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Chapitre III : L’organisation des Nations Unies On ne peut évidemment pas traiter de l’ONU sans faire référence à sa « devancière », la Société des Nations, également créée au lendemain d’une conflagration mondiale majeure, qui a correspondu à la première grande tentative d’organisation internationale à vocation universelle. Le pacte la créant, qui ne comprend que vingt six articles, fut placé en tête des traités de paix, ce qui explique que la non-ratification du traité de Versailles par les Etats-Unis ait eu pour conséquence leur non-participation à la SDN, créant un déséquilibre qui affaiblit considérablement l’organisation. L’URSS y entra tardivement (après l’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933), mais en fait exclu en 1939, suite à son agression contre la Finlande. Le Japon, l’Italie, l’Allemagne s’en retirèrent. Organisation permanente, la SDN comprenait des organes qui préfigurent la structure de l’ONU, avant une Assemblée où tous les membres siégeaient sur un pied d’égalité, et conseil restreint avec des membres permanents et non permanents. Si, sur le papier, ses compétences pouvaient paraître assez larges (« développer la coopération entre les nations et garantir la paix et le sûreté »), en pratique il ne pouvait qu’en aller différemment, car ses organes n’avaient pas été dotés d’un pouvoir de décision et devaient statuer à l’unanimité. Quant aux sanctions, c’était d’abor aux Etats de déterminer s’il y’avait eu une agression, ensuite elles étaient essentiellement économiques, et la seule fois où elles furent envisagées, contre l’Italie, dans l’affaire d’Ethiopie, elles s’avèrent inefficaces. Enfin, le pacte n’interdisait pas la guerre, il se bornait à la réglementer, avec un système de « moratoire », très révélateur de l’influence américaine, convaincue que les peuples sont par nature pacifiques, et qu’un délai d’attente leur permettrait de faire pression sur les gouvernements pour les dissuader de faire la guerre… Il est facile de dire que la SDN a été un échec parce qu’il n’a pas empêché les régimes dictatoriaux de mener à bien leurs politiques d’agression (Japon, Italie, Allemagne), et surtout de prévenir la seconde guerre mondiale. Ce sont moins les institutions de la SDN qui sont en cause que la manque de volonté politique de certains de ses membres, en particulier les grandes démocraties occidentales européennes, face au comportement expansionniste des gouvernements des Etats précités. Elle ne survécut pas à la guerre, entra en « léthargie » en 1940, et fut dissoute en 1946 pour laisser place à l’ONU. Nous avons passé en revue successivement d’abord la création, les bases de l’ONU et sa composition (section I), puis ses institutions (section II) et, enfin, ses principales activités (section III). Section I : La création de l’ONU, ses bases, sa composition Il convient d’examiner ces trois aspects en trois sous-sections. Soussection I : LA CREATION DE L’ONU L’élaboration de la Charte s’est faite en plusieurs phases. L’étape décisive fut la conférence de San Francisco (§1), précédées de plusieurs conférences préliminaires (§2).

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Page 1: Système des Nations Unis - Chapitre III

Chapitre III : L’organisation des Nations Unies

On ne peut évidemment pas traiter de l’ONU sans faire référence à sa « devancière », la

Société des Nations, également créée au lendemain d’une conflagration mondiale majeure, qui

a correspondu à la première grande tentative d’organisation internationale à vocation

universelle. Le pacte la créant, qui ne comprend que vingt six articles, fut placé en tête des

traités de paix, ce qui explique que la non-ratification du traité de Versailles par les Etats-Unis

ait eu pour conséquence leur non-participation à la SDN, créant un déséquilibre qui affaiblit

considérablement l’organisation. L’URSS y entra tardivement (après l’arrivée au pouvoir

d’Hitler en 1933), mais en fait exclu en 1939, suite à son agression contre la Finlande. Le

Japon, l’Italie, l’Allemagne s’en retirèrent. Organisation permanente, la SDN comprenait des

organes qui préfigurent la structure de l’ONU, avant une Assemblée où tous les membres

siégeaient sur un pied d’égalité, et conseil restreint avec des membres permanents et non

permanents. Si, sur le papier, ses compétences pouvaient paraître assez larges (« développer la

coopération entre les nations et garantir la paix et le sûreté »), en pratique il ne pouvait qu’en

aller différemment, car ses organes n’avaient pas été dotés d’un pouvoir de décision et

devaient statuer à l’unanimité. Quant aux sanctions, c’était d’abor aux Etats de déterminer s’il

y’avait eu une agression, ensuite elles étaient essentiellement économiques, et la seule fois où

elles furent envisagées, contre l’Italie, dans l’affaire d’Ethiopie, elles s’avèrent inefficaces.

Enfin, le pacte n’interdisait pas la guerre, il se bornait à la réglementer, avec un système de

« moratoire », très révélateur de l’influence américaine, convaincue que les peuples sont par

nature pacifiques, et qu’un délai d’attente leur permettrait de faire pression sur les

gouvernements pour les dissuader de faire la guerre…

Il est facile de dire que la SDN a été un échec parce qu’il n’a pas empêché les régimes

dictatoriaux de mener à bien leurs politiques d’agression (Japon, Italie, Allemagne), et surtout

de prévenir la seconde guerre mondiale. Ce sont moins les institutions de la SDN qui sont en

cause que la manque de volonté politique de certains de ses membres, en particulier les

grandes démocraties occidentales européennes, face au comportement expansionniste des

gouvernements des Etats précités. Elle ne survécut pas à la guerre, entra en « léthargie » en

1940, et fut dissoute en 1946 pour laisser place à l’ONU.

Nous avons passé en revue successivement d’abord la création, les bases de l’ONU et

sa composition (section I), puis ses institutions (section II) et, enfin, ses principales activités

(section III).

Section I : La création de l’ONU, ses bases, sa composition

Il convient d’examiner ces trois aspects en trois sous-sections.

Sous– section I : LA CREATION DE L’ONU

L’élaboration de la Charte s’est faite en plusieurs phases. L’étape décisive fut la conférence

de San Francisco (§1), précédées de plusieurs conférences préliminaires (§2).

Page 2: Système des Nations Unis - Chapitre III

§1. – Les conférences préliminaires

Il convient d’évoquer les différentes conférences internationales qui ont précédé la conférence

de San Francisco et au cours desquelles l’idée d’une nouvelle organisation internationale s’est

dégagée, personne ne songeant à restaurer la SDN.

A. – La charte de l’Atlantique

Le 14 août 1941, avant donc l’entrée en guerre des Etats-Unis, qui ne date que du 7 décembre

(après l’agression du Japon), le président Roosevelt et le premier ministre Churchill se

rencontrèrent dans l’Atlantique (à bord du cuirassé anglais Prince of Wales) et adoptèrent un

document, qui n’était pas un traité, mais un gentelmen’s agreement, c’est à dire un accord

politique non juridiquement contraignant mais ayant une grande portée sur la plan politique,

car il énonçait les buts de la paix future, la guerre achevée, parmi lesquels figurait la création

d’un système de sécurité générale fondé sur la renonciation à l’usage de la force1.

B. – La déclaration des Nations unies

Le 1er

janvier 1942, vingt-six Etats alliés en guerre contre la puissance de l’Axe (Allemagne,

Italie, Japon) réunis à Washington, adoptèrent une Déclaration exprimant leur intention de

créer une Communauté de Nations unies pour « défendre la vie, la liberté, l’indépendance et

la liberté religieuse, aussi bien que pour conserver les droits humains et la justice ». C’était

plutôt vague, mais à ce stade de la guerre un projet plus précis aurait été prématuré.

C’est à partir de là que différentes études et plusieurs projets furent entrepris aux

Etats-Unis et en Grande-Bretagne pour mettre au point un projet d’organisation internationale.

C. – Les Conférences de Moscou et Téhéran

Lors d’une conférence tenue à Moscou du 1er

au 30 octobre 1943, réunissant les Etats-Unis, la

Grande-Bretagne, l’URSS et la Chine (en l’absence de la France), fut adoptée une autre

Déclaration par laquelle les quatre Etats s’engageaient à édifier la paix et le sécurité dans le

cadre d’une organisation générale fondée sur égale souveraineté de tous les Etats pacifiques.

La conférence de Téhéran fut l’une des rares où Staline accepta de quitter le territoire

national pour rencontrer Roosevelt et Churchill (l’Iran venait d’être occupé par les soviétiques

et les Anglais de crainte qu’il ne basculât du côté de l’Allemagne). Le 1er

décembre 1943, par

les accords conclu sur un certain nombre de sujets d’intérêts commun, figurait l’organisation

d’après-guerre selon les principes de la Charte de l’Atlantique (établissement de la paix

internationale, de la sécurité et de la prospérité).

D. – Les propositions de Dumbarton Oaks

C’est en octobre 1944 que des entretiens entre experts, provenant des Etats-Unis, du

Royaume-Uni, d’URSS et de Chine (toujours pas de France), près de la capitale américaine,

du 21 août au 07 octobre, rédigèrent des propositions en douze chapitre portant sur la création

d’une organisation générale, reprise ensuite dans la version définitive de la Charte. A cette

date, la victoire paraissait proche, notamment contre l’Allemagne, et le temps était venu de

mettre au point le statut de la future organisation internationale. Les Etats-Unis en

communiquèrent le texte aux autres gouvernements.

E. – La conférence de Yalta

C’est sans doute la plus connue de toutes les conférences interalliés de la Seconde guerre

mondiale, puisque c’est à son sujet qu’a été forgé en France le mythe d’un « partage » du

monde décidé dans cette ville de Crimée par les Etats-Unis et l’URSS. Ce mythe, donc une

représentation déformée de la réalité devait être accrédité par le Général De Gaules, ulcéré de

ne pas avoir été convié à Yalta, ce à quoi s’étaient opposés aussi bien Roosevelt que Staline,

qui estimaient que la France n’avait pas apporté une contribution suffisamment substantielle à

1 texte dans COLLIARD-MANIN, Droit international et histoire diplomatique, op. cit., p. 83, t. I.

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la lutte armée contre l’Axe, et que le chef de la France libre était quelqu’un avec qui il était

difficile de traiter…

On déjà eu l’occasion de dire que cette thèse a été réfutée par tous les historiens

(sérieux) des relations internationales, en France et à l’étranger. Furent tranchées lors de cette

conférence, qui eut lieu du 11 au 13 février 1945, les questions encore en suspens dont la

procédure de vote au sein du Conseil de sécurité « ne mette son groin de porc dans les jardins

socialistes ». Eût-il existé dans le pacte de la SDN que l’URSS n’aurait pas pu être exclue2

§2. – La conférence de San Francisco

Elle eut lieu aux Etats-Unis du 25 avril au 26 juin 1945, c’est à dire qu’elle commença avant

la fin de la guerre en Europe (7 et 8 mai 1945) et que lorsqu’elle se termina la guerre n’avait

pas pris fin dans le Pacifique, le Japon n’ayant capitulé que le 2 septembre. Il faut s’en

souvenir pour bien comprendre à quel point le texte adopté ne pouvait que refléter les

préoccupations de l’époque. Si avaient été conviés tous les Etats en guerre avec l’Axe, il y

avait d’un côté les puissances invitantes désignées à Yalta, c’est à dire les cinq grands (mais la

France refusa de figurer dans cette catégorie ne voulant pas cautionner les décisions prises

sans elle à Yalta), et de l’autre les puissances invitées, le critère étant d’avoir déclaré la guerre

à l’ennemi commun avant le 1er

mars 1945 (ce que fit la Turquie, jusqu’alors neutre), mais

cette distinction n’eut pas de portée sur le statut juridique des participants, une cinquantaine

au total. La Charte fut élaborée à partir des propositions de Dumbarton Oaks, à la majorité et

non plus à l’unanimité. Le texte de ce traité, beaucoup plus long que la Pacte de la SDN, 111

articles, avec en annexe le statut de la Cour international de justice (70 articles), fut adopté le

26 juin 1945 et entra en vigueur le 24 octobre 19453.

SOUS – SECTION II : LES BASES DE L’ONU

Pas plus que la SDN, l’ONU n’est pas un super-Etat. Son nom est équivoque dans la mesure

où il désigne à la fois l’Organisation en tant que telle, et les Etats qui ont été associés contre la

puissance de l’Axe. Le mot de Charte n’a pas de signification particulière : en droit

international il existe une trentaine de mots pour désigner les traités. En anglais, charter,

comme convenant (pacte), désigne un acte de droit public.

Il faut entendre par là le traité constitutif de cette organisation

Il est révélateur de déclin de l’Europe et du déplacement du centre de gravité dans

affaires mondiales que le siège ait été fixé non plus à Genève, comme la SDN, mais à New

York.

Par « bases » de l’ONU on peut entendre, d’une part, ses buts (§1) et, d’autre part les

fondements juridiques sur lesquels elle repose (§2).

§1. – Les buts de l’ONU

Ils sont énoncés dans le préambule et dans l’article 1. Il y en a quatre.

En premier lieu, figure la préoccupation essentielle, qui revient comme un leitmotiv

tout au long du texte, le maintien de la paix et de la sécurité internationales, afin de

« préserver les générations futures du fléau de la guerre », par référence aux deux guerre

mondiale.

En deuxième lieu, on relève le développement de relations amicales entre les nations

fondées sur le respect du principe de l’égalité de droit des peuples et de leur droit à disposer

2 Le texte de ces accords figure dans COLLIIARD-MANIN, op., cit. p. 117, t. I Voir : LALOY, Yalta, Laffont,

1988. – MALLIARAKIS, Yalta et la naissance des blocs, Albatros, 1982. 3 Un commentaire de la Charte en français, article par article, a été publié sous la direction de MM. Cot et Pellet,

aux éditions Economica et Bruylant, en 1985 (et réédité en 1991).

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d’eux-mêmes. Le contenu des relations amicales a été développé par la Déclaration précitée

de 1970 sur les relations amicales et la coopération entre Etats conformément à la Charte. La

référence au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes (voulue par l’URSS) a servi par la

suite de fondement juridique à la décolonisation avec la Déclaration de 1960 sur l’octroi de

l’indépendance aux pays et peuples coloniaux.

En troisième lieu, la Charte exprime des préoccupations, qui sans être vraiment

nouvelles, n’avaient guère été prise en considération auparavant par le droit international, à

savoir la coopération pour résoudre les problèmes internationaux d’ordre économique, social,

Intellectuel ou humanitaire, en développant et en respectant les droits de l’homme et des

libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue et de religion.

L’accent était ainsi mis sur la nécessité de la coopération dans tous les domaines.

En quatrième lieu, l’ONU doit être un « centre où s’harmonisent les efforts des nations

vers ces fins communes ». Ce dernier but indique à la fois un souci de coordination pour

parvenir aux objectifs communs, en même temps que l’idée d’un devoir de coopération, ce sur

quoi insisterons les textes ultérieurs, non seulement dans les rapports Est-Ouest, mais surtout

dans les relations Nord-Sud (droit au développement et droit du développement).

§2. – Les fondements juridiques de l’ONU

Les buts indiqués étant très généraux, il a fallu préciser les fondements juridiques sur

lesquelles repose la nouvelle organisation, ce qu’on le trouve dans l’article 2 de la Charte. Ils

sont également au nombre de quatre : principe d’égalité souveraine des Etats (A), principe du

respect du droit international (B), existence d’un domaine réservé à la compétence nationale

des Etats (C), principe du règlement pacifique des différents internationaux comme corollaire

de l’interdiction du recours à la force armée (D).

A. – Le principe d’égalité souveraine des Etats

Il est énoncé dans l’article 2, §1 : « l’Organisation est fondée sur le principe de l’égalité

souveraine de tous ses membres ». Mais on constate immédiatement que cette égalité n’est

pas entièrement respectée dans la Charte, compte tenu des privilèges dont disposent les cinq

membres permanents du conseil de sécurité (infra). L’entrée à l’Onu des Etats nouvellement

indépendants s’est traduite par une revendication de cette égalité, ce qui apparaît aussi bien

dans la Déclaration sur les relations amicales de 1970 que dans tous les textes par lesquels ces

Etats cherchent à remédier à l’inégalité économique dont ils souffrent, en insistant pour

qu’elle soit prise en compte et qu’il y soit remédié (thème de l’inégalité compensatrice)4.

B. – Le principe du respect du droit international

Le préambule de la Charte indique que les Nations unies sont résolus à « créer les

conditions nécessaire au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et

autres sources du droit international ».

L’article 2, §2 énonce que les membres de l’ONU « doivent remplir de bonne foi les

obligations qu’elles ont assumées aux terme de la présente Charte ». Ce principe général vaut

pour les actions entreprises par l’ONU, l’application des décisions du Conseil de sécurité des

arrêts de la CIJ, la conformité aux obligations budgétaires, et tout ce qui a trait au

fonctionnement de l’organisation.

C. – La reconnaissance d’un domaine réservé

4 Voir : COLLIARD, Egalité ou spécificité des Etats dans le droit international actuel, Mélanges

TROTABA, LGDJ, 1970, p. 529. – FLORY M. inégalité économique et évolution du droit international,

Colloque d’Aix-en-Provence de la SFDI, Pedone, 1974, p. 11.

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à la compétence nationale des Etats

En vertu de l’article 2, §7, « aucune disposition de la présente Charte n’autorise les

Nations unis à intervenir dans les affaires qui relèvent essentiellement de la compétence

nationale d’un Etat ni n’oblige les membres à soumettre des affaires de ce genre à une

procédure de règlement aux termes de la présente Charte : toutefois, ce principe ne porte en

rien atteinte à l’application des mesure de coercition, prévues au chapitre VII ». A l’initiative

des Etats-Unis, une disposition similaire avait été introduite dans l’article 15, § 8 du Pacte de

la SDN, cet Etat ne voulant pas que l’organisation puisse se mêler de certaines affaires (statuts

des minorités, droits de douanes). Le texte de la Charte est plus flou, il n’indique pas qu’il est

l’organe compétent pour déterminer si une question rentre ou non dans la compétence

nationale, et surtout la différence du Pacte, pour qu’une question échappe à l’ONU, il n’est

pas nécessaire qu’elle relève exclusivement de la compétence nationale, il suffit qu’elle en

relève essentiellement, c’est à dire à un très haut degré, mais n’a pas tout à fait le même sens.

En pratique dans les relations Est-Ouest, cette pratique a été systématiquement invoquée par

l’URSS et ses alliés chaque fois que les Occidentaux ont dénoncé les violations des droits de

l’homme commises à l’Est, et dans les relations Nord-Sud, les puissances coloniales l’on

invoqué pour tenter d’empêcher l’ONU d’intervenir, même par voie de débats, dans les

affaires de décolonisation (France à propos de l’Algérie ou de Mayotte). Toutefois, ce

principe est assorti d’une exception importante in fine, le cas où il y aurait menace contre la

paix, rupture de la paix ou agression5.

D. – Le principe de règlement pacifique des différents et interdiction de recourir à la

force

Les deux vont de pair. L’article 2, § (3) énonce que « les membres de l’organisation

règlent leurs différents internationaux par des moyens pacifiques, de telle manière que la paix

et la sécurité internationales, ainsi que la justice, ne soient pas mise en danger ». Le chapitre

VI est consacré au règlement pacifique des différends. L’article 2, § 4, dont il a déjà été

question, interdit non seulement le recours à la force (armée) mais aussi la menace de la force.

L’article 33 énumère les différents moyens techniques de règlement pacifique,

diplomatiques et juridictionnels. Une Déclaration dite de Manille adoptée par l’Assemblée

générale le 25 novembre 1982 réaffirme les principes en la matière et les rôles des organes

onusiens.

SOUS – SECTION III : LA COMPOSITION DE L’ONU

Par composition de l’ONU il faut entendre l’acquisition (§1) et la perte de qualité

d’Etat membre (§2) et non pas, l’erreur est fréquemment commise, quels sont les organes de

l’ONU.

Etant comme la SDN une organisation à vocation universelle, à peu près tous les Etats

font parties de l’ONU, 179 à ce jour (septembre 1992), ne restant à l’écart que la Suisse, bien

que membre de nombreuses institutions spécialisées et abritant à Genève un important Office

des Nations unies pour l’Europe. Une consultation populaire organisée en 1986 avait donné

une majorité nettement défavorables à l’adhésion, la neutralité n’étant qu’un prétexte, car

d’autres Etats neutres, en particulier l’Autriche, font partie de l’ONU.

§1. – L’acquisition de la qualité d’Etat membre

5 Voir : Ross, La notion de compétence nationale dans la pratique des Nations unies, Mélanges Rolin,

Pedone, 1964, p. 264. – VERDORESS, Le principe de la non-intervention dans les affaires relevant de la

compétence nationale d’un Etat et l’article 2 (7) de la Charte des Nations unies, Mélanges ROUSSEAU, Pedone,

1974, p. 264.

Page 6: Système des Nations Unis - Chapitre III

Une distinction doit être faite même s’il n’a plus qu’un intérêt historique entre les

membres originaires (A) et les membres admis (B).

A. – Les membres originaires

Ils sont définis par l’article 3 de la Charte, comme étant ceux qui ont participé à la

conférence de San Francisco ou ayant signé la Déclaration des Nations unies le 1er

janvier

1942, ont signé et ratifié la Charte. Il y en a au total 51, ce sont les Etats alliés en guerre

contre l’Axe, même si la participation de certains a été plus que symbolique. N’en firent pas

partie les vaincus, tenus à l’écart de l’ONU à l’origine.

B. – Les membres admis

L’admission à l’ONU est réglementée par l’article 4 qui pose à la fois des conditions

de fond et de procédure, car il ne suffit pas qu’un Etat veuille entrer à l’ONU pour qu’il soit

automatiquement admis. La décolonisation a eu comme conséquence d’entraîner (depuis 1960

surtout) une augmentation considérable du nombre des Etats membres qui fut multiplié par

trois, passant de 50 à un peu plus de 150. Jusqu'à une date récente on pouvait penser que

dorénavant la liste des membres était à peu près close, mais l’éclatement de l’URSS et de la

Yougoslavie vient de provoquer un nouvel afflux de candidature à l’ONU pour atteindre le

chiffre de 179, qui n’a rien de définitif…

1° Les conditions de fonds Elles sont au nombre de quatre

En premier lieu, il faut être un Etat, le mot « nation » devant être pris au sens d’Etat,

comme cela a été exposé dans la première partie.

En deuxième lieu, il faut être un Etat pacifique (peace-loving) : pour comprendre cette

exigence, qui peut faire sourire de nos jours car on imagine mal q’un Etat se déclare non

pacifique, il faut une fois de plus se référer aux circonstances historiques dans lesquelles

l’ONU fut créée. En 1945, n’étaient pas considérés comme pacifiques les Etats ayant fait

partie de la coalition ennemie, ceux avec lesquels les Nations unies (contre l’Axe) s’étaient

battues.

En troisième lieu, il faut accepter les obligations de la Charte et être capable de les

remplir : même si cette condition paraît très évidente, comme beaucoup d’évidences elle doit

être rappelée. Elle signifie qu’un Etat ne pourrait exciper d’un statut particulier, celui de

neutralité, qu’elle découle d’une norme internationale (Suisse) ou interne (Autriche), pour se

soustraire à certaines obligations inhérentes à la qualité d’Etat membre. Quant à la capacité,

elle peut à priori faire problème pour les « micros » Etats dont les ressources sont limitées,

mais après que l’on eut à un moment envisagé de leur accorder un statut d’associer, sous la

pression du tiers monde désireux d’accroître en poids numérique, ils ont été finalement

admis. L’ont été récemment certains micro-Etats européens comme le Lichtenstein et San

Marin, mais pas Monaco (qui ne l’a pas encore demandé).

En quatrième lieu, il faut être disposé à le faire : comme la capacité, c’est une

condition assez objective à remplir et dont l’appréciation, comme la précédente, s’est laissée à

la discrétion des organes compétents.

2° Les conditions de procédure

L’admission fait intervenir l’assemblée générale et le conseil de sécurit, la demande

d’adhésion étant adressée au secrétaire générale.

Page 7: Système des Nations Unis - Chapitre III

Le premier organe saisi est le Conseil de sécurité. En pratique c’est à ce niveau que les

problèmes sont situés étant donné qu’il s’agit d’un domaine dans lequel le pouvoir du veto

peut jouer.

La procédure d’admission a été à peu près paralysée de 1947 à 1955, l’URSS

prétendant lier l’admission des Etats candidats pro-occidentaux à celle de ses alliés, et comme

les Occidentaux refusaient, elle mit systématiquement son veto aux candidatures soutenues

par les Occidentaux, et ce, en dépit d’un avis de la CIJ du 28 mars 1948, selon lequel un Etat

ne peut pas faire dépendre son consentement de conditions non prévues par la Charte.

L’affaire ne fut réglée qu’en 1955, par un package-deal (technique de règlement en matière de

négociation, difficile à traduire en français par « paquet », mais qui consiste à lier deux

questions différentes et à donner satisfaction à chaque partie de manière globale).

Le Conseil de sécurité fait une « recommandation » à l’Assemblée générale mais le

terme est trompeur, car il s’agit en réalité d’une décision préalable.

Le second organe compétent est l’Assemblée générale qui ne peut pas se passer de la

recommandation du Conseil de sécurité. La question fut posée à la CIJ du fait du blocage des

admissions, et dans un avis du 3 mars 1950 celle-ci jugea que la procédure d’admission telle

que prévue par la Charte, exigeait l’intervention des deux organes. S’agissant d’un question

importante, l’Assemblée générale se prononce à la majorité des deux tiers (des membres

présents et votants pour ou contre) ou par acclamations, c’est à dire sans vote (ce que qui fut

fait par exemple en 1973 lors de l’admission des deux allemands, pour éviter que l’un obtient

plus de voix que l’autre…)

§2. – La perte de la qualité d’Etat membre

Elle peut s’opérer de deux manières, en étant soit volontaire, c’est le retrait (A), soit

imposée, c’est l’exclusion (B).

A. – La sortie volontaire de l’ONU

Le retrait. La lecture de la Charte fait apparaître qu’aucune disposition n’y fait

allusion. Ce n’est évidemment pas un oubli, la seule explication est que les auteurs de la

Charte n’ont pas voulu faciliter la sortie volontaire de l’ONU, en se souvenant de la SDN qui

la prévoyait, et un certain nombre d’Etats usèrent de cette faculté (une vingtaine, donc pas

seulement les régimes dictatoriaux européens, mais aussi des Etats latino-américains). Mais il

résulte d’un déclaration interprétative formulée en commission, lors de la Conférence de San

Francisco, que l’on ne peut pas obliger un Etat à demeurer contre son gré dans une

organisation internationale dont il ne veut pas faire partie. Jusqu'à présent, le problème ne

s’est posé qu’une seule fois dans l’histoire de l’ONU. En 1964, l’Indonésie, mécontente que

la Malaisie, avec laquelle elle était « en froid », ait été élue, sans objection, membre non

permanent au Conseil de sécurité décidé de se retirer de l’ONU. Dix mois plus tard, à la suite

d’un coup d’Etat ayant provoquer un changement du régime (l’Indonésie avait été « proche »

de la Chine communiste qui, ulcérée d’être tenu à l’écart de l’ONU, avait envisager de créer

une organisation composée d’Etats « révolutionnaires » du tiers monde), demanda de

reprendre sa place à l’ONU. Puisqu’il y avait eu retrait, la procédure (normale) de l’acte

contraire aurait voulu qu’elle sollicitât sa réadmission, mais afin d’éviter un (probable) veto

soviétique, il fut convenu par une fiction dont le droit international n’est pas exempt (c’est un

mode de raisonnement juridique classique, cf. le cours d’introduction au droit), qu’elle avait

seulement suspendu sa participation aux travaux de l’ONU, et que moyennant le règlement de

l’arriéré de sa contribution financière, elle pouvait revenir siégeait.

Cette sanction disciplinaire très grave, dont l’URSS avait fait les frais du temps de la

SDN (mais pas le Japon, ni l’Italie, ni l’Allemagne) est prévue par l’article 6 de la Charte à

l’encontre de tout membre ayant « enfreint de manière persistante » les principes énoncées

dans la Charte. La procédure et la même que pour l’admission, toujours au nom de la règle du

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parallélisme des formes, ce qui signifie qu’aucun membre permanent du Conseil de sécurité

ne peut être exclu en raison de son pouvoir de veto contre une décision le concernant

directement. Elle n’a pas non plus eu l’occasion de jouer jusqu'à présent, car lorsque les Etats

africains demandèrent l’exclusion de l’Afrique du Sud à cause de sa politique de

discrimination raciale, les trois Etats occidentaux membres permanents du Conseil de sécurité

mirent leur veto, en faisant valoir qu’il fallait mieux ne pas laisser Etat en dehors de l’ONU,

afin de pouvoir exercer des pression sur lui et l’amener à changer de comportement, ce qui

devait d’ailleurs se produire en 1992…

Le cas de la Yougoslavie est à mettre à part. constatant la disparition de l’ancienne

fédération yougoslave, que deux républiques seulement, la Serbie et le Monténégro

prétendent continuer d’incarner sous ce nom, le Conseil de sécurité a décidé, par une

résolution du 19 septembre 1992 (le Monde 22 sept. 1992) que la nouvelle République

Yougoslave na saurait succéder automatiquement à l’ancienne fédération au sein de l’ONU,

sans participer aux travaux de l’Assemblée générale en attendant qu’il soit statuer sur sa

candidature.

L’exclusion de la Yougoslavie (Serbie-Monténégro) n’a donc pas été demandée,

comme il en avait été question à un moment afin d’éviter un probable veto soviétique… Ce

point de vue a été immédiatement entériné par l’Assemblée générale le 23 septembre 1992,

puisqu’elle a adopté une résolution (texte dans le Monde du 24 septembre 1992) dans laquelle

elle a considéré que la « République fédérative de Yougoslavie » (Serbie et Monténégro)

n’était habilité à assurer automatiquement la continuité de la qualité d’Etat membre de l’ONU

de la précédente République socialiste de Yougoslavie et qu’elle devait présenter une

demande d’admission à l’ONU, le Conseil de sécurité devant se prononcer avant la fin de

l’année. En attendant la délégation yougoslave ne peut pas participer aux travaux de

l’Assemblée générale. Pour éviter une confusion, il est préférable de ne pas dire que la

Yougoslavie a été exclue de l’ONU. Il y a un précédent, celui de l’Afrique du Sud qui, en

1974, fut écartée des travaux de l’Assemblée générale, la commission des pouvoirs refusant

d’admettre la validité des pouvoirs délivrés par le gouvernements sud-africain, sans être pour

autant exclue de l’ONU, puisque les trois Occidentaux avaient mis leur veto à une demande

en ce sens. Cette résolution a été adopté par 127 voix pour, 6 voix contre et 26 abstentions.

Selon certains commentateurs, les voix négatives de cinq Etats africains (Tanzanie, Zambie,

Zimbabwe, Swaziland et Kenya) s’expliqueraient par leur désir de ne pas créer un précédent

compte tenu de leur situation intérieure…

SECTION II : LES INSTITUTIONS DE L’ONU

Par cet intitulé, nous entendons, d’une part, les principaux organes de l’ONU (sous-

section 1) et, d’autre part, les institutions spécialisées et les organisations autonomes (sous-

section 2).

SOUS – SECTION 1 : LES ORGANES PRINCIPAUX

Ils sont au nombre de six : l’Assemblée générale (§1), le Conseil de sécurité (§2), le

Conseil économique et social (§3), le Conseil de tutelle (§4), la Cour international de justice

(§5) et le Secrétariat (§6).

§ 1. - l’Assemblée générale

Il est bien difficile d’échapper à une présentation consistant à passer successivement sa

composition, son organisation et son fonctionnement (A) puis ses principales compétences

(B).

A. – Compétence, organisation et fonctionnement

1° Sa composition

Page 9: Système des Nations Unis - Chapitre III

Aux termes de l’article 9 de la Charte, l’Assemblée générale reflète dans sa

composition le principe d’égalité entre les Etats membres, puisque tous siègent sur un pied

d’égalité, un Etat une voix, quelle que soit son importance. Chaque délégation ne comprend

en principe que cinq membres, en fait beaucoup plus pour certaines, avec des suppléants, des

experts, des conseillers, de parlementaires en mission.

2° Son organisation et son fonctionnement L’Assemblée générale est réunie tous les ans en session régulière à la fin du mois de

septembre à New York en principe jusqu'à la fin de décembre.

Elle peut également se réunir en session extraordinaire ou en session spéciale (sur le

désarmement par exemple). Tout comme une assemblée parlementaire, elle est régie par un

règlement intérieur6. Elle a à sa tête un bureau comprenant un Président, élu tous les ans (sur

la base du critère de la répartition géographique équitable), assisté de vingt et un vice-

présidents, élus sur la même base, qui remplit les mêmes fonctions qu’un président

d’assemblée dans l’ordre interne ( il prononce l’ouverture et la clôture de la session, dirige les

débats, donne la paroles aux orateurs inscrits, statue sur les motions d’ordre, assure le

maintien de l’ordre)7.

Le parallèle avec les assemblées nationales peut être poursuivi en indiquant qu’elle se

subdivise en plusieurs commissions : questions de politiques (I), de désarmement, questions

économiques et financières (II), questions sociales, humanitaires et culturelles (III), questions

de tutelles et territoires non autonomes (IV), questions administratives et budgétaires (V),

questions juridiques (VI). S’y ajoute la commission de vérification des pouvoirs (voir supra)

et des comités permanents, le Comité pour les questions administratives et budgétaires (seize

membres) et le comité des contributions (dix-huit membres). Elle peut également créer des

commissions ou des comités spéciaux (pour les opérations de maintien de la paix, pour les

droits du peuple palestinien, par exemple).

L’Assemblée générale délibère sur les questions inscrites à son ordre du jour, dont la

liste est généralement fort longue, et peut comprendre des sujets très divers, en dehors des

grands problèmes d’actualité (il y a quelques années la Grenade avait fait inscrire le problème

des OVNI).

Les délégués prennent les paroles dans les six langues officielles et de travail :

français, anglais, espagnol, arabe, russe et chinois (à noter que ces deux dernières langues ne

sont parlées qu’en Russie et qu’en Chine, mais leur consécration officielle date de 1945).

Pour les votes, la Charte opère une distinction entre les questions importantes et les

autres. Pour les premières, l’article 18 y fait figurer le maintien le maintien de la paix et de la

sécurité internationales, l’élection des membres non permanents du Conseil de sécurité, de

l’ECOSOC, l’admission de nouveaux membres, la suspensions des droits et privilèges des

membres, le régime de la tutelle, les questions budgétaires. L’Assemblée générale doit se

prononcer à la majorité des deux tiers des Etats présents et votants (pour et contre, les

abstentions ne comptent pas). La majorité simple suffit pour les autres questions, y compris le

point de savoir quelles sont les autres catégories de questions à trancher à la majorité

qualifiée. On a déjà eu l’occasion d’exposer dans quelles conditions est née la pratique du

consensus, autrement dit la procédure de non-objection, qui fait qu’une décision est réputée

adoptée (après de nombreuses palabres) dès lors qu’aucune délégation n’élève d’objection

formelle (ce qui n’empêche pas ensuite les réserves de consensus…)8.

Les textes adoptés par l’Assemblée générale portent le nom générique de

« résolution », mais ce mot doit être précisé sur la plan juridique. En effet, les résolutions

6 Texte dans REUTER et GROS, Traités et documents diplomatiques, PUF, 1970, p. 94.

7 Voir : QUENENDEC, Le Président de l’Assemblée générale : Rev. Gén. Dr. Int. Publ. 1966. p. 678.

8 Voir : CASSAN, Le consensus dans la pratique des nations unies : Annuaire fr. dr. Int. 1974. p. 474.

Page 10: Système des Nations Unis - Chapitre III

portent sur le fonctionnement de l’ONU, la vie interne de l’organisation, sont de véritables

décisions, elles sont obligatoires pour les Etats membres (fixation du barème des contributions

budgétaires, élection des membres dans divers organes restreints). En revanche, lorsque

l’Assemblée générale discute de questions ou d’affaires en matière politique, économiques ou

sociales, sous forme par exemple de Déclarations, ces résolutions n’ont que la valeur de

recommandations : elles correspondent à la formulation de souhaits, de vœux, elles sont une

incitation à agir ou à s’abstenir, mais ne sont pas obligatoires sur le plan juridique (exemple

supra, la résolution de 1947 sur le partage de la Palestine en deux Etats).

B. – Les principales compétences de l’Assemblée générale

Seul organe plénier de l’ONU, l’Assemblée générale dispose de vastes compétences

avec certaines limites cependant.

1° Les limites aux compétences de l’Assemblée générale

- En premier lieu, conformément à l’article 2, § 7 précité elle ne doit pas s’immiscer

dans les affaires relevant essentiellement de la compétence nationale des Etats ;

- en deuxième lieu, elle doit s’abstenir à toute recommandation à propos d’un différent

ou d’une situation dont le Conseil de sécurité est saisi (art. 12, §1) ;

- en troisième lieu, elle doit renvoyer au Conseil de sécurité toute question qui

concerne la maintien de la paix et de la sécurité internationale qui appelle à une action, car

seul le Conseil de sécurité peut décider une action (art. 11 § 2).

2° L’exercice des compétences de l’Assemblée générale

- D’une part, elle partage certaines compétences avec le Conseil de sécurité, ce sont

des compétences conjointes : composition de l’ONU (admission et exclusion), élection des

juges de la CIJ (le droit de veto ne joue pas au sein du conseil de sécurité à ce sujet), élection

du Secrétaire général ;

- d’autre part, elle dispose de compétences exclusives : élection des membres des

organes restreints (Conseil de sécurité, ECOSOC, Conseil de tutelle), création et composition

des organes subsidiaires (la Commission du droit international pour la préparation de la

plupart des traités dans le cadre onusien), autorité de l’ECOSOC et le Conseil de tutelle,

coordination des activités des institutions spécialisées, vote du budget, discussion des

questions ou affaires rentrant dans le cadre de la Charte (art. 10).

§2. – Le Conseil de sécurité

Le paon sera identique, à savoir sa composition et son fonctionnement, d’une part (A),

ses principales compétences, d’autre part (B).

A. – Composition et fonctionnement

1° Composition

Aux cinq membres permanents, investit de ce statut privilégié, non pas parce que ce

sont actuellement les cinq puissances nucléaires « officielles », mais par ce qu’en 1945 il

s’agissait des cinq principales puissances victorieuses de l’Axe, les Etats-Unis, la Russie (qui

vient de succéder sans problème d’appellation à l’URSS), le Royaume-Uni, la France et la

Chine, s’ajoutent dix autres Etats (depuis 1965, six auparavant), membres non permanents

élus pour deux ans par l’Assemblée générale. Le critère habituel de la répartition

géographique équitable donne trois sièges au groupe africain, deux au groupe latino-

américain, deux au groupe asiatique, deux au WEOG (Europe occidentale et autres Etats), un

au groupe socialiste ( avant son disparition en 1991). Il peut arriver que la compétition soit

très vive entre deux Etats d’un même groupe et oblige l’Assemblée générale à de nombreux

scrutins (le record jusqu'à présent est, à notre connaissance, celui établit en 1979 pour

départager le Cuba et la Colombie, où il a fallu 155 tours pour finalement élire le Mexique…).

La représentation de la Chine a fait problème pendant une vingtaine d’année, de 1950

à 1971 car, à l’origine, l’Etat chinois membre fondateur de l’ONU, était représenté par le

Page 11: Système des Nations Unis - Chapitre III

gouvernement nationaliste. Sa défaite en 1949, suite à la guerre civile remportée par les

communistes, le contraignait à se réfugier dans l’île de Formose, mais il continue de

représenter la Chine, en dépit des protestations de l’URSS (les occidentaux ne soupçonnaient

pas à l’époque le contentieux latent entre Moscou et Pékin, qui n’éclata au grand jour qu’en

1960). Les Etats-Unis avaient réussi à prévaloir la thèse selon laquelle la représentation de la

Chine était une question importante à trancher à la majorité des deux tiers par l’Assemblée

générale. Un revirement s’opéra en 1971 à l’initiative de l’Albanie, qui jouait à l’époque le

rôle de porte-parole des intérêts et des thèses de la Chine communiste, avant de rompre avec

elle en 1977, l’accusant de trahir les idéaux marxistes-léninistes). C’est désormais la Chine de

Pékin (république populaire de Chine) qui occupe le fauteuil de la Chine comme membre

permanent, ce qui eut à l’époque pour résultat d’ajouter aux habituelles diatribes Est-Ouest de

nouvelles joutes verbales d’une extrême violence entre la délégation soviétique et la

délégation chinoise9.

Compte tenu de sa puissance économique la RFA serait « intéressée » par un siège de

membre permanent au Conseil de sécurité ainsi semble t-il que le Japon (Le Monde 5 août et

25 sept. 1992).

Mais cela supposerait une révision de la Charte et un autre élargissement du Conseil

de sécurité à des Etats comme l’Inde le brésil et le Nigeria.

Par les accords de Pont-sur-Meuse, plus connu sous le nom d’accord de Maastricht, ou

traité sur l’Union européenne du 7 février 1992, il est dit dans l’article J 5 § 4 que les Etats

membres qui sont également membres du Conseil de sécurité se concentrons et tiendrons les

autres Etats membres pleinement informés, ce qui n’est sans doute pas nouveau dans le cadre

de la coopération politique antérieure.

En revanche, ce qui est nouveau, c’est qu’il est dit ensuite que les Etats membres qui

sont permanents du Conseil de sécurité (sans citer nommément la France et le Royaume-Uni)

veillerons,, dans l’exercice de leurs fonctions, à défendre les positions et intérêts de l’Union,

sans préjudice (c’est à dire sous réserve) des responsabilités qui leurs incombent en vertu des

dispositions de la Charte de l’ONU. Certains commentateurs critiques s’en sont émus et

craignent que ce mandat, qualifié « d’impératif », ne soit le point de départ d’un processus de

capitio deminutio à leur encontre, devant à terme déboucher sur une représentation, non plus

de ces deux Etats, mais de l’Union européen au sein du Conseil de sécurité10

.

Il convient de ne pas perdre de vue qu’en vertu de l’article 103 de la Charte, en cas de

conflit entre les obligations des membres des Nations unies en vertu de la présente Charte et

leurs obligations en vertu de tout autre accord international (donc des accords de Maastricht),

les premiers prévaudront, et que, de plus, toute révision de la Charte nécessite l’accord des

membres permanents11

.

2° Fonctionnement12

A la différence de l’Assemblée générale, le Conseil de sécurité peut se réunie à tout

moment, compte tenu du fait qu’il a la responsabilité principale de maintien de la paix, sur

convocation de son président. La présidence n’est pas élective, elle change tous les mois,

9 Voir : MARTIN, Le comportement de la République populaire de Chine au Conseil de sécurité : Rev. Gén. Dr.

int. Publ. 1978, p. 775. 10

Voir : l’article de M. PEROL (ancien ambassadeur et secrétaire général du quai d’Orsay de 1986 à 1988) Y

aura –t-il après Maastricht une diplomatie française ? in l’ouvrage collectif l’Europe déraisonnable de l’Acte

unique à Masstricht, éd. Valmonde, 1992, p 75 et s. 11

Voir également : AHADZI-NONOU, Les Etats africains membres non permanents du Conseil de sécurité :

Rev. Gén. Dr. Int. Publ. 1986 p. 877. 12

Voir : LEPRETTE, Comment se prononce-t-on au Conseil de sécurité ? in Les organisations internationales

contemporaines, op. cit. p. 45, - SMOUTS, Réflexions sur les méthodes de travail du Conseil de sécurité :

Annuaire fr. dr. Int. 1982, p. 601.

Page 12: Système des Nations Unis - Chapitre III

chaque Etat membre, permanent ou non, l’assurant en suivant l’ordre alphabétique anglais13

,

ce qui peut faire problème quand un Etat change de nom (ce qui s’est produit à propos de la

Haute-Volta quand il devint Burkina Faso), et peut ainsi présider le Conseil de sécurité à deux

reprises à un faible intervalle de temps… Le Conseil de sécurité est, comme l’Assemblée

générale, régi par un règlement intérieur14

Les débats se déroulent dans les mêmes six langues précitées et sont publiques, à

moins que le Conseil de sécurité ne décide de se réunir en séance privée (elle est obligatoire

lorsqu’il s’agit de choisir un nouveau Secrétaire général).

Mais c’est surtout un processus décisionnel au sein du Conseil de sécurité qu’il

convient de s’attacher. L’article 27 énonce que chaque membre dispose d’une voix (§1), que

les décisions sur les questions de procédure sont prises par un vote affirmatif de neuf

membres (§2), soit une voix de plus que la majorité simple, et surtout que les décisions sur

tout autres questions (donc autre que de procédure) sont prises par un vote affirmatif de neuf

membres, dans lequel sont comprises les voix de tous les membres permanents, avec une

restriction, à savoir que s’agissant du chapitre VI (règlement pacifique des différents) et de

l’article 52, § 3 ( règlement pacifique des différents par les organismes régionaux) une partie à

un différend doit s’abstenir de voter (§ 3). C’est à propos de ce dernier paragraphe que l’on a

parlé de droit de veto, encore que le mot ne figure pas dans la Charte.

L’institution du veto est connue en droit constitutionnel, puisque prévue par l’article I

section 7 de la Constitution américaine de 1787 au profit du Président dans ses rapports avec

le congrès, à propos de l’exercice du pouvoir législatif15

et par la constitution française du 3

septembre 1791 (titre III, chapitre III, section III), mais elle n’a rien à voir avec ce qui se

passe au Conseil de sécurité, puisque le veto joue à l’intérieur d’un organe et non dans ses

rapports avec un autre.

Le veto été voulu par les grandes puissances, notamment les Etats-Unis, étant

considéré comme un progrès par rapport à la SDN où l’unanimité était la règle, et surtout

comme étant justifié par les responsabilités primordiales qui pèsent sur les cinq grands (à

l’époque).

C’était donc n correctif à l’égalité mathématique entre Etats membres de l’ONU, mais

cette atteinte (indéniable) à l’égalité souveraine entre Etats a été de plus en plus mal supportée

par nombre d’Etats, sans que les diverses formules envisagées pour y remédier aient pu

aboutir (sa suppression impliquerait une révision de la Charte qui n’est pas possible qu’avec

l’accord des membres permanents).

Entrent dans la catégorie des questions de procédure celles qui se rattachent aux

articles 28 à 32 de la Charte : convocation du Conseil de sécurité, élection des juges de la CIJ,

convocation d’une conférence de révision de la Charte.

Font partie des questions autres que de procédure (on notera que la dichotomie n’est

pas la même qu’à l’Assemblée générale où la distinction est entre question importantes et

non), donc de fonds, le règlement pacifique des différents, l’action coercitive (infra), la

réglementation des armements, l’admission, la suspension et l’exclusion des membres,

l’élection du Secrétaire général, les rapports du comme Conseil de sécurité avec l’Assemblée

générale et avec la CIJ.

L’exigence d’un vote affirmatif pour toute ces questions est le reflet du postulat sur

lequel repose tout l’édifice construit en 1945, le maintien de l’entente entre les puissances

victorieuses de l’Axe, quelles qu’aient été les contradictions d’intérêts et de valeurs entre

elles. Il en résulte que les voix des cinq grands ne suffisent pas pour faire adopter une

décision, il faut que quatre membres non permanents les soutiennent ; en sens inverse, une

13

Contrairement à ce qu’écrit M. Alain DECAUX dans le tapis rouge, Perrin, 1992, p. 68, avoir été président du

Conseil de sécurité n’est pas la récompense de talents diplomatiques particuliers 14

Egalement reproduit dans REUTER et GROS, traités et documents diplomatiques, op. cit., p. 86). 15

Voir. TURPIN, Droit constitutionnel, PUF, 1992, p. 604

Page 13: Système des Nations Unis - Chapitre III

coalition de sept membres non permanents face à un accord des cinq Grands empêche

l’adoption d’une décision…On peut même citer au moins le cas où une résolution fut adoptée

par le Conseil de sécurité avec l’abstention de quatre des membres permanents, la Chine ne

participant pas au vote : il s’agit de la résolution du 15 décembre 1973 par laquelle les

membres non permanents du Conseil de sécurité avaient voulu exprimer le souhait de l’ONU,

par l’intermédiaire du secrétaire général fût associé à la conférence de la paix qui devait se

tenir à Genève après la guerre d’octobre 1973, alors que les Etats-Unis et l’URSS,

coprésidents de cette conférence, n’entendaient confier au Secrétaire général qu’un rôle

purement formel, consistant à servir d’organisateur et à présider la séance d’ouverture de cette

conférence, qui s’ajourna d’ailleurs très vite pour ne reprendre que dix-huit ans plus tard à

Madrid, en octobre 1991…

Mais ce qui n’était pas prévu et qui devait très vite faite problème, l’abstention ou

l’absence d’un membre permanent. Une pratique contra legem s’est développée au Conseil

de sécurité selon laquelle ni l’une ni l’autre ne font obstacle à la validité du processus

décisionnel. Ce point de vue a été essentiellement consacré par la CIJ, dans l’avis du 21 juin

1971 sur les conséquence juridiques de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie

(sud-ouest africain), qui admis la licéité du Conseil de sécurité en tant que pratique générale

de l’organisation, selon laquelle l’abstention d’un membre permanent ne signifie pas qu’il

s’oppose à la probation de ce qui est proposé (1). Il y a été à nouveau fait allusion lorsque la

Chine fait abstention lors du vote de la résolution 678 du 19 novembre 1990, par laquelle le

Conseil de sécurité autorisait le recours à « tous les moyens nécessaires » pour obliger l’Irak à

se retirer du Koweït, mais sans que cela affecte la validité de cette résolution, ce qui aurait

privé la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis de la caution juridique onusienne16

On peut donner l’indication suivante quant à l’utilisation du pouvoir de veto qui

empêche l’adoption d’un résolution par le Conseil de sécurité, quand bien même les quatorze

autre membres, permanents et non, voteraient positivement : Chine 4 ; Etats-Unis : 66 ;

France : 18 ; Royaume-Uni : 30 ; URSS : 116. On constate immédiatement que l’URSS à elle

seule, entre 1945 et 1990, a recouru au veto dans la moitié des cas (116 sur 232), surtout

d’ailleurs au début de l’ONU en matière d’admission, à l’époque où elle se trouvait isolée au

sein du Conseil de sécurité et où les Occidentaux, contrôlant la majorité, n’avait pas besoin

d’y recourir. Les membres permanents recourent au veto, soit pour défendre leurs intérêts

nationaux lorsqu’ils leur paraissent directement menacés (France dans l’affaire de Mayotte

par exemple), soit pour défendre ceux d’un allié (Etats-Unis vis-à-vis d’Israël pour empêcher

sa condamnation)

Depuis 1986, les cinq Grands ont pris l’habitude de se réunir au siège de la

représentation permanente de chacun, à tour de rôle, pour se concerter sur les grands

problèmes de l’heure, afin de se mettre d’accord sur des projets de résolution ensuite soumis

aux membres non permanents, qui apprécient peu ce comportement, ayant le sentiment d’être

mis devant le fait accompli. L’une des manifestations tangibles de cette attitude réside dans la

déclaration américano-soviétique du 23 septembre 1989 relative à une initiative commune à

propos de la CIJ en vue de renforcer son rôle en matière de règlement pacifique des

différends17

.

Tous les actes du Conseil de sécurité n’ont pas la même la valeur juridique, car le

Conseil de sécurité, tout comme l’Assemblée générale, peut n’adopter que des résolutions

n’ayant que la valeur de recommandation, mais il peut aussi prendre de véritables décisions

que les membres de l’ONU sont convenus d’accepter et d’appliquer (art. 25). La distinction

entre les deux n’est pas toujours évidente, car il faut savoir sur la base de quel chapitre de la

Charte le Conseil de sécurité s’est fondé pour adopter une résolution. La CIJ, dans l’avis

16

(V. VECHOEVEN, L’ONU face au conflit entre l’Irak et le Koweït : Annuaire français du droit International

1990, p. 176). 17

V. BRETTON : Annuaire fr. dr. Int. 1990, p. 322

Page 14: Système des Nations Unis - Chapitre III

précité de 1971, a déclaré qu’il fallait se référer dans chaque cas aux débats ayant précédés le

vote de la résolution, aux dispositions de la Charte invoquées, et à tous les éléments pouvant

aider à préciser les conséquences juridiques de la résolution (2).

Naturellement, la pratique du consensus est usuelle au sein du Conseil de sécurité,

ainsi que celles des déclarations faites par le président en exercice du Conseil de sécurité, qui

exprime la position du Conseil de sécurité sur un problème déterminé, sans avoir la valeur ou

la portée d’une résolution en bonne et due forme.

B. Les principales compétences du conseil de sécurité

On peut en dégager trois catégories

En premier lieu, il y a celles relatives au règlement pacifique des différents (chap. VI).

Le Conseil de sécurité doit favoriser le règlement des litiges dont il a à connaître, par des

recommandations incitant les parties à recourir à toute la gamme de moyens énumérés dans

l’article 33 (négociation, enquête, médiation, conciliation, arbitrage, règlement judiciaire,

recours aux organismes ou accords régionaux ou autres moyens pacifiques de leur choix). On

a déjà cité la Déclaration de Manille du 15 novembre 198218

. En ce domaine, le Conseil de

sécurité n’agit pas, il invite, il recommande, il prie, il demande.

En deuxième lieu, il y a celles relatives au maintien de la paix et de la sécurité

internationales, qui seront exposés à propos des principales activités de l’ONU (section III).

En troisième lieu, le Conseil de sécurité dispose de compétences qu’il exerce

conjointement avec l’Assemblée générale (admission et exclusion de membres, élection du

Secrétariat général, élection des juges de la CIJ).

En matière de justice internationale, il a des compétences qui lui sont propres : il peut

demander un avis à la CIJ (c’est rare, la plupart des avis ont été demandé par l’Assemblée

générale), et surtout en cas d’inexécution d’un arrêt par un Etat, à la demande de l’autre

partie, il peut faire des recommandations et décider des mesures à prendre pour faire exécuter

l’arrêt (art. 94), sans que soient précisées lesquelles. Ce problème s’est posé en 1986 suite à

l’arrêt de la CIJ du 27 juin condamnant les Etats-Unis pour leur comportement vis-à-vis de

Nicaragua. Les Etats-Unis mirent leur veto au Conseil de sécurité à un projet de résolution

critiquant leur attitude. L’adage quoniam nominor leo a aussi sa place dans les relations

internationales…

§ 3. – Le conseil économique et social (ECOSOC)

Si l’ECOSOC fait partie des organes principaux de l’ONU, il faut cependant savoir

qu’il est placé sous l’autorité de l’Assemblée générale à laquelle il adresse des rapports, et elle

peut lui faire des recommandations. Nous suivrons toujours le même plan : composition,

organisation et fonctionnement (A), compétences (B).

A. – Composition, organisation et fonctionnement

1° Composition

Il s’agit d’un organe restreint dont la composition a varié depuis 1945, puisqu’elle est

passée de 18 à 54 membres, élus par l’Assemblée générale sur la base de la répartition

géographique équitable ce qui donne 14 sièges pour le groupe africain, 13 pour le groupe

asiatique, 10 pour le groupe latino-américain, 13 pour le WEOG et 6 pour les Etats socialistes

(à revoir une fois de plus). Il a été question à plusieurs reprises de son « universalisation »,

problème qui risque d’être à nouveau soulevé par la nouvelle augmentation des membres de

l’ONU.

2° Organisation et fonctionnement

18

Voir à ce sujet BRETTON, TC de DIP et de RI, op. cit., p. 399 et s.

Page 15: Système des Nations Unis - Chapitre III

Les CES tient plusieurs sessions annuelles à New York et à Genève. Pour se

conformer à sa mission il a créé toute une série d’organes subsidiaires nécessaires à

l’accomplissement de ses fonctions que l’on peut penser ainsi.

a) Des commissions techniques

Il y en a six : commission de statistique, de la population, de développement social,

des droits de l’homme, de la condition de la femme (bien que par droits de l’homme en entend

human rigths en anglais, il ne serait pas très heureux de traduire ce la par « droits humains »

en français), des stupéfiants. Ce sont des organes intergouvernementaux composés d’experts,

en nombre variable (entre 24 et 43).

Les résolutions constitutives de chacune déterminent leur mandat. L’une des plus

importante est la commission des droits de l’homme qui a ajouté un rôle dans l’élaboration

des grands textes onusiens en matière de protection internationale des droits de l’homme, et

de plus elle contribue à l’application et au respect effectif de ces mêmes droits par

l’établissement de rapports et d’études sur des points particuliers.

b) Les commissions économiques régionales

Elles sont également au nombre de six : Europe, Asie et Pacifique, Amérique latine et

Caraïbes, Afrique, Asie occidentale. Leur rôle est de promouvoir la coopération régionale

entre Etats membres.

c) Les comités

Leur variété ne permet pas d’en donner de définition positive, si ce n’est pour dire que

ce sont des organes subsidiaires qui ne sont ni des commissions techniques ni des

commissions économiques régionales… Ils sont permanents ou temporaires, composés

d’experts ou de représentants des gouvernements, leur composition oscille entre 19 et 58

membres. Ils assistent l’ECOSOC dans l’exercice de ses compétences. On se bornera à en

citer quelques-uns : Comité du ressources naturelles, Comité des sociétés transnationales,

Comité des ONG, Comité de planification et de développement, Comité pour la prévention du

crime et la lutte contre la délinquance.

L’ ECOSOC dispose naturellement d’un règlement intérieur à l’instar des autres

organes principaux. Ses séances sont publiques, mais une bonne partie de ses délibérations ont

lieu en séances privées, dans le cadre des groupes régionaux ou de réunions intergroupes, ce

qui permet aux négociations d’échapper à une publicité qui n’est certainement pas une

garantie d’efficacité. Les résolutions sont adoptés par un vote formel ou par consensus, les

deux se combines avec une nette prédominance du consensus (formellement consacré par

l’article 59 du règlement intérieur

B. Compétences de l’ ECOSOC

Elles sont très étendues dans la mesure où elles portent sur tout ce qui n’est pas

politique, administratif ou juridique, encore que le phénomène général de la politisation

n’épargne pas l’ ECOSOC (l’exemple du problème du respect des droits de l’homme est très

révélateur de ce point de vue : les travaux de la commission des droits de l’homme à Genève,

dont la presse rend compte, le montrent bien).

On peut résumer ces compétences en disant simplement que l’ ECOSOC a à la fois un

rôle de coordination et d’impulsion, car il se trouve à l’intérieur d’un système de relations

entre organisations internationales et entre organes de celles-ci, aussi bien dans le cadre de

l’ONU qu’en dehors de l’ONU.

§ 4. – Le conseil de tutelle

Page 16: Système des Nations Unis - Chapitre III

Autre organe principal, nous n’en dirons que quelques mots car la tutelle en tant que

réglementation de la compétence coloniale ayant succédé au régime des mandats datant de la

SDN a vécu… Organe intergouvernemental et paritaire (autant de puissances administrantes,

que non administrantes élues par l’Assemblée générale) il recevait des rapports sur la façon

dont ces territoires étaient administrées, examinant des pétitions émanant des populations

locales et pouvait aussi effectuer des visites sur place, avec l’accord de la puissance

administrante.

Il a participé au processus de décolonisation, mais a été concurrencé par d’autres

organes non prévus par la Charte comme le Comité dit des 24 (nombre de ses membres) créé

en application de la Déclaration de 1960 sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux

peuples coloniaux.

§5. – La Cour international de Justice

Les développements portant sur la CIJ seront également très brefs, mais pour une toute

autre raison, parce que son étude (détaillée) fait partie du programme de licence.

Elle a succédé en 1945 à la Cour permanente de Justice internationale (COJI) créée par

la SDN et à laquelle elle ressemble beaucoup. Son statut figure en annexe à la Charte de

l’ONU. En tant qu’organe judiciaire principal de l’ONU elle diffère des autres organes

principaux. Nous passerons en revue sa composition et ses compétences, selon les

subdivisions habituelles.

A. - Composition

Trois remarques peuvent être faites à ce sujet.

1° Il s’agit d’un organe juridictionnel Cela veut dire que ses membres sont des magistrats indépendants des Etats dont ils ont

la nationalité, choisis parmi les personnes « jouissant de la haute considération morale »,

remplissant « les conditions requises pour l’exercice, dans leurs pays respectifs, des plus hauts

fonctions judiciaires » ou possédant en tant que « jurisconsultes » (ceux qui font profession de

donner des avis sur le plan juridique) une « compétence notoire en matière de droit

international » (sans précision public ou privé, en pratique c’est plutôt en droit international

publique). Ils sont au nombre de 15n ce qui était déjà le cas pour la CPJI, élus pour neuf ans et

rééligibles, la moyenne d’âge étant jusqu'à présent assez élevée, de l’ordre de 65 ans (âge de

la retraite dans la fonction publique nationale). Leur statut garantit leur indépendance. Le

siège de la Cour est à La Haye, dans les mêmes locaux que l’Académie de droit international

(Palais de la Paix).

2° Il s’agit d’un organe juridictionnel élu Les Etats présentent des listes de candidats (ce qui n’exclut pas la transparence de la

candidature officielle) et l’élection est l’œuvre de l’Assemblée générale et du Conseil de

sécurité (le pouvoir de veto ne joue pas). La composition de la cour doit refléter dans

l’ensemble « la représentation des grandes formes de civilisation et des principaux systèmes

juridiques du monde. ». En réalité les cinq membres permanents ont chacun un juge, et pour le

reste la répartition géographique équitable est sous-jacente. La Cour élit en son sein un

président pour trois ans (seulement, pour éviter qu’une trop forte personnalité ne domine la

Cour).

Une particularité de la composition de la Cour est que si dans un litige Etat n’a pas de

juge de sa nationalité, il peut désigner un juge ad hoc (c’est à dire spécial, à ne pas confondre

avec un héros de bande dessinée cher à Hergé), qui siège avec les mêmes droits et obligations

que les autres, sans avoir forcément la nationalité de l’Etat qui l’a désigné (plusieurs

professeurs français de droit international ont été ainsi choisis par des Etats du tiers monde).

Page 17: Système des Nations Unis - Chapitre III

La formation en nombre impair garantit qu’une majorité se dégagera, si ce n’est pas le

cas (défaillance d’un juge ou présence d’un juge ad hoc), en cas de partage, la voix du

président est prépondérante (une fois jusqu'à présent en 1966 dans l’affaire du Sud-ouest

africain).

B. – Les compétences de la CIJ

A l’instar du Conseil d’Etat français, la CIJ a une double compétence, contentieuse et

consultative.

1° La compétence contentieuse

La cour a pour mission de trancher les différends d’ordre juridique entre les Etats qui

acceptent sa compétence, soit par une clause finale dans un traité, soit en concluant un

compromis (traité spécial soumettent un litige à la Cour), soit en vertu la clause facultative de

juridiction obligatoire (optional clause). Tout ce système repose sur un principe fondamental,

celui du consentement des Etats qui peuvent, étant souverains, refuser que la Cour connaisse

de litiges les concernant. Ce fut l’attitude de l’URSS jusqu’en 1989, car elle estimait que dans

une société divisée comme l’est la société internationale, il ne peut y avoir de juges

indépendants, bien qu’il eût deux juges de l’Ets au sein de la Cour. Les Etats peuvent

s’engager à l’avance, par une déclaration unilatérale, à accepter la compétence obligatoire de

la Cour pour un litige à venir, vis-à-vis de tout Etat agissant de même. Un peu moins d’un

tiers des Etats ont souscrit une telle déclaration. Si la Cour ne devait comprendre que des

juges originaires d’Etats ayant fait une telle déclaration, elle ne comprendrait (actuellement)

que cinq juges… Les Etats prenant cet engagement peuvent en limiter la portée en faisant des

réserves excluant la compétence de la Cour dans certains domaines. Ce fut le cas de la France,

qui n’accepte plus cette compétence obligatoire depuis 1974, lorsque la CIJ ne se déclara pas

incompétente en 1972, ayant été saisi par la Nouvelle-zélande et l’Australie qui constataient la

licéité des essais nucléaires français (à l’air libre à l’époque) dans le Pacifique, en dépit d’une

réserve française écartant expressément la compétence de la Cour, les litiges ayant trait à des

activités se rapportant à la défense nationale. Les Etats-Unis ont fait de même, estimant en

1984 que c’était à tort que la Cour s’était déclarée compétente pour connaître du recours

introduit contre eux par le Nicaragua19

.

Saisi par voie contentieuse, la CIJ rend des arrêts qui ont l’autorité relative de la chose

jugée, sont obligatoires pour les parties dans la partie qu’elles ont portée devant elle.

L’exécution dépend du bon vouloir des Etats, il n’y a pas de force de police internationale

envoyée pour contraindre un Etats récalcitrant à se conformer à la décision rendue ( sous

réserve de ce qui a été dit à propos de l’article 94 de la Charte).

A la différence de ce qui se passe devant l’ensemble des juridictions françaises, il est

indiqué à la fin de l’arrêt (c’est vrai aussi pour les avis) à quelle majorité la Cour a statué,

quels sont les juges de la majorités et de la minorité et surtout, ce qui est très révélateur de

l’influence des conceptions procédurales anglo-américaines ( plus que française) les juges

peuvent publier (en même temps que l’arrêt ou l’avis) leur opinion séparée, individuelle

(d’accord avec le dispositif mais pas avec tous les motifs) ou dissidente (en désaccord avec le

dispositif).

Comme en plus, les arrêts (et les avis) sont rédigés sous forme narrative, bien éloignée

de l’imperatoria brevitas chère au Conseil d’Etat français, le texte d’un arrêt ou d’un avis

peut être très long, puisque accompagné des opinions séparées (546 pages imprimées pour

l’arrêt du 27 juin 1986 sur le fond, Nicaragua contre Etats-Unis ; il est vrai que l’opinion

dissidente du juge américain à elle seule un petit manuel de droit international de 268 pages).

La procédure devant la CIJ se compose de deux phases, l’une écrite, l’autre orale.

Dans la partie écrite, les parties échangent mémoire (le demandeur) et contre-mémoire (le

19

V. BETTON, TD de DIP et de RI, op. cit., p. 251 et s.

Page 18: Système des Nations Unis - Chapitre III

défendeur), c’est à dire l’exposé détaillé de leurs thèses, en français ou en anglais, par

l’intermédiaire du greffe de la Cour. Dans la phase orale, chaque partie est représentée par un

agent (généralement le responsable des affaires juridiques au sein du ministère des Affaires

étrangères), assisté d’avocats, de conseils et experts. Les parties plaident, les membres de la

Cour peuvent leur poser des questions.

Il n’y a pas de commissaire de gouvernement comme devant les juridictions

administratives françaises (ce nom est trompeur, car le magistrat chargé de cette fonction n’a

pas pour mission d’exposer le point de vue du gouvernement, mais d’exposer les données du

litiges et de présenter une solution en droit, sans que la juridiction soit tenue de le suivre), et

comme devant la Cour de justice des Communautés de Luxembourg (il porte le nom d’Avocat

général).

2° La compétence consultative

L’autre compétence de la CIJ consiste à donner des avis sur des questions de droit

exposées par un organe de l’ONU (en général l’Assemblée générale), ou par une institution

spécialisée (plus rare). Les deux compétences sont nettement séparées, en ce sens qu’une

organisation internationale ne peut pas utiliser la voie contentieuse.

La procédure est également écrite et orale, comme dans la procédure contentieuse,

sauf qu’il n’ y a ni demandeur ni défendeur.

Comme son nom l’indique l’avis est dépourvu de force obligatoire, tout ce que peut

faire l’Assemblée générale c’est de recommander aux Etats membres de l’ONU de s’y

conformer, mais ce n’est pas plus contraignant.

Nombre de différents portés devant la Cour ne sont pas purement juridiques, presque

tous comportent des éléments politiques, ce qui n’empêche pas la Cour de statuer.

Si la CIJ joue un rôle relativement moins important dans la société internationale

contemporaine, essentiellement pour des raisons politiques (réticences de certains Etats ou

groupes d’Etats à la saisir), il en va différemment sur le plan juridique international, car sa

jurisprudence a apporté une contribution de premier plan à des domaines tels que le droit des

traités, le droit des organisations internationales, le doit de la mer, le droit de la

responsabilité, allant même jusqu’à inspirer des règles reprises ensuite lors de la codification

de la matière concernée (droit de passage inoffensif dans la mer territorial par exemple).

§ 6. – Le Secrétariat

Dernier organe principal de l’ONU (chap. XV, art. 97 à 101 de la Charte), le

Secrétariat n’est pas un organe comme les autres dans la mesure où sa composition, en dehors

du Secrétaire général, n’est pas déterminée est laissée à la discrétion de ce dernier, d’où une

série de changement dans l’organisation administrative allant de pair avec l’arrivée d’un

nouveau secrétaire général.

Le dernier secrétaire général élu, M. Boutros-Ghali n’a pas manqué à cet usage en

opérant une « restructuration » du secrétariat qualifiée de sans précédent, en supprimant

quatorze postes de rang élevé et douze départements, afin d’alléger la bureaucratie de

l’ONU20

. Il convient de commencer par exposer quelle est la composition et l’organisation du

Secrétariat (A) avant de s’attacher surtout aux attributions du secrétaire général (B).

A. – Composition et organisation

Une distinction s’impose entre le secrétaire général et ses services.

1° Le secrétaire général Cette institution avait existé du temps de la SDN et a été reprise par l’ONU.

20

Le Monde 9 et 19 février. 1992

Page 19: Système des Nations Unis - Chapitre III

a) Désignation du secrétaire général

L’article 97 de la Charte énonce que le secrétaire général est nommé par l’Assemblée

générale sur recommandation du conseil de sécurité. En réalité, il est élu à la suite d’une

opération à procédure faisant intervenir ces deux organes, le Conseil de sécurité d’abord,

l’Assemblée générale ensuite, étant entendu que la recommandation du Conseil de sécurité

doit être favorable, et qu’il s’agit d’une décision préalable dans laquelle le pouvoir du veto

des membres permanents peut jouer (et joue). Jusqu'à présent, l’Assemblée générale a suivi

les recommandations du Conseil de sécurité.

Le choix du secrétaire général est évidemment une décision délicate vu l’importance

de ses fonctions. Alors que les deux secrétaires généraux de la SDN avaient été des hauts

fonctionnaires (un anglais, Drummond, et un français, Avenol), les secrétaires généraux de

l’ONU ont été et sont des hommes politiques, la plupart du temps d’anciens ministres des

affaires étrangères dans leurs pays ou ayant derrière eux une longue expérience de la

diplomatie.

b) Durée du mandat

La Charte ne la précise pas (pas plus que le pacte de la SDN) mais elle a été fixée à

cinq ans par l’Assemblée générale en 1946, avec possibilité d’un renouvellement pour une

durée équivalente. La tentative de M. Valdheim de solliciter un troisième mandat en 1981

tourna court du fait de l’opposition de la Chine (qui l’estimer trop favorable à l’URSS).

c) Les secrétaires généraux successifs

Depuis 1946, l’ONU a connu six secrétaires généraux qui ont été les suivants :

- Trygve Lie (1946-1952) : norvégien, donc occidental, ancien ministre des Affaires

étrangères, il entra en conflit avec l’URSS à l’occasion de la guerre de Corée, et en butte à

l’hostilité de l’URSS, qui avait décidé de le boycotter en 1951, il dû démissionner pour éviter

la paralysie de l’institution qu’il dirigeait…

- Dag Hammarskjöd (1963-1961) : suédois, ancien diplomate, il eut une conception

particulièrement « dynamique » de ses fonctions, n’hésitant pas à se heurter à certaines

grandes puissances (France dans l’affaire de Bizerte, URSS dans l’affaire du Congo ex-

belge). L’URSS tenta même d’obtenir sa destitution en lui imputant l’élimination politique et

physique de son protégé Lumumba dans la crise du Congo, proposant de remplacer le

secrétaire général par une « Troïka », c’est à dire une organisme tripartite (un occidental, un

socialiste, un neutre), ce qui aurait introduit le veto au sein de cette institution, mais en dépit

du « forcing » de Khrouchtchev (qui lors d’un débat n’hésita pas à se déchausser et à taper

avec sa chaussure sur son pupitre pour interrompre un orateur avec lequel il était en

désaccord), l’Assemblée générale refusa de mettre en cause la responsabilité politique du

secrétaire général. La Charte ne contient d’ailleurs aucune indication sur une éventuelle

révocation du secrétaire général. La seule solution en cas de crise serait que l’assemblée

générale refuse, dans le budget, de voter la ligne de crédits correspondant au traitement du

SG.MH (tel était son surnom, vu la difficulté éprouvée par certains à prononcer son nom)

trouva la mort en 1961 dans un accident d’avion au Congo, en allant rencontrer le dirigeant

de la sécession katangaise, dans des circonstances qui n’ont jamais été nettement élucidées ;

accréditant la thèse selon laquelle il ne serait peut-être pas agi d’un véritable accident.

- U Thant (1961-1971) : Birman, ancien représentant de son pays à l’ONU, il adopta

un « profil bas » par rapport à son prédécesseur, évitant d’entrer en conflit avec une grande

puissance et ménageant autant que possible la souveraineté des Etats. On lui a beaucoup

reproché en 1967 d’avoir retiré les Casques bleus entre l’Egypte et Israël, mais il ne faut pas

oublier que l’Egypte avait demandé ce retrait, et que, de toute façon, les Etats qui avaient

fourni les principaux contingents (Inde, Yougoslavie) avaient décidaient de les retirer…

Page 20: Système des Nations Unis - Chapitre III

- Waldheim (1972-1981) : Autrichien, ancien ministre des Affaires étrangères et

représentant de son pays à l’ONU. Par réaction contre son prédécesseur, il pratiqua une

diplomatie active lors des nombreuses crises qui eurent lieu pendant son mandat21

.

Ce n’est qu’après la cessation de ses fonctions et son élection comme président de la

République en Autriche que son passé pendant la Seconde guerre mondiale a été évoqué et

critique. Toutefois, une commission internationale d’histoire militaire a estimé en 1988 que

s’il ne s’était pas rendu coupable de crimes de guerre en Yougoslavie, sa responsabilité

morale était cependant engagée parce qu’il ne pouvait pas ignorer que tels crimes avaient été

commis dans la zone où il se trouvait, et qu’il avait occulté des éléments de son passé.

Plusieurs Etats, dont les Etats-Unis le déclarèrent parsona non grata et refusèrent d’entretenir

des relations officielles avec lui (3).

- Perez De Cuellar (1982-1991) : Péruvien diplomate de carrière. C’est surtout à

l’occasion de son second mandat qu’il a eu l’occasion de pratiquer une diplomatie active et

efficace dans de nombreuses crises (Afghanistan, Irak-Iran, Afrique australe)22

.

Boutros-Ghali : Egyptien, ancien ministre des affaires étrangères (et professeur de

droit international publique), il a pris ses fonction au début de 1992 en ayant l’occasion d’être

confronté à de sérieux problèmes, qu’il s’agisse de la Yougoslavie ou de la Somalie. Sa forte

personnalité lui a déjà valu quelques « heurts » avec certaines grandes puissances, qui avaient

perdu l’habitude qu’un secrétaire général leur tienne un discours « ferme », les rappelant au

sens de leurs obligations23

.

2° Les services du secrétariat

Le secrétaire général est assisté d’un certain nombre d’adjoints car il ne peut

naturellement pas faire face à toutes les tâches qui lui incombent. La Charte ne prévoit rien à

ce sujet, c’est à chaque secrétaire général qu’il incombe d’organiser les services comme il

l’entend. Il en va de même pour les sous-secrétaires généraux et les secrétaires généraux

adjoints, placés à la tête des départements des affaires politiques, des affaires économiques,

des opérations de maintien de la paix, des affaires administratives et de gestion, des affaires

humanitaires, des affaires juridiques. Le dosage entre les nationalité présente un équilibre qui

n’est pas toujours facile à réaliser d’autant plus qu’il faut tenir compte aussi du « poids

spécifique » des membres permanents du Conseil de sécurité. Il en est pour preuve que le fait

que les deux sous-secrétaires généraux aux affaires politiques sont un américain et un

Russe…On a déjà eu l’occasion d’indiquer que M. Boutros-ghali avait entendu d’alléger la

bureaucratie onusienne24

.

De nombreux fonctionnaires internationaux sont affectés au secrétariat, la plupart au

siège à New York25

B. – Les attributions du secrétaire général

Si au temps de la SDN le secrétaire général n’avait qu’un rôle administratif, il n’en va

plus de même avec l’ONU. Le secrétaire général a certes toujours des fonctions

administratives et techniques, mais ses fonctions politiques se sont substantiellement

développées.

1° Les fonctions administratives et techniques

21

Voir : PIROTE et MARTIN, La fonction de secrétaire général de l’ONU à travers l’expérience de M.

Waldheim : Rev. Gén. Dr. Int. Publ. 1974, p. 121 22

Voir son article sur le rôle du secrétaire général de l’ONU Rev. Gén. Dr. Int. Publ. 1985, p. 233. 23

L’Express 24 sept. 1992, p. 83, Les quatre vérités de Boutros-ghali. 24

Le Monde 9-10 fév. 1992. 25

Pour les détails voir la Jurisclasseur de droit international, fasc. 121-3, nos

106 à 118.

Page 21: Système des Nations Unis - Chapitre III

Outre des fonctions de gestion d’assistance technique, le secrétaire général entretient

des rapports avec les organes principaux de l’ONU.

a) Les fonctions de gestion d’assistance technique

1) La gestion

Il y en a essentiellement deux :

- d’une part, le secrétaire général entant que plus haut fonctionnaire de l’ONU doit

s’occuper de tout ce qui concerne le personnel, c’est à dire son recrutement, le déroulement de

sa carrière ainsi de l’installation des locaux, et ce sous le contrôle de l’Assemblée générale,

qui a adopté en 1952 un statut du personnel, révisé à plusieurs reprises ;

- d’autre part, il est chargé de la préparation du budget pour chaque exercice biennal,

ce qui n’est pas une mince affaire compte tenu de la situation financière critique de l’ONU,

déjà exposée.

2) L’assistance technique

Quatre manifestations de ses activités peuvent entrer dans cette appellation :

- en premier lieu, le secrétariat sert de secrétariat à chaque organe principal, qu’il

s’agisse de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité, de l’ECOSOC ou du Conseil de

tutelle ;

- en deuxième lieu, il s’occupe de la coordination des divers secrétariats des Nations

unies. Il préside le CAC (Comité administratif de coordination) réunissant les responsables de

toutes institutions spécialisées. Il est aussi et surtout chargé de l’exécution des résolutions

émanant des organes principaux ;

- en troisième lieu, il est chargé de l’enregistrement et de la publication des traités

conclu par les Etats membres, fonction déjà prévue par le Pacte de la SDN, en tant que mise

en œuvre des idées du président Wilson sur la condamnation de la diplomatie secrète (art. 102

de la Charte). Un traité non publié ne peut être invoqué dans un organe de l’ONU. En dépit

des progrès de l’informatique le retard en la matière est assez grand…On peut rattacher à cette

fonction celle de dépositaire de traités conclu dans le cadre des Nations unies. Il reçoit les

instruments juridiques relatif à la vie des traités (ratification, adhésion, réserves déclarations

impératives, dénonciation) et les transmets aux autres parties ;

- en quatrième lieu, il participe au fonctionnement de la justice internationale, dans le

cadre de la compétence consultative de la CIJ, en ce sens qu’il ne peut la saisir directement

lui-même, il peut « guider » l’Assemblée générale dans l’option d’une résolution demandant

un avis à la Cour, et dans la procédure devant la Cour, il peut présenter une thèse juridique

devant au nom de l’organisation.

b) Les relations avec les organes principaux

Elles revêtent quatre aspects différents.

1) Rapports avec l’Assemblée générale

Il fournit et dirige le personnel dont il a besoin, reçoit, traduit, imprime, distribue les

documents, publie les compte rendu des séances. Mais surtout il présente chaque année un

rapport à l’Assemblée générale, dans lequel il porte une vue d’ensemble sur la vie de l’ONU,

où il peut exposer ses conceptions personnelles sur la présent et l’avenir de l’organisation.

2) Rapports avec le conseil de sécurité

Il lui fournit également le personnel dont il a besoin, prépare ses réunions, peut

présenter des rapports devant le Conseil de sécurité.

3) Rapports avec l’ECOSOC

Ses attributions sont les mêmes du point de vue de toutes les mesures administratives

pratiques précédant ou suivant les réunions.

4) Rapports avec le Conseil de tutelle

Idem, pour mémoire, vu la disparition de la catégorie des territoires sous tutelle.

Page 22: Système des Nations Unis - Chapitre III

2° Les fonctions politiques26

Il est possible d’en prendre compte en les classant en quatre catégories différentes.

a) Présence dans les réunions des organes principaux

Indépendamment des aspects administratifs de sa participation à ces séances,

notamment de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité, il peut aussi s’exprimer à

l’occasion de nombreux débats politiques qui ont lieu dans leur cadre, en exposant son point

de vue, en formulant des prépositions pour faciliter le règlement d’une crise ou d’un conflit,

ce que fit par exemple M. Perez de Cuellar en 1985 au sujet de la guerre entre l’Irak et l’Iran.

Le rapport annuel qu’il adresse à l’Assemblée générale n’est pas un simple compte

rendu de l’activité de l’ONU, c’est aussi un document diplomatique dans lequel il présente ses

vues à l’Assemblée générale, qui peuvent être critiques.

b) Pouvoirs d’initiative

L’article 99 de la Charte habilite le secrétaire générale habilite le secrétaire générale à

attirer l’attention du Conseil de sécurité sur toute affaire qui, à son avis, pourrait mettre en

danger le maintien de la paix et de la sécurité internationale. Si la même faculté n’existe pas

devant l’Assemblée générale, le rapport annuel est l’occasion en réalité d’en faire à peu près

autant… Les secrétaires généraux successifs n’ont fait qu’un usage très modéré du pouvoir

conféré par l’article 99, mais cela ne les empêche pas de prendre des initiatives de deux

manières différentes :

- d’une part, en exerçant une sorte de droit de « remontrance » (terme emprunté à

l’ancien droit français, lorsque les parlements, c’est à dire les cours de justice, exposaient au

monarque, sous forme de discours, les inconvénients à leurs yeux d’un délai ou d’une loi),

consistant à formuler des suggestions et des critiques en vue de l’adoption par les Etats d’un

comportement conforme aux buts et principes de l’ONU. Ainsi M. U Thant n’hésita pas à

critiquer aussi bien l’engagement des Etats-Unis dans la guerre du Viêt-Nam que

l’intervention soviétique en Tchécoslovaquie en 1968 ;

- d’autre part, en s’attribuant un droit de proposition, en attirant l’attention du Conseil

de sécurité sur certaines affaires. C’est ce que fit par exemple M. Waldheim en 1980, lorsque

éclata la guerre entre l’Irak et l’Iran, en tant que menace à la paix et la sécurité internationales,

mais sans se fonder expressément sur l’article 99 de la Charte. En revanche, la proposition de

successeur M. Perez de Cuellar tendant à faire jouer un rôle au secrétaire générale en matière

d’établissement des faits, y compris par des visites sur place, ne rencontra pas l’assentiment

de l’URSS et de ses alliés en 1982.

Sur la base de l’article 98, aux terme duquel le secrétaire générale remplit toutes autres

fonctions dont il est chargé par ses organes ( les organes principaux), les secrétaires généraux

successifs ont pu élargir leurs fonctions dans deux sens différents :

- en premier lieu, en le chargeant d’une coopération avec les Etats impliqués dans une

crise ou un conflit :

Ce fut la cas en 1956, lors de l’affaire de Suez, lorsque l’Assemblée générale lui

demanda d’œuvrer avec les parties en cause pour assurez le cessez-le-feu, obtenir le retrait des

forces étrangères (France, Royaume-Uni, Israël), mettre sur pied la première force d’urgence

de l’ONU, faciliter le dégagement du canal de Suez (bloqué par des navires coulés par les

Egyptiens) ;

Ce fut le cas à propos de la fin de la guerre entre l’Irak et l’Iran, lorsque le

conseil de sécurité adopta la résolution 598 du 20 juillet 198727

. Sous l’autorité du Conseil de

26

Voir : VIRALY, le rôle politique du secrétaire générale des Nations unies : Annuaire fr. dr. Int. 1958, p. 360.

– SMOUTS, le secrétaire générale de l’ONU, son rôle dans la solution des conflits internationaux, Presse de la

fondation nationale des sciences politiques, 1971. 27

Commentaire par M. E. DECAUX : Annuaire fr. dr. Int. 1988, p. 63 : texte et plan détaillé dans BRETTON,

TD de DIP et de RI, op. cit., p. 330

Page 23: Système des Nations Unis - Chapitre III

sécurité, le secrétaire général était chargé de coopérer avec les deux parties, aussi bien pour

faire cesser le conflit (enquête sur ses origines, contrôle du cessez-le-feu et du retrait des

troupes), que pour rechercher un règlement négocié et organiser l’après-guerre (médiation,

reconstruction) ;

- en second lieu, en faisant du secrétaire général un véritable agent d’exécution de

l’organe principal autour de la résolution : tant l’Assemblée générale en exercice des

fonctions importantes, en vue soit de faciliter un processus de décolonisation (affaire de

l’Irian occidental en 1962, entre l’Indonésie et le Pays-bas ; affaire de Namibie), soit de mener

des négociations avec les parties antagonistes pour tenter de parvenir à un règlement pacifique

de leur différend. Les exemples abondent : affaire de Chypres, opposant la Grèce et la Turquie

et les deux communautés locales ; affaire du Sahara Occidental ; conflit israélo-arabe dans ses

diverses phases, en particulier en 1973 ; guerre entre l’Irak et l’Iran ; affaire des diplomates

américains pris en otages à Téhéran en 1979.

d) Au service des buts et des principes de l’ONU

Devenu une « composante normale » du système diplomatique international, le

secrétaire général a été amené à entreprendre toute une série de démarches, les unes de

caractères diplomatiques, les autres de caractère militaire, en tant que « gardien » des buts et

des principes de la Charte, un peu, mutatis mutandis, comme la Commission des

Communautés, qui se considère comme la gardienne de l’intérêt communautaire face aux

intérêts nationaux par définition divergents ; quand ce n’est pas opposés.

1) L’action diplomatique

A plusieurs reprises, les secrétaires généraux n’ont pas hésité à prendre des initiatives en

faveur du maintien de la paix, en mettant en avant ce moyen de règlement des conflits que

sont les bons offices, voire en faisant œuvre de médiateur :

- s’agissant en premier lieu des bons offices, il faut savoir qu’ils ne se différencient de

la médiation que par leur degré et non pas par leur nature, car se qui les caractérise, c’est le

fait par un tiers d’amener deux ou plusieurs Etats en conflits à se rencontrer, à s’asseoir autour

d’un même tapis (vert en principe, cette couleur étant considérée comme ayant des vertus

apaisantes). Tantôt ces bons offices ont été proposées par le secrétaire général en personne,

comme le fit U Thant dans la crise de Cuba en 196228

et lors de la guerre du Viêt-nam entre

1963 et 1968, initiative relayé par M. Waldheim, en 1972, lequel fut présent lors de la phase

finale de la conférence de la paix à Paris en 1973. Tantôt ces bons offices sont demandés par

les parties elles-mêmes, et elles peuvent être exercés par un représentant spécial du secrétaire

général (affaire du Chypre en 1964, affaire d’Afghanistan en 1981) ;

- s’agissant en second lieu de la médiation, elle consiste de la part du médiateur (le

Pape Jean-Paul II dans le conflit territorial entre l’Argentine et le Chili) à participer avec les

parties à la recherche d’un règlement négocié. Cette fonction a été assurée par M. Perez de

Cuellar en 1986 dans les rapport entre la France et la Nouvelle-zélande, pou régler le litige les

opposant à la suite du sabotage en 1985 du navire Rainbow Warrior dans le port d’Auckland

par les services secrets français, afin de l’empêcher de perturber les essais nucléaires français

dans le Pacifique29

. En contre partie de la libération des deux officiers français arrêtés et

condamnés (mais assignés à résidence pour trois ans dans un îlot proche de Mururoa, délai qui

ne fut pas respecté par la France et fut à l’origine d’un nouveau contentieux réglé par voie

d’arbitrage) la France fait des excuses officielles (document non publié), versa de substantiels

dommages-intérêts à la Nouvelle-Zélande et s’engagea à ne pas s’opposer au renouvellement

d’un accord de libre-échange, vital pour l’économie néo-zélandaise, dans le cadre de la CEE.

2) Action politico-militaire

28

Voir à ce sujet VIRALLY, A propos de l’affaire de Cuba : « diplomatie tranquille » et crises internationales :

Annuaire fr. dr., int. 1962, p. 457. 29

(V. le texte de la décision du secrétaire général et les références dans BRETTON, TD de DIP et de RI, op. cit.,

p. 373)

Page 24: Système des Nations Unis - Chapitre III

C’est en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales que le secrétaire

général s’est trouvé investi de nombreuses responsabilités ainsi, et c’est nouveau, qu’en

matière de désarmement dans des circonstances particulières :

- s’agissant en premier lieu de maintien de la paix, le secrétaire général a été amené

depuis le début des opérations de maintien de la paix à jouer un rôle de premier plan dans la

constitution et la direction des Casques bleus envoyés sur divers théâtres d’opérations, soit

entre deux Etats (Israël et Egypte en 1956), soit à l’intérieur d’un Etat (le Liban en 1958,

Yougoslavie en 1992). La composition de ces forces est un problème délicat, car il faut

trouver des Etats acceptant d’y participer, les négociations avec l’Etat hôte, dont le

consentement à la présence des forces est indispensable, ne sont pas toujours faciles. Il y a

aussi l’envoi d’observateurs chargés de surveiller le respect du cessez-le-feu, par exemple au

Yémen en 1962 où s’affrontaient l’Egypte et l’Arabie Saoudite. C’est à l’initiative de M. U

Thant que fut mise en place la MONUY (mission d’observation des Nations unies au Yémen).

En revanche, lorsque le Conseil de sécurité a crée par la résolution 687 du 3 avril 1991 la

Mission d’observation des Nations unies pour l’Irak et le Koweït (MONUIK), c’était dans le

cadre d’une ancienne coercitive et sous le contrôle étroit du Conseil de sécurité. Le secrétaire

général disposait d’un délai très bref pour présenter son rapport sur son déploiement et devait

rendre compte immédiatement au Conseil de sécurité de toute violation grave de la zone de

déploiement ou de menace potentielle contre la paix. Ses missions étaient de veiller au

désengagement militaire des Etats de la coalition, de surveiller et d’observer la zone tampon

entre l’Irak et le Koweït, de participer aux opérations de déminage et d’élimination des armes

et des munitions sur le terrain, d’apporter son concours à la Commission de délimitation et de

démarcation de la frontière. Quant à sa composition, il s’agit d’une force multilatérale peu

nombreuse, un millier d’hommes, en provenance d’une trentaine d’Etats, dont les cinq

membres permanents du Conseil de sécurité ce qui est nouveau, car pendant longtemps il était

admis que ceux-ci ne devaient pas être représentés dans les forces chargées des opérations de

maintien de la paix au sens large ;

- s’agissant en second lieu de désarmement (et non pas du désarmement) il convient de

signaler que le Conseil de sécurité, en adoptant le 3 avril 1991 la (longue) résolution 687

précitée, dont le contenu s’apparente à un traité de paix imposé à l’Irak, a fait du secrétaire

général une sorte « d’homme orchestre » du processus de désarmement imposé à l’Irak. C’est

en effet lui qui doit préparer les plans de mise en œuvre du désarmement et de vérification,

qui nomme les membres de la commission spéciale chargée sur place du désarmement, qui

reçoit les déclaration demandée à l’Irak, qui assure les relations avec les institutions

spécialisées et surtout avec l’AIEA (Agence internationale d’énergie atomique). Le rôle qui

lui est dévolu n’est pas celui d’un simple exécutant, la multiplicité et la diversité des tâches

qui lui sont confiées lui laisse une part non négligeable d’initiative, mais naturellement sous

l’autorité du Conseil de sécurité compte tenu du caractère très particulier de cette affaire, sans

précédent dans l’histoire des Nations unies30

.

La description ainsi faite des attributions du secrétaire général montre l’originalité de

la diplomatie que les différents secrétaires généraux, chacun avec sa personnalité, ont mené

depuis près d’un demi-siècle à la charnière entre la diplomatie bilatérale classique, qui

conserve son importance, et la diplomatie multilatérale qui s’effectue au sein des Nations

unies. Par son rôle d’intermédiaire entre les parties à un conflit il contribue efficacement,

même si c’est parfois de manière discrète, à la recherche d’un règlement pacifique. L’échec

30

Voir : SUR, La résolution 687 (3 avril 1991) du Conseil de sécurité dans l’affaire du golfe : problème de

rétablissement et de garantie de la paix, Travaux de recherche de l’UNIDIR (Institut des Nations unies pour la

recherche sur le désarmement), 1992, n° 12.

Page 25: Système des Nations Unis - Chapitre III

de la démarche de M. Perez de Cuellar auprès du président irakien à la veille du

déclenchement de la guerre du golfe, le 13 janvier 1991, en montre aussi les limites31

SOUS – SECTION II : LES INSTITUTIONS SPECIALISEES ET LES

ORGANISATIONS AUTONOMES

La « famille » de l’ONU comprend des institutions spécialisées (§1) et des

organisations autonomes (§2).

§1. – Les institutions spécialisées32

Un bref rappel historique s’impose pour mieux situer leur existence sur le plan

international.

Ce n’est qu’au siècle dernier que des institutions internationales sont apparues et se

sont développées progressivement du fait de l’évolution technique et des impératifs

économiques.

Il s’est agi d’abord du domaine des communications, avec l’Union télégraphique

international (Union international des télécommunication maintenant), l’Union postale

universelle (n’a pas changé de nom), l’Union internationale pour le transport des

marchandises par chemin de fer. Du domaine de la santé ensuite, avec l’Office international

de la santé publique (l’OMS maintenant), l’Office international d’hygiène. Du domaine

économique au sens large enfin, avec l’Union internationale pour la protection de la propriété

littéraire et artistique (l’OMPI maintenant), l’Union pour le système métrique, l’Office

international pour l’agriculture (la FAO maintenant).

Ces organisations étaient intergouvernementales, créées par voie de traités, elles été

dotées d’organes permanents, et ne devaient pas s’occuper de politique (d’où leur nom

générique d’Union administratives, en insistant sur cet adjectif).

Le Pacte de la SDN tenta de mettre un peu d’ordre dans ce foisonnement en énonçant

dans son article 24 que les bureaux internationaux (principal organe administratif de chacune)

établis par traités collectifs seraient placés sous l’autorité de la SDN, mais se fut un échec car

ces Unions entendaient conserver leur autonomie, mais faisaient partie de certaines de ces

Unions, ils ne plaidaient guère en faveur d’une quelconque tutelle de la SDN…

Il en va différemment maintenant sous l’empire de la Charte de l’ONU dont l’article

57 dispose que diverses institutions spécialisées (agencies en anglais) créées par des accords

intergouvernementaux et pourvues, aux termes de leurs statuts, d’attributions internationales

étendues dans les domaines économiques, social, de la culture intellectuelle et de l’éducation,

de la santé publique et dans d’autres domaines connexes sont (c'est-à-dire devront être) reliées

à l’ONU. Entrent désormais dans la catégorie spécifique des institutions spécialisées les

organisations intergouvernementales (donc pas les ONG), éventuellement préexistantes à

l’ONU (l’Oit notamment, dont la constitution figurait dans la partie XIII du traité de

Versailles), ou créées postérieurement.

Actuellement, il existe seize institutions spécialisées : FAO (Organisation pour

l’alimentation et l’agriculture), OACI (Organisation de l’aviation civile internationale),

UNESCO (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture), OIT

(Organisation international du travail), BIRD (Banque internationale pour la reconstruction et

le développement), FMI (Fonds monétaire international), OMS (Organisation mondiale de la

santé), UPU (Union postale universelle), UIT (Union internationale des télécommunications),

OMI (Organisation maritime internationale), OMM (Organisation météorologique mondiale),

SFI (Société financière internationale), AID (Association internationale pour le

31

Un extrait du procès-verbal de cette entrevue a été publié dans le livre de Roland JACQUARD, Les cartes

secrètes de la guerre du Golfe, éd. De Villiers, 1991, p. 302. 32

voir : ZARB, Les institutions spécialisées du système des Nations unies et leurs membres, Pedone, 1980. –

DREYFUS, Droit des relations internationales, Cujas, 1987 pour OIT, la BIRD, l’UNESCO. – COLLIARD, les

institutions des relations internationales, DALLOZ, 1990, p. 643 et s.

Page 26: Système des Nations Unis - Chapitre III

développement), OMPI (Organisation mondiale de propriété intellectuelle), FIDA (Fonds

international pour le développement agricole), ONUDI (Organisation des Nation unies pour le

développement industriel).

Par contre ni l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique) ni le GATT

(accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, succédané de ce que devait être l’OIC,

l’Organisation internationale du commerce, mais qui ne fut pas mise en place en raison de

l’opposition des Etats-Unis) ne sont statutairement des institutions spécialisées, mais on

considère cependant qu’elles font parties de la « famille » des Nations unies.

L’article 63 de la Charte énonce que ces institutions spécialisées sont reliées à l’ONU

par des accords pris à l’initiative soit de l’institution spécialisée soit de l’ECOSOC ; ils

doivent être approuvés par l’organe plénier de l’institution spécialisée et par l’Assemblée

générale de l’ONU. Ils présentent naturellement nombre de points communs : représentation

réciproque des deux organisations internationales, échanges de renseignements de documents,

de rapports, modalités de coopération, adoption des règles communes quant au statut du

personnel.

Mais les institutions spécialisées conservent leur autonomie : quant à leur composition

qui n’est pas foncement identique à celle de l’ONU, car des Etats non membres de l’ONU

(Suisse) peuvent en faire partie ; quant à leur siège, la plupart des temps de celui de l’ONU (la

plupart ont leur siège en Europe, notamment en Suisse, mais aussi en France, l’UNESCO, en

Italie, FAO, en Autriche, ONUDI) ; quant à leur budget, voté par leur organe plénier, même si

l’Assemblée générale de l’ONU peut examiner leurs budgets administratifs et leurs adresser

des recommandations.

Chacune exerce ses activités conformément au principe de spécialité, mais en vertu de

l’article 63, § 2 de la Charte de l’ECOSOC peut leur faire des recommandations et coordonner

leur activité (par l’intermédiaire du CAC, le Comité administratif de coordination précité).

Leur structure est généralement tripartite, avec un organe plénier comprenant tous les

Etats membres, se réunissant tous les ans ou à des intervalles plus éloignés (jusqu'à quatre

ans), dont le rôle est de déterminer les principes généraux d’action de chacune ; un organe

restreint, permanent, composé d’un plus ou moins grand nombre d’Etats, élus par l’organe

plénier, se réunissant au moins une fois par an ; un organe administratif, servant de secrétariat,

préparant les réunions des deux autres, assurant le suivi de leurs décisions, chargé de la

gestion courante de l’institution spécialisée, avec le concours d’un personnel plus ou moins

étoffé.

Deux particularités sont à signaler :

- d’une part, celle de l’OIT, car elle se caractérise par une présentation tripartite, c'est-

à-dire que les délégations nationales comprennent non seulement des représentant des

gouvernements, mais également des salariés et des employeurs, tant au sein de l’organe

plénier qu’au sein du conseil d’administration ;

- d’autre part, celle des institutions financières (FMI, BIRD, et ses filiales, la SFI et

l’AID), car pendant longtemps les Etats socialistes s’en sont tenus à l’écart, y voyant le

symbole du « capitalisme » (ils s’efforcent d’y rentrer maintenant). Dans leur fonctionnement

prévaut le principe de la pondération des votes, c'est-à-dire qu’il n’y a pas d’égalité entre Etats

membres, chacun dispose d’un nombre de voix proportionnel à sa participation financière au

budget ou au capital de l’organisation internationale33

.

Leurs activités sont plus opérationnelles (prêts) que normatives (élaboration de

conventions).

§ 2. – Les organisations autonomes

Depuis 1964, à ‘initiative du tiers monde, désireux de voir augmenter le nombre des

organismes internationaux susceptibles de contribuer à son développement économique,

33

Voir : DRAGO, La pondération dans les organisations internationales : Annuaire fr. dr. Int. 1956, p. 529.

Page 27: Système des Nations Unis - Chapitre III

l’Assemblée générale de l’ONU a créé des « organisations autonomes », en se fondant sur

l’article 22 de la Charte qui lui permet « de créer les organes subsidiaires qu’elle juge

nécessaire à l’exercice de ses fonctions » (l’article 29 habilite le Conseil de sécurité à en faire

autant).

Ont été ainsi créés e 1964 la Conférence des Nations unies pour le commerce et le

développement, et en 1966 l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel

et le Fonds d’équipement des Nations unies.

A la différence des institutions spécialisées les organisations autonomes sont

étroitement rattachées à l’ONU, c’est l’Assemblée générale qui fixe leur budget.

L’ONUDI a changé de statut en 1979 en devenant à son tour une institution

spécialisée34

.

SECTION III : LES PRINCIPALES ACTIVITES DE L’ONU

Elles correspondent à trois préoccupations majeures qui apparaissent à la lecture de la

Charte, mais qui ont été évolue depuis 1945. il s’agit de maintien de la paix et de la sécurité

internationales (sous-section I), du développement économique et social (sous-section II) et

de la protection des droits de l’homme. Les dimensions limitées de ce manuel conduisent à ne

traiter que des deux premières, la troisième relevant d’un cours spécial en licence, le cours de

libertés publiques.

SOUS-SECTION I : LE MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SECURITE

INTERNATIONALE

Les conditions dans lesquelles l’ONU a été créée en 1945 expliquent l’importance

donnée par les auteurs de la Charte à cette formule qui revient comme un véritable leitmotive

dans le texte. Tenant naturellement compte de l’expérience, c'est-à-dire de l’échec de la SDN,

en matière de sécurité collective, les Etats présents à la conférence de San Francisco en 1945

on établi un système destiné à permettre le maintien de la paix et de la sécurité internationales

(§ 1), mais du fait de la guerre froide il n’ pas fonctionné, et, à la place, s’est développé un

concept nouveau, non prévu expressément par la Charte, celui des opérations de maintien de

la paix (§ 2).

§ 1. – Le système de sécurité collective figurant dans

la Charte35

On ne reviendra évidemment pas sur le problème de l’interdiction du recours à la force

(armée) déjà traité par la première partie, en tant que principe politique fondamental devant

régir les rapports entre Etats. Son corollaire es l’obligation pour les Etats de régler

pacifiquement leurs litiges, tout un chapitre de la Charte y est consacré VI (art. 33 à 33),

accordant une prééminence au Conseil de sécurité en ce domaine, par voie de

recommandation, l’Assemblée générale pouvant également intervenir en la matière en en

34

Voir : FISCHER, L’UNCTAD et sa place dans le système des Nations unies : Annuaire fr. dr. Int. 1966, p.

234. – BRETTON, Les conditions de création de l’ONUDI : Annuaire fr. dr. Int. 1968, p. 454. – BRETTON, La

transformation de l’ONUDI en institution spécialisée : Annuaire fr. dr. Int. 1979, p. 567. 35

Voir : MANIN Ph., l’ONU et le maintien de la paix, t. 60 de la Bibliothèque de droit international, LGDJ,

1971. – COLARD et GUILHAUDIS, le droit de sécurité internationale, Masson,1987. – VAN LANGENHOVE,

La crise du système de sécurité collective des Nations unies 1946-1957, Nijhoff, 1958. – COMBACAU, Le

pouvoir de sanction de l’ONU. Etude théorique de la coercition non militaire, Pedone, 1974. – LADREIT de

LACHARRIERE G/ La réglementation du recours à la force : les mots et la conduite, Mélange CHAUMONT,

Pedone, 1984, p. 347.

Page 28: Système des Nations Unis - Chapitre III

discutant, voire en formulant aussi des recommandations (si le Conseil de sécurité le lui

demande ou s’il ne remplit pas ses fonctions).

La sécurité collective a correspondu à l’introduction d’un nouveau concept dans les

relations internationales, datant de la SDN, et différencie du phénomène classique (qui n’a pas

disparu autant) des alliances (défensives ou offensives au siècle dernier). En effet, on peut le

résumer en disant qu’i s’agit d’un procédé de maintien de la paix dans lequel la sécurité de

chaque Etat membre d’une entité internationale ne dépend plus seulement de ses propres

forces, mais également de celle des autres Etats membres, car il sait qu’en cas de menace ou

d’attaque, provenant d’un Etat extérieur à cette entité, ou en faisant partie, il peut compter sur

la solidarité des autres Etats membres pour assurer sa défense. L’Ethiopie, membre de la SDN

en 1935, aurait pu penser compter sur le jeu de la sécurité collective lorsqu’elle fut attaquée

par l’Italie. La France et le Royaume-Uni, désireux de ménager à l’époque Mussolini, pour

éviter qu’il ne s’allie avec Hitler (ce qui se fit peu de temps après), n’adoptèrent pas vis-à-vis

de l’Italie une attitude très intransigeante, les seules sanctions prises (embargo sur les

exportations des armes, interdiction de certaines opérations financières), n’étant pas de nature

à gêner vraiment l’Italie au point de la contraindre à renoncer à son expédition (il en aurait été

peut être différemment si le canal de Suez avait été fermé et si un embargo sur le pétrole avait

été décrété).

Mais on voit immédiatement à quelles limites se heurte tout système de sécurité

collective dans un cadre international assez large ; il implique une telle solidarité, un tel degré

de cohésion entre ses membres qu’il ne peut être effectifs que dans une entité limitée, plus

régionale qu’universelle.

C’est au chapitre VII (art. 39 à 51) de la Charte qu’il convient de se référer pour

comprendre le mécanisme mis en place en 1945, caractérisé par trois traits, son

déclenchement (A), la diversité des mesures de réaction collective organisée (B), sa place par

rapport aux organisme et accords régionaux (C). Ce fut un échec (D).

A. – Le déclenchement du mécanisme

Le Conseil de sécurité a, il faut le rappeler, en vertu de l’article 24 de la Charte, la

responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationale. C’est donc cet

organe qui va jouer ici un rôle de premier plan.

1° Le jeu de l’article 39 En vertu de cet article, il incombe au Conseil de sécurité de qualifier la situation en

face de laquelle l’ONU se trouve confrontée, car il peut s’agir d’une (simple) menace contre

la paix, d’une rupture de la paix, ce qu’il y a de plus grave, d’une agression. S’agissant d’un

domaine éminemment politique, on se doute que l’objectivité n’est pas de règle en la matière.

Il n’y guère que l’Afrique du Sud qui ait été taxée d’agression à la suite de certains raids

contre l’Angola ou le Mozambique (en 1984). Le Conseil de sécurité préfère ménager certains

Etats, comme le montrent l’exemple de la guerre des Malouins en 1982, dans lequel

l’intervention armée de l’Argentine contre les îles Falkland ne fut qualifiée que de rupture de

la paix36

, et surtout celui de l’Irak lors de la crise du Golfe en 1990, puisque la première

résolution adoptée par le Conseil de sécurité le 2 août 1990, n° 660, se bornait également à

constater qu’il existait, du fait de l’invasion du Koweït par l’Irak, une rupture de la paix et de

la sécurité internationales. Ile est évident que le jeu du pouvoir de veto permet un membre

permanent de défendre ses intérêts ou ceux d’un de ses alliés, « ami » ou « client »…

L’assemblée générale a une fois déclaré qu’un Etat était agresseur, il s’agissait de la Chine

communiste lors de la guerre de Corée, en 1951 (résolution du 1er

février 1951).

2 ° Le jeu de l’article 40

36

Résolution 502 du 3 avril 1982 : V. ROUSSEAU, Chronique des faits internationaux : Rev. Gén. Dr. Int. Publ.

1982, p. 724.

Page 29: Système des Nations Unis - Chapitre III

Avant toute action, le Conseil de sécurité peut prendre des mesures provisoires qui, en

tant que telles, se préjugent par des droits des parties, mais sont destinés à éviter le pire, afin

d’empêcher la situation de s’aggraver. La plus courante est le cessez-le-feu.

B. – Les mesures pouvant être prises

en tant que réaction collective organisée

Nous utilisons à dessein cette formule pour ne pas reprendre le mot de sanction,

couramment et généralement utilisé, révélateur de la propension à recourir au vocabulaire

juridique interne qui n’est pas forcément le mieux adapté pour rendre compte de la spécificité

des phénomènes internationaux. Toute une gradation existe entre les mesures de coercition

qui peuvent être décidées par le Conseil de sécurité, selon qu’elles sont ou non de nature

militaire.

1° Les mesures de coercitions non militaires (art. 41)

Le Conseil de sécurité peut recourir à toute une gamme de mesures que les Etats

membres sont invités à appliquer, ce qui les lie en vertu de l’article 25, qui énonce que les

membres de l’ONU conviennent d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité

conformément à la présente Charte. On peut se demander ce qui se serait passé, par exemple,

si les deux chambres du Congrès américain avaient refusé en 1991 d’autoriser le Président à

recourir à la force armée pour assurer la mise en œuvre de la résolution 678 du 29 septembre

1990, compte tenu de la faible majorité qui se dégagea du Sénat lors du vote du 12 janvier

1991…

Concrètement, les mesures énumérées sont les suivantes : interruption complète ou

partielle des relations économiques et des communications ferroviaires, maritimes, aériennes,

postales, télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de communications ainsi que

la rupture des relations diplomatiques.

2° Les mesures de coercitions militaires

C’est aux articles 42 à 47 qu’il convient de se reporter.

En premier lieu, l’article 42 énonce que si le Conseil de sécurité estime que les

mesures précédentes seraient inadéquate, donc a priori, ou si elles se révèlent tells après cop

(les mesures économiques prises contre l’Irak entre août 990 et janvier 1991 ne l’ont pas

inciter à se retirer du Koweït), il peut entreprendre toute action qu’il juge nécessaire pour le

maintien ou le rétablissement de la paix, au moyen de forces aériennes, navales ou terrestres,

ce qui peut se traduire par des démonstrations, des mesures de blocus et autres opérations

exécutées par telles forces.

En deuxième lieu, l’article 43 prévoit que les membres de l’ONU s’engagent à mettre

à la disposition du Conseil de sécurité de telles forces armées en concluant des accords à ce

sujet, fixant la nature et les effectifs de ces forces, leur degré de préparation et leur

emplacement général, ces accords étant conclus entre le Conseil de sécurité et des membres

ou groupes de membres (en précisant qu’il devraient être ratifiés conformément aux règles

constitutionnelles de chacun, ce qu s’explique vu leur importance politique).

En troisième lieu, l’article 47 dispose qu’un comité d’état majeur composé de chefs

d’état-majeur des cinq membres permanent doit être établi, sous l’autorité du Conseil de

sécurité pour le conseiller et l’assister pour tout ce qui concerne les moyens d’ordre militaires.

Il est responsable de la direction stratégique de toutes les forces armées mises à la disposition

du Conseil de sécurité.

C’était donc la mise en place d’une véritable force armée internationale qui était

prévue, contrairement à ce qui s’était passé au temps de la SDN, où les temps n’étaient

manifestement pas encore mûrs pour aller aussi loin.

C. – Sa place par rapport aux organismes et accords régionaux

Le chapitre VIII (art. 52 à 54) est consacré aux accords régionaux.

Page 30: Système des Nations Unis - Chapitre III

D’une part, l’article 52 affirme que rien dans la Charte ne s’oppose à l’existence

d’accords ou organismes régionaux destinés à régler des affaires qui, touchant au maintien de

la paix et de la sécurité internationales, se prêtent à une action de caractère régional, pourvu

qu’ils soient compatibles avec les butes et les principes de l’ONU. S’ils n’existaient pas

encore en 1945, on peut voir à l’expression de la permanence des vues américaines

désireuses de ne pas affaiblir les relations particulières interaméricaines, ce qui s’était

manifesté déjà dans l’article 21 du Pacte de la SDN : « les engagements internationaux, tels

que les traités d’arbitrage et les ententes régionales, comme la doctrine de Monroe, qui

assurent le maintien de la paix, ne sont considérés comme incompatibles avec aucune des

dispositions du présent Pacte».

D’autre part, l’article 52 consacre la supériorité du système onusien, puisqu’il est dit

qu’aucune action coercitive ne sera entreprise en vertu d’accords régionaux ou par des

organismes régionaux sans l’autorisation du Conseil de sécurité (exception faite des mesures

pouvant être prise contre un Etat ex-ennemi, ultime survivance, avec l’article 107, du contexte

conflictuel de la Seconde Guerre mondiale, mais tombée en désuétude et que le Japon et

l’Allemagne souhaiteraient voir disparaître lors d’une éventuelle révision de la Charte…). Si

une telle action était entreprise, le Conseil de sécurité devrait être tenu pleinement au courant

(art. 54).

D. – L’échec de ce système et la recherche d’un substitut à sa défaillance

1° L’échec du système

En décrire les causes et les effets obligerait pratiquement à faire en bonne partie

l’histoire de la guerre froide…Il de rappeler que du fait des dissensions Est-ouest de la guerre

froide, qui non pas manqué d’affecter non plus les rapports interétatiques au sein de l’ONU, le

système de sécurité collective prévu par le texte de la Charte n’a jamais pu fonctionner.

Aucun accord spécial sur la mise à disposition du Conseil de sécurité n’a pus être conclu, le

Comité d’état-majeur n’a pas pu fonctionner (il fut question de le réactiver pendant la guerre

du golfe en 1991, mais les Etats-Unis ne tenaient manifestement pas à e que la conduite des

opérations militaires qu’ils entendaient mener à leur guise fût contrôlées par organisme

comprenant des officiers généraux soviétiques et chinois). Aucune action militaire coercitive

ne fut entreprise, dans les rares cas où des actions coercitives non militaires ont été décidées il

s’agissait de sanctions économiques contre une puissance « coloniale » ou « raciste »

(Portugal, Afrique du Sud, Rhodésie), à l’initiative de l’assemblée générale plus que du

Conseil de sécurité. Par contre, les accords et organismes régionaux connurent un indéniable

succès, fondé sur la légitime défense collective reconnue par l’article 51 qui la qualifie de

droit naturel (inhérent right), qu’elle soit individuelle ou collective. Tant le traité de l’alliance

atlantique conclu le 4 avril 194937

ne manquèrent pas d’y faire référence.

On en revenait au système des alliances militaires défensives traditionnelles…

2° La recherche d’un substitut à l’occasion de la guerre de Corée L’Union pour le maintien de la paix

38

La guerre de Corée (1950-1953) a été avec les deux guerres du Viêt-nam, « une

guerre chaude de la guerre froide », puisque les troupes américaines ont été engagées contre

des troupes communistes (nord-coréennes et chinoises, mais pas soviétiques). Elle éclata le 25

juin 1950, lorsque les troupes nord-coréennes envahirent la Corée du Sud. Réuni

37

Texte dans REUTER et GROS, op. cit., p. 202) , que le Pacte de Varsovie, du 14 mai 1955 (idem, p.

207dissous en 1991) 38

Voir : LABOUZ, l’ONU et la Corée, recherche sur la fiction en dr it international public, Publications

universelles de Paris, 1980. – GUILHAUDIS, Considération sur la pratique de ‘’ L’Union pour le maintien de la

paix’’ : Annuaire fr. dr. Int. 1981, p. 382.

Page 31: Système des Nations Unis - Chapitre III

immédiatement, le Conseil de sécurité constat qu’il avait rupture de la paix, invita les nord-

Coréens à se retirer et les membres de l’ONU à prêter leur concours à l’ONU, ce qui peut être

fait parce que l’URSS pratiquait à ce moment-là la politique de la « chaise vide » (V. supra).

Le 27 juin 1950, le Conseil de sécurité recommanda que les membres de l’ONU

fournissent la République de Corée (du Sud) l’assistance nécessaire pour repousser l’attaque

armée et rétablir la paix et la sécurité internationales dans la région, placées à la disposition

d’un commandement unifié sous l’autorité des Etats-Unis. Ces forces étaient autorisées à

combattre sous le pavillon des Nations unies ce qui n’a pas été le cas lors de la guerre du

Golfe de 1991, car même si le recours à la force armée contre l’Irak a été avalisé par le

Conseil de sécurité dans la résolution 679 du 29 novembre 1990, il ne s’est pas agi d’une

guerre des Nations unies, ce que les Etats-Unis ne souhaitaient pas. En l’absence des accords

spéciaux prévus par l’article 43 précité, le Conseil de sécurité ne pouvait agir autrement. Une

quinzaine d’Etats, la plupart des alliés des Etats-Unis, acceptèrent d’intervenir militairement à

leurs côtés (pour la France, alors engagée militairement dans l’Indochine39

, mais le guerre de

Corée, comme trente ans plus tard la guerre du Golfe, fut dirigée par les Etats-Unis qui

supportèrent l’essentiel du fardeau des opérations militaires en hommes e en matériel. C’est,

jusqu'à présent, le seul cas dans l’histoire de l’ONU où une opération de coercition militaire a

été organisée sous l’égide de l’ONT, grâce à la coopération des forces armées nationales que

certains Etats avaient accepté d’envoyer combattre sur place.

Cette guerre s’est terminée par un armistice conclu à Pan Mun Jon le 27 juillet 1953

entre d’un côté les forces sino-nord-coréennes et de l’autre les forces de l’ONU, sans

vainqueur ni vaincu. Il faudra attendre le 13 décembre 1991 pour qu’un traité de

réconciliation soit conclu entre les deux Etats coréens qui ont été admis (enfin) à l’ONU40

.

Mais se rendant compte que la politique de la chaise vide se retournant contre ses

intérêts, l’URSS décida de revenir siéger au Conseil de sécurité en août 1950, et comme elle

ne manqua pas de faire usage de son pouvoir de veto, le Conseil de sécurité fut empêché

d’adopter de nouvelles résolutions relatives à cette guerre.

Les Etats-Unis eurent alors l’idée de faire adopter par l’Assemblée générale (à cette

époque les Occidentaux y contrôlaient encore la majorité) une résolution, passée à la

postériorité du nom de son objet « Union pour le maintien de la paix »41

, le 3 novembre 1950,

ou encore du nom de son instigateur, le secrétaire d’Etat Dean Acheson, n° 377 (V) (c’est -à-

dire adoptée lors de la cinquième session ordinaire de l’Assemblée générale). Partant du

principe que l’article 24 de la Charte confère certes au Conseil de sécurité la responsabilité

principales du maintien de la paix, mais que cette responsabilité n’est pas exclusive, et que

l’article 12 peut s’interpréter à contrario dès lors que le Conseil de sécurité ne remplit pas à

l’égard d’un différend ou d’une situation les fonctions qui lui sont attribuées par la Charte, ce

qui habilite à ce moment-là l’Assemblée générale à faire une recommandation, cette

résolution opérait un transfert de compétence (mais pas de pouvoirs) du Conseil de sécurité,

paralysé par les dissensions entre les membres permanents, en faveur de l’Assemblée

générale, qui réunie s’il le faut en session extraordinaire d’urgence, peut faire les

recommandations appropriées sur les mesures à prendre, y compris, s’il s’agit d’une rupture

de la paix ou d’un acte d’agression, l’emploi de la force armée en cas de besoin pour

maintenir ou pour rétablir la paix et la sécurité internationales.

Cette résolution, vivement critiquée par l’URSS qui lui reprochait de bouleverser

l’équilibre entre le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale en matière de maintien de la

paix et de correspondre à une révision déguisée de la Charte, a été utilisée dans un certain

nombre de crises (1950, Corée ; 1956, affaires de Suez et de Hongrie ; 1958, affaire du

Liban ; 1960, affaire du Congo ; 1967, guerre des Six jours). Mais si son application a permis

39

V. Erwan BERGOT, Bataillon de Corée, les volontaires français 1950-1953, Presse de la cité, 1983 40

Le Monde 14 déc. 1991 41

Texte dans REUTER et GROS, op. cit., p. 193.

Page 32: Système des Nations Unis - Chapitre III

à l’Assemblée générale de discuter des affaires en question, une nouvelle notion est apparue

dans la pratique de l’ONU, celle dite des opérations de maintien de la paix.

§ 2. – Les opérations de maintien de la paix42

Au sens large, on entend par opérations de maintien de la paix, d’une part, les missions

d’observation de l’ONU ne comprenant que des effectifs limités, chargés de tâches de

surveillance (constatation des violations du cessez-le-feu par exemple et compte rendu), et,

d’autre part, les forces de maintien de la paix proprement dites, impliquant des effectifs plus

nombreux et chargés notamment de s’interposer entre les belligérants pour éviter une reprises

des hostilités. Entrent dans la première catégorie l’ONUST (Organisation des Nations unies

pour la surveillance de la trêve en Palestine, créée en 1948), le GONUL (groupe

d’observateurs des nations unies pour l’Inde et le Pakistan créée en 1965), la MONUY

(mission d’observation des Nations unies au Yémen créée en 1963), le GOMNUII (la mission

d’observation des Nations unies pour l’Irak et l’Iran créée en 1987), l’UNUIK (la mission

d’observation des Nations unies pour l’Irak et le Koweït créée en 1991).

Ce sont des forces de maintien de la paix dont nous traitons ici. Leur mission est

périlleuse, et c’est en récompense de leur contribution effective au maintien de la paix que le

Prix Nobel de la paix a été attribué aux Casques bleus de l’ONU en 1988, et remis au

secrétaire général de l’ONU.

Il convient de passer en revue les circonstances de leur création (A), le développement

et l’expansion contemporaine des forces (B), les comparaison que l’on peut effectuer avec les

actions de sécurité collective (C).

A. – Les circonstances de la création des forces maintien de la paix43

Lors de la crise de Suez en 1956, le Conseil de sécurité fut paralysé par double veto

franco-britannique. Saisi en vertu de la résolution Dean Acheson précitée, l’Assemblée

générale recommanda un cessez-le-feu, qui n’était acceptable pour la France et le Royaume-

Uni qu’à condition qu’une force internationale fût déployée pour préserver la paix entre

Israël et l’Egypte. C’est à l’initiative du Canada, désireux de « sauver la face » de ces deux

Etats amis, que l’Assemblée générale décida le 4 novembre 1956 de créer la FUNU (OU

UNEF, Force d’urgence des Nations unies), déployée dans le Sinaï, le long de la ligne

d’armistice entre Israël et l’Egypte, mais uniquement du côté Egyptien, ainsi qu’à Charm el

Cheikh qui contrôle l’entrée du Golfe d’Akaba. C’est la seule fois, jusqu'à présent, dans

l’histoire des Nations unies où une telle force a été créée par Assemblée générale, en tant

qu’organe subsidiaire. L’URSS et la France contestèrent la validité de ce qu’elles

considéraient comme une atteinte à l’article 11, § 2 de la Charte réservant au Conseil de

sécurité la compétence pour entreprendre une action en matière de maintien de la paix.

B. – Le développement et l’expansion contemporaine des forces de maintien de la paix

Depuis trente-cinq ans, le Conseil de sécurité a créé à plusieurs reprises, dans des

cadres et au sujet de conflits bien différents, des forces d’urgence, soit pour séparer deux

Etats, soit à l’intérieur d’un Etat pour éviter des affrontements sanglants entre deux

communautés.

1° L’ONUC (Organisation des Nations unies au Congo)44

42

Voir : BALLALOUD, L’ONU et les opérations de maintien de la paix, Pedone, 1971. – FLORY, L’ONU et

les opérations de maintien de la paix : Annuaire fr. dr. Int. 1965, p. 446. – MARTINEZ, le financement des

opérations de maintien de la paix de l’ONU : Rév. Gén. Dr. Int. Publ. 1977, p. 102. – LE PELLET (Général),

Les bérets bleus de l’ONU à travers 40 ans de conflits israélo-arabe, éd. France Empire, 1988. 43

Voir : POIRIER, La Force international d’urgence, t XXI de la Bibliothèque de droit international, LGDJ,

1962.

Page 33: Système des Nations Unis - Chapitre III

L’accession de l’ex-Congo belge à l’indépendance en 1960, s’accompagna de troubles

graves, des ressortissants belges furent victimes d’exactions qui provoquèrent une

intervention militaire belge, et la province la plus riche, le Katanga, en profita pour tenter de

faire sécession. A la demande des autorités congolaises, fut créée l’ONUC, qui comprit

jusqu'à 20 000 hommes (d’où la crise financière de l’ONU). La situation se dégrada au point

que le Conseil de sécurité autorisa ces forces à recourir à la force armée si besoin en était,

pour maintenir l’intégrité territoriale du Congo, aider le gouvernement central ç rétablir

l’ordre, s’emparer des personnels militaires et paramilitaires étrangers combattant au Katanga

(résolution du 24 novembre 1961). C’était un élargissement substantiel des missions dévolues

des Casques bleus dont l’ONU a considéré qu’elles ne devraient pas avoir la valeur de

précédent. Il est vrai que la crise était grave, car comme les Etats-Unis et l’URSS avaient

chacun leurs « champions » qui se disputaient le pouvoir sur place, la guerre froide risquait de

s’étendre au continent africain.

2° L’UNIFICYP (la force intérimaire des Nations unies à Chypre)

Ancienne possession Ottomane devenue colonie britannique, Chypre accéda à

l’indépendance en 1960 mais les deux communautés qui vivent dans cette île, la communauté

grecque majoritaire, et la communauté turque, minoritaire, ne s’entendirent pas et une guerre

civile éclata en 1964. le Conseil de sécurité créa l’UNIFICYP pour s’interposer entre elles.

Elle y est toujours et n’a pas empêché l’invasion de l’île par la Turquie en 1974. le problème

chypriote n’est toujours pas réglé.

3° La création d’autres forces en relation avec le conflit israélo-arabe

On a déjà eu l’occasion de dire qu’en 1967, Nasser demandé le retrait des Casques

bleus dans le Sinaï, accusé par la Syrie d’abriter derrière eux pour ne pas affronter Israël,

initiative intempestive qui jointe à la décision de faire le blocus du Golfe d’Akaba, allait

constituer pour Israël un casus belli à l’origine de la guerre des Six Jours. A la suite de la

quatrième guerre israélo-arabe, celle d’octobre 1973, une nouvelle force d’urgence fut créée

par le Conseil de sécurité, la FUNU, n° II, pour s’interposer entre Israël et l’Egypte, et surtout

veiller aux accords de désengagement conclu entre eux en 1974 et en 1975. Le veto soviétique

à son renouvellement en 1979, imputable au mécontentement de l’URSS d’avoir été tenue à

l’écart du processus de paix séparée égypto-israélien par les Etats-Unis, se traduisit par la

mise en place (prévue par le traité de paix du 26 mars 1979) d’une force multinationale

d’observateurs dans le Sinaï composée d’alliés des Etats-Unis45

.

De même, sur le front syrien, le Conseil de sécurité créa en 1974 la FNUOD (Force

des Nations unies d’observation du désengagement) entre Israël et la Syrie. Il faut savoir que

si Israël a annexé en 1981 une bonne partie du plateau du Golan, il existe une zone

démilitarisée où les Casques bleus sont présents, suite à un accord entre les deux belligérants

le 31 mai 1974.

Enfin, à la suite de l’invasion du Sud du Liban par les forces armées israélienne en

1978, le Conseil de sécurité a créé la FINUL (force intérimaire des Nations unies au Liban) en

1978, pour confirmer le retrait de ces forces, rétablir la paix et la sécurité internationales et

aider le gouvernement libanais à assure la restauration de son autorité effective dans la région.

Elle n’a pas été en mesure de faire obstacle à une nouvelle invasion israélienne de grande

ampleur en 1982 (opération Paix en Galilée)46

.

4° L’expansion contemporaine des forces de maintien de la paix

44

Voir : LECRLERCQ, L’ONU et l’affaire du Congo, Payot, 1964. 45

Voir : LUCCHINI, La force internationale du Sinaï : le maintien de la paix sans l’ONU : Annuaire fr. dr. Int.

1983, p. 121. 46

Voir : MARTINEZ, la force intérimaire des Nations unies au Liban : Annuaire fr. dr. Int. 1978, p. 479.

Page 34: Système des Nations Unis - Chapitre III

Deux conflits bien différents viennent d’être récemment l’occasion de déployer des

Casques bleus en grand nombre, au Cambodge d’une part, en Yougoslavie d’autre part.

a) au Cambodge47

Il a fallu un peu plus de deux ans pour parvenir à la signature d’un accord de paix au

Cambodge, par la Conférence de Paris, le 23 octobre 1991. Impliqué dans les deux guerres

d’Indochine, le Cambodge était devenu un lieu d’affrontement sino-soviétique par alliés

interposés, les Nord-vietnamiens qui avait envahi le Cambodge en 1978 étant soutenus par

l’URSS, tandis que les Khmers rouge l’étaient par Les chinois. L’effondrement du régime

communiste en URSS a paradoxalement rapproché les Chinois et les Nord-miens, bien qu’ils

se soient directement combattus en 1979. Comme sur le terrain aucune des deux autorités

rivales, le gouvernement de Phnom Penh mis en place par les Vietnamiens, la coalition

tripartite (Khmers rouge, les partisans du prince Norodom Sihanouk et Front national de

libération du peuple khmer) reconnue par l’ONU comme seul représentant du Cambodge, ne

parvenait à l’emporter, un règlement pacifique négocié s’imposait. Il s’est traduit par une

formule originale, à savoir la mise pratiquement sous la elle provisoire de l’ONU d’un Etat

afin d’y rétablir la paix et faciliter la reconstruction d’un pays ravagé par la guerre. Cet

organisme porta le nom d’APROUNUC (autorité provisoire des nations unies au Cambodge)

ayant à sa tête un représentant spécial (japonais) du secrétaire général. Le rétablissement de la

paix passant d’abord par le respect du cessez-le-feu entre les partie et le désarmement des

forces en présence, ce à quoi s’ajoute un travail considérable de déminage, le secrétaire

général de l’ONU a proposé l’envoi de près de seize mille Casques bleus au Cambodge (le

Monde 23-34 fév. 1992). Le Conseil de sécurité y a fait droit par la résolution 745 du 28

février 1992 (texte dans le Monde 1er

–2 mars 1992),créant l’APRONUC sous l’autorité du

secrétaire général. C’est un total d’environ vingt-deux mille soldats, policiers, fonctionnaires

civils qui doivent être envoyés sur place pour mettre en œuvre le plan de paix précité, le coût

étant évalué à près de deux milliards de dollars. Voir Armée et Défense (7 1992, l’ONU au

Cambodge) pour avoir une idée concrète des problèmes qui se posent sur place, dont le

moindre n’est par la réticence des khmers rouges à accepter le désarmement de leurs forces.

Cette situation ne manque pas d’inquiéter le Conseil de sécurité qui par une résolution 766 du

21 juillet 1992 a relevé tous les manquements commis aux accords de Paris, imputables

notamment aux khmers rouges, en exprimant sa vive « préoccupation » quant aux difficultés

que l’APRONUC rencontre sur place pour assurer la mise en œuvre de ces accords.

b) La Yougoslavie

Fin novembre 1991, après pas mal de réticences, le Conseil de sécurité accepta

d’abord de prendre en considération la demande du gouvernement yougoslave tendant à la

mise en place d’une opération de maintien de la paix en Yougoslavie (résolution 721 du 27

novembre 1991), mais ce n’est que par la résolution 743 du 21 février 199248

) qu’il décida de

créer la FORPRONU (force de protection des Nations unies). Certains de ses éléments ont été

installés en Slovénie, région de Croatie conquise par les Serbes, afin de procéder à la

démilitarisation (supervision du retrait de l’ex-armée fédérale et désarmement des forces

paramilitaires)49

. D’autres l’ont été à Sarajevo, capitale de Bosnie-herzégovine, assiégée par

les Serbes, afin de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire à la population civile

encerclée et constamment bombardée. La guerre un pris un tour tel, qu’en l’absence de

volonté politiques de certains Etats, notamment les Etats-Unis, d’intervenir militairement pour

faire cesser les attaques contre les populations civiles, de crainte de s’engager dans un

nouveau « bourbier » (toujours le syndrome du Viêt-Nam), le Conseil de sécurité a quand

47

Voir : ISOART, La difficile paix au Cambodge : Annuaire fr. dr. Int. 1990, p. 267. 48

Texte in Rev. Gén. Dr. Int. Publ. 1992, p. 456 49

V. Le Monde 14 mai 1992

Page 35: Système des Nations Unis - Chapitre III

même adopté le 13 août 1992 une résolution 770 sur l’acheminement de l’aide humanitaire en

Bosnie-Herzégovine50

. Se fondant sur le chapitre VII de la Charte, le Conseil de sécurité a

exhorté les Etats à prendre, à titre national ou dans le cadre d’organisations ou d’arrangements

régionaux, toutes les mesures nécessaires pour faciliter cet acheminement. A la différence de

la résolution précitée 678 du 29 novembre 1990 qui autorisait tous les moyens nécessaires,

formule volontairement imprécise pour impliquer un éventuel recours à la force armée, la

résolution 770 exhorte les Etats à prendre des mesures étroitement finalisées (but strictement

humanitaire), en se gardant bien de définir contre qui elles peuvent être dirigées. Le retrait de

l’une par rapport à l’autre est manifeste et ne s’explique que par les raisons précédemment

évoquées, à savoir que les militaires américains sont défavorables à une intervention armée,

estimant qu’il faudrait envoyer un corps expéditionnaire très nombreux (évalué à 400 000

hommes) pour réduire la violence entre les ex-Républiques yougoslaves. Il y a aussi,

indépendamment du syndrome du Viêt-nam, le souvenir du Liban, où l’envoi d’une force

multinationale comprenant des contingents américains s’était traduit par de lourdes pertes

imputables à des attentats dont les troupes américaines et françaises furent victimes à

Beyrouth en 1983.

Par une autre résolution adoptée le même jour, la 771, le Conseil de sécurité a

fermement condamné les violations du droit international humanitaire (expulsion et

déportations de civils, exactions, attaques contre des non-combattants et des hôpitaux), avec

une référence spéciale à « la purification ethnique », sans désigner qui que ce soit, mettant

toutes les parties sur un pied d’égalité.

Enfin, par une résolution 776 du 14 septembre 1992, faisant suite à une attaque

délibérée ayant côté la vie à deux Casques bleus français à Sarajevo, le Conseil de sécurité a

décidé de renforcer les effectifs des Casques bleus, soit 6 à 7 000 hommes de plus en Bosnie-

herzégovine (il y en avait déjà 1500), les effectifs en Croatie atteignant 15 000 hommes.

Sur un total de douze missions des nations unies au titre des opérations de maintien de

la paix (envoi de force et d’observation), la France participe à sept d’entre elles (Palestine,

Sud-Liban, Irak-Koweït, Salvador, Sahara occidental, Cambodge, Yougoslavie), ce qui sur le

plan financier représente en 1991 un montant de 142 millions de francs51

.

C. – Comparaison entre les opérations de maintien de la paix et les actions de sécurité

collective

Toute comparaison implique de rechercher les ressemblances et les différences.

1° Les ressemblances

Il y en a deux :

- d’une part, on est en présence dans les deux cas d’actions collectives de l’ONU et

non pas d’actions individuelles librement décidées par tel ou tel Etat. Ce sont bien des actions

onusiennes, décidées et appliquées par des organes de l’ONU ;

- d’autre part, ce sont des actions opérationnelles se traduisant par l’envoi sur le terrain

de contingent fournis par certains Etats membres.

2° Les différences

Il y en a trois :

- en premier lieu, alors que dans le cadre du chapitre VII le Conseil de sécurité est le seul

organe habilité à prendre des décisions, en matière d’opération de maintien de la paix,

l’Assemblée générale peut également intervenir, encore qu’il ne faille pas exagérer cet aspect,

puisque, jusqu'à présent, il n’y a qu’un cas où la création d’une force d’urgence a été l’œuvre

de celle-ci, la FUNU en 1956 dans l’affaire du Suez. Si à l’origine il était

50

Texte dans le Monde 15 août 1992 51

Le Monde 20 mai 1992.

Page 36: Système des Nations Unis - Chapitre III

- en deuxième lieu, et c’est sans doute la différence essentielle entre les deux, les opérations

de maintien de la paix sont dépourvues de caractère coercitif. Exception faite du cas de

l’affaire du Congo ex-belge précité, où la demande du gouvernement local, les casques bleus

ont été utilisés pour réduire une tentative sécession, précédent que l’ONU ne souhaite pas voir

se renouveler, la mission des Casques bleus est de s’interposer entre les belligérants étatiques

(Israël-Egypte, Israël-Syrie), ou entre des populations d’un même Etat (Chypre, Liban,

Cambodge, Yougoslavie) qui s’affrontent. Ils doivent maintenir la paix en jouant un rôle de

« tampon », et non pas la rétablir en repoussant un agresseur (un fois de plus le précédent

coréen est à mettre à part), en attendant un (hypothèque) règlement négocié du conflit, par les

moyens diplomatiques habituels. Le précédent chypriote n’est pas très encourageant puisqu’il

y a presque trente ans que les Casques bleus de l’UNFICYP y sont présents sans qu’un accord

ait pu être trouvé entre les deux communautés antagonistes. Les Casques bleus ne sont

d’ailleurs dotés que d’un armement léger dont ils ne doivent se servir qu’à titre strictement

défensif. Ils ne sont pas dotés de moyens militaires efficaces pour mettre un terme à une

agression ou la repousser (en 1982 la FINUL n’a pas pu s’opposer à l’invasion du Liban par

Israël) ;

- en troisième lieu, alors qu’une action de sécurité collective entreprise en vertu du

chapitre VII serait unilatérale, correspondant à une décision prise par le Conseil de sécurité à

l’encontre d’un Etat auteur d’une rupture de la paix, contre qui une force armée internationale

serait envoyée, en matière d’opération de maintien de la paix, tout repose sur des mécanismes

consensuels. Il faut le consentement de l’Etat sur le territoire duquel les Casques bleus sont

dépêchés, qui peut demander cette intervention (le gouvernement congolais en 1960), mais

qui peut aussi demander qu’il y soit mis fin52

. Il faut aussi le consentement des Etats qui

acceptent de participer à ces opérations en mettant à la disposition de l’ONU des contingents

nationaux. Certains Etats comme le Canada, qui ont une longue expérience de la participation

à ces forces, ont spécialisé certaines de leurs unités dans ces missions de maintien de la paix.

Dans un récent rapport sur « la diplomatie préventive, le maintien de la paix et le

rétablissement de la paix », que les chefs d’Etat et de gouvernements des cinq membres

permanents du Conseil de sécurité lui avaient demandé en janvier 1992, publié le 18 juin

199253

parmi les diverses mesures suggérées par M. Boutros-Ghali, figure la création d’unité

« d’imposition de la paix », mises à la disposition de l’ONU par des Etats qui les formeraient

chez eux et pourraient les mettre très vite à la disposition de l’ONU.

Sous-section II : LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE54

L’article 55 de la Charte de l’ONU faisait figurer parmi les finalités de l’organisation

en 1945 « le relèvement des conditions de progrès et de développement dans l’ordre

économique et social ». une fois de plus, il faut rappeler que dans le contexte de l’époque,

l’impératif était de procéder à la reconstruction des pays ravagés par la guerre, en particulier

en Europe. Ce n’est qu’à partir de 1947 qu’a commencé à apparaître dans les préoccupations

52

L’Egypte en 1967 : V. à ce sujet FLORY M., Le retrait de la force d’urgence des Nations unies : Annuaire fr.

dr. Int. 1968, p. 377 53

Le Monde 21-22 juin 1992 54

Voir : BEDJAOUI, Pour un nouvel ordre économique international, UNESCO 1978, PUF, 1979. – CASSAN

et FEUER, Droit international du développement, PUF, 1977. – PELLET, Le droit international du

développement, Que sais-je ?, n° 1731, 1987. – STERN, Le nouvel ordre économique international, Recueil de

textes et documents, Economica, 1983. – Pays en voie de développement et transformation du droit international,

Colloque d’Aix-en-Provence de la SFDI, Pedone, 1974. – RUCZ, La coopération pour le développement : J. –

CI. Dr. Int. Fasc. 123, 1988.

Page 37: Système des Nations Unis - Chapitre III

de l’ONU le développement de ce que l’on n’appelait encore que les « régimes

insuffisamment développés ». C’est devenu depuis la principale finalité de l’ONU en matière

économique et sociale, surtout à partir du moment où les ex-territoires coloniaux, devenus

Etats indépendants, ont été en nombres suffisamment important à l’ONU pour exposer leur

point de vue, défendre leur thèse, faire adopter des textes allant dans le sens de la prise en

considération de leurs intérêts, face aux pays riches, les pays industrialisés de l’hémisphère

nord. Il faut aussi savoir à ce sujet que l’URSS n’admettait pas la dichotomie nord-sud, c’est à

dire pays industrialisés d’un côté (à économie du marché, et à économie centralement

planifiée, selon la terminologie officielle qui a longtemps prévalu), pays en voie de

développement de l’autre, estimant que le sous-développement était uniquement imputable à

la colonisation, au capitalisme, et qu’elle ne portait, ainsi que ses alliés, aucune responsabilité

en la matière, ce qui la dispensait en la matière significative à l’aide au développement…

La coopération économique pour le développement s’est réalisée en plusieurs phases

que l’on peut schématiquement ramener à trois. Dans une première, qui va de 1946 à 1964, les

premiers programmes opérationnels en matière de développement ont été l’œuvre des

Occidentaux, avec le PNUD (Programmes des Nations Unies pour le Développement), le

FISE (Fonds international de le secours pou l’enfance), le PAM (programme alimentaire

mondiale), auxquels on peut ajouter le HCR (haut commissariat aux réfugiés).

Le deuxième, qui va de 1964 à 1980, a été caractérisé par l’émergence du Tiers monde

comme force politique sur la scène internationale, notamment à l’ONU, la création du groupe

de 77 (128 maintenant), regroupant l’ensemble des pays en voie de développement, quelles

que soient d’ailleurs les inégalités de développement entre eux et les formes de régimes

économiques, empruntés à l’Est ou à l’Ouest pour tenter d’en sortir. Pour eux, les sous-

développement est un phénomène structurel et non pas conjoncturel, imputable à leur

exploitation par les pays développés (principalement à économie du marché), dont la

principale manifestation est la détérioration des termes de l’échange entre produits de base et

produits manufacturés. D’où toute une série d’initiative de leur part pour faire réformer le

PNUD (1970) pour mieux l’orienter vers leurs besoins, la création de nouvelles institutions

internationales comme la CNUCED (Conférence des Nations unies pour le commerce et le

développement) en 1964 et l’ONUDI (Organisation des nations unies pour le développement

industriel) en 1966, le FIDA (Fonds international pour le développement agricole) en 1976,

ces deux derniers étant des institutions spécialisées, le Fonds commun pour les produits de

base en 1980. La troisième phase a commencé en 1980, c’est l’ère des incertitudes, du fait des

crises économiques à répétition qui affectent à peu près tous les Etats sauf les producteurs de

certaines matières premières (pétrole).

Le « dialogue nord-sud » dans lequel nombre de gouvernements des deux hémisphères

avaient placé beaucoup d’espoirs piétine, les pays riche ont plus de difficultés à apporter une

aide substantielle aux pays pauvre et sont moins enclins à leur faire des concessions. Les

différentes stratégies internationales du développement proclamées par l’ONU ne débouchent

pas sur des résultats très concrets. enfin, l’effondrement récent de l’URSS, la révélation que si

sur le plan militaire c’était une super grande puissance mais sur le plan économique le

délabrement de sa situation est telle que les Occidentaux doivent lui apporter une aide de

plusieurs milliards de dollars pour éviter une situation catastrophique, susceptible de

dégénérer en troubles graves et des risques difficilement prévisibles, n’est pas de nature à

renforcer l’aide aux développements (notamment de l’Afrique) de la part des Occidentaux,

eux-mêmes aux prises avec des problèmes économiques internes limitant leur croissance

économique (coût par exemple de l’unification pour la RFA).

Cela étant, il paraît possible de présenter l’action de l’ONU en matière de

développement en opérant une distinction entre, d’une part, l’action opérationnelle (§ 1) et,

d’autre part, l’action normative (§ 2).

§ 1. – L’action opérationnelle

Page 38: Système des Nations Unis - Chapitre III

Elle peut s’appréhender de par la combinaison de deux éléments, l’un matériel, l’autre

organique. Sur le plan matériel d’abord, il s’agit d’un transfert de ressources vers les pays en

développement, par une aide financière (dons ou prêts), par une aide en nature (notamment

alimentaire), par une coopération technique, par une aide financière extérieure (appui au

budget national ou à la balance du paiement). Sur le plan organique ensuite, elle se manifeste

par l’affectation par les organisations internationales de moyens financiers et en personnels

aux opérations de transfert qu’elles décident d’entreprendre. Le moins que l’on puisse dire est

que le « système opérationnel » des Nations unies en ce domaine est complexe, et, pour

rendre compte de ses grandes lignes, il convient d’envisager successivement les activités

opérationnelles proprement dites (A), leur financement (B), les organes opérationnels y

correspondant (C).

A. – Les activités opérationnelles

Elles se caractérisent par trois traits : la diversité des programmes opérationnels,

l’existence du PNUD, les nouvelles dimensions de la coopération technique.

1° la diversité des programmes opérationnels La première initiative de l’ONU consista à créer en 1946 le programme ordinaire

d’assistance technique afin d’organiser un transfert de connaissance centré sur l’envoi et la

formation d’experts en matière de développement économique. Mais très vite il s’avère

inadéquat pour faire face à l’ampleur des tâches posées par l’aide au développement. Fut donc

créé en 1949 le Programme élargi d’assistance technique (PEAT) recueillant des contributions

volontaires pour financer les activités d’assistance technique en associant l’ONU et les

institutions spécialisées.

La deuxième porta sur la création d’un Fonds pour le développement destiné à fournir

une aide financière à très long terme et dans des conditions favorables aux PVD. Pour tenir

compte de l’existence de la BIRD (Banque international pour la reconstruction et le

développement), dotée de deux filiales spécialisées dans cette voie (la Société financière

internationale, créée en 1958, et l’Association internationale pour le développement créée en

1960), l’Assemblée générale mis en place en 1958 un Fonds spéciale pour faciliter les

investissements de capitaux publics et privés, nationaux et internationaux, afin de financer

tous les secteurs où un besoin de développement économique et social se manifeste

(agriculture, industrie, transport, logement, santé, administration par exemple). Sa gestion est

distincte du celle du PEAT, les fonds sont accordés pour des projets particuliers.

La troisième fut la création du PAM (Programme alimentaire international) en 1961,

de concert entre le l’ONU et la FAO, d’où d’ailleurs une administration mixte. Il doit

remédier non seulement aux situations d’urgence aussi financer des projets de développement

(augmentation de la productivité agricole par exemple).

2° Le PNUD

La pression des ENI en faveur d’un accroissement de l’aide internationale contre le

sous-développement devenant de plus en plus insistante, il fut décidé en 1965 de fusionner le

PEAT et le Fonds spécial, en mettant en place le Programme des Nations unies pour le

développement, et en 1970 il fut aménagé pour rendre plus cohérent le système opérationnel

onusien :

Deux éléments méritent d’être relevés à ce sujet :

- d’une part, était créé un « cycle » de la coopération pour le développement

rassemblant tous les processus interdépendants correspondant aux activités opérationnelles. Il

commence par une programmation par pays à partir des plans nationaux de développement, la

formulation, l’examen et l’approbation des projets s’opérant sur place pour âtre adéquats ;

- d’autre part, l’administration du PNUD a été réformée avec la mise en place du

bureaux régionaux (Asie, Afrique, Amérique latine, Europe, Méditerranée, Moyen-orient), et

surtout avec une décentralisation des responsabilités en matière de programmation et

d’exécution.

Page 39: Système des Nations Unis - Chapitre III

3° Les dimensions nouvelles de la coopération technique

Elle a été décidée en 1975 par l’Assemblée générale et le PNUD, pour tenir compte de

l’évolution de la demande de coopération technique, devenue plus complexe et plus

spécialisée qu’au départ, des transformations de l’économie mondiale se traduisant par de

grandes différences entre les PVD (on ne peut mettre sur le même pied les pays les moins

avancés et les pays producteurs du pétrole).

L’accent fut mis sur la nécessité de promouvoir un développement autonome et de

soutenir les efforts des PVD pour parvenir à l’autosuffisance.

Il est aisé de comprendre que toute entreprise de cette nature se heurte à des

difficultés de financement, car les Etats bénéficiaires cherchent systématiquement à voir

augmenter les programmes de développement en leur faveur, tandis que les Etats

contributeurs entendent que les dépenses restent dans les limites raisonnables. I, en résulte

deux conséquences sur le plan du financement.

En premier lieu, les crédits budgétaires ont une place modeste dans le financement des

activités opérationnelles, ce qui apparaît dans le budget de l’ONU comme dans celui des

institutions spécialisées, à l’exception de l’OMS vu l’importance de la coopération technique

dans ses activités (plus de la moitié de sons budget sert à financer des dépenses

opérationnelles).

En second lieu, en contrepartie, les programmes opérationnels sont essentiellement

financés par des ressources extrabudgétaires provenant à la fois de contributions volontaires et

d’une participation de l’Etat bénéficiaire. En contrepartie de la renonciation aux crédits

budgétaires, c’est à dire à ce qu’ils auraient pu obtenir du fait de leur importance numérique

dans les organes pléniers qui adoptent les budgets, les PVD ont réalisé qu’il leur serait plus

facile d’obtenir des contributions volontaires de la part des pays développés (à économie du

marché) par voie de consensus associant les uns et les autres.

Les ressources extrabudgétaires sont affectées à un programme opérationnel déterminé

et constituant des fonds distincts des autres avoirs de l’ONU, sous la forme de compte

spéciaux ou de fonds d’affectation spéciale.

La crise économique générale qui affecte l’économie mondiale depuis 1980 a

naturellement eu des répercussions sur le financement de ces dépenses, se traduisant non

seulement par la stagnation des ressources mais aussi par leur diminution. Pour y faire face les

organisations internationales ont créé des fonds extrabudgétaires spécialisés dont on se

bornera à citer quelques manifestations : Fonds d’équipement des Nations unies (aide à

l’équipement par des dons et des prêts) ; Fonds des Nations unies pour les activités en

matières de population (du fait de la nécessité de maîtriser la croissance démographique pour

ne pas compromettre le développement) ; Fonds spécial des Nations unies pour les pays en

développement sans littoral maritime (contraints pour des raisons naturelles à des dépenses

supplémentaires de transport et de transit).

C’est surtout dans le cadre des institutions spécialisées que ce phénomène s’est

manifesté avec la plus grande ampleur (FAO, OMS, OIT, UNESCO).

C. – Les organes opérationnels

La gestion des programmes d’aide au développement implique une association entre

les Etats contributeurs et les Etats bénéficiaires, se traduisant par l’affectation de moyens

organiques spécialisés pour chaque programme, cette spécialisation n’ayant pas été remise en

cause lorsqu’il a été question de la restructuration de ces organes.

1° La spécialité des organes opérationnels

L’expression « organe opérationnel » désigne l’existence d’un programme

opérationnel auquel sont affectés des moyens à la fois organiques et financiers.

Deux traits caractérisent les moyens organiques, leur individualité d’une part, leur

dépendance par rapport à l’ONU, d’autre part.

En premier lieu, leur individualité résulte des résolutions constitutives de chacun. On y

trouve un organe administratif, c’est à dire un chef du secrétariat assisté d’administrateurs, et

Page 40: Système des Nations Unis - Chapitre III

un organe délibérant composé d’un nombre d’Etats variable dans chaque cas (48 pour le

PNUD, 41 pour la FISE, 40 pour le HCR, 30 pour le PAM). Une fois de plus le principe de la

répartition géographique équitable préside à la représentation des différents groupes au sein

de ces organes, ce qui confère aux PVD la maîtrise du processus décisionnels. Ainsi, au sein

du Conseil d’administration du PNUD, qui comprend 48 Etats, 27 sièges sont attribués aux

PVD, 21 aux pays développés.

En second lieu, les organes opérationnels sous placés sous le dépendance de l’ONU,

car se sont des organes de l’ONU, de véritables auxiliaires de l’Assemblée générale qui

détermine leur statut comme elle l’entend, qu’il s’agisse de la répartition des compétences

entre organe administratif et organe délibérant, de la nature des ressources et de leur

utilisation, de l’adoption et de l’exécution des programmes.

2° La restructuration des organes opérationnels Elle a eu lieu en 1974 en relation directe avec la recherche d’un nouvel ordre

économique international (infra), lorsque les PVD ont voulu rendre le système onusien plus

adapté à ce nouvel ordre. L’idée de restructuration reposait sur une approche globale du

développement prenant en considération l’interdépendance des tous les aspects du problème,

alors que le système des Nations unies se caractérise par une juxtaposition de compétences

spécialisées risquant de se chevaucher. L’Assemblée générale désigna donc un groupe

d’experts pour proposer des modifications de structure pour rendre la coopération

internationale en faveur du développement plus efficace. Leur diagnostic fut sans

complaisance : le système onusien se caractérise par une prolifération d’organes ne résultant

pas d’une conception rationnelle mais de circonstances historiques particulières. Il est serait

donc préférable de regrouper les activités opérationnelles dans un Office des Nations unies

pour le développement (ONUD). Mais comme souvent, lorsque les travaux ont été examinés à

l’échelon intergouvernemental, leurs propositions ne pouvaient qu’en ressortir extrêmement

« édulcorée », en 1977, pour se ramener à deux idées, à savoir l’intégration des procédures au

niveau central, l’intégration organique au niveau national, préfigurant une réforme globale de

l’ONU, mais comme disait Kipling, ceci est une autre histoire…

§ 2. – L’action normative : le nouvel ordre économique international

Ce n’est pas par hasard que 1974 correspond en la matière à une date charnière. Il ne

faut pas sous-estimer l’importance de la crise pétrolière qui éclata à l’occasion de la quatrième

guerre israélo-arabe en octobre 1973, lorsque les Etats arabes membres de l’OPEP

(Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole) décidèrent de se servir du pétrole

comme d’un « arme » diplomatique, pour faire pression indirectement sur Israël afin d’obtenir

l’évacuation des territoires arabes conquis en 1967 et le rétablissement des « droits nationaux

légitimes » (droit à l’autodétermination débouchant la création d’un Etat palestinien) des

Palestiniens, en augmentant les prix du pétrole, et en frappant (momentanément) d’embargos

certains Etats considérés comme favorables à Israël (Etats-Unis, pays Bas). On a déjà eu

l’occasion d’exposer les vues des ENI vis-à-vis du droit international, en exposant qu’elles

étaient traduites par une vive constatation de nombre de règle du droit international existant

lors de leur accession à l’indépendance. C’est en se plaçant d’un point du vue éthique qu’ils

ont demandé l’instauration d’un nouvel ordre économique international en faisant valoir que

l’actuel était fondamentalement injuste, ne faisant qu’accroître l’inégalité entre pays

développés et pays en voie de développement, le fossé entre riches et pauvres. Pour aux, il

s’agissait de transformer une règle d’éthique en un impératif juridique, l’ONU étant à leurs

yeux le cadre le plus approprié pour y parvenir.

In convient d’exposer d’abord la formation du NOEL (A), puis son contenu (B), et

enfin les structures qui y correspondent (C).

Page 41: Système des Nations Unis - Chapitre III

A. – La formation du nouvel ordre économique mondial

Parmi les différentes sources du droit international, les ENI sont défavorables à la

coutume (puisque préexistant à leur naissance), favorables au processus conventionnel (traités

multilatéraux), encore que certains traité aient été imposés du fait de l’inégalité dans le

rapport des forces entre les parties en présence, et que leur immutabilité de principe fasse

obstacle à l’adoption du droit aux changements dans les circonstances de fait et de droit, sous

réserve de leur révision comme on l’a indiqué pour le droit des conflits armés et le droit de la

mer, avec le risque que certains Etats, et non des moindres, comme les Etats-Unis, préfèrent

ne pas se lier par les nouveaux traités considérés comme allant en partie à l’encontre à leurs

intérêts. Leurs préférences vont à la technique des recommandations, acte unilatéral émanant

d’un organe délibérant, invitant les destinataires (Etats ou organisations internationales) à

adopter un certain comportement ou à prendre certaines mesures. Leur nombre leur garantit

que les résolutions prises dans les organes pléniers seront conformes à leurs vues, avec le

risque, qui n’est pas une hypothèse d’école, que les Etats développés s’y sous-traitait en

faisant valoir qu’elles sont dépourvues de force obligatoire…

Leur domaine d’élection a précisément été la coopération normative pour laide au

développement avec deux textes fondamentaux, la Déclaration du 1er

mai 1974 concernant

l’instauration d’un NOEL, et surtout la Charte des droits et devoirs économiques des Etats,

adoptée le 12 décembre 1974 par l’Assemblée générale de l’ONU, le mot de « charte » ne

devant pas se tromper, il ne s’agit pas d’un traité en bonne et due forme, mais d’un traité qui

n’a la valeur que d’une recommandation55

Deux points doivent ici être mis en relief, l’un relatif à l’élaboration des

recommandations, l’autre à leur portée.

1° L’élaboration des recommandations

Afin de parvenir à un accord aussi large que possible, garant des chance de mise en

œuvre future des recommandations la « diplomatie du développement » recourt au mécanisme

classique que sont la négociation par l’intermédiaire des groupes d’Etats et l’adoption par voie

de consensus.

En premier lieu, il convient de relever le particularisme des groupes en présence en la

matière, puisqu’ils étaient jusqu'à présent au nombre de trois. Il y a d’abord le groupe dit des

77 (128 maintenant), constitué lors de la première CNUCED en 1964, comprenant les Etats

d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine ayant en commun leur sous-développement et de faire

cause commune face aux pays industrialisé, quelle que soient par ailleurs leurs divergences. Il

y a ensuite le groupe des pays industrialisés à économie du marché (une trentaine d’Etats),

dont la solidarité institutionnelle relative repose sur leur commune appartenance à l’OCDE

(Organisation de coopération et de développements, ex-OECE), mais dont les positions

communes sont plutôt rares, du fait également des nombreuses divergences qui se manifestent

entre eux. Il y avait enfin le groupe des pays industrialisés à économie centralement planifiée

(dix membres), membres du COMICOM (ou Conseil d’assistance économique mutuelle,

dissous en 1991), et dont la domination de l’URSS garantissait l’unité des positions,

invariablement favorables aux revendications des PVD en tant que dirigées contre

l’exploitation des pays pauvres par les pays dits capitalistes et impérialistes…

Leurs rapports se traduisaient par une concertation entre « groupes de contact »,

comprenant un nombre restreint de représentant de chaque groupe, en vue d’élaborer des

textes de compromis acceptables par tous, ce qui veut dire sur la base du plus petit

dénominateur commun.

55

Ces deux textes sont reproduits dans THIERRY, Droit et relations internationales, op. cit., p. 554 et 567 ; le

second dans BRETTON, TD de DIP et de RI, op. cit., p. 410 [référence]et 423 [avec un commentaire sous forme

de plan détaillé].

Page 42: Système des Nations Unis - Chapitre III

En second lieu, il faut noter la place prépondérante occupée en ce domaine par la

procédure de non-objection, autrement dit le consensus, à la foie générale permanente. Le

vote cristallise les oppositions, la minorité (pays industrialisés à économie du marché) ne

s’estime pas liés par la majorité. L’avantage du consensus est qu’il n’est pas synonyme

d’unanimité, bien difficile à atteindre, mais q’un texte est réputé adopté dès lors qu’aucune

délégation ne s’y est formellement opposée, quitte après pour certaines à faire des réserves au

consensus (en disant qu’elle se seraient abstenue s’il y avait eu un vote). En cas d’échec du

consensus il faut voter, ce qui permet peut être à la majorité d’affirmer sa cohésion mais qui

conduit, on l’a dit, les Etats de la minorité, généralement les contributeurs, à marquer leurs

oppositions, ce qui compromet l’application du texte.

2° La porte des recommandations

Pour les uns, les ENI, les résolutions de l’ONU doivent être considérées comme une sorte de

« législation internationale », la majorité au sein de l’ONU pouvant imposer sa volonté à la

minorité. Pour les autres (la plupart des pays industrialisés à économie du marché) ne peuvent

être considérées comme obligatoires que les résolutions auxquelles la Charte confère ce

caractère (décisions du Conseil de sécurité, résolutions de l’Assemblée générale concernant la

vie interne de l’ONU). Les controverses doctrinales sont naturellement venues se greffer là-

dessus opposant schématiquement les auteurs pour qui il existe une sorte de « dégradé

normatif » entre le droit et le pré-droit, et ceux qui au contraire estiment que la distinction

entre le tex lata (le droit positif) et le tex ferenda (le droit devant être créé) conserve toute sa

valeur.

Ce qui est certain c’est que les résolutions peuvent être considérées comme

contribuant à l’élaboration de nouvelles règles coutumières lorsqu’elles correspondent à la

pratique des Etats, en s’attachant à deux indices important, les circonstances de l’adoption de

la résolution (procédure d’adoption, nombre et qualité des Etats favorables au texte), et son

contenu qui doit être suffisamment précis et détaillé pour pouvoir accéder à la valeur de règle

de droit.

B. – Le contenu du nouvel ordre économique mondial

Les principes fondamentaux du NOEI s’ordonnent autour de deux concepts suivants,

d’une part, le principe de souveraineté, d’autre part, l’obligation de coopération.

1° Le principe de souveraineté

On a déjà eu l’occasion dans la première partie d’exposer l’importance de ce principe

auquel tous les Etats sont attachés, en indiquant qu’à la dimension politique traditionnelle de

cette notion était venue s’ajouter sous la pression des ENI, une dimension économique se

caractérisant par trois traits.

En premier lieu, l’accent a été mis sur le droit des Etats de choisir leur système

économique et social, c’est-à-dire le droit pour chacun de choisir son modèle de

développement, son mode de participation au commerce international, de participer à toute

forme de coopération qui lui convient, de créer des organisations de produits de base, en

déniant aux autres le droit de prendre à leur encontre des mesures de rétorsion (notion

d’agression économique catégoriquement rejetée par les Occidentaux).

En deuxième lieu, le concept de souveraineté a été étendu aux richesses et ressources

naturelles ainsi q’aux activités économiques, cette souveraineté étant qualifié d’entière et

permanente. Ce vocabulaire est destiné à justifier l’arsenal des mesures translatives de

propriété qu’un Etat (en développement peut prendre à l’encontre d’intérêts étrangers sur son

territoire, principalement par voie de nationalisation. C’est sur ce point que des affrontements

ont été les plus vifs lors de l’élaboration de la Charte et des devoirs économiques des Etats en

1974, en raison de « l’allergie » de certains Etats (notamment les Etats-Unis) vis-à-vis de

Page 43: Système des Nations Unis - Chapitre III

toute forme de légitimation des atteintes à la propriété privée étrangère, considérée comme

une véritable spoliation en l’absence d’indemnisation prompte, adéquate et effective.

En troisième lieu, si le principe d’égalité demeure une constante de l’ordre juridique

international, les ENI ont fait valoir que l’application d’un même statut juridique à tous les

Etats, sans tenir comptes des inégalités réelles, notamment économiques, peut déboucher sur

des conséquences inéquitables. De ce fait, ils réclament une « inégalité compensatrice », ou

des mécanismes de « discrimination positive », se traduisant par une dualité de normes, selon

qu’il s’agit de rapports entre pays développés entre eux, ou entre pays développés et pays en

voie de développement. Ainsi, en matière de commerce international, la clause de la nation la

plus favorisée, sans doute valable dans les rapports entre pays ayant des niveaux de

développement économique comparables, ne l’est pas dans les relations pays développés-pays

en développement, et doit être abandonnée au profit du principe de non-réciprocité et d’un

système de préférences en faveur des produits en provenance des PVD.

2° L’obligation de coopération

La coopération économique et sociale faisait partie des buts de l’ONU dès l’origine

(art. 1, § 3 de la Charte).

Le déclaration de 1970 sur les relations amicales et la coopérations entre Etats

conformément à la Charte, et surtout la Charte des droits et devoirs économiques des Etats ont

tenté de transformer ce qui n’était pour certains qu’une simple déclaration d’intention en une

véritable obligation juridique, en mettant l’accent d’une part sur l’interdépendance de tous les

membres de la communauté internationale, et d’autre part (une fois de plus) sur une exigence

éthique, éliminer les disparités afin d’assurer la prospérité pour tous. Cinq principe d’ordre

normatif devraient y correspondre : le principe d’un traitement préférentiel généralisé, sans

réciprocité ni discrimination ; le principe de la stabilité des recettes d’exportation ; le droit

d’avoir part aux avantages du progrès et des innovations de la science et de la technique pour

accélérer le développement économique et social ; le droit à une aide financière sans qu’il soit

porté atteinte à la souveraineté du bénéficiaire ;le principe du patrimoine commun de

l’humanité, appliqué jusqu'à présent au fonds des mers et des océans au-delà de la limite de la

juridiction nationale (convention des Nations unies de 1982 sur le droit de la mer), ainsi qu’à

l’espace extra atmosphérique, à la lune et aux autres corps célestes (traités de 1967 et de

1979).

C. – Les structures des NOEI

Négocié jusqu'à présent dans un cadre institutionnel « éclaté », le NOIE devait faire

l’objet de tentatives d’approche globale.

Elle s’est manifestée de trois manières différentes :

- en premier lieu, par la convocation de plusieurs conférences, à l’initiative de

l’Assemblée générale ou de l’ECOSOC, portant sur des questions techniques ou spéciales

telles que l’alimentation, la population, la condition de la femme, l’eau, les sources d’énergie

nouvelles et renouvelables, les pays les moins avancés ;

- en deuxième lieu, par la création de nouveaux organes subsidiaires, puisque tant

l’Assemblée générale que l’ECOSOC ont ce pouvoir, comme le Comité de planification et du

développement, la Commission des sociétés internationales ;

- en troisième lieu par la création de la CNUCED, qui n’est pas une institution

spécialisée (comme l’ONUDI et le FIDA), mais dont la structure ressemble à celle d’une

institution spécialisée. L’organe plénier est la Conférence, se réunissant tous les quatre ans,

comprenant tous les Etats membres de l’ONU ou d’institutions spécialisées. L’organe

restreint est le Conseil du commerce et du développement, mais cet adjectif est inadéquat dans

la mesure où tous les membres de la conférence peuvent en faire partie (les deux tiers

Page 44: Système des Nations Unis - Chapitre III

exercent ce droit en pratique), qui assure la permanence du contrôle intergouvernemental. Il y

a également un Secrétariat fournissant les services administratifs habituels, c’est un

département du Secrétariat de l’ONU. La finalité de la CNUCED est d’accélérer le

développement économique par l’expansion du commerce international, résumé par le slogan

« trade not aid ».

2° Les tentatives d’approche globale

Différentes tentatives ont eu lieu pour remédier à l’ « éclatement» du cadre

institutionnel, alors que l’interdépendance des problèmes requiert plutôt une approche

globale. Deux aspects doivent être mis en relief.

D’une part, une restructuration des secteurs économique et social de l’ONU a été

entamée pour renforcer la participation de l’organisation à l’instauration du NOEI, en

chargeant l’Assemblée générale de fixer la politique à suivre en la matière, d’harmoniser

l’action international, d’élaborer des stratégies, sans que ses moyens d’action soit renforcés,

en envisageant de restructurer l’ECOSOC pour en faire un organe plénier, sans succès et en

restructurant le secrétariat, notamment par la création d’un poste de Directeur général pour le

développement et la coopération économique internationale, afin d’assurer la cohérence des

activités de l’ONU.

D’autre part, les Etats non alignés ont pris l’initiative en 1979 de demander qu’ouvrent

des négociations globales pour aborder l’ensemble des problèmes économiques

internationaux, en tenant compte des rapports d’interdépendance entre les secteurs à

restructurer (matières premières, énergie, commerce, questions monétaires et financières), les

négociations devant déboucher sur un package agreement (la moins mauvaise traduction

française, faute de dire « paquet », est règlement global), formalisé par un instrument

juridique adopté dans le cadre de l’ONU. Jusqu’à présent ce projet n’a pas abouti en raison

d’un désaccord fondamental sur les relations entre la CNUCED, organe central chargé de

négocier les termes de l’accord global, et les institutions spécialisée, devant négocier dans

leurs domaines de compétences respectifs. Schématiquement, les PVD considèrent que la

CNUCED est indépendante des institutions spécialisées et qu’elle débattre de sujet entrant

dans la compétence des institutions spécialisées, alors que pour les Occidentaux, il convient

de ne pas porter atteinte aux compétences des différentes institutions spécialisées, qui

devraient pouvoir organiser des négociations en fonction de leur spécialité, selon les règles

propres à chacune (sauvegarde de la technique du vote pondéré, favorable aux Occidentaux

dans les institutions spécialisées financières).

Le compromis pourrait consister à dire qu’il appartient certes à l’ONU de donner

l’impulsion à la transformation des relations internationales, de vertu de sa compétence

générale pour promouvoir la coopération économique internationale, mais qu’il appartient aux

différentes institutions spécialisées de négocier les nouvelles règles de droit applicable aux

relations économiques internationales en vertu des compétences particulières de chacune.

Benayad Med