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Syst` eme national de gouvernance, structures locales et logique de cr´ eation et d’appropriation de rentes : les enseignements du cas Vodafone / Mannesmann Peter Wirtz To cite this version: Peter Wirtz. Syst` eme national de gouvernance, structures locales et logique de cr´ eation et d’appropriation de rentes : les enseignements du cas Vodafone / Mannesmann. Finance Contrˆ ole Strat´ egie, Association FCS, 2001, 4 (4), pp.163-201. <halshs-00748140> HAL Id: halshs-00748140 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00748140 Submitted on 7 Nov 2012 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destin´ ee au d´ epˆ ot et ` a la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publi´ es ou non, ´ emanant des ´ etablissements d’enseignement et de recherche fran¸cais ou ´ etrangers, des laboratoires publics ou priv´ es.

Syst eme national de gouvernance, structures locales et logique … · 2017-01-29 · The Vodafone/Mannesmann case study illustrates the acceptability of the the oretical framework

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Systeme national de gouvernance, structures locales et

logique de creation et d’appropriation de rentes : les

enseignements du cas Vodafone / Mannesmann

Peter Wirtz

To cite this version:

Peter Wirtz. Systeme national de gouvernance, structures locales et logique de creation etd’appropriation de rentes : les enseignements du cas Vodafone / Mannesmann. FinanceControle Strategie, Association FCS, 2001, 4 (4), pp.163-201. <halshs-00748140>

HAL Id: halshs-00748140

https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00748140

Submitted on 7 Nov 2012

HAL is a multi-disciplinary open accessarchive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come fromteaching and research institutions in France orabroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, estdestinee au depot et a la diffusion de documentsscientifiques de niveau recherche, publies ou non,emanant des etablissements d’enseignement et derecherche francais ou etrangers, des laboratoirespublics ou prives.

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Finance Contrôle Stratégie � Volume 4, N° 4, décembre 2001, p. 163 � 201.

Système national de gouvernance, structures locales et logique de création et d�appropriation de rentes : les enseignements du cas Vodafone / Mannesmann

Peter WIRTZ Université de Paris 2

Classification JEL : G320, G380 Correspondance : 70, rue Crillon 69006 Lyon Email : [email protected]

Résumé : Cet article cherche à expli-quer l�évolution dynamique des diffé-rents niveaux du gouvernement d�entreprise : le niveau national et le niveau local. L�étude du cas Voda-fone/Mannesmann illustre l�accepta-bilité de la grille théorique et donne plus d�épaisseur à certains concepts théoriques. Mots clés : gouvernance � espace discrétionnaire � rentes � schéma mental.

Abstract : This paper proposes an ex-planation of the dynamics concerning different levels of corporate govern-ance : the national and local levels. The Vodafone/Mannesmann case study illustrates the acceptability of the theoretical framework. Key words : governance � managerial discretion � rents � mental pattern.

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En mars 1997, Krupp, grand sidérurgiste allemand, tente une OPA hostile sur son concurrent Thyssen. Cette dernière échoue compte tenu des règles institutionnelles outre-Rhin, qui n�admettent traditionnellement pas les prises de contrôle hostiles comme un mécanisme de gouver-nance légitime. La principale cause de cet échec est une vague de pro-testations de la part des salariés et de la classe politique, entretenue par le dirigeant de la cible, qui s�appuie sur un certain nombre d�idées re-çues en matière d�approche de la vie des affaires en Allemagne. No-tamment, le rejet de l�action de Krupp oppose les vertus de la « philosophie » rhénane, d�essence consensuelle, aux inconvénients du marché des prises de contrôle hostiles [P. Wirtz 1999].

Plus de deux ans après, en novembre 1999, une autre prise de contrôle hostile de grande envergure est tentée en Allemagne. Cette fois, les protagonistes sont des acteurs majeurs du secteur de la télé-phonie mobile : le britannique Vodafone (chiffre d�affaires du 01/04/1998 au 31/03/1999 : 5 530 M$), qui formule l�offre, et l�allemand

Mannesmann (chiffre d�affaires 1998 : 19 065 M�1), la cible. Ce qui est remarquable, dans ce cas, c�est l�absence d�une onde de choc protesta-taire comparable à ce qui a pu être observé en mars 1997. En effet, il y a peu de critiques concernant le mécanisme de la prise de contrôle en soi, le refus de la part de Mannesmann concernant seulement le fond de l�offre. Ainsi, Klaus Esser, le dirigeant de la cible, utilise, dans sa dé-fense, une argumentation en termes de valeur, signalant entre autres sa perception d�un prix offert trop faible et sa conviction de mieux maîtri-ser le processus de création de valeur que le dirigeant concurrent, Chris Gent.

1 Ces chiffres proviennent du site internet de Mannesmann, ainsi que du do-cument de référence de l�offre. Il s�agit, dans les deux cas, du chiffre d�affaires consolidé du groupe. Ces données sont, cependant, difficilement comparables, compte tenu de la focalisation de Vodafone sur la téléphonie mobile, alors que Mannesmann est fortement diversifié. Le groupe allemand est, en effet, présent dans quatre secteurs d�activité, baptisés engineering, automotive, telecommunica-tions, tubes. Dans les seules télécommunications, Mannesmann dégage un chif-fre d�affaires de 2 809 M�, au titre des 6 premiers mois de l�année 1999. Pour Vodafone, entre avril et septembre 1999, ce chiffre s�élève à 5 256 M$, après consolidation d�AirTouch, acquis fin juin 1999.

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L�opération lancée par Vodafone indique, donc, qu�un changement de mentalités semble s�être opéré outre-Rhin quant à l�acceptation des mécanismes du marché du contrôle. Par ailleurs, il est intéressant de constater que l�événement en question n�est pas la première tentative de rapprochement entre Vodafone et Mannesmann, mais fait suite à plusieurs essais infructueux de la part du britannique. Depuis janvier 1999, ce dernier explore en effet, par la voie de discussions directes en-tre les équipes dirigeantes, le potentiel provenant d�une éventuelle al-liance entre les deux groupes. Mais, en octobre 1999, Klaus Esser pré-fère saisir l�opportunité de racheter Orange, un autre grand opérateur britannique et concurrent direct de Vodafone. Chris Gent contacte alors directement son homologue allemand afin de le persuader de l�intérêt d�une fusion entre Vodafone et Mannesmann. Les termes proposés pour ce rapprochement sont cependant rejetés comme insuffisants par la direction de l�entreprise allemande. C�est seulement à la suite de ce refus que Chris Gent décide d�une approche plus contraignante pour Mannesmann, se tournant d�abord vers le conseil de surveillance avec une offre améliorée et, en raison d�un nouveau refus, directement vers les actionnaires par le biais d�une OPE. Quelques jours avant la date li-mite de cette offre, une solution négociée est finalement trouvée, inté-grant une nouvelle amélioration des termes de la reprise.

Les événements que nous relatons ci-dessus conduisent à une inter-rogation à deux niveaux. Premièrement, quels sont les facteurs suscepti-bles de contribuer à comprendre le changement apparent des institutions du gouvernement d�entreprise dans un pays comme l�Allemagne ? No-tamment, l�accroissement du poids du marché du contrôle au sein du système national, trouve-t-il une explication plausible ? Deuxièmement, quelle est la logique qui sous-tend le fonctionnement dynamique des mé-canismes de gouvernance au niveau local, c�est-à-dire au niveau d�une entreprise particulière, et quelle est l�articulation avec le niveau global ?

Le présent article tente d�apporter quelques éléments de réponse à ces questions. Par rapport à d�autres travaux sur l�évolution de la gou-vernance allemande [P. Wirtz 1999, 2000 a], il bénéficie d�un recul plus important, permettant de confronter certaines propositions à un matériau empirique inédit. Ainsi, le passage du temps, ponctué d�événements sail-

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lants, est une donnée importante pour quiconque cherche à évaluer l�acceptabilité d�un cadre évolutionniste.

Par la suite, nous allons d�abord exposer les concepts théoriques et leurs liens (1), susceptibles de renforcer la compréhension des change-ments constatés. Le cadre conceptuel ainsi obtenu s�appuie, en grande

partie, sur les apports de la théorie positive de l�agence2 et de la théorie

du changement institutionnel3. Ensuite, ce cadre sera confronté à l�épreuve des faits. Ceci implique un examen approfondi de l�étude de cas Vodafone/Mannesmann par rapport à nos propositions théoriques (2).

1. L�évolution de la gouvernance sous l�efficience

contrainte

Afin de préciser la grille théorique, il convient, dans un premier temps, de définir les principaux concepts mobilisés (1.1.). Ensuite, nous chercherons à expliciter les vecteurs de l�évolution d�un système natio-nal de gouvernance (1.2.), avant de tenter d�approfondir notre compré-hension du déroulement d�un processus de changement au niveau des structures locales (1.3.).

1.1. Gouvernance, latitude managériale et schéma mental :

les fondements théoriques

Le dispositif de gouvernance qui caractérise une entreprise peut être défini comme l�ensemble des contraintes qui alignent le comporte-

2 L�article fondateur est celui de M.C. Jensen, W. Meckling [1976]. Ce dern ier contient les bases d�une théorie organisationnelle très large et un modèle finan-cier beaucoup plus re s treint. La construction de notre grille théorique se réfère surtout au premier de ces deux aspects. Pour une analyse approfondie des fo n-dements conceptuels de la théorie positive de l�agence, voir G. Charreaux [1999]. 3 Nous nous inspirons surtout des travaux de D. North [1990, 1993]. Pour une synthèse du courant institutionnaliste plus globalement, voir également P. Joffre, B. de Montmorillon [2001].

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ment du dirigeant avec les intérêts des divers partenaires de la firme4. De cette manière, la gouvernance apparaît comme un système qui déli-mite la liberté d�action du dirigeant, c�est-à-dire sa latitude managériale ou son espace discrétionnaire [G. Charreaux, 1997]. Le gouvernement d�entreprise (GE) impose donc un certain nombre de contraintes. Ces dernières interviennent, en principe, à différents niveaux. Ainsi, nous dis-tinguons le niveau du système de GE englobant d�un pays de celui des structures de GE locales. Alors que le premier niveau concerne poten-tiellement l�ensemble des entreprises qui évoluent dans un pays (droit des sociétés, développement du marché du contrôle, ...), le second ni-veau décrit les structures d�incitation et de contrôle s�appliquant au diri-geant d�une entreprise spécifique (composition du conseil d�administration, structure de capital, ...). Système englobant et structu-res locales définissent ensemble un dispositif, qui rend possible le fonc-tionnement de certains mécanismes de gouvernance concrets, comme, par exemple, le déclenchement d�une OPA sur telle entreprise, caracté-risée par telle structure de capital et évoluant dans tel pays. Par consé-quent, l�action du dirigeant est encastrée dans un système complexe, et elle interagit avec les différents niveaux évoqués.

Une telle explication interactionniste implique, par ailleurs, une nature fondamentalement dynamique du dispositif de gouvernance. Du fait

même de l�existence d�un espace discrétionnaire5, les contraintes pe-sant sur le dirigeant ne sont pas immuables, mais évoluent au cours du temps. La question des causes de cette évolution ainsi que de sa nature fait l�objet des deux sections suivantes. Pour l�instant, retenons simple-ment que le principe explicatif qui sous-tend notre grille théorique est celui de l�efficience [P. Milgrom, J. Roberts 1992]. Selon ce principe,

4 Cette définition diverge de celle proposée par A. Shleifer, R. Vishny [1997], dans la mesure où ces derniers considèrent exclusivement les intérêts des inves-tisseurs financiers. Également plus étroite que celle de G. Charreaux [1997], la définition de A. Shleifer, R. Vishny [1997] rencontre, en fait, des limites lors-qu�on postule la contingence spatio -temporelle des phénomènes de gouver-nance, certains systèmes fa isant une place importante aux intérêts de partenai-res non financiers. 5 Les termes latitude managériale, marge de man�uvre et liberté d�action sont sy-nonymes.

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les institutions et les arrangements organisationnels � dont ceux qui concernent la gouvernance � sont soumis à un mécanisme de sélection naturelle qui explique que, sur le long terme, seulement les solutions re-lativement les plus efficientes s�imposent.

Mais, l�efficience supposée pour les besoins de notre grille théorique ne doit pas être comprise dans un sens absolu. Elle est seulement rela-tive, le choix du meilleur dispositif de gouvernance ne pouvant s�opérer

que parmi l�ensemble des solutions connues et réalisables6. On peut dès lors parler d�une efficience contrainte , dont les limites sont, entre autres, cognitives, comme le montrent P. Roberts, R. Greenwood [1997]. Par ailleurs, le fonctionnement du processus de sélection n�est pas instantané. En fait, les mouvements d�ajustement lors du passage d�un équilibre à un autre subissent des frictions, ce qui peut expliquer la survie transitoire de certains arrangements relativement inefficients.

Seulement le principe de l�efficience contrainte permet potentielle-ment d�expliquer l�émergence d�équilibres multiples, à la fois dans l�espace et dans le temps. Cette représentation de l�efficience et du processus d�évolution lié est elle -même tributaire d�un postulat particu-lier concernant la rationalité des acteurs. En effet, dans un cadre évolu-tionniste, cette rationalité n�est pas substantielle, mais procédurale [H. Simon, 1982].

Conformément à l�hypothèse de la rationalité procédurale, les acteurs sont supposés ne pas agir en fonction d�un ensemble de paramètres ob-jectifs, dont ils auraient une connaissance exhaustive, antic ipant correc-tement les conséquences de leurs choix, mais en fonction de leur repré-sentation subjective de la réalité. Cette dernière peut être qualifiée de schéma mental [A. Denzau, D. North 1994]. Dans la théorie du chan-gement institutionnel, un schéma mental est donc une théorie qu�un indi-vidu détient sur la réalité. En façonnant sa perception des opportunités, cette théorie (subjective) influence ses comportements. Autrement dit, les individus agissent, non pas en fonction d�un ensemble de données

6 G. Charreaux [1999] souligne la compatibilité de cette acception de l�efficience, également connue sous le nom de critère de remédiabilité, avec les théories contractuelles des organisations en général, et la théorie positive de l�agence en particulier.

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objectives, mais par rapport à la connaissance qu�ils en ont. Cette connaissance est tributaire de l�information disponible, interprétée à tra-vers le prisme du schéma mental.

Pour les besoins d�une explication opérationnelle des phénomènes de gouvernance, la définition précédente est cependant trop large. Il convient alors de s�appuyer sur une formulation cohérente avec notre conceptualisation de la gouvernance en fonction des intérêts des diffé-rentes parties prenantes. En admettant que ces intérêts, pour une entre-prise, peuvent s�articuler autour de la notion de valeur, nous retenons la définition suivante : un schéma mental est une représentation du rôle

des différents partenaires de la firme dans le processus de création

de valeur ainsi que de la rémunération appropriée de leur apport. Ainsi, dans leurs structures cognitives, certaines personnes accordent par exemple une place prépondérante aux intérêts des actionnaires, alors que d�autres mettent l�ensemble des parties prenantes sur un pied d�égalité. À ce point, on rejoint la problématique qui oppose la valeur ac-tionnariale à la valeur partenariale [G. Charreaux, P. Desbrières 1998]. La perception, par un dirigeant, des opportunités de création et d�appropriation de la valeur dépend vraisemblablement du concept de valeur auquel il adhère. Le schéma mental fonctionne, donc, comme des lunettes conditionnant le regard sur l�adéquation d�un dispositif de gou-vernance avec l�efficience. Chaque individu détient son schéma mental personnel. Il s�agit de ses structures cognitives individuelles. Au-delà, il existe certains présup-posés idéologiques centraux, auxquels adhère potentiellement une popu-lation plus large, sans que les structures cognitives de chaque individu de la population convergent forcément dans chaque détail. L�ensemble de ces présupposés largement acceptés est constitutif de ce qu�il convient d�appeler le schéma mental partagé, ou encore l�idéologie dominante. Cette dernière est susceptible d�être repérée grâce à certains éléments idéologiques saillants, faisant l�objet d�un large consensus, sans qu�il y ait pour autant une convergence parfaite des structures cognitives de chacun.

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1.2. Schéma mental partagé et évolution du système national

de gouvernance

Dans la théorie du changement institutionnel, le terme « institution » est défini comme toute règle du jeu, canalisant le comportement humain [D. North 1990]. En ce sens, il est possible d�assimiler les règles de la gouvernance à un type particulier d�institutions. Plus précisément, le dis-positif de gouvernance détermine les règles du jeu en matière de contrôle et d�incitation des dirigeants. Alors que les institutions en géné-ral concernent globalement le comportement humain, la gouvernance a comme objet de canaliser plus particulièrement l�action du dirigeant.

Le système de GE englobant entretient théoriquement des relations étroites avec le schéma mental partagé. Le premier peut être considéré comme l�incarnation institutionnalisée/formalisée du second. Mais, compte tenu de la rationalité procédurale, le schéma mental partagé n�est pas statique. En effet, la connaissance et, corrélativement, les limi-tes cognitives des acteurs évoluent au cours du temps en fonction d�un processus d�apprentissage. Dans ce dernier, l�action innovante de cer-tains acteurs, que D. North [1993] qualifie d�entrepreneurs organisa-

tionnels, joue théoriquement un rôle important. Un tel entrepreneur est typiquement le dirigeant à la tête d�une organisation, dont le schéma mental individuel diverge plus ou moins de l�idéologie dominante. De ce fait, il perçoit des opportunités nouvelles de création et d�appropriation de valeur comme le résultat d�un changement du cadre institutionnel. L�entrepreneur de ce type, fort des ressources de l�organisation qu�il préside, tentera alors de mettre en �uvre une stratégie de changement des règles du jeu en matière de gouvernance. Cette action, par le pré-cédent qu�elle crée, est susceptible d�avoir une certaine influence sur le schéma mental partagé. Il semble en effet plausible de supposer un ef-fet de rétroaction du comportement innovant d�un dirigeant particulier sur les limites cognitives d�une population plus large. Ainsi, P. Roberts, R. Greenwood [1997, p. 362] expliquent que la réussite de la mise en place d�une structure innovante par une organisation contribue à légiti-mer ce type de structure et à modifier, par conséquent, « les contrain-

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tes institutionnelles préconscientes7 et/ou post-conscientes ». L�action des entrepreneurs organisationnels apparaît, donc, comme un vecteur important de la dynamique du schéma mental partagé. En prin-cipe, ce dernier n�évolue cependant pas instantanément (en quelque sorte par sauts brutaux). Au contraire, le processus d�apprentissage qui le transforme, du fait qu�il implique une multitude d�individus, possède une dimension temporelle non négligeable. Par ailleurs, certains acteurs sont susceptibles d�avoir un intérêt fort lié au maintien de l�approche traditionnelle si cette dernière valorise leur position. On peut alors sup-poser qu�il vont mettre en �uvre des stratégies pour résister activement à la propagation des idées innovantes. Ceci est potentiellement de nature à accroître les coûts d�adaptation du schéma mental partagé. Mais, malgré les forces d�inertie qui modèrent l�impact de l�initiative entrepre-neuriale, les structures et contraintes cognitives caractéristiques des ac-teurs d�une certaine population ne sont pas statiques. Il semble, par conséquent, plausible de supposer que l�idéologie dominante en matière de gouvernance subit des transformations graduelles au cours du temps,

impulsées par l�action de certains dirigeants, d�où l�énoncé8 suivant. Le

7 Les contraintes institutionnelles préconscientes sont les présupposés idéologiques implicites, qui induisent une perception des choses considérée comme une év i-dence par la population détenant cette idéologie. 8 Nous remercions un des rapporteurs anonymes d�avoir attiré notre attention sur le statut épistémologique des énoncés théoriques de cette section. Se si-tuant à un niveau d�analyse d�un degré de complexité relativement élevé (celui du système englobant de GE soumis à l�interaction de forces multiples qui dé-passent théoriquement l�influence des seuls dirigeants d�entreprise), ces énon-cés ne sont volontairement pas conçus comme des hypothèses fermées et dis-criminantes, faisant l�objet d�un test empirique. En effet, s�agissant de la repré-sentation de mécanismes intervenant au niveau d�une population relativement étendue (celle des différentes parties prenantes à la vie des entreprises d�un pays), un tel test nécessiterait le recours à un ma tériau empirique plus riche que celui auquel donne accès la focalisation de cet article sur l�étude d�un cas uni-que. En effet, nous traitons des forces d�évolution du système englobant de GE seulement dans la mesure où celles -ci ont un lien direct avec la dynamique lo-cale de la gouvernance d�une entreprise particulière. Notons, à ce sujet, qu�une des critiques qu�on peut adresser aux premières théories de la gouvernance est l�absence d�une contextualisation explicite des modèles, ce qui réduit leur pou-voir explicatif [P. Wirtz 2000 a]. Nos énoncés théoriques concernant l�évolution des systèmes englobant de GE ont alors, ju s tement, comme objectif de démon-

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schéma mental partagé évolue au cours du temps. Relativement aux

changements proposés par certains entrepreneurs organisation-

nels, le rythme d�évolution de l�idéologie dominante est cependant

peu soutenu. Si le système englobant de GE d�un pays est l�incarnation institution-nelle du schéma mental partagé, l�évolution de ce dernier est susceptible d�entraîner des modifications dans le répertoire des mécanismes de gouvernance potentiellement disponibles. Le rôle de l�idéologie domi-nante pour les changements du système de GE apparaît cependant comme ambivalent. D�une part, ses changements facilitent l�introduction de certaines innovations concernant les mécanismes d�incitation et de contrôle des dirigeants. En ce sens, l�action d�un entrepreneur organisa-tionnel est susceptible de s�appuyer sur les modifications des présuppo-sés idéologiques communément admis pour justifier sa stratégie. Le schéma mental partagé est donc potentiellement un levier d�action. D�autre part, l�évolution seulement graduelle de l�idéologie dominante, telle que supposée précédemment, est susceptible de freiner les chan-gements du système de gouvernance qui s�écarteraient trop du sentier historique. D. North [1993] insiste sur la nature incrémentale du chan-gement institutionnel, ce dernier étant théoriquement caractérisé par la dépendance de sentier (path dependence). Ceci peut expliquer que l�action locale d�un dirigeant particulier n�induit pas un changement immédiat et brutal du système national de gouvernance, si le schéma mental individuel motivant cette action affi-che un écart très prononcé avec l�idéologie dominante. Vraisemblable-ment, le succès d�une stratégie entrepreneuriale portant sur les institu-tions de la gouvernance est conditionné par la relative proximité des

trer la nécessité d�une telle contextualisation. Pour les besoins de cette recher-che, ils prennent la forme d�heuristiques (au sens étymologique du terme), et n�ont, par conséquent, pas le même statut que les propositions de la section 1.3. En fait, la fonction des énoncés (de 1.2.) est de mieux structurer l�exploration em-pirique des changements du cadre institutionnel, permettant de focaliser l�attention exclusivement sur les éléments contextuels a priori pertinents par rapport à la dynamique du dispositif local de gouvernance dans le cas Voda-fone/Mannesmann. Les propositions (de 1.3.), au contraire, une fois resituées dans un contexte institutionnel concret (voir la section 2.1.), peuvent faire l�objet d�une mise à l�épreuve empirique grâce à l�analyse rigoureuse du cas.

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changements proposés avec le schéma mental partagé traditionnel. Mais, même l�action radicale n�est pas, en principe, sans laisser de tra-ces sur l�évolution du système. Bien que, pour les raisons précédem-ment développées, elle ait une forte probabilité d�échec, elle alimente potentiellement le processus d�apprentissage modifiant le schéma men-tal partagé. En effet, on peut supposer que le précédent qu�elle crée fa-cilitera des transformations ultérieures du système de gouvernance, car, petit à petit, l�écart entre la perception entrepreneuriale de l�intérêt des changements et l�idéologie dominante se réduit, la dernière se rappro-chant de la première. Les développements précédents justifient, donc, l�énoncé suivant. Le système de gouvernance englobant évolue en

fonction de l�évolution du schéma mental partagé. Cette évolution

est caractérisée par la dépendance de sentier.

Avant de nous intéresser de plus près à la dynamique des structures locales de GE, il convient d�apporter quelques précisions quant à la na-ture du système englobant pertinent. La plupart des études comparati-ves en matière de systèmes de GE utilise traditionnellement un critère géographique, afin de tracer une frontière entre différents cadres englo-bants. On parle, ainsi, des systèmes de gouvernance allemand, japonais, anglo-saxon, etc. Cependant, dans un monde caractérisé par la globali-sation des marchés financiers, impliquant une diminution des coûts de transaction pour le transfert de capitaux, la question de la pertinence du critère national est désormais posée. Il ne semble donc pas irréaliste de supposer que le processus d�évolution des grands systèmes de gouver-nance contribue à la diminution du rôle joué par les frontières nationales dans les contraintes imposées aux dirigeants, au moins pour certains ty-pes d�entreprises. Notamment pour les grands groupes multinationaux, on semble actuellement assister à l�émergence d�un référentiel propre concernant les règles du jeu applicables. Le contact avec les dirigeants d�autres contextes culturels, de par les schémas mentaux qu�ils véhicu-lent, apparaît en fait comme un vecteur potentiel de l�évolution des

grands systèmes de GE9. L�affaiblissement des barrières nationales confère, par ailleurs, potentiellement à des dirigeants étrangers le rôle

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d�entrepreneurs organisationnels par rapport à un système institutionnel national qui n�est pas le leur, mais qui est devenu perméable. Ainsi, l�ensemble des parties prenantes est susceptible de s�élargir à de nou-veaux partenaires (étrangers), préalablement ignorés par l�équilibre ins-titutionnel. Ce dernier a alors tendance à se déplacer.

9 Pour une étude du rôle des fusions transfrontalières dans l�évolution des sys-tèmes de GE, voir J.P. Boissin et al. [2001].

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Peter Wirtz 175

1.3. Logique de changement d�un dispositif local de

gouvernance

Jusqu�à présent, nous avons étudié les mécanismes qui sous-tendent l�évolution du système de gouvernance englobant. Pour affiner la com-préhension du dispositif d�incitation et de contrôle délimitant l�espace discrétionnaire des dirigeants, l�analyse de la dynamique des structures locales est d�une grande importance. Les deux niveaux ne sont d�ailleurs pas indépendants, mais interagissent. Cette interaction ressort déjà de l�analyse proposée dans la section précédente, qui suppose l�impact de l�action locale d�un entrepreneur organisationnel particulier sur le développement du schéma mental partagé grâce à un mécanisme de rétroaction. Ainsi, à un moment donné, le système englobant de GE définit l�ensemble des possibles en matière de structures et mécanismes de GE potentiellement applicables au niveau local, tout en étant, à son tour, exposé à l�impact de certaines initiatives locales. Se pose alors la question de la logique qui anime la dynamique de la gouvernance locale. Compte tenu de leur position privilégiée au centre du noeud de contrats [C. Hill, T. Jones 1992], les dirigeants d�entreprise sont supposés jouer un rôle actif important dans la transformation de

leur espace discrétionnaire10 et, symétriquement, du dispositif de gou-vernance. Fort des leviers d�action que lui confère son organisation, le dirigeant sera vraisemblablement incité à mettre en �uvre ou à déjouer un certain mécanisme de gouvernance (une OPA hostile par exemple) lorsqu�il perçoit soit la possibilité de créer une rente substantielle, au moins partiellement appropriable grâce à ce mécanisme, soit le danger d�une diminution des possibilités de création et d�appropriation de ren-tes. Le dirigeant n�est cependant pas le seul intervenant dans le proces-sus d�ajustement conduisant d�un équilibre organisationnel (de deuxième

10 A. Shleifer, R. Vishny [1989] analysent un type de stratégie particulière, per-mettant aux dirigeants de neutraliser certains mécanismes disciplinaires à leur égard. Il s�agit seulement d�un exemple parmi d�autres pour illustrer les moyens dont dispose théoriquement le dirigeant pour aménager sa marge de man�uvre.

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ou de troisième rang11) à un autre équilibre supposé dominer le premier en termes d�effic ience relative et, donc, de création de valeur. Compte tenu de la rationalité procédurale de l�ensemble des acteurs, ce proces-sus d�évolution n�est pas linéaire et l�ajustement qu�il induit est loin d�être instantané. En fait, les parties prenantes, partic ipant à la négocia-tion plus ou moins implicite qui se déroule au passage d�un équilibre à un autre, procèdent vraisemblablement par une série d�initiatives différen-tes. Elles essaient théoriquement différents leviers d�action, prenant la forme de mécanismes de GE pour contraindre la partie adverse ou de stratégies d�enracinement, ayant chacun des implications particulières en termes de création et de répartition de rentes. Ces tentatives, lors-

qu�elles débouchent sur des échecs12, donnent théoriquement lieu à des ajustements stratégiques dynamiques. Selon le principe d�efficience, la solution retenue au bout de ce processus d�équilibrage complexe, où chacun fait jouer ses propres leviers d�action, représente un équilibre a

priori perçu comme étant supérieur à la situation initiale par les diffé-rents acteurs. Ce nouvel équilibre reste cependant fragile. Ainsi, seule-ment le passage du temps révèle si le nouveau dispositif de gouvernance a effectivement permis de créer de la valeur ex post. Dans le cas de la perception d�un échec à ce niveau, c�est-à-dire lorsque l�efficience per-çue franchit un certain seuil de satisfaction à la baisse, les dirigeants sont incités à rechercher d�autres solutions en matière de gouvernance [P. Roberts, R. Greenwood 1997], ce qui entretient la dynamique. Grâce aux développements précédents, on aboutit à la proposition 1.

Proposition 1 : dans la dynamique du dispositif local de gouver-nance, la perception des dirigeants en matière de création et de répartition de rentes joue un rôle central. Plus globalement, l�utilisation et l�acceptation d�un mécanisme de GE particulier

11 Pour une explication approfondie de la signification des différents niveaux d�efficience ainsi que de leur statut dans un cadre évolutionniste, voir G. Charreaux [1999]. 12 Un tel échec peut, par exemple, prendre la forme d�une rupture des négocia-tions implicites par des partenaires capables d�exercer une influence négative sur le processus de création de valeur.

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s�expliquent grâce à l�anticipation d�un surplus de valeur par les parties prenantes.

Précisons cependant que, dans un contexte de rationalité procédu-rale, la perception des opportunités de création et d�appropriation de rentes ne s�impose pas de la même manière à tout le monde. Elle dé-pend, au contraire, des structures cognitives des différents acteurs. Le schéma mental individuel, en définissant un concept de la valeur, in-fluence le regard du dirigeant sur le potentiel des différentes structures

de gouvernance à favoriser la création de rentes13. Prenons l�exemple de la valeur actionnariale. Les schémas mentaux des personnes adhé-rant à ce concept particulier de la valeur sont construits sur l�hypothèse implicite, selon laquelle les actionnaires sont les seuls créanciers rési-duels de la firme, les autres parties prenantes étant rémunérées à leur coût d�opportunité [G. Charreaux, P. Desbrières 1998]. Le détenteur de ce type de schéma mental est, par conséquent, susceptible d�évaluer fa-vorablement les mécanismes de GE censés garantir l�appropriation d�un maximum de la rente organisationnelle par les actionnaires. En effet, se-

lon l�approche actionnariale, la « rémunération appropriée »14 des ap-porteurs de fonds propres est l�intégralité du gain résiduel. Dans ce cas, la rente revenant aux actionnaires se confond avec la valeur créée. Mais, d�autres approches de la valeur sont théoriquement envisageables, opposant aux extrêmes du spectre, d�une part, les seuls actionnaires, d�autre part, l�ensemble des partenaires de la firme. Entre ces deux pô-

les, une multitude de représentations intermédiaires est envisageable15. Le concept de la valeur auquel adhère concrètement un dirigeant, parmi l�ensemble des représentations théoriquement possibles, influence son

13 Une rente représente une rémunération en excès du coût d�opportunité. Dans le cas de la survenance d�une telle rente, il y a, donc, création de valeur. 14 Rappelons que la définition du schéma mental contient une dimension modé-lisante (rôle des partenaires dans le processus de création de valeur) et une di-mension normative (rémunération appropriée de l�apport). 15 Ainsi, dans son étude concernant le concept de la firme, M. Yoshimori [1995] repère un concept dualiste, se situant entre les extrêmes moniste (actionnarial) et pluraliste (partenarial).

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interprétation des opportunités liées aux différents mécanismes de gou-vernance, ce qui permet de formuler la proposition suivante.

Proposition 2 : la perception, par un dirigeant, des opportunités de création et de répartition de rentes liées aux mécanismes de gouvernance dépend de son schéma mental individuel.

Notons que la proposition précédente permet d�apporter une préci-sion quant à la nature du conflit d�intérêts supposé dans notre grille théo-rique. En effet, le postulat de l�existence d�un conflit d�intérêts latent entre parties prenantes est classique dans les théories contractuelles des organisations. Il permet notamment d�expliquer l�apparition des coûts d�agence. Dans certaines approches, comme la théorie des coûts de transaction, le conflit d�intérêts repose sur une représentation du com-portement humain comme potentiellement opportuniste. La mobilisation du concept de schéma mental permet alors de compléter cette interpré-tation opportuniste par une interprétation cognitive du conflit d�intérêts : ce dernier ne dépend pas nécessairement de la validité de l�hypothèse d�opportunisme. En effet, il est tout à fait possible que le dirigeant d�une entreprise se considère, de bonne foi, comme un fidèle intendant [L. Donaldson 1990] de ses actionnaires, alors que son action n�est pas approuvée par ces derniers. L�origine d�une telle divergence de points de vue concernant la bonne stratégie à mener et du conflit d�intérêts qui en émane peut être expliquée par l�incompatibilité des schémas mentaux des parties prenantes. Si tel est le cas, l�apprentissage est théoriquement un vecteur permettant de réduire les conflits d�intérêts et de baisser ain-si les coûts d�agence. G. Charreaux [2001] montre, en effet, que l�approche cognitive de la gouvernance dépasse l�aspect purement dis-ciplinaire, traditionnellement privilégié dans les modèles d�agence.

2. Les enseignements du cas Vodafone / Mannesmann

À présent, nous allons confronter la grille théorique concernant la dynamique d�un dispositif de gouvernance au déroulement des événe-

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ments dans le cas Vodafone/Mannesmann. Dans un souci de saturation théorique et de triangulation, les analyses suivantes se fondent sur l�étude approfondie de sources multiples. Il s�agit du document de réfé-rence de l�offre de prise de contrôle, daté du 23 décembre 1999, des ar-ticles parus dans le Handelsblatt (quotidien économique allemand de référence) entre le 26 octobre 1999 et le 29 février 2000, des communi-qués de presse publiés par les deux entreprises pendant la période étu-diée (Vodafone : 16/11/99 � 04/02/00, Mannesmann : 14/11/99 - 04/02/00) et du récit des négociations entre Mannesmann et Vivendi par Jean-Marie Messier [J.M. Messier 2000]. Ces données qualitatives ont

été soumises à une analyse de contenu formatée16 en fonction d�une grille de codification établie ex ante (voir annexe). La démarche adop-tée se conforme aux principes méthodologiques qui ont été développés par ailleurs [P. Wirtz 2000 b].

La présentation des principaux résultats du cas se fera en deux temps. En fait, nous allons d�abord resituer cette prise de contrôle dans le contexte de l�évolution du système de GE allemand (2.1.), avant de faire part de nos observations concernant la logique de création et de répartition de rentes à l��uvre dans le déroulement d�un événement local (2.2.).

2.1. L�Allemagne marquée par l�affirmation d�un changement

des mentalités

L�initiative de Vodafone intervient dans un contexte allemand qui, au cours des années 1990, a connu une modification de l�idéologie de la va-leur dans le sens d�un renforcement des intérêts des actionnaires, asso-cié à une légitimation croissante des prises de contrôle hostiles (2.1.1.). Ce changement du schéma mental partagé s�accompagne d�un certain nombre de changements institutionnels, qui ont un impact sur le fonc-tionnement réel des mécanismes du marché du contrôle, comme

16 Notre analyse de contenu se fonde, en grande partie, sur les principes mé-thodologiques exposés par M. Miles, A.M. Huberman [1994]. Ces auteurs re-commandent de faire un repérage systématique, grâce à un ensemble de codes, de tous les passages de texte correspondant aux thèmes de la recherche.

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l�illustre le cas Vodafone/Mannesmann (2.1.2.). Compte tenu de son envergure, ce dernier est susceptible de jouer, à son tour, un rôle non négligeable dans le processus du changement des règles du jeu.

2.1.1. De l�approche consensuelle à l�acceptation des prises de

contrôle17

Le schéma mental allemand de référence subit des mutations, conformément aux développements de la section 1.2. En fait, l�approche consensuelle, voire partenariale, qui caractérise l�idéologie traditionnelle, cède de la place à l�acceptation des mécanismes du marché, plus orien-tés vers la philosophie actionnariale. Ainsi, contrairement aux idées la r-

gement partagées il y a encore quelques années18, certaines voix consi-dèrent désormais que « la tentative de prise de contrôle hostile est

évidemment un droit » [Handelsblatt, 03/12/1999]. Les résultats d�un

sondage de la DWS19, rapportés dans la presse [Handelsblatt, 20/01/2000], sont significatifs à cet égard : 55 % des personnes interro-gées se prononcent en faveur des prises de contrôle hostiles si ces der-nières permettent de créer de la valeur.

Les événements du cas Krupp/Thyssen en 1997 semblent avoir joué un certain rôle dans l�évolution des structures mentales, qui font désor-mais une place plus large au mécanisme des prises de contrôle hostiles. En fait, des actions concrètes de certains dirigeants, en rupture avec les schémas traditionnels, créent des précédents et contribuent ainsi à bana-liser les OPA hostiles. Tel est le cas de la tentative de prise de contrôle

17 Compte tenu du statut des énoncés théoriques de la section 1.2., la présente sous-section ne contient pas de test d�hypothèses, mais cherche à restituer les éléments contextuels pertinents pour l�analyse de la dynamique de la gouver-nance chez Vodafone/Mannesmann. Ainsi, guidés par nos heuristiques, nous avons pu déceler un certain nombre d�indices quant à l�évolution du schéma mental partagé en Allemagne. Ces quelques indices font l�objet de la présente sous-section. 18 Pour s�en convaincre, on regardera la violence des réactions déclenchées par le projet d�OPA hostile lancé par Krupp sur Thyssen [P. Wirtz 1999]. 19 Deutsche Wertpapierschutzvereinigung. Il s�agit d�une importante association de protection des porteurs de vale urs mobilières en Allemagne.

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hostile lancée en mars 1997 par Krupp sur son concurrent Thyssen. Bien que l�opération se soit, par la suite, transformée en fusion amicale, l�approche hostile initiale peut être considérée comme un événement si-gnificatif ayant créé une véritable onde de choc pour le capitalisme rhé-nan [P. Wirtz 1999]. À l�époque, certains observateurs supposaient déjà que le cas Krupp/Thyssen avait valeur d�exemple et qu�il contribuerait à asseoir la légitimité des prises de contrôle en Allemagne par la suite [Handelsblatt, 19 mars 1997, « Ruhrindustrie / Beschäfitgte legen

die Arbeit nieder und bedrängen Krupp-Chef Cromme ;

Krupp/Thyssen ; Analysten » ; P. Wirtz 2000a, p. 275]. Mais, bien que plausibles, de telles hypothèses ne pouvaient pas encore se fonder sur des observations concrètes, en raison de la relative jeunesse de la pro-blématique. Le projet d�OPE hostile de fin 1999 étudié dans le présent article livre alors un matériau empirique nouveau, permettant potentiel-lement une illustration de l�influence de l�action d�un entrepreneur orga-nisationnel sur la formation du schéma mental partagé. Ainsi, en citant explicitement l�exemple de 1997, la presse considère par rapport à Vo-dafone/Mannesmann que l�Allemagne est déjà familiarisée avec ce type de bataille boursière [Handelsblatt, 04/02/2000]. On observe, donc, un indice quant à l�effet de rétroaction de l�action locale d�un diri-geant particulier sur la transformation graduelle des contraintes cogniti-ves d�une population plus large. L�approche innovante du dirigeant de Krupp ne fût cependant pas intégrée au sein du schéma mental partagé d�une manière instantanée, comme le montrent les conditions de l�échec de l�offre en 1997. Ainsi, les réticences par rapport au mécanisme des prises de contrôle hostiles se sont seulement affaiblies au cours du temps. Cet affaiblissement fût cependant réel comme l�indiquent les cri-tiques relativement modérées à l�égard de l�initiative de Chris Gent en 1999.

Outre le précédent historique, l�évolution des mentalités apparaît comme le résultat des actions de certains partenaires influents au sein du dispositif de gouvernance. Ainsi, le conseil de surveillance de Man-nesmann contient des « global players » qui ne raisonnent pas pure-ment dans des catégories nationales [Handelsblatt, 26/11/1999, « Die

Mannesmannaufseher sind am Zug »]. C�est-à-dire que leurs sché-

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mas mentaux intègrent progressivement des approches inspirées par le milieu des affaires international. De ce fait, le schéma mental rhénan traditionnel est susceptible de perdre de son poids. L�idéologie domi-nante évolue, donc, en fonction d�un processus d�apprentissage, où s�enchevêtre une multitude de facteurs explicatifs. Parmi ces facteurs, on retrouve le précédent historique et l�influence de certaines personnes importantes en matière de gouvernance (membres du conseil de surveil-lance par exemple) qui rentrent en contact avec la philosophie d�autres systèmes institutionnels que le pur référentiel national.

Ceci ne signifie cependant pas un abandon complet des schémas al-lemands traditionnels. En effet, tout en soumettant une offre qualifiée d�hostile par la cible, Chris Gent s�efforce de donner des gages aux diri-geants et aux salariés de Mannesmann. Les engagements pris en la ma-tière impliquent une valorisation de la position de plusieurs partenaires, qui dépasse celle d�un référentiel moniste, focalisé sur les seuls intérêts

des actionnaires20. On peut raisonnablement penser que ce sont, juste-ment, ces engagements de la part de l�attaquant qui ont laissé apparaître l�offre hostile comme légitime aux yeux des partenaires allemands. Par ailleurs, certains politiques haut placés, comme le Chancelier Schröder

20 En effet, le schéma mental individuel de Gent est, à l�origine, très fortement marqué par le référentiel anglo-saxon de nature actionnariale. En témoignent son argumentation cherchant à justifier le projet de rapprochement par « le meilleur intérêt des actionnaires » [Vodafone, communiqué du 19/11/1999] et les applau-dissements de ses actio nnaires lors de l�assemblée générale qui approuve avec une large majorité (98 %) son projet [Handelsblatt, 25/01/2000]. Très tôt, Gent semble cependant avoir intégré l�idée, selon laquelle le capital humain des sala-riés joue un rôle important dans la création de valeur. C�est pourquoi, malgré le lancement de l�OPE hostile, il continue à solliciter la recommandation du rappro-chement [Vodafone, communiqué du 20/01/2000], reconnaissant que la création de valeur sans l�adhésion des salariés s�avère difficile. D�une manière cohérente, il déclare au moment de conclure l�accord qu�une des priorités sera d�intégrer la culture et les capacités des équip es de Mannesmann [Vodafone, communiqué du 04/02/2000]. Afin d�inciter ces dernières à apporter leur concours à la straté-gie qu�il pense être créatrice de valeur, il leur donne la perspective d�une part i-cipation significative à la rente organisationnelle. Ainsi, il exclut des licencie-ments, promet une participation aux fruits de la croissance et garantit le main-tien des droits déjà acquis par les salariés [Vodafone, communiqué du 16/11/1999]. Malgré son origine anglo-saxonne, Gent évite donc de communi-quer s ur un schéma mental purement actionnarial.

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ou le Ministre-Président de la Rhénanie du Nord-Westphalie, se disent être inquiets ou se prononcent contre l�offre hostile, préférant une fusion entre égaux [Handelsblatt, 22/11/1999]. Il s�agit d�autant d�indices du fait que le schéma mental partagé ne change pas par un saut brutal, mais de manière graduelle.

Bien que peu violent, le changement est cependant réel. Ainsi, contrairement au cas Krupp/Thyssen, les politiques, les responsables des syndicats et les médias auraient fait preuve d�une certaine retenue [Handelsblatt, 04/02/2000], leurs prises de position étant moins vio-lemment opposées aux prises de contrôle. Compte tenu du processus de changement en cours, certains estiment même que l�attaque de Voda-fone imposera de « nouveaux standards » pour les prises de contrôle hostiles en Allemagne [Handelsblatt, 17/11/1999]. L�acceptation de ce mécanisme de gouvernance au sein de l�idéologie dominante semble, donc, grandissante en Allemagne. Ainsi, Hilmar Kopper, président du conseil de surveillance de la Deutsche Bank, considère le rachat de Mannesmann comme « un compliment pour l�économie allemande » [ cité dans Handelsblatt, 29/02/2000].

2.1.2. Changement des mentalités, institutions et pratique de la gouvernance en Allemagne

Traditionnellement, le système de GE allemand se caractérise surtout par des mécanismes relationnels, les marchés ne jouant qu�un rôle se-condaire [P. Moerland 1995]. L�organisation de ce système est forte-ment influencée par une philosophie des affaires faisant une large place à des partenaires de la firme autres que les seuls actionnaires. Ainsi, les grandes banques jouent un rôle important, et la position des salariés se trouve renforcée, grâce au système de la codétermination. Ce dernier implique, entre autres, une représentation paritaire des salariés au conseil de surveillance des plus grandes entreprises (celles de plus de 2000 salariés). Le marché du contrôle, lié aux intérêts des actionnaires, est traditionnellement peu développé. Au début de la décennie 1990 en-core, les observateurs de la gouvernance allemande [T. Baums 1993 ; J. Franks, C. Mayer 1990, p. 197], constatent l�occurrence rarissime

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des prises de contrôle hostiles, les relations outre-Rhin étant plutôt ré-gies par une approche consensuelle. Le schéma mental allemand tradi-tionnel est, par conséquent, incarné dans un système de gouvernance, au sein duquel les prises de contrôle hostiles jouent un faible rôle.

Mais, bien que graduelles, la gouvernance allemande a connu un cer-tain nombre de transformations au cours du temps [P. Wirtz 2000a, p. 226-231]. En effet, le rôle des actionnaires se trouve renforcé en même temps que l�augmentation du poids du marché du contrôle. Ainsi, un débat virulent est mené au sujet du gouvernement d�entreprise, dé-bouchant entre autres sur la « Loi concernant le contrôle et la transpa-rence des entreprises » de 1998 (KonTraG). Au-delà de la législation, d�autres initiatives, relevant plutôt de l�autorégulation, induisent des changements. Il s�agit notamment de la mise en place du « Code [alle-mand] des prises de contrôle » (Übernahmekodex) en 1995. L�adhésion à ce dernier est volontaire et la Commission des prises de contrôle (Übernahmekommission), chargée de son interprétation et du contrôle de son application, publie une liste des entreprises l�ayant ac-

cepté21. L�Allemagne n�ayant pas une grande expérience en matière de prises de contrôle publiques, le Code est conçu comme un document re-lativement ouvert, susceptible d�évoluer à l�avenir. Une première modi-fication intervient, en effet, en 1998.

La tentative de prise de contrôle hostile lancée fin 1999 par Voda-fone, un des plus grands opérateurs mondiaux de la téléphonie mobile, sur son concurrent Mannesmann intervient sur le fond de ces modifica-tions des règles du jeu. Elle est susceptible de permettre l�observation des changements effectifs intervenus dans le fonctionnement du marché du contrôle allemand depuis les événements emblématiques de mars 1997. On dispose ainsi d�un matériau empirique inédit. Pour illustrer l�évolution du capitalisme rhénan, le cas Vodafone/Mannesmann est, en effet, significatif à plusieurs égards. Notons, d�abord, qu�à l�origine, Mannesmann est une entreprise industrielle d�une longue tradition dans le paysage économique allemand. Initialement surtout actif dans le sec-teur des tuyaux, le groupe a entamé une conversion vers le métier du té-

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léphone mobile assez récemment. Ensuite, au moment de son déclen-chement, l�offre de Vodafone est la prise de contrôle « la plus chère » de l�histoire économique [Handelsblatt, 22/11/1999 et 23/11/1999]. En-fin, le passage d�un grand groupe allemand sous le contrôle d�une firme étrangère dans le cadre d�une OPE hostile constituerait une première historique [Handelsblatt, 23/12/1999]. Par rapport aux mutations du système de GE allemand, l�opération de Vodafone représente donc un

cas critique22. Les observateurs avertis du milieu économique allemand, en com-

mentant l�opération lancée par Vodafone, considèrent que les prises de contrôle hostiles sont en principe faisables, « même en Allemagne » [Handelsblatt, 15/11/1999]. Les commentaires font globalement ressor-tir le fait que ceci n�a pas toujours été le cas. C�est une évolution his-

torique, qui aboutit au résultat que « les prises de contrôle hostiles

sont maintenant possibles en Allemagne » [Handelsblatt, 04/02/2000, nos italiques]. Bien que les salariés lancent une grève d�avertissement [Handelsblatt, 22/11/1999], ce qui indique un certain degré de dépen-dance de sentier, les réactions sont globalement beaucoup moins violen-tes [Handelsblatt, 18/11/1999] que ce qu�on a pu constater dans le contexte du cas Krupp/Thyssen, plus de deux ans auparavant. Cette moindre violence des réactions s�explique par une acceptation grandis-sante des mécanismes du marché du contrôle au sein de l�idéologie do-minante, se transformant, elle -même, de la manière précédemment dé-

21 Notons qu�au moment du lancement de l�offre par Vodafone, Mannesmann avait s igné le Code [Handelsblatt, 17/11/1999]. 22 D�un point de vue méthodologique, ce constat revêt une certaine importance par rapport au statut des conclusions tirées de l�étude de cas [cf. P. Wirtz 2000 b, p. 130]. En effet, la sélection du cas n�obéit pas à des critères statistiques et ne procède pas d�un échantionnage aléatoire. Elle s�opère, au contraire, selon des critères théoriques, car on recherche des cas dont on pense a priori qu�ils permettent une observation aisée des mécanismes étudiés. C�est pour cela qu�on parle d�un « cas critique ». Concernant l�intérêt de choisir un tel cas, voir R. Yin [1994, p. 38]. La conséquence de cette procédure de sélection est cepen-dant l�impossibilité d�une généralisation statistique. Par contre, R. Yin [1994, p. 10] nous indique la possibilité d�extraire les résultats d�un cas unique de leur contexte idiosyncratique en les rattachant explicitement à un débat théorique plus large. C�est ce qu�il appelle la « généralisation analytique ».

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crite (sous-section 2.1.1.). Conformément aux développements du cadre conceptuel, on semble donc assister à l�institutionnalisation des modifica-tions du schéma mental partagé, c�est-à-dire que l�évolution des mentali-tés entraîne une modification du répertoire des mécanismes de gouver-nance effectivement praticables outre-Rhin.

Il est, par ailleurs, intéressant de constater que le dirigeant de Voda-fone, tout en lançant son offre hostile, tient compte de certaines contin-gences du système allemand et contribue de ce fait à maintenir les changements de ce dernier sur leur sentier historique. Il s�agit d�un in-dice quant à la dépendance de sentier de l�évolution institutionnelle. Ain-si, en préparant l�opération, Chris Gent procède à une analyse approfon-die et détaillée des particularités du système de GE allemand, comme en témoignent les tableaux analytiques, qui occupent 24 pages du document de référence [Exchange Offer Prospectus, 23/12/1999, p. 106-129]. Ensuite, Vodafone se sert de cette analyse de la gouvernance alle-mande dans sa stratégie de communication, prenant notamment un cer-tain nombre d�engagements vis-à-vis des salariés. Les droits acquis par ces derniers et, plus particulièrement, leur influence sur la gouvernance à travers la codétermination, doivent en effet être maintenus par Voda-fone [Vodafone, communiqué du 23/12/1999]. Du fait de ces engage-ments, Gent évite de donner une apparence de rupture trop brutale par rapport aux routines traditionnelles de la gouvernance outre-Rhin. Il ne semble, donc, pas tout à fait irréaliste de supposer que l�échec de l�approche hostile tentée en 1997 par Krupp, dû notamment à la forte mobilisation des salariés, ait servi de leçon, induisant un effet d�apprentissage auprès des raiders souhaitant intervenir dans le contexte allemand. En tout cas, les tableaux analytiques réalisés par Vodafone laissent penser qu�avant de finaliser l�offre, Gent ait étudié les règles du système de GE allemand, appuyant son action sur une bonne connaissance des possibilités qu�offre ce dernier. Ainsi, le cadre institutionnel n�est pas seulement une contrainte. Au contraire, la bonne connaissance de son fonctionnement devient également un levier d�action. Pour le repreneur, il est alors possible de parler d�un capital

de connaissance, résultat d�un processus d�apprentissage. Un tel ap-prentissage apparaît, par conséquent, comme un vecteur important dans

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l�explication de la dépendance de sentier, caractéristique de l�évolution du système de GE allemand. Cette dépendance de sentier semble, en effet, être influencée par le fait que les imitateurs d�un événement fai-sant école (le cas Krupp/Thyssen) réduisent l�écart entre leur approche de la gouvernance et le système traditionnel, afin d�augmenter leurs chances de succès.

Affichant toujours son intention de se conformer aux règles de gou-vernance en vigueur en Allemagne, Vodafone saisit par ailleurs l�opportunité des mutations du système rhénan, se soumettant au cadre établi par le Code allemand des prises de contrôle [Vodafone, commu-niqué du 16/11/1999]. Comme indiqué plus haut, le système de GE alle-mand a évolué au cours de la décennie 1990, faisant une place plus large aux intérêts des actionnaires et aux mécanismes de marché cen-sés les soutenir. Le Code allemand des prises de contrôle (Übernah-

mekodex) a ainsi été institué en 1995, afin de mieux encadrer le fonc-tionnement du marché du contrôle. Ce code interdit notamment des me-sures de la part de la société-cible qui seraient « contraires à l�intérêt

des actionnaires » [Börsensachverständigenkommission, 1995, p. 8, nos italiques]. Avant l�offre de Vodafone, Mannesmann avait signé le Code [Handelsblatt 17/11/1999]. Par ailleurs, les positions prises dans les communiqués de presse publiés par Mannesmann pendant la période d�offre montrent clairement que le groupe allemand ne refuse pas le mécanisme de prise de contrôle hostile en général, mais seulement le contenu de l�offre faite par Vodafone en particulier. En effet, le diri-geant de Mannesmann, Klaus Esser, laisse entendre que le rejet de l�offre est surtout une question de prix [Mannesmann, communiqué du 19/11/1999], signalant de ce fait qu�il ne s�oppose nullement aux prises de contrôle par principe. Ainsi, dans l�élaboration de sa stratégie de dé-fense, Esser tente de prendre uniquement des mesures compatibles avec le fonctionnement du marché de capitaux [Handelsblatt,

22/11/1999, « Zitterpartie »]. C�est pourquoi sa défense se fonde essen-tiellement sur une argumentation en termes de création de valeur, c�est-à-dire sur la politique de communication. Il s�agit, donc, d�un tra-

vail de persuasion auprès de ses actionnaires. Par rapport aux règles observées par les acteurs de cette bataille boursière, un observateur di-

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rect des événements parvient ainsi à la conclusion que « chacun des protagonistes [a] joué sincèrement le jeu du marché » [J.M. Messier 2000, p. 49, nos italiques]. Par conséquent, il est possible de dire que le

fonctionnement effectif du système de GE allemand a évolué sous l�impulsion de certains acteurs depuis les événements concernant Krupp/Thyssen. Parmi ces acteurs se trouvent, notamment, le dirigeant de Mannesmann, montrant une grande ouverture d�esprit vis-à-vis de la valeur actionnariale et des mécanismes de marché, et le dirigeant de Vodafone, signalant son intention de respecter certains mécanismes de gouvernance traditionnels, tout en s�inscrivant dans un mouvement de changements par rapport au passé. Ces changements des institutions nationales de la gouvernance en Allemagne trouvent, au moins en partie, leur explication dans l�évolution graduelle des mentalités outre-Rhin.

2.2. Le processus de prise de contrôle : un équilibrage entre

intérêts multiples

Nous venons de voir que l�OPE hostile lancée par Vodafone s�inscrit dans un mouvement de changement plus large concernant les règles de la gouvernance en Allemagne. La transformation du système englobant n�est cependant pas la seule variable explicative de la dynamique locale d�un cas particulier. La grille théorique proposée contient ainsi des élé-ments pour affiner notre compréhension à ce niveau. À présent, il s�agira de contrôler l�acceptabilité des propositions concernant le pro-cessus d�équilibrage des attentes en matière de création et de répartition de rentes (2.2.1.) et concernant le rôle que joue le schéma mental indi-viduel du dirigeant dans ce processus (2.2.2.).

2.2.1. Prise de contrôle et dynamique du dispositif local de gouvernance chez Mannesmann

Les premières rumeurs concernant Mannesmann comme cible po-tentielle commencent à circuler en janvier 1999. Esser, inquiet, contacte

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Gent23 qui lui déclare ne pas préparer d�offre hostile en secret sans en informer Mannesmann préalablement [Exchange Offer Prospectus, p. 46]. Compte tenu de la dispersion de l�actionnariat, une prise de contrôle de Mannesmann par voie d�offre publique est possible [Han-

delsblatt 15/11 et 26/11/1999]. En fait, pour ce type de firme, la simple menace d�une telle opération qu�induit l�existence d�un marché du contrôle actif se substitue potentiellement au contrôle direct d�un ac-tionnaire fort, en tant que mécanisme disciplinaire. Au-delà de la struc-ture du capital de l�entreprise concernée, condition insuffisante à elle seule, l�environnement réglementaire en Allemagne est de plus en plus favorable aux opérations de prise de contrôle. Ainsi, Mannesmann est un des signataires du Code allemand des prises de contrôle [Handels-

blatt, 17/11/1999] et, compte tenu de la nouvelle législation en matière de gouvernance, la fin de la limitation des droits de vote à 5 % est pro-grammée pour 2000 (ibid). Par conséquent, à la fin de 1999, dans le cas de la firme de Düsseldorf, les conditions initiales sont réunies pour faire d�une offre publique hostile un mécanisme de gouvernance effectif.

Par ailleurs, déjà à cette époque, le dispositif de gouvernance s�appliquant à Mannesmann déborde du cadre strictement national. En effet, environ 20 % du capital sont détenus par des investisseurs améri-cains et 25 % par des britanniques [Handelsblatt, 28/01/2000]. À ce sujet, on remarquera qu�Esser lui-même perçoit le dispositif de gouver-nance qui l�encadre comme plus large que ce que définit le référentiel allemand, comme l�indiquent ses déplacements vers les hauts lieux de la finance anglo-saxonne dans le cadre de sa stratégie de défense. Un au-tre indicateur de la nature « composite » de la gouvernance de Man-nesmann est le fait que Vodafone est soucieux de formuler une offre conforme aux règles boursières de trois pays différents [Handelsblatt, 20/12/1999]. Enfin, le conseil de surveillance contient certains « global

players » [Handelsblatt, 26/11/1999] ayant intégré la logique des mar-

23 Vodafone apparaît comme un repreneur potentiel crédible, car sa capitalis a-tion boursière constitue une monnaie d�échange et rend le rachat de Mannes-mann financièrement possible [Handelsblatt, 26/10/1999]. La forte capitalisation de l�opérateur britannique confère ainsi à son dirigeant une latitude non négli-geable.

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chés financiers globalisés. En résumé, les structures de GE en place chez Mannesmann à la fin de 1999 fournissent une explication impor-tante de la vulnérabilité de l�entreprise au mécanisme de la prise de contrôle hostile.

Ce dernier, une fois déclenché, agit comme une force sur les structu-

res de GE24 et contribue, de ce fait, à leur dynamique, bien qu�une cer-taine continuité soit maintenue. En effet, l�offre porte uniquement sur un échange d�actions (absence de composante « liquide »), ce qui signifie qu�en cas de succès les actionnaires de Mannesmann seront également représentés dans les structures de gouvernance du nouveau groupe Vo-dafone/Mannesmann. Ainsi, quatre membres du conseil de surveillance de la firme allemande sont censés rejoindre le conseil d�administration du nouveau groupe, aux termes du projet définitif [Vodafone, communi-qué du 04/02/2000]. Par ailleurs, pour les activités allemandes, le sys-tème de la cogestion sera maintenu, impliquant la continuité d�une cer-taine influence des salariés. Cette influence sera cependant affaiblie à la tête du groupe, dominé à l�avenir par Vodafone et dont le siège social se situera en dehors de la zone d�application du droit allemand sur la co-gestion. En fait, la prise de contrôle implique la domination de la struc-ture de capital du futur groupe fusionné par les anciens actionnaires de Vodafone. L�offre que le conseil d�administration de la firme britanni-que décide, au cours du mois de novembre, de soumettre directement aux actionnaires prévoit une participation des anciens porteurs de titres Mannesmann au futur groupe à hauteur de 47,2 % [Vodafone, commu-niqué du 19/11/1999]. Selon les termes de l�accord définitif du 4 février 2000, cette proportion s�établit à 49,5 %. Les anciens actionnaires de Vodafone seront, donc, dominants dans la structure du capital. Cette évolution réelle des structures de gouvernance de Mannesmann (chan-gement de la structure du capital, affaiblissement de l�impact réel de la cogestion compte tenu du transfert du centre de décision de la tête du groupe), s�opère cependant en cohérence avec le sentier historique du dispositif d�incitation et de contrôle. En témoignent l�engagement de

24 D�une manière symétrique, l�espace discrétionnaire d�Esser est soumis à des variations dynamiques pendant la période de l�offre, étant exposé à des pres-sions variables au cours du temps, comme nous le montrons plus bas.

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Gent en faveur de la cogestion pour les activités allemandes et les pro-positions de sièges au conseil d�administration.

Il convient, à ce point, de souligner que la solution finalement retenue pour la fusion par l�accord du 4 février 2000 ne s�est pas imposée spon-tanément. Conformément à l�hypothèse de rationalité procédurale et au principe d�efficience, elle est le résultat d�un processus d�équilibrage en-tre les intérêts des différentes parties prenantes. Cet équilibrage n�est pas instantané, mais possède une dimension temporelle importante. L�intention initiale de Vodafone de se rapprocher de Mannesmann dé-clenche le déroulement d�un processus dynamique, mettant en jeu les in-térêts et les leviers d�influence des différentes parties prenantes. Ces intérêts peuvent être résumés en termes de possibilités de création et d�appropriation de rentes. De ce fait, l�étude détaillée du déroulement du processus de prise de contrôle, de la première approche de Voda-fone jusqu�à l�accord définitif, est susceptible de nous permettre d�apprécier directement la plausibilité de la logique de création et de ré-partition de rentes (proposition 1) dans son aspect dynamique. Le cas Vodafone/Mannesmann illustre, notamment, l�idée selon laquelle la tran-sition d�un état d�équilibre à un équilibre différent (intégrant de nouveaux partenaires) se caractérise par une « négociation » plus ou moins impli-cite entre toutes les parties prenantes. Cette « négociation » porte sur la part de la rente organisationnelle que chaque partenaire espère pouvoir s�approprier.

À ce sujet, le déroulement de la prise de contrôle lancée par Gent montre clairement qu�il est très difficile, sinon impossible, de prédire précisément au départ le résultat sur lequel va déboucher le processus d�équilibrage entre les intérêts catégoriels. Il y a, donc, absence d�un déterminisme structurel parfait. La dépendance de sentier, caractéristi-que d�un processus d�évolution et dont nous avons décelé le fonction-nement effectif dans la présente étude de cas, permet simplement d�avoir une idée a priori très grossière du sens des changements. Concrètement, avant de parvenir à un équilibre acceptable par les diffé-rentes parties prenantes, il se déroule une série d�essais qui, débouchant sur des échecs (ou erreurs), déclenchent des ajustements dynamiques dans le choix des mécanismes de gouvernance mis en �uvre. En défini-

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tive, l�échec ou le succès de l�essai d�un mode de rapprochement concret sont conditionnés par les implications anticipées de tel ou tel mécanisme en termes de répartition de valeur.

Afin de faciliter la confrontation du processus théorique synthétisé dans la proposition 1 avec la réalité, il convient de décomposer le dérou-

lement de la prise de contrôle 25 en plusieurs étapes. Chacune de ces étapes correspond à l�essai, par Chris Gent, d�une nouvelle approche de Mannesmann, mettant en jeu des mécanismes de gouvernance diffé-rents. Le tableau suivant en donne un résumé.

25 Nous désignons par le terme « processus de prise de contrôle » l�intégralité de la période qui s�étend des premiers contacts « amicaux » entre les dirigeants début 1999 à l�accord de fusion définitif conclu le 4 février 2000.

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Tableau � Une illustration du processus théorique

Étape (Dates)

Mecanisme de gouvernance

essayé

Enjeu de création et de répartition de rentes

1) 15/01/1999 � 18/10/1999 Négociations avec le directoire concer-nant un partenariat.

Exploration de nouvelles voies de création de v aleur.

2) 19/10/1999 � 15/11/1999 Echanges directs avec Esser.

L�opération concernant Orange réveille la combativité de Gent, qui voit ses intérêts spoliés. 43,7 actions Vodafone proposées en échange.

3) 16/11/1999 � 28/11/1999 Approche du conseil de surveil-lance.

Gent s�engage vis -à-vis des salariés, des cadres supérieurs et des politiques régio-naux.

4) 18/11/1999 � 02/02/2000* Approche directe des actio nnaires.

53,7 actions Vodafone proposées en échange. Maintien des engagements di-vers concernant les salariés etc.

5) 03/02/2000 � 04/02/2000

Retour à la table des négociations.

Augmentation du prix de l�offre : 58,96 ac-tions Vodafone. Engagements envers sala-riés et politiques réitérés. Parachute doré pour Esser.

* Notons que les phases 3 et 4 se chevauchent partiellement.

Il est intéressant de constater que la prise de contrôle hostile n�est pas le premier mécanisme de gouvernance mis en �uvre par Gent. En effet, ce dernier semble ajuster son approche de Mannesmann selon une série d�essais dont l�échec conduit à des révisions dynamiques de la formule choisie.

À l�origine de la volonté de Gent de se rapprocher de Mannesmann se trouve sa perception d�un certain potentiel de création de valeur. Ainsi, des discussions sont engagées entre la direction de Vodafone et le directoire de Mannesmann entre le mois de janvier 1999 et le mois d�octobre de la même année. L�objectif visé par Gent à travers ces pourparlers est l�exploration du potentiel de synergies grâce à un parte-nariat [Exchange Offer Prospectus, p. 47]. Ces négociations semblent

cependant aboutir à peu d�engagements concrets26. Elles sont, de ce fait, peu contraignantes pour les parties concernées. Ce type

26 « The discussions were conceptual only, and no subsequent steps were taken. » [Ex-change Offer Prospectus, p. 46].

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d�approche représente, donc, un mécanisme de gouvernance très sou-ple, signifiant le maintien d�un espace discrétionnaire non négligeable pour le directoire de Mannesmann.

Le 20 octobre 1999, Klaus Esser, à ce moment peu contraint par Vodafone, annonce l�opération de rachat d�Orange, un important concurrent de Vodafone sur son marché domestique. Comme cette opération est une prise de contrôle par Mannesmann et conduira ainsi à la domination par ce dernier, elle est susceptible de garantir à Esser un espace discrétionnaire futur plus important qu�un éventuel partage du

contrôle avec Gent27. En effet, les communiqués de presse publiés par Mannesmann montrent clairement que le dirigeant de la firme allemande considère pouvoir mieux contrôler le processus de création et de répar-tition de la valeur dans le contexte de l�opération Orange que dans celui de l�alternative proposée par Vodafone. Chris Gent, au contraire, per-çoit dans une coalition avec Mannesmann une opportunité importante. Il se voit comme un partenaire de l�entreprise allemande et considère que

ses intérêts ont été spoliés par l�action du dirigeant allemand28. Cette dernière conduirait, en cas de succès, à une configuration organisation-nelle qui n�est pas perçue comme satisfaisante par Gent. Pour ce der-nier, il s�agit, en effet, de résister à la pression sélective qu�exerce sur

lui le processus d�évolution29. Par conséquent, la spoliation perçue de ses intérêts réveille la combativité de Gent et appelle une réaction de sa part. Ses échanges directs avec Esser se font plus pressants, laissant entendre, implicitement, que le refus d�une solution « constructive » se-

27 Esser craint, en effet, une éventuelle attaque de la part de Vodafone et la po-sition de force qui en résulterait pour le britannique, comme en témoignent plu-sieurs demandes de renseignements à ce sujet : « Dr. Esser telephoned Mr. Gent to inquire about Vodafone�s intentions [...] Dr. Funk [conseil de surveillance Mannes-mann] expressed a concern on the part of Mannesmann that Vodafone Air Touch might have hired an investment bank to review the possibility of making an unsolicited bid for Mannesmann. » [Exchange Offer Prospectus, p. 46]. 28 « Ce n�est pas comme cela qu�on traite un partenaire. » [C. Gent cité dans J.M. Messier 2000, p. 23]. 29 Selon J.M. Messier [2000, p. 23], « cette affaire n�était pas seulement une question d�ego. C�était surtout une question de survie [...] ».

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rait pris pour une déclaration de guerre30. Mais, avant de s�engager dans une démarche hostile, Gent propose une solution directement à Es-ser : 43,7 actions Vodafone en échange d�une action Mannesmann [communiqué Mannesmann du 19/11/1999]. Le ratio d�échange déter-mine la proportion, dans laquelle les actionnaires de Mannesmann peu-vent espérer participer à la valeur créée par le groupe né de la fusion. Esser, se faisant l�avocat de ses actionnaires, considère cette offre comme inadéquate et refuse. À ce point, le dirigeant allemand conserve encore une latitude suffisante pour résister. Son espace discrétionnaire est, en effet, conforté par le soutien du conseil de surveillance [voir communiqué Mannesmann du 19/11/1999].

Gent décide alors de tenter de contraindre Esser en soumettant son offre au conseil de surveillance de Mannesmann [Exchange Offer

Prospectus, p. 48]. En passant par une structure de gouvernance insti-tutionnalisée (le conseil de surveillance), il espère vraisemblablement équilibrer ses rapports de force avec le dirigeant allemand, limitant da-vantage l�espace discrétionnaire de ce dernier. Au même instant, et probablement à la recherche d�une acceptation plus large de la prise de

contrôle dans un contexte qui lui est traditionnellement hostile31, Voda-fone rend publics un certain nombre d�engagements vis-à-vis des sala-riés allemands, des cadres supérieurs et des politiques régionaux. Il si-gnale ainsi son intention de partager une partie de la rente créée grâce à la fusion avec d�autres partenaires que les seuls actionnaires. En effet, très explicitement, il fait part de sa conviction que les salariés profiteront des opportunités de croissance élargies [communiqué Voda-fone du 16/11/1999]. Par ailleurs, il affirme sa volonté de maintenir Düsseldorf comme le siège social des activités allemandes, ce qui re-présente un gage donné à la politique régionale. Gent semble donc avoir compris que le succès de son projet est tributaire d�un certain équilibre en termes de répartition de rentes, ce qui justifie l�importance accordée à la logique de rentes dans la proposition 1.

30 « Mr. Gent telephoned Dr. Esser to suggest trying to determine a more constructive route for the two companies to follow. » [Exchange Offer Prospectus, p. 47]. 31 Rappelons le refus violent rencontré par la tentative d�OPA hostile lancée par Krupp deux ans auparavant.

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Le dirigeant britannique s�aperçoit cependant offrir trop peu et révise ensuite à la hausse la part de la rente potentiellement appropriable par les actionnaires de Mannesmann (par rapport à ceux de Vodafone). La nouvelle offre est, cette fois-ci, directement soumise aux actionnai-res de Mannesmann. Elle porte sur 53,7 actions Vodafone en échange d�une action Mannesmann [communiqué Vodafone du 19/11/1999]. Gent espère qu�elle sera suffisamment bien perçue par les actionnaires pour être largement sollicitée. Par ailleurs, il maintient ses engagements pris envers les autres parties prenantes (notamment les salariés). No-tons que l�approche directe des actionnaires, choisie à cette étape, correspond à la mise en �uvre d�un mécanisme de gouvernance « spontané » [G. Charreaux 1997, p. 427], c�est-à-dire le lancement d�une prise de contrôle hostile. Il s�agit, en fait, d�un mécanisme régi par les règles du jeu du marché financier. En cas de succès de la part de Vodafone, Esser verrait son espace discrétionnaire fortement réduit, étant obligé de rendre le contrôle [Handelsblatt, 23/12/1999]. Ceci est d�autant plus vrai que la disparition de la limitation des droit de vote à 5 %, encore en place chez Mannesmann, est programmée dans un ave-nir proche.

L�offre hostile lancée par Gent a ainsi pour conséquence d�accroître la pression exercée sur Esser. Ce dernier tente essentiellement de se défendre grâce à une argumentation en termes de création de valeur

pour les actionnaires32. Il essaie, par ailleurs, de gagner le groupe Vi-vendi comme chevalier blanc. L�échec de cette tentative réduit considé-

rablement l�espace discrétionnaire du dirigeant allemand33. Par ailleurs, certains membres du conseil de surveillance commencent à exercer de la pression en faveur d�un rapprochement avec Vodafone [Handels-

blatt, 03/02/2000]. Compte tenu de ce rétrécissement de sa latitude ma-nagériale, Esser accepte, enfin, de se rendre à la table des négociations. 32 « La priorité de Mannesmann est la création de plus de valeur pour les actionnaires. Cette approche hostile et superflue détruirait de la valeur appartenant à nos actionnai-res. Nous devons, par conséquent, continuer de conseiller à nos actionnaires de rejeter l�offre de Vodafone en faveur de notre stratégie indépendante de délivrer une valeur su-périeure. » [K. Esser cité dans un communiqué de Mannesmann du 20/12/1999].

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Il en ressort une solution officiellement approuvée par l�ensemble des parties prenantes. La prise de contrôle hostile se transforme ainsi en rapprochement amical en contrepartie d�une ultime concession de la part de Gent : le nombre d�actions offertes est porté à 58,96 [communi-qué Mannesmann du 04/02/2000]. On notera, par ailleurs, que le comité de rémunération de Mannesmann décide un parachute doré pour Esser [Les Échos, 05/04/2001]. L�augmentation de la parité d�échange et le parachute doré représentent un rééquilibrage supplémentaire en ter-

mes de répartition de rentes et renforcent, de ce fait, l�acceptabilité de la proposition 1.

À côté de cela, Gent réitère ses engagements envers les salariés et les politiques. L�enjeu de ces promesses en matière de partage de la va-leur est entre autres l�adhésion du capital humain, perçue comme indis-pensable au bon déroulement du processus de création de valeur. En ef-fet, dans un communiqué du 20 janvier 2000, Vodafone reconnaît qu�une recommandation de l�offre de la part de Mannesmann serait bé-néfique pour les actionnaires des deux groupes.

En résumé, la prise de contrôle de Mannesmann est un processus marqué par des ajustements successifs d�approche de la part de Voda-fone. La logique de création et de répartition de rentes faisant l�objet de la proposition 1 semble fournir une bonne explication du déroulement des événements, notamment en termes de mécanismes de gouvernance utilisés. Ainsi, notre confiance en la plausibilité de la logique de création et de répartition de rentes est renforcée.

2.2.2. Le rôle du schéma mental actionnarial de Klaus Esser

Une différence fondamentale entre la prise de contrôle de Mannes-mann et le cas Krupp/Thyssen, plus de deux ans auparavant, est l�argumentation du dirigeant de la cible. Cette dernière donne des indi-cations quant à la philosophie des affaires (le schéma mental) de celui qui l�énonce, car elle mobilise un certain nombre de présupposés idéolo-giques. À ce sujet, il est intéressant d�étudier le curriculum vitae de

33 Selon Les Échos du 5 avril 2001, « [p]our Klaus Esser, c�est [...] le retournement de Vivendi qui a fait pencher la balance ».

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Klaus Esser34, afin de mieux comprendre les influences auxquelles à été soumise la formation de ses structures cognitives. En fait, ce dirigeant allemand est non seulement titulaire d�un doctorat en droit, ce qui repré-sente une formation tout à fait classique outre-Rhin pour quelqu�un de sa position, mais il est également diplômé de la Sloan School of Mana-

gement du Massachusetts Institute of Technology. Il est, par consé-quent, très probable que son approche de la vie des affaires soit forte-ment imprégnée de la philosophie américaine en la matière.

Ceci est cohérent avec l�argumentation de défense que mobilise Klaus Esser au cours du processus de prise de contrôle. En effet, à au-cun moment, le mécanisme de la prise de contrôle hostile en tant que tel n�est mis en cause. Dans le schéma mental du patron de Mannesmann, ce mode de gouvernance apparaît comme légitime et nullement opposé à une création efficace de rentes. Conformément à la proposition 2, le schéma mental individuel du dirigeant allemand conditionne donc sa per-ception des opportunités de création et de répartition de valeur. C�est pourquoi, contrairement au cas Krupp/Thyssen, sa défense ne s�appuie pas sur un rejet de l�approche hostile , associée à la philosophie action-nariale, mais simplement sur le refus du contenu de l�offre. Pour convaincre les différentes parties prenantes de son point de vue, Esser adopte, en effet, une stratégie d�argumentation de type actionnarial, par nature favorable aux prises de contrôle. C�est-à-dire qu�il tente de dé-montrer que la stratégie industrielle poursuivie par Chris Gent n�est pas

dans le meilleur intérêt des actionnaires35. Ce discours se rapproche, donc, du concept de la firme moniste, typique du référentiel anglo-saxon [M. Yoshimori 1995]. Dans cette approche, les actionnaires occupent une position privilégiée parmi l�ensemble des partenaires de la firme.

Ainsi, dans un communiqué publié par Mannesmann le 19 novembre 1999, on peut lire la chose suivante : « The Executive Board has em-phasized that its focus on shareholder value also applies to takeover

34 Les informations relatives au C.V. de Klaus Esser ont été obtenues grâce au site internet de Mannesmann. 35 À aucun moment, une telle démonstration de destruction de valeur n�est ten-tée par rapport au mécanisme de la prise de contrôle en tant que tel.

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proposals against cash and/or shares. Any proposal will be examined with respect to the value potential of the Mannesmann share. Share-

holder value management is focused on long term value maximization while giving due consideration to the interests of customers, employees and the social environment. » (nos italiques). Ce qui prime, dans le schéma mental du dirigeant de Mannesmann, est donc clairement l�intérêt des actionnaires, même si les autres parties prenantes ne sont pas complètement oubliées. La prise de contrôle hostile n�est pas per-çue comme un frein à la création de valeur (actionnariale). Contraire-ment au principal argument de défense mobilisé par le dirigeant de Thyssen en 1997, son homologue de Mannesmann n�oppose pas le schéma allemand traditionnel, d�essence partenariale et centré autour du consensus de plusieurs parties prenantes, à l�approche hostile de son ad-versaire. En principe, Esser accepte le mécanisme de la prise de contrôle hostile et la philosophie qui le sous-tend. En définitive, pour lui, la légitimité d�une offre particulière est simplement une question de prix, ce dernier devant refléter le potentiel de création de valeur de la cible.

Ainsi, Klaus Esser accepte les règles du jeu proposées par son ad-versaire. Ce faisant, il décide de « s�engager sur le terrain » de certai-nes institutions plus volontiers associées avec le contexte anglo-saxon qu�allemand. Dans ce cas, contrairement à Krupp/Thyssen, la conviction « idéologique » du dirigeant lui interdit d�invoquer l�inadéquation de l�approche hostile avec le concept de la firme du cadre institutionnel en place comme argument de défense. La philosophie qui domine les rela-tions au sein de Mannesmann est trop proche du schéma actionnarial pour qu�une argumentation anti-OPA puisse être envisagée. Selon le Handelsblatt du 22/11/1999, « Mannesmann est une des entreprises qui ont le plus vigoureusement réalisé le changement en Allemagne vers la pensée de la shareholder value [anglais dans le texte original] et vers l�internationalisation des affaires. » (notre traduction de l�allemand). Un peu plus de deux ans après le cas Krupp/Thyssen, on enregistre, donc, un affaiblissement de la force de résistance émanant directement du schéma mental allemand traditionnel. Cet affaiblissement s�explique, au moins en partie, par l�adhésion d�un nombre croissant d�acteurs de la vie des entreprises au concept de la valeur actionnariale (cf. 2.1.1.),

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comme l�illustre l�attitude de la direction de Mannesmann. En fait, compte tenu du schéma mental individuel du dirigeant en place, la force de rappel des mécanismes de la gouvernance vers le référentiel histori-que est relativement peu importante. Dans le cas Voda-fone/Mannesmann, la cohérence de l�évolution avec le sentier historique de la gouvernance allemande est plus le fait de certains engagements pris par Gent, lui-même, permettant de réduire la résistance anticipée, que la conséquence du discours du dirigeant allemand. Le schéma men-tal individuel de ce dernier lui interdit, en fait, de s�opposer de bonne foi à l�attaque par un argument invoquant un éventuel effet négatif sur le concept de valeur défendu. La proposition 2 explique, donc, plausible-ment la faible résistance de Klaus Esser contre le mécanisme de la prise de contrôle en tant que tel. Il s�agit, là, d�une différence fondamen-tale avec le cas Krupp/Thyssen, qui illustre une fois de plus l�évolution réelle des mentalités outre-Rhin et son impact sur le fonctionnement ef-fectif du marché du contrôle.

Conclusion

Le présent article a permis d�approfondir notre compréhension de l�évolution dynamique des règles du jeu en matière de gouvernance. Ces dernières se situent théoriquement à deux niveaux qui interagissent de manière étroite, à savoir le système national englobant et les structures locales. Les changements du dispositif d�incitation et de contrôle sont expliqués dans un cadre de rationalité procédurale par les mutations des schémas mentaux � individuels et partagé � qui conditionnent la percep-tion des opportunités de création et d�appropriation de rentes. Le prin-cipe explicatif retenu est donc celui de l�efficience contrainte.

L�étude du cas Vodafone/Mannesmann illustre la plausibilité des ex-plications avancées. Ainsi, on constate un changement réel des mentali-tés outre-Rhin entre les événements de la première vraie tentative d�OPA hostile en Allemagne en 1997 et la tentative de prise de contrôle lancée par Vodafone. Sur fond d�une acceptation grandissante du concept de la valeur actionnariale, les mécanismes du marché du

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contrôle bénéficient également d�une légitimité croissante. Ces trans-formations de l�idéologie dominante se traduisent par un changement graduel du répertoire des mécanismes de gouvernance effectivement applicables dans le contexte allemand.

Cette évolution du système englobant de GE influence la dynamique des structures locales de gouvernance, délimitant l�espace discrétion-naire d�un dirigeant particulier comme Klaus Esser. Ainsi, sans les changements du système précédemment décrits, la menace de prise de contrôle n�aurait pas constitué un mécanisme disciplinaire crédible. Au-delà de l�évolution du système englobant, le processus de prise de contrôle de Mannesmann, qui est l�exemple du déploiement des méca-nismes disciplinaires au niveau local, subit l�influence d�autres facteurs explicatifs. Ainsi, la perception, par Klaus Esser et Chris Gent, des op-portunités de création et de répartition de rentes change au cours du temps et permet de comprendre une série d�essais et d�abandons de dif-férentes stratégies en matière de gouvernance, d�un côté, et de défense de l�espace discrétionnaire, de l�autre.

Cette perception des opportunités est façonnée par les schémas mentaux individuels des dirigeants. La philosophie actionnariale de Klaus Esser explique par exemple la faiblesse de sa résistance contre la prise de contrôle hostile en tant que telle. Refusant d�y voir un méca-nisme de gouvernance a priori destructeur de valeur, le dirigeant alle-mand dispose comme seul argument de défense du rejet du contenu de l�offre. Son attitude contribue alors à augmenter davantage la légitimité des mécanismes du marché au sein du référentiel allemand de GE. Cette observation renforce donc la plausibilité des explications concer-nant l�interaction entre les différents niveaux de la gouvernance.

Bibliographie

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rate Governance Forum, Stockholm, 10 décembre 1993.

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