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(c) LES EDITIONS DE L’AVENIR S.A. CE JOURNAL EST PROTEGE PAR LE DROIT D’AUTEUR. LA REPRODUCTION DE TOUT ELEMENT (TEXTE, PHOTO, INFOGRAPHIE), PAR QUELQUE MOYEN QUE CE SOIT, EST SOUMISE A AUTORISATION. TEL : +32 81/248.801 FAX : +32 81/222.840 Supplément au journal du 29 septembre 2010 LES SECRETS LES SECRETS DE MARTINE SUPPLÉMENT SPÉCIAL

Supplément au journal du 29 septembre 2010 LLES SECRETSES … · 2011. 1. 21. · Marcel Marlier passe le plus clair de son temps à dessiner. C’est son univers que l’on retrouve

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    Supplément au journal du 29 septembre 2010

    LES SECRETSLES SECRETSDE MARTINE

    SUPPLÉMENT

    SPÉCIAL

  • (c) LES EDITIONS DE L’AVENIR S.A. CE JOURNAL EST PROTEGE PAR LE DROIT D’AUTEUR. LA REPRODUCTION DE TOUT ELEMENT (TEXTE, PHOTO, INFOGRAPHIE), PAR QUELQUE MOYEN QUE CE SOIT, EST SOUMISE A AUTORISATION. TEL : +32 81/248.801 FAX : +32 81/222.840

    U n midi, Bruno Belvaux, l’ac-tuel directeur du domainede Chevetogne et ami delongue date, me savait en Belgi-que. Il m’a appelé : « Monte à lamaison, Marcel est là. » Il saitmon admiration pour l’illustra-teur.

    À 16 ans, avec Rémy Belvaux(NDLR : le frère de Bruno), on étu-diait le dessin à Félicien Rops àNamur et on adorait déjà MarcelMarlier. Parce que son dessin estabsolument pur. Il est touchépar la grâce et ça tient à la perfec-tion et à la sensualité du trait.Pour moi, Marcel Marlier des-sine avec la même perfectionune petite fille qui cherche unchat dans son jardin que Tou-louse Lautrec peignait une dan-seuse ou une prostituée du Mou-lin Rouge. Mais ceux qui s’arrê-tent au sujet lui reprochentd’être trop sage. C’est un malen-tendu ! N’importe qui s’est unjour investi dans l’art sait que lesujet n’a pas d’importance.

    La sensualitédu trait, c’estça la vérité !La sensua-lité du trait,comment la

    vie se transmet sur la feuille.Pour tous les artistes, de CyTwombly à Pollock… ou Mar-lier… le trait est différent maison sent dans le trait de chaque« grand » la même vérité sen-suelle, quelle que soit sa démar-che artistique.

    Je regrette que ne soient pas pu-bliés ses crayonnés dans lesquelsce que je dis saute aux yeux. Jevoudrais qu’il accouche de sescroquis dans l’urgence commeMatisse et qu’il n’y retravailleplus. Mais hélas, il y a tous lesenjeux de l’édition du livre pourenfants qui ont d’autres contrain-tes que l’œuvre d’art.

    Quand il m’a rencontré, moi la« bête » Poelvoorde, il ne voulaitpas croire quej ’ é t a i sd ’ a b o r ddessina-t e u r ,

    parce que les dessinateurs sontdes gens calmes et posés ! Maisdès qu’on s’est mis à échanger,on s’est vite rendu compte qu’onétait pareils et qu’en peinture onn’avait rien à foutre du XXe siè-cle.

    « Je ne ferai peut-être pas partie del’Histoire de l’art, mais je vais conti-nuer à dessiner figuratif ! » Voilà ceque dit Marlier à ses débuts.Parce qu’à l’époque où il com-mence, pour être « in », il fautfaire du néo-expressionnisme oude l’abstraction figurative, il fautêtre conceptuel. Maisaujourd’hui, on est allé au boutde l’impasse de l’abstraction et lefiguratisme est à nouveau demode et donc Marcel aussi. Moije dis : « Tant mieux, ça suffit la pa-

    resse sous couvert de la ré-flexion. »

    Un anatomiste parfaitMarlier, lui, est un anato-

    miste parfait. Il connaîtchaque muscle, l’accrochede chaque tendon, il a des-siné des millions et desmillions de fois un corps.

    Aujourd’hui, quand il relève soncrayon, il n’y a plus qu’une par-faite sensualité du dessin et, àvrai dire, lui et moi sommes nos-talgiques du beau savoir, dubien faire, du bien comprendre.

    Aujourd’hui, les petites fillessont autorisées à parler à leurmère comme s’il s’agissait d’unecopine, mais cette fausse compli-cité ne remplace pas les heuresque les adultes passaient jadis àapprendre à leurs enfants à ob-server, à analyser, à comprendreet à faire.

    D’abord un metteur en scèneÇa m’étonne quand certains

    adultes s’essaient à retrouverune pensée d’enfant et quand ilss’autorisent à penser à leurplace. L’enfance est une vertu etnous mettons des années à accep-ter que nous l’avons perdue. Mar-cel, lui, curieusement, a su restervraiment à cette époque de la dé-couverte, de l’émerveillement etde la pureté aussi.

    Je suis sincèrement toujours enadmiration devant chaque des-sin. À chaque lecteur de Martineje dis : « Fais comme au théâtre,oublie les acteurs et regarde tout ceque le dessinateur a mis autour. Re-garde le décor, regarde commentMarcel Marlier peint le temps qu’ilfait, un orage, un matin, un soir, lapluie. Regarde comment il dépeintune époque, des codes, regarde sespersonnages se dire bonjour, parta-ger de l’amitié. Il est d’abord etavant tout un metteur en scène quirègle les déplacements, le décor, lecadre, la direction d’acteurs, leursgestes et la trajectoire de leurs re-gards. Il me fait penser au peintreDavid, le spectacle est partout etdans chaque recoin de la toile. »

    La meilleure chose qui puissearriver à Marcel est de ne jamaisapprendre le progrès, l’ordina-teur, la palette graphique, toutesces choses qui remplacentaujourd’hui le talent, parce quelui est d’abord et avant tout ungrand peintre. ■

    Un supplément sur Martine?Cette question pleined’étonnement, nous y avonsété souvent confrontés lorsde l’élaboration des pagesque vous êtes en train delire. Puis à l’étonnementsuccédait l’évidence. C’est quechacun a sa perception del’univers de Martine. Les plusconcernés ayant leur albumfétiche. Ici, nous vousinvitons à découvrir uneMartine inédite à travers descroquis jamais publiés et destémoignages surprenants,comme celui de BenoîtPoelvoorde qui nous a faitl’insigne honneur de nousraconter son admiration pourle talent du dessinateur quia donné vie à cette parfaitehéroïne de papier, MarcelMarlier.Ce supplément, plus qu’unhommage à Martine, est uneplongée dans le monde deson créateur. Et d’ailleurs,entre nous, mon albumd’enfance lié à Marcel Marliern’est pas un Martine, c’estJean-Lou et Sophie dans laforêt. J’adorais la jupe àcarreaux de Sophie et laperspective de découvertesanimalières dans lessous-bois. En toute innocence.

    É DITO

    Pour la beautédu trait

    CARTE BLANCHE À BENOÎT POELVOORDE

    « Des dessins admirables »

    Belv

    aux

    par ThierryDUPIÈREUX

    Benoît Poelvoorde et BrunoBelvaux sont de très grandsamis et admirateurs deMarcel Marlier (à dr.).

    Benoît Poelvoorde a croiséplusieurs fois le cheminde Marcel Marlier, le papade Martine. L’acteurnamurois est aussidessinateur et nousraconte toute sonadmiration pour Martine.

    LES SECRETS DE MARTINELES SECRETS DE MARTINE LES SECRETS DE MARTINE2 MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010

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    � Jean-Chr istophe HERMINAIRE

    «E n 51 ans de mariage, il apassé plus de temps avecMartine qu’avec moi »,plaisante Marie-Augustine,l’épouse de Marcel Marlier. « Ilm’est parfois arrivé, reconnaît cedernier, de travailler 21 heures desuite, durant trois ou quatre jours. »Sa Martine, il la façonne le jour ;il en rêve la nuit. Marcel Marlierne vit jamais sans son crayon.

    Le 60e album, Martine et le princemystérieux, est déjà en librairie.Ce qui autorisait le dessinateur àne plus mettre la gomme.D’autant qu’un sérieux accidentde santé est venu lui rappeler sonâge : bientôt 80 ans. Pourtant,juste avant de nous recevoir danssa coquette villa des environs deTournai, Marcel était à sa table àdessins. La nuit même, dans sonlit, il a passé du temps à griffon-ner.

    Un bourreau du plaisirLe papa de Martine est un bour-

    reau de travail. Durant les troisou quatre premiers mois de réali-sation d’un album, il passe desheures et des heures à crayonner.Des esquisses par milliers. Des po-ses, des gestes, des regards, quiaboutiront à la vingtaine de des-sins finaux.

    Mais travail n’est pas un termeapproprié. Il y prend, c’est sonmot, infiniment de plaisir. Dumoins pour les esquisses, la créa-tion. La mise au net, minutieuxexercice de finition qui lui prenddeux ou trois jours par dessin,c’est, dit-il, « la barbe ». Uneénorme loupe surplombe la plan-

    che. Depuis des années, un pro-blème à l’œil l’oblige à divers sub-terfuges techniques pour obtenirles justes proportions. « C’est em-bêtant dans mon métier », glisse-t-il,dessinant sa réponse dans un sou-rire.

    Marlier travaille sur fond de mu-sique. Satie, Debussy, Mozart.Mais pas dans la quiétude dumoine copiste. Délicatement bai-gné par la lumière du jardin, sonatelier reste un lieu habité. Le « li-ving » de la famille, la salle dejeux des enfants. « On vivait tousici. Sinon, on ne l’aurait jamais vu »,appuie Marie-Augustine. Y trôneaussi la télé. Dans un meuble queMarcel, parfait manuel, a lui-même bricolé.

    Son autre passion, c’est laphoto. Ça transparaît dans le réa-lisme de ses peintures. Mais la

    base du dessin reste, pour lui, decroquer la nature en situation.Quand il était étudiant à Saint-Luc, les élèves devaient ramener« toutes les semaines » une cinquan-taine de croquis. Lui aimait déjàdessiner des chevaux. Il en pos-sède. Mais jamais n’est monté des-sus.

    Patapouf au violon« Si on dessine d’après

    photo, explique-t-il, onne connaît pas à fondl’animal. Comment vou-lez-vous, alors, dessi-ner un Patapouf quijoue du violon ? » Pourles décors, pareil.Dans la mesure du possi-ble. Le 60e album de Mar-tine se situe à Venise. Uneenvie de son fils, Jean-Louis,qui scénarise désormais les al-bums. Là, Marcel s’est inspirédes dias de son voyage de noces.« C’est parfois un challenge. C’estplus contraignant de dessiner des dé-cors existants que de laisser courirson imagination, comme dans Mar-tine au pays des contes. » Pour leprochain album, qui pourrait sedérouler sous les mers, Marcel de-vra nourrir son imagination. Il necompte pas se mettre à la plon-gée.

    L’artiste, qui posait encore sonchevalet dans la campagne cetété, adore peindre les animaux,les paysages et les gens. Aux mursdu salon : un superbe portrait desa grand-mère, réalisé quand ilavait dix ans. « Je lui avais de-mandé de retirer son dentier. » Etpuis des portraits de ses trois pe-tits-enfants : Alexandre, Hélène etLoup. Élevés dans la nature, ilsgrandissent aussi dans un universde Martine. Marcel en parle avecémerveillement, se laisse aller àl’anecdote. Raconte le moineautombé du nid, sauvé, et qui l’a ac-

    compagné partout. Lui aussi fi-gure dans un album. Martine, fi-nalement, n’est qu’un prétexte.Chaque histoire est, pour Marlier,l’occasion de découvrir unmonde. Il savoure les soirs passésà l’école de danse deBéjart, pour Petit

    rat de l’Opéra. Ou à la piscine, luiqui ne sait pas nager. Marlier neparle que de dessin. Jamaisd’autre chose. Et surtout pas depolitique. La situation de la Belgi-que, ça l’énerve, explique Marie-

    Augustine. « Les Martine, c’est unpeu le reflet de sa personne. Mar-

    cel déteste le conflit. » ■

    Il peut passer presquesa journée à réaliserdes esquisses. Hanté parson personnage. Martine,c’est Marlier. Mais Marliern’est pas que Martine.

    RENCONTRE

    Marcel Marlier rêve d’elle la nuitMarcel Marlier passe le plusclair de son temps à dessiner.C’est son univers que l’onretrouve dans Martine.

    Avec Gilbert Martine a deuxpapas. Aux côtés de MarcelMarlier, au dessin, GilbertDelahaye a scénarisé les albumsjusqu’à son décès, en 1997, unjour de… Saint-Nicolas.Né en 1923 et entré chezCasterman en 1944, iltravaillera à l’atelier decomposition pendant 30ans. Mais Delahaye étaitaussi poète. C’est à lademande de son éditeurqu’en 1954 il imagina,pour faire face à laconcurrence, cette petitefille sage qui allaits’appeler Martine, sonchien Patapouf et son monde touten idéal.

    Colette Martine aurait pus’appeler Colette. Les premierstextes de Delahaye utilisaient ceprénom, mais Casterman asouhaité le changer. On aurait eu

    droit, sinon, à Colette à la ferme, àl’école, au cirque… Et plein depetites filles se seraient appeléesColette au lieu de Martine. Ceci dit,selon les traductions, Martine

    s’appelle Anita, Tiny,Maja, Marti, Zana,Debbie ou Aysegül.

    Précoce MarcelMarlier est, lui, né le18 novembre 1930 àHerseaux, près deTournai. Fils demenuisier, doué pourle dessin, il a 7 ou 8ans quand unartiste-peintre l’initie à

    croquer les paysages. Il étudie àSaint-Luc – où il a ensuiteenseigné durant dix-huit ans – etdébute chez Casterman à 21 ans,illustrant Alexandre Dumas ouPearl Buck. À 23 ans, il publie lesdeux premiers Martine : Martine àla ferme, puis Martine en voyage.

    EN DEUX MOTS

    Vinc

    ent

    DUBO

    IS

    LES SECRETS DE MARTINE LES SECRETS DE MARTINELES SECRETS DE MARTINE3

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    Lorsqu’elle se promène sur lechamp de foire, Martine se re-trouve clairement sur la Grand-Place de Tournai.On reconnaît en effet l’aligne-ment des maisons qui serventd’arrière-plan et dont certainsdétails sont reproduits pratique-ment à l’identique sur certainsdessins.Dans d’autres, par contre, le bef-froi qui apparaît sur la place necorrespond pas à celui de Tour-nai. Il s’agirait plutôt d’un monu-ment quasi similaire érigé àCourtrai, beaucoup plus massifque son homologue tournai-sien.Marcel Marlier s’en était déjà ins-piré pour une peinture à l’huile(n’ayant rien à voir avec Mar-tine) réalisée dans sa jeunesse.

    Lorsqu’elle part à la recherchede Patapouf qui s’est permisune petite escapade en ville,Martine rejoint un groupe d’en-fants sur une fontaine.Les Tournaisiens et les habi-tués du piétonnier de Tournaireconnaissent d’emblée cellequi prenait place au carrefourdes quatre rues de la Croix ducentre. Cette fontaine a été dé-molie il y a peu de temps maiselle a une grande sœur, aurond-point de l’Europe à Tour-nai, qui lui ressemble en toutpoint si ce n’est qu’on y a ad-joint des naïades en bronze.Des baigneuses nues que Mar-cel Marlier évoque dans sondessin réalisé à la même épo-que que la construction de laseconde fontaine.

    � Vincent DUBOIS

    A p riori, on ne voit qu’elle.Dans les dessins, Martineoccupe bien évidemment lecentre ou l’avant-plan de lascène. Pourtant, Marcel Marlieraccorde également une attentiontoute particulière aux paysages.Allant jusqu’à les adapter aux si-tuations vécues par la jeune hé-roïne. Ainsi, par exemple, lorsqueMartine est en situation de dan-ger, il ajoute quelques plantestoxiques, comme des lupins, enarrière-plan. Cette corrélation per-manente entre l’héroïne et les dé-cors dans lesquels elle évolue té-moigne de la finesse du dessina-teur.

    La plupart des paysages – tout

    comme les personnages – mis enscène par Marcel Marlier existentmême s’ils ont souvent été rema-niés, enjolivés ou tout simple-ment adaptés aux nécessités de lamise en page. Parfois, ils serventde prétexte à la création de l’his-toire. C’est le cas, par exemple,pour le Grand-large de Péronnesdans Martine fait de la voile. Dansle dernier album, Martine et leprince mystérieux, c’est Venise quisert de décors. Une Cité que Mar-cel Marlier a pu découvrir avecson épouse lors de leur voyage denoces en 1959. Pour dessiner lespaysages du 60e album, il a toutsimplement ressorti les photosd’époque. Il est vrai que Venise

    n’a guère changé depuis 50 ans.Mais, très souvent, c’est dans sapropre région, soit dans le Tour-naisis et dans le Nord de laFrance, que Marcel Marliertrouve l’inspiration. Il n’est pasrare, qu’il représente sa propremaison. Des quartiers ou immeu-bles tournaisiens sont égalementparticulièrement reconnaissablesdans certains albums.

    Ainsi, quand Martine fait ses cour-ses, c’est dans l’ancien GB du cen-tre-ville de Tournai qu’elle serend, quand elle va à la foire, c’estsur la Grand-Place de cette mêmeville qu’elle évolue, lorsqu’elleprend le train, elle se retrouveégalement sur les quais de la citédes cinq clochers. Par contre, lors-qu’elle sort du convoi, c’est dansla ville de Lille qu’elle débarque.La métropole du Nord, située àun peu plus de 20 km de Tournai,est également une source d’inspi-ration importante pour MarcelMarlier. Il lui arrive même de mê-

    ler dans un même album, voiresur une même page, des élémentsde décors photographiés à Lille àd’autres empruntés à Tournai.Dans Martine a perdu son chien,par exemple, l’on retrouve la fon-taine du piétonnier de Tournai(détruite il y a peu) sur fond de vi-trines telles que l’on peut en voirdans le vieux Lille.

    Marlier va jusqu’à mettre enscène la statue de Martine et dePatapouf, œuvre d’un artiste lo-cal dont on reconnaît les traitsdans Martine et la leçon de dessin.la statue de bronze existe bel etbien et prend désormais place aupied du Fort rouge, un vestige del’enceinte médiévale de la citéscaldéenne. ■

    MARTINE À LA FOIRE

    Les paysages dans lesquels évoluent Martine etses amis sont bien réels. Inspirés par ceux quecroise Marcel Marlier dans son quotidien.

    PAYSAGES

    Pour certains décors, Marcel Marlier

    MARTINE A PERDU SON CHIEN

    Chevetogne s’inspirede Martine au Parc

    Entre Martine et le domainede Chevetogne, c’est un peul’histoire de l’œuf et de la poule.En réalité, le second s’est inspiréde l’univers de Martine au Parc(paru en 1967) pour laréalisation de la premièremouture du parc. Pour les

    paysages repris dans cet album,Marcel Marlier s’est quant à luiinspiré du parc Barbieux, àRoubaix, une ville du Nord de laFrance située à 20 km deTournai. Par contre, dansMartine et l’Arche de Noë etdans Martine protège la nature,parus respectivement en 2003et 2009, l’on retrouve cette foisle parc de Chevetogne sous saconfiguration actuelle.

    VITE DIT

    LES SECRETS DE MARTINELES SECRETS DE MARTINE LES SECRETS DE MARTINE4 MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010

  • Cellule : 5 - Page et folio : QUOTIDIEN - TE - 5 - 29/09/10 Couleur : Composite

    Dès 1986, les immeubles (moder-nes pour l’époque) de la rue Péte-rinck, à Tournai, sont identifia-bles dans plusieurs pages de l’al-bum Martine a perdu son chien.On retrouve ces mêmes bâti-ments, six ans plus tard, en 1992,dans Martine va déménager. Ici,il apparaît clairement que MarcelMarlier travaille selon une photo,l’angle de prise de vue étant li-mité par la présence d’un para-pet que l’on aperçoit sur le des-sin. Pour la petite histoire, le ca-mion de déménagement quel’on peut voir à plusieurs reprisesdans ce dernier livre est aussi ce-lui d’une firme locale (la sociétéMol) dont on reconnaît très claire-ment les couleurs et le logo carac-téristique en forme de «M» surles flancs du poids lourd.

    En 1964, dans Martine fait ses cour-ses, elle se rend au magasin Inno-vation – le Grand Bazar – de Tour-nai. On reconnaît sans aucune am-biguïté la façade recouverte de car-relage blanc caractéristique. Demême, l’enseigne ressemble furieu-sement à celle que l’on pouvait ob-server jadis. Le site a été réamé-nagé depuis cette époque, mais lafaçade principale est restée sensi-blement la même que par le passé.Lorsque Martine passe à l’intérieurdu magasin, c’est par contre plutôtla porte de l’Innovation de Bruxel-les que l’on franchit. Cette volontéde mélanger les références géogra-phiques au sein d’un même albumavait été suggérée à Marcel Marlierpar Casterman afin de placer Mar-tine dans un univers aussi univer-sel que possible.

    Le livre évoque la création de lastatue de Martine et de Pata-pouf qui prend aujourd’huiplace au pied du Fort rouge, àTournai. Le sculpteur qui en estl’auteur, le Belœillois Carlos Sur-quin, est parfaitement recon-naissable. De même que la sta-tue réalisée en bronze couléeen 2004.Pour la petite histoire, on relè-vera qu’il n’existe que troisexemplaires de cette statue :celle qui est visible par tous àTournai, une autre chez MarcelMarlier (de temps à autre prê-tée pour des expositions tempo-raires) et une troisième qui ap-partient à un industriel de la ré-gion ayant financièrementcontribué à la réalisation decette œuvre.

    redessine la réalité et l’embellitMARTINE VA DÉMÉNAGER

    MARTINE FAIT SES COURSES

    MARTINE ET LA LEÇON DE DESSIN

    LES SECRETS DE MARTINE LES SECRETS DE MARTINELES SECRETS DE MARTINE5

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    A vant les dessins définitifsqu’on trouvera dans l’al-bum, Marcel Marlier faitpour chacune de ses planchesdes centaines de dessins prépara-toires. Il n’est pas le seul à tra-vailler de la sorte et les œuvresdes peintres célèbres qui sontrestées dans l’histoire ont sou-vent été précédées d’esquissesde préparation, voire de ta-bleaux esquissés ou moins abou-tis qui figurent dans différentsmusées.

    Marcel Marlier, lui, ne dévoilejamais ses croquis. Il les gardenéanmoins entassés dansd’épaisses fardes comme le sou-

    venir d’une recherche,d’une forme de quête de laperfection. S’il aaujourd’hui accepté que fi-gurent quelques-uns deces milliers de dessinsdans ce numéro spécial,c’est parce que plusieurspersonnes de son entou-rage ont su le convaincreque la connaissance deson processus de créa-tion était une véritableintroduction et une clépour la compréhensionde son œuvre.

    Le lecteur peuts’identifier

    Le « mystère » de l’immensesuccès de Martine tient à cetteextrême exigence du dessin.Pour Marlier comme pour lesmetteurs en scène de cinéma,l’action est au centre du récit.C’est cette action qui permet aupetit lecteur de s’identifier, de vi-vre à côté de l’héroïne le déroule-

    ment du récit. L’attitude est im-portante pour le suspense,

    pour la tension dramatique,pour dire l’amitié et la

    connivence entre les per-sonnages.

    Mais à côté de labonne traduction des

    émotions des héros,le dessin doit aussi

    réunir les qualitésintrinsèques detout bon ta-

    bleau : équilibrecomplémenta-rité des cou-leurs, profon-

    deur, force dela construction.

    Le grand peintreespagnol Velaz-

    quez disait recher-cher dans ses tableaux

    le « mystère d’entre les re-gards ». C’est cette recher-

    che du geste juste, du regard pré-cis, du décor dramatisé quiamène Marcel à brosser des es-quisses pendant six à sept mois,alors que, une fois le choix faitdes dessins à retenir, la mise aunet de chaque planche ne de-mandera pas plus de deux àtrois jours.

    La liberté, la folie, le bonheurd’une vie de création, c’est dansla nervosité impatiente et fé-brile qu’elle transparaît. C’estdans le mouvement de ces fantô-mes inachevés que l’on est auplus près de ce qui anime et faitvivre l’artiste.

    De la petite cuisineC’est amusant de voir travailler

    Marcel. Il fait des tas de petits« crobards » (croquis en langage

    Bruno Belvaux, grandconnaisseur de l’œuvrede Marlier, a disséquépour nous la techniquepropre au dessinateurde Martine, à traversune esquisse dudernier album.

    TECHNIQUES GRAPHIQUES

    Des milliers de croquis préparatoires

    Martine chez tante Lucie© CASTERMAN

    Marcel découpedans ses dessinspour rapprocherses personnages,changer leur position.

    LES SECRETS DE MARTINELES SECRETS DE MARTINE LES SECRETS DE MARTINE6 MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010

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    de dessinateur). Petit à petit, ilfait évoluer son dessin vers saforme définitive. Il modifie uneposition, change le mouvementd’un bras, incline la tête, cambrele torse, ajoute un personnage. Ildessine sur du papier transpa-rent. C’est un truc de dessina-teur pour vérifier si le dessin estcorrect. Il l’applique à l’enverssur une vitre et si le dessin re-cèle un défaut, celui -ci apparaîtdavantage. Mais Marcel découpeaussi dans ces dessins pour rap-procher des personnages, chan-ger la position des bras ou pourajouter des personnages supplé-mentaires. C’est aussi sur cescroquis qu’il marque à la goua-che blanche où se portera la lu-mière. C’est enfin parmi tousces instantanés de l’histoirequ’il fait avec son fils Jean-Louisle choix des définitifs qui serontretenus pour l’album. ■

    D’autres esquisses et croquisinédits de Marcel Marlier surwww.lavenir.net/martine

    .net

    Dessin 1

    Dessin 2

    Dessin 3

    Dessin 4

    Dans le dessin 1, l'attitude est déjà présente. La composition "en triangle" occupera bien la page et focali-sera le regard du lecteur sur le visage de Martine. L'enchevê-

    trement des plis de la robe est déjà bien présent, qui donnera à l'ensemble son caractère roman-tique.

    Le dessin 2 fait apparaître Pata-pouf, un Patapouf décliné en trois ou quatre attitudes qui vient "s'inquiéter" de la solitude

    dans laquelle est plongée Mar-tine. La tête de l'héroïne s'est déjà légèrement redressée : elle garde une dimension pensive, mais sans tristesse.

    Dans le dessin 3, Martine regarde Patapouf dans les yeux mais

    ce "dialogue" enlève le mystère d'une héroïne pensive.

    Dans le dessin 4, le mouvement des bras est acquis de même que le regard que l'on sent ailleurs.

    Dans le dessin défi nitif, trois éléments de dé-cor viennent enrichir la composition et le triangle constitué par Patapouf et les deux bâtiments de la place Saint-Marc. Le regard du lecteur est aussi attiré par un autre triangle rose qu'est la robe de Martine. Le regard de Patapouf indique au lecteur l'endroit du dessin à regarder : le visage de Martine .

    Dessin défi nitif

    Progression

    LES SECRETS DE MARTINE LES SECRETS DE MARTINELES SECRETS DE MARTINE7

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    � Interv iew : Michaël DEGRÉ

    René Hausman,quand avez-vousrencontré Marcel Mar-lier ?

    Nous nous som-mes rencontrés…en 1964. Ça nenous rajeunit pas.

    J’habitais alors Ensival et luiétait de passage dans la région. Ilest venu à la maison avec sonépouse et ses enfants, qui étaientencore très petits. Nous avionssympathisé avant de ne plusnous voir pendant un bon bouttemps. Nous nous étions finale-ment recroisés lors de festivalsoù nous dédicacions l’un etl’autre.

    Vous avez, vous aussi, débuté par l’il-lustration. En quoi vous a-t-il in-fluencé ?

    Je ne sais pas s’il m’a directe-ment influencé. Inconsciem-ment, peut-être. Mais j’ai tou-jours été séduit par sa méticulo-sité, cette capacité à reproduire,dans les moindres détails, un ob-jet du quotidien. Jamais jen’aurais pu le battre sur ce ter-rain. Je me souviens ainsi dujour où il m’a donné un de ses li-vres de croquis, dans lequel ilavait croqué des insectes sur levif. Moi, je les collectionnaispour les dessiner. Lui les captu-rait et les… mettait au frigo. Unefois anesthésiés, il les en ressor-tait et les dessinait jusqu’à cequ’ils se réveillent et reprennentleur vol. Cette méthode m’a beau-coup intéressé, car elle témoi-gnait de sa volonté d’être le plusprécis possible, mais aussi parcequ’elle était respectueuse de lanature, là où j’employais un pro-cédé disons plus brutal et culpa-bilisateur. Surtout, ses croquisétaient de loin plus intéressantset spontanés que les miens.

    On a souvent reproché à « Martine »,son héroïne principale, d’évoluer dansun monde idéal et aseptisé, très loinde la parfois dure réalité. Qu’en pen-sez-vous ?

    C’est un reproche qu’on peutlui formuler, en effet. Or, quoi deplus dur et cruel qu’une courd’école ? Marcel, c’est l’anti-Com-tesse de Ségur, qui est un peul’école du masochisme et de lacruauté. Mais je le comprends.Car c’est d’abord un homme deson âge. Qui, tout comme moi etmalgré ses petits-enfants, a par-fois bien du mal à comprendretout ce qui se passe autour de lui.Et puis, comme lui, plus je re-

    garde les hommes, plus j’aimeles enfants… Autant ne pas lesaider à grandir trop vite.

    Son dessin n’est-il toutefois pas quel-que peu démodé ?

    Je ne pense pas, et d’ailleurs, jen’aime pas ce mot. Un tas de peti-tes filles continuent à lire Mar-tine, ce n’est pas par hasard.Aujourd’hui, les publications quise veulent progressistes propo-sent aux enfants des dessins pré-cisément enfantins, dont ils pour-raient, pensent-ils à tort, être lesauteurs. Ce qui épate les plus pe-tits dans le travail de Marcel,c’est précisément son côté hyper-réaliste : ils savent que, mêmeavec application, ils ne pour-raient reproduire cette qualité dedessin.

    C’est ce qui explique sa longévité?Ça et la passion juvénile qui

    l’anime. Il est resté un véritableenfant. La dernière fois que jesuis allé manger chez lui, voiciquelques années, je me souviensqu’il était tout excité à l’idée deme montrer son atelier et la fa-çon dont il préparait ses cou-leurs. Il a même expédié le repas

    pour que l’on puisse s’y rendreplus rapidement. Au grand damde son épouse, qui ne le trouvaitpas assez disponible.

    Contrairement à vous, Marcel Marlierne s’est jamais risqué sur le terrain dufantastique…

    Quoique j’aie, chez moi, un jeude cubes avec des contes de Per-rault qu’il a illustrés. Pour lereste, c’est vrai, ce n’est pas sontruc. Probablement parce queMarcel est quelqu’un de beau-coup trop honnête et candide –dans le bon sens du terme – pourça. Or, pour verser avec talentdans le fantastique, et notam-ment le conte, il faut posséderune part de cruauté en soi.

    S’il n’avait pas été illustrateur,aurait-il, finalement, été un bon auteurde bande dessinée ?

    Dans son registre, certaine-ment. Parce qu’il dessine admira-blement bien. Mais il ne se seraitpas amusé. Car il aurait dû sup-porter les contraintes de ce mé-tier si différent, et le calvaire dudessinateur, qui consiste à re-faire 1 000 fois, 10 000 fois lemême personnage. ■

    Si la valeur de Martine sur lemarché de l’art reste globale-ment fluctuante, une premièreédition ne se vendant guèreau-delà des 20 €, la série crééepar le duo Marlier-Delahayen’en est pas moins un immensesuccès éditorial comme n’enespèrent plus les jeunesdessinateurs d’aujourd’hui : enun peu plus d’un demi-siècle, cesont plus de 65 millions d’al-bums qui ont été écoulés, rienque dans notre petit pays, pourenviron 35 millions à l’étranger.

    Car outre le français, Martineparle également courammentl’italien, le turc, le hongrois, lechinois, le polonais, le coréen, leserbe et… l’albanais. Que dechemin parcouru depuis sonTournaisis natal…

    Il est probable que le succès nese démente pas de sitôtpuisqu’un «Club Martine» dédiéaux petites filles vient d’êtrecréé sur internet (www.club-mar-tine.fr). Avec activités adaptéesaux différents âges, contenusinédits, espace personnalisé etsécurisé. Mi . D .

    LE COPAIN

    « Il est resté un grand enfant »

    Presque 100 millions d’albums vendus

    René Hausman estcontemporain et ami deMarcel Marlier. Malgréune carrière personnelleriche, il est toujoursadmiratif du travailde son aîné.

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    LES SECRETS DE MARTINELES SECRETS DE MARTINE LES SECRETS DE MARTINE8 MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010

  • (c) LES EDITIONS DE L’AVENIR S.A. CE JOURNAL EST PROTEGE PAR LE DROIT D’AUTEUR. LA REPRODUCTION DE TOUT ELEMENT (TEXTE, PHOTO, INFOGRAPHIE), PAR QUELQUE MOYEN QUE CE SOIT, EST SOUMISE A AUTORISATION. TEL : +32 81/248.801 FAX : +32 81/222.840

    � Alain WOLWERTZ

    «M artine, c’est pour lesfilles. Et des filles quifont des collections, iln’y en a pas beaucoup. Donc… »Donc Alain Ledent est un desplus importants collection-neurs de l’héroïne de MarcelMarlier. « Je ne suis peut-être pasle plus grand collectionneur deMarlier, dit-il, mais je suis le pre-mier. Ce qui me permet d’avoirdes pièces très rares, que peu degens, voire personne ne possède. »

    Son énorme collection, il l’adébutée à son insu : dans la pe-tite école libre qu’il fréquente àOugrée au début des années 60,les livres de calcul, d’histoire etmême la Bible sont illustrés

    avec les dessins de Marcel Mar-lier. Détours de l’Histoire, il y aquelques années, par l’intermé-diaire d’Alain Ledent, MarcelMarlier réalisera une affichepour le marché de Noël decette école où tant d’enfantsl’ont découvert.

    Mais, à l’époque, Alain Ledentne sait pas encore qui est Mar-lier qui, dans ces livres scolai-res, ne signe d’ailleurs les illus-trations que d’un discret « M ».« Mais déjà, ce dessin m’attirait,dit le collectionneuraujourd’hui âgé de 55 ans. Ilfait des choses très belles et quim’émeuvent. » C’est pourquoi,bien avant de se piquer au jeude la collection, il conserverases bouquins de classe et aussiles deux premiers livres quesaint Nicolas dépose sur sessouliers : Deux lapins tout pareilset L’oie Eugénie et Snif le lapin.Deux livres qui trônent enbonne place dans sa collection,même si le nom de Marlier yest encore en retrait, laissant laplace d’honneur à JeanneDethyse, auteure de l’histoire.Ce sera d’ailleurs longtemps le

    cas aussi avec Gilbert Dela-haye, qui a signé les scénariosde la plupart des albums Mar-tine.

    19000 € pour un dessinSur les rayonnages dans le gre-

    nier d’Alain Ledent, on re-trouve évidemment des centai-nes de livres contant les aventu-res de l’héroïne préférée des pe-tites filles. Toutes les premièreséditions et toutes les versionsétrangères. Une cinquantainede traductions ! Mais commeavant d’être un fan de Martine,Alain Ledent est un admirateurde son géniteur, c’est une véri-table encyclopédie sur l’illustra-teur tournaisien qui se déclineen une foultitude de livres, decroquis, de dessins, d’affiches,de publicités, de livres scolaireset d’objets divers. Parmi toutcela, nombreuses sont les piè-ces rares que Marlier ne possé-dait plus lui-même.

    « Fin des années 90, lorsque jel’ai rencontré pour la premièrefois, j’avais pris une manne pleinede livres, d’affiches, etc. pour allerchez lui. Lui et son épouse ont ététrès surpris de redécouvrir tousces objets dont ils n’avaient par-fois même plus le souvenir », serappelle Alain Ledent. Quiavait offert à l’illustrateur unesérie de ces raretés qu’il possé-dait en plusieurs exemplaires.

    Ce fut le début d’une relationforte entre Marlier et son admi-rateur. Elle vaut à ce dernier deposséder aujourd’hui de magni-fiques dessins originaux, dontune superbe étude pour le pro-jet de couverture d’un albumde Martine, Drôles de fantômes,que Marcel Marlier lui a offertpour ses 50 ans.

    Des dessins qui n’ont pas deprix. Même si un collection-neur parisien, qui avait vu unesanguine dans un livre de réfé-rence sur l’œuvre de Marlier

    qu’Alain Ledent édita en 2004,lui en proposa 750 000 francs(près de 19 000 € !). Mais ce ca-deau de Marlier est évidem-ment resté accroché au mur deson salon…

    Le collectionneur possèded’ailleurs de très nombreuxautres dessins et albums dédica-cés, ainsi que plusieurs esquis-ses. De celles que multiplieMarlier lorsqu’il prépare unnouvel album. « À chaque fois, ilen fait au moins 700 ! » Autantde pièces inestimables que lecollectionneur partage à l’occa-sion d’expositions qu’il orga-nise occasionnellement.

    « En réalité, on n’a pas de réellevaleur de référence pour ses des-sins, comme c’est le cas pourHergé par exemple. Car Marliern’a jamais voulu vendre ses origi-naux. » Et ce n’est pas Alain Le-dent qui risque de le faire. Ilaurait trop peur de brader ainsiune part de son enfance. ■

    Marcel Marlier aurait pu fairefortune avec Martine. Le jour oùMichael Jackson lui a proposéd’acheter tous ses originaux, puisd’illustrer un de ses textes. Maisle dessinateur a refusé, pas dutout impressionné par une stardont il ne connaissait même pasl’existence auparavant.

    On est en 1997. Michael Jacksonse trouve en Allemagne, à lafirme Ravensburger. Là, il voit unpuzzle de Martine et tombe sousle charme du personnage. À sademande, Marcel Marlier et sonépouse finissent par le rencontrerà Paris, quelques originaux sousle bras, non sans avoir regardéavant quelques clips pour « faireconnaissance». « Il caressait mesdessins, racontera plus tardMarcel. Et il a dit : “C’est Dieux quil’habite”. » Malgré l’insistance duchanteur, le dessinateur deMartine a refusé de vendre sesoriginaux à Michael Jackson.

    Plus tard, quand le roi de la poplui demandera, par téléphone au

    milieu de la nuit, de se rendreaux États-Unis pour illustrer unde ses textes, même refus. Lestar-system, Marcel Marlier n’envoulait pas.

    En revanche, il a accepté que sonhéroïne prenne vie sous formede dessin animé, actuellement enpleine réalisation. Il s’agira decourtes capsules originales, quine seront pas tirées des albums.Diffusion prévue en septembre2011 sur la RTBF et M6. C . M.

    Alain Ledent ne conserve pasque les livres et des illustrationsde Marcel Marlier. Son héroïne aen effet inspiré une multitude deproduits dérivés qui garnissent lamansarde du collectionneursérésien. Des figurines deMartine et Patapouf, des puzzles,des sacs, des pantoufles, des jusde fruits où Martine illustre lesétiquettes, une très rare ma-quette de « la maison de Mar-tine», des dînettes, une coiffeuseet, évidemment, des poupées.Parmi celles-ci, une pièce trèsrare, voire unique : une poupée

    de Martine sous le chandail delaquelle on devine un peu de…poitrine. «C’est la maquette pourune série de poupées qui sontsorties par la suite après que lemodèle a été modifié, expliqueAlain Ledent. Car Mme Marlier avaitrefusé celle-ci précisément parcequ’elle avait un peu de poitrine. »Ce n’est pourtant pas un 95D quel’on devine chez la fillette. MaisMme Marlier, qui suit de près laprogéniture de son illustrateur demari, en avait décidé ainsi : «Non,Martine ne peut pas avoir depoitrine ! »

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    Alain Ledent possède uneextraordinaire collection surl’œuvre de Marcel Marlier,dont Martine évidemment.

    LE COLLECTIONNEUR

    «Les dessins de Marlier m’émeuvent»

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    «Michael Jackson aimait beaucoupMartine parce qu’il était resté unenfant», pense Marcel Marlier.

    Martine avec de la poitrine, ça ne va pas…

    Michael Jackson voulait acheter les originaux

    La collection d’AlainLedent a débuté avecses livres scolaires quiétaient illustrés parMarcel Marlier dansles années 60.

    LES SECRETS DE MARTINE LES SECRETS DE MARTINELES SECRETS DE MARTINE9

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    � Carol ine DESORBAY

    M arie avait précieusementconservé les albums deMartine que ses trois fillesont lus et relus jusqu’à en fati-guer la couverture cartonnée.Une vingtaine de titres au total dé-posés au pied de la cheminée parsaint Nicolas, offerts à l’occasiond’un anniversaire ou pour récom-penser un beau bulletin. Les pe-tits-enfants sont arrivés et Marie,un jour de pluie, a ressorti ces al-bums. « Martine au cirque et Mar-tine se déguise étaient les livres pré-férés de Véronique, ta maman, a-t-elle expliqué à Manon. Laurencepréférait Martine petite maman etMartine petit rat de l’opéra », a-t-elle précisé à l’intention de Léa etJeanne.

    Manon, Léa et Jeanne ont biensûr voulu lire les histoires préfé-rées de leur maman, même sicette Martine d’un autre âge, sou-vent très sage, n’arien à voir avec leshéroïnes qu’elles af-fectionnent (Ju-liette, Lili, les féesdu Winx Club).

    Les plus grandesfans de Martine se-raient-elles les ma-mies ou les ma-mans ? « La plupart des albums deMartine sont achetés par des grands-mères ou des mamans, confirmeune responsable de la librairieAgora à Namur. Elles complètent lacollection pour leurs enfants ou petits-enfants. Spontanément, les enfantsne vont pas souvent vers Martine.Les dessins particulièrement léchés,les histoires très morales et désuètessont assez éloignées de ce que proposela littérature jeunesse. »

    Le monde policé et idéal de Mar-tine rassure les grands-mères. Lagentille héroïne de Castermann’aborde jamais les sujets qui fâ-

    chent ou bouleversent. Racket, di-vorce des parents, homosexualité,pédophilie, maladie grave oumort n’existent pas dans lemonde parfait de Martine. Seulsquelques événements bien ano-

    dins viennent troublerson quotidien : unebronchite, la perte deson chien Patapouf,une jambe casséelors d’une chute à

    vélo, une disputeavec son frère Jean,

    un déménagement…Pas étonnant que

    pour les uns, Martine représenteune bulle d’oxygène dans unmonde vicié, un petit coin d’éden.

    Même si Martine a troqué ses ro-bes pour des jeans et s’intéresse àla nature, elle reste la fillette bienélevée, femme au foyer miniaturequi passe l’aspirateur, fait desconfitures et joue la parfaite pe-tite maman. Une image désuètequi lui a coûté sa place dans lesrayons de certaines bibliothèqueset librairies.

    « Qu’elle fasse de la danse ou del’équitation, Martine apparaît sou-vent comme une super-héroïne à la-

    quelle l’enfant ne peut pas s’identi-fier, explique André Dehant, doc-teur en sciences de l’éducation. Cemodèle de petite fille était très pré-sent dans la littérature pour enfantsjusqu’en 1970. » Le pédagogue sa-lue la beauté des illustrations,même si elles enjolivent la réa-lité, ainsi que la partie « documen-taire » des histoires.

    Une figure incontournablede la littérature jeunesse

    Au fil des derniers albums, Mar-tine a évolué dans son habille-ment, sa manière de se compor-ter. « Martine, c’est de la littératured’hypermarché qui fonctionne bien.C’est un produit traditionnel maisqui tient tout de même compte del’évolution des choses, précise Jean-Louis Tilleuil, professeur au Dé-partement d’études romanes àl’UCL, spécialiste en sociologie dela littérature. Elle vit dans unmonde rassurant entourée d’amis etd’animaux anthropomorphisés. Fina-lement, les enfants s’y retrouvent.Martine fait partie de la littératurejeunesse au même titre que Tintin estune figure incontournable de labande dessinée. » ■

    La plupart des albums deMartine sont achetés par lesgrands-parents, pourretrouver la complicité qu’ilsavaient avec leurs enfants.

    Dans le monde de l’éducation,Martine ne fait pas l’unanimité.«Martine évolue dans un milieusocial bourgeois qui repose surune idéologie de consommation,d’apparence. Martine va aucirque, à la mer, voyage, prenddes leçons de danse, d’équita-tion… Elle porte la plupart dutemps de beaux vêtements»,constate Michel Mercier, profes-seur de psychologie à la facultéde Namur et à l’Institut dessciences de la famille et de lasexualité à l’UCL.

    Il dit aussi : «Le modèle humainqu’elle propose n’aide pas lesenfants à appréhender lemonde. Les conflits sont pratique-ment inexistants. Mais lesenfants l’apprécient parce qu’ilssont à la recherche d’un mondeidéalisé. Ils aiment Martinecomme ils croient à saint Nicolasou au père Noël. Excepté lefantasme d’un monde parfait,elle n’apporte pas grand chose à

    l’enfant contrairement auxhistoires de loups ou de sorciè-res qui lui permettent de gérerses angoisses»

    André Dehant, docteur ensciences de l’éducation épinglela représentation familiale :«Dans l’album Martine en avion,la fillette passe huit jours avecsa maman à Rome. Elle n’a pasune seule pensée pour sonpère resté à la maison maisparle constamment de sonchien Patapouf. Dans la plupartdes albums, quand les parentsde Martine apparaissent, leurreprésentation est souventirréelle. On voit ainsi la mamanqui cuisine en talons hautsetbelle robe, élégante comme sielle se rendait à un cocktail. »Dangereuse pour nos enfants lagentille Martine? Pas vraiment.En lecture comme en touteschoses, l’important est demultiplier les regards sur lemonde. Ca. D.

    Les aventuresde Martine se lisentsouvent de mèreen fille. La nostalgieexplique en partiele succès de la série.

    UN PARFUM DE NOSTALGIE

    Une fillette qui rassure les mamiesÉd

    AJa

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    chat

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    Une simple «material girl »?

    LES SECRETS DE MARTINELES SECRETS DE MARTINE LES SECRETS DE MARTINE10 MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010

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    � Carole GOTFROI

    D epuis Martine à la ferme,l’héroïne de Marcel Mar-lier a revêtu des apparen-ces différentes. Elle s’est adap-tée à son époque en douceur,changeant de vêtements, decoiffures et d’attitudes. Il suf-fit de jeter un coup d’œil surla frise ci-dessous pour consta-ter l’évolution de la petite filleau fil des 60 albums.

    Dans les années 50, Martineportait des tabliers, des jupesplissées et des robes courteslaissant parfois entrevoir saculotte. « Dans les années 60, lespetites filles s’habillaient ainsi »,appuie Alain Ledent, collec-tionneur de Martine.

    Elle a ensuite changé sagarde-robe et s’est inspirée dulook hippie avec ses pantalonsà pattes d’éléphant et ses gi-lets à franges. « Si Martine asuivi la mode, elle n’a pas opéréde grandes révolutions. On doitplutôt parler d’évolution. Son ha-billement reste assez convention-nel. Vous ne verrez jamais Mar-tine avec un pantalon dévoilantses fesses », insiste Alain Le-dent.

    Jeans, basketset décontraction

    Ces dernières années, le des-sinateur Marcel Marlier a per-mis à Martine d’enfiler desbaskets et des jeans. À ses dé-buts, Martine était toujoursen jupes, excepté pour son es-capade au ski (Martine à lamontagne). Martine s’est pré-sentée pour la première foisen pantalon en 1977 lors deson voyage chez sa tante Lu-cie. À noter qu’on l’aperçoitdéjà en pantalon dans Martinefait la cuisine lors de lacueillette des fraises.

    Cette évolution vestimen-taire ne se marque pas unique-ment chez Martine mais égale-ment chez ses compagnons.Depuis les années 90, la petitebande porte souvent des ber-mudas (ou pantalons 3/4 pourles filles) et des pulls décon-tractés, des tenues qui tran-chent avec les premiers al-bums où, pour l’anniversairede Martine, tous ses amisétaient tirés à quatre épingles.

    Vêtements de situationSi Martine suit la mode, elle

    s’habille évidemment en fonc-tion des situations qu’elle vit.Dans le premier album, à laferme, elle porte une jupe mi-longue à pois rouge, assortieau foulard qu’elle porte sur latête. Et lorsqu’en 1959 Mar-tine va à la montagne, elle estbien évidemment en tenue

    adéquate. Mais dans Martineembellit son jardin, elle jardinepourtant en robes courtes.

    En 60 albums, Martine n’apas beaucoup grandi. Lesauteurs ont décidé de donnerà Martine telle apparence enfonction des aventures qu’elle

    vit. Ainsi, dans l’album Mar-tine va déménager (1992), la pe-tite fille a rajeuni alors qu’en1959 dans Martine fait du théâ-tre, elle apparaît plus âgée.« C’est le scénario qui décide del’âge de Martine », conclutAlain Ledent. ■

    L es vêtements de Martineont évolué au fil des al-bums. Sa coiffure aussi. Lapetite fille a adopté tous leslooks : cheveux longs, courts,au carré, attachés ou lâchés.

    Les lecteurs ont d’abord dé-couvert Martine avec deuxnattes dans Martine à la ferme.Pour sa troisième aventure àla mer, elle a adopté unecoupe plus courte. MarcelMarlier a ensuite dessiné son

    héroïne avec les cheveuxlongs ou mi-longs. En 1964,c’est le grand changement :Martine adopte une coupetrès courte, résolument gar-çonne.

    « Martine a également eu lescheveux ondulés. Ma préfé-rence ? Lorsqu’elle a une nattesur le côté », confie Alain Le-dent, grand collectionneur.

    La coiffure de Martine a en-core connu beaucoup de chan-

    gements dans les années 80 et90. La tendance générale ? Lapetite fille arbore très souventune queue-de-cheval.

    « Elle est ainsi plus à l’aise pourvivre ses aventures. Mais tout dé-pend des circonstances. Dans ledernier album, elle a revêtu uncostume de princesse lors du car-naval de Venise. Avec ses che-veux longs et lâchés, elle peut por-ter son diadème », ajoute AlainLedent. ■

    Au fil des albums, Martinea changé de stylevestimentaire, s’adaptantà la mode de sonépoque tout en restantconventionnelle.

    SON LOOK

    Martine, une héroïne à la modeDu bikini au maillotVingt ans séparent Martine àla mer (1955) et Martineapprend à nager (1975). Enbord de mer, au milieu desannées 50, Martine porte unlarge maillot rouge. En 1975,Marcel Marlier a permis àMartine de troquer sonmaillot contre un bikini jaunepour suivre sa leçonde natation.

    Une autre écoleEn 1957, dans Martine, vive larentrée !, l’héroïne de MarcelMarlier porte une petite jupeplissée, comme sescamarades. La classe, elleaussi, est d’époque : tableauxnoirs sur pieds, fenêtressombres à croisillons, etc. En1984, dans Martine va àl’école, la classe est pluslumineuse. Les filles portentencore des jupes, maisjusqu’aux genoux. Et lesgarçons ont enfilé jeans etbaskets. Les cartables, ouverts,sont posés à côté desbureaux.

    L’ordinateurPreuve que Martine évolueavec son temps, l’ordinateur(un portable) fait sonapparition en 2007 dansMartine, j’adore mon frère !….

    Cast

    erm

    an

    Des cheveux longs à la coupe garçonne

    VITE DIT

    De la petite jupe courte aupantalon et au tee-shirt,Martine a adopté le stylevestimentaire de son époque.

    LES SECRETS DE MARTINE LES SECRETS DE MARTINELES SECRETS DE MARTINE11

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    � Interv iew : Anne SANDRONT

    Laurence Bibot, quel est votre sentimentpar rapport au personnage de Martine ?

    Je suis une fan de base. J’ai luMartine dans mon enfance et j’aiété subjuguée par les dessins, parl’univers qu’ils représentent…Même si je me rendais compte queça ne reflétait pas le réel : ce n’estpas du Zola, du roman social. Jepense que ça sublime le quotidien,la Belgique. Ça me faisait rêver…

    En 1999, vous lui avez même consacré undocumentaire, « I love Martine ». D’oùvient l’idée ?

    Ça a été impulsif et spontané,quand l’idée est venue, il fallait lefaire. J’ai été aidée par SébastienMinistru, qui m’a avoué lors d’uneinterview qu’il était fan. On seconnaissait à peine avant, et en tra-vaillant ensemble pendant plu-sieurs mois, on a fait plus ampleconnaissance.

    Je voulais aussi faire ce filmparce que je trouvais injuste le pro-cès qu’on lui avait fait dans les an-nées 70. On a accusé Martined’être le symbole de la bourgeoisiequand le carcan de la famille aéclaté à la fin des années 70. Mar-tine devenait conservatrice, bour-geoise, puritaine… on l’a accuséede tous les maux ! En plus de cela,il y a eu un procès d’intentionvis-à-vis de Marcel Marlier, parceque ses dessins étaient sensuels.Mais pour moi, ça n’a aucune inci-dence : je pense que Marcel Mar-lier a fait ça avec naïveté. Il n’y apas de volonté de manipulation de

    sa part.

    Est-ce que vos enfants ont lu Martine?Un peu… Davantage ma fille que

    mon fils.

    Est-ce que vous pensez que c’est dé-modé aujourd’hui ?

    Non, je pense que c’est un classi-que… Comme un tailleur YvesSaint Laurent. Mais d’abord, c’estun symbole belge.

    Est-ce qu’on peut dire que Martinedonne une mauvaise image de la condi-tion de la femme?

    Il y a eu ces critiques-là aussi,parce qu’elle représentait tout ceque l’on voulait quitter à la fin desannées 70. Mais lire Martine nem’a jamais empêchée de m’émanci-per… C’est comme la Barbie : cen’est pas parce que j’ai joué à laBarbie que j’en suis devenue une.

    Vous, vous auriez pu écrire un livre pourenfants comme Martine ? On vous ima-gine préférant des livres, plus décalés,où il y a de l’humour…

    Le décalage et l’humour, je lestrouve à chaque coin de rue.Quand je m’observe dans ce regis-tre, parfois, je trouve ça pathéti-que. Martine me permet d’êtredans un autre monde… Il n’y apeut-être pas d’humour, mais je nesuis pas non plus tout le temps àla recherche de ça. Martine est unebouffée d’air frais, une échappa-toire au monde.

    Maintenant que vous êtes adulte, vous

    gardez le même regard sur Martine ?Je ne peux pas émettre la moin-

    dre critique à son encontre. Jereste fidèle à mes souvenirs d’en-fants. Aujourd’hui, il m’arrive deles feuilleter de temps en temps. Ily a des images qui représententpour moi le bonheur absolu.D’ailleurs, quand j’ai tourné le re-portage, j’ai vu des planches origi-nales en vrai : le dessin, le bleu duciel… C’était très, très émouvant.

    Vous avez une planche chez vous?J’ai le croquis d’un album qu’il

    était en train de faire en 1999, àl’époque du reportage. Il est enca-dré et je l’ai mis dans mon salon.

    Vous avez gardé un contact avec MarcelMarlier ?

    On se contacte une fois par an,soit par courrier, soit par télé-phone. C’est quelqu’un qui a ététrès blessé par les attaques qui ontété menées à son encontre. Il es-saie de rester préservé du mondeextérieur : il vit à Tournai, un peuà l’écart. Ce n’est pas un people ! Ilest charmant, extrêmement modes-te… Il s’excuse toutes les deux mi-nutes ! Pourtant, c’est le plus groschiffre de vente de Casterman,avec Tintin et le Chat de Geluck.

    Est-ce que votre personnage, Martine,doit son nom à l’héroïne des livres ?

    Sans doute, mais je n’ai fait lelien que par après. Pour publierune compilation de Martine, Cas-terman m’a contactée un jourpour me demander l’autorisationd’utiliser mon titre : « Bravo Mar-tine ! » C’était un honneur… Je lesaurais même payés pour qu’ils leprennent ! ■

    Nous tenons à remercier pourleur précieuse collaborationà ce supplément Marcel Marlier,Benoît Poelvoorde et BrunoBelvaux.

    L ’influence de Marcel Marlier a touché jus-qu’au prénom des petites filles qui, dans lesannées soixante, ont porté par dizaines demilliers le prénom de son héroïne. Nombreusessont même celles qui se sont imaginées avoir ins-piré Marcel Marlier et Gilbert Delahaye pour lepersonnage. De partout dans le monde, Marcel re-çoit des lettres de petites filles qui lui disent leurtendresse et leur admiration. L’une d’elles, Mar-tina de Serbie, lui a même envoyé pour son qua-tre-vingtième anniversaire un « collector » vrai-ment original puisque c’est sa propreexistence qu’elle a dessinée autravers d’une journée dans saville et qu’elle a naturellementappelé Martina à Belgrade.

    Dans la composition des plan-ches, Martina s’inspire de son maî-tre et ami. Son héroïne enchaînedes gestes simples du quotidien :boire l’eau fraîche d’une fontaine,enlever un caillou de sa chaussure,nourrir des oiseaux… Les mêmes pe-tits bonheurs de l’enfance de Bel-grade à Lisbonne, en passant parMontréal ou Tournai, où par milliersles gosses viennent lui apporter parrespect et par amour leur livre à dédicacer. ■

    Sébastien Ministru avoue avechumour sa passion pour Martinesur www.lavenir.net/martine

    FANS D’ICI ET D’AILLEURS

    Laurence Bibot : bravo Martine !

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    REMERCIEMENTS

    Événement Martineles 9 et 10 octobreUne grande fête célébrera le60e album de Martine àChevetogne, en présence deMarcel Marlier (dédicaces).Durant les 2 jours, de 11 hà 18 h, des animations(spectacles et ateliers) pourles enfants reprendront lesgrandes thématiques desalbums légendaires deMartine (ferme, cirque, cuisine,théâtre, parc, etc.).

    À 17 h 15, samedi et dimanche,concert d’anniversaire suivid’un goûter géant avecchaque fois 1 500 parts degâteau à se partager.

    > Sam. 9 et dim. 10/10. Entréejournée : 10 €/pers. Gratuitpour les – de 6 ans et pourtoutes les Martine.www.domainedechevetogne.be

    ExposDu 17/11 au 4/12, aux Bastions,avec la collaboration de laMaison de la culture deTournai : Les lieux de Walloniepicarde et de France, réels ouimaginaires dans l’univers deMartine. Les dessins originauxseront mis en parallèle avecdes photos (signées CoralieCardon) de paysages ayantinspiré Marcel Marlier.> 069 23 33 44/www.lesbastions.comDu 27/11 au 5/12 au Muséed’histoire naturelle, expos dedessins originaux en rapportavec la nature et les animaux.> 069 22 20 45

    «Martine me permet d’êtredans un autre monde… C’estune bouffée d’air frais, uneéchappatoire au monde. »

    .net

    Laurence Bibot a consacréun documentaireà Martine… pas pourse moquer, ni pour rire.Elle aime Martine,un point c’est tout.

    À CHEVETOGNE À TOURNAILa petite Martina de Belgrade

    « Je trouveinjustesles accusationsqu’on a portéescontre Martine. »

    LES SECRETS DE MARTINELES SECRETS DE MARTINE LES SECRETS DE MARTINE12 MERCREDI 29 SEPTEMBRE 2010

    290910_QUOT_TE_27290910_QUOT_TE_28290910_QUOT_TE_29290910_QUOT_TE_30290910_QUOT_TE_31290910_QUOT_TE_32290910_QUOT_TE_33290910_QUOT_TE_34290910_QUOT_TE_35290910_QUOT_TE_36290910_QUOT_TE_37290910_QUOT_TE_38