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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES LE MAINTIEN À DOMICILE DES PERSONNES ÂGÉES EN PERTE D’AUTONOMIE Une organisation à améliorer, des aides à mieux cibler Rapport public thématique Synthèse Juillet 2016

Synthèse du rapport Le maintien à domicile des … · AVERTISSEMENT Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du rapport de la Cour des comptes. Seul

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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES

LE MAINTIEN À DOMICILE DES PERSONNES ÂGÉES

EN PERTE D’AUTONOMIE

Une organisation à améliorer,

des aides à mieux cibler

Rapport public thématique

Synthèse

Juillet 2016

� AVERTISSEMENT

Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation durapport de la Cour des comptes.

Seul le rapport engage la Cour des comptes.

Les réponses des administrations, des collectivités et desorganismes concernés figurent à la suite du rapport.

Sommaire

Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5

1 Mieux connaître les besoins des personnes âgées dépendantes . .7

2 Mieux répondre aux besoins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .9

3 Mieux piloter les politiques et cibler les aides . . . . . . . . . . . . . . . . .1 3

Conclusion et recommandations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .1 7

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La proportion des personnes âgées de 80 ans et plus dans la population françaisedevrait doubler entre 2010 et 2060 pour atteindre, selon une projection élaboréepar l’INSEE, environ 8,4 millions de personnes. Sur cette même période, le nombredes personnes âgées dépendantes, c'est-à-dire en perte d’autonomie, passerait de1 150 000 personnes en 2010 à 1 550 000 en 2030, puis à 2 300 000 en 2060.

Pour les personnes concernées et leurs familles, la perte d’autonomie est difficileà vivre tant psychologiquement que financièrement.

Le vieillissement de la société française soulève dès lors la question de la prise encharge de la dépendance dans un contexte de ressources financières limitées.

La loi du 22 juillet 2001, confortée par celle du 28 décembre 2015, a engagé uneévolution en favorisant le maintien à domicile à travers un ensemble de dispositifsd’aides.

En effet, le rôle central de la solidarité familiale dans l’organisation du maintienà domicile est fragilisé par les évolutions sociales actuelles. Cette organisationest donc devenue un enjeu pour les pouvoirs publics.

Afin d’ajuster la politique de maintien à domicile des personnes âgées dépendantesaux contraintes démographiques et financières actuelles et futures, il est nécessairede la définir plus précisément.

L’enquête de la Cour et des chambres régionales des comptes a eu pour objet devérifier si la politique publique s’appuyait sur une bonne connaissance de lanotion de dépendance et des besoins des personnes dépendantes et de leursaidants, de mesurer l’information dont disposent ces personnes sur les aides etaccompagnements existants et d’analyser la pertinence de leur orientation. Enfinl’enquête a étudié l’organisation de l’ensemble des actions et leur pilotage, ainsique l’allocation des ressources dans la recherche d’une meilleure efficience.

Introduction

Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes

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1Mieux connaître les besoins des personnes âgées dépendantes

Cour des comptes d’après INSEE. Projections au-delà de 2015

Évolution de l’espérance de vie à la naissance

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Une population vieillissanteconfrontée à l’aléa de la dépendance

Selon les chiffres fournis par l’INSEE,l’espérance de vie à la naissance enFrance métropolitaine est passée

entre 1960 et 2015 de 67 ans à 79 anspour les hommes et de 73,6 ans à85,1 ans pour les femmes. En 2060,selon l’hypothèse centrale développéepar l’INSEE, elle devrait atteindre86 ans pour les hommes et 91,1 anspour les femmes.

Si l’essentiel de la progression de ladépendance résulte du vieillissementde la population, vieillissement etdépendance ne sont pas synonymes.En effet, la proportion des personnesâgées dépendantes croît avec l’âge, maiselle reste minoritaire dans l’ensembledes classes d’âge (17 % des personnes de75 ans et plus), sauf pour les personnesâgées de 95 ans et plus. La dépendance

étant un phénomène à la fois complexeet évolutif, les progrès de la médecinepourront influencer sensiblement àl’avenir le nombre de personnes effec-tivement dépendantes. L’incertitude estparticulièrement forte en ce quiconcerne la maladie d’Alzheimer, quitouche essentiellement les personnes deplus de 65 ans et affecte actuellement900 000 personnes environ en France.

Mieux connaître les besoins des personnesâgées dépendantes

La corrélation entre l’aggravation dela dépendance et la prise en charge enhébergement collectif est moins fortedans la réalité que celle qui pourraitêtre a priori attendue. Certes, lorsquele niveau de dépendance augmente,la proportion des bénéficiaires del’allocation personnalisée d'autonomie(APA) qui restent à domicile décroîtglobalement. Pourtant certainespersonnes restent maintenues àdomicile en dépit d’une situation dedépendance particulièrement sévère :ainsi 20 % des personnes maintenuesà domicile relèvent d’une dépendanceforte (GIR 1 et 2). À l’inverse, près de40 % des personnes hébergées enétablissement relèvent d’unedépendance seulement moyenne(GIR 3 et 4). Or le maintien à domicilen’est pas, en toutes circonstances, lasolution optimale, en termes écono-miques ou de situations individuelles,par rapport à une prise en charge enhébergement collectif.

Des attentes régulièrement étudiées

Les attentes de la population enmatière d’accompagnement de ladépendance sont relativement bienconnues. De nombreuses enquêtesmettent en évidence un consensustrès net en faveur du maintien à domi-cile : 90 % des Français expriment unepréférence pour ce mode de prise encharge, proportion comparable à cellemesurée chez leurs voisins européens.

Cependant, à peine plus de la moitiédes Français s’estime bien informéedes solutions disponibles pour faire faceau risque de la dépendance. Le besoin

d’information porte en particulier surles procédures administratives etsur l’orientation vers les servicescapables d’aider et d’accompagnerles personnes en perte d’autonomie.

Une connaissance imprécisedes parcours

Si les attentes de la population sont bienconnues, deux obstacles s’opposent àune évaluation satisfaisante desbesoins par les autorités chargées deprogrammer l’offre de services : lacomplexité de la notion même dedépendance, et la connaissance tropimprécise des parcours des personnesâgées dépendantes.

Ainsi, les agences régionales de santé(ARS) chargées de la programmationde l’offre médico-sociale n’ont pas puidentifier précisément les besoins dansles schémas régionaux d'organisationmédico-sociale (SROMS) de la premièregénération (2012-2016) ; les schémasgérontologiques départementauxpeinent à retracer le profil épidémio-logique des ressortissants âgés.

Par ailleurs, même si les écarts tendentà se réduire, des disparités localespersistent dans l’offre de servicesdestinée aux personnes âgéesdépendantes, qui varie sensiblementd’un département à l’autre.

Au total la programmation de l’offrene garantit pas une bonne adaptationdes prises en charge et ne met pas àdisposition des personnes âgées desservices équivalents sur l’ensemble duterritoire.

Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes

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2Mieux répondreaux besoins

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Se repérer dans la diversitédes offres

Les personnes âgées en perte d’autono-mie qui vivent à leur domicile peuventrecourir à des intervenants appartenantà des secteurs d’activité très différents -soins ambulatoires ou hospitaliers,secteur médico-social, secteur social -,et pouvant travailler en libéral, dans unservice intervenant à domicile ou ausein d’un établissement.

La grande diversité des offres disponiblesa conduit les acteurs publics à soutenirla création de plusieurs structuresd’information.

Toutefois, ces ressources sont inégale-ment réparties sur le territoire. Ellessouffrent également du cloisonnemententre le secteur sanitaire d’un côté,les secteurs social et médico-social del’autre.

Des actions ont été engagéesrécemment au niveau national pouraméliorer l’information des personnesâgées. Un portail accessible en ligne anotamment été lancé en juin 2015(pour-les-personnes-agees.gouv.fr). Ilpermet d’obtenir des renseignementssur les aides, les démarches et lesinterlocuteurs à contacter mais ilne peut se substituer à l’orientationappropriée nécessaire à chaquepersonne en perte d’autonomie.

Il conviendrait, tout en appuyant ladémarche fédérative de cet outil,d’assurer une plus grande coordinationentre les différents points locaux ouspécialisés d’information.

Accompagner les parcours

Comme l’ont relevé à plusieursreprises le Haut conseil pour l’avenirde l’assurance maladie (HCAAM) et laCour des comptes, l’articulation desprises en charge sanitaire, sociale etmédico-sociale est nécessaire pour unemeilleure qualité de vie des personnesâgées dépendantes, dont la perted’autonomie est liée tant à l’altérationde l’état de santé qu’à l’isolement.

Mieux articuler les prises en charge

Chaque secteur de prise en charge(sanitaire, social, médico-social) adéveloppé ses propres dispositifs decoordination. Dans la pratique, fauted’informations partagées, ceux-cipeinent à coordonner efficacementl’action de l’ensemble des intervenants.

L’orientation entre les différentsmodes de prise en charge dépendessentiellement du point d’entrée de lapersonne âgée dépendante dans cesdispositifs. Si le facteur déclenchant dela prise en charge est une maladie, elleest plutôt orientée vers des prestations

Mieux répondre aux besoins

sanitaires ou médico-sociales. Enrevanche, si la personne âgée est prise encharge à partir d’une demande effectuéeauprès des services sociaux, l’orientationse fera plus souvent vers des structuressociales qui interviennent essentiellementau domicile. Le point d’entrée déterminedonc, selon un modèle en tuyaux d’orgue,le parcours de la personne âgée en perted’autonomie.

Pour que l’intervention corresponderéellement au besoin de la personneâgée dépendante, qui de surcroît peutêtre évolutif, il est nécessaire d’établir unplan de prise en charge individualisé etd’orienter la personne en fonction del’évaluation de sa situation, et non del’entité à laquelle elle s’est adressée,vers les professionnels possédant lescompétences adéquates. C’est ce quipose problème.

Plusieurs initiatives nationales(réseaux gérontologiques, méthoded’action pour l’intégration des servicesd’aides et de soins dans le champ del’autonomie – MAIA – et parcours desoins des personnes âgées en risque deperte d’autonomie – PAERPA –) ontvu le jour dans les années récentespour mieux organiser les parcours despersonnes âgées. Portées par desdirections d’administration centraledifférentes, se situant à des stades dedéveloppement qui vont d’une quasi-couverture du territoire à une expéri-mentation limitée, ces dispositifs ontété lancés concurremment, sansréflexion initiale sur l’ajustement deleur positionnement particulier, ce quicrée une situation particulièrementconfuse pour les acteurs de terrain.

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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes

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Source : Cour des comptes

Les intervenants auprès des personnes âgées dépendantes dans un parcours de santé

Mieux répondre aux besoins

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Dès la mise en place des réseaux decoordination précités, le développementde certains outils techniques est apparunécessaire : répertoire opérationnel desressources (service en ligne mettant àdisposition des professionnels desinformations détaillées et actualiséessur les ressources locales), dossiernumérisé du patient (qui permetl’échange d’informations entre profes-sionnels des secteurs sanitaire etsocial sur la situation de la personne),outil partagé d’évaluation de la situationdes personnes, et surtout système decommunication entre les acteurs etles structures. Ces outils doivent êtreélaborés au niveau national et généra-lisés sur l’ensemble du territoire.

Définir une fonction d’orientation

L’accumulation des dispositifs, pensésselon des logiques complémentairesmais différentes, rend illisible l’ensem-ble du système mis en place.

Compte tenu de la dimension essentiellede la santé dans la perte d’autonomie, ilscherchent tous, à juste titre, à intégrer lemédecin traitant dans la coordination.Mais leur efficacité à cet égard est trèsvariable et dépend du contexte local.Il serait donc nécessaire de mieuxdéfinir au niveau national les conditionsopérationnelles de coordination, pourl’ensemble du territoire, entre lesmédecins et les autres acteurs de laprise en charge de la dépendance.

Il conviendrait également de donner auxARS et aux financeurs des prestations,notamment aux caisses d’assurancemaladie, la responsabilité de veiller,d’une part, à ce que toute personne âgéebénéficie effectivement des services

d’un médecin traitant, et, d’autre part, àdésigner l’équipe locale chargée desoutenir celui-ci, en répondant auxdemandes de tous les professionnelsde premier recours, quel que soit lesecteur d’intervention (social, médico-social, hospitalier, ambulatoire).

Disposer d’une offrede services adaptée

La prise en charge des personnes âgéesdépendantes repose principalementsur l’intervention de professionnels del’aide et de l’accompagnement. Ce sontle plus souvent des salariés des servicesd’aide à domicile, principalement desservices de soins infirmiers à domicile(SSIAD) et des services d’aide etd’accompagnement à domicile (SAAD).

L’offre actuelle pourrait être amélioréepar une meilleure gestion des ressourceshumaines, par un financement mieuxadapté des structures et par un regrou-pement des services.

Améliorer la gestiondes ressources humaines

Alors que les besoins en personnelpeinent à être couverts dans l’aide àdomicile, la stratégie de formation dessalariés est confuse, et la stratificationdes diplômes, par ailleurs, gêne leurmobilité. Pour offrir des perspectivesde carrière et permettre une mobilitédes personnels entre l’emploi à domicileet l’emploi en établissement, unerationalisation des qualifications etdes diplômes est nécessaire, à laquelleconcourt la création du diplômed’État d’accompagnant éducatif etsocial par le décret du 29 janvier 2016.

Mieux répondre aux besoins

Mettre en œuvre des réformestarifaires

Les SSIAD assurent deux catégories desoins : les soins de base ou relationnelset les soins techniques infirmiers. Plusles personnes sont dépendantes etnécessitent des soins infirmiers, plusleur prise en charge est coûteuse pourla structure. Or la dotation financièredes SSIAD est forfaitaire et ne tientpas compte des caractéristiques despatients. Pourtant le coût constaté dela prise en charge varie de 0,1 à 3,5 foisle montant de la dotation moyennepar patient allouée par l’assurancemaladie.

À ce jour, la concertation engagée sur lesprojets de réforme de cette tarificationn’a pas abouti. Il conviendrait pourtantde mettre en place rapidement un modede financement des SSIAD qui tiennecompte de la réalité des prestationsaccomplies pour les personnes âgéesdépendantes et de la lourdeur des cas.

Par ailleurs, de nombreux SAAD sontconfrontés de manière récurrente àdes difficultés financières importantes.Plusieurs facteurs expliquent cettesituation : la concurrence d’autresservices ou bien d’une offre de travailnon déclarée, la baisse des financementspar les caisses de retraite, l’organisationcomplexe et souvent déficiente desservices.

Des expérimentations de tarificationont été autorisées par la loi definances pour 2012. Elles concernentactuellement 14 départements. Elles

reposent sur un financement parcontrat pluriannuel d’objectifs et demoyens (CPOM) - intégrant lescontraintes relatives aux caractéris-tiques géographiques et sociodémo-graphiques et promouvant des objectifsd’amélioration de la gestion - et d’uneforfaitisation de la participation desbénéficiaires. Sur la base des résultats deleur évaluation, il est urgent de modifierle régime de tarification des services.

Favoriser le regroupementdes services

Le morcellement des services médico-sociaux à domicile est patent. Ilexplique en partie la persistance dedisparités locales dans l’offre, contrelesquelles il convient d’agir afin qu’au-cun territoire ne soit délaissé.

Un regroupement plus volontaristedes services, au-delà des seuls SSIADet SAAD, intégrant des structuresd’hébergement temporaire ou perma-nent, permettrait de mieux assurerl’efficacité de la gestion des fonctionssupport et des personnels, maiségalement celle des parcours de soinsdes personnes âgées dépendantes.Cette organisation nouvelle supposeraitl’accord préalable des différentsfinanceurs et, comme pour laréforme du régime de la tarification, unadossement à un contrat pluriannueld’objectifs et de moyens.

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3Mieux piloter les politiques et cibler les aides

Source : Cour des comptes sur la base des

données de la DREES, dossier Solidarité et

Santé, n° 50, février 2014

Décomposition des surcoûts liésà la perte d’autonomie

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Clarifier le pilotage

Améliorer la connaissance des coûts

Dans le cadre des travaux du HautConseil du financement de la protectionsociale, la direction de la recherche,des études, de l’évaluation et desstatistiques (DREES) a publié en2014 une actualisation du chiffragedu compte de la dépendance, portantsur l’année 2011. Selon ces données,le coût du maintien à domicile despersonnes âgées dépendantess’élèverait à environ 10,1 Md€ (valeur2011). Ce montant serait financé parla sécurité sociale à hauteur de4,7 Md€, par les départements pour4,2 Md€, par l’État pour 0,3 Md€, etpar les ménages pour 0,9 Md€.

La fiabilité de ces informations souffrenotamment de la complexité liée àl’association de données provenant denombreuses sources et de la difficultéd’identifier les dépenses relatives auxpersonnes âgées dépendantes prisesen charge dans les établissements desanté. De même, les restes à charge sontmal évalués, car les données permettantd’éclairer les conséquences financièresde l’arbitrage entre maintien à domicileet hébergement en établissement sontlacunaires. En particulier, les études surles montants qui restent à la charge despersonnes âgées dépendantes sont peunombreuses et imprécises.

Dans le cadre du débat national sur ladépendance de 2011, une évaluationdu coût de la dépendance à l’horizon2040 a été effectuée. Dans le scénariodémographique intermédiaire et àlégislation constante retenu, l’effortglobal des ménages – à domicile et enétablissement - passerait de 7 Md€(soit 0,37 point de PIB – base 2010) en2010 à 12,6 Md€ (soit 0,65 point dePIB) en 2040.

À l’échelon national, une approcheplus transversale du pilotage doit êtremise en œuvre. Même si la gestion denombreuses prestations relève desdépartements ou de l’assurance maladie,l’État conserve en effet son pouvoir dedéfinition des politiques sociales et derèglementation générale, qui doit êtreexercé de manière cohérente et lisible.

Au niveau local également, la coopérationgagnerait à se développer. Les principauxacteurs institutionnels contribuantlocalement à la politique de maintien àdomicile sont les collectivités territoriales,les ARS et les organismes de sécuritésociale. Les départements et les ARSjouent un rôle majeur : ils doivent être lespilotes locaux de la politique en faveurdes personnes âgées dépendantes.

La loi du 28 décembre 2015 d'adapta-tion de la société au vieillissement amis en place des « conférencesdépartementales des financeurs de laprévention de la perte d’autonomie »,présidées par le président du conseildépartemental. Actuellement focaliséesur le seul champ de la prévention,cette instance gagnerait à voir sonchamp de compétence étendu à laprogrammation de l’offre en faveur despersonnes âgées en perte d’autonomie,ce qui serait facilité si la gouvernanceétait partagée entre le départementet l’ARS.

Mieux cibler les aides et lesfinancements

La structure du financement de ladépendance fait peser les tensions lesplus fortes sur les budgets des dépar-tements, qui sont les principauxcontributeurs. Elle montre également

Mieux piloter les politiques et cibler les aides

Source : Cour des comptes d’après DREES,

dossier Solidarité et Santé, n° 50, février 2014

Évolution du financement public et parles ménages du maintien à domicile entre 2011 et 2060 (en € constants)

En distinguant selon le lieu de résidence,les seules prévisions disponibles surl’évolution à long terme de l’effortdemandé aux financeurs de ladépendance sont celles de la DREES, quia publié en février 2014 une projection àl’horizon 2060 du compte de ladépendance faisant apparaître l’évolutiondes financements publics et privés.

Ces travaux mettent en évidence unaccroissement important de ladépense. Au total, le coût du maintien àdomicile passerait de 10,1 Md€ à17,3 Md€. L’effort privé ferait plus quetripler en passant de 0,9 Md€ à3,1 Md€, pendant que l’effort publicaugmenterait de moitié, passant de9,2 Md€ à 14,2 Md€.

Des acteurs à mieux coordonner

La politique menée en faveur despersonnes âgées dépendantes est,depuis les lois de décentralisation,partagée entre l’État, la sécuritésociale et les collectivités locales, enparticulier les départements.

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Mieux piloter les politiques et cibler les aides

Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes

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l’importance d’une définition précisedes dépenses fiscales et des exonéra-tions de cotisations sociales quiconcourent à ce financement. Ellerévèle enfin la nécessité d’un soutienplus adapté des ménages, dont la partdans le financement de la dépen-dance s’accroîtra immanquablement.Une concentration des aidespubliques sur ceux qui en ont le plusbesoin sera nécessaire.

Un financement départementalsous tension

Les départements, dont les marges demanœuvre budgétaires se réduisent,font face à l’accroissement du nombredes bénéficiaires de l’APA et à l’affai-blissement de leurs recettes. Ils ontdonc entrepris de réguler lesdépenses occasionnées par leurresponsabilité de financeurs del’APA, ce qui affecte davantage lemaintien à domicile que l’accueil enétablissement. La réduction desmontants moyens des plans d’aide àdomicile est l’une des principalesconséquences de cette évolution. Ilen résulte une majoration des restesà charge pesant sur les ménages et,faute d’un encadrement précis, unrisque d’aggravation des inégalitésterritoriales.

Des interventions à préciser pour lesautres financeurs

Les dépenses fiscales et les exonérationsde cotisations et contributions socialessont mal identifiées. Des analysesmontrent cependant que les dispositifssociaux et fiscaux neutralisent ladégressivité des aides spécifiques en

Source : Cour des comptes d’après DREES

La décélération des dépenses de l’APA

faveur des personnes dépendantes : laréduction d’impôt est plus substantiellepour les personnes bénéficiant d’uneretraite importante que pour cellesdisposant d’une retraite faible oumodeste.

Par ailleurs, le repositionnement del’action sociale des caisses de retraiteautour des personnes autonomes(GIR 5 et 6) et de la prévention de ladépendance s’est traduit, s’agissantde la Caisse nationale d’assurancevieillesse (CNAV), par la baisse dubudget du fonds national d’actionsanitaire et sociale en faveur despersonnes âgées (FNASSPA), qui estpassé de 438,8 M€ en 2010 à 385,0 M€en 2014. Les aides individuelles ontainsi enregistré une baisse très nette.

Mieux soutenir les ménages

Malgré l’intervention des pouvoirspublics, l’essentiel de la solidaritéexprimée en faveur des personnesâgées dépendantes relève en

Mieux piloter les politiques et cibler les aidesSynthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes

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grande partie de la sphère familiale.La progression des besoins, dans uncontexte où les financements publicsatteignent leurs limites, accroît lacharge pesant sur les personnesâgées et leur entourage. Pour que lasolidarité familiale puisse continuerà s’exercer pleinement, il convient derenforcer le soutien aux aidants et decibler les aides financières sur les plusfragilisés.

Il convient aussi de dynamiser lesappuis aux proches aidants, dont lacontribution est essentielle. Lagénération des 50-65 ans (« générationpivot ») est fortement sollicitée parles parents dépendants, en dépit del’augmentation du taux d’activitéprofessionnelle des femmes, qui sontles principaux acteurs de cette aide.

En volume horaire, l’implication de lafamille, dont la mesure précise est trèsdifficile, serait trois fois plus importanteque celle des professionnels. Lemontant de l'aide informelle à domicileserait également deux à trois foissupérieur au total des dépenses del'APA : il se situe dans une fourchettede 7 à 11 Md€, selon les estimationsdu Haut Conseil de la famille (HCF).

En France, la prise de conscience durôle essentiel des proches aidants aété relativement tardive. L’intervention

des pouvoirs publics repose sur l’idéeque « la première forme de soutienaux aidants consiste à fournir une aideprofessionnelle de qualité à la hauteurdes besoins de la personne aidée, etaccessible à tous financièrement ».La dynamique de soutien des aidantsdoit désormais se concrétiser et segénéraliser sur l’ensemble du territoire.

Pour mieux répartir l’APA, la pisted’évolution à privilégier pourrait être lamodification des ressources prises encompte pour son calcul, qui agrègent,d’une part le revenu déclaré figurantsur le dernier avis d’imposition ou denon-imposition remis lors de lademande d’APA, et d’autre part lesrevenus des produits d’épargne.

Sans remettre en cause le caractèreuniversel de l’APA, réaffirmé par la loidu 28 décembre 2015, et pour faireface aux besoins de financement futur,une réorientation des aides vers lespersonnes les plus démunies pourraitse traduire par une modification desmodalités de calcul de la participationfinancière à la charge du bénéficiaire,qui serait augmentée pour les derniersdéciles de ressources, c’est-à-dire lespersonnes les plus aisées.

Conclusion

et recommandations

Au terme de cette enquête, le premier message de la Cour porte sur la nécessitéd’améliorer l’organisation de la politique du maintien à domicile des personnesâgées dépendantes.

Mieux organiser la réponse aux attentes exprimées par les personnes âgées enperte d’autonomie, qui à une très forte majorité souhaitent rester à domicile,est la première priorité que doit s’assigner la communauté nationale. Celasuppose de traduire les attentes en besoins objectifs, en perfectionnant l’actiond’information et d’orientation des familles, et en adaptant à la demande constatéela programmation de l’offre de services.

Améliorer l’organisation, c’est aussi coordonner plus efficacement, tant au niveaunational qu’au niveau territorial, les multiples acteurs qui interviennent auprèsdes personnes âgées en perte d’autonomie, soit directement, soit indirectement.Une telle évolution suppose de mettre fin aux cloisonnements qui subsistententre les différents dispositifs destinés à coordonner les parcours qui, à cause deleur diversité et leur complexité, composent un système illisible. Les dispositifsnationaux de coordination devraient être appelés à fusionner et les ARS confortéesdans leur vocation à répartir les responsabilités entre les équipes de professionnelsde terrain, dont elles sont les mieux à même de mesurer l’efficacité et le potentiel.

Le deuxième message de la Cour porte sur la question d’un ciblage plus précisdu financement de cette politique.

Une meilleure visibilité sur le coût de la politique de maintien à domicile despersonnes âgées dépendantes et de son évolution est un préalable indispensableà une meilleure anticipation des contraintes budgétaires qui pèseront à termesur les différentes parties prenantes. Les efforts de chiffrage accomplis depuisune dizaine d’années par le ministère chargé des affaires sociales doivent sepoursuivre et être approfondis. Il faut aussi que les montants qui restent à lacharge des personnes et de leurs familles soient mieux connus, de manière àmieux cibler les politiques publiques.

Quelles que soient les incertitudes qui pèsent sur les perspectives financières,la Cour constate en effet qu’à long terme la contribution des ménages aufinancement du maintien à domicile tendra à s’accroître plus rapidement quecelle des collectivités publiques. Dans ce contexte, la question du ciblage desaides publiques se posera de plus en plus. La loi du 28 décembre 2015 relativeà l’adaptation de la société au vieillissement a préservé le caractère universelde l’APA, mais les défis de l’avenir imposeront d’adapter avec précision sonmode de répartition, ainsi que le bénéfice des dépenses fiscales, pour queceux qui en ont le plus besoin, à cause de leur niveau de dépendance et derevenu, en soient dans les faits les principaux bénéficiaires.

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Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes

Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes

Conclusion

et recommandation

Mieux connaître les besoins despersonnes âgées dépendantes :

1. procéder à une analyse préciseet harmonisée des besoins despersonnes âgées dépendantes.

Mieux répondre aux besoins :

2. fédérer les organismes dispensantl’information et leur donner unebonne visibilité ;

3. identifier des structures d’appuiaux médecins traitants et aux profes-sionnels de premier recours pouraccompagner les personnes les plusdépendantes ;

4. développer et généraliser lesoutils techniques nécessaires à lacoordination ;

5. mener à son terme la réforme dela tarification des services d’aide etde soins à domicile ;

6. simplifier et rationaliser lesqualifications et les diplômes desintervenants à domicile ;

7. favoriser le regroupement desservices de soins et d’accompa-gnement à domicile.

Mieux piloter les politiques etcibler les aides :

8. élargir à la programmation del’offre la compétence de la conférencedépartementale des financeurs de laprévention de la perte d’autonomie despersonnes âgées ;

9. améliorer le chiffrage du coût dela dépendance et du maintien àdomicile ;

10. développer la connaissance desrestes à charge par des études, enmesurant précisément les coûtsrespectifs du maintien à domicile etde l’hébergement en établissement ;

11. suivre et soutenir dans les plansd’aide, les expérimentations localesfaisant appel à des offres de servicede téléassistance et de domotique ;

12. faire face aux besoins de finan-cement futurs en modulant plusfortement l’APA en fonction desressources des bénéficiaires.

C’est à cette double condition d’une amélioration de l’organisation et d’un meilleurciblage des aides que la politique de maintien à domicile pourra atteindre lesniveaux de cohérence, d’efficacité, d’efficience et d’équité permettant de mieuxrépondre aux attentes et aux besoins des personnes âgées dépendantes et de leursfamilles.

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