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SYNTHESE NOUVEAUX ENJEUX CITOYENS EN SANTE MENTALE DANS … · Les pays de l'Union européenne ont une expérience unique dans le développement des réformes de santé mentale. La

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SYNTHESE

NOUVEAUX ENJEUX CITOYENS EN SANTE MENTALE DANS UN MONDE EN PLEINE MUTATION - UNE REVOLUTION CONCEPTUELLE EN COURS

Table ronde, salle 1, 29 mars 16h

Président : Gabriel Ivbijaro, Directeur médical, Services de santé communautaires et familiale de Waltham Forest, MBBS, FRCGP, FWACPsych, MMedSci, MA, IDFAPA

Modératrice : Charlotte Marchandise-Franquet, Présidente du Réseau des Villes

santé de l’OMS Roberto Mezzina Directeur du Département de santé mentale à Trieste (Italie) La désinstitutionalisation est considérée comme la principale stratégie pour contrer l'oppression que vivent les personnes ayant des incapacités psychosociales, et pour mobiliser des ressources permettant leur rétablissement et leur intégration sociale, en créant des services et des soutiens dans la communauté. La désinstitutionalisation a pour objet de démanteler l'appareil institutionnel et ses normes, construites sur la personne en tant que patient, en tant qu'objet de cette institution. C'était et c'est encore de l'oppression et de la négligence. Franco Basaglia a dit : « Nous voulons changer le schéma qui fait du malade psychique un cadavre, et nous essayons de transformer le malade psychique mort dans l’asile en une personne vivante, responsable de sa propre santé... L'une des thérapies les plus importantes pour combattre la folie est certainement la liberté ». La désinstitutionalisation était donc un point de départ, et encore aujourd'hui c'est une étape nécessaire, en remplaçant les soins hospitaliers par des soins communautaires et les soins imposés par des soins volontairement reçus, aussi souvent que cela est que c'est possible. La question des droits est l'un des principaux aspects de la désinstitutionalisation, qu'il s'agisse de droits de l’homme ou de citoyenneté. L'impact de la Convention Européenne des Personnes Handicapées en santé mentale s'élargit maintenant, en ce qui concerne tous les articles, en particulier ceux relatifs à la coercition, à l'autodétermination et aux fonds. Que s’est-il passé à Trieste ? L'expérience de Trieste s’est faite à l’échelle d'une ville entière : assurer des soins au sein de la communauté - donc avec une pleine inclusion - dans l'exercice de la liberté, avec des portes ouvertes et sans lieux de contrainte ou d'exclusion. Il s’agit encore à ce jour d’un lieu unique au monde, Centre collaborateur de l'OMS sur la santé mentale, et un modèle pour des services de soins du monde entier. Aujourd'hui, Trieste est plus que jamais un point de référence international pour la santé mentale communautaire, avec un système ouvert basé sur la personne. Les services actuels de Trieste sont considérés comme un modèle mondial, en particulier pour le respect des droits de l'homme et la réalisation de la pleine citoyenneté des personnes concernées par des handicaps psycho-sociaux. Pour ce faire, les services de Trieste adoptent une approche globale des besoins en matière de vie et de santé, en travaillant sur les déterminants sociaux et sur l'inclusion. Il s'agit de services fondés sur des valeurs et sur l'éthique ainsi que sur des bonnes pratiques et preuves scientifiques. Le Département de santé mentale de Trieste travaille depuis des années à l'amélioration de la qualité des soins aux personnes souffrant de problèmes de santé mentale dans les institutions dans le but de faire respecter les droits des personnes et de leur permettre d’avoir accès à leur citoyenneté.

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Par la fermeture de l'asile et le développement simultané de services communautaires - un processus qui a été favorisé dans différents pays du monde, des Balkans à l'Amérique latine, de la Palestine à l'Australie – et qui a signifié agir sur la qualité de vie par la personnalisation des soins et l'implication des usagers, des soignants et du contexte social. Il ne s'agit pas seulement d'améliorer les traitements et les thérapies, mais aussi de permettre des chemins de rétablissement uniques et de libérer la personne ayant des problèmes de santé mentale de la violence et de la discrimination. Freedom first, le nouveau slogan du mouvement international pour de meilleurs soins dans une approche basée sur les droits et centrée sur la personne, souligne que la liberté n’est pas ici le résultat à atteindre, mais une condition préalable aux soins, qui renverse les mécanismes de contrôle et les remplace par l’empowerment des personnes. Alors, quelles pratiques peuvent promouvoir la liberté ? Et quelles sont celles qu’on peut qualifier d’opérationnelles? Quels sont les indicateurs connexes ? Qu'est-ce qui relie les mots-clés suivants : porte ouverte, open dialogue, libre accès, engagement de la communauté, co-construction avec toutes les parties prenantes, rétablissement (également rétablissement de l'ensemble du système) ? Ce qu’il faut éviter : Utiliser l’isolement et la contrainte comme moyen de réguler les comportements Venir renforcer la perte de pouvoir d’agir vécue par les usagers Avoir une posture paternaliste Ne pas donner accès à des opportunités et à des ressources (dimension "clinique " par opposition à des approches "intégratives") Les recommandations :

1) L‘empowerment ne doit pas se limiter à des engagements d'impliquer des usagers, à leur possibilité de porter leurs plaidoyers, ou à leur représentation publique. Cela exige des politiques et des actions pour fermer les grandes institutions et surtout pour abolir l'internement à long terme, ainsi que pour réduire les pratiques coercitives dans les soins tant au niveau des traitements qu'au niveau juridique (lois).

2) En s'orientant vers les soins communautaires, l'empowerment doit être intégré dans des services qui doivent être orientés pour proposer des parcours axés sur l'ensemble des domaines de la vie de la personne. La citoyenneté n'est pas seulement une question de droits civils, mais aussi de droits sociaux.

3) Des pratiques, des politiques et des outils pour le changement social et le développement communautaire deviennent donc nécessaires, tels que l'échange, la coopération, la co-construction.

José Miguel Caldas de Almeida Professeur de psychiatrie et santé mentale à la Faculté de Sciences Médicales de l’Université NOVA de Lisbonne (Portugal) Au cours des dernières décennies, des progrès significatifs ont été réalisés en Europe dans les réformes de santé mentale qui ont contribué à l´empowerment des personnes souffrant de troubles mentaux et à les impliquer dans la défense, la politique, la planification, la législation, la prestation de services, la surveillance et la recherche. Ce changement radical a été possible non seulement parce qu'un changement conceptuel s'est produit, mais aussi parce qu'un changement de paradigme a lieu en santé mentale. Les principes fondateurs de ce nouveau paradigme sont :

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• Adoption d'une approche de santé publique, traitant de la promotion, de la prévention et des soins à toutes les étapes de la vie et mettant l'accent sur les interventions précoces ;

• Incorporation d'une approche pangouvernementale et multisectorielle ; • Promouvoir une approche fondée sur les droits de l'homme, en prévenant la

stigmatisation, la discrimination et l'exclusion sociale ; • Développement d'approches axées sur le rétablissement, socialement inclusives et

communautaires ; • Empowerment et participation des patients, des familles et de leurs organisations ; • Veiller à ce que les politiques et les actions s'appuient sur des données de recherche

solides. Dans le domaine politico-législatif, les actions clés du changement sont :

• Assurer l'accessibilité et l'équité et protéger les droits humains ; • Affecter les ressources en fonction des besoins réels des populations ; • Améliorer le leadership et la gouvernance du système de santé mentale ; • Mettre en place une coopération intersectorielle au niveau local, régional, national et

européen ; • Soutenir et impliquer les organisations de personnes atteintes de troubles mentaux ; • Promouvoir la sensibilisation à la santé mentale, l’empowerment et les compétences

des professionnels. Dans l’organisation des services :

• Assurer la transition vers des soins de santé mentale dans la communauté et la conclusion de la désinstitutionalization ;

• Souligner la disponibilité des soins de santé mentale pour les personnes atteintes de troubles mentaux communs ;

• Coordonner les soins de santé et les soins sociaux pour les personnes atteintes de troubles mentaux graves ;

• Fournir des soins intégrés pour les troubles mentaux et physiques ; • Impliquer les usagers dans la planification de leurs soins.

Dans la formation et la recherche :

• Former et recycler les professionnels ; • Développer les capacités des leaders en santé mentale et des différents

intervenants ; • Améliorer les connaissances et renforcer les capacités des utilisateurs ; • Un nouveau paradigme est nécessaire dans la recherche en santé mentale ; • Il faut investir davantage dans la recherche en santé mentale publique, la recherche

sur les services et des études sur la mise en œuvre ; • Augmenter la collaboration de différentes disciplines et la participation des

utilisateurs. Les recommandations : Les pays de l'Union européenne ont une expérience unique dans le développement des réformes de santé mentale. La collaboration développée au cours de la dernière décennie a permis d'utiliser cette expérience pour construire un cadre d'action consensuel (EU Framework for Action) pouvant aider tous les pays dans les étapes nécessaires à l'achèvement de leurs réformes.

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Les États membres et les organisations concernées doivent poursuivre leur collaboration afin de compléter les actions importantes déjà incluses dans la « Compass for Action » de l'UE sur la santé mentale et le bien-être. De nouvelles initiatives sont nécessaires pour:

• Inclure la santé mentale parmi les priorités de l'UE ; • Préserver et partager les réalisations uniques accomplies en Europe dans la mise en

œuvre des réformes de la santé mentale assurant une couverture universelle, ainsi que des soins communautaires axés sur la défense des droits de l'homme et le rétablissement ;

• Renforcer la collaboration entre les États membres et les autres parties prenantes dans la mise en œuvre des politiques et stratégies de santé mentale ;

• Maximiser l'utilisation des opportunités offertes par les programmes, fonds et outils de l'UE qui peuvent jouer un rôle important dans le suivi des recommandations incluses dans le cadre d'action.

Rene Keet, Psychiatre GGZ-Noord-Holland-Noord, Président du réseau EUCOMS Nous n'avons pas un modèle universel mais des principes universels qui définissent la santé mentale communautaire. Quel rôle les services de santé mentale peuvent-ils jouer pour promouvoir le bien-être dans la communauté ? Nous pouvons identifier 6 perspectives: ETHIQUE, SANTE PUBLIQUE, RETABLISSEMENT, EFFICIENCE, RESEAU, EXPERTISE DES PAIRS. Qu’avons-nous accompli jusqu’à là ?

ETHIQUE Peu : espérance de vie limitée/emplois compétitifs/ participation à la vie de la communauté.

SANTE PUBLIQUE Peu, pas assez d'attention, sous-estimation de l'importance.

RETABLISSEMENT Espoir : changement de paradigme ; risque de programmes faits « pour la vitrine ».

EFFICIENCE Espoir : début d'un changement de paradigme dans la recherche ; risque de camps divisés.

RESEAU Beaucoup : modèles d'organisation des soins de santé mentale communautaires ; groupes de ressources ; Peu : connexion au-delà du CMH.

EXPERTISE DES PAIRS

Espoir : Troisième domaine d'expertise, mais peu de pairs experts, encore moins d'autres professionnels ouverts à cette question.

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Margaret Walker Secrétaire générale à l’European Federation of Associations of Families of People with Mental Illness (EUFAMI) EUFAMI a été fondée en 1992 et représente environ 25 millions de familles européennes. Ce sont 35 organisations membres dans 22 pays. La mission d'EUFAMI est de représenter tous les membres des familles des personnes atteintes de troubles psychiques sévères afin que leurs droits et intérêts soient protégés et promus. Que disent les familles? (#C4Csurvey, étude réalisée par l’institut Lucas KULeuven sur 1111 personnes s'occupant d'un membre de leur famille ayant de graves problèmes de santé mentale dans toute l'Europe) Les aidants ont besoin d’aide :

- 4 sur 10 se déclarent insatisfaits du soutien apporté par les médecins - Un tiers des personnes se déclare insatisfait du soutien apporté par les infirmiers - Seules 3 personnes sur 10 se déclarent insatisfaits du soutien apporté par les

travailleurs sociaux - La moitié des personnes se déclare insatisfaite face à la possibilité de trouver aide et

soutien des professionnels par rapports à leur besoin en tant qu’aidants - 1 personne sur 4 est insatisfaite du soutien qu’elle reçoit sur son lieu de travail - Les aidants ont déclaré une plus grande satisfaction concernant l’aide proposée par

les organisations/associations de patients/aidants.

Les familles voudraient davantage de reconnaissance : - Les aidants ne se sentent pas impliqués dans les décisions importantes. - Seuls un tiers d’entre eux estiment satisfaisant leur implication dans les décisions

importantes concernant le plan de traitement et de soins. - 4/10 se déclarent insatisfaits de leur implication et leur possibilité d’influer sur des

décisions importantes. - Moins de 4 aidants interrogés sur 10 estiment que les équipes médicales et de soin

les prennent au sérieux et tiennent compte d’eux. - Moins d’un aidant sur 4 estime que la communication entre les professionnels de

santé se passe bien. Le triangle d’alliance dans le soin est fondamental :

- La communication avec les membres de la famille est essentielle. - Les aidants naturels doivent être entendus de manière approfondie (antécédents

familiaux, comportement inhabituel). - Une partie de ce qu'ils vivent peut ne pas être reconnue comme étant des

symptômes, alors qu'un médecin le fera. - Nous avons besoin d'un travail en équipe au lieu de rendez-vous individuels.

L’organisation par différents rendez-vous avec différents professionnels de soins de santé est ressentie comme très lourde par patients et familles. De plus, chaque professionnel de santé ne voit que son propre point de vue.

- Les médicaments seuls ne suffisent pas. Un soutien psychosocial est toujours nécessaire.

- Les personnes devraient être en mesure de faire des choix éclairés. - Les familles sont le principal soutien aux patients et, à ce titre, elles doivent participer

aux temps de réflexions et à la prise de décision.

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- Les membres de la famille doivent être intégrés au travail des équipes de soins. Leur permettre d’être présent avec l'équipe, de partager leurs expériences quotidiennes avec leurs proches, apporterait une vision différente.

- Les membres de la famille doivent avoir un contact au sein de l'équipe professionnelle, qu’elles peuvent appeler pour obtenir de l'aide

Pour aider à résoudre les défis auxquels les citoyens font face aujourd'hui dans le système de santé mentale, l'EUFAMI recommande :

- impliquer les aidants familiaux dans toutes les prises de décision - Fournir aux aidants familiaux TOUTES les informations nécessaires, et pas

seulement les informations de base. - Utiliser, encourager et soutenir l'approche du " triangle des soins ".