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1 SYNTHESE Atelier repenser la formation en sante mentale #2 Qu’en pensent les usagers et les professionnels de santé ? Salle 3, 29 mars 2018, 13h45 Présidente : Aude Caria, Directrice du Psycom Modérateur : Olivier Las Vergnas, Professeur des universités, Directeur du département des Sciences de l’éducation et de la formation des adultes - Université de Lille 1 LE PARTENARIAT SOIGNANTS/USAGERS AU SERVICE DE L’EVOLUTION DES SAVOIRS ET DES PRATIQUES EN SANTE MENTALE : QUELS BENEFICES TIRER DE L’EXPERTISE DU VECU ? Camille NIARD - Pascale DAYNES - Professeur Nicolas FRANCK - Bernard DENIS Centre Régional Ressource Métiers et Compétences en Psychiatrie - Université des Patients de Grenoble - Centre Ressource de réhabilitation psychosociale et de remédiation cognitive (Lyon-Grenoble, France) Cette première intervention présentait un programme de formations dans la Région Auvergne-Rhône-Alpes par le Centre ressource Métiers et Compétences en Psychiatrie, l’Université des Patients de Grenoble et le Centre Ressources de Réhabilitation et de Remédiation cognitive. Partant du constat que les savoirs expérientiels, bien qu’étudiés sont peu opérationnalisés, ses objectifs sont : - l’écoute des usagers en santé mentale qui souhaitent s’engager dans la pair- aidance ; - la promotion du rétablissement ; - contribuer par leurs savoirs expérientiels à améliorer la qualité des réponses à leurs besoins et pour certains, se professionnaliser ; - In fine améliorer la démocratie sanitaire en santé mentale. La première formation de 92h intitulée « Devenir Patient Ressource en Santé mentale » s’est achevée en novembre 2017. Elle reposait sur la co-construction avec des « patients ressources » d’un registre de propositions et d’interventions, l’identification des angles morts et des zones grises en santé mentale, la définition des axes d’amélioration et des meilleures pratiques au service des patients, la co-création et le partenariat professionnels-patients, la réingénierie des savoirs et des compétences autour des pratiques en faveur du rétablissement et la valorisation des savoirs expérientiels. La formation est conduite par un binôme patient-facilitateur et amène le groupe, dans une démarche maïeuticienne, à la production d’un travail collectif de co-construction. À ce jour les bénéfices individuels à l’issue de la formation sont les suivants : - Processus de rétablissement consolidé, estime de soi renforcée, volonté d’agir à son niveau pour améliorer son bien-être - 25 % ont un travail rémunéré (CDI, CDD) de pair-aidant professionnel - 2 réorientations professionnelles en cours - 2 engagements comme pair-aidant bénévole - 1 personne engagée dans le parcours de formation continue Médiateur de Santé Pair du CCOMS.

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SYNTHESE

Atelier repenser la formation en sante mentale #2

Qu’en pensent les usagers et les professionnels de santé ?

Salle 3, 29 mars 2018, 13h45

Présidente : Aude Caria, Directrice du Psycom Modérateur : Olivier Las Vergnas, Professeur des universités, Directeur du département des Sciences de l’éducation et de la formation des adultes -

Université de Lille 1 LE PARTENARIAT SOIGNANTS/USAGERS AU SERVICE DE L’EVOLUTION DES SAVOIRS ET DES PRATIQUES EN SANTE MENTALE : QUELS BENEFICES TIRER DE L’EXPERTISE DU VECU ? Camille NIARD - Pascale DAYNES - Professeur Nicolas FRANCK - Bernard DENIS Centre Régional Ressource Métiers et Compétences en Psychiatrie - Université des Patients de Grenoble - Centre Ressource de réhabilitation psychosociale et de remédiation cognitive (Lyon-Grenoble, France) Cette première intervention présentait un programme de formations dans la Région Auvergne-Rhône-Alpes par le Centre ressource Métiers et Compétences en Psychiatrie, l’Université des Patients de Grenoble et le Centre Ressources de Réhabilitation et de Remédiation cognitive. Partant du constat que les savoirs expérientiels, bien qu’étudiés sont peu opérationnalisés, ses objectifs sont :

- l’écoute des usagers en santé mentale qui souhaitent s’engager dans la pair-aidance ;

- la promotion du rétablissement ; - contribuer par leurs savoirs expérientiels à améliorer la qualité des réponses à leurs

besoins et pour certains, se professionnaliser ; - In fine améliorer la démocratie sanitaire en santé mentale.

La première formation de 92h intitulée « Devenir Patient Ressource en Santé mentale » s’est achevée en novembre 2017. Elle reposait sur la co-construction avec des « patients ressources » d’un registre de propositions et d’interventions, l’identification des angles morts et des zones grises en santé mentale, la définition des axes d’amélioration et des meilleures pratiques au service des patients, la co-création et le partenariat professionnels-patients, la réingénierie des savoirs et des compétences autour des pratiques en faveur du rétablissement et la valorisation des savoirs expérientiels. La formation est conduite par un binôme patient-facilitateur et amène le groupe, dans une démarche maïeuticienne, à la production d’un travail collectif de co-construction. À ce jour les bénéfices individuels à l’issue de la formation sont les suivants :

- Processus de rétablissement consolidé, estime de soi renforcée, volonté d’agir à son niveau pour améliorer son bien-être

- 25 % ont un travail rémunéré (CDI, CDD) de pair-aidant professionnel - 2 réorientations professionnelles en cours - 2 engagements comme pair-aidant bénévole - 1 personne engagée dans le parcours de formation continue Médiateur de Santé Pair

du CCOMS.

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Camile NIARD, usagère, a suivi cette formation et partage son expérience. De par la démarche, cet échange autour de l’expérience individuelle, « ça a aidé déjà de voir comment on pouvait progresser ». « Comment on partage notre savoir expérientiel ? ». Aujourd’hui Mme Niard est médiateur de santé pair (MSP) et formatrice pour les MSP. Embauchée comme ingénieur hospitalier, elle a la chance d’avoir un chef de pôle qui lui laisse « Carte blanche » : elle pratique donc la pair-aidance dans les services, en individuel ou lors de groupe en psychoéducation. Elle co-construit un observatoire du rétablissement et donne des conférences en école de médecine. Elle participe à l’élaboration d’un futur DU et à une campagne de sensibilisation au rétablissement grand public. Par ailleurs, elle est à l’origine, avec un infirmier et un biostatisticien, de la création de l’Observatoire du rétablissement dont elle a présenté l’objet principal : l’autoévaluation et l’hétéro-évaluations, par les usagers et les proches, des structures de soins ambulatoires sur l’état de leurs pratiques, pour les accompagner vers des pratiques orientées rétablissement. Via notamment le questionnaire canadien RSA (Recovery Self-Assessment, échelle d’auto-évaluation du rétablissement) qui, couplé à un suivi longitudinal des structures évaluées, permet une amélioration progressive des pratiques. Mme Niard insiste sur le fait que la formation a fait émerger des vrais questions concrètes qui lui ont donné le courage et l’envie de pouvoir agir, elle a servi de « levier motivationnel » et, plus généralement, permet un grand recul et une analyse qui permettent de changer la posture pour passer de patient à ressource, devenir une force de proposition. Aux questions : « Qu’est ce que vous voulez faire ? Pourquoi vous voulez vous engager ? » L’ensemble des bénéficiaires des formations ont répondu vouloir faire gagner du temps aux personnes concernées et aux équipes : « Je suis devenu celui que j’aurai rêvé de rencontrer quand je suis rentré dans la maladie et dans les soins », Mehdi, médiateur de santé pair.

Suite à la présentation les questions ont afflué : « Comment une structure peut faire appel et recruter un MSP ? Quelles sont les possibilités de financement ? » : la deuxième session de cette formation se déroule la semaine prochaine à Lyon, elle est gratuite (même s’il y a un coût). Les personnes formées peuvent devenir des ressources, notamment parce qu’elles ont un parcours professionnel hors maladie. Il ne faut pas hésiter à contacter le partenariat entre le Centre ressource Métiers et Compétences en Psychiatrie (CRMC) et l’Université des Patients de Grenoble. Pour le programme MSP portée par le CCOMS, les cursus sont en cours, les MSP sont recrutés sur financement ARS/établissement. De plus, le pôle de santé mentale des villes de Mons-en-Baroeul, Hellemmes, Lesquin, Lezennes, Ronchin et Faches-Thumesnil, engagé de longue date dans une collaboration avec les usagers de la psychiatrie et les représentants d’associations de personnes concernées par les troubles psychiques, a pour objectif de faire de la valorisation des savoirs expérientiels un élément clé de l’organisation des soins qu’il propose. Fondé sur les valeurs du rétablissement, le dispositif a développé des actions concrètes, impliquant une transformation progressive de l’organisation et des attitudes professionnelles, favorisant la reconnaissance du savoir des personnes accompagnées. L’intégration des médiateurs de santé pairs a joué un rôle majeur dans cette évolution. À partir de 2012, un projet de démocratie sanitaire local a émergé, avec la création de forums participatifs et, par la suite, l’élection de porte-paroles d’usagers. Faisant le constat que les instances institutionnelles existantes étaient parfois éloignées des pratiques quotidiennes, l’objectif était de mettre directement en relation usagers et professionnels du pôle, pour l’évaluation et la construction des services.

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RETOUR D’EXPERIENCE SUR UNE INTERVENTION DE PROMOTION DE LA SANTE MENTALE REALISEE A LA DEMANDE D’ELEVES DE TERMINALE Jean-Pierre Kahn et Alexandra Tubiana Potiez Centre Psychothérapique de Nancy, Université de Lorraine, CHRU de Nancy (Nancy, France) Le Pr Kahn a présenté le projet européen SEYLE (Saving and Empowering Young Lives in Europe) qui a comparé trois types d’interventions visant à réduire les comportements de prise de risque et en particulier les comportements suicidaires et à évaluer leurs résultats par rapport à un groupe contrôle. L’intervention YAM (Youth Aware of Mental Health) a montré une efficacité significative en termes de pensées et de tentatives suicidaires à 12 mois (respectivement, OR : 0,5 p < 0.02 et OR : 0.45 p < 0.02) à la différence des autres interventions testées. YAM consiste en une heure de cours interactifs suivi par deux sessions d’une heure et demi de jeux de rôles par les lycéens, une heure de debriefing, la distribution d’un manuel de 32 pages offert aux élèves et 6 posters informatifs à afficher en classe. Lors des jeux de rôle, les élèves sont placés en demi-cercle sur 2-3 rangées, il n’y a pas de tableau, juste un paperboard pour noter des mots. Les élèves se présentent et disent ce qu’ils veulent faire après le bac (études). On demande à un élève qui hésite sur son orientation, s’il veut bien se laisser guider. L’échange porte d’abord sur les aspects cognitifs du problème (Quelles sont tes hésitations? Comment dois-tu faire pour résoudre le problème ?...). Puis on l’oriente vers les aspects émotionnels et relationnels de la situation (Y a-t-il des inquiétudes, quelles sont les exigences des parents…?). On propose à un(e) des ses camarades de l’aider et de participer pour initier un questionnement croisé (« Si tu devais décrire ton ami(e)? En quoi est-il(elle) bon(ne)? Dans quoi pourrait-il(elle) réussir ? »…). Les lycées enquêtés ont demandé de continuer à bénéficier des interventions, mais en présence du professeur principal, ce qui a été refusé, il est important que le professeur soit absent pour que les élèves se libèrent complètement, en revanche l’infirmière scolaire participait. Lors des jeux de rôles où ils se soutiennent les uns les autres et analysent les problématiques de chacun en termes de stress, d’orientation, d’estime de soi, ce qui est une forme de soutien par les pairs d’inspiration systémique qui utilise le cognitif pour aller à l’émotif et permet une verbalisation de l’émotionnel ainsi que d’apprendre à demander de l’aide et à être aidant. En termes de résultats on observe que :

• Les élèves acceptent de parler de sujets personnels devant leurs pairs → Ils sont obligés de structurer leur pensée.

• Les élèves viennent en fin de réunion pour parler de problèmes plus spécifiques. • Les questionnaires de satisfaction sont positifs et permettent de maintenir une

action qui se renouvelle chaque année par l’intermédiaire des responsables du lycée. • La triangulation élèves/infirmière scolaire/système de soin fonctionne

efficacement. Les « psy » deviennent des référents à solliciter en cas de problème. Le Pr Kahn a également insisté sur la santé mentale des enseignants, si celle-ci est négligée, ils ne sont pas en capacité d’apporter de l’aide aux élèves en difficulté. La capacité des enseignants à aider les élèves dépend de :

- la façon dont ils perçoivent le climat de l’établissement, - leur propre bien être psychique, - leur niveau de formation en santé mentale.

Dans les autres pays, les enseignants conseillent aux élèves de se confier à eux ou à un de leur collègue, mais en France, ce n’est quasiment jamais envisagé par les professeurs, qui situent souvent leur rôle comme transmetteurs de savoirs.

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En conclusion, il s’agit d’un projet de recherche scientifique qui vient répondre à un vrai besoin, à une demande d’intervention qui émane du public cible. L’intervention est co-construite et s’affine au fur et à mesure, l’information sur la santé mentale fournie aux élèves comble un vide et modifie leurs comportements. Préconisations :

- Une sensibilisation aux concepts fondamentaux de la santé mentale et à ce qui la favorise devrait faire partie du curriculum des élèves. Cet enseignement devrait intervenir au collège car :

o au lycée, les troubles psychopathologiques, les addictions et les conduites à risque ont déjà une forte prévalence.

o le programme des élèves de lycée est trop focalisé sur le baccalauréat pour qu’un tel enseignement puisse être délivré sereinement.

- Il est important de proposer au public des contenus qui soient assez souples pour qu’il puisse s’en saisir.

LE PATIENT PARTENAIRE : UNE PRATIQUE EPHEMERE DANS LE RESEAU DE LA SANTE QUEBECOIS ? Bernard Saulnier - Personne en rétablissement, membre de Reprendre pouvoir depuis 2008, patient partenaire depuis 2009 Institut universitaire en santé mentale de Montréal (Montréal, Canada)

Bernard Saulnier s’est présenté comme « schizophrène paranoïde avec comorbidités » et une personne en rétablissement et a présenté les activités de l’association Reprendre pouvoir qui permet au sein de l’Institut Canadien de Québec d’avoir un représentant de pouvoir dans les différents comités de l’Institut. Cette intégration permet d’atteindre la pleine citoyenneté. Ceci dit la pleine citoyenneté n’est pas accessible en cas de pauvreté, lorsqu’il faut choisir entre payer son loyer et s’alimenter. Au sein d'une collectivité, l'expression de la pleine citoyenneté consiste, pour les individus qui la composent, en la possibilité de jouer un rôle actif dans le respect de leurs droits, devoirs et capacités. Pour les personnes ayant un problème de santé mentale, l'exercice de la pleine citoyenneté fait donc appel à la place que notre réseau de santé accorde à chaque personne en rétablissement. L’Institut a, depuis 2009, encadré 250 activités de patients partenaires rémunérés. La rémunération participe au rétablissement. Les enjeux de cette participation sont la déstigmatisation, le rétablissement, le dévoilement et la rémunération. La question de la stigmatisation et de l’auto-stigmatisation surtout, à laquelle Bernard Saulnier dit être souvent proie, fait l’objet de représentations théâtrales à destination du grand public, des personnels de l’Institut et de professionnels de santé mentale. Un exemple est « le Banquet de la Mémoire » : on écrit une pièce en groupe. Certains sont portés sur le jeu, d’autres par l’écriture, présentement tout le monde fait tout. Le rétablissement est décrit par M. Saulnier comme une expérience qui atténue l’auto-stigmatisation et l’anxiété (même si le rétablissement peut être anxiogène) et permet de socialiser, c’est également une façon de reprendre courage et de se découvrir des forces inconnues. Le fait d’être au congrès du CCOMS et de s’y exprimer est un moyen et une preuve du rétablissement pour Bernard Saulnier : « Quand dans l’avion, vous dites à votre voisin que vous allez à un congrès, et bien… ça vous pose, là. » – rires. La question du dévoilement a été abordée de façon subtile, il faut savoir où et quand le faire : « Ici je me présente comme « schizophrène paranoïde avec comorbidités, mais au club de danseuses… ce n’est pas fort fort de se présenter ainsi. ». Enfin M. Saulnier insiste bien sur la rémunération, notamment lors de questions avec la salle, ce signe de reconnaissance est indispensable pour faire du rétablissement une réalité continue, car après 6 mois de

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participation volontaire sans rétribution, certains sont contraints d’arrêter faute de moyens, et doit prévaloir sur toutes les autres formes de « compensation » ou « indemnité ». Préconisations :

1. Poursuite d’une politique d’indemnisation 2. Comité patient-partenaire qui porte la vision de la pleine citoyenneté 3. Nécessité d’avoir des critères de sélection pour les patients partenaires

• Un solide rétablissement • Critères varient selon les activités

LA FORMATION DES PERSONNES CONCERNEES : OUTIL DE TRANSFORMATION VERS UNE SOCIETE INCLUSIVE William Cenille, personne concernée, accompagnée par AMAHC et président du GEM GEMOTION Philippe Chaize, allié, expert et formateur associé à AMAHC AMAHC : association lyonnaise qui accompagne des personnes rencontrant des troubles psychiques et vivant des situations de handicap AMHAC déploie un dispositif de formation des personnes concernées par des troubles psychiques et vivant des situations de handicap. Elle part du constat que la société est non inclusive pour ces personnes. La France ne respecte pas la CDPH (qui s’applique au États), c’est-à-dire que les droits de l’Homme sont violés pour les personnes vivant des situations de handicap, que cela nécessite des transformations en profondeur des politiques, systèmes et pratiques et que les personnes concernées doivent en être des acteurs majeurs. Il est donc nécessaire de développer le pouvoir d’agir des personnes concernées. Les autres doivent être des alliés. La formation est centrée sur les droits humains et les outils qui les garantissent, notamment la connaissance des systèmes et les mécanismes de participation existants. La formation, en place depuis février 2017, est de deux niveaux : 27 personnes ont bénéficié du premier et 10 du second. 13 personnes ont été formées pour être formatrices. L’effet des formations a été évalué auprès de 17 personnes formées ayant répondu à l’enquête, qui montre que la-les formation-s ont, premièrement, renforcé la confiance en soi, le rétablissement et l’investissement dans la relation aux autres des bénéficiaires ; deuxièmement développé leurs connaissances sur les systèmes, l’environnement et les capacités d’action ; troisièmement entraîné des actions concrètes pour soi (imposer ses choix) et pour et avec les autres (s’investir, se mobiliser). En conclusion, les formations rencontrent un véritable engouement de la part des personnes concernées, c’est un processus à soutenir et à développer. Les formations vont continuer à leur modeste place, elles transforment fortement les personnes et AMAHC a bon espoir qu’elles transforment également la société. De nombreuses personnes souhaitent être formées, un phénomène de pair-émulation apparaît. Les formations ont également mis au jour un important déficit de connaissances chez les personnes concernées et les professionnels. De plus, bien souvent les pouvoir publics recherchent les personnes concernées pour participer aux instances mais ne savent pas comment les identifier, cette formation pourrait être un mode de sélection.

Préconisations : 1. Former les personnes concernées aux droits humains, aux représentations du

handicap, aux politiques publiques, aux méthodes de participation, d’analyse et de proposition

2. Favoriser des espaces d’action : au sein des associations, dans les réseaux et dans les instances

3. Favoriser un partage d’expériences et de capitalisation entre les personnes concernées

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Temps d’échanges Quels sont les retombées de ces initiatives sur les autres personnes que celles concernées ? Quels ont été les facteurs favorisants ou limitant de vos expériences ?

• Pour AHMAC, la structure même de l’association a été bouleversée par l’arrivée de 4 personnes concernées au conseil d’administration, il y a eu un changement complet des interactions au sein du CA, avec une acculturation complète des membres du CA. La présidente, présente dans la salle en témoigne. Cette intégration se propage à d’autres structures, regroupements, comités, etc. du social et de l’associatif qui s’ouvrent d’avantage aux personnes concernées que les professionnels de santé. L’obstacle principal vient des pouvoirs publics, qui restent comme « fascinés » par ce mouvement d’empowerment et en même temps très inquiets : « Confier les politiques publiques aux personnes concernées ? Vous n’y pensez pas ! ». Alors que pourtant les essais sont concluants, il faut donc continuer à bousculer le paradigme du handicap vers les capacités d’action des personnes. Dans le même temps on s’aperçoit qu’ils ont une méconnaissance inquiétante des textes de loi défendant les droits.

• Le Psycom avait développé un Kit pédagogique sur les droits en psychiatrie. Un MSP avait essayé de le faire aux patients du service et l’équipe avait pensé que ce serait trop dur pour les patients, trop long, trop rébarbatif, etc. Finalement, ceux sont les soignants qui ont demandé une pause lorsque l’animation a été lancée, les patients, eux, en redemandaient.

• Au Québec le système profite de l’expérience des personnes concernées en étant plus inclusif, mais peine à suivre financièrement pour que ce savoir soit valorisé.

• Pour l’expérience de MSP de Camille Niard, les éléments facilitateurs sont les collègues, l’équipe soignante d’accueil qui était motivée et préparée à son arrivée. Le chef de service, le Professeur Franck, est également très soutenant et donne carte blanche. D’après son expérience, il n’y a pas d’obstacles de système mais ce type d’initiative dépend des personnes. Pour les personnes autres que celles concernées, l’équipe de l’Université des patients et du centre de réhabilitation a assisté à une évolution, il y a 18 mois, la formation de MSP a reçu une relative hostilité, la participation des usagers devant se limiter à la maison des usagers, et bien sûr personne n’a voulu investir financièrement. La stratégie a été de communiquer petit à petit, pour ne pas brusquer, et susciter la curiosité. Cela a été payant. En intra-hospitalier il faut faire beaucoup de pédagogie car les soignants n’ont pas l’habitude de voir des gens aller bien, ça a suscité des envie de travailler avec des MSP. La poursuite de la stratégie est celle de l’essaimage, peu à peu, pour dépasser les crispations qui restent ponctuelles, sur la rémunération et la professionnalisation. Peu à peu les oreilles se forment à ce nouveau lexique. Un enjeu important est le rassemblement d’acteurs ne travaillant pas ensemble, la perspective est celle d’une création de l’université des patients régionale, avec l’UNAFAM et la FNAPSY et progressivement imposer l’idée qu’on ne peut plus décider sans les personnes concernées.

• Pour impliquer les équipes dans ce changement, il est très important d’être dans l’alliance et non la défiance, à l’instar de la démarche prise par le programme QualityRight de l’OMS qui visite les services à la demande des équipes ou des établissements.

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• Pour le projet YAM le consentement des parents a été un facteur limitant (12 pages de consentement à signer), même dans un contexte favorable comme celui du projet (encouragement du recteur et des parents). La confrontation avec les a priori et les représentations des membres du corps enseignant sur la psychiatrie était intéressante, bien que parfois surprenante ou décourageante.

Ces expériences vous semblent-elles transférables voire généralisables ?

• L’expérience québécoise est parfaitement transférable dans les pays ayant les moyens de rémunérer les personnes concernées, qui doivent être employées sur un pied d’égalité avec les professionnels de santé, dans le cadre d’un dialogue qui passe par la création d’un lien constructif.

• Pour AMAHC, il faut se méfier du terme de guérison. Dans certaines maladies, il n’y a pas de guérison totale et il faut toujours des personnes concernées alliées. Il faut que ces mots sortent, que les stigmates tombent et que la rémunération soit au rendez-vous ! Car inclure sans donner les moyens aux personnes concernées de se représenter ça ne peut pas marcher. Il faut plus de congrès comme celui-ci ! Si les gens comprennent progressivement tout ce que nous sommes en train de dire, l’inclusion se fera toute seule.

• Camille Niard : d’autant qu’il n’y a pas de frontière précise entre « eux » et « nous », la souffrance nous touche tous à un moment ou à un autre de notre vie.

• Pour le Pr. Kahn, la déstigmatisation passera par la transférabilité générationnelle, le gros des efforts de formation en ce sens doit être porté sur les jeunes.

• Philippe Chaize, d’AMACH, rappelle que personne n’est intrinsèquement handicapé, le handicap c’est l‘interaction avec l’environnement, si l’environnement n’est pas accueillant pour tous, alors la société sécrète du handicap.

• Un auditeur demande sur quoi repose concrètement la rémunération des personnes concernées : M. Saulnier répond qu’il s’agit de contrat de prestations, payables suite à la journée généralement. Une auditrice d’origine québécoise rappelle qu’hélas, le processus de rémunération des personnes concernées n’est pas répandu comme on le voudrait au Québec, et que la plupart du temps pour les patient-partenaires du secteur médico-social, il n’y a pas de rémunération, c’est plutôt coût-neutre, dédommagement et bénévolat. Le niveau de rémunération est variable. En France, c’est plutôt le système des contrats de vacations qui prévaut.

En conclusion, la présidente de session constate la bonne marche de l’approche incapacitante qui existe bel et bien mais qui n’est pas encore la priorité des instances. Une des urgences lui semble être la formation des professionnels par les personnes concernées.

« Une utopie c’est un projet qui n’a pas encore été réalisé. » Théodore Monot