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Journal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle (2013) 94, 490—494 E-QUID : RÉPONSE / Pédiatrie Syndrome de Mac Cune-Albright. Réponse au e-quid « Boiterie douloureuse chez une enfant » , M. Kollen a,, L. Mainard-Simard a , P. Journeau b , B. Leheup c , R. El-Rifaï d , M. Claudon a a Service d’imagerie pédiatrique, CHU, 5, allée du Morvan, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy, France b Service de chirurgie infantile A, CHU, 5, allée du Morvan, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy, France c Service de médecine infantile III, CHU, 5, allée du Morvan, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy, France d Laboratoire d’anatomo-pathologie, CHU, 5, allée du Morvan, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy, France Rec ¸u le 22 ecembre 2011 ; accepté le 9 janvier 2012 Observation Une fillette de cinq ans consulte pour boiterie douloureuse intermittente du membre infé- rieur droit évoluant depuis 15 jours. L’examen clinique révèle une tuméfaction de la racine de la cuisse et la présence de trois taches cutanées pigmentaires (Fig. 1). À l’interrogatoire, on découvre la survenue récente d’un saignement vulvaire. Une radiographie de la hanche droite (Fig. 2) et une IRM du bassin (Fig. 3) sont réalisées. DOIs des articles originaux : http://dx.doi.org/10.1016/j.jradio.2012.02.016, http://dx.doi.org/10.1016/j.diii.2012.04.008. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸aise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Diagnostic and Interventional Imaging, en utilisant le DOI ci-dessus. Nous vous proposons ici la réponse au cas « Boiterie douloureuse chez une enfant » présenté dans le n o 3/2013. Pour rappel, nous publions à nouveau l’intégralité du cas avec à la suite la réponse. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Kollen). 2211-5706/$ see front matter © 2012 Éditions françaises de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jradio.2012.01.027

Syndrome de Mac Cune-Albright. Réponse au e-quid « Boiterie douloureuse chez une enfant »

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ournal de Radiologie Diagnostique et Interventionnelle (2013) 94, 490—494

-QUID : RÉPONSE / Pédiatrie

yndrome de Mac Cune-Albright. Réponse au e-quid Boiterie douloureuse chez une enfant »�,��

M. Kollena,∗, L. Mainard-Simarda, P. Journeaub,B. Leheupc, R. El-Rifaïd, M. Claudona

a Service d’imagerie pédiatrique, CHU, 5, allée du Morvan, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy,Franceb Service de chirurgie infantile A, CHU, 5, allée du Morvan, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy,Francec Service de médecine infantile III, CHU, 5, allée du Morvan, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy,Franced Laboratoire d’anatomo-pathologie, CHU, 5, allée du Morvan, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy,France

Recu le 22 decembre 2011 ; accepté le 9 janvier 2012

Observation

Une fillette de cinq ans consulte pour boiterie douloureuse intermittente du membre infé-

rieur droit évoluant depuis 15 jours. L’examen clinique révèle une tuméfaction de la racinede la cuisse et la présence de trois taches cutanées pigmentaires (Fig. 1). À l’interrogatoire,on découvre la survenue récente d’un saignement vulvaire. Une radiographie de la hanchedroite (Fig. 2) et une IRM du bassin (Fig. 3) sont réalisées.

DOIs des articles originaux :ttp://dx.doi.org/10.1016/j.jradio.2012.02.016,ttp://dx.doi.org/10.1016/j.diii.2012.04.008.� Ne pas utiliser, pour citation, la référence francaise de cet article, mais celle de l’article original paru dans Diagnostic and Interventionalmaging, en utilisant le DOI ci-dessus.�� Nous vous proposons ici la réponse au cas « Boiterie douloureuse chez une enfant » présenté dans le no 3/2013. Pour rappel, nousublions à nouveau l’intégralité du cas avec à la suite la réponse.∗ Auteur correspondant.

Adresse e-mail : [email protected] (M. Kollen).

211-5706/$ — see front matter © 2012 Éditions françaises de radiologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.oi:10.1016/j.jradio.2012.01.027

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Syndrome de Mac Cune-Albright 491

Figure 1. Photographie du cou.

Figure 3. IRM du bassin. a : coupe coronale en pondération T2 avec saturation du signal de la graisse ; b : coupe axiale en pondérationT2 avec saturation du signal de la graisse ; c : coupe coronale en pondération T1 après injection de Gadolinium et avec saturation du signalde la graisse.

Figure 2. Radiographie de hanche droite de face.

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4 M. Kollen et al.

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Figure 5. Radiographie de hanche droite de face. Aspect en verredépoli associé à un amincissement de la corticale (flèche).

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uel est votre diagnostic ?

la lecture de l’observation, quel serait votre diagnosticarmi les propositions suivantes :métastase de neuroblastome ;dysplasie fibreuse ;kyste anévrismal ;chondrome ;syndrome de Mac Cune-Albright.

iagnostic

ysplasie fibreuse polyostotique associée à une puberté pré-oce et à la présence de taches café au lait en feuille deougère s’intégrant dans le cadre d’un syndrome de Macune-Albright.

xamen complémentaire

chographie pelvienne (Fig. 4).

ommentaires

a radiographie de la hanche droite (Fig. 5) montre uneésion ostéolytique de l’extrémité supérieure du fémur aveces zones de condensation en verre dépoli et un élargisse-ent du massif trochantérien. Un amincissement cortical

st associé, étendu jusqu’à la diaphyse. Sur l’IRM du bassinFig. 6), la lésion métaphyso-diaphysaire fémorale présenteeux contingents distincts : une partie proximale, à contourserpigineux, en hyposignal T1, hypersignal T2 franc nonehaussée par le Gadolinium et une plage ostéoïde distale deignal intermédiaire en T2 et prenant le contraste de facon

omogène après injection de Gadolinium. Il existe d’autresocalisations sur le cotyle droit de part et d’autre du carti-age en Y (Fig. 6b).

igure 4. Échographie pelvienne. Coupe sagittale. Utérusubère, volumineux pour l’âge.

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iscussion

a dysplasie fibreuse est une maladie osseuse congénitaleon héréditaire. Sa prévalence est difficile à estimer enaison des formes asymptomatiques nombreuses. Elle eststimée à moins de 1/5000. L’anomalie génétique respon-able est une mutation du gêne codant pour la sous-unité �e la protéine stimulatrice G (Gs) située sur le chromosome0q13 [1]. Tous les os peuvent être touchés. L’atteinte iso-ée, dite monostotique, est la plus courante. Elle affecte lesôtes (45 %), le fémur (15 %), le tibia (12 %), l’os maxillaire10 %), la voûte du crâne, la mandibule, l’humérus et l’ulna2]. Dans la forme polyostotique, on observe classiquementne disposition unilatérale des lésions. Les premiers symp-ômes surviennent dans l’enfance. L’âge de découverte varientre cinq et 30 ans.

Les lésions sont souvent asymptomatiques et de décou-erte fortuite. Les symptômes, aspécifiques, sont dominésar les douleurs osseuses chroniques [3]. Les céphalées sontlassiques dans les formes crânio-faciales. Toute douleuriguë doit faire craindre une complication fracturaire. Enaison de son caractère expansif, la dysplasie fibreuse pro-oque parfois des déformations osseuses. Par exemple, laéformation en crosse de bâton de berger de la localisationémorale proximale est classique. L’atteinte crânio-facialeeut expliquer des complications neurosensorielles, la diplo-ie par compression oculomotrice étant la plus fréquente.

Le diagnostic peut être fait par l’imagerie. Trois aspectsadiographiques sont décrits : clarté homogène, aspect en

olute de fumée ou aspect condensé en verre dépoli. Laescription habituelle est celle d’une lésion lytique bienirconscrite, soufflante, radiotransparente, développée auxépens de la médullaire osseuse. Il s’agit d’une lésion expan-ive à l’origine d’un remodelage voire d’un amincissementortical dans les formes étendues. Le caractère bénin est
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Figure 6. IRM du bassin. Il s’agit d’une forme mixte de dysplasie fibreuse avec un contingent proximal kystique et une matrice ostéoïdedistale. a : coupe coronale en pondération T2 avec saturation du signal de la graisse. La composante kystique est en hypersignal T2 franc(flèche pleine). La composante ostéoïde est de signal plus intermédiaire (flèche fine) ; b : coupe axiale en pondération T2 avec saturationdu signal de la graisse. Notez le caractère polyostotique de la dysplasie fibreuse avec d’autres localisations sur le cotyle droit (flèchesblanches) ; c : coupe coronale en pondération T1 après injection de Gadolinium et avec saturation du signal de la graisse. On distingue lecontingent kystique non rehaussé (flèche pleine) du contingent ostéoïde qui prend le contraste (flèche fine).

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évoqué par la présence d’un liseré périphérique dense,typiquement épais. L’infiltration des os longs est diaphyso-métaphysaire.

Les localisations asymptomatiques peuvent être recher-chées en scintigraphie osseuse (car les lésions encore activesfixent) ou mieux, en IRM corps entier, afin de limiterl’irradiation chez l’enfant. Au scanner, la condensationosseuse en verre dépoli est classique [4]. Des calcifica-tions lésionnelles peuvent être présentes. Le scanner estpar ailleurs plus sensible pour détecter les érosions corti-cales, les fissures osseuses et les complications fracturaires.L’absence d’appositions périostées et d’infiltration des par-ties molles est un argument pour la nature bénigne deslésions. Dans les formes crânio-faciales, le scanner met enévidence des remaniements pseudo-kystiques et des lésions

condensantes de la base du crâne.

Le signal IRM varie selon la nature histologique, ledegré de minéralisation, la présence de travées osseusesou de remaniements hémorragiques [5]. Aucun aspect n’est

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athognomonique. Les foyers les plus minéralisés appa-aissent hyperintenses en T1 et de signal intermédiaire en2. Le rehaussement est souvent central mais aussi péri-hérique dans un tiers des cas. Dans la dysplasie fibreuseolyostotique, les éléments radiologiques suffisent pouroser le diagnostic. La biopsie n’est indiquée que danses cas douteux, pour assurer la bénignité d’une lésionnique d’allure tumorale. La dysplasie fibreuse est unealadie des cellules souches ostéoblastiques avec ano-alies de la prolifération et de la différenciation des

ellules ostéogéniques. L’os normal est remplacé par uneatrice conjonctive pathologique comblant la médullaire

sseuse et prenant un aspect en calligraphie chinoise.’os spongieux est résorbé, d’où un amincissement corticalrogressif. Cette résorption osseuse explique le potentiel

e croissance des lésions. Il existe également un excès’ostéoclastes.

La mutation affecte les précurseurs ostéoblastiquesais aussi de nombreuses cellules glandulaires endocrines

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6]. Des récepteurs hormonaux couplés aux protéines GsLHr, FSHr, TSHr, GHRHr, ACTHr) sont à l’origine d’unetimulation et d’une production hormonales gonadique,hyroïdienne ou hypophysaire autonome. Les troubles endo-riniens, associées à une dysplasie fibreuse polyostotiquet des taches cutanées « café au lait » réalise le syn-rome de Mac Cune-Albright [1]. Les taches pigmentairesont à contours irréguliers, finement découpées, classi-uement décrites en feuille de fougère, plus foncéest moins nombreuses que les taches « café au lait » dea neurofibromatose. Les atteintes endocriniennes sontiées aux activations endocrines autonomes. La pseudo-uberté précoce a été la première endocrinopathie décriteans le syndrome de Mac Cune-Albright mais d’autresroubles endocriniens sont possibles (hyperthyroïdie, acro-égalie, hyperparathyroïdie, hypercorticisme). Les lésionseviennent quiescentes à la puberté. Le pronostic est fonc-ionnel, lié à la douleur et aux déformations osseuses. Unuivi clinique régulier suffit dans les atteintes asympto-atiques. Les bisphophonates ont prouvé leur efficacité

ur les douleurs et la réduction du nombre de locali-ations. La chirurgie n’a qu’une place restreinte dans

es formes compliquées (fractures, compression neurolo-ique) [7]. Enfin, la prise en charge du syndrome deac Cune-Albright intègre un traitement spécifique de

’endocrinopathie.

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M. Kollen et al.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

éférences

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5] Chapurlat RD, Orcel P. Fibrous dysplasia of bone andMcCune-Albright syndrome. Best Pract Res Clin Rheumatol2008;22:55—69.

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