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Sur la sémantique saussurienne (Réponse àGabriel Bergounioux)Author(s): Simon BouquetSource: Cahiers Ferdinand de Saussure, No. 53 (2000), pp. 135-139Published by: Librairie DrozStable URL: http://www.jstor.org/stable/27758611 .
Accessed: 15/06/2014 00:29
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CFS 53 (2000), pp. 135-139
Simon Bouquet
SUR LA S?MANTIQUE SAUSSURIENNE
(R?ponse ? Gabriel Bergounioux)
Dans son ?logieux compte rendu de mon Introduction ? la lecture de Saus sure (ci-apr?s ILS) r?dig? pour le N? 52 des CFS (1999), Gabriel Bergounioux ?voque, apr?s avoir ?crit que certaines de mes th?ses n'emportaient pas sa
conviction, ?le plaisir salubre d'?tre r?fut??. Entendant les choses de la m?me
mani?re, je souhaite lui retourner ici non une r?futation, mais une r?ponse sur
deux points de son argumentation: celui regardant ?la l?gitimit? probl?matique d'une linguistique de la parole? (p. 314) et celui d'une ?s?mantique saussu
rienne? qui selon lui ne ?semble toujours pas transpara?tre sans sollicitation
dans le corpus de l'oeuvre? (p. 316).
Bien que ces deux points soient pour moi li?s et que mon intention soit de
les envisager ensemble, je voudrais d'abord r?futer l'argument du premier (en l'occurrence, il s'agit bien d'une r?futation), argument selon lequel le texte de 1912 titr? ?Rapport sur la cr?ation d'une chaire de stylistique?, dans lequel est
affirm?e la dualit? d'une linguistique de la langue et d'une linguistique de la
parole, doit ?tre regard? comme un texte de circonstance. La r?futation, en bref,
peut prendre cette forme: non seulement les autres textes cit?s dans mon ILS
attestant, dans le m?me esprit que l'esquisse de ?Rapport? de 1912, le projet ?pist?mologique d'une linguistique de la parole ne peuvent ?tre tenus pour des
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textes de circonstance, mais encore une note manuscrite de Saussure en vue du
deuxi?me cours de linguistique g?n?rale - non cit?e dans mon ILS -
permet d'?tablir que le professeur avait en t?te la coexistence d'une linguistique de la
langue et d'une linguistique de la parole, alors m?me qu'il se cantonnait, dans ses le?ons, ? ne parler que de linguistique de la langue:
Est de l'Individu, ou de la Parole:
a) tout ce qui est Phonation, b) tout ce qui est combinaison - Tout ce qui est Volont?.
Dualit?:
Parole; volont? individuelle / Langue; passivit? sociale Ici pour la premi?re fois question de deux Linguistiques1.
Aussi, aujourd'hui plus fortement qu'hier, je crois qu'on ne saurait tenir la der ni?re phrase apocryphe du Cours autrement que comme ?tant diam?tralement
incompatible avec la conception de Saussure2.
La seconde th?se qui semble nous opposer, Bergounioux et moi, sous-tend cette question de la linguistique de la parole. Mais, ici, ma r?ponse ne sera pas une r?futation. Au contraire, il me semble queje suis finalement assez d'accord avec lui - ma r?flexion ayant ?volu? depuis mon ILS -: le cadre ?pist?molo gique de ce que j'appelle dans mon livre une grammaire du sens est insuffisant ? fonder ?sans sollicitation? une s?mantique au regard des avanc?es qu'a connues ce domaine au XXe si?cle, tout aussi bien qu'au regard des incertitudes r?gnant en linguistique quant ? l'objet ?sens? (la phrase de W. V O. Quine ?Linguists in the semantic field are in the situation of not knowing what they are talking about?3 n'est pas d?savou?e, encore aujourd'hui, par les linguistes eux-m?mes). En d'autres termes, si l'on entend par sens le produit de l'activit? humaine d'in
terpr?tation linguistique (c'est-?-dire l'objet et/ou le fonctionnement d'une facult? cognitive) et par s?mantique l'analyse des composants et/ou de la consti tution de cette interpr?tation, le passage d'une ?th?orie du signe? ? une ?th?orie du sens? n'est pas explicite, ni ais?ment reconstructible, dans le cadre saussu
rien; je n'ai pas suffisamment insist? sur ce point dans mon livre. Je n'en per siste pas moins ? penser qu'une th?orie du sens constitue le point de fuite selon
1 CLG/E 1: 1.42.246.6, Cours II - soulign? par moi, SB. 2
Pour quelques autres arguments et documents sur ce sujet, voir mon article: ?Y a-t-il une th?orie saussurienne de Y interpr?tation??, S?mantique de Vintertexte, Cahiers de Prax? matique, N? 33, 2000.
3 The Problem of Meaning in Linguistics, in: The Structure of Langage, Fodor et Katz, ?ds(1964), p. 21.
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S. Bouquet: Sur la s?mantique saussurienn 137
lequel se construit la perspective th?orique g?n?rale du ma?tre genevois - mais
cette perspective ne peut probablement pas ?tre une grammaire et c'est pour
quoi j'accepte la critique de Gabriel Bergounioux (qui m'avait ?t? faite ?gale ment par Fran?oise Gadet).
Mon sentiment est que, regardant une th?orie du sens, le tableau saussurien laisse dans l'ombre des pans de l'?difice qu'il construit, alors m?me que les
lignes de force de ce tableau sont claires (je me situe au niveau des textes ori
ginaux, bien s?r, pas du CLG) et permettent de compl?ter l'?difice. Ces lignes de force peuvent ?tre appr?ci?es sur la base des constatations suivantes.
(1) Il est ?tabli que Saussure - dont le chemin de pens?e est largement, mal
gr? des excursions n?ologiques, celui d'une red?termination de concepts du lan
gage ordinaire - n'a jamais, contrairement ? ce qui a ?t? parfois h?tivement dit sur la foi de citations d?contextualis?es, voulu diff?rencier les acceptions de
sens, signification, valeur ou signifi?. (Dans le manuscrit de ce ?livre de lin
guistique g?n?rale? dont on connaissait l'existence, retrouv? r?cemment et ?
para?tre incessamment dans un volume de la Biblioth?que de philosophie de Gallimard sous le titre Ecrits de linguistique g?n?rale, on trouve la revendica tion explicite de ce fait, qui apparaissait d?j? ? tout lecteur attentif des manus
crits disponibles.)
(2) Il n'y a pas de d?finition saussurienne du sens hors d'une th?orie du signe.
(3) Le concept de ?valeur? est, au regard du fait s?mantique, int?gratif, c'est-?-dire propre ? rendre compte de tous les ?l?ments concourant ? l'exis tence d'un sens (en d'autres termes: concourant ? l'existence d'une diff?rence de sens) et cela s'accorde bien avec la non-diff?renciation des concepts ?voqu?e en (1); cette ?int?grativit?? ouvre la th?orie du signe (pr?sent?e surtout sous
l'angle de la ?valeur in absentia?) sur une th?orie du texte, au sens hjelmsl?vien de ce terme, prenant en compte la ?valeur in praesentia?. (Sur ce point, l'im
pression laiss?e par le CLG est profond?ment fallacieuse, car celui-ci laisse
appara?tre la valeur comme appartenant fondamentalement ? l'ordre des rap
ports in absentia.)
(4) La conception in praesentia de la valeur remet en cause, sur le chapitre de la syntaxe, la distinction faite pr?c?demment entre langue et parole (Saussure le dit en ces termes); de fait elle permet selon moi, quoiqu'on en ait dit, de concevoir la syntaxe comme appartenant ? l'ordre de la langue.
(5) La conception in praesentia de la valeur n'est par ailleurs aucunement
d?velopp?e par Saussure.
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Partant de l?, il ne me semble pas exag?r? de pr?tendre que cette ?s?man
tique?, pos?e mais non d?finie clairement par Saussure - la m?taphysique chez
Alist?te ne l'?tait pas non plus, et cela ne l'a pas emp?ch?e de faire date -, est
de nature ? articuler ensemble des composants du sens (le ph?nom?ne du sens
?tant entendu comme se rapportant ? des ?nonc?s linguistiques interpr?t?s par un sujet) auxquels s'int?ressent les deux traditions multi-mill?naires des sciences
du langage. Ces traditions, Fran?ois Rastier les nomme logico-grammaticale et
rh?torique/herm?neutique. A la premi?re correspond la langue, c'est-?-dire un
?tr?sor? existant ind?pendamment de ?contextes? et dont les ?l?ments sont
composables entre eux (principe de compositionalit? de Frege); ? la seconde
correspond la parole, dans laquelle le sens n'est pas le produit d'une pure com
positionalit? en ce qu'il se trouve n?cessairement d?termin? par un ?contexte?,
qui peut donc ?tre consid?r? comme faisant partie du sens. Si l'on accepte cet
?clairage de la dualit? de la linguistique pr?n?e par Saussure, quelques cons?
quences s'ensuivent, bousculant des interpr?tations re?ues: la repr?sentation du
signe (le fameux ovale) n'est pas la repr?sentation du sens linguistique (Le. du sens textuel); la bifacialit? n'est pas une propri?t? du sens linguistique (i.e. du sens textuel); mais il existe une perspective (textuelle) qui est celle d'une th?o rie du sens dans laquelle cette repr?sentation et cette propri?t? trouvent leur
place, comme une pi?ce dans un puzzle.
En d'autres termes, on peut tenir que, selon les attendus ?pist?mologiques saussuriens, il n'y a pas de s?mantique dans le cadre d'une linguistique de la
langue, ou encore que la s?mantique implique la conjonction des points de vue
d'une linguistique de la langue et d'une linguistique de la parole. Cette inter
pr?tation est ?tay?e par un ?tonnant passage des manuscrits retrouv?s, d?finis sant ainsi la s?miologie linguistique:
S?miologie =
morphologie, grammaire, syntaxe, synonymie, rh?torique,
stylistique, lexicologie, etc. - le tout ?tant ins?parable4.
La dualit? d'une th?orie du sens qui soutient la dualit? de la linguistique, Schleiermacher l'a somme toute assez bien d?finie dans sa th?orie de la double
interpr?tation, dans les ann?es 1800, sous l'?tiquette d'herm?neutique mat? rielle. Mais il faudra peut-?tre que passe encore un bon bout de temps avant que ?la g?n?ralit? des linguistes? (comme disait Saussure), obnubil?s depuis deux
si?cles par le paradigme logico-grammatical, retrouve la voie d'une conception de l'interpr?tation fond?e ? la fois sur le fait grammatical (au sens le plus strict
4 Ecrits de linguistique g?n?rale, op. cit., ? para?tre.
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S. Bouquet: Sur la s?mantique saussurienn 139
que peut prendre ce mot dans l'?pist?mologie du Genevois) et sur une prise en
compte maximale du sens (c'est-?-dire in fine une description permettant d'ana
lyser le fait m?me de l'ambigu?t? s?mantique). Cette conception est, selon moi, une conception v?ritablement saussurienne du sens, propre ? d?mentir l'opi nion de Quine.
D'une possible chute du mur ?pist?mologique enclavant les conceptions du
sens, il y a cependant aujourd'hui de bons indices. Des fr?missements. La
r?ception des travaux de F. Rastier, notamment chez les sp?cialistes de traite ment automatique du langage, est un de ces indices. Un autre est, par exemple, que J.-C. Milner - certainement l'un des meilleurs ?pist?mologues de la lin
guistique logico-grammaticale contemporaine (c'est encore une opinion que nous partageons, Gabriel Bergounioux et moi) ait pu r?cemment se consacrer ? une herm?neutique linguistique (et, m?me, ? une linguistique herm?neutique) comme celle dont t?moigne son Mallarm? au tombeau.
Adresse de l'auteur:
Simon Bouquet Universit? Paris X-Nan terre
Simon.Bouquet? u-paris 10.fr
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