processus rejettentalors du dioxyde de carbone et dif-férents métabolites, dont l’éthanol,qui est majoritairement présentdans les condensats. Un des silos aété balayé à l’azote, éliminant immé-diatement toute trace d’oxygène, etlimitant la formation d’éthanol. Maisle bénéfice de cette manipulationsupplémentaire reste très limité. Lescomposés identifiés sont tous rapi-dement biodégradables et ne sonttoxiques ni pour les utilisateurs, nipour l’environnement. Le volumedes condensats, mesuré sur l’un dessilos, s’élève à environ 6000 l pour 180 m3 de bois. La surprise de l’ana-lyse des condensats a été de consta-ter la présence de populationsimportantes de bactéries aérobies.Leur développement est vraisem-blablement limité par l’acidité dumilieu et la disponibilité réduite ensubstrats.(1) liquide de couleur jaunâtre,d’odeur nauséabonde, provenantdes grumes et apparaissant au fonddes silos.

À chaque objectif saméthode de stockage

Le choix de la méthode de stockagedoit être guidé par la durée de stocka-ge souhaitée et la valeur des produits.

Pour des durées assez courtes, de l’or-

dre de 6 mois maximum et pour desproduits de qualité moyenne, laméthode de conservation en siloouvert peut servir de dépannage encas de pénurie de moyens detransport ou d’impossibilité d’unecommercialisation rapide. Peu oné-reuse (environ 14 €/m3), elle est facileà mettre en œuvre. Il faut cependantveiller à respecter les préconisationsgénérales du procédé (voir encadréprotocole) et particulières suivantes :

empilage soigné des grumes selondes cotes précises,

rapport volume stocké/surface au solsupérieur à 1 m3/m2,

installation d’un grillage en partiesupérieure des grumes afin de limiterles risques de déchirure de la bâche.

Le procédé peut être amélioré en plaçantune bâche entre le sol et les grumes.

Pour des durées plus longues, de l’or-dre de 1 à 2 ans, la méthode deconservation du hêtre en silo ouvertest à proscrire. On pourra opter pourla conservation en silo étanche, si l’onrecherche d’autres objectifs, notam-ment la conservation de bois debonne qualité (voir plus loin). Laméthode est plus onéreuse, mais son

coût peut être réduit par la substitutionaux bâches en PVC d’une double enve-loppe en polyéthylène (variante alleman-de du procédé en silo étanche). Cematériau, plus sensible au déchirement,convient pour une durée d’un an envi-ron. En cas de produits à stocker devaleur moyenne, on pourra aussi opterpour une conservation par voie humide.Cette méthode présente néanmoins ledésavantage d’induire une coloration dupourtour des grumes. Elle nécessiteégalement de disposer d’eau à proximi-té du site de stockage.

Pour un stockage à long terme (plus de2 ans, jusqu’à 5 ans au moins, mais pasd’expérience au-delà de cette durée),et pour des bois de qualité supérieure,seule la méthode de conservation ensilo étanche, selon le procédé SILVA, afait ses preuves. Le matériau PVC assu-re en effet une étanchéité plus durableet plus sûre. Son coût plus élevé à lamise en place est amorti par la duréedu stockage plus longue et l’absencede coût de fonctionnement. Il convientde respecter les recommandations pra-tiques suivantes :

délais d’exploitation d’autant plusréduits que la saison est favorable audéveloppement des agents pathogè-nes. Pas d’exploitation au-delà desmois de mai-juin ;

Ouverture d’une bâche (FD d’Auberive)

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Page 16: Stockage du bois de hêtre

Site de Chizé : à la recherchedes conditions d’usinage

optimales

L’étude sur le stockage en silo étan-che menée sur le site de Chizé a étéapprofondie, afin d’optimiser lesconditions de stockage et d’usinagedes bois. Des sciages différés de gru-mes après débâchage ont été réalisésà des époques différentes (automnes2001 et 2002, printemps 2002) et dansdes délais variant de 12 à 21 jours.Dans des conditions climatiques favo-rables, c’est-à-dire avec des tempéra-tures basses, le délai de transformationpeut atteindre 2 semaines environ. Au-delà, et a fortiori dans des conditionsmétéorologiques favorables à l’activitéfongique, la proportion des altérationsaugmente par rapport à la campagnede sciage réalisée immédiatementaprès l’ouverture d’un silo.

Les conditions de séchage desdébits obtenus après sciage ont éga-lement été étudiées. Les conditionsde ressuyage sont primordiales : dessciages déposés dans des locaux malventilés se couvrent rapidement demoisissures, même si celles-ci n’af-fectent pas profondément le bois. Enrevanche, des sciages déposés dansdes locaux ventilés sont visuellementcorrects. On remarque même unehomogénéisation et un éclaircisse-ment de la couleur des sciages.

Et l’aventure continue...

Actuellement, l’étude se poursuit surle site de Chizé. Une nouvelle ouver-ture de silo aura lieu au cours de l’an-née 2003, afin de vérifier le bon étatde conservation des bois et derépondre à la question suivante :combien de temps encore ce procé-dé va-t-il garantir la bonne conserva-

tion des bois ? sachant qu’il est envi-sagé de pousser la durée de stocka-ge sur 10 ans dans un des silos aumoins.

Nous attendons aussi de la poursuitede l’expérimentation de pouvoircomprendre plus finement les phé-nomènes chimiques et biologiquesqui se déroulent dans les silos. Eneffet, même si nous constatons quele procédé est valable, un certainmystère demeure, notamment sur laprésence de populations de bacté-ries aérobies qui subsistent presque3 ans après la fermeture des silos. Ceconstat conduit à s’interroger sur larobustesse du procédé de conserva-tion : alors que quelques déchiruresdes silos ont été observées, ellesn’ont pas entraîné de remontéespectaculaire du taux d’oxygène.Ceci peut traduire une grande inertiedes échanges extérieur/intérieur dessilos, ou au contraire un équilibreprécaire où tout apport d’oxygèneest immédiatement « consommé ».Des investigations supplémentairesdans ce domaine restent donc néces-saires, y compris sur les condensatsdont l’acidification artificielle ou leremplacement par une eau purepourraient diminuer les risques dereprise d’une activité biologiqueaérobie.

Enfin, il serait intéressant de passer del’expérimentation à la valorisationindustrielle du procédé. Les indus-triels du bois pourraient égalements’approprier la méthode et l’utiliserdans le cadre normal du marché, parexemple pour réguler leur approvi-sionnement.

Anne LAYBOURNEPascal JARRET

ONF, service technique et rechercheDT Centre-Ouest

[email protected]@onf.fr

Projet de recherche en partenariat avecle CTBA sur financement de la DERF.

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Aspect des billons à l’ouverture en 2003

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purge des grumes dont les extrémi-tés sont échauffées avant bâchage ;

calibrage des piles pour éviter toutrisque de déchirure des bâches, enpurgeant éventuellement les extrémi-tés présentant des chicots ou desaspérités ;

façonnage soigné des joints d’étan-

chéité à la fermeture des bâches etvérification de l’étanchéité, par mise endépression des silos ;

surveillance régulière du tauxd’oxygène ;

stockage sur un site de préférenceclos, et surveillé.

Page 17: Stockage du bois de hêtre

De l’intérêt d’utiliser lestockage sous bâche

Des méthodes de stockage peucontraignantes par rapport àl’aspersion

Le stockage par aspersion présentede fortes contraintes : il faut del’électricité pour les pompes et del’eau, beaucoup d’eau, pour mainte-nir les bois à un taux d’humidité suf-fisant. De plus, les rejets d’eau doi-vent être régulièrement analyséspour ne pas nuire à l’environnement.Avec le stockage par ensilage, riende tout cela : il faut du terrain (lespiles sont deux fois moins hautesque pour un stock sous aspersion),une surveillance régulière du tauxd’oxygène dans les bâches, et c’esttout dans la plupart des cas (maispour des stocks importants, la récu-pération et le traitement descondensats devront être prévus). En

revanche, l’injection d’azote deman-de un matériel lourd qui ne pourraits’amortir que pour des volumesstockés conséquents.

Un seul impératif : de la rigueurpour constituer les lots

La constitution des lots sous bâchesdoit répondre à quelques impératifs.En premier lieu, et c’est égalementvalable pour les bois que l’on stockesous aspersion, les bois exploités ensève doivent être conditionnés etstockés dans un délai de 72 heures,pour éviter tout risque d’échauffurepréalable. Le stockage sous bâchenécessite d’être très vigilant sur lalongueur des billons, qui doit êtreuniforme, afin de faciliter la mise enplace de la bâche. Enfin, il faut veillerà stocker du bois de qualité (bille depied, majoritairement de qualité Bselon la norme AFNOR) pour espéreramortir le coût du stockage.

Le stockage sous bâche plastique a-t-il un avenir commercial ?

Les principaux résultats

économiques des

méthodes de stockage sous

bâche testées sur le site de

Nancy depuis le printemps

2000 (stockage en silo

étanche et stockage sous

atmosphère d’azote),

donnent un éclairage sur

leur avenir commercial,

comparativement au

stockage par aspersion, plus

couramment pratiqué.

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Mise en place des bâches sur le site de Nancy

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Page 18: Stockage du bois de hêtre

Un avantage indéniable : un suivisimple à mettre en œuvre

Le suivi des stocks de bois bâchés estplus facile que pour les bois arrosés,pour lesquels il faut une inspectionquotidienne de l’installation pourvérifier le fonctionnement des pom-pes et surtout nettoyer filtres etasperseurs qui ont la mauvaise habi-tude de s’encrasser régulièrement.Le suivi (en dehors de l’aspect expé-rimental) se résume ici pour l’essen-tiel à la surveillance des taux d’oxy-gène dans les bâches, pour s’assurerde leur étanchéité. Chaque remon-tée même légère du taux d’oxygènenécessite une intervention rapidepour en trouver l’origine et y remé-dier. Dans cette perspective, il estintéressant de disposer de sites destockage facilement et rapidementaccessibles, ce qui permet égale-ment d’en assurer la surveillance.

Des techniques qui restentcoûteuses

Un investissement de départimportant…

Le choix a été fait dès le départ d’u-tiliser un matériau très résistant pourles bâches des silos étanches, enl’occurrence le PVC. Ce choix acependant un coût : sa fourniture etsa mise en œuvre représentent labagatelle de 27 €/m3 stocké, soitl’essentiel de l’investissement dedépart avec l’aménagement du site.

En ce qui concerne l’injection d’azo-te, le gros de l’investissement résidedans l’acquisition d’un générateurd’azote, dont le coût avoisine les70000 €. Dans le cadre de cetteexpérience, le matériel avait été misà disposition gracieusement par lasociété Air Liquide. La société avaitévoqué la possibilité de remplacer legénérateur par des réservoirs d’azoteliquide, sans toutefois fournir deséléments économiques.

…mais un coût de fonctionnementréduit pour les silos étanches

Dans le cas des silos étanches, les fraisde fonctionnement se limitent au coûtdu personnel chargé de surveiller letaux d’oxygène dans la bâche et deréparer les éventuelles petites fuites, cequi représente l’équivalent de 10 HJcumulés sur l’année (sur la base d’unvolume de 1400 m3 en lots de 200 m3).

En revanche, le générateur d’azote est ungros consommateur d’électricité, étécomme hiver. Dans le cas présent, lesdépenses d’électricité se sont élevées à7400 € pour une année de fonctionne-ment, soit 31 €/m3/an. Ce dernier chiffreest à relativiser par le fait que le volumestocké était faible, et en tout cas inférieuraux capacités du générateur d’azote.Cela étant, il aurait été difficile de descen-dre en dessous de 20 €/m3/an, ce qui estprohibitif par rapport aux autres métho-des de conservation (voir encadré).

Une modalité de ventespécifique

Comment vendre du bois que l’on nevoit pas…

Si un lot sous silo étanche avait faitl’objet d’un contrat de prévente avecune entreprise spécialisée dans ledéroulage, les autres ont été mis envente le 4 décembre 2001, dans lecadre d’une vente de bois façonnéspar appel à la concurrence. En règlegénérale et tout particulièrementpour les feuillus, les acheteurs visi-tent les lots avant la vente pour enestimer la qualité, et donc le prix.Dans le cas présent, il leur fallaitacheter des bois sans les voir, et deplus stockés selon un procédé expé-rimental. Afin de les rassurer sur laqualité des bois et pour minimiser lerisque commercial, nous leur avonsproposé :

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Comparaison économique des différentes méthodes de stockage

Une rapide analyse montre que globalement, la méthode de l’aspersion reste lamoins chère, mais avec une durée de conservation qui doit rester courte pour nepas risquer une coloration des bois. La méthode des silos étanches est trèscoûteuse au niveau de l’investissement de départ, mais permet une conservationde plus longue durée. De plus, l’utilisation d’un matériau moins noble que lePVC, comme par exemple le polyéthylène, permettrait de ramener le coûtd’investissement à environ 10 €/m3, ce qui le rendrait compétitif par rapport àl’aspersion. Enfin, l’injection d’azote atteint des coûts qu’il est impossible derentabiliser pour le stockage de bois, même de qualité.

Stockage bâche PVC : sur la base d’un volume de 1400 m3 en lots de 200 m3

Stockage sous azote : sur la base d’un volume de 300 m3 répartis en 3 lotsStockage sous aspersion : sur la base d’une aire de 40 000 m3.

Investissement : aménagement du site, achat et mise en place du matériel,subventions déduites. Pour le stockage sous azote, il n’a pas été tenu compte duprix d’achat du générateur, mais uniquement de son coût de transport sur site.

Fonctionnement : y compris temps de personnel consacré à la surveillance.

Modalités de stockage

bâche PVC sous azote par aspersion

Investissement 31,5 56 4 à 6Fonctionnement/an 2 31,5 3 à 4Remise en état 1,5 1,5 2

COÛTS DES MODALITÉS DE STOCKAGE (en €/m3)

Page 19: Stockage du bois de hêtre

d’ouvrir un lot témoin le matin de lavente (6 grumes pour 3,6 m3), afin qu’ilspuissent juger de l’état de conservationdes bois,

de vérifier contradictoirement l’é-tat de conservation des lots qu’ilsachetaient, ceci au moment de l’ou-verture des bâches. Cette vérificationdevait porter sur un échantillon de 10grumes choisies au hasard lors duchargement du premier camion. Sides altérations étaient mises en évi-dence, l’ONF appliquait une réduc-tion sur le prix de vente du lot, pro-portionnelle au volume altéré.

Dans les faits, un lot a fait l’objetd’une promesse d’achat par unesociété de négoce le matin même dela vente, et a été débâché sur lechamp en lieu et place du lot témoin.Malgré une qualité apparente irré-prochable des bois, les autres lotsn’ont pas suscité d’offres à la vente.Le peu d’intérêt de la part des ache-teurs tenait à un marché du hêtre trèsdéprimé à l’époque, mais égalementà leurs inquiétudes sur le comporte-ment du bois après transformation.De plus, la nécessité de sécher trèsrapidement les sciages (fondée surles avis de nos collègues allemands)limitait fortement le nombre d’ache-teurs potentiels.

De Velaine en Haye à la Chine…

Le premier lot acheté par la sociétéde négoce a été rapidement chargédans des containeurs pour prendre ladirection de la…Chine. Cette desti-nation n’a pas manqué d’étonner lesprofessionnels qui recommandaientde transformer les bois rapidementaprès l’ouverture de la bâche, alorsque le voyage jusqu’en Chine prendsix semaines en bateau. La société denégoce s’est rapidement déclaréeintéressée par les autres lots, mais nesouhaitait concrétiser une transactionqu’après l’arrivée du premier lot enChine, pour lequel le négociant a fina-lement fait part de sa satisfaction !Ce délai a permis de vendre quel-ques lots à une scierie locale, le resteétant expédié en Chine.

Les lots de bois sous bâche étancheont été vendus en moyenne à 70 €/m3,la fourchette des prix allant de 53,3 €/m3 à 76,2 €/m3 selon le dia-mètre moyen des billons et la pro-portion de qualité B. À qualité etdimensions équivalentes, ces prixétaient comparables à ceux obtenuspour les hêtres stockés sous asper-sion près de Nancy, qui avaient étémis en vente au printemps 2001. Enrevanche, les bois sous atmosphèred’azote se sont très mal conservés.

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Les acheteurs des bois stockés sousbâche en Lorraine représentant lesprincipaux débouchés des hêtres dequalité, ont tenu à nous faire part deleur point de vue sur cette méthodede stockage :Bin GUO, gérant de la société S2ISA àIssy-les-Moulineaux, spécialisée dansl’exportation de grumes vers la Chine,François DUVAL, commis pour lesEtablissements BRUGERE à Châtillonsur Seine, spécialisée dans le déroulagedu hêtre,Philippe PETITFOUR, responsable desachats bois pour la scierie THANRY, laplus importante scierie de hêtre deLorraine.

Quelle est votre appréciation de laqualité des bois conservés sousbâche ?

BG : les bois sont presque comparablesaux bois frais, ces derniers étant plushomogènes au niveau de la couleur.Les lots achetés à Nancy sont arrivés enChine dans le même état de conserva-tion que des bois frais, alors qu’il y avaitplus de pertes avec les bois arrosés.FD : les bois se sont très bien conser-vés, surtout au niveau de leur couleur.Je n’ai pu constater une légère colora-tion qu’au bout de 3 ans de stockagesous bâche, sur des bois achetés ducôté de Langres. De plus, la protectiondes écorces restées adhérentes n’engen-dre pas de perte de rendement matiè-re, contrairement au stockage paraspersion, qui colore le pourtour desgrumes.PP : la qualité de ces bois permet desutilisations nobles, comme le trancha-ge, le déroulage ou le sciage de plots,car les quelques colorations visiblesdisparaissent à l’étuvage. Le peu d’alté-rations que j’ai pu constater provenaiten règle générale de la période d’avantstockage.

De votre point de vue, quels sont lesavantages et les inconvénients decette méthode par rapport au stocka-ge sous aspersion ?

BG : Les bois stockés sous bâche res-tent blancs au delà d’un an de stocka-ge, ce qui n’est pas le cas des bois stockés sous aspersion. Cependant, ces Ouverture des bâches sur le site de Nancy

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Page 20: Stockage du bois de hêtre

L’importance de l’échauffure étaittelle que nous n’avons eu d’autrechoix que de les vendre à une usinede panneaux de particules pour unprix de 12,2 €/tonne.

En conclusion

La méthode du silo étanche avecbâche PVC est le meilleur moyen deconservation pour le hêtre lorsque ladurée de stockage dépasse un an.Cette méthode est très chère à lamise en œuvre et ne peut s’envisagerque pour des bois de qualité (billesde pied de qualité B). Cependant, lecoût de l’investissement pourrait êtrerevu à la baisse en utilisant d’autresmatériaux que le PVC, et constituerainsi une alternative à l’aspersion.

Il reste que les prix de vente des boisstockés sous silo étanche n’ont pasété à la hauteur de leur état deconservation, du fait d’un marchédes grumes très déprimé après latempête de 1999 et d’un très petitnombre d’acheteurs intéressés parces bois. Ce constat est lié à l’impor-tance du volume de chablis rencon-tré en Lorraine après la tempête de1999 et ne peut en aucun cas consti-

tuer une conclusion définitive. Lestockage par silo étanche peut s’avé-rer économiquement intéressantsous réserve de sensibiliser la filièresur les performances de cette métho-de de conservation et de s’orientervers des préventes où l’acheteurpeut s’assurer de la qualité des boisau moment du stockage.

Claudine RICHTERONF, service patrimonial

DT [email protected]

André RICHTERONF, service commercial

DT [email protected]

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derniers sont plus humides, doncplus faciles à scier.FD : le stockage sous bâche deman-de une surveillance constante dutaux d’oxygène pour ne pas risquerde mauvaise surprise. Les bois doi-vent être utilisés rapidement, et lesproduits séchés aussitôt, sous peinede les voir bleuir. C’est une tech-nique qui nous convient parfaite-ment car nos bois sont d’abord étu-vés, puis déroulés, et les feuilles deplacage sont séchées rapidement.Elle est plus difficile à mettre enœuvre pour un scieur, qui n’a pasforcement les installations adéqua-tes pour sécher des gros volumes.PP : cette méthode ne permet pasde stocker des gros volumes, car ilfaut beaucoup plus de place quepour le stockage par aspersion. Lesbois sont plus secs que les bois arro-sés, ce qui permet de les utiliser enpériode de gel.

Pensez-vous que le stockage sousbâche a un avenir industriel, endehors des chablis ?

BG : tout va dépendre de la deman-de sur le hêtre, notamment en Chine.Si le marché de cette essence rede-vient spéculatif, on pourrait expédierdu hêtre en Chine pour le stockersous bâche près des lieux de transfor-mation.FD : en ce qui nous concerne, lesbâches vont remplacer l’arrosagepour la conservation du stock tam-pon que nous utilisons habituelle-ment au courant de l’été. Nous avonsfait appel à une société allemande quiutilise des bâches plus fines que cellesutilisées à Nancy. Il s’agit d’une dou-ble enveloppe en polyéthylène, beau-coup mois cher que le PVC. Par contre, elles sont plus perméables àl’oxygène, ce qui limite le temps destockage à 6 mois, car au delà appa-raissent des colorations.PP : il peut avoir un avenir si les prixdes grumes et des produits transfor-més repartent à la hausse. En effet, ceprocédé de conservation est cher etpar conséquent très difficile à amor-tir dans la situation des marchésactuels.

Aspect des bois après ouverture

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Page 21: Stockage du bois de hêtre

Stratégies de stockage du hêtreet commercialisation : bilan de l’ONF

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ommercialiser les bois issusdes forêts publiques, en

recherchant la meilleure valorisationéconomique, et en garantissant à l’en-semble de la filière bois un approvi-sionnement régulier en matière pre-mière, c’est l’équilibre indispensableau bon fonctionnement d’un pan entierde notre économie nationale que desévénements climatiques majeurscomme les tempêtes de décembre1999 viennent en un instant boulever-ser. D’ampleur nationale (et mêmeeuropéenne), elles ont conduit à pren-dre des décisions de portée nationale,qui devaient surtout permettre à l’en-semble des zones sinistrées de faireface équitablement.

Avant tout, une bonne estimation desdégâts, bien que difficile à obtenir, estindispensable à la mise en œuvre d’unestratégie de commercialisation. Au-delà d’un chiffre, aussi exact soit-il,c’est bien l’intensité des dégâts et leurrépartition géographique que l’oncherche à déterminer. Le contexte fin1999 : les volumes de chablis sont 3,5fois supérieurs aux capacités normalesd’absorption de la filière, et les zonesnon touchées relativement rares.

Préserver au maximum les bois précé-demment vendus mais encore sur pied.Un dispositif de « gel » et de redéfinitiondes coupes a permis d’écouler une partiedes volumes de chablis (1). Ces opéra-tions ont été réalisées sur la base de barè-mes de prix négociés avec l’ensembledes acteurs de la filière, afin de limiter aumaximum la chute des cours. Car, face àcette situation de surabondance soudai-ne de l’offre, la tentation a été grande delaisser les bois à n’importe quel prix. Lesdécotes négociées, jusqu’à 50 % du prixavant tempête, ont pris en compte lessurcoûts techniques liés au chablis (pur-ges, coûts d’exploitation…) et tamponnél’effet dépressif des marchés.

S’orienter, au moins dans un premiertemps, vers une politique généraliséede ventes amiables (toujours sur la basedes barèmes négociés), l’appel à laconcurrence n’ayant plus aucun intérêtface à un tel déséquilibre de l’offre et de

la demande. Le retour à des ventes parappel à la concurrence n’a pu s’opérerqu’à partir du milieu de l’année 2000, etuniquement sur certaines essences dansun premier temps (chêne en particulier).

Etaler l’offre de boisIl n’était pas concevable de commerciali-ser rapidement sur le marché la totalitédes volumes disponibles. Des solutionsalternatives ont été mises en œuvre : - l’export, afin d’élargir géographique-ment le marché. De nouveaux clients ontété prospectés principalement enEurope. Plusieurs années après, un cer-tain nombre d’entre eux achètent tou-jours des bois à l’ONF. En outre, de véri-tables ponts ferroviaires et fluviaux misen place avec les zones non sinistrées dusud de la France ont permis d’écoulerquantités de chablis là où les ventes debois faisaient défaut ;- le stockage, afin d’étaler dans le tempsl’écoulement des chablis. Cet étalementa pour double conséquence de soustrai-re en période d’abondance une partiede la ressource disponible, ce qui a ten-dance à rendre plus attractif ce qui reste,et de réinjecter sur le marché en périodede disette une quantité de bois indis-pensable à l’approvisionnement devenudifficile des entreprises.

L’export comme le stockage nécessitentdes investissements conséquents, quece soit pour l’exploitation, le transportou la conservation des produits, dont larentabilité n’est pas toujours immédiate,ni garantie. Ces dispositifs ont pu êtremis en œuvre au lendemain des tempê-tes grâce au concours financier de l’Étatqui a ainsi contribué à redynamiser unmarché fortement déprimé.

Bilan des opérations menées par l’ONFDifférentes modalités de stockage ontété utilisées pour le hêtre, avec desobjectifs sensiblement différents. Dansle cas du stockage sous bâches, lesprojets de recherche ont plutôt cher-ché à parfaire les techniques et nosconnaissances qu’à dégager un réelprofit. Le stockage in situ a souventconstitué une solution de replis, fauted’avoir pu trouver à vendre ou trans-porter les bois, dans l’espoir qu’ils

pourraient encore être valorisés quel-ques temps après. Enfin, dans le cas del’aspersion, les volumes stockés ont étéplus significatifs (plusieurs 10e de mil-liers de m3) et ont eu pour conséquen-ce de relancer, au moins un temps etlocalement la commercialisation de cesproduits. L’effet d’annonce associé auxperspectives de stockage et la stabili-sation des cours qui en découle sont aumoins aussi importants que la rentabili-té directe de l’opération (2).

En conclusionLes opérations de stockage du hêtrehors forêts doivent être mûrement réflé-chies et n’intervenir qu’en dernier res-sort, pour une durée forcément limitée :il s’agit d’une entreprise délicate, qui nedoit être envisagée qu’après une analysefine. Le risque de ne pas valoriser auterme de l’échéance les frais engagéspour l’exploitation, le transport et laconservation est réel, ce qui en limitel’intérêt purement économique (horseffet d’annonce ponctuel).

Soit les chablis sont localisés, et le mar-ché n’est que très peu perturbé, ou uni-quement localement, et des solutionsde commercialisation immédiate doi-vent être privilégiées (notamment horszone sinistrée).

Soit les chablis sont généralisés, auquelcas le marché pourra être plus durable-ment perturbé, et le risque de ne pasobserver de redressement significatifdes cours avant plusieurs années doitinciter à la plus grande prudence quant àla décision de stockage hors forêt.Si après analyse, cette option est retenue,il est alors indispensable de maîtriser par-faitement la logistique d’approvisionne-ment des aires. Les bois stockés doiventen effet respecter des critères de qualitéélevés (bois sains et de bonne qualité),mais ces produits ne posent générale-ment pas de souci à la commercialisation,même aussitôt après tempête…

Eric MARQUETTEONF, responsable offre et

commercialisation des boisdirection technique

[email protected]

(1) Les bois sur pied sont échangés, à valeur équivalente, contre des chablis.(2) La technique de l’immersion, qui n’apporte pas de réelle valeur ajoutée par rapport à l’aspersion mais dont la mise en œuvre et les contraintes (reprise, pollutiondes eaux…) nécessitent un surcoût, n’a pas été développée pour le hêtre.

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