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CENTRE DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE DU KURDISTAN (CRSK) Dr Ali KILIC Paris le 9 septembre 2012 SUR LE CİNEASTRE KURDE YILMAZ GÜNEY ET SUR LE CINEMA ANTİ COLONİAL LE CINEASTRE KURDE YILMAZ GUNEY Yılmaz Güney né le 1 er avril 1937 á Siverek au Kurdistan Nord et il est décédé le 9 septembre 1984 à Paris.Son vrai nom est Yilmaz Pütün. Issu d'une famille Kurde et pauvre, il est contraint de travailler dès l'âge de neuf ans. Pendant ses études au lycée, il est embauché pour faire de la distribution de film dans certaines régions de Adana. 1

SUR LE CINEASTRE KURDE YILMAZ GÜNEY

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CENTRE DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE DU KURDISTAN

(CRSK)

Dr Ali KILIC Paris le 9 septembre 2012

SUR LE CİNEASTRE KURDE YILMAZ GÜNEY ET

SUR LE CINEMA ANTİ COLONİAL

LE CINEASTRE KURDE YILMAZ GUNEY

Yılmaz Güney né le 1er avril 1937 á Siverek au Kurdistan Nord et il est décédé le 9 septembre 1984 à Paris.Son vrai nom est Yilmaz Pütün. Issu d'une famille Kurde et pauvre, il est contraint de travailler dès l'âge de neuf ans. Pendant ses études au lycée, il est embauché pour faire de la distribution de film dans certaines régions de Adana. Il travaille pour deux maisons de production qui sont, And Film et Kemal Film. Dans la même période, il crée sa propre revue d'art « Doruk » (L'apogée), où il raconte des histoires, des anecdotes et écrit des critiques sur l'art. C'est en faisant de la distribution bobines de 16mm à l'aide de sa bicyclette qu'il fait connaissance avec le septième art. Il termine son école primaire, le cycle secondaire, et le lycée à Adana.

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Après le lycée, il commence des études de droits à Ankara, mais trouvant que la ville l'éloigne du cinéma, il renonce et s'inscrit à l'université de Istanbul en faculté d'économie.

A l'âge de vingt ans, il est embauché par une compagnie de distribution de films. Son travail consiste à aller de village en village pour projeter des films à la population locale. Cela lui permet de faire une bonne entrée dans le domaine du septième-art, ainsi qu’il le dit lui-même dans un interview. "A force de voir et de revoir le même film, je finissais par comprendre le comment et le pourquoi de tel ou tel plan. C'était une initiation formidable".

YILMAZ était un réalisateur, scénariste, metteur en scène, acteur et écrivain Kurde et Artiste révolutionnaire engagé, se voulant témoin de son temps, Güney ne veut pas céder à la facilité et aux modes du moment ; il veut peindre « les mille et un visage » de la souffrance et des passions des hommes. Le Mur, tourné en France et traitant des conditions pénitentiaires en Turquie est le fruit de ce « devoir de témoigner ». Il reçoit un accueil mitigé de la part de la critique en raison notamment de la violence de certaines de ses scènes qui pourtant ne sont qu’un pâle reflet des réalités turques. Il y a dix huit ans, Yilmaz Güney, le grand cinéaste kurde né au Kurdistan , est mort en exil à Paris, à l'âge de 47 ans. Il laisse derrière lui une vaste oeuvre cinématographique, témoignage poignant de la misère des paysans et des ouvriers du Kurdistan , mais aussi de leurs aspirations à la justice et au bonheur.

Il fut surtout célèbre pour ses nombreux films soulignant les mœurs et les conditions de vie du monde du peuple kurde et du petit peuple des quartiers populaires restreints à des métiers précaires, pénibles et laborieux, puis forcés de se plier à l'oppression politique et au capitalisme affluant qui les annihilent inéluctablement. Dans ces films sur la colonisation et ses effets, il est important de relater ou plutôt de capturer la vérité interne de la transformation ou remaniement de l’histoire sans tomber dans les récits attractionels du sujet colonial. L’histoire du cinéma Güney comme dans les pays anciennement colonisés a très souvent tendance à se confondre avec l’émergence d’un cinéma national Le temps, élément fondamental du récit cinématographique chez YILMAZ GÜNEY se trouve une place stratégique dans le film colonial permettant de rapprocher ou d’éloigner le spectateur dans sa position vis-à-vis des protagonistes Au rang de renommée mondiale et ayant encore un grand nombre de projets cinématographiques, Yilmaz Güney mourut d'un cancer de l'estomac, à l'âge de 47 ans. Il a été enterré à Paris dans le cimetière du Père-Lachaise division 62, aux côtés d'Ahmet Kaya-

S'installant à Istanbul, Il rejoint rapidement un cercle de jeune cinéastes turques où il fait notamment la connaissance de Atif Yilmaz (réalisateur,

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scénariste, producteur et chef opérateur turc). Pendant que Yesilcam (le Hollywood turc), se développait dans la force, une poignée de réalisateur, y compris Atif Yilmaz, ont commencé a utiliser le cinéma comme un moyen d' aborder les problèmes du peuple.

En 1958, il est inculpé à la suite de la publication de sa première nouvelle et est licencié par la compagnie de distribution qui l'employait à ce moment là. Privé ainsi de son salaire, modeste certes mais régulier, et faisant face à une période pénible de chômage, Güney est sauvé par l'intervention de deux compatriotes célèbres: le romancier Yachar Kemal et Atif Yilmaz.

A cette époque, ils travaillaient sur le projet "Les enfants de la patrie", un film ayant comme sujet la guerre de l'indépendance de la Turquie. Par solidarité avec un jeune artiste en difficulté ils proposent à Güney de collaborer à l'élaboration du scénario. Son apport leur paraient si intéressant qu'ils décident de le prendre comme deuxième assistant.

Enfin, l'absence d'un des acteurs au moment du tournage lui donne l'occasion de jouer le rôle mineur d'un jeune paysan engagé dans la résistance nationale contre l'occupant. Ainsi débute la longue et brillante carrière cinématographique du jeune artiste inconnu qu'était alors Güney.

Ce dernier est étonné quand en 1959, Atif Yilmaz le choisit pour le rôle principal de son film, "le Cerf Rouge". Il savait bien qu'il n'avait pas le physique d'un "jeune premier". Atif l'assure en lui disant : "Tu es le type même du jeune paysan - et en plus tu sais monter à cheval, manier un fusil, grimper aux arbres. Tu es le chasseur de cerfs idéal".

A partir de ce moment, la vie de Güney prend une autre tournure. Il devient comme il le dit lui-même un "fanatique du cinéma", ouvert à tous les genres, à toutes les influences. Il suit avec passion les vedettes américaines comme George Raft, Humphrey Bogart, Marlon Brando et apprécie les techniques et les conceptions des réalisateurs tels que Kazan, Bergman et surtout les Italiens Visconti, Vittorio de Sica, Rossellini, etc. "J'apprenais quelque chose de chacun d'eux, je cherchais à assimiler les techniques et les conceptions les plus diverses", disait-il.

Carrière cinématographique :Après avoir joué dans "le Cerf Rouge", il est inculpé en 1961, à 18 mois

d'emprisonnement et forcé huit mois à l'exil dans la ville de Konya, pour avoir publié en 1956 un roman dans un des paragraphes où il cite l'inégalité du système entre riche et pauvre, qui selon les autorités était de la propagande communiste.

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Pendant qu'il est en prison, Güney réfléchi bien à sa future carrière, en tenant compte de la situation politique et personnelle dans laquelle il se trouve. Décidé à devenir réalisateur puis défendre la cause du peuple, à travailler pour l'intérêt de la population pour un pays de droit équitable, il met sur pied toute une stratégie pour arrivé à ces fins. Et des années après il raconte son plan dans un interview.

"Mon ambition, était de devenir réalisateur, mais je savais qu'après ma condamnation ce ne serait possible qu'à une seule condition: devenir d'abord l'acteur le plus populaire de Turquie. J'arriverais ainsi à mes fins par des chemins détournés".

Sorti de prison, les temps sont dur, Yilmaz est en difficulté économique, il n'a pas de travail mais ces amis ne le laisse pas tomber, il s'associe à nouveau avec Atif Yilmaz et Yachar Kemal pour l'écriture du scénario du film "La rose sauvage" (Yaban Gülü). Tout en continuant d'écrire les scénarios de film, il passe aussi devant la caméra pour jouer les premiers rôles. Il campe surtout des personnages typiques du Kurdistan qui subissent l'injustice par toute forme de pouvoir, opprimé et méprisé pour leur misère mais qui en même temps sont des rebelles. Sa manière de s'habiller, de marcher, de parler est caractéristique à la culture turque. Le peuple l'apprécie, s'identifient en lui, chacun se reconnaît en sa personne. Il enchaîne film après film comme acteur, sa réputation se grandit après chaque long-métrage. C'est ainsi qu'il s'impose comme "Le roi laid" du cinéma Turc et gagne son paris audacieux qui était de devenir l'acteur le plus populaire du pays.

Le moment qu'il attendait depuis fort longtemps est arrivé, il réalise son premier oeuvre qui est le long métrage "Le cheval, La femme, et Le pistolet" (At, Avrat Silah), une histoire d'amour entre une jeune montagnarde et un jeune homme; le film es tourné en 1966. Ainsi une première partie de son rêve est accompli.

Grâce à sa carrière d'acteur et après quelques réalisations en tant que directeur, il monte sa propre maison de production Güney Filmcilik (1968), qui lui aide a avoir une liberté total sur les projets qu'il veut accomplir. C'est ainsi qu'il tourne son premier film Seyit-Han (1968) comme réalisateur et producteur qui sera un franc succès envers le peuple. Aç Kurtlar (Loups affamés, 1969) est salué par la critique comme l’œuvre annonciatrice d’une nouvelle ère dans le cinéma turc. Mais c’est surtout Umut (Espoir, 1970) qui remporte l'Ours d'Or à Berlin, fait connaître Güney aux cinéastes européens et confirme ses talents de réalisateur. Ses films, d’inspiration néo-réaliste, portent pour la première fois à l’écran les Kurdes, le monde paysan, le petit-peuple des faubourgs survivant grâce à des métiers précaires et condamnés par le déferlement d’un capitalisme conquérant et sauvage.

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À sa sortie, il joue dans une quarantaine de films où ses rôles d'antihéros victimes d'injustices sociales le rendent très populaire auprès du public. À partir de 1966, il se lance dans la réalisation avec Seyyit Han, Les loups ont faim, et surtout L'espoir (1970), sans doute son meilleur film. Dans chacun de ses films, les personnages de Güney se meuvent sur le terrain glissant des dures réalités quotidiennes: déshérités matériellement, ils n'ont pas non plus les moyens d'analyser leurs conditions d'existence dans le contexte social et politique nouveau d'un pays où les nantis font souvent la loi. Güney était l'exemple par excellence d'un artiste d'un certain type - l'artiste dont la vie et les convictions ne font qu'un avec son oeuvre. Son travail et sa vie sont aux antipodes de "l'objectivité" pronée par certains à une époque qui serait celle de la mort pas seulement de l'idéologie mais de l'histoire elle-même.

La filmographie de Güney aurait sans doute été plus imposante encore si son travail de cinéaste n'avait été trop souvent interrompu par de longs séjours en prison. Car cet artiste a chèrement payé son engagement aux côtés de toutes les victimes de ce monde, de son monde. Ses films traitent de la vie quotidienne dans les campagnes et de l'oppression qui s'abat continuellement sur les paysans qui tirent péniblement une maigre subsistance de la terre.

Parmi les films de Güney se trouvent des titres aussi connus que "Yol" (Palme d'Or au Festival de Cannes, 1982), histoire de détenus qui retournent dans leur village pour une courte permission, ou "Le Troupeau", qui décrit l'écart entre deux mondes, celui des campagnes où vit encore la moitié de la population et les grandes villes modernes, avec leurs gratte-ciels et leurs bidonvilles.

A ces films s'ajoutent d'autres - par exemple, "L'Espoir", "Elégie", "Les Malheureux" - qui dramatisent des thèmes constants d'actualité et d'histoire contemporaine : l'exode rural, entraînant le dépeuplement des campagnes et le gonflement malsain des villes ; l'inégale distribution des revenus, provoquant les souffrances matérielles et morales du plus grand nombre pour le seul bénéfice d'une poignée de nantis ; le mécontentement sourd des paysans et ouvriers agricoles face à la puissance arbitraire et brutale des propriétaires terriens. 1971, il fait carrément une boulimie de film où il tourne plus de huit long-métrages dans l'année courante, dont trois sont nominées au très célèbre festival de film de Adana, Umutsuzlar (Les désespérés), Aci (Soufrance), et Agit (Elégie). Une grande surprise pour pour ceux qui ne connaissaient pas encore le talent de Yilmaz Güney, mais les autres, savent de quoi il est capable. Après 1972, Güney passe la majeure partie de sa vie en prison. Arrêté pour avoir hébergé des étudiants anarchiste, il est emprisonné pendant la post-production du film Zavallilar (les misérables) qui sera accompli après avoir été libéré grâce à une amnistie générale en 1974, avec l'aide de son assistant Serif Gören.

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Sans plus attendre il se mets au travail et commence le tournage de son prochain film Endise (Inquiétude), qui avait comme sujet les souffrances et épreuves des travailleurs saisonniers des champs de coton. Malheureusement il ne jouis que d'un bref instant de cette liberté. Alors qu'il est au bistro d'un village proche de Adana, où se passait le tournage d'inquiétude, il est heurté par le juge qu'il l'avait déjà envoyé derrières les barreaux auparavant. Une bagarre éclate des coups de feux sont retentis et le juge est assassiné. Yilmaz Güney est accusé de meurtre, cet épisode tragique lui vaut une condamnation à 18 ans de prison. On a jamais pu formellement prouvé que Güney avait tiré la balle fatale mais il est redouté par les autorités et on préfère le voir derrière les barreaux.

A nouveau en prison sans avoir terminé le tournage de son long-metrage Inquiétude, il confie la suite de la direction à son assistant fidèle Serif Gören qui accompli le travail sans problème grace aux détails minitieuses donnés par Güney. A partir de cette date Gören met en scène les scénaris écris par son maître depuis la prison. Ces films les plus réussis sont écris pendant son incarcération.

En 1978, il donne la direction de son film Sürü (Le troupeau) à un autre de ses assistants Zeki Ökten. Un film qui décrit l'écart entre deux mondes, celui des campagnes où vit encore la moitié de la population et les grandes villes modernes, avec leurs gratte-ciels et leurs bidonvilles. Ökten dirige aussi une année après, Düsman (l'ennemi), une histoire traçant la vie d'Ismail venu à Canakkale pour trouver du travail, il se voit proposer d'empoisonner des chiens errants. La vue des chiens le touche trop et, en désespoir de cause, il repart voir son père pour réclamer sa part de l'héritage paternel.

Juste avant le coup d'Etat il demande à Serif Gören de réaliser son nouveau projet intitulé Yol (La permission), histoire de détenus qui retournent dans leur village pour une courte permission. Tous les plans sont filmés, il reste plus que le montage.

Le 12 septembre 1980, c'est le coup d'Etat militaire. Lorsque l'armée prend les affaires du pays directement en main, la situation de Güney dans la prison s'empire. Désormais il lui devient impossible de poursuivre à l'intérieur des murs son travail de création ou ses activités d'organisation des détenus. Car chaque fois qu'il était transféré dans des cellules il organisait les détenus pour qu'il se bâtent pour leur droits.

Octobre 1981 - Güney profite d'une brève permission pour prendre le chemin de l'exil, grâce à la complicité de ses nombreux amis et admirateurs en Turquie et en Europe. Il trouve refuge en France qui lui offre l'asile.

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Il se consacre, dans la plus grande discrétion, au montage de Yol dont les rushes ont quitté la Turquie clandestinement. Le film est présenté en mai 1982 au Festival de Cannes où il partage la Palme d’or avec le Missing de Costa Gavras, avant de rencontrer un succès planétaire.

Il y a quarante ans, lors de sortie du film Espoir, j’avais invité Yilmaz Guney et son épouse Mme Guney Fatos, en 1970 pour un débat avec les étudiants de l’Université d’Istanbul, dans une salle de résidence Universitaire de Kadirga à Kumkapi.. Après la projection du film, Yılmaz Güney a répondu aux questions posées sur son film Espoir en présence de Fatos. Dans ce film, Cabbar s’est dangereusement endetté pour pouvoir demeurer l’un des derniers cochers de la ville d’Adana. Le travail vient à manquer tandis que la municipalité limite l’accès des attelages au centre ville. Son seul espoir est de gagner un jour à la loterie. Son cheval meurt dans un accident et la survie de sa famille est désormais menacée. Un camarade d’infortune le convainc pourtant de dépenser ses derniers sous dans une chimérique quête au trésor. Au fond, l’espoir ( Umut) évoque le voleur de bicyclette dans sa première partie, puis le Trésor de la Sierra Madre dans la seconde. On y voit pour la première fois des figures et réalités paysannes qui ne sont pas des clichés. Cela a permis de développer un cinéma ouvert sur les problèmes sociaux, avec le risque cependant de rester en rade quelque part entre naturalisme et réalisme.Naturalisme, c’est parce que Yilmaz voulait refléter la réalité objective en tant que telle, dans le concret des rapports sociaux politiques la tragédie et la misère du peuple kurde y compris des peuples opprimés dont il fait partie.Réalisme, c’est parce qu’il était un réalisateur révolutionnaire engagé dans la lutte pour la libération des peuples. Lors du débat je lui ai posé la question sur les limites de la possibilité de la réalisation légale de ses activités artistiques dans le cinéma. Il m’a répondu « Si tout, est interdit, alors nous entrons dans la clandestinité ». Cela correspondait aux critères du passage du cinéma épique au cinéma réaliste basé sur le réalisme révolutionnaire socialiste dont son point de vue était proche à l’approche de Brecht au sujet due réalisme socialiste.

« Réaliste veut dire : qui dévoile la causalité complexe des rapports sociaux ; qui dénonce les idées dominantes comme les idées de la classe dominante ; qui écrit du point de vue de la classe qui tient prêtes les solutions les plus larges aux difficultés les plus pressantes dans lesquelles se débat la société des hommes ; qui souligne le moment de l'évolution en toute chose ; qui est concret tout en facilitant le travail d'abstraction. » (Brecht, Popularité et réalisme)

C'est aussi toute la question de la culture, des valeurs éthiques ; comme le dit Brecht : « Les émotions ont toujours un fondement de classe très précis ; la

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forme sous laquelle elles manifestent est toujours historique, spécifiquement limitée, située et datée ; les émotions ne sont nullement le fait de « l'humanité éternelle », hors du temps. » Ici, dans le contexte du cinéma épique, Cabbar était dans le temps et l’espace réel et il a perdu tout son espoir pour le quotidien et pour l’avenir. Au lieu qu’il trouve le trésor, il trouve un serpent.Cela me fait rappel que ces derniers mois, l’armée de la république fasciste de Turquie après avoir utilisé les armes chimiques et bactériologiques contre les combattants Kurdes au Kurdistan Nord, elle a commencé à jeter des serpents dangereux dans les endroits où se cachent les guérilleros kurdes dans les forêts à Dersim où dans les montagnes du Kurdistan Nord. Mais en raison du climat froid dans les montagnes ces derniers temps, les serpents sont, descendus, retournés vers les postes de la gendarmerie situés dans les vallées, ils commencent à piquer maintenant les soldats et les officiers turcs.La question qui se pose, quel rapport établir entre l’espoir et le serpent trouvé à la place du trésor cherché et les serpents qui ont été lancés par l’armée turque pour tuer les combattants de liberté ? C’est une question de la dialectique du changement dans le processus de la négation de la négation. Mais la réponse de Yilmaz Guney à cette époque comme Brecht était épique  et révolutionnaire.

« Dans l'intérêt des travailleurs de tous les pays, de tous les exploités et opprimés, on doit adresser aux écrivains un appel pour un réalisme militant. Seul un réalisme impitoyable, dissipant tous les rideaux de fumée qui voilent la vérité, c'est-à -dire l'exploitation et l'oppression, peut dénoncer et discréditer l'exploitation et l'oppression du capitalisme. »

LE CİNEMA ANTİ COLONİAL

Or la crise du système impérialiste et colonialiste turc a donné lieu aux trois coup d’état militaire , 27 mai 1960 d 11 mars 1971 et le 12 septembre 1980..Deux mois après le coup d’Etat militaire du 11 mars 1971 les forces militaires et policières turques ont effectué une descente vers quatre heures du matin dans la résidence universitaire de Kadirga en date du le 18 mai 1971 j’ai été arrêté avec Ali Cihan Gundogdu, Vedat Ulusoy, étudiants de la faculté de droit, Munir Ozturk , étudiant kurde d’Urfa et Mr Baykara suite à l’enlèvement et de l’assassinat d’Efrahim Elrom, Consul Général d’Israël à Istanbul lors de la vague massive d’arrestation. Dans un premier temps j’ai été soumis à la torture, battu par douze policiers et les gendarmes dans ma chambre N°229 au deuxième étage de la résidence. Dans un deuxième temps les officiers et policiers avaient trouvé sur ma table de travail des textes traduits du latin en turc qui consistaient à trois phrases suivantes :« Consilium occissi sum esse dicuntur », « in eo loco bellum gessit » «  arma capta sunt in navibus ». A partir de la première phrase, les tortionnaires voulaient savoir qui a tué Efrahim Elrom ? N’ayant pas répondu aux questions sous la torture, nous étions

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emmenés en premier lieu au centre de la torture qui se trouvait au sous –sol du poste d’Alemdar, en face de Sainte Sophie, en deuxième à la section spéciale de la police politique à Eminonu. . Dans le centre de la torture d’Alemdar, j’ai été soumis de nouveau à la torture devant les yeux de mes camarades par un tel général Selahahtin et par un colonel, en présence aussi des agents de sécurité civile des services secrets et des officiers, des gendarmes de l’armée turque. Le Général voulait savoir qui a enlevé et a tué le Consul d’Israël. La preuve dans la main était mon devoir du latin qui m’a été donné par le Prof.Dr.Faruz Zeki Perek, chef du département de la philologie gréco-latine. J’avait traduit en turc les trois phrases «  on dit que le consul a été tué » « la guerre a commencé dans le même endroit », « les armes ont été saies dans les bateaux ».Malgré » la confirmation de mon professeur, le tortionnaire pratiquait la torture, il me posait la question «  qui l’a tué ? » « J’ai répondu que c’est votre police politique, c’est probablement l’un des agents de vos services secrets »MIT » (Organisation Nationale de Sécurité » ; Soudain,  Ils ont cessé la torture. Sur mon visage, partout il y avait du sang. Puis Il m’a donné une chaise. Mon camarade Vahit Ozsoy, avait insisté que les militaires doivent m’emmener à l’hôpital pour faire le constat de la torture que j’ai subi. Ils ont refusé de prendre la responsabilité de la torture. Le général tortionnaire m’a posé une dernière question » pourquoi avons-nous tué le Consul d’un pays comme Israel  à votre avis? J’ai répondu que «  c’est simple. Vous avez commencé à massacrer les guérilleros dans les montagnes à Nurhak et les autres vont fuir vers les camps du Palestine pour les empêcher et pour la sécurité de votre frontière du sud, vous auriez besoins de l’aide logistique de l’Etat Israel.C’est pourquoi vos services secrets ont enlevé le Consul Général d’Israel et vous l’avez tué vous-même et puis vous avez collé ce crime sur le dos des révolutionnaires de notre pays». C’était un silence absolu. Le général a fermé sa bouche. Puis il a donné l’ordre. « Arrêtez la torture, confiez les prisonniers aux policiers en civil »  Le général voulait l’une de mes photos parmi mes affaires saisies et il n’y trouvait pas. Je lui ai donné une deuxième. « Tu es très intelligent, je ne veux te voir en face de moi,  si je te vois une autre fois en face de moi, je tu tuerai avec mon arme ». Je lui ai répondu « Général vous m’avez torturé devant mes camarades, mais vous n’avez pas du courage de me tuer, en 1937 mon grand père tirait sur les généraux comme vous au troisième bouton, lors de notre rencontre c’est moi, je tirerai le premier». Il s’est fâché a voulu prendre un fusil d’un soldat à côte de lui pour tirer sur moi et l’un des colonels lui a empêché, puis nous étions enfermés dans une cellule au sous-sol du commissariat de police d’Alemdar où nous sommes restés jusqu’à matin.

Le 18 mai 1971, nous étions emmenés et enfermés dans les cellules qui se trouvent au dernier étage de la section de la police politique à Eminonu ;C’est ici que j’ai vu Yilmaz Guney dans une cellule à côté de la mienne.Il était arrêté avec plusieurs militants y compris Hasan Ozgur, père de

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Taylan Ozgur tué à Istanbul par la Police politique et Kadriye militante du THCP-C( Parti –Front de Libération du Peuple de Turquie) ; Ce parti est fondé par Huseyin Cevahir et Mahir Cayan…

Vers midi à la sortie de ma cellule, Yilmaz Guney prenait du thé, je me suis assis à côté de lui,il a vu le sang sur mon visage et sur ma chemise et Minür lui a raconté ce qui s’est passé lors de la séance de la torture. En prenant notre thé un agent de la police s’est arrêté devant Yilmaz Guney, « ah dit , le policier tes films passent dans les cinémas à l’extérieurs alors nous allons joué ton cinéma ici ce soir ».Yilmaz a regardé aux yeux du policier et il a rit,puis subitement a retiré le revolver du policier tourné vers le nez de l’intéressé. Le policier a rougi devant les prisonniers qui riaient. Face à la situation ridicule de l’agent,Yilmaz a fait une geste, il l’a remis le revolver sous la ceinture du policier et il lui a dit  « on porte comme ça son arme  ».

Le cinéaste kurde était accusé d'avoir "aidé et hébergé des révolutionnaires du THKP C" - il était soupçonné d'entretenir des relations avec ce groupe dont les actions violentes défrayaient à l'époque la chronique. Güney s'est donc retrouvé pendant deux ans derrière les barreaux. Alors qu’après des années, il été constaté que le capitaine Ilyas, agent du service secret,infiltré au sein de cette organisation de THKP C qui avait enlevé le Consul général D’Israel et l’avait tué. Malgré la confirmation de punition du Capitaine Ilyas qui a tué Monsieur Efrahim Elrom, il est toujours en vie et c’est l’Etat Israel et sa police secrète qui doit demander ces comptes afin de punir le criminel turc Capitaine İlyas.

Le 05-09-1973 j’ai été mise en liberté de la prison de Diyarbekir et je suis rentré à Istanbul où Yilmaz Guney a été libéré en 1974 à la faveur d'une amnistie générale proclamée sous le gouvernement social-démocrate il n'a pu jouir que d'un bref moment de liberté et j’ai vu et écouté son discours au Palais du Sport d’Istanbul lors d’une réunion politique, mais je n’ai pas pu de lui parler en ce moment. Il était arrêté de nouveau trois mois plus tard, accusé cette fois d'avoir tué un juge au cours d'une bagarre. L'incident a eu lieu dans le bistro d'un village proche d'Adana où Güney dirigeait le tournage d'un film, "Inquiétude", sur les souffrances et épreuves des travailleurs saisonniers des champs de coton. Cet épisode tragique a valu à Güney une condamnation à 18 ans de prison.

. Le succès de ces films où Güney est à la fois scénariste et réalisateur, leur impact social, inquiète les autorités turques. Accusé de propagande communiste et de séparatisme, Güney, à partir du coup d'Etat militaire de 1971 passe une douzaine d'années en prison. Libéré en 1974 à la faveur d'une amnistie générale proclamée sous le gouvernement social-démocrate de Bülent Ecevit, il n'a pu jouir que d'un bref moment de liberté car il était arrêté de nouveau trois mois

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plus tard, accusé cette fois d'avoir tué un juge au cours d'une bagarre. L'incident a eu lieu dans le bistro d'un village proche d'Adana où Güney dirigeait le tournage d'un film, "Inquiétude", sur les souffrances et épreuves des travailleurs saisonniers des champs de coton. Il s'agissait de toute évidence d'une provocation et il n'a jamais été formellement preuve que Güney avait effectivement tiré la balle fatale.

Cet épisode tragique a valu à Güney une condamnation à 18 ans de prison.

Etant donné les liens étroits entre les convictions de Güney et le message implicite ou explicite de son oeuvre, on voit qu'il a payé un prix élevé pour ses idées et ses paroles critiques à l'égard d'un Etat dont la tolérance politique n'est pas la principale vertu. Mais, s'il s'était fait des ennemis puissants et haut placés dans la société turque, le sens de l'engagement et la sincérité passionnée de Güney lui ont valu en même temps une gamme étendue d'amitiés politiques et personnelles.

Il n'est donc pas surprenant que plusieurs milliers de personnes aient assisté aux funérailles de Güney au cimetière du Père Lachaise, le 13 septembre 1984 - des Turcs et des Kurdes de toutes conditions, exilés à Paris comme lui, mais aussi beaucoup d'amis français et étrangers : artistes, hommes et femmes politiques (Jack Lang, ministre de la Culture à l'époque, était présent, ainsi que Madame Danielle Mitterrand).

Parmi les nombreuses couronnes déposées sur la tombe de Güney se trouvaient notamment celles des diverses organisations de la gauche turque, des Kurdes de Turquie et d'Iran, des "Communistes de Grèce", des "Anciens combattants arméniens en France", des travailleurs de la confection (CFDT) et de plusieurs syndicats de l'industrie du cinéma. L'oraison funèbre a été prononcée par un universitaire turc, Server Tanilli - paralysé au-dessous de la ceinture par la balle d'un criminel qui a tiré sur lui à Istanbul. En exil, il enseigne à l'Université de Strasbourg.

Telle a été la mort de Güney, mais quelles étaient ses origines, d'où venait-il ? Ses films - ainsi que ses romans - traitent presque tous de la vie qu'il a connue en tant que fils d'une famille de paysans pauvres, dans la région d'Adana. C'est le centre du "pays du coton" où quelques grands aghas, propriétaires terriens, règnent en maîtres sur une population qui arrive à grand peine à

survivre.

Le 17 octobre 1979 j’ai quitté le pays pour mes recherches philosophiques à l’Université de Bourgogne. Un an après le coup d'Etat Militaire fasciste a pris le pouvoir.- En

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octobre 1981 - Güney a profité d'une brève permission pour prendre le chemin de l'exil, grâce à la complicité de ses nombreux amis et admirateurs en Turquie et en Europe.Avec l'aide et le soutien de Melina Mercouri, alors ministre de la Culture en Grèce, qui est intervenue auprès du ministre de l'Intérieur français, Gaston Defferre, Güney a pu gagner la France et y trouver asile, juste à temps pour assister au Festival de Cannes en 1982 et y recevoir la Palme d'Or pour "Yol" dont il avait pu lui-même terminer le montage.

-En 1982, la palme d'or cannoise est remise à deux films de dénonciation politique. Missing de Costa-Gavras et Yol de Yilmaz Güney. Le film de ce dernier suit cinq prisonniers en permission dans une Turquie hivernale. Un cinéma de l'émotion, un film tourné à distance par Güney, emprisonné pour délit d'opinion. Le film constitue un hommage vibrant au peuple turc, en dépit des pressions quotidiennes exercées par la politique et la religion. « Dans Yol, j'ai voulu montrer combien la Turquie était devenue une immense prison semi-ouverte. Tous les citoyens y sont détenus » témoigne le réalisateur. Le film contient en effet, cette symbolique forte. Une fois sorti de prison, chacun des cinq détenus en permission entrera dans une autre prison, plus vaste et imagée. La réalisation vient souvent renforcer cette impression. Le cadre est généralement très serré autour du personnage. Güney est d'ailleurs un cinéaste à la réalisation beaucoup plus descriptive que narrative. Le réalisateur turc refuse l'explicatif, le psychologique, il le dit lui-même : « Le cinéma, c'est l'illisible. »

En janvier 1983, dans Thé Middle East magazine, nous trouvons une explication personnelle de la vie d’Yilmaz Guney et de son cinéma lors d’un tournage de son film en France « le Mur ».«  Comme tous les créateurs de Turquie et du Kurdistan, nous avons rencontré sur notre chemin des difficultés dûes à la nature oppressive du régime. Durant toute ma vie de créateur, j’ai été amené à chercher des moyens parfois détournés pour exprimer ma pensée, et je dois reconnaître avec franchise que toutes mes oeuvres jusqu’à ce jour n’ont pas totalement exprimé ce que je voulais, ni dans leur forme ni dans leur esprit. L’élément dominant de ces oeuvres, c’est qu’elles sont des solutions de compromis.“Le Troupeau”, en  fait, c’est l’histoire du peuple kurde, mais je n’ai même pas pu utiliser la langue kurde dans ce film. Si on avait utilisé le kurde, tous ceux qui ont collaboré à ce film auraient été mis en prison.Dans le cas de “Yol”, l’essentiel devait être axé sur Diyarbekir, Ourfa et Siirt. Bien que le film ait été monté en Europe, je n’ai pas réussi à faire tous les doublages en kurde. J’ai essayé de créer cette atmosphère par des doublages, par la musique. ».

Q: Puisque les principaux personnages de vos films sont les Kurdes et le Kurdistan, comment pourrez-vous continuer de tourner en dehors de votre pays?

Y.G: Ici, nous sommes devant l’impasse suivante: nous n’avons pratiquement qu’un seul acteur professionnel (intérêts développement, qui joue

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le personnage du père dans “Le Troupeau”); tous les autres sont des amateurs qui n’ont jamais joué dans un film. Il est impossible de faire venir des acteurs professionnels de Turquie... et même ceux qui sont en Europe n’osent pas venir jouer avec moi: ils refusent même de me parler.

Q: Comment est-ce possible? Les acteurs turcs ne sont pas fiers de jouer pour un metteur en scène qui a obtenu la Palme d’or à Venise?

Y.G: Ceux qui entonnent des chants révolutionnaires dans les périodes de calme préfèrent se cacher derrière les portes pendant les périodes difficiles... Bref, j’ai un cameraman turc, mais les techniciens ne sont pas professionnels; pour les décors, par exemple, je n’ai pas un seul professionnel.

Q: Vous venez d’évoquer les problèmes techniques que vous rencontrez en filmant à l’étranger. Mais le problème essentiel reste: comment pouvez-vous créer, maintenant que vos racines avec la Turquie sont coupées?

Y.G: Le thème du prochain film tourne autour de la prison. Je décris donc les ténèbres, la tristesse, des choses qui ne nécessitent pas de paysages, pas de nature.

Q: Pourquoi la prison?

Y.G: Il y a deux raisons: d’abord, c’est le sujet le mieux approprié à la situation actuelle de la Turquie. L’autre, c’est que je ne suis pas encore prêt à tourner en Europe.

Q: Justement, vous êtes le cinéaste kurde qui décrit le plus le peuple et la nature de son pays, mais vos films ne sont pas vus par vos concitoyens. Et maintenant vous êtes coupé par l’exil de ce peuple et de cette nature. Comment allez-vous résoudre ce problème? Allez-vous vous installer dans l’émigration?

Y.G: Nous trouverons certainement le moyen de faire voir ce film (Yol) à notre peuple... Mais je ne peux pas vous dire comment. Pour le reste, après ce film sur la prison, je ne veux pas faire un film sur le Kurdistan dans des conditions artificielles.

Q: Quand avez-vous su que vous étiez kurde?

Y.G: S’il faut le dire vraiment, je suis un kurde assimilé: ma mère était kurde, mon père était un kurde zaza. Pendant toute mon enfance à la maison on parlait kurde et zaza. Jusqu’à 15 ans j’ai parlé kurde. Puis par la suite j’ai été amené à me couper de mon milieu familial, ce qui a nui à ma connaissance de moi-même. Pendant tout ce temps, j’entendais des discours disant: “Il  n’y a pas

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de Kurdes, il n’y a pas de langue kurde”. Mais j’entendais parler et chanter kurde, je voyais que les Kurdes étaient dans une situation très difficile. Mon père est originaire de Siverek; je n’ai vu Siverek qu’à l’âge de 16 ans. C’est à ce moment là que ma prise de conscience a été réelle. Là, j’ai connu les souffrances d’une famille déracinée; mes parents disaient: “ Vous êtes coupés de vos racines”... Et à 34 ans j’ai pu aller voir le pays de ma mère, Mouch, la tribu des Jibran. L’origine de l’histoire du “Troupeau”, c’est la fin de cette tribu nomade.

Q: Quelle place tiendra le Kurdistan dans vos prochains films?

Y.G: La question kurde est une question très difficile, pas seulement en Turquie, mais aussi en Irak, en Iran. Un jour je voudrais tourner le film relatant l’histoire du combat d’un peuple pour sa naissance -- ou sa renaissance. Maintenant, c’est un problème difficile. Il faut traiter l’écartèlement du peuple kurde dans diverses perspectives. Il est difficile d’approcher ce problème de façon objective. L’histoire n’est pas seulement remplie de victoires, mais elle est faite aussi de défaites, d’erreurs, de tromperies...

Q: Le séjour en France, c’est une parenthèse dans votre carrière?

-Y.G: Je demeure en France par autorisation spéciale, pour tourner ce film. Je suis autorisé à résider en France le temps de le monter. Après, je ne sais pas. Je ne veux pas parler du futur pour l’instant...

Le tournage du "Mur"

“Brisez les vitres pour que se libèrent les oiseaux”, titre pas définitif de son dernier film, raconte l’histoire d’une révolte dans une prison. La révolte est dirigée par les enfants -- nous voyons Yilmaz Guney expliquer à un acteur amateur, d’origine uruguayenne, qui joue le rôle d’un gardien, comment réagir quand un des enfants le menace avec un immense couteau de cuisine. Mais la révolte sera matée, et le film se termine sur l’arrivée de nouveaux enfants à la prison. Reconstituer l’atmosphère très spéciale qui règne à l’intérieur d’une prison est très difficile avec des acteurs amateurs. Yilmaz Guney s’en tire en recourant au “réalisme poétique”.

Une armée de figurants et d'acteurs amateurs

Yilmaz Guney tourne avec une centaine d’enfants kurdes qui dorment dans le dortoir de l’abbaye -- certains sont venus de Berlin Ouest -- et avec entre 100 et 200 figurants adultes: gardiens de prison, parents de détenus, qui travaillent dans les ateliers de confection ou dans les usines de la région parisienne. Une

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centaine de techniciens amateurs vivent aussi avec Guney dans l’abbaye. Les enfants sont ravis, et de très bons acteurs: “Imaginez quelle aventure cela peut être pour des enfants qui, à Berlin ou dans la banlieue parisienne, ne peuvent même pas rêver d’une vie décente. Et les voilà vedettes”.

 A la sortie du Mur, Yilmaz Güney déclarait que ce premier film tourné hors de ses frontières montrait "l'oppression et la torture qui font désormais partie, en Turquie, des scènes de la vie quotidienne ". A l'heure où la Turquie souhaite adhérer plus que jamais à l'UE et vient de se doter d'un nouveau gouvernement, on peut espérer que les choses y aient évolué sur le plan des libertés fondamentales, ce que ce film aura sans doute d'une certaine façon contribué à faire. A méditer.-

 

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Le mur tourné en 1983 en France, c'est donc le dernier film du réalisateur kurde de Turquie Yilmaz Güney, mort en septembre 1984 en exil. Il n'a pas eu le retentissement de "Yol" (la permission), palme d'or à Cannes en 1982, César du meilleur film étranger 1983. -concret décrit les conditions de vie dans un pénitencier turc à Ankara à l'automne 1981, 1 an après le coup d'Etat militaire du 12 septembre 1980 par Kenan concret...celui qu'Alexandre Adler a récemment décrit comme un grand démocrate, ou quelque chose dans ce goût la... Il faut dire que Yilmaz Güney, enfermé 12 ans dans les prisons turques, et toujours en prison à l'époque ou "Yol" était tourné, sait de quoi il parle. "Je n’ai pas voulu construire la copie conforme d’une prison donnée en Turquie. Il s’agissait plutôt d’une synthèse de toutes les prisons que j’ai connues. Il en a été de même de l’histoire. Bien que l’axe central en soit la révolte des enfants du dortoir 4 à la prison ouverte d’Ankara en 1976, les histoires individuelles parallèles proviennent de témoignages ou d’observations accumulées lors de mes séjours dans différents pénitenciers. (…) Cela a parfois été dur, voire douloureux, en tout cas sans complaisance. C’était la seule façon de rendre la réalité la plus sincère possible. (…) A nous de dire les réalités de la Turquie, pour faire en

sorte qu’elles puissent enfin changer ; à eux d’interdire et d’emprisonner pour que rien ne change. Mais pour combien de temps encore ?… » (Yılmaz Güney )

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LE CINEMA REALISTE ANTİ COLONİAL DE YİLMAZ GÜNEY

Le Cinéaste Kurde Yilmaz Guney, est un écrivain humaniste, il était un très grand artiste révolutionnaire de notre époque. Il était très sensible à la cause des peuples opprimés. Lors de son rencontre avec les dirigeants du Parti Communiste Français (PCF) pour une Conférence de Presse commune, le Parti avait exigé ma présence et que représente le PCF lors de la Conférence avec le député Maurice Martin qui s’est rendu visite en Turquie. Yilmaz avait accepté. J’ai reçu un télégramme à minuit à Dijon envoyée par la camarade Renée Pamard, responsable des relations extérieurs du PCF. Elle me demandait en urgence que je sois présent le 18 mai 1984 à 9 heures du matin au Comité Central du Parti. J’étais à l’heure. Les camarades, Maurice Martin et Renée Pamart voulaient que je lise lors de la Conférence la lettre de mon épouse publiée par Dominique Bari, dans l’Humanité Dimanche en date du 27 avril 1984 . Elle avait été arrêtée et torturée par la police politique turque du 23-01-1984 au 16-02-1984 dans le centre de la torture DAL à Ankara. J’ai volontairement accepté et Nous sommes venus dans la salle de Conférence où j’ai vu Yilmaz Guney et mon avocat Serafettin Kaya avec lequel je suis resté dans la prison de Diyarbekir .Yilmaz Guney était tellement fatigué et maigri. Je lui ai embrassé et rappelé notre présence le 18- mai 1971 dans les cellules.

J’ai lu la lettre de Sevgi1

1 Publié par Amnesty İnternational-Turquie. Victimes de la Torture témoignent,EFAİ, Chapitre III,pp.43-47,Paris Janvier 1986

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Sevgi KILIÇ (1951-2000)

«  Il est très rare que les premières informations sur des tortures ‘reçoivent rapidement une confirmation Ce fut pourtant le cas dans de Sevgi Kilic. En février 1984, Amnesty International apprenait que cette dernière avait été torturée en compagnie d’autres enseignants au quartier général de la police à Ankara, un des centres de torture le plus souvent mentionnée par les anciens prisonniers. La Première section de la Direction de la sécurité d’Ankara opère dans ces locaux, et l’on sait qu’elle utilise là, comme centre de détention, un bâtiment connu sous le nom de Degerlendirme ve Arastirma Laboratuvari (DAL) (Laboratoire des évaluations et des recherches)

Dès l’arrivée des informations concernant Sevgi Kilic, Amnesty International lança des appels urgents aux autorités afin qu’elles veillent sa sécurité et à celle des autres enseignants. Par la suite, Amnesty International apprenait que huit enseignants dont Sevgi Kiliç avaient été détenus au secret au DAL et qu’ils y avaient été torturés entre 23 janvier et le 11 février, date à laquelle ils avait été transférés à la prison militaire de Mamak. Le 16 mars, ils comparaissent devant le Tribunal militaire n° 2 à Ankara, sous l’inculpation d’organisation et de participation à des manifestations et d’appartenance à des associations interdites. Ils furent acquittés aux motifs que les seules preuves retenues contre eux consistaient en déclarations obtenues sous la torture.

Dans une lettre à son mari qui vit en exil à l’étranger, Sevgi Kilic racontait qu’elle avait été torturée, ainsi que ses coïnculpés, pendant leur détention au quartier général de la police à Ankara. On l’avait maintenue les yeux bandés, on l’avait battue, frappée à coups de pieds, torturée à l’électricité, on lui avait administré la «falaka». «Je voulais mourir», écrivait-elle.

La section autrichienne d’Amnesty International reçut de l’ambassade de Turquie en Autriche la lettre suivante confirmant sa libération et son acquittement : «A la suite d’une campagne lancée par Amnesty International nous avons reçu des lettres indiquant que Sevgi Kilic avait été arrêtée et maltraitée et que l’on s’inquiétait de l’endroit où elle se trouvait. Sevgi Kilic a été placée en détention préventive le 24 janvier 1984 en raison de son appartenance à une organisation clandestine. Le tribunal militaire 2 d’Ankara a décidé de la remettre en liberté et de poursuivre l’instruction de son procès. Elle a été libérée le 13 février 1984 et acquittée le 16 mars 1984».

La lettre ne fait aucune allusion aux attendus du jugement évoquant la torture. D’autre part Amnesty International n’a pas eu connaissance d’une quelconque enquête sur les allégations de tortures infligées au quartier général de la police à Ankara, qui aurait motivé la décision du tribunal.

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On trouvera dans cet ouvrage des extraits d’une longue lettre qu’après sa libération, en février 1984, Sevgi Kilic a envoyé à son mari en France. Les informations reçues en 1984 et 1985 par Amnesty International démontrent amplement que les méthodes décrites dans les déclarations de Sevgi Kilic et d’autres détenus, déclarations qui constituent la matière de ce rapport, n’ont pas cessé d’être appliquées. 

Sevgi Kilic, mère de deux enfants, faisait partie d’un groupe d’enseignants arrêtés les 23 et 24 janvier 1984 et conduits au quartier général de la police d’Ankara. Elle aurait été torturée. Elle a été acquittée en mars par le tribunal militaire n° 2 d’Ankara qui aurait établi que la seule preuve retenue contre elle était sa propre déposition faite sous la torture et sur laquelle elle serait revenue devant le tribunal. En février, après sa sortie de la prison militaire de Mamak, section des femmes, Sevgi Kilic a décrit dans une lettre adressée à son mari exilé en France, les mauvais traitements qui lui avaient été infligés. Le texte qui suit est extrait de cette lettre.Témoignage«Mon cher AliPendant longtemps je n’ai pas pu t’écrire.., à propos de mon arrestation et des tortures que j’ai subies. J’ai encore des migraines parce que la police m’a beaucoup frappée sur la tête et c’est pourquoi je n’ai pas pu t’écrire.Je veux d’abord t’expliquer comment j’ai été arrêtée par la police et conduite au centre de torture.C’était le 24 janvier 1984 1 h 30, on a sonné à la porte... J’étais dans la chambre, mais je ne dormais pas encore; j’ai entendu du bruit, mais je ne savais pas exactement ce qui se passait. Je me suis levée et je me suis trouvée nez à nez avec les policiers. Ils m’ont demandé mes papiers et comme je les leur montrai, ils dirent «c’est bien elle».(Ils ont passé deux heures à fouiller l’appartement des Kilic, et à enlever les livres qu’ils ont mis dans trois grands sacs).

Nous sommes montés dans la voiture qui a démarré en direction du quartier général de la police ( Emniyet Sarayi).

Nous sommes immédiatement aillés au sixième étage où se trouvait le quartier général politique du centre de torture... Ils m’ont bandé les yeux et... au bout d’une demi-heure, j’ai été conduite à l’interrogatoire.Les policiers s’exprimaient vulgairement et en argot « On va te fourrer le bâton dans le... » et puis Ne crois pas parce que tu es une femme, on va moins te torturer. Et ton mari n’est pas là. Dis- nous tout de suite à quel groupe politique tu appartiens. Ici on a fait parler plusieurs membres du Comité Central». Je leur ai dit que j’appartenais au Parti Républicain du Peuple (CHP). Ils ne m’ont pas crue... Ils n’ont pas cessé de me harceler à coups de poing et à coups de pied, de

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me tirer les cheveux et de me cogner la tète contre le mur. Ils y sont allés par tous les moyens. Cela a duré plus d’une heure. Puis ils m’ont ramenée dans la salle les yeux bandés et m’ont laissée debout face au mur: pendant toute la nuit.Les sévices ont continué et la séance s’est répétée plus de cinq fois, ils m’ont interrogée et contre interrogée à propos d’un groupe appelé «le chemin de la liberté En dépit de toutes les tortures et des coups qui m’étaient infligés .J’ai fini par les convaincre que je ne savais rien... Ils n’ont pas arrêté de me poser des questions à ton sujet «Dis-nous à quel groupe politique appartient ton mari». J’ai répondu que tu n’appartenais à aucun groupe politique et que tu étais simplement un bon philosophe. Ils m’ont pris la photo que j’avais de toi dans mon portefeuille. Après quoi, ils m’ont montré une liste de noms sur laquelle figurer: Ali Kilic : c’était la liste des fondateurs du Parti Socialiste du Kurdistan de Turquie (TKSP). Je ne crois pas qu’il s’agissait de toi parce qu’il travaillait à l’hôpital ou à l’Université de Hacettepe... J’ai répondu que «  Mon mari travaille à l’Université Cumhuriyet à Sivas qui se trouve à 430 km de l’autre Université». Ils ne m’ont pas crue et m’ont alors posé les questions suivantes : «Où as-tu connu ce sale Kurde qui est l’ennemi de 1’Etat et de la Nation ? Pourquoi as-tu épousé un Kurde comme lui ? N’y avait-il pas de jeunes Turcs dans ta ville natale ? » Puis ils m’ont demandé «Dis-nous à quelles manifestations et à quelles réunions tu as participé».Je n’ai pas répondu.Cette fois-ci, ils m’ont torturée à l’électricité... C’était quelque chose d’incroyable, d’horrible et de terriblement douloureux. Alors qu’ils augmentaient l’intensité du courant, ils me demandaient les noms des professeurs qui avaient des idées de gauche, je n’en ai pas donné un seul pour éviter de mettre leur vie en danger...

Mes sept camarades et moi, nous sommes restés au centre de torture, les yeux bandés, debout sur le dallage en pierre, en permanence face au mur, pendant quinze jours. Ils nous traitaient de « traîtres», « d’ennemis de la patrie ».

La première semaine, ils nous ont donné en tout et pour tout, un morceau de pain; la deuxième semaine, nous avons eu droit à un morceau de pain avec un peu de confiture. C’est comme cela qu’ils nous ont maintenus en vie. Nous ne sommes pas morts, mais en ce qui me concerne, j’ai voulu mourir... Cela s’est produit une nuit; j’ai eu une chute de tension. Quand mes camarades ont été soumis à la falaka... je suis tombée. Cela provoqua une grande confusion dans le centre de torture. Le chef de la section politique fit arrêter les sévices. C’était la première fois que cela se produisait. On m’a allongée sur un banc. Mon visage était aussi gris que les murs. Mes camarades m’ont pris le pouls. Il était tombé à 38, alors qu’en général, à 44 c’est la fin.

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A cause de ça, mes tortionnaires ont fait cercle autour de moi et quelqu’un a dit de m’envoyer à lhôpita1. J’ai refusé catégoriquement. J’ai dit : «Non, je ne veux pas y aller». Les tortionnaires sont comme ça, tu sais. Ils vous torturent à mort, mais ils ne veulent pas vous voir mourir. Quoi qu’il en soit après ils ne m’ont plus fait grande chose.Au bout de quinze jours. Nous avons été conduits à la prison de Mamak. Je suis restée deux jours au quartier des femmes de la prison militaire. Ensuite, nous avons été convoqués devant le procureur militaire pour un interrogatoire, puis nous avons été relâchés. Mais ce dernier a demandé pour quatre d’entre nous des peines de cinq à douze ans de prison en application de l’Article 141 (paragraphe 5) du Code pénal.

Sur les 328 livres saisis dans notre appartement, 28 étaient interdits. Parmi ceux-ci figurait le programme du parti communiste turc. J’ignorais que nous l’avions à la maison.

Maintenant, nous attendons le jugement...J’ai vécu des jours atroces. Je ne peux plus dormir la nuit. J’ai peur à cause de tout cela, j’ai tout le temps l’impression qu’ils vont venir m’arrêter et me torturer... je fais tout le temps des cauchemars...

C’est tout ce que je peux t’écrire pour le moment. Ma lettre est bien pauvre, mais je ne peux faire mieux... Lorsque j’ai dit sous la torture : «J’aime mon mari», ils m’ont torturée avec encore plus d’acharnement. Oui, je t’aime vraiment très fort».2

Après la Conférence de Presse du 18 mai 1984 nous avons tenu á Paris au sıege de la Fédérations İnternationale des Droits de l’Homme j’ ai demandé á YILMAZ GÜNEY quel était son souhait qu’est ce qu’il voulait de moi, et de mes camarades du groupe des camarades du PCF qui partaient au Kurdistan Nord, plus particulièrement à Dersim. Il m’a répondu «  un peu de terre rouge de Dersim ».Yilmaz Guney avait terminé son discours « Solidarité, plus de solidarité, La Turquie est une prison à ciel ouvert ». François Germain Robin était seule journaliste qui a donné l’information sur la Conférence de Presse. Du retour de Dersim, mes camarades Jean Louis Bernard et Bernadette Boutet m’ont apporté la terre rouge de Dersim que j’ai confiée à son épouse Fatos Guney lors de notre rencontre à l’Institut Kurde de Paris.

Yilmaz Guney était le révolutionnaire internationaliste. Il avait des points communs avec l’approche de Brecht au niveau du réalisme socialiste. Son cinéma pour moi était un cinéma épique et réaliste « Ce qu'est le réalisme socialiste, il ne faudrait pas le demander simplement aux oeuvres ou aux styles

2 La lettre de Sevgi KILIÇ, l’humanité Dimanche,27 avril 1984.

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qui existent. Ce qui devrait servir de critère, ce n'est pas le fait que telle oeuvre ou tel style ressemblent à d'autres oeuvres ou à d'autres styles classés dans le réalisme socialiste, mais le fait qu'ils sont socialistes et réalistes ». Je pense que, le cinéma de Guney, était une nouvelle école kurde du réalisme socialiste. Car pour Yilmaz Guney l'art réaliste est un art de combat. Il combat les vues fausses de la réalité et les tendances qui sont en conflit avec les intérêts réels de l'humanité. ». Par exemple après son film intitulé "Seyyit Han". Son premier succès international a été "L'Espoir" (Umut), qui a remporté l'Ours d'Or à Berlin en 1970. Ce film autobiographique est fondé sur les observations de Güney adolescent sur sa famille et son milieu social. En 1971, il réalisait "Elégie" (Agit) qui raconte la vie pleine de risques des contrebandiers d'Anatolie du sud-est montrent ces réalités. De plus, les lettres de prison de Güney sont aussi et surtout autant de chants d'amour et de lutte. Elles sont un lien vivant non seulement avec sa femme, à qui il s'adresse, mais avec le monde entier, avec les révolutionnaires et opprimés de tous les pays : "Mes lettres seront, du moins je le crois, une goutte d'eau vive dans la mare des colères silencieuses. Que d'autres lettres répondent aux miennes, comme les miennes répondent à d'autres qui les ont précédées. D'Espagne, d'Argentine, du Chili, du Brésil, d'Asie, d'Adana, de Diyarbakir et de Sinop ... Des prisons d'Istanbul, du Pérou, de Bolivie et de partout ... Par milliers, par millions, lettres de passion, de résistance ..."

A cet esprit internationaliste, à cette conscience aiguë de l'existence d'une opposition planétaire à l'impérialisme, se joint une passion insatiable pour toutes les manifestations de la vie quotidienne au dehors des murs de la prison : "Ma belle enfant, dit-il, je veux te parler de ce qui est beau, de ce qui est espoir, de ce qui est lumière. Je veux te parler des prés, des sources d'été, de la mer, de la beauté des amitiés. Ma belle enfant, nous purifierons tous les humains dans l'océan de mon coeur, nous les rendrons heureux". Ces intérêts de l’humanité étaient la libération du Peuple du Kurdistan en tant que artiste, réalisateur, auteur, Pour lui «  Les artistes réalistes mettent l'accent sur ce qui appartient au monde sensible, sur ce qui est « de ce monde », sur ce qui est typique au sens profond du mot. Autrement dit, les artistes réalistes mettent l'accent sur le facteur du devenir et du dépérissement des choses. ». Dans tous les domaines de vie, Yilmaz menait une lutte efficace et politique, il voulaient que les artistes réalistes représentent les contradictions qui existent chez les hommes et dans leurs rapports réciproques, et montrent les conditions dans lesquelles elles se développent. L’art du ciné avait un grand rôle de refléter ce développement. Puis lui, les artistes réalistes s'intéressent aux changements qui s'opèrent chez les hommes et dans leurs rapports, aux changements continus et aux changements soudains auxquels aboutissent les changements continus. C’est une lutte révolutionnaire imposée à l’artiste Yilmaz Guney par sa vie elle-même.

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Autrement dit les artistes réalistes décrivent le pouvoir des idées et le fondement matériel des idées.

Yilmaz Guney, c’est l’homme le plus humaniste du monde et du Kurdistan.Il a tellement attaché à la réalité de son époque, qu’il voulait jouer éternellement ; C’est pourquoi pour lui les artistes réalistes socialistes sont humains, en d'autres termes amis des hommes, et ils représentent les rapports humains de telle sorte que les tendances socialistes s'en trouvent renforcées. Ce renforcement des tendances étaient la finalité de ses perspectives du système politique qu’il défendait. Elles s'en trouvent renforcées grâce à une façon pratique de scruter la machine sociale et grâce au fait qu'elles deviennent des sources de plaisir. L’art du cinéma et la littérature et la philosophie doivent renforcer les luttes pour les droits fondamentaux de l’homme. Et les artistes réalistes socialistes n'ont pas une attitude réaliste seulement à l'égard de leurs sujets, mais aussi à l'égard de leur public. Les artistes réalistes socialistes tiennent compte du degré de culture de leur public et de son appartenance à telle ou telle classe, comme aussi du point où en est la lutte de classes. Les artistes réalistes socialistes traitent la réalité du point de vue de la population laborieuse et de ses alliés intellectuels qui sont pour le socialisme ; C’est pour la réalisation de l’idéal qu’il a fondé une organisation du combat.de ce point de vue son message à la Présidence du Tribunal Permanent des Peuples a une signification importante pour la réalisation de l’amitié entre les peuples.

LE CINEASTRE KURDE YILMAZ GUNEY ET LE GENOCIDE DES ARMENIENS

 Monsieur le Président,

J'apprends avec intérêt que votre honorable Tribunal va tenir une session sur le génocide des Arméniens.

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Cette question ne saurait laisser indifférents les hommes épris de justice et encore moins ceux, comme moi, originaires de la Turquie. Voilà pourquoi je me permets de soumettre à votre réflexion quelques remarques :

1. La réalité de ce génocide ne fait, à mon avis, aucun doute. Les dirigeants turcs de l'époque, animés par un nationalisme virulent, rêvaient de bâtir un Empire pantouranien allant de la Turquie jusqu'aux steppes de l'Asie centrale.

Or les territoires turcs de Turquie et ceux habités par les turcophones du Caucase et d'Asie centrale étaient séparés par des régions à peuplement kurde et arménien. Pour éliminer cet « obstacle », le gouvernement du comité Union et Progrès avait décidé de liquider physiquement les deux peuples. A partir de 1915 une politique planifiée et systématique, faite de massacres collectifs et de déportation massive, a abouti à la disparition des Arméniens de la Turquie. Au cours de la Première Guerre mondiale, dans le cadre de cette même politique, plus de 700.000 Kurdes ont été déportés en Anatolie centrale ;

2. Si ce génocide avait été reconnu en son temps par la communauté internationale, si dès les années 1920 la Société des Nations avait jugé et sanctionné sévèrement ce crime contre l'humanité, il est probable que les dirigeants kémalistes n'auraient pas tenté de faire subir aux Kurdes le sort des Arméniens, de massacrer et déporter, de 1924 à 1940, plus du tiers de la population kurde placée sous son administration.

3. Un régime démocratique aurait sans doute reconnu la vérité historique, condamné les auteurs de ce crime qui, au demeurant, ont failli, dans leur aventure insensée, conduire le peuple turc lui-même à la catastrophe. Il se serait pour le moins incliné devant la mémoire du peuple arménien martyr. Son souci de justice et d'honneur l'aurait sans doute conduit à réunir à Ankara un tribunal comme le vôtre, pour établir et proclamer toute la vérité

Malheureusement le régime turc qui opprime son propre peuple, qui règne par la terreur, est loin de s'apprêter à adopter une telle attitude honorable. Comment pourrait-il d'ailleurs en être autrement quand on sait que ce régime continue de nier, contre toute évidence, l'existence sur son sol de millions de Kurdes, qui forment pourtant au moins le quart de la population de la Turquie. Et quand les Kurdes revendiquent des droits spécifiques, les autorités d'Ankara les menacent tout simplement du sort des Arméniens. En vérité la dictature fait peu de cas des mensonges distillés par sa propagande destinée à l'étranger, à ses alliés et bailleurs de fonds.

4. Je constate que la dictature militaire turque, loin de craindre les sanctions des grandes puissances, continue d'être aidée par celles-ci, notamment par les Etats-

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Unis et l'Allemagne fédérale qui, par ailleurs, ne tarissent pas de proclamations solennelles sur la liberté et les droits de l'homme.

5. La reconnaissance de la vérité historique ne devrait pas attiser les haines raciales, opposer les uns aux autres les peuples déjà si éprouvés de la région. Les Turcs d'aujourd'hui ne sauraient être tenus pour responsables des crimes perpétrés il y a plus de soixante ans par leurs ancêtres, par le régime despotique, criminel, d'un Empire finissant. Le racisme anti-turc me semble tout aussi condamnable que l'hystérie anti-arménienne et anti-kurde des dirigeants d'Ankara.

Ces observations faites, permettez-moi encore, Monsieur le Président, de formuler le vœu que le verdict de votre Tribunal sera pris en compte par les instances internationales et que ce qui est arrivé dans le silence et l'indifférence au peuple arménien ne puis plus jamais se reproduire. »

Miné par une maladie non soigné en prison, Güney meurt en septembre 1984 à Paris à l’âge de 47 ans à un moment où il était au sommet de son art. J’ai assisté aux funérailles de Guney avec une très grande tristesse.

Il n'est donc pas surprenant que plusieurs milliers de personnes aient assisté aux funérailles de Güney au cimetière du Père Lachaise, le 13 septembre 1984 - des Turcs et des Kurdes de toutes conditions, exilés à Paris comme lui, mais aussi beaucoup d'amis français et étrangers : artistes, hommes et femmes politiques y, ministre de la Culture à l'époque, était présent, ainsi que Madame Danielle Mitterrand.

Dr Ali KILIÇ

Paris le 9 septembre 2012

Filmographie de YILMAZ GÜNEY

comme réalisateur :

1983: Duvar (Le mur)1981: Yol  (la permission ou la route)1978: Sürü  (Le troupeau)1974: Zavallılar  (Les malheureux ou Les misérables)1974: Endişe  (Inquitude)1974: Arkadaş   (Ami)1971: Yarın Son Gündür (Demain c'est le dernier jour)

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1971: Vurguncular (Les brigands)  1971: Baba (Le parain)1971: Acı (Soufrance)1971: Ağıt (Elégie)1971: Umutsuzlar  (Les désespérés)1971: İbret  (La leçon)1971: Kaçaklar  (Les fugitifs)1970: Umut  (Espoir)1970: Piyade Osman (Osman le fantassin)    1970: Yedi Belalılar  (Les sept dangereux)1970: Canlı Hedef  (La cible vivante)1969: Aç Kurtlar  (Les loups affamés)1969: Bir Çirkin Adam (L'homme laid)1968: Pire Nuri  (Nuri la puce)1968: Seyyit Han    1968: Toprağın Gelini (La mariée voué à la terre) 1967: Bana Kurşun İşlemez  (Les bâles ne me pénétre pas)1967: Benim Adım Kerim  (Mon nom est Kerim)1967: At Avrat Silah (Le cheval, La femme, et Le pistolet)

Récompenses et nominations :

1970 :"L'Espoir" (Umut), remporte l'Ours d'Or à Berlin

1982 :Yol (« la permission », mot à mot « la route ») obtient la Palme d'or ex-æquo au festival de Cannes avec le film Missing de Costa Gavras.

1983 :César du meilleur film étranger pour le film Yol "Aux césars académie des arts et techniques du cinéma"

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