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Troisième Conférence Nationale Médicale Interfédérale CNOSF Paris, les 28 et 29 novembre 2006 75 Table ronde Paramètre hématologique : quelle interprétation ? Premier intervenant : Professeur Charles Yannick GUEZENNEC, responsable du plateau technique du Conseil Général de l’Essonne à Marcoussis ¨Suivi hématologique du sportif¨ Etant physiologiste, je me suis posé des questions relativement naïves sur les problèmes hématologiques posées par la détection indirecte du dopage à l’EPO. Peut-on utiliser les mêmes paramètres pour l’évaluation de la tolérance à l’entraînement et le dépistage du dopage ? Quels sont les paramètres pouvant être utilisés, et leurs méthodes d’exploitation, quelle est leur limite de normalité. Modèles initiaux Depuis les jeux de Sydney (année 2000), la détection indirecte du dopage à l’EPO est basée sur des analyses hématologiques. Au départ, 5 paramètres étaient utilisés (l’hématocrite, le taux de réticulocytes, le pourcentage de macrocytes, le dosage de l’EPO endogène, le récepteur soluble à la transferrine) afin de construire des modèles statistiques permettant de dépister l’usage d’EPO. Ils sont scindés en deux types, l’un appelé ON (qui est indicateur de la stimulation de l’érythropoïèse, au moment où on administre l’EPO) et un modèle OFF (qui permet de dépister les suites à distance de l’administration d’EPO). 1. Remise en cause des modèles initiaux A partir de 2002, ces modèles ont été constamment revisités car on s’est rendu compte de leurs insuffisances. En effet, des facteurs physiologiques (entraînement en altitude, type d’entrainement, déshydratation volontaire, etc.) et génétiques (origine ethnique, polymorphisme pour la synthèse ou le récepteur à l’EPO) peuvent modifier l’intervalle de variation de normalité de ces modèles. Un article de Ken SHARPE paru en 2002, a proposé un modèle validé sur 1152 athlètes de 12 pays, d’origines ethniques différentes. Il s’agit d’une part d’un modèle ON basé sur l’hématocrite, le dosage de l’EPO, le récepteur soluble à la transferrine et le pourcentage de macrocytes et d’autre part d’un modèle OFF qui a permis de donner une idée de la variation

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Table ronde

Paramètre hématologique : quelle interprétation ?

Premier intervenant :

Professeur Charles Yannick GUEZENNEC, responsable du plateau technique du Conseil Général de l’Essonne à Marcoussis

¨Suivi hématologique du sportif¨

Etant physiologiste, je me suis posé des questions relativement naïves sur les problèmes hématologiques posées par la détection indirecte du dopage à l’EPO. Peut-on utiliser les mêmes paramètres pour l’évaluation de la tolérance à l’entraînement et le dépistage du dopage ? Quels sont les paramètres pouvant être utilisés, et leurs méthodes d’exploitation, quelle est leur limite de normalité.

Modèles initiaux

Depuis les jeux de Sydney (année 2000), la détection indirecte du dopage à l’EPO est basée sur des analyses hématologiques. Au départ, 5 paramètres étaient utilisés (l’hématocrite, le taux de réticulocytes, le pourcentage de macrocytes, le dosage de l’EPO endogène, le récepteur soluble à la transferrine) afin de construire des modèles statistiques permettant de dépister l’usage d’EPO. Ils sont scindés en deux types, l’un appelé ON (qui est indicateur de la stimulation de l’érythropoïèse, au moment où on administre l’EPO) et un modèle OFF (qui permet de dépister les suites à distance de l’administration d’EPO).

1. Remise en cause des modèles initiaux

A partir de 2002, ces modèles ont été constamment revisités car on s’est rendu compte de leurs insuffisances. En effet, des facteurs physiologiques (entraînement en altitude, type d’entrainement, déshydratation volontaire, etc.) et génétiques (origine ethnique, polymorphisme pour la synthèse ou le récepteur à l’EPO) peuvent modifier l’intervalle de variation de normalité de ces modèles.

Un article de Ken SHARPE paru en 2002, a proposé un modèle validé sur 1152 athlètes de 12 pays, d’origines ethniques différentes. Il s’agit d’une part d’un modèle ON basé sur l’hématocrite, le dosage de l’EPO, le récepteur soluble à la transferrine et le pourcentage de macrocytes et d’autre part d’un modèle OFF qui a permis de donner une idée de la variation

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d’un certain nombre de paramètres. Grâce à ce modèle, on peut admettre des variations de l’hématocrite (par exemple dues à l’entraînement en altitude) ; on s’aperçoit aussi que l’origine ethnique est l’un des puissants déterminants de la variation de l’ensemble de ces paramètres.

L’examen des statistiques montre qu’elles sont gaussiennes, c'est à dire que la probabilité d’avoir un sujet qui soit en dehors de l’intervalle de normalité est non-nulle. En effet, 0,3 % des sujets masculins avaient un taux d’hématocrite supérieur à 53 %. C'est toute la limite de l’approche statistique gaussienne.

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Nous devons à Michel AUDRAN et Alain LACOSTE d’avoir incorporé et mis en évidence l’intérêt majeur de l’hémoglobine dans ces paramètres de suivi hématologique du sportif. La variabilité de l’hémoglobine et du taux de réticulocytes est beaucoup plus importante entre sujets.

En revanche, la probabilité qu’un sujet connaisse des variations importantes au cours du temps est beaucoup plus faible. Ces auteurs ont mis en avant la notion de « passeport hématologique ». Messieurs MACOVATI et Al ont proposé d’établir un intervalle de variation pour l’ensemble de paramètres hématologiques permettant de définir le seuil de normalité. Ces auteurs ont établi que 5 dosages successifs chez un même sportif permettaient de dresser sa carte d’identité hématologique. On pouvait alors être sûr qu’une variation de 10 % d’un sujet par rapport à ses paramètres signifiait que la variation était anormale ; néanmoins, il demeure toujours des sujets déviants.

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2. Affinage des modèles

Nous en arrivons aujourd’hui à la 3e génération de dépistage indirect, qui utilise le taux d’hématocrites et d’hémoglobine, à l’aide exclusivement de manipulations statistiques qui permettent d’affiner le modèle. Malgré l’homogénéité des variances intra-sujets, on peut se demander si les statistiques gaussiennes sont bien adaptées à un dépistage qui permette d’éliminer la probabilité d’avoir un seul faux positif. La question se pose de l’intérêt des autres méthodes (analyse en composante principale, métabolome). Ces méthodes sont plutôt franco-françaises. Nous sommes très mal vus de nos collègues anglo-saxons chaque fois que nous leur proposons une analyse multiparamétrique. Malgré tout je reste persuadé que ce sont des méthodes d’avenir.

D’un point de vue humain, le dépistage d’un faux positif peut conduire à des drames humains. A mon sens, il faut éviter qu’il puisse y avoir un seul faux positif. Il me semble préférable de laisser passer des coupables plutôt que de condamner un innocent. Je ne sais pas comment éviter un seul faux positif ; la question est ouverte.

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Un article de PARISOTTO et al Haematologica (88:931, 2003) montre que dans une grande population sportive, on retrouve plutôt des anémies que des excès. 1,4 % des hommes et 1 % des femmes ont des hémopathies. Néanmoins, ces auteurs n’ont pas trouvé dans leur population d’étude d’anomalies hématologiques qui soient associées à un score positif de l’usage d’EPO, ce qui est assez rassurant. Malgré tout, un nombre important de sportifs sont porteurs de pathologies hématologiques qui ne les gênent pas pour exercer leur pratique sportive de haut niveau (voire contribuent à de meilleures performances).

Deuxième intervenant : Michel AUDRAN, professeur des Universités, directeur du Laboratoire de biophysique

et de bioanalyse, faculté de pharmacie de Montpellier

¨Modification hématologique au cours de l’entraînement et de la compétition¨

Il y a une ambiguïté à propos du suivi biologique des sportifs: que veut-on faire avec ? De la surveillance de leur santé ? Un contrôle indirect du dopage ? Quoi qu’il en soit, on va mesurer des paramètres biologiques dont il va falloir interpréter les variations. Mon intervention va porter sur les paramètres sanguins (hématocrite ou Htc, hémoglobine ou Hb, mais également réticulocytes ou Ret) ainsi que sur deux paramètres biochimiques (ferritine, récepteur soluble de la transferrine ou sTfR) couramment analysés lors du suivi « hématologique des sportifs ». Afin de pouvoir interpréter leurs variations, il faut connaître d’une part avec quelle précision ils sont déterminés et d’autre part les causes naturelles de leur variation.

Concernant le premier point, il faut bien réaliser qu’il s’agit de paramètres biologiques mesurés avec des instruments de biologie médicale dont l’exactitude n’est pas celle des instruments d’analyse utilisés dans un laboratoire de contrôle anti-dopage.

1. Causes naturelles de la variation des valeurs de l’hématocrite et de l’hémoglobine

La variation de l’hématocrite entre 2 mesures effectuées sur un même sujet dans un intervalle de 1 jour à 2 mois est estimée à 12% ceci à cause de variations analytiques et biologiques (Thirup 2003). A six mois d’intervalle s’ajoutent des variations saisonnières, la précision de mesure est alors de l’ordre de 15%.

La qualité du prélèvement joue aussi. Le temps de pose du garrot peut modifier la valeur de l’Hct ou celle de l’Hb de 3 à 8% (Lippi, 2006)!

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VARIATIONS DES PARAMETRES HEMATOLOGIQUESAU COURS DE L’EXERCICE

Exercice de haute intensité: diminution du volume plasmatiquedéplacement des fluides de l’espace intra vasculaire versl’espace intersticiel et le compartiment cellulaire. Schmidt: 2000

Augmentation de Htc, Hb, sTfr, EPO et Ret inchangés Robinson 2003

longues périodes d’entrainement ou periodes d’exercicerépétées: augmentation du volume sanguin due essentiellementà une augmentation du volume plasmatique

Schmidt: 2000

Augmentation du volume plasmatique de 20%diminution de Htc 11%

Hb 9%

VARIATIONS DES PARAMETRES HEMATOLOGIQUES AU COURS DE LA SAISON

Variations de Htc et Hb chez les footballeurs (Cazzola, Malcovati 2003)• differences ethniques pour

- le sTfR: plus elevé chez les africains1.65 mg/l vs 1.25 mg/L

- Htc plus bas chez les africains

• augmentation de la ferritine en fonction de l’age69 ng/mL < 25 ans; 84 ng/mL entre 25-30 ans; 83 ng/mL >30 ans

• valeurs de Hb et Htc fonction du rôle du joueur:- milieux de terrain 14.5 g/dL- defenseurs 14.7 g/dL- attaquants 14.8 g/dL- gardiens de but 14.9 g/dL

• variations en fonction de la période

923 joueurs professionnels, 2506 analyses

17,8

12,1

3,9

0,2

249

14,9

52,6

34,6

117000

13700

D’autres paramètres interviennent sur ces valeurs : la position du sujet avant le prélèvement (20min allongé tête en bas peut diminuer ces valeurs de 3 à 8%), le fait qu’il ait ou non effectué un exercice avant. Les variations dues à l’exercice sont différentes, suivant qu’il est de haute intensité et bref, ou répété. En cas de période d’entraînement, on assiste chez des cyclistes, dix jours après le début de la compétition, à une diminution de l’hématocrite et de l’hémoglobine non négligeable (10 %) (Schmidt, 2000).

2. Variations des paramètres hématologiques au cours de la saison sportive dans différents sports d’endurance

Dans une étude menée sur des footballeurs, suivi de deux ans, les auteurs (Cazzola et Malcovati, 2003) ont constaté (indépendamment des différences ethniques, de l’âge et du rôle du joueur) des variations de l’ensemble des paramètres (Htc, Hb, Ret, Ferritine, sTfR) au cours de la saison. Ces variations étaient considérables d’un sujet à l’autre de sorte que pour les interpréter, les auteurs ont conclu que chaque sujet devait être sa propre référence. Dans ces conditions, une variation de plus de 10% de la valeur de Htc ou Hb constituait alors vraisemblablement un signe d’anormalité.

On observe également de telles variations chez les cyclistes : diminution de l’hématocrite et de l’hémoglobine en période de compétition, de l’ordre de 3 à 4% (Schumacher 2002). Chez les triathlètes en revanche et sur un suivi de 3 ans, on constate assez peu de différences au cours des trois périodes de l’année : repos, entraînement, compétition (Rietejen 2003).

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VARIATIONS AVEC L’ALTITUDERietjens 2002

Heinicke: 2004

Biathlon, 3 semaines 2050m

Hb 14.9±0.7 à 15.9±0.5 g/dlHtc 43.8±2.0 à 46.8±1.6 %

Soit une augmentation de:6.7% pour Hb, 6.8% pour Htc

Wehrling 2006

Live high (2 500m, 18h/d) Train low (1800 -1000m)24 days

BV(ml): 5 969 ± 1367 6 123 ± 1 434

4,6%

Diminution • de Hb les jours 1 et 2 après la course• de Htc les jours 1, 2, 3 après la coursedue à une augmentation du VP

Marathon (Schmidt 1989)

EFFETS DE LA COMPETITION Augmentation des Reticulocytes 2 et 3 jours après la course

3. Effets de l’altitude et de la compétition

On débat encore de l’altitude à partir de laquelle des effets sur l’hématopoïèse sont sensibles. Une étude relativement récente (Rietejen 2002) montre une augmentation de 10% environ pour Htc et Hb à une altitude de 2600 mètres (le temps de séjour n’est pas précisé).

Une autre étude (2500 mètres d’altitude pendant trois semaines) portant sur les athlètes pratiquant le biathlon fait apparaître des variations de Hb et Htc d’environ 6% (Heinicke 2004).

La compétition engendre elle aussi des effets. En réalisant par exemple un prélèvement dans les deux jours qui suivent un marathon, vous observez une diminution de la valeur de l’hémoglobine et de l’hématocrite de l’ordre de 12 à 14% alors que les réticulocytes sont augmentés (de 06% à 1.6% en moyenne) (Wu H J, 2004)

D’autre part les valeurs de Htc et Hb peuvent être modifiées de façon significative (4% environ) par la prise de certains compléments alimentaires (acides aminés, zinc).

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J28J28

J14J14

J7J7

J3J3

J1J1

J0J0

JOURJOUR

41,941,9

38,938,9

36,936,9

35,535,5

36,336,3

42,942,9

HtcHtc%%

2,32,3

9,39,3

1414

17,317,3

15,415,4

∆∆%%

14,314,3

13,213,2

12,812,8

12,412,4

12,812,8

14,814,8

HbHbg/dLg/dL

3,43,4

10,810,8

15,115,1

16,216,2

15,615,6

∆∆%%

1,31,3

2,72,7

3,03,0

1,91,9

1,61,6

1,11,1

RetRet%%

Variations de Htc, Hb et Retaprès retrait de 1,3L de sang(20% du volume sanguin)

J21J21J14J14J7J7J3J3J1J1J0J0JJ--11

JourJour

43,643,643,443,444,044,045,245,247,147,145,445,441,941,9

HtcHtc %%

4,14,13,73,75,05,07,87,812,412,48,48,4

∆∆%%

15,015,014,714,714,914,915,415,416,016,015,415,414,314,3

HbHbg/dLg/dL

4,94,92,32,34,14,17,77,711,911,97,67,6

∆∆%%

0,90,90,80,81,11,11,11,11,11,11,31,31,31,3

RetRet %%

Variations de Htc , Hb et Retaprès réinfusion de 0,8L de GR

111111888857579191FeFengng/ml/ml

1288012880356003560067600676003520035200RetRet

0,230,230,670,671,231,230,750,75RetRet%%

51.551.549,749,749,949,943,743,7HtcHtc

16.416.416.516.516.616.614.814.8HbHbg/dLg/dL

4. Conclusions

Quand on prend en compte l’ensemble des causes « naturelles » de la variation de Htc et Hb, on peut estimer qu’il faut que leur variation soit supérieure à 10% pour être jugée anormale (pour des analyses réalisées sur le même appareil).

Lors d’un retrait de sang de 20% du volume sanguin, Htc et Hb sont abaissés de plus de 10% pendant une semaine. Lors la reinfusion de 0,8L de globules rouges, la variation de ces paramètres est inférieure à 10% dés le troisième jour. La fenêtre de temps sur laquelle on peut apercevoir des anomalies significatives sur ces paramètres hématologiques est donc relativement faible.

En conclusion, le contrôle sanguin réalisé lors d’un suivi biologique est utile dans le cadre d’une surveillance médicale de l’athlète. Il permet de prévenir le risque d’anémie notamment associée à une carence en fer mais il est, jusqu’à présent, d’un intérêt limité pour le dépistage du dopage sanguin. Concernant son application dans ce domaine, on retiendra que :

• Il est difficile de se prononcer sur des variations de Hb ou Htc inférieures à 10%

• Une augmentation des réticulocytes peut indiquer une augmentation anormale de l’érythropoïèse, un taux faible de réticulocytes (<0.4%) apparaît après un traitement à l’EPO ou une transfusion sanguine. Mais attention, la détermination des réticulocytes est très variable d’un appareil à un autre.

• Il est nécessaire de mesurer les variations intra-individuelles des paramètres : chaque sujet doit être son propre témoin.

• La mesure de la masse d’Hb totale, moins sujette à variation que la concentration sanguine en Hb, pourrait être utile en matière de dépistage du dopage sanguin.

• Afin d’augmenter la fiabilité des valeurs de ces paramètres, il conviendrait de standardiser les conditions de prélèvement, d’analyse voire de transport des échantillons.

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Je voudrai en terminant signaler une avancée dans ce domaine qui me semble importante : des chercheurs du laboratoire de contrôle du dopage de LAUSANNE ont mis au point un programme informatique qui permettrai de déterminer pour chaque individu l’intervalle « normal » de variation de ses paramètres sanguins en prenant en compte les variations observées d’une manière générale dans la population ainsi que le sexe, l’âge, la discipline, l’ethnie du sportif et le fait que le prélèvement analysé a été fait en altitude ou non.

Troisième intervenant :

Olivier HERMINE, professeur des Universités, praticien hospitalier (Université Paris V)-Service hématologie-Hôpital Necker

Anomalie de paramètres hématologiques : quelle interprétation ?

Je vais évoquer les anomalies de paramètres hématologiques – taux d’hématocrite et/ou de réticulocytes trop élevés - parfois rencontrés chez les sportifs suspectés de dopage, et pour lesquels l’explication n’est pas systématiquement celle-ci.

1. Valeurs de normalité

Les taux de normalité de l’hémoglobine et de l’hématocrite vont de 42 % à 52 % chez les hommes, et de 38 à 48 % chez les femmes. Ces deux valeurs, ainsi que des chiffres de réticulocytes supérieurs à 100 000, sont suspects de pathologies hématologiques.

Les valeurs qui avaient été fixées par l’UCI sont de 50 % pour l’hématocrite et de 120 000/mm3 pour les réticulocytes, ce qui est surprenant. En effet, chez une personne non sportive, ces paramètres ne donneraient pas lieu à investigation. Cette discordance peut s’expliquer par les variations hématologiques liées au sport de haut niveau, qui entraîne une augmentation de la masse globulaire d’environ 10 à 30 %. Au cours de l’effort (aigu ou de longue durée), a lieu, en général, une contraction qui aboutit à une augmentation compensatrice du volume plasmatique au repos. Cette dernière sert à prémunir de l’hyperviscosité liée à l’effort et peut ainsi entraîner une pseudo-anémie. C'est pour cette raison que chez le sportif, l’hématocrite est plus bas que chez une personne non-sportive.

Des études avaient été réalisées dans les années 1984, avant le clonage de l’érythropoïétine – autant dire qu’on ne peut suspecter à cette époque les sportifs de ce type de dopage- et avaient montré qu’au cours de l’effort sportif survenait une baisse physiologique de l’hémoglobine. Globalement, au cours du sport intensif, l’hématocrite baisse, ce qui justifie la valeur de 50 %. Ceci étant dit, il convient de nuancer la pertinence de ce seuil de 50 %: des cyclistes de routes ou de VTT ne pratiquent pas le même exercice que les cyclistes du BMX ou de la piste. Il ne

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Viscosity

O2 Transport

O2 Transport ( x hct.)1viscosity

00 20 40 60 80 100

2

4

6

8

10

12

14

ViscosityRelativeto H2O

Hematocrit (%)

Viscosity of heparinized normal human blood related to hematocrit

Williams Hematology 5th Ed.

E

ApoptosisLate progenitors

faut peut-être pas accuser à la va-vite les sportifs qui ne pratiquent pas les sports d’endurance où l’effet d’hémodilution physiologique n’est sans doute pas aussi marqué.

D’autres questions se posent :

• Quelle est la dangerosité du dopage pour les sportifs ? • Les variations d’hématocrite peuvent-elles être physiologiques ? La sélection ne

favoriserait-elle pas les sportifs qui ont un hématocrite naturellement élevé ? • Ces variations sont-elles suspectes de dopage ?

2 Dangerosité du dopage

Les risques consécutifs à l’élévation d’hématocrite au-delà de 50 % sont ceux de thromboses, surtout chez les sportifs qui s’hémoconcentrent. Certains sont morts de phlébites ou de thromboses cardiaques. L’élévation de l’hématocrite n’est pas toujours corrélée à un risque cardiovasculaire, qui dépend de la cause d’élévation de l’hématocrite. Il faut rechercher les facteurs de thrombophilie associés. Lorsque l’hématocrite augmente, la viscosité sanguine augmente de façon exponentielle. L’hématocrite optimal serait de 55 % (voire 60 % pour un sportif) ; au-delà, l’oxygène apporté sera diminué.

3 Pathologies expliquant des variations de l’hématocrite

Certaines pathologies peuvent expliquer des variations de l’hématocrite. Notre moëlle osseuse fabrique 1011 globules rouges par jour, dont la durée de vie est de trois mois. Les constituants indispensables de leur fabrication sont le fer, les vitamines B12 et B9, les hormones thyroïdiennes, les androgènes, etc. La régulation se fait au niveau de la synthèse de l’érythropoïetine par le rein. En condition physiologique il existe une courbe parfaitement linéaire entre le taux d’hématocrite et le taux d’érythropoïetine. Plus le taux de globules rouges est élevé, plus le taux d’érythropoïetine est bas.

Par quel mécanisme le rein perçoit-il qu’il faut produire ou non de l’érythropoïetine ? Cela dépend d’un facteur essentiel, le HIF, qui est hydroxilé sur des prolines lorsque l’apport d’oxygène est important. L’enzyme qui hydroxile ces prolines fait en sorte que le HIF soit reconnu par un complexe comprenant la protéine VHL. Le facteur sera dégradé par une structure qu’on appelle le protéasome. En résumé, lorsqu’il y a beaucoup d’oxygène se

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HYPOXY:Stabilization of HIF-α

NORMOXY : Degradation of HIF-α

Hydroxylation

Proteasome

No hydroxylation

HIF-1α

Pro564, 402

HIF-1α

OH-Pro564,402

Poly-Ub

VHLβα

Ub

E2Cul2

EloB

EloC

Rbx1

Prolyl

hydroxylase Ub

E2Cul2

EloB

EloC

Rbx1

Regulation of Epo Production by Hipoxy

VHLβα

EPO

HIF-1α

Pro564,402

HIF-1α

Pro564,402

Erythropoiétine

Foie Rein

Cervelet

POLYGLOBULIESHORMONALES

POLYGLOBULIESDE CAUSE

CELLULAIRE

POLYGLOBULIESREACTIONNELLESAVEC HYPOXEMIE

AtmosphèreO2

Poumons O2 O2 Tissus

POLYGLOBULIESREACTIONNELLES SANS HYPOXEMIE

Mécanismes physiopathologiques des polyglobulies

produit une dégradation du facteur HIF, qui est un gène de transcription régulant l’expression du gène de l’érythropoïétine.

D’après ce modèle, on distingue aujourd’hui différents types de polyglobulies.

• Dans la moelle osseuse, des progéniteurs sont plus ou moins sensibles à l’érythropoïetine. Lorsqu’ils sont hypersensibles, a lieu une production anormalement élevée de globules rouges.

• Par ailleurs, il existe des polyglobulies secondaires à l’hypoxie, qui sont réactionnelles. Elles sont constatées en cas de maladies pulmonaires, lorsque l’oxygène parvient en quantité insuffisante au rein, augmentant la production d’érythropoïetine.

• Des polyglobulies sont secondaires à une synthèse d’érythropoïetine anormale, mais qui n’est pas liée à un défaut d’oxygénation (en cas de tumeurs rénales, hépatiques, etc.).

• Enfin, des polyglobulies sont secondaires à des hypoxémies tissulaires, essentiellement lorsque l’hémoglobine n’est pas fonctionnelle et ne libère pas bien l’oxygène au niveau des tissus.

Lorsque le taux d’érythropoïetine est augmenté, cela est souvent lié soit à une hémoglobine ayant une affinité augmentée pour l’oxygène, soit lié à des anomalies du métabolisme du 2-3 DPG, des maladies pulmonaires ou des tumeurs. On trouve dans la population des personnes saines dont le gène VHL a muté, entraînant un défaut de régulation de la synthèse

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Polyglobulie vs pseudopolyglobulie

Plasma

Red CellsHematocrit45% 55% 55%

Normovolemic

Normovolemic Hypovolemic

Normal Polyglobulie Pseudopolyglobulie

p-JAK2

- +

PV2

- +

PV1

- +

NUT7

Déprivation 4 heuresIP p-TyrWB JAK2

d’érythropoïétine, qui sera plus élevé que chez les sujets normaux. Certains patients ont des EPO basses ou normales, ce qui est généralement lié à des maladies de la moelle osseuse, soit dans le cas de maladies tumorales (maladie de Vaquez) soit dans le cas de polyglobulies familiales ou sporadiques (mutations congénitales, notamment dans le récepteur de l’érythropoïétine).

4 Conduite à tenir devant une élévation de l’hématocrite

Quand l’hématocrite est élevé mais que les valeurs sont proches de la normale, il convient de penser à une pseudo-polyglobulie pour des patients qui seraient déshydratés ou après une pratique sportive. Il peut arriver également que des patients prennent des médicaments stimulant l’érythropoïèse (androgène, corticoïdes, etc.).

Lorsque l’hématocrite est élevé – valeurs supérieures à 55 % - cela est en général lié à une maladie primitive de la moelle osseuse. Cela peut aussi signifier que des doses anormales d’érythropoïétine ont été prises, mais cette circonstance est assez rare car la plupart des sportifs savent comment se doper sans faire monter leur taux d’hématocrite à 60 %. Il est important de vérifier qu’un taux élevé d’hématocrite est constant dans le temps chez le patient, de comparer avec les hématocrites antérieurs et de vérifier l’existence dans la famille d’autres cas d’hématocrite élevé.

Nous savons désormais déceler ces deux types de pathologies (maladie de Vaquez et polyglobulie familiale) à l’échelon moléculaire alors qu’on se basait auparavant pour la maladie de Vaquez sur des critères de myoprolifération. La cause moléculaire de la maladie de Vaquez a été récemment découverte, et il est désormais facile d’aboutir à un diagnostic par la PCR. Pour rappel, le récepteur de l’érythropoïétine est lié à une kinase (JAK2). La conformation du récepteur change avec l’érythropoïétine. La kinase recrutera des molécules de la signalisation, qui traduiront des signaux dans les noyaux par la voie JAK2, ce qui conduira à l’augmentation des gènes anti-apoptotiques, lesquels augmenteront la survie des érythroblastes. Il a été démontré que dans les progéniteurs des patients atteints de la maladie de Vaquez se produisait une phosphorylation anormale de JAK2 en l’absence d’érythropoïétine, suggérant que la kinase était phosphorylée en l’absence d’érythropoïétine. Il existe une mutation de cette kinase conduisant à bloquer un système de contrôle négatif.

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Conduite à tenir devant une polyglobulie

masse sanguine

N

polyglobulie II°étiologie ?Tumeurs Hb P50

O2

N

aN an. de l'hémoglobine

VHL ? HIF ?P. d'étiologie inconnue

augmentée

Selon J.T. Prchal, 2003

FDCP R-Epo

0

1

2

3

4

0,00 0,01 0,10 1,00

JAK2 V617F

0 0,01 0,1 1 Epo (UI/ml)0

20

40

60

80

100

120

0,0001 0,001 0,01 0,1 1 10

EEC

0 Epo (UI/ml)

Culture de progéniteurs médullaires

Phosphorisation persistante

Lorsque vous observez des colonies spontanées en l’absence d’érythropoïétine mais parallèlement à une hypersensibilité à l’érythropoïétine, sachez que ce cas de figure peut se rencontrer chez des patients ayant des hématocrites à la limite supérieure de la normale. Cela n’évolue pas vers des leucémies. Leur taux d’érythropoïétine est normal ou bas. On a montré d’un point de vue moléculaire que cette hypersensibilité à l’érythropoïétine était liée à une délétion de la partie terminale du récepteur, dont l’activité est bloquée par des inhibiteurs.

Certains patients n’ont pas d’hypoxémie. Dans ce cas-là, il convient de vérifier si l’hémoglobine n’aurait pas une affinité anormale à l’oxygène. Le taux d’EPO est en général élevé chez ces patients.

Vous pourrez rencontrer par ailleurs les circonstances suivantes : des mutations de l’enzyme perhydroxylase (qui ne peut alors plus hydroxyler le facteur HIF), ou des mutations du gène VHL (qui conduiront également à la non-dégradation du facteur HIF).

Il convient en pratique devant un hématocrite élevé (supérieur à 50 %) de réaliser une masse sanguine. Si elle est normale, il ne s’agit pas d’une polyglobulie mais d’une pseudo-polyglobulie car le volume plasmatique est un peu diminué (circonstance rare chez le sportif endurant).

Si l’hématocrite est élevé, il convient de réaliser une saturation de l’oxygène ou une recherche des critères indiquant une maladie de Vaquez.

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Devant une réticulocytose élevée, il faut tout d’abord éliminer une hémolyse (qui peut être soit aiguë suite à la pratique sportive, soit chronique). Les causes d’élévation du taux de réticulocytes, en-dehors du dopage, peuvent être un stress physiologique, une régénération secondaire à une perte excessive, la prise de médicaments stimulant l’érythropoïèse, etc.

En conclusion, les anomalies hématologiques sont fréquentes chez le sportif. Les anémies souvent rencontrées constituent un problème médical simple et non une suspicion de dopage. Devant des anomalies pouvant faire penser au dopage (taux d’hématocrite élevé), il convient d’avoir à l’esprit que les seuils de détection sont relativement arbitraires. Il faut prendre en compte les différents types de pratiques sportives, même au sein d’un même sport tel que le cyclisme. Cela pose la question de savoir si les sportifs de haut-niveau très endurants ne sont pas sujets d’anomalies congénitales pouvant favoriser la performance sportive.

Questions-réponses avec l’amphithéâtre

Gérard GUILLAUME, Médecin de l’équipe cycliste de la ¨Française des Jeux¨

Vous avez évoqué l’hémolyse. Pour ma part, je me bats depuis longtemps pour expliquer que dans le vélo sur route, se produisent indiscutablement des phénomènes d’hémolyse qui ne sont pas uniquement liés à la pratique d’un sport incluant des microtraumatismes mais liés entre autres à la dégradation des fibrilles musculaires et au stress oxydant. Cela explique des réticulocytes réactionnels. Un article paru en 2006, rédigé par une équipe berlinoise, démontre que cette hémolyse existe dans tous les sports, y compris dans les sports réputés être non-traumatisants.

S’agissant des hématocrites, les variations intra-individuelles sont extrêmement importantes. A Lausanne, j’ai assisté pour un sportif à des variations de plus de 5 % du taux d’hématocrite en l’espace de deux jours. Je n’ai jamais eu connaissance d’un coureur cycliste dont le taux d’hématocrite soit supérieur à 48 % au-delà d’une semaine de Tour de France. J’aimerais que les pouvoirs publics (l’UCI en particulier) m’entendent à ce sujet : maintenir le seuil à 50 % est une incitation à la tricherie.

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Enfin, vous n’avez pas évoqué le problème des réticulocytes bas, or, ce paramètre peut conduire à l’arrêt de la pratique du vélo pendant quinze jours. Personne ne sait expliquer la signification des réticulocytes bas, en-dehors d’une réaction normale à une prise d’EPO.

Michel AUDRAN

Il me semble que les mesures d’hématocrites ont été abandonnées pour les mesures d’hémoglobine, davantage fiables. Je suis d’accord sur le fait que le taux d’hématocrite diminue au cours de la course, mais vous avez pu vous rendre compte que les variations sont telles qu’il est extrêmement difficile de fournir un seuil de normalité.

S’agissant des réticulocytes bas, qui se rencontrent assez fréquemment, je peux vous indiquer qu’il peut s’agir d’une conséquence de la pratique exclusive de l’autotransfusion dans le sport cycliste. Les sportifs se préparent avec de l’EPO et des anabolisants hors compétition, puis font suivre leur poche de sang tout le reste de la saison. Ces sportifs sont suffisamment suivis pour faire en sorte de se transfuser relativement peu de globules rouges, ce qui leur permet de respecter les seuils biologiques acceptés par les différentes fédérations.

Olivier HERMINE

En tant qu’hématologue, lorsque j’observe un taux de réticulocyte bas, je vérifie qu’il est adapté au taux d’hémoglobine ; si ce taux d’hémoglobine est élevé, c'est sans doute le signe d’une autotransfusion ou de la prise d’érythropoïétine par le passé. Exceptionnellement, il est arrivé qu’un sportif marathonien de haut niveau ait développé des anticorps anti-érythropoïétine suite à une prise d’érythropoïétine provoquant une baisse des réticulocytes.

Je reconnais que le taux de 50 % est arbitraire, et qu’il n’est pas adapté à l’évolution qui se produit au cours de la course. Ce chiffre encourage des stratégies en tout genre. A l’inverse, le taux peut être légèrement supérieur à 50 % au début de la course chez des personnes saines et non-dopées ayant un avantage physiologique dues à des mutations encore mal identifiées.

Gérard GUILLAUME

Chez les coureurs débutant le Tour de France avec un taux supérieur à 50 % (avec une attestation de l’UCI), le taux baisse encore plus vite que chez les autres. Lorsque cette particularité est naturelle, il s’agit à mon avis d’un faux avantage.

Pouvez-vous répondre à ma question concernant l’hémolyse et l’absence de microtraumatismes ?

Charles Yannick QUEZENNEC

On peut effectivement observer des spoliations du fer total dans des sports non-portés. Un autre facteur, mal connu, est le volume de travail en endurance. En suivant les nageurs – qui ne subissent pas de contraintes mécaniques et ont un débit sudoral peu élevé - pendant une saison complète, nous nous sommes aperçus de variations très importantes du bilan du fer total. Tous les sports d’endurance amènent effectivement à un moment donné une hémodilution.

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Je fais l’hypothèse suivante : dans le cas de sport de longue durée, se produit une accumulation d’eau intramusculaire bien connue en imagerie. Il s’agit de l’augmentation du temps t2. Le relargage se produit pendant le temps de récupération. Si nous procédions à une cinétique très courte des compartiments liquidiens, nous observerions à un moment donné du Tour de France des relargages d’eau.

Michel AUDRAN

Je vous recommanderais de ne pas vous focaliser sur la valeur de l’hématocrite, car ce qui importe avant tout est la masse totale d’hémoglobine. Si un sportif se transfuse une poche de globules rouges, son hémoglobine va s’élever, alors que si le sportif se la transfuse sous forme de sang total, l’hémoglobine ne variera pas.

Je signale qu’un paramètre que nous sommes en train d’étudier est la possibilité de la mesure de la masse totale d’hémoglobine totale, plus stable que l’hémoglobine et plus sensible à des extractions ou à des réinfusions de sang. Des problèmes existaient jusqu’à présent car seul un personnel hautement qualifié pouvait utiliser l’appareil adéquat, néanmoins un appareil assez automatisé devrait paraître en 2007. Le problème est le caractère invasif de cet appareil, qui implique de faire respirer du CO (même si la quantité est infime).

Olivier HERMINE

Les globules rouges les plus anciens sont beaucoup plus sensibles au stress oxydatif. C'est pour cette raison que leur volume augmente souvent après des efforts importants. Je ne sais pas dire si ce phénomène entraîne une augmentation des réticulocytes suffisante pour conduire à une suspicion de dopage.

Marie-Philippe ROUSSEAU-BLANQUI, médecin fédéral de la FF de ski

Nous n’observons pas (dans la population de skieurs que je suis) de taux de réticulocytes bas, ce qui est probablement lié au fait que ces sportifs s’entraînent très souvent en altitude. En revanche, pour certains d’entre eux, on observe des taux bas de réticulocytes discordants avec les taux d’hémoglobine.

Par ailleurs, les équipes de France de ski de fond ont été convoquées ainsi que les équipes allemandes et suédoises pour réaliser une étude expérimentale en septembre dernier. D’après les premiers résultats (disponibles sur le site de la FIS), il n’y aurait pas de variation d’hémoglobine supérieur à 4 %, ce qui va à l’encontre de vos propos. Néanmoins, ces sportifs ont été contrôlés pendant une période où l’activité n’était pas intense, et sans séjour en altitude.Je note que vous n’avez pas évoqué les gènes de l’hémochromatose, or quelques skieurs connaissent des problèmes de taux d’hémoglobine élevé et portent le gène hétérozygote de l’hémochromatose. Cela peut-il entraîner une stimulation de l’érythropoïèse ?

Michel AUDRAN

Pas chez un sujet normal, à ma connaissance. Peut-être ces patients absorbent-ils davantage le fer, ce qui induit une réponse à l’hémoglobine meilleure. A priori, le gène HFE ne contrôle pas du tout la réponse à l’érythropoïétine.

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Nous savons désormais qu’une hormone (l’epsidine) fabriquée par le foie contrôle l’entrée du fer par le tube digestif, et sa libération par les macrophages. Lorsque cette hormone est élevée, l’absorption et la libération ne se produisent plus, d’où un défaut d’érythropoïèse.

Patrick MAGALOFF

Je remercie Jean-François TOUSSAINT (Directeur de l’IRMES) d’avoir permis la présence du professeur Olivier HERMINE à cette table ronde alors qu’il ne devait intervenir initialement que demain matin.

Je remercie également chaleureusement Michel AUDRAN, des efforts qu’il a fait pour nous rejoindre rapidement puisqu’ il se trouvait il y a encore quelques heures à GENEVE, participant à une réunion de travail importantes réunissant un groupe d’experts de l’Agence Mondiale Anti-dopage.

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