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stuaria cultures et développement durable ^^ ^ -. "^ T ^. ^.iW"1-^ W*^'hî' ' . £:5s-ac:5^s^ ' -f- ^J-- La rivière aménagée : entre héritages et modernité -2005 Textes réunis par Virginie Serna et Alain Gallicé

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stuariacultures et développement durable

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La rivière aménagée :entre héritages et modernité

-2005

Textes réunis

par Virginie Sernaet Alain Gallicé

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Les aménagements liés à la navigationsur la rivière d'Yèvre

(fin xve siècle - fin xvme siècle)

Valérie MAURET-CRIBELLIER '

En France, jusqu'au début du xvne siècle, la navigation s'effectue sur les voies

d'eau naturelles qui constituent un réseau, très incomplet, relié par des voiesterrestres. Malgré les imperfections et les insuffisances inhérentes aux coursd'eau (crues, sécheresses, changements de lits, embâcles), les hommes les pré-fèrent aux routes plus coûteuses à entretenir et presque toujours en mauvaisétat. Le courant permet de voyager à peu de frais et les rivières bénéficient sou-vent d aménagements destinés à améliorer la navigation.

La position géographique du Berry, au centre de la France, ainsi que sonimportance politique et économique à la fin du Moyen Âge génèrent des pro-jets d'aménagements de rivières. Cette province n'est en effet parcourue paraucun grand fleuve navigable, la Loire le contourne, et les principales routesterrestres liées au commerce ne la traversent pas2. À Bourges, les industries

locales, notamment celles qui travaillent la laine ou qui fabriquent des draps3voient un intérêt certain dans l'ouverture d'un moyen de transport économique.La préoccupation d'une communication avec le bas Cher4 est constante chez lesmarchands de Bourges à partir de la fin du xve et pendant tout le xvie siècle.

Cette rivière, affluent de la Loire, leur ouvre en effet un débouché vers l'ouest

de la France. Pour rejoindre le Cher, les bateaux en provenance de Bourges doi-

l. Chercheur au service régional de l'Inventaire général à la direction régionale des Affairesculturelles du Centre, [email protected]. Je remercie Eléonora Antunapour la transcription qu'elle a faite des nombreux textes anciens indispensables à l'élaborationde cette recherche.

2. Certaines routes existent, notamment celle reliant Orléans et le Bourbonnais via Vierzon,Bourges et Dun-sur-Auron mais elle est probablement peu fréquentée, ESTIENNE, Charles, Laguide des chemw de France, JSS3, 2 vol., éd. Jean BONNEROT, Paris, 1936, t. il, p. 145-150 ;MICHAUD-FRÉJAVILLE, Françoise, « Le Berry au temps de Jacques Amyot, aspects écono-miques et sociaux », dans Fortunes de Jacques Amyot, Actes du colloque international,Melun, 18-20 avril 1985, éd. Michel BALARD, Paris, A. -G. Nizet, 1986, p. 86-102.

3. Le Ben-y produit également du chanvre, du fer, de l'huile de noix et des eaux de vie.4. En aval de Vierzon.

La rivière aménagée :entre héritages et modernitéeestuaria, 2005, 7 : 333-349

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vent emprunter l'un de ses affluents, l'Yèvre qui prend sa source dans le San-cerrois et mesure 67 km de long. La présente étude concerne plus spécialementla section de l'Yèvre comprise entre Bourges et Vierzon (figure l).

Les états généraux de Tours (1484) et les premiers travaux

En 1484, lors de la réunion des états généraux à Tours, la jonction des rivièresde Cher et d'Allier par celles d'Auron et d'Yèvre est proposée5. Afin de pré-parer au mieux l'aménagement de ces rivières, Jean Cousturier, inaître menui-sier, et Jean d'Aloigny, maître charpentier, se rendent en 1489 à Chartres6 pour

examiner les pertuis (ou porte) réalisés sur l'Eure7 (Antuna, 2000). Ils se

déplacent également à Châteaudun et à Vendôme pour observer les ouvragesdu Loir comparables à ceux de l'Eure (Antuna, 2000 ; Campion, 1985 :77-79).En 1489, des visites ont également lieu sur plusieurs rivières du Berrys (Girar-dot, 1845 : 369) afin d'estimer leur capacité à porter des bateaux : entre Bourgeset Vierzon (Yèvre), entre Vierzon et Selles-sur-Cher (Cher) et entre Selles-sur-Cher et Saumur (Cher et Loire).

A cette époque, de nombreux barrages de moulins sont installés en traversdes rivières. Chaque barrage est un obstacle à la navigation et leur franchisse-ment s'effectue à l'aide de pertuis aménagé dans ce barrage. Fermé, le pertuispermet au niveau d'eau de s'élever en amont ; ouvert, il offre un passage cons-titué d'une marche d'eau que le bateau doit passer en même temps que le flot.Ces aménagements permettent d'obtenir un tirant d'eau plus important et detransporter des charges plus lourdes. Cependant, la remonte des pertuis est trèslongue et pénible.

L'aménagement de l'Yèvre est dirigé par Etienne Jarron, de Saumur9

(Raynal, 1844 : 171). En 1491 Charles vm édicté un règlement pour la naviga-tion de cette rivière (Girardot, 1845 : 370), ce qui semble signifier que les tra-vaux sont terminés. Par ailleurs, un texte daté de 1493 Io confirme l'existence de

portes à bateaux près de Bourges. On peut donc penser que dès la fin duxve siècle, des pertuis sont réalisés sur l'Yèvre entre Bourges et Vierzon. On

5. Arch. nat., F'4708. 1.

6. Arch. mun. Bourges, DD 29, document daté du 25 novembre 1489.7. Des portes à bateaux de l'Eure sont réalisées à partir de 1450, (Antuna, 2000).8. Comptes des receveurs des deniers communs de la ville de Bourges, (Girardot, 1845 : 369).9. Nous ignorons tout d'Étienne Jarron, de Saumur.10. Arch. mun. Bourges, DD 29. Emery du Molin, de Bourges, se rend de nouveau à Chartres

pour visiter les ouvrages de l'Eure. Dans son rapport, il mentionne des portes marinières :celles qui sont à présent faites en notre rivière.

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N

Vignoux-sur-Barangeon

la Vernusse

f écluse (ou voie)

:::;:::; agglomération

Figure l : les anciennes écluses de l'Yèvre (xvr-xviir siècles) entre Bourges et Vierzon (réal. M. Guérid/lnventaire général)

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ignore tout de leur aspect. Probablement, sont-ils du même type que ceux desrivières visitées, des portes à bateaux fermées par des aiguilles et des bouchures.

Ces ouvrages sont constitués de petites poutrelles posées verticalement(appelées aiguilles) et s'appuyant en bas sur un seuil et en haut sur une grossepoutre horizontale appelée volée. Cette dernière peut pivoter. La pression del'eau maintient les aiguilles en place. Celles-ci sont espacées de 30 à 40 cm etces intervalles sont fermés par des petites planchettes en bois appelées bou-chures, munies chacune d'un long manche utile à leur manipulation (Berg,1997 : 18 ; Antuna, 2000: 16). ~ ' -~~ v-"°'

Une deuxième campagne de travaux : 1505-1510

Les travaux réalisés sur l'Yèvre à la fin du xve siècle ne donnent sans doute pas

toutes satisfactions. Ils sont probablement considérés comme incomplets, oupeut-être ont-ils été endommagés par des crues, puisqu'en 1503 des lettrespatentes de Louis xii accordent aux habitants de Bourges le droit de rendrenavigable les rivières de l'Yèvre et du Cher entre Bourges et Selles-sur-Cher ".

En 1505, des visites de l'Yèvre et du Cher sont à nouveau effectuées. Uncertain Bienaimé Georges, architecte et bourgeois de Bourges, accompagne uningénieur de Milan et sonfîls 'afin de leur montrer la navigation sur ces rivièresl2(Jemly' 1974 : 58-60). Trois mois plus tard, Bienaimé Georges, accompagnéde l'échevin François Perreau, suit le cours de ces mêmes rivières pour 'savoirdudlt ingénieur les façons et manières de mieux faire ladite rivière navigable.Des patrons et devis sont réalisés suite à ces visites '3 (Girardot, 1845 : 370).

En 1510, un procès-verbal de visite de la voye^ du Gourt à VierzonI 5 (Gau-chery, 1911 : 313-348) rapporte que le charpentierJacquemin de Bétancourt'6s engage, sous six semaines, à retirer ce qu'il reste de l'ancienne voye (sansdoute des vestiges d'un pertuis de la fin du XV siècle) et en construire une nou-velle selon les plans de l'ingénieur de Milan. Il est également précisé que deux

ll. /Ad', DD29.12. id., CC 275 et 570.

13. D'après les comptes des receveurs des deniers communs de la ville de Bourges, (Gii1845 :369). - - "" ~~ ---e, --, <.--,

14. En Berry, le terme myce&t utilisé du xvic au xvnf siècle pour désigner indifféremment unpertuis ou une écluse à sas.

15. Biblio. nat. France, département des manuscrits, pièces originales 1623, dossier 37766.16. Le procès-verbal de 1510 mentionne également d'autres travaux sur la voye de Court près

de Vierzon : maçonnerie et ferronnerie.

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voyes ont déjà été construites, sur le modèle préconisé, à La Roche et à Bablou(commune d'Allouis, Cher).

Cette fois, les maîtres d'ouvre choisissent de construire des ouvrages d'ungenre tout à fait nouveau. Le texte de 1510 rapporte en effet que lesdites portes[... ] seront de 3 doigts d'épaisseur ou environ gamies de coulombes et cour-bans en façon de croix de Saint André et de guichets qui s 'ouvriront sansbouger de leur ruyne (rainure). Et sera la pièce de dessus lesdites portes d'unpied d épaisseur afin que la queue dudit guichet soit amortaisée dedans laditepièce. L emploi dans ce texte du mot portes au pluriel et la présence de guichetdans ces mêmes portes, ce que l'on appelle aujourd'hui des ventelles, laissentpenser qu'il existe des écluses à sas 17 sur la rivière d'Yèvre dès 151018 (Gau-chery, 1911 : 313-348). En outre, on sait qu'à cette date les bateaux peuventnaviguer en toutes saisons dans les voies de La Roche et de Bablou déjà réali-sées suivant le même modèle que celle du Court, ce qui confirme l'existenced'écluses à sas : un pertuis ne se franchit pas par tous les temps '9. Enfin, le plandaté de 1505 d'une écluse à sas à la confluence de l'Yèvre et du Cher àVierzonmentionné par l'architecte en chef des monuments historiques Paul Gaucheryen 190620, qui n'a malheureusement pas été retrouvé, en fournirait la preuveirréfutable.

L'attribution de la conception des ouvrages de l'Yèvre à un ingénieur ita-lien accompagné de son fils s'avère tout à fait intéressante. Malheureusement,on ignore tout de cet homme. Certains auteurs y ont reconnu Léonard de Vinci,mais ce dernier n'arrive en France qp'en 1516. En réalité, il n'y a rien d'éton-nant à ce que les commanditaires fassent appel à des ingénieurs italiens2'

(Mauger, 1997), les compétences de ceux-ci sont largement reconnues à cettepériode pour l'aménagement des rivières.

Sur l'Yèvre, la présence d'écluses à sas, dès 1505-1510, révèle la volontédes Berruyers de construire des ouvrages efficaces et à la pointe du progrès.

17. L'écluse à sas est un ouvrage permettant de franchir la différence de niveau entre un biefamont et un bief aval. Elle est composée principalement de deux murs parallèles (lesbajoyers) qui délimite un espace (le sas) fermé aux extrémités par des portes. L'eau passe dusas au bief (ou inversement) grâce à des vannes ménagées au bas des portes.

18. Biblio. nat. France, département des manuscrits, pièces originales 1623, dossier 37766,document daté de 1510.

19. D'après un texte daté des environs de 1550, il semble que seules ces trois voyes sont réali-sées suivant le modèle donné par l'ingénieur de Milan, Arch. mun. Bourges, DD 31.

20. Mémoire de la Société des anfiquaires du Centre, 1906, p. xxiii.21. On sait qu'un autre ingénieur italien a travaillé en 1567 sur la rivière de la Vilaine en Bre-

tagne (Mauger, 1997).

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Pour mémoire, rappelons que les premières écluses à sas sont probablementréalisées dans le Milanais durant le second tiers du XVe siècle (Pinon, 1995 : 74),que Léonard de Vinci dessine en 1488 une écluse à sas perfectionnée par desportes busquées munies de ventelles et qu'en France, une écluse dite de laRoussille sur la Sèvre niortaise2 2 (Clouzot, 1905 : 272-285), composée d'un

grenier (sas), de murailles et de portes actionnées par des cabestans et deschaînes, est mentionnée en 1494.

La réfection des ouvrages de l'Yèvre au milieu du xvie siècle

Nous manquons cruellement de sources pour la période qui suit la réalisationdes premières écluses de l'Yèvre du tout début du xvr siècle. On sait seule-ment qu'en 1525 les écluses, voyes, pertuis et batardeaiuc ont été détruits jus-qu ''à Mehun par les 'forces des eaux ̂Girardot, 1845 : 371). Probablement à lasuite de ces destructions, la rivière de l'Yèvre est, de nouveau, aménagée entre1547 et 1553 (Thaumas de La Thaumassière, 1689 : 353) afin d'assurer unecommunication facile du Berry vers la Loire via le Cher :- en 1547 ou 1548, des lettres patentes de Henri n portent imposition de 9 000 Lpar an pendant six ans pour rendre l'Auron" navigable jusqu'au Cher24

(Girardot, 1845 : 371) ;- en 1549, la rivière d'Yèvre est visitée par des personnes venues de Moulins-en-Bourbonnais (Moulins-sur-Allier)25'et de Tours pour estimer les travaux àréaliser ;

- en 1549, des lettres patentes de Henri il se rapportent à la démolition de mai-sons et de moulins établis le long de la rivière et pouvant gêner la navigation(Girardot, 1845 : 372) ;- vers 1550, les propriétaires riverains dépossédés de terres, prés, moulins,pêcheries à cause des travaux de navigation demandent des dédommagementsaux maires et échevins de la ville de Bourges2 6 (Girardot, 1845 : 372) ;

22. Les portes de l'écluse de la Roussille n'ont pas de ventelles et le sas se vidait au moyen deconduits aménagés dans la maçonnerie.

23. L'Yèvre est souvent désignée sous le nom de l'Auron (la seconde se jette dans la premièreà Bourges).

24. Arch. mun. Bourges, DD 33.25. Ibid., DD 31. Il s'agit de Jehan Arnoux et Ardouin de La Chapelle, marchands mariniers,

demeurant à Moulins-en-Bourbonnais et ayant également visité la rivière du Cher en août1549, ibid., DD 29.

26. Ibid., DD 35.

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- le 5 octobre 1552, deux échevins de Bourges, accompagnés du marchandmarinier, Ardouin de La Chapelle, d'un maçon, d'un serrurier et d'un menui-sier, participent à une visite en bateau des voyes nouvellement construitesentre Bourges et Vierzon27. Le rapport de visite mentionne encore des obsta-

des à la navigation, notamment à Beaunois où il n'y a aucune ouverture pourle passage des bateaux et où l'on doit tirer l'embarcation à terre sur le pré, puisla remettre à l'eau un peu plus loin ;- en 1553, la rivière de l'Yèvre commence à porter bateaux (Thaumas de LaThaumassière, 1689 : 353 ; Raynal, 1844 :4).

Les travaux de l'Yèvre entre Bourges et Vierzon sont réalisés sous laconduite d'un dénommé Gilles Pain et de deux marchands mariniers de Mou-lins-en-Bourbonnais (Moulins-sur-Allier), Jean Arnoulx dit Pachonde etArdouin de La Chapelle2 8. L'aménagement de l'Yèvre2 9

a consisté, d'une part,à améliorer le lit de la rivière : des petites îles sont nettoyées, des arbres, despieux sont arrachés, le lit est cure pour obtenir une profondeur d'eau de 2, 5 à3 pieds minimum (81 à 97 cm) et une largeur de 25 pieds (8,12 m) pour rendrepossible le croisement des bateaux. D'autre part, des ponts sont construits,douze selon Jean Chaumeau (Chaumeau, 1566). Parmi eux, un pont-levis estinstallé à Mehun-sur-Yèvre afin que les bateaux ne soient pas obligés dedémâter à son passage3 0. Enfin, et c'est le plus intéressant, 13 voyesîx de gros

quartiers de pierre dure, ayant chacune plus de 12 pieds de largeur (3,9 m),sont construites (Chaumeau, 1566). Un texte décrit assez précisément les tra-vaux à réaliser32. On y apprend que les ouvrages existants avant la campagnede 1547-1553 (ceux établis au début du xvie siècle) consistent à la fois en desvoyes en pierre (Court, Ratoire, La Roche) et des voyes en bois (Bablou,Crécy)33, et que le site de la Vernusse ne possède pas de voye (mais seulement

27. Ibid., DD 30.28. Ibid., DD 20, texte non daté, vers 1553.

29. Ibid., DD 31, ce texte, très important, n'est pas daté mais on peut le situer vers 1550. Ilindique les travaux à réaliser pour que l'Yèvre devienne navigable.

30. Ibid., DD 31. En 1563, on construit un nouveau pont sur l'Yèvre à Mehun sous la directionde Jacques Thévenet, ingénieur du roi et entrepreneur, Arch. dép. Cher, E 2225, f° 204.

31. Il s'agit des voyes de Moulin-Batard (ou Vouzay), Ouzy, Berry, Beauvoir (ou Gué-aux-Pierres), Grand-Moulin (ou Vachons ou Foulons), Moulin-des-Ponts, Préau, Crécy, LaRoche (ou Chancenay), Bablou, La Vernusse, La Ratoire et Court. La voye de Dournonsemble avoir été ajoutée au cours du xvir siècle.

32. Arch. mun. Bourges, DD 31, texte non daté mais que l'on peut situer vers 1550.33. Les anciennes wyes du Moulin-des-Ponts, de Foulons, du Gué-aux-Pierres. du Moulin-

Batard, de Berry et d'Ouzy sont citées mais ne sont pas décrites.

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une éclusewY Ces ouvrages sont complètement reconstruits mais le modèleretenu semble assez fidèle aux recommandations de l'ingénieur de Milan. Ils'agit d'écluses à sas en maçonnerie fermées à l'amont et à l'aval par desportes à double vantaux en bois.

Les fondations sont constituées de pilotis sur lesquels est fixée une plate-forme (plancher)35 qui sert d'assise aux murs latéraux de l'écluse (les bajoyers).Une couche de glaise recouvrant la plate-forme limite les fuites d'eau. Lesmaçonneries mesurent de 37 à 45 mètres de long et présentent une largeur d'aumoins un mètre. Les murs sont constitués de pierre de taille et mesurent 8 piedsde haut (2, 60 m). Ils sont couronnés d'un alignement de grandes dalles de3 pieds de long (97 cm). Un texte plus tardif3 6 précise que ces grandes pierres

sont attachées entre elles au moyen de crampons de fer avec plomb. La hau-teur d'eau dans les sas doit être de 3 pieds (97 cm) au minimum. Aux extrémitésdes bajoyers, on crée des coulisses pour installer si besoin des « batardeauxvolants ».

Un autre texte 37, non daté mais probablement du troisième quart duxvr siècle confirme et complète cette description : l'espace disponible entreles logements des portes amont et aval est de 13 toises (25, 30 m) et les voyesmesurent 13 pieds de largeur (4, 2 mètres). Les portes en bois sont au nombrede quatre, deux à l' avant et deux à l' arrière (deux portes à double vantaux). Cesportes sont renforcées par des ferrures et sont soutenues par des gonds (en15613S, il est question de trépiedsdefer\&ïms qui pourrait désigner un systèmecomparable au dispositif d'ancrage des portes des écluses des siècles suivantsappelés chardonnet). Les vantaux ne sont pas pleins sur toute leur hauteur pourque l'on puisse les ouvrir sans trop de peine en cas de cme. Qem. fenêtres sontménagées dans les portes pour faciliter leur ouverture lorsque l'eau est trèshaute. Il est difficile de savoir si ces fenêtres désignent des ventelles. Ce donton est sûr c'est qu'en 156139, lorsque les portes sont reconstruites à neuf,celles-ci possèdent alors des guichets (ventelles) assurant le passage de l'eauentre le sas et les biefs amont et aval. Ces guichets sont manouvrés à l'aide de

34. Ce terme désigne probablement ici un barrage, une retenue d'eau.35. Pilotis et plate-forme sont liés au moyen de queues d'aronde, ibid., DD 30, devis de recons-

truction des wyrsde Préau et de La Roche. Texte non daté mais probablement du troisièmequart du XVIe siècle.

36. Ibid., DD 30 : texte non daté mais probablement du troisième quart du xvie siècle.37. Ibid., DD 30 : texte non daté mais probablement du troisième quart du XVIe siècle.38. Ibid., DD 29.39. Ibid., DD 29, contrat du 13 juillet 1561 pour la réfection des portes de 13 voyes sur l'Yèvre.

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LES AMENAGEMENTS LIÉS À LA NAVIGATION SUR LA RIVIÈRE D' YÈVRE 341

barresdefer verticales. -Les Portes elles-mêmes sont maniées grâce à des cha-/^(des balanciers ?) longs de 3 toises (5, 85 m) et d'un gmndpred^w(40 cm environ). Le texte de 1561 mentionne également desoaleTattadSà de gros pieux et destinées à tirer les bateaux dans les wyes. Enfm, ̂ 1^-cise^que chaque voye doit comporter 4 ÀW^T pour attache7les"bateauretquli lfaudra fairedes degrés à ramont des baJ°yers P"ur descendre aisément

les bateaux4 0.

Durant k campagne de travaux du milieu du xvie siècle, certains oertuissont conservés, notamment près des moulins de Dournon et de Préau. CesDer^tuis mesurent 5 m de large et doivent être installés audroùfîlde l'e.

bateaux puissent passer aisément4 1.

^Aujourd'hui encore, des vestiges des écluses de l'Yèvre subsistent entreV^erzonet Bourges {fîgureî). Sur les 14 ouvrages cités par lesTouroTécriteÏ,l.oométérepérés sur le terrain;ces écluses ne sont Pas'répartïes régulièrement

. Jong duours d'eau. Les distances les séparante échelonnent "entre 0,Tetl. Elles sont généralement situées près de moulins (atteste"pourTl

d'entreelles)'toujours légèrement en amont de ceux-ci, sans doute po^évit^rles_remous engendrés. Par. la chute du moulin. Ces ouvrages enm'açonnerkcomprennent des sas d'environ 4 m de large-. Leur longueur est difficile à"éva^;uer en raison de la dégradation des ouvrages mais k'reÏev7dTrécîu"seduMoulÏ:de^ponts a Mehun:sur:Yèvre {figure 3) permet d' eimsager7n7a^^environ 20 m de long (moins de 25 m dans les textes). 'Ce sïssîscritda^UÎLmassifde maçonnerie beaucoup plus important, d'une longueur"]attendreune_soixantame de mètres à Mehun-sur-Yèvre. Il n'est'paspo^io'nnéauontrcdes maÇonneries mais décalé vers l'amont. Sur les bajoyers'onoï^e^nore parfois les anciens logements des portes. Ces espaces mesurent

'à 5 m de long4 3 et présentent pour les plus grands des traos'deremame^ments. Les coulisses dont il est question dans les textes sont encore7isible7surcertains bajoyers. Elles sont situées à l'extérieur du sas, à environ^ mdeïlo^ments des portes. À l'intérieur des sas4 4, en amont, on observedesmar'queïîur

40. id., DD 31, texte non daté, vers 1550.4l. Ibid., DD 31, texte non daté, vers 1550.42' ÏU\t^, le,s±un^T;de. Ilrealet. diLLaRoche'/^- DD 30' datable du troisième q"artxvr siècle donne une largeur de 13 pieds (4, 2 m).43' t'O^TeZdîttn snl^cle prc,redentlprccls equeIes logements de Portes dolvent mesurer

pieds de large (3,25 m) et 32 cm de profondeur.44. Ceux de l'écluse de Ben-y et de Beauvoir notamment.

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Figure '2 : l'écluse du Moulin-des-Ponts à Mehun-sur-Yèvre (cl. M. Hermanowicz, Inventaire général,ADAGP1999)

Figurer : relevé de l'écluse du Moulin-des-Ponts à Mehun-sur-Yèvre (réal. M. Guérid/Inventaire général)

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LES AMÉNAGEMENTS LIÉS À LA NAVIGATION SUR LA RIVIÈRE D'YÈVRE 343

les bajoyers qui semblent correspondre aux degrés permettant l'accès auxbateaux cités dans les textes d'archives. Le radier de l'écluse du Moulin-des-

Ponts à Mehun-sur-Yèvre porte les traces d'un busc (à l'aval) sur lequelvenaient buter les vantaux des portes. L'écluse de Préau à Mehun-sur-Yèvrepossède quant à elle un radier, composé de dalles, rythmé de poutres placéestransversalement.

Les archives45 apportent également des renseignements relatifs aux bateaux

empruntant la rivière de l'Yèvre. Il est précisé qu'il faut déblayer la végétationgênant le passage des voiles et des mats de ces bateaux, appelés chalands, ainsique leur halage. La profondeur minimum d'eau nécessaire à la navigation estfixée à 3 pieds (97 cm). Les bateaux présentent une largeur légèrement infé-rieure à 4 m4 6. Pour la longueur, nous savons que Charles vm, de passage àBourges en 1494, observe des bateaux de 7 taises (environ 13, 50 m) à LaChappe à Bourges (Girardot, 1845 : 374 ; Raynal, 1844 : 171)et que Jean Tou-beau donne en 1678 une longueur de 7 à 8 taises (entre 13, 5 et 15, 6 m) pourles bateaux de l'Yèvre apportant du sel jusqu'aux portes de la ville de Bourges(Toubeau, 1678).

Lorsque Jehan Arnoulx et Ardouin de La Chapelle entreprennent de faireles ouvrages nécessaires pour rendre la rivière d' Yèvre navigable, ils assurentque des bateaux portant l'équivalent de 60 poinçons de vin (13 à 15 t) pourrontl'emprunter47. Ils tiennent leurs promesses puisque, vers 15534S, 5 bateaux

chargés de sel voyagent depuis la ville de Nantes jusqu'à Bourges. Le pluspetit bateau transporte 7 muids de sel et le plus grand bateau 10 à 11 muids desel qui est beaucoup plus de charge et poysanteur que lesdicts soixante poyns-sons de vin.

Il existe une représentation de deux de ces bateaux sur une vue cavalière deBourges publiée en 1566 dans le livre de Jean Chaumeau (figurent ). On y voit

deux chalands naviguant sur l'Auron. Ils viennent de quitter l'Yèvre qui setrouve à quelques centaines de mètres en aval. Leurs voiles sont levées et onnote la présence d'une piautre pour le plus grand des bateaux.

La succession rapide de travaux de réfection des ouvrages de l'Yèvre4 9 peutparaître surprenante. Pourtant, ces tâtonnements dans le choix des ouvrages

45. Ibid., DD 31, texte daté des environs de 1550.

46. Les écluses mesurent environ 4 m de large et il faut aménager la rivière sur une largeur d'en-viron 8 m pour que les bateaux puissent se croiser.

47. fbid., DD 31, texte daté des environs de 1550.48. îbid., DD 29, texte non daté, vers 1553.49. Extrême fin xvc siècle. tout début xvr siècle et milieu xvie siècle.

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^Sï^ï^^^^-^"^c^deB^^dansmstoireduBer^pa^hanC^meauenl566, déta,ldedeuxZî'ands sur"rAuron~(cL"Françors Lauginie, Inventaire général, ADAGP 1997)

sont bien légitimes puisque c'est durant ks xv- et xvr siècles que^ mettent^"pl^el le7prïncip<des7echniques liées à la construction des écluses à^sas. En

outrc7os'ouvrages sont soumis aux aléas de la nature (gel, crues) et sont, parconséquent, assez fragiles. Ils demandent un entretien constant.

L'entretien puis l'abandon des ouvragesà l'extrême fin du xvil° siècle

À partir du milieu du xvie siècle, la navigation sur l'Yèvre semble devenir,l£"Les" marchandises peuvent circuler du bas Berry vers la basse Loire

e'tlnvCTsement. 'En 156350, une convention est signée entre Pierre Daguyneau,

50. Arch. dép. Cher:E2225, f°24.

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marchand voiturier par eau, et les dirigeants de la ville de Bourges pour deuxans : le premier doit, tous les deux mois, amener de la ville de Selles-en-Berry5 1,sur le Cher, jusqu'au port de La Chappe, à Bourges, par les rivières du Cher,de l'Yèvre et de l'Auron, deux bateaux chargés de blé, vin, pastel, ardoise,pierre, tuiles ou autres marchandises, sauf de sel. Chaque bateau devra peserde 15 à 50 milliers5 2 selon la saison et la hauteur des eaux.

En 1566, Jehan Chaumeau rapporte que la rivière a ''Evre est bien navigableet abordent plusieurs marchandises par le moyen d'icelle en ladite ville deBourges tant de Tours et d'autres lieux comme vins, bois, seP, paix, fèves etfruits au profit et utilité du pays et peuvent les marchands charger au retour deslaines, chanvres, cordages, blés et autres marchandises^ (Chaumeau, 1566).

Durant la deuxième moitié du xvr siècle et tout le xvne siècle, des baux,des adjudications et des réceptions d'ouvrages attestent d'un entretien cons-tant des ouvrages de l'Yèvre :

-en 1561, un contrat est passé avec Symon Girard, marchand batelier mgé-nieur et expérimenté en l'art de la navigation, et Antoine Daguyneau, mar-chand voiturier par eau, pour la réfection à neuf des portes de 13 voyes surl'Yèvre entre Bourges etVierzon et leur entretien pendant deux ans5 5 ;- en 1593 et 1594, des travaux sont réalisés à la voye de la Ratoire56 ;- en 1598, un devis relatif aux réparations à effectuer à la voyeàa Court57 pré-cise que ces travaux sont à réaliser en,tre le 13 septembre 1598 et la Toussaint(au moment des basses eaux) de la même année par Charles Arnoux. Ce der-nier a également réalisé des réparations à la voye de la Ratoire du 12 août 1598au 19 octobre 159858. La tâche consiste principalement à réparer les portes, rat-

tacher les vantaux, refaire les ventelles, consolider les bajoyers et entretenir lelit de la rivière ;

- en 1601, un contrat, d'une durée de dix ans, est passé avec quatre équipesd'artisans pour l'entretien du pont de Mehun-sur-Yèvre et de 11 voyes^ ;

51. Actuellement Selles-sur-Cher.

52. Un millier équivaut à environ 500 kg. 15 à 50 milliers correspondent donc à un poids com-pris entre 7,5 et 25 t.

53. Entre 1562 et 1577, on projette d'établir un grenier à sel à Mehun-sur-Yèvre, Arch. mun.Bourges, CC 124.

54. Ce texte est repris en 1710, Biblio. nat., ms. fr. 22298, mémoire de la province de Berry, t. l.1710, f° 224-228.

55. Arch. mun. Bourges, DD 29.56. //W, DD31.57. Ibid., DD 31.58. /Aû', DD31.59. /A^, DD31.

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- en 1678, les ouvrages semblent en très mauvais état et les réparations à faireimportantes. Un devis est rédigé et durant l'année 1679, Gilles d'Esperon,entrepreneur des ouvrages des turcies et levées des rivières d'Yèvre et deCher, effectue des travaux, notamment aux portes d'écluses. Il refait les bat-tants et certains guichets (il y en a trois par porte et ils mesurent 1, 5 pieds delarge et 2 pieds de haut : 50 cm x 65 cm). Les portes sont attachées par deschevilles de fer et chaque vantail mesure de 9 à 10 pieds de haut (environ 3 m)et 8 pieds de large (2, 6 m). La réception de ces ouvrages a lieu les 25 et26 novembre 167960 ;- en 1678, Colbert écrit au sieur Poictevin, architecte des bâtiments du roi,

qu'il est nécessaire d'aller visiter les rivières d'Auron, de Cher etd'Indre'sSsnd'établir les travaux nécessaires à leur navigation (Mantellier, 1864 : 94). Suiteà ces visites, toutes les voyes des rivières d'Yèvre et de Cher depuis Bourgesjusqu'à Saint-Aignan et depuis Vierzon jusqu'à Châteauneuf-sur-Cher sontréparées entre 1680 et 168861.

A partir de l'extrême fin du xvne siècle, la navigation devient plus épiso-dique sur l'Yèvre et le manque d'argent entraîne un abandon des ouvrages. En1739, un arrêt enjoint à tous les propriétaires de moulins qui se sont emparésdes écluses de l'Yèvre qui servaient à la remonte des sels de faire enlever lesobstacles à l'écoulement des eaux62. Un manuscrit, daté de 1775 environ, men-

donne la destruction et le pillage de certains ouvrages et la construction demoulins dans les écluses par les seigneurs riverains63.

Durant tout le xvme siècle, le discours selon lequel les richesses de la pro-

vince de Berry sont sous-exploitées (notamment le fer) et les voies de commu-nication sont insuffisantes devient récurrent. C'est dans ce contexte qu'unevoie d'eau reliant les rivières d'Allier et du Cher via l'Auron et l'Yèvre est

projetée. L'ensemble du tracé est relevé par l'arpenteur J. -J. Geisler en 1768 M.La partie relative à l'Yèvre est particulièrement riche d'information puisqueles anciennes voiesàn xvie siècle y sont mentionnées (figurer). On y découvreégalement le projet d'un canal latéral à l'Yèvre empruntant sur certaines sec-tions le lit de la rivière. Ce projet n'aboutira pas, comme la plupart de ceux quiseront étudiés à cette période.

60. Ibid., DD 29.61. Biblio. nat. France, ms. fr. 22595, f° 26.62. Vallois, p. 53 bis, Arch. dép. Cher, B 3050, arrêt du 14 mai 1739.63. Biblio. nat., ms. fr. 13562, observations sur les canaux navigables de la France, vers 1775.64. Arch. nat., CP F14 10084, dossier 3.

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Figurer : projet d'un canal reliant les rivières d'Allier et du Cher par l'Auron et l'Yèvre, carte relevée parl'arpenteurJ. -J. Geisleren 1768Arch. nat, CPF'4 10084/3, pièce 5 (cl. Robert Malnoury, Inventaire général,ADAGP1999) ' ^-.. --. --"-.. -.,

A l époque de la Révolution, en 179465, alors qu'une fonderie et une forerie

de canons sont établies à Vierzon et que l'on décide d'exploiter le minerai situésur les bords de l'Yèvre à Barmont66, le lit de l'Yèvre est remis en état afin

d'accueillir à nouveau des bateaux après un siècle d'abandon. À l'occasion deces travaux, les vestiges de bajoyers en maçonnerie de 12 écluses à sas6 7

sont

retrouvés. Pour diverses raisons, notamment de coût et de temps, les vestigesne sont pas réutilisés comme écluses mais comme de simples pertuis (on nepose qu'une seule porte). Durant l'an vi (1798), la rivière est encore utiliséepour transporter le minerai de Barmont et la castine68 des carrières de Varennes

65. Ibid., F 14 539, procès-verbal de visite de la rivière d'Yèvre entre Bourges et Vierzon,20 prairial an vi (8 juin 1798).

66. Barmont est situé sur la commune de Mehun-sur-Yèvre.

67'. II manque les écluses de Dournon et de La Ratoire : la réalisation de l'étang de La Forges,à Vierzon, en 1779 est probablement responsable de la disparition de ces deux ouvrages.

68. La castine est un calcaire utilisé dans l'élaboration de la fonte au haut-fourneau comme fon-dant et comme épurateur.

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jusqu'à la forge de Vierzon, mais on constate qu'il est indispensable deredresser le lit au moyen d'un canal afin de « gommer » les nombreuses sinuo-sites de la rivière qui engendrent une perte de temps considérable. Cette acti-vite ne dure que quelques années.

Après la Révolution, le gouvernement ne tarde pas à reprendre l'idée d'é-tablir une voie navigable en Berry. Composé de trois branches se joignant àBannegon, le canal de Berry est réalisé entre 1809 et 1841. Ses extrémités des-servent Montluçon, Tours et Marseilles-Les-Aubigny (jonction avec le canallatéral à la Loire). La branche longeant la rivière de l'Yèvre entre Bourges etVierzon est ouverte en 1830.

Avec la réalisation du canal de Berry, la province possède un réseau navigableadapté à ses besoins jusqu'à la Première Guerre mondiale, période à partir delaquelle le trafic décline rapidement et motive le déclassement de la voie d'eauen 1955. Aujourd'hui, alors que des efforts sont déployés de la part des collecti-vités et d'associations locales pour la mise en valeur, l'entretien et la réhabilita-tion du canal de Berry, la redécouverte des anciennes écluses de l'Yèvre apporteun élément non négligeable dans l'histoire de la navigation de cette province.

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