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191 Syndrome de l’ulcère solitaire du rectum de la paroi rectale est un élément im- portant du diagnostic positif des ma- nuels de références et des publications traitant ce thème [2, 3]. Elle s’inscrit dans le prolongement des mécanismes ischémiques et traumatiques décrits histologiquement et dans les contextes anatomiques autres pour lesquels l’as- pect lésionnel est de même nature (pro- lapsus stomial). Les lésions histolo- giques évocatrices sont assez banales chez les personnes souffrant d’un pro- lapsus rectal extériorisé mais elles ne sont pas constantes. A l’inverse, les malades ayant des lésions chroniques de la paroi rectale compatibles avec un syndrome de l’ulcère solitaire du rectum ont rarement un prolapsus extériorisé. Une grande confusion de la littérature scientifique actuelle dé- coule de ces ambiguïtés, certains au- teurs considérant l’aspect histologique comme le seul critère de définition, d’autres restreignant leur critères à l’association de critères macrosco- piques et microscopiques, d’autres en- fin, à une entité anatomique évoca- trice sans prolapsus rectal extériorisé. Cette dernière définition, plus restric- tive, conduit à identifier une entité ho- mogène et cohérente qui concerne de rares malades souffrant d’une consti- pation d’évacuation, un syndrome rectal et des lésions chroniques de la paroi rectale sans procidence anale. Un argument important plaide en fa- veur de cette approche : indépendam- ment de l’entité que constitue le syn- drome de l’ulcère solitaire, l’histoire naturelle de la procidence de la paroi rectale invite aujourd’hui à séparer la L. SIPROUDHIS (Rennes) Tirés à part : Laurent Siproudhis - SMAD - CHRU Pontchaillou, rue Henri Le Guillou, 35033 Rennes Cedex. Résumé et points importants Le syndrome de l’ulcère solitaire du rectum (SUSR) est une entité définie principalement par son aspect endo- scopique et histologique. Il survient habituellement chez des sujets souf- frant de troubles de l’évacuation rec- tale. Alors que les symptômes liés à une constipation d’évacuation sont fré- quemment rapportés dans la popula- tion générale, la constatation d’un SUSR est rare en pratique clinique et rarement rapportée dans la littérature scientifique. Le mécanisme pathogé- nique qui préside à la survenue des lésions rectales est imparfaitement dé- terminé mais associe le plus souvent une procidence interne de la paroi rec- tale et un obstacle anal à l’évacuation (dyssynergie anorectale). Les principes thérapeutiques reposent sur la correc- tion de ces deux anomalies : recto- pexie, traitements médicamenteux et comportemental de la constipation d’évacuation. L’efficacité de telles ap- proches est néanmoins très incons- tante pour des personnes qui jugent leur handicap important et chronique. Nosologie et pathogénie On définit l’ulcère solitaire du rectum par la constatation d’une lésion ul- cérée chronique de la paroi du rectum dont l’aspect macroscopique et mi- croscopique évoque un processus chro- nique ischémique et/ou traumatique. En 1969, ce sont Madigan & Morson qui ont eu le mérite d’en faire une des- cription précise mais d’autres auteurs comme Rutter & Riddell ont su en poser plus tardivement les principales hy- pothèses pathogéniques aujourd’hui acceptées en basant principalement leur analyse sur des données anato- miques [1, 2]. Ils ont noté sur les pré- lèvements biopsiques une muqueuse épaissie, irrégulière, d’aspect pseudo- villeux, des glandes déformées, rac- courcies, ramifiées et parfois kystiques, donnant un aspect hyperplasique ou régénératif. Il est noté également l’obli- tération progressive du chorion de la muqueuse par une prolifération de fibroblastes associée à une production plus ou moins marquée de fibres col- lagènes, et par une prolifération de fibres musculaires lisses issues d’une musculaire muqueuse hypertrophiée. Cet aspect a été décrit lors des prélè- vements biopsiques effectués au ni- veau de lésions ulcérées chroniques uniques (ulcère solitaire du rectum) ou multiples mais également au niveau de lésions pseudotumorales polypoïdes (hamartome inversé du rectum, colite kystique profonde localisée, polype cloacogénique inflammatoire) regrou- pant ainsi ces différentes expressions anatomiques sous une même entité (syndrome de l’ulcère solitaire). Une description histologique similaire a pu être rapportée intéressant d’autres sites anatomiques et conférant dès lors une spécificité réduite à cette définition histologique (collerette de colostomie ou d’iléostomie, polypes prolabés, cer- taines gastrites antrales). Il apparaît aujourd’hui nécessaire d’as- socier au contexte anatomique des cri- tères pathogéniques afin de mieux cerner l’entité décrite. La procidence

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Syndrome de l’ulcèresolitaire du rectum

de la paroi rectale est un élément im-portant du diagnostic positif des ma-nuels de références et des publicationstraitant ce thème [2, 3]. Elle s’inscritdans le prolongement des mécanismesischémiques et traumatiques décritshistologiquement et dans les contextesanatomiques autres pour lesquels l’as-pect lésionnel est de même nature (pro-lapsus stomial). Les lésions histolo-giques évocatrices sont assez banaleschez les personnes souffrant d’un pro-lapsus rectal extériorisé mais elles nesont pas constantes. A l’inverse, lesmalades ayant des lésions chroniquesde la paroi rectale compatibles avecun syndrome de l’ulcère solitaire durectum ont rarement un prolapsusextériorisé. Une grande confusion dela littérature scientifique actuelle dé-coule de ces ambiguïtés, certains au-teurs considérant l’aspect histologiquecomme le seul critère de définition,d’autres restreignant leur critères àl’association de critères macrosco-piques et microscopiques, d’autres en-fin, à une entité anatomique évoca-trice sans prolapsus rectal extériorisé.Cette dernière définition, plus restric-tive, conduit à identifier une entité ho-mogène et cohérente qui concerne derares malades souffrant d’une consti-pation d’évacuation, un syndromerectal et des lésions chroniques de laparoi rectale sans procidence anale.Un argument important plaide en fa-veur de cette approche : indépendam-ment de l’entité que constitue le syn-drome de l’ulcère solitaire, l’histoirenaturelle de la procidence de la paroirectale invite aujourd’hui à séparer la

L. SIPROUDHIS (Rennes)

Tirés à part : Laurent Siproudhis - SMAD - CHRU Pontchaillou, rue Henri Le Guillou,35033 Rennes Cedex.

Résumé et pointsimportants

Le syndrome de l’ulcère solitaire durectum (SUSR) est une entité définieprincipalement par son aspect endo-scopique et histologique. Il survienthabituellement chez des sujets souf-frant de troubles de l’évacuation rec-tale. Alors que les symptômes liés àune constipation d’évacuation sont fré-quemment rapportés dans la popula-tion générale, la constatation d’unSUSR est rare en pratique clinique etrarement rapportée dans la littératurescientifique. Le mécanisme pathogé-nique qui préside à la survenue deslésions rectales est imparfaitement dé-terminé mais associe le plus souventune procidence interne de la paroi rec-tale et un obstacle anal à l’évacuation(dyssynergie anorectale). Les principesthérapeutiques reposent sur la correc-tion de ces deux anomalies : recto-pexie, traitements médicamenteux etcomportemental de la constipationd’évacuation. L’efficacité de telles ap-proches est néanmoins très incons-tante pour des personnes qui jugentleur handicap important et chronique.

Nosologie et pathogénie

On définit l’ulcère solitaire du rectumpar la constatation d’une lésion ul-cérée chronique de la paroi du rectumdont l’aspect macroscopique et mi-croscopique évoque un processus chro-nique ischémique et/ou traumatique.En 1969, ce sont Madigan & Morsonqui ont eu le mérite d’en faire une des-

cription précise mais d’autres auteurscomme Rutter & Riddell ont su en poserplus tardivement les principales hy-pothèses pathogéniques aujourd’huiacceptées en basant principalementleur analyse sur des données anato-miques [1, 2]. Ils ont noté sur les pré-lèvements biopsiques une muqueuseépaissie, irrégulière, d’aspect pseudo-villeux, des glandes déformées, rac-courcies, ramifiées et parfois kystiques,donnant un aspect hyperplasique ourégénératif. Il est noté également l’obli-tération progressive du chorion de lamuqueuse par une prolifération defibroblastes associée à une productionplus ou moins marquée de fibres col-lagènes, et par une prolifération defibres musculaires lisses issues d’unemusculaire muqueuse hypertrophiée.Cet aspect a été décrit lors des prélè-vements biopsiques effectués au ni-veau de lésions ulcérées chroniquesuniques (ulcère solitaire du rectum) oumultiples mais également au niveaude lésions pseudotumorales polypoïdes(hamartome inversé du rectum, colitekystique profonde localisée, polypecloacogénique inflammatoire) regrou-pant ainsi ces différentes expressionsanatomiques sous une même entité(syndrome de l’ulcère solitaire). Unedescription histologique similaire a puêtre rapportée intéressant d’autres sitesanatomiques et conférant dès lors unespécificité réduite à cette définitionhistologique (collerette de colostomieou d’iléostomie, polypes prolabés, cer-taines gastrites antrales).

Il apparaît aujourd’hui nécessaire d’as-socier au contexte anatomique des cri-tères pathogéniques afin de mieuxcerner l’entité décrite. La procidence

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qu’il existe des formes non sympto-matiques et parce que le diagnosticpeut n’être pas reconnu par le clini-cien consulté. L’intervalle entre le débutdes troubles et le diagnostic est de 3 à8 ans. Dans plusieurs travaux, le dia-gnostic initial était erroné dans unquart à deux tiers des cas [3, 7].

L’affection touche typiquement l’adultejeune mais peut s’observer à toutes lespériodes de la vie, un peu plus sou-vent les femmes que les hommes danscertaines études mais non toutes.

Les malades ayant un SUSR souffrenttrès fréquemment de difficultés d’éva-cuation. Ce cadre symptomatique cons-titue un élément très important dudiagnostic au point que l’absence dedyschésie doit faire envisager le dia-gnostic de SUSR avec beaucoup deprudence. Les malades décrivent sou-vent un long temps passé au toilettes,des efforts de poussée importants etinfructueux, des fausses envies, des té-nesmes, des douleurs hypogastriquesou pelviennes postérieures à irradia-tion crurale souvent accentuées par lesefforts de défécation. Les manœuvresendo-anales défécatoires sont fré-quentes sinon quasi constantes aupoint que certains auteurs en ont conçul’idée qu’il pouvait s’agir de la causedes lésions rectales observées : les ma-lades expliquent cette stratégie par leurvolonté d’en extraire des matières oud’élargir le diamètre du canal anal. Lessaignements constituent un signe fré-quent (56 à 100 % des séries) : ils peu-vent révéler le SUSR chez les sujetsn’ayant aucun autre symptôme maisils sont également l’une des principalecomplication de la maladie lorsqu’ilsinduisent une anémie par carence mar-tiale ou une hémorragie massive. Lesfaux besoins sont également très fré-quents et les émissions de glaires peu-vent survenir à l’occasion d’une envieimpérieuse, d’un ténesme. Des suinte-ments muco-glaireux sont parfois rap-portés : ils sont beaucoup plus raresque chez les malades ayant un pro-lapsus rectal extériorisé.

L’aspect endoscopique classique estcelui d’un ulcère plan ou superficiel, lazone n’étant que légèrement dépriméepar rapport à la muqueuse environ-nante. La muqueuse péri-ulcéreusedessine un halo rouge congestif bien

limité en bordure de l’ulcère. La basede l’ulcère repose sur un socle d’allurescléreuse mobilisant en monobloc l’ul-cère sous la pince. La lésion est la plussouvent « suspendue » c’est-à-direqu’elle siège au-dessus d’un territoirepariétal macroscopiquement sans par-ticularité. Chacun des éléments endo-scopiques décrits est un élément im-portant du diagnostic positif, leurassociation permet de poser sansgrande ambiguïté un diagnostic de cer-titude. Les formes ulcéreuses pures re-présentent globalement les deux tiersdes présentations endoscopiques. Lesautres lésions possibles sont une rec-tite érythémateuse ou nodulaire, unpseudo polype, une plage villeuse,voire une forme pseudo tumoralevégétante exulcérée.

Le siège des lésions est typiquementantérieur ou antérolatéral (trois quartsdes présentations endoscopiques), fré-quemment à cheval sur la premièrevalvule de Houston, plus rarement pos-térieur ou circulaire. La distance parrapport à la marge anale est généra-lement comprise entre 4 et 10 cm. Leslésions sont habituellement situées surla portion de la muqueuse rectale oùsiège du prolapsus. L’étendue des lé-sions est variable, de quelques milli-mètres à 6 cm ou plus. La lésion est leplus souvent un ulcère mais il peuts’agir également de lésions nodulaires,l’association de nodules et d’ulcères,la présence d’ulcères multiples. Il estparfois observé une sténose rectale leplus souvent en regard de l’ulcère dontelle représente la deuxième complica-tion classique (après l’hémorragie). Ilest parfois constaté un aspect blan-châtre et épaissi du revêtement mu-queux au sommet du canal anal par-fois en muqueuse hémorroïdaire. Cetaspect pseudo papillaire est assez évo-cateur : il est la traduction macrosco-pique d’une métaplasie épithéliale sus-pectinéale.

Explorationsfonctionnelles

Les grands principes qui sous tendentla pathogénie du syndrome de l’ulcèresolitaire justifie la stratégie des ex-plorations fonctionnelles. Il n’est néan-

procidence interne du rectum et le pro-lapsus extériorisé du rectum parce queles formes de passage de l’une à l’autresont rares et parce que leur prise encharge thérapeutique en sont diffé-rentes [4, 5].

Les théories ont été nombreuses pourexpliquer comment des lésions chro-niques rares de la paroi rectale pou-vaient se constituer chez des maladesayant le plus souvent une constipa-tion d’évacuation, somme toute ba-nale. Les théories basées sur le trau-matisme direct, des anomalies kys-tiques congénitales, une pathologie in-fectieuse ou une vascularite sont dé-suètes ou mal documentées. La défé-cation traumatique (et ischémique) parlésion directe de la paroi rectale pro-cidente sur un obstacle anal peut ap-paraître un peu simpliste mais elle estétayée par plusieurs arguments scien-tifiques : la procidence interne (cir-culaire) du rectum [6, 7], la dyssynergieanorectale (anisme et/ou contractioninappropriée du muscle puborectal lorsde la défécation) et les troubles objec-tifs de l’évacuation rectale ont une pré-valence élevée chez ces malades [7-9].Aucune des anomalies fonctionnelledécrite n’est néanmoins constante nispécifique. Il ne s’agit enfin pas d’unmécanisme suffisant puisque des as-sociations de cette nature sont fré-quentes chez les malades souffrantd’une constipation d’évacuation sansSUSR. Il est vraisemblable que le mé-canisme pathogénique qui préside à lasurvenue de l’entité rare qui constituele SUSR est multifactoriel et que nousn’en cernons que des dimensions ac-tuellement limitées.

Présentationssymptomatiqueset endoscopiques

Une seule étude aujourd’hui anciennea permis de préciser l’incidence de l’ul-cère solitaire du rectum : 10 maladespar an et par million d’Irlandais [10].Cette incidence est vraisemblablementsous estimée parce que l’intervalle libreentre le début des symptômes et le dia-gnostic est long, parce que les signessont souvent non spécifiques, parce

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ballonnet de distension rectale (dis-tensions isovolumiques, recueil despressions et des volumes lors de dis-tensions progressives), les mesureseffectuées chez les malades souffrantd’un SUSR soulignent des pressions derepos habituellement normales ou éle-vées (hypertonie anale de repos) etassez fréquemment une augmentationparadoxale des pressions enregistréesdans l’anus lors d’une défécation si-mulée (dyssynergie anorectale ouanisme) [3, 7-9, 11]. Il existe parfoisdes troubles de la sensibilité (hyper-sensibilité) ou de l’adaptation rectale(compliance diminuée), qui sont in-terprétés plutôt comme la conséquencedes lésions ulcérées que comme un mé-canisme pathogénique de leur sur-venue. Le manque de spécificité desinformations apportées par la mano-métrie sur la mise en évidence d’unobstacle anal à l’évacuation a conduitde nombreux auteurs à se tourner soitvers d’autres techniques d’évaluationsoit sur des critères de diagnostic baséssur des associations d’anomalies phy-siologiques. Ainsi, l’électromyographieà l’aiguille ou de contact du sphincterexterne permet elle, d’analyser de façondirecte l’activité électrique paradoxaledu sphincter anal externe lors d’unedéfécation et de s’affranchir des autresmécanismes rendus responsables del’augmentation de pression enregistréedans l’anus (procidence rectale intraanale, transmission anale de la pres-sion abdominale ou pelvienne, posi-tion de la sonde en poussée, périnéedescendant) [12]. Les moyens radio-logiques permettent d’analyser lacontraction inadaptée des muscles re-leveurs lors de la défécation pendantune défécographie (empreinte rectalepostérieure du muscle puborectal).L’association d’enregistrement de la ci-nétique d’évacuation (durée de l’éva-cuation radiologique, test d’expulsiond’un ballonnet) de l’activité musculaire(EMG ou manométrie) et du gradientde pression anorectale permet d’ap-porter une fiabilité plus grande à l’obs-tacle anal à l’évacuation [7, 12]. Onestime qu’il faut que l’anisme ou ladyssynergie anorectale soit identifiéepar au moins deux explorations indé-pendantes pour que le diagnostic soitretenu avec une plus grande fiabilité.Dans un travail récent comparant les

moins pas certain que ces explorationssoient d’une quelconque utilité à laprise en charge thérapeutique des ma-lades souffrant d’un SUSR.

Certaines explorations visent à pré-ciser et quantifier la procidence in-terne du rectum. La défécographie, larectographie dynamique ou autre col-pocysto-défécographie dynamique ten-tent de visualiser radiologiquementl’invagination intrarectale ou intraanale de la paroi rectale lors d’unepseudo défécation barytée [3, 6, 7]. Lestechniques consistent à opacifier toutesles filières pelviennes par un produitde contraste radiologique (consistancemolle ou semi liquide pour le rectum).Mis en position de défécation, le ma-lade est invité à évacuer le plus natu-rellement possible le produit decontraste pendant que des clichés etun enregistrement continu sont effec-tués. L’aspect observé chez les maladessouffrant d’un SUSR montre le plussouvent une invagination circonfé-rentielle de la paroi rectale (là où laprocidence localisée antérieure est ba-nale chez le volontaire sain) dont lefront d’invagination reste intra-rectalbas ou intra anal. C’est souvent au ni-veau du front d’invagination que sesitue la lésion macroscopique [3, 6, 7].Cette approche du diagnostic radiolo-gique a parfois des limites lorsque leslésions sont anciennes et très fibreusesou lorsque l’évacuation rectale n’estpas obtenue pendant l’examen (obs-tacle anal à l’évacuation). Dans cesdeux situations, aucune procidence in-terne n’est correctement visualisée.D’autres anomalies sont parfois misesen évidence et quantifiées : rectocèlede taille moyenne, périnée descendant,entérocèle [3, 6, 7]. Ces dernières sontnon spécifiques et leurs responsabi-lités dans la pathogénie du SUSR nesont pas documentées. On ne disposepas de données suffisantes concernantl’évaluation de la cinétique de déféca-tion par méthode d’IRM chez les ma-lades souffrant d’un SUSR.

D’autres explorations visent à évalueret quantifier l’obstacle anal à l’éva-cuation. La manométrie reste, danscette indication, la technique la pluscouramment réalisée. Après mise enplace d’une sonde anale (recueillantles pressions en différents sites) et d’un

données physiologiques chez les ma-lades ayant soit un SUSR soit un pro-lapsus rectal extériorisé, les troublesobjectifs de l’évacuation étaient pré-sents chez respectivement 80 % versus8 %, la contraction paradoxale dumuscle puborectal chez 60 % versus4 %, et l’anisme manométrique chez60 % versus 12 % des malades [7].

Principes thérapeutiques

La prise en charge thérapeutique re-pose le plus classiquement sur une ap-proche chirurgicale de première in-tention pour de nombreux auteurs.Cette attitude est supportée par lecontexte pathogénique qui valorise laprocidence interne comme mécanismecausal et par le fait que la stratégie àproposer à une procidence interne estanalogue à celle d’un prolapsus rectalextériorisé. L’analyse des données dela littérature sont rendues difficiles parl’amalgame fait entre les malades quisouffrent de l’une ou l’autre patho-logie et parce qu’il n’existe actuelle-ment pas de consensus sur le type degeste chirurgical à proposer y comprisen cas de prolapsus rectal extériorisé.Par ailleurs, les techniques chirurgi-cales qui traitent la procidence internedu rectum par techniques de recto-plastie ou de rectopexie chez les ma-lades ayant un SUSR n’offrent pasd’excellents résultats, quelle que soit latechnique utilisée [13, 14]. Le travaille plus large émane d’une analyse ré-trospective s’attachant au devenir àlong terme (au moins un an) de 66 ma-lades traités chirurgicalement au SaintMark’s Hospital : la majorité d’entreeux avaient été traités par techniquede rectopexie (N = 49) et dans ce sousgroupe, le suivi moyen était long(90 mois) [13]. Une ré- interventionétait nécessaire au cours du suivi aprèsle geste chirurgical princeps dans prèsde la moitié des cas et au terme dusuivi, plus d’un quart des personnesinterrogées avait une colostomie dé-finitive. La proportion des maladesayant tiré un bénéfice thérapeutiquede la chirurgie concernait 55 % (rec-toplastie) à 59 % (rectopexie) des per-sonnes interrogées. De ces faits, denombreux praticiens orientent plutôt

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forcement, plus généralement à la qua-lité de la prise en charge thérapeutiqueau cours du suivi ou encore au poidstoujours très difficile à évaluer desautres variables du traitement (fibres,mucilages, conseil d’hygiène déféca-toire, qualité et engagement du théra-peute).

Perspectives

La réalisation d’études physiologiquescas-témoins doit permettre de mieuxrépondre aux questions des dimen-sions pathogéniques du SUSR. L’obs-tacle anal à l’évacuation doit fairel’objet d’études manométriques et élec-tromyographiques portant uniquementsur des malades ayant un SUSR sansprolapsus rectal extériorisé (prévalenceélevée de l’anisme) mais égalementd’études anatomiques parce qu’il a étérapporté un épaississement du sphinc-ter anal interne chez ces malades [21,22]. Les analyses en IRM dynamiquepourraient s’attacher à préciser lasynergie abdomino-pelvienne ainsi quele comportement des structures mus-culaires et aponévrotiques périrectaleschez ces malades. L’analyse de la trans-mission de l’effort de poussée et dugradient anorectal mériteraient peutêtre une attention très particulière chezces malades qui rapportent souventdes efforts de poussée considérablespendant la défécation. Le profil psy-chologique ou psychiatrique est sou-vent frappant chez les malades ayantun SUSR alors qu’aucune étude n’en aévalué la dimension psychométrique.La présentation clinique est souventévocatrice mais la pertinence dia-gnostique d’associations symptoma-tiques (exemple : dyschésie + ma-nœuvres endo-anales + émissionsglairo-sanglantes) mériterait d’êtretestée (vraisemblablement assez bonnespécificité) au sein de cohortes de ma-lades consultant pour constipation.

La description précise des lésions etl’analyse de la mobilité des zones lé-sionnelles constatées endoscopique-ment pendant un effort de pousséepourrait aider à comprendre la patho-génie et expliquer pourquoi certainsmalades ayant une procidence mu-queuse ont de telles lésions (niveau demobilité, aspect pariétal environnant).

Compte tenu du fait que l’ulcère soli-taire est une entité rare (pas d’étudecontrôlée, pas d’analyse prospectivepossible), sa pathogénie ne pourra bienprofiter des explorations fonctionnellesanorectales que si celles-ci sont envi-sagées de façon aussi complète et aussisystématique que possible. La prise encharge chirurgicale ou rééducative nesemble profiter pleinement qu’à lamoitié des malades traités : il persistedes symptômes chroniques chez lesmalades en échec thérapeutique quialtèrent considérablement leur qualitéde vie. La réalisation d’une étudecontrôlée multicentrique comparantles résultats de la technique rééduca-tive par rapport à la chirurgie seraitvraiment souhaitable afin de mieuxdéfinir la hiérarchie des options thé-rapeutiques à proposer aux maladessouffrant d’un SUSR. D’autres straté-gies de traitement doivent être pen-sées (obstacle anal à l’évacuation ettoxine botulique) ou validées (collebiologique hétérologue, biofeedback,rectopexie per coelioscopique et ré-section colique) par des études où lesmalades feront l’objet d’évaluationsplus rigoureuses. Le mécanisme d’ac-tion qui préside à leur efficacité ou àleur échec doit être élucidé (effetspropres du biofeedback sur le contrôleneurologique viscéral autonome) [23].

Conclusions

La pathogénie de l’USR reste incom-plètement identifiée mais l’associationd’une procidence rectale interne, d’unobstacle anal mécanique à l’évacua-tion et peut être d’autre chose (effortde poussée ?) participe à la genèse deslésions muqueuses.

La prise en charge thérapeutique re-pose aujourd’hui sur une approche chi-rurgicale très imparfaite dans ses ré-sultats et probablement non exclusive(traitement des troubles fonctionnelsliés à l’obstacle sphinctérien). Lessymptômes chroniques qu’engendrecette pathologie ont un retentissementimportant sur la qualité de vie y com-pris après prise en charge thérapeu-tique et ce, indépendamment de la na-ture du traitement proposé (chirurgieet/ou rééducation).

les malades vers une prise en chargenon chirurgicale première de leurssymptômes par des traitements médi-camenteux ou rééducatifs de la consti-pation [15]. On ne dispose pas de don-nées ayant dans ce domaine, unerigueur méthodologique suffisante(études de cas, effectifs réduits, pasd’études contrôlées). Les mucilages etles fibres alimentaires pourraient avoirune efficacité par la réduction dessymptômes de constipation d’évacua-tion et des efforts de poussée. Danscertains travaux aujourd’hui très an-ciens, le bénéfice thérapeutique a puconcerner plus de la moitié des ma-lades traités avec pour certains d’entreeux, une cicatrisation de l’ulcère soli-taire après un suivi moyen de plus de10 mois [15]. Une approche thérapeu-tique locale de la lésion elle-même apu faire l’objet d’évaluations dans decourtes séries isolées de malades : la-vements locaux de sucralfate (2 gr× 2/j/ 6-8 semaines) [16], l’applicationin situ de colle hétérologue [17] ou en-core électrocoagulation par méthodede plasma d’argon [18] sur les lésionsles plus hémorragiques… Le traitementle plus rationnel (parce que basé surles concepts pathogéniques) peut êtrela recherche d’un meilleur contrôle del’obstacle anal à l’évacuation. Les tech-niques de rééducation ont ainsi pu êtreproposées chez les malades souffrantd’un SUSR qu’il y ait ou non une dys-synergie associée [19, 20]. Les étudesouvertes sont assez encourageantesparce que les résultats à court terme,montrent un bénéfice symptomatiquepar la réduction de la dyschésie et desmanœuvres digitales défécatoires dansla moitié des cas environ. Il a même étéobservé une régression (incomplète)des lésions muqueuses dans certainesobservations [19]. Néanmoins, après3 ans de recul moyen, les résultats desméthodes rééducatives se dégradent etune très faible proportion de maladestirent un bénéfice symptomatique suf-fisant et suffisamment durable : lestrois quarts des malades asymptoma-tiques 9 mois après la rééducation ontrechuté, les deux tiers se considèrenten échec thérapeutique et seulement8 % sont asymptomatiques [20]. Il estpossible que cette importante dégra-dation des résultats soient liés à l’ab-sence de séances rééducatives de ren-

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