Tanger Med Cherfaoui[1][1]

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  • TANGER MED VERSUS ISOBATHEPar Najib Cherfaoui, Ingnieur des ponts et chausses

    3 0 S e p t e m b r e 2 0 0 5

  • S O M M A I R E

    Introduction 2

    I Juste un mot........ 3

    II la recherche du temps perdu... 9

    III Pninsule tingitane. 11

    IV Spectre... 12

    V Montagnes et profondeurs... 13

    VI Impossible mouillage. 15

    VII Autant en emporte lisobathe.. 17

    VIII Drobade... 19

    IX Anesthsie...................... 21

    X Gupier.......... 22

    XI Conclusion.... 24

    TANGER MED VERSUS ISOBATHE

    UNE ERREUR ET SES CONSEQUENCES

  • Introduction

    Tout au long du XXme sicle, le systme portuaire marocain s?applique accompagner le trafic plutt qu?il ne le cre. Autrement dit, l?essor dmographique enest le matre couple.Il faudra attendre le milieu des annes 90 ? c'est--dire avec dix ans de retard ? pourque les responsables comprennent que pour propulser l?conomie du pays, le secteurportuaire doit changer de comportement : en plus du trafic national, il doit capter ougnrer un trafic international dans lequel certains ports marocains joueront le rle deplaque tournante et de point d?appui pour l?acheminement des marchandises diversesen provenance ou destination des autres continents.Cette dmarche est d?autant plus lgitime que les principaux flux logistiques de laplante coulent proximit du Maroc.Cependant, iI faudra attendre encore dix annes supplmentaires pour que cette prisede conscience trouve une vritable porte : le projet Tanger-Med n?est effectivementlanc qu?en septembre 2002. Il s'articule essentiellement autour de trois composantes, savoir le port de transbordement de Oued R?mel (450 millions de dollars), trois zonesfranches (250 millions de dollars) et les dessertes terrestres (700 millions de dollars).Dans ce mmoire, nous faisons d?abord le point sur la place de Tanger Med dans latoile tisse par les principaux acteurs de l?espace maritime mondial.Puis, nous passons en revue les conditions naturelles du site de Oued R?mel. Cetexamen fait apparatre que l?emplacement choisi est inappropri pour l?tablissement??un port : grandes profondeurs trop proches du rivage et arrire-port montagneuxgnrant des prix exorbitants au niveau des ralisations autoroutires et ferroviaires.Ensuite, nous analysons l?impact de cette erreur sur le devenir de chaque lment duprojet. Entre autres consquences, citons ds prsent, la rduction du plan d?eauabrit, l?impossible mouillage, l?adoption d?une passe d?entre non protge, ladlocalisation de l?activit passagers, les dpenses supplmentaires de construction,les surcots d?exploitation du futur port, les implications collatrales au niveau deszones hors douane et l?effet Maersk.Enfin, il faut bien garder l?esprit qu?il est hors de question de faire marche arrire, carquoiqu?il arrive, toutes les infrastructures de base du projet se rvleront un jour ou??autre d?une utilit certaine.Cela dit, la substance de notre propos est ailleurs.Il s?agit, aujourd?hui, de ne pas manquer le rendez-vous historique avec la Chine,empire portuaire et maritime, qui a un besoin vital, pour ses conqutes commerciales,??un pivot logistique sur la Mditerrane, solution que seul le Maroc peut pour lemoment proposer. Car demain, il sera dj trop tard.

  • TANGER MED VERSUS ISOBATHE

    I. Juste un mot

    Sur lespace maritime

    Le commerce mondial transite essentiellement par les ocans et les mers.??abord par ncessit, mais surtout parce que le passage y est gratuit etlibre.1

    Au lendemain de la seconde guerre mondiale, deux grands acteurs, lesarmateurs et les tats, vont s?atteler configurer et dynamiser cet espace.Ils l?organisent en un immense rseau, aliment par les flux de marchandiseset structur autour des ports et des routes maritimes.

    Le rayonnement d?un port se dcline en termes d?quipements de base, detrafic et de multiplicit des lignes rgulires.2

    La puissance d?une route maritime se mesure par l?offre et la demande detransport ainsi que par la commodit des itinraires.

    Le fonctionnement du rseau requiert la mise en ?uvre de servicesspcifiques aux cargaisons et aux navires.

    Le service li la marchandise se scinde en deux, d?un ct le commercial etde l?autre la logistique. Le premier canalise les flux physiques et s?applique raliser la rencontre entre le chargeur et l?armateur. Le second dtermine??acheminement optimal, c'est--dire le plus rentable pour la chane, sanspnaliser aucun de ses maillons, et notamment le maillon portuairegnralement jug le plus fragile. Outre la capacit de l?offre, cettevulnrabilit dpend surtout du mode de gestion et des conditions naturellesdu site.

    Le service attach au navire se scinde galement en deux, d?un ct celuidirectement fourni au navire et de l?autre le march naval. Le premier

    1 Ces deux facteurs connaissent, depuis 2001, une certaine restriction en raison des dispositions de scurit et desret (code ISPS) institues par l?OMI (Organisation Maritime Internationale).2 Plus prcisment, il s?agit de la fiabilit en terme de rgularit et de flexibilit, critres qui rsultent de laconciliation entre les intrts des chargeurs et des armateurs.

  • Une erreur et ses consquences4

    concerne l?quipage, le pilotage, le remorquage, l?accostage, la consignation,la manutention et l?avitaillement. Le second considre le navire en tant queproduit. Comme tout bien, il est construit, achet neuf, exploit par sonpropritaire3 ou par son armateur grant (affrteur)4, puis recycl dans lecircuit de l?occasion et envoy, en fin de parcours, la dmolition.5

    Enfin, du point de vue de l?armateur, l?espace maritime se subdivise en unsous-rseau qui lui est propre ? au sens vital du terme ? dfini par les routeset les ports qu?il frquente. Sa force se mesure la taille de sa flotte et lavarit des services qu?il propose.

    Sur une rvolution

    Aprs la seconde guerre mondiale, deux vnements majeurs vontbouleverser le paysage maritime et portuaire de la plante.

    Le premier est attach, partir des annes 60, la lente mergence duconteneur et la solidarit modale qu?il entrane.

    Le second, vritable acclrateur, ne se produira que vingt ans plus tard. Ilviendra des Etats-Unis, o l?interdiction de dtenir des firmes oprant sur plusde deux modes est leve (Shiping Act de 1984)6. L?effet ventouse estimmdiat : l?offre fractionne de transport s'efface rapidement devant la notion??offre globale.

    Plus prcisment, les grands oprateurs mondiaux changent decomportement et axent dornavant leur stratgie sur le principe d?un service,dit intermodal, intgrant la mer, le rail, la route, l?arien et le fluvial. savoir,que les avantages de chaque maillon sont exploits sans barrires modales,les acheminements tant effectus de bout en bout, si possible sans rupturede charge, tout en s?observant, au strict minimum, la manipulation directe desmarchandises.7

    Il est instructif de noter que l?Europe tardera ragir au phnomne de laconteneurisation. Ce n?est qu? partir des annes 70 que chaque tat va sedcider regrouper ses navires marchands l?chelle nationale. Cependant,face la monte en puissance des conomies du Sud-Est asiatique, la

    3 Armateur ou frteur.4 Dans le cadre d?un contrat d?affrtement coque nue, voyageurs ou temps.5 Au cours de son existence, l?outil navire fait habituellement l?objet de carnages, d?oprations d?entretien et detransformation. Ces interventions se rapportent la maintenance prventive ou curative.6 La loi anti-trust interdit les ententes et les cartels, mais le Shipping Act de 1984 (dont le but est de rgir letransport maritime l?arrive ou au dpart des tats-Unis) autorise sous certaines conditions, des exemptions auxarmements.En Europe, le trait de la CEE est plus subtile : il n?interdit pas la position dominante mais il condamne ses abus.7 Toute manipulation de marchandises entrane des conflits de responsabilit. A la suite des rclamations ducommerce international deux conventions sont inities pour clarifier les choses, celle de Bruxelles (1921)favorable aux armateurs, puis celle de Hambourg avantageuse pour les chargeurs.

  • Tanger Med versus isobathe 5

    dmarche se rvle rapidement infructueuse8. Aussi, dans la dcennie quisuit, ils changent de tactique et optent pour des regroupementsmultinationaux9. La mthode s?avre concluante, mais nanmoinsinsuffisante, car un autre phnomne, concernant les conteneurs, va surgir :la massification.

    Sur la massification

    A partir des annes 90, dans le sillage du Shipping Act, les mouvements??amplifient selon deux directions et intressent surtout les conteneurs,secteur o la croissance s?effectue un rythme particulirement soutenu. Lesarmateurs s?associent horizontalement dans des ententes et prolongentverticalement leur mtier en intgrant des filires connexes telles que lamanutention ou le transit terrestre. Leur objectif : rduire les cots detransport, minimiser les dpenses de renouvellement des navires, disposer??une capacit plus grande et complter l?offre.

    ??intgration verticale se cristallise essentiellement sur le maillon portuaire. Eneffet, les armements s?orientent d?abord vers l?exploitation des terminaux pourfaire jouer certains ports le rle de plates formes de massification10. Cestablissements accueillent les navires des lignes Est-Ouest et Nord-Sud, puisredistribuent les conteneurs destins aux marchs locaux, et c?est l, le c?urde l?innovation : reconfigurer les maillages et rationaliser les dessertes sur unpetit nombre de ports. cela, il faut ajouter les interventions sur les liaisonsterrestres, notamment ferroviaires.

    Par exemple, si un navire de 5 000 6 000 conteneurs touche cinq six portsen Europe avec un temps d?escale de trois jours par port, l?limination de troisports permet une conomie de plusieurs millions de dollars par rotation. Ainsi

    8 Au niveau des nations, les premires actions se droulent en Grande-Bretagne o ds 1965 une dizained'armements anglais apportent leurs activits de lignes rgulires deux socits, Overseas Containers Lines(OCL) et Associated Container Transportation (ACT).Un peu plus tard, deux compagnies allemandes fusionnent et donnent naissance Hapag-Lloyd. De mme, enHollande, quatre compagnies s?unissent pour former Nedlloyd. Un vnement similaire se produit en France. Enfvrier 1977, l?tat ordonne l?absorption de la Compagnie des Messageries Maritimes par la Compagnie GnraleTransatlantique, qui devient la Compagnie Gnrale Maritime (CGM).9 Cependant, en Europe, les rassemblements nationaux se rvlent rapidement trop singuliers pour concurrencervritablement les armements amricains ou asiatiques, d?o l?ide de raliser des unions l?chelle du continent.La premire opration se produit en 1967 lorsque des oprateurs franais, sudois, britanniques et hollandaisforment ACL (Atlantic Container Line), armement spcialis sur les routes transatlantiques entre l?Europe du Nordet les tats-Unis. ACL est suivi sur l'Atlantique Nord par DART runissant des Belges, des Anglais et desCanadiens, puis sur la liaison Europe-Australie-Nouvelle Zlande par le plus important regroupement de cettepoque, associant sept armements dont les Messageries Maritimes.10 Pour donner une ide de l?ampleur du phnomne, il faut savoir que Maersk gre, lui seul, 24 terminaux dansle monde. Maersk, prcurseur, installe le port hub d?Algciras en 1986.

  • Une erreur et ses consquences6

    Rotterdam, Anvers ou Felixstowe sont devenus les ports par lesquels transitele commerce maritime de l?Europe du Nord.11

    Dans le champs de l?intgration horizontale, les ententes se dclinent sousplusieurs formes : confrences maritimes, rachats, fusions ou constitutions??alliances l?chelle du globe. Ces coalitions bouleversent la pyramide declassification des armements spcialiss dans le trafic conteneuris. C?estainsi que les premiers du classement en 1995 se trouvent relgus au 7merang cinq ans plus tard.12

    Des noms mythiques disparaissent.

    Le 9 septembre 1996, le monde maritime apprend avec stupfaction ladcision du Britannique P&O et du Hollandais Nedlloyd de fusionner leursactivits de lignes rgulires au sein d'une socit commune. Ils ralisent dela sorte une conomie d?chelle de l?ordre de 200 millions de dollars.

    ??Amricain Sealand, pionnier en matire de conteneurs, est rachet en juillet1999 par le Danois Maersk.

    Au mois d?aot 2005, le Canadien CP Ships (16me mondial) est rachet parson concurrent, l?Allemand Hapag-Lloyd (17me mondial). Son but : acclrerla croissance en propulsant l'entreprise fusionne au cinquime rang enterme de capacit de transport de conteneurs.

    En septembre 2005, le Franais CMA-CGM avale son concurrent Delmas etdonne naissance au 3me groupe mondial de transport maritime. Auparavant,en octobre 1996, la Compagnie Maritime d'Affrtement (CMA), premirecompagnie franaise de transport maritime conteneurs rachte la CGMdans le cadre de sa privatisation. Le groupe CMA-CGM ainsi form seretrouve au 13me rang mondial, pour devenir 5me en 2004.

    Dans le futur proche, les mouvements de concentration se poursuivront. Maiscomme le march est maturit, mis part les Chinois, on n?enregistrera plusde nouveaux entrants.13

    11 Illustrons par un exemple l?importance de la matrise globale de la chane de transport pour l?armateur. Ladpense logistique pour un groupe comme la CMA-CGM est de l?ordre de 170 millions de dollars par an pour unchiffre d?affaire estim 1.5 milliards en 1999 et une capacit offerte d?environ 130 000 conteneurs. Plus de 60%de cette dpense concernent l?acquisition ou la location du parc (environ 220 000 botes). En moyenne, unconteneur fait 3 4 rotations dans l?anne. En 2003, le prix journalier d?un conteneur dry 20 pieds (le moins cherdu parc) est de 1 $. Un jour gagn par boucle sur la circulation des conteneurs dry permet de gagner 3 4 jourspar an, ce qui donne un gain de 660 000 880 000 $ par an.Paralllement, les porte-conteneurs sont de dimension croissante : plus de 8 000 boites aujourd?hui et leurs cots??immobilisation de plus en plus levs, soit 20 000 dollars par jour et peut atteindre 50 000 dollars par jour.12 Au 30 septembre 2005, le classement des cinq premiers par ordre dcroissant des armements conteneurissest le suivant : Maersk (Danemark), MSC (Suisse), CMA-CGM (France), Evergreen (Tawan), Happag-Lloyd(Allemagne).13 Depuis cinq ans, la massification commence toucher le trafic des remorques roulantes, o l?outil navire estconsidr comme le prolongement de la route terrestre, d?o le concept d?autoroute maritime qui trouve son

  • Tanger Med versus isobathe 7

    Sur les alliances

    Au dbut des annes 90, les taux de fret rsistent difficilement la baisse,notamment sur l?Asie. Pour rester dans la course, les armements, toutestailles confondues, nouent des alliances vocation globale. Elles sontaujourd?hui principalement au nombre de trois : la Grande Alliance (GA), theNew World Alliance (NWA) et United Alliance (UA).

    ??ide part du principe suivant : en cooprant avec les mmes partenaires surplusieurs segments adjacents, on peut utiliser pour des services aboutissantdans les mmes ports, les mmes terminaux, les mmes centresoprationnels, les mmes manutentionnaires, les mmes feeders, voire lesmmes transporteurs terrestres, en bnficiant d?une force de ngociationplus grande compte tenu des tonnages importants traiter.14

    Chaque oprateur met la disposition de l?alliance un nombre dtermin denavires. En retour, il se voit dot d?espaces rservs dont lacommercialisation se fait par le rseau propre de l?adhrent. En clair, pour??armateur, la ngociation avec le chargeur ne change pas. Cette souplesse

    origine dans la raction des europens au caractre polluant du transport international routier (TIR) et de surcrotsans valeur ajoute pour les pays traverss.Il ne faut pas confondre la massification des flux de remorques avec le trafic des ensembles routiers qui n?est q?untransport maritime courte distance (TMCD), c'est--dire en fait du cabotage.14 Revenons la naissance des alliances.Paradoxalement, c?est la suite d?une rupture que la Grande Alliance prend forme en 1995. Cette anne l, P&Omet fin la coopration avec Maersk sur la route transatlantique et rejoint l?Allemand Hapag Llyod, le JaponaisNYK (Nippon Yusen Kaisha Line) et NOL (Neptune Orient Line de Singapour) pour constituer la premiremga alliance : 71 navires pour une capacit de 257 000 evp.De manire concomitante, les armements membres du tonnage sharing agreement (confrence prsente sur??Atlantique Nord) regroupant Nedlloyd et le Suisse MSC (Mediterannean Shiping Company) crent l?AllianceGlobale, aussitt rejointe par l?armement amricain APL (Amrican Prsident Line) et le Chinois de Hong KongOOCL (Orient Overseas Container Lines). Elle totalise 65 navires, pour une capacit de 238 500 evp.La fin de la collaboration entre P&O et Maersk pousse le Danois se rapprocher de Sealand. Une association qui??tend l?ensemble des secteurs desservis par Maersk sauf l?Afrique et l?Australie. Cette alliance peut trequalifie de globale puisqu?elle concerne aussi les feeders et les terminaux lorsqu?ils font double emploi.En 1998, suite la fusion de P&O avec Nedlloyd, la Grande Alliance se redploie autour de ce groupe avec lesmmes participants (Hapag Lloyd, MSC, OOCL, NYK). Elle aligne dsormais 91 navires pour une capacit??environ 322 000 evp et demeure polarise sur les routes Est-Ouest.Paralllement, APL - rachet par NOL -, le Coren Hyundai et le Japonais Mitsui OSK line (Osaka ShosenKaisha) se regroupent autour d?une nouvelle marque commerciale, la New World Alliance (NWA). Cette alliancese dploie sur les mmes routes que la Grande Alliance entre l?Asie vers l?Europe du nord, la Mditerrane et lestats-Unis.En avril 1998, le Taiwanais Yang Ming line rejoint les autres oprateurs de la NWA en disposant d?espace sur lesnavires desservant les ports d?Asie, ceux du Moyen Orient et de Mditerrane.Enfin, une nouvelle alliance voit le jour en mars 1998 entre le Coren Hanjin Shipping, l?Allemand DSR SenatorLine (Deutsche Seereederei Rostock) et le Ccren Cho Yang. Elle regroupe 93 navires pour une capacit totalede 302 000 evp, et opre des trafics entre l?Europe et l?Asie, l?Asie et la cte Est des tats-Unis, le Pacifique, laMditerrane, le Moyen Orient et l?Europe. Quand Cho Yang dclare faillite au milieu de 2001, les alliancesremanient leurs membres en consquence. Les anciens partenaires de Cho Yang, Hanjin et Senator Lines,rejoignent le Chinois COSCO (China Ocean Steamship Co), K-Line et Yang Ming au sein d'une nouvelle alliance.

  • Une erreur et ses consquences8

    procure toute latitude en matire de prix et garantit au chargeur uninterlocuteur unique.15

    figure 1: Principales routes maritimes Est-Ouest et Nord-Sud. On remarquera que lesprincipaux flux logistiques coulent proximit du Maroc.

    II. la recherche du temps perdu

    Tout au long du XXme sicle, le systme portuaire marocain s?applique accompagner le trafic plutt qu?il ne le cre. Autrement dit l?essordmographique en est le matre couple.

    Il faudra attendre les annes 90 pour que les responsables comprennent quepour propulser l?conomie du pays, le secteur portuaire doit changer decomportement : en plus du trafic national, il doit capter ou gnrer un traficinternational dans lequel certains ports marocains joueront le rle de plaquetournante et de point d?appui pour l?acheminement des marchandises diversesen provenance ou destination des autres continents.

    ??ide n?est pas nouvelle.

    La premire tentative remonte 1943, bien avant l?mergence du phnomnede la conteneurisation : les Espagnols envisagent l?poque un grand port ??Ouest de Sebta16, non loin de Oued R?mel. La seconde guerre mondialeempche sa ralisation et le projet reste sans suite.

    15 Exemple : un conteneur confi Hapag Lloyd en Europe destination de l?Asie sera transport sousconnaissement Hapag Lloyd, il empruntera un service de la Grande Alliance et pourra voyager dans les cales d?unnavire de OOCL (Orient Overseas Container Lines) ou MISC (Malaisyan International Shipping Company).16 Sur la cte marocaine, l?extrmit Est du dtroit de Gibraltar, on trouve les sept monticules fraternels, lesSeptem Fratres des Romains, qui a donn Sebta en arabe et Ceuta en Espagnol.

  • Tanger Med versus isobathe 9

    Au cours des annes soixante, en pleine guerre froide, les russes formulent lesouhait de fonder et d?exploiter un port ddi la construction navale. Lesresponsables s?y opposent pour une raison trange : ils pensent tort que cechantier concurrencera le chantier de rparation navale de Casablanca ; ilsconfondent, en effet, construction navale et rparation navale ? .

    En 1986, l?armement amricain Sealand envisage d?implanter un port detransbordement, non loin de Tanger, au niveau de Malabata. Mais, il seheurte un mur de silence et en dsespoir de cause se rabat sur la baie??Algciras. Les Espagnols, en veille, sautent sur l?occasion avec le succsque l?on sait.

    En 1995, dans le sillage de la massification, on pense un grand port sur lafaade atlantique au Nord d?Asilah, au lieu dit Boukhalef . Entre autrespripties, ce programme, dit Tanger Atlantique , est abandonn sontour ? d?ailleurs juste titre ? car l?emplacement prvu est trs expos ??action des sables.

    En 2002, on revient au concept de 1943, un grand port Oued R?mel : c?est leprojet dit Tanger Med ; projet qui obit une double logique, d?abordassurer le rle de relais et de pivot entre des rgions situes l?extrieur duMaroc, puis dlocaliser le trafic des passagers et les activits commercialesdu port historique de Tanger, paralys par la pression urbaine. De manireconcomitante, ce dernier sera ddi la croisire et la plaisance.

    Cependant, il est faux de penser que ce port d?clatement, dit aussi port hub ou plate forme d?change, assurera seulement le rle de point detransbordement.

    Car, lentement, les conomies obtenues, grce la capacit de gestion detoute la chane logistique, vont lui permettre d?tre concurrentiel sur desmarchs plus tendus, rduisant d?autant les zones d?influencestraditionnelles des autres ports du pays.

    Par exemple, si l?on ne prend garde, il deviendra fatalement le centre??clatement, entre autres, des conteneurs destination ou en provenance deCasablanca, auquel cas il y aura dtournement et non pas cration d?un trafic.

    En clair, le projet de Oued R?mel n?a de raison d?tre que si la rgion qu?ildessert se situe l?extrieur du Maroc. Sinon, nous assisterons la rptition??une vieille histoire : celle du cannibalisme rcurrent auquel se sont livrsentre eux, par le pass, les ports de Mazagan, Agadir, Mogador, Safi,Rabat-Sal et Casablanca.

    Le risque de drapage est latent, car la quasi-totalit du trafic nationalconteneuris est, l?heure actuelle, pralablement clate en Europe, aussibien l?import qu? l?export.

  • Une erreur et ses consquences10

    Tanger

    Asilah

    Sebta

    GibraltarAlgsiras

    Tarifa

    Cap Spartel Ksar Sghir

    Jbel Moussa

    Fnideq

    ??diq

    Martil

    Oued Laou

    Larache

    FAHS

    Ttouan

    0 15 30 km

    PAYS DETTOUAN

    BarrageIbn Batouta

    BarrageNakhla

    Oued Marhar

    Oued MartilOued Hachef

    Jbel Kelti

    Jbel Kareha867 m

    842 m

    1928 m

    HAUT PAYS JBALA

    E S P A G N E

    Oued Rmel

    figure 2 : La pninsule de Tanger a la forme gnrale d'un trapze large de 50 km seulementau niveau du Dtroit, mais atteignant environ 120 km sa base pour une hauteur de soixantekilomtres. Elle fonctionne comme un espace d'accumulation. Il s'agit d'une accumulationd'hommes, de biens, d'initiatives crant un vritable potentiel conomique.

    III. Pninsule tingitane

    La pninsule tingitane ou pninsule de Tanger dsigne ce grand promontoiredu Maroc qui se prolonge en Espagne. La forme gnrale est celle d'untrapze large de 50 km seulement au niveau du dtroit de Gibraltar maisatteignant environ 120 km sa base pour une hauteur ne dpassant pas lasoixantaine de kilomtres.

    La pninsule tingitane constitue un point d'aboutissement pour les flux enprovenance du Rif, comme du Sud du pays, mais aussi un point d'entre etde sortie pour les relations avec l'Europe, tant par Tanger que par Sebta. Ellefonctionne comme un espace d'accumulation. Il s'agit d'une accumulation

  • Tanger Med versus isobathe 11

    d'hommes, de biens, d'initiatives crant un vritable potentiel conomiquemais rvlant aussi la faiblesse de l?action de l?tat dans ce territoire exigu.

    Par exemple, durant tout le XXme sicle, la prsence massive de l'lmentmarin, la proximit d'une route de navigation parmi les plus frquentes duglobe ne font l?objet d?aucun effort de valorisation. La mer ne donnenaissance aucun port d'envergure plantaire. La rgion demeure un simplelieu de passage, un lieu de transit.

    Enfin, il convient de souligner que, durant le dernier millnaire, le siteexceptionnel de Tanger est l?objet de convoitises, d?invasions, de rsistanceset de rivalits incessantes ; vnements qui laissent de multiples traces, laplus remarquable tant l'imposante armature d?habitations qui ceinture le port.Avec, en arrire plan, un effet cholestrol : la pousse du bti, toujours plusforte, touffe le port et plombe le dveloppement maritime de la ville.17

    IV. Spectre

    En raison de l?ensablement, tous les ports construits au cours des vingtdernires annes connaissent de graves difficults d?exploitation, ainsiLayoune (1987), Tan Tan (1986) et Sidi Ifni (1996). D?autres, inutilisables leur achvement, ne seront jamais inaugurs, ainsi Boujdour (1982), Asilah(1988) et Dakhla (2000). D?autres encore demeurent dsesprment vides,ainsi Tarfaya (1988), Sables d?Or (1994) et Sadia (2002).

    Hants par le spectre de ce flau, les promoteurs du projet Tanger Med??attlent avant tout viter la rptition de ces checs.

    Pour l?implantation de ce nouveau port, ils cherchent donc, en priorit, unendroit o les grands fonds sont proches du rivage.

    Or, dans la rgion du Dtroit, les montagnes du Rif plongent directement dansla mer ; il s?ensuit que d?importantes profondeurs se trouvent distanceraisonnable de la cte. Mais, comme le littoral est parsem de hautesfalaises, ils restreignent, paradoxalement, leurs recherches aux plages.

    Finalement, au cours de l?t 2001, ils se fixent sur l?embouchure de l?Oued??mel, fourvoys en cela par la forte charge symbolique du lieu : c?est le pointde l?Afrique situ la distance la plus courte de l?Europe.18

    17 Certes, on note quelques investissements immobiliers en vue du tourisme balnaire, mais ils engendrent peud'industries touristiques.18 Ils commettent l?erreur de raisonner en terme de distance gographique, alors qu?il faut raisonner en terme dedistance conomique : de Singapour, une tonne de marchandises est une distance de 10 dollars de Marseille ;de Casablanca, la mme tonne de marchandises est une distance de 100 dollars de Marseille.

  • Une erreur et ses consquences12

    Mais, ce choix, alin par la crainte obsessionnelle de l?ensablement, n?estpas le plus judicieux ; car comme nous allons le voir, il provoque, en cascade,une srie de difficults qui risquent de dtourner le projet de ses objectifs clsou encore de le faire passer ct d?innovations majeures. 19

    figure 3 : Sachant qu?en moyenne 60 000 navires croisent chaque anne le couloirinternational du Dtroit, cette scne satellitaire de la Mditerrane montre dj en quoi??implantation d?un port Oued R?mel est gnante pour les navires qui le frquenteront. (2005).

    V. Montagnes et profondeurs

    Construire un port par de grandes profondeurs est au moins aussiproblmatique que le risque d?ensablement.

    Au-del de - 30 m, l?tablissement d?une jete portuaire classique constitue??un massif sous-marin en enrochements prsente des difficults lies la

    19 En 2002, la zone portuaire de Oued R?mel est remise l?Agence Spciale Tanger-Mditerrane (TMSA), pour yconclure en tant que de besoin, les concessions de services publics et concessions de construction, d?entretienet d?exploitation des ouvrages publics dont la ralisation lui est confie ? (Dcret loi n22.02.644 du 10septembre 2002). La TMSA est donc clairement hors de cause dans le mauvais choix du site, on peut dire sansconteste qu?elle a hrit de cette tare. Cependant, investie des prrogatives de puissance publique et forte ducode de Monsieur l?ingnieur Yves Bars (Dahir de 1961), la TMSA devra mettre en place une rglementationinnovante.

  • Tanger Med versus isobathe 13

    stabilit du noyau, c'est--dire que la menace de glissement d?ensemble et??effondrement devient prpondrante.20

    RASCIRS

    OUEDR MEL

    RASAL KALOULI

    figure 4 : contrairement ce que l?on pourrait croire, avant d?tre un dfi sur l?lment marin,Tanger Med est surtout un dfi sur les montagnes : deux pitons rocheux ? Ras Cirs et RasAl Kalouli ? prennent en tenailles l?emprise portuaire, tandis que l?arrire pays, trsmontagneux, se prte mal aux terrassements indispensables l?exploitation rationnelle du site.

    Ce risque est plus lev si, en plus, les fonds sont tapisss d?une paissecouche de vase. C?est le cas Oued R?mel, exutoire naturel des sdimentscharris par la rivire du mme nom.

    cela, il faut ajouter le facteur budgtaire, car le dversement en mer demillions de mtres cubes de matriaux est une opration la fois structuranteet trs coteuse.

    la limitation technique, pose par le danger d?affaissement du corps de lajete, s?ajoute celle de l?environnement gographique particulirementsvre : relief vallonn, avec des escarpements trs accentus.

    20 Les jetes ou digues talus sont des ouvrages destins attnuer l?agitation cause par les houles ordinairesdans les plans d?eau portuaires. Aussi, elles doivent rsister l'action des vagues les plus hautes, dans desconditions dfavorables de pleines mers et de temptes. Inspire de l?anatomie de la tortue, l?ide consiste dfendre, par une cuirasse, un corps tendre. Leur architecture s?articule donc autour d?un noyau compos d?uneou plusieurs catgories d?enrochements non slectionns, que protge une carapace extrieure situe dans lazone d?action de la houle ; l?ensemble est revtu d?une superstructure appele couronnement. Rappelons qu?ilexiste trois types de jetes, savoir les jetes talus, les jetes verticales et les jetes mixtes. Les jetes taluscomportent un massif d?enrochements qui arrte la houle locale par amortissement et dissipation de son nergie.Les jetes verticales, composes de murs parements verticaux ou presque, agissent en rflchissant la houlevers le large. Les jetes mixtes sont constitues d?une paroi construite sur un massif talus rocheux.

  • Une erreur et ses consquences14

    Aussi, contrairement ce que l?on pourrait croire, avant d?tre un dfi sur??lment marin, Tanger Med est surtout un dfi sur les montagnes : deuxpitons rocheux ? Ras Cirs et Ras Al Kalouli ? prennent en tenailles l?empriseportuaire, tandis que la gologie de l?arrire pays, trs accidente, se prtemal aux terrassements indispensables la bonne exploitation du site.

    Ct mer, la descente brutale des fonds marins empche toutagrandissement et ne permet aucun remaniement ni adaptation. L?enceinteportuaire est fige ds le dpart en une forme immuable, dnue de touteflexibilit.

    ??est l un handicap majeur, car le port doit s?articuler autour d?un plan masseextensible et modulable, conu pour rpondre aux attentes des gnrationsfutures, avec un horizon tal sur le long terme.21

    VI. Impossible mouillage

    Plus de la moiti du trafic maritime mondial passe proximit des ctesmarocaines, notamment entre les Aores et Gibraltar.22

    Le site de Oued R?mel est donc le thtre d?un va et vient incessant denavires, toutes catgories confondues.

    Comme nous l?avons dj expliqu, lors des missions prliminaires deprospection, les concepteurs du projet se focalisent sur la recherche d?un siteayant de grandes profondeurs et passent sous silence la question cruciale dumouillage, savoir la zone maritime o le navire peut jeter l?ancre et attendreavant d'entrer au port. Ce problme est d?autant plus important qu?il se poseavec acuit dans le cas o les navires dj quai se trouvent, par suite dumauvais temps ou d?un ressac, obligs de quitter le port.

    21 Le port de Casablanca est l?exemple parfait du port volutif. Disons pourquoi. Malgr l?hostilit de l?Ocan atlantique,??emplacement retenu prsente par certains aspects de rels avantages. D'abord l?isobathe ? 17 m se trouve 2 000 m durivage trs bonne porte. Entre la terre et cette ligne choisie par l?ingnieur Delure comme axe de la future grande jete,on dispose ainsi d'une surface d'eau suffisante pour implanter, en longueur, une srie de bassins, faciles exploiter. l'abri de cette jete, les mles, tous identiques, ont leur place toute prpare suivant un plan logique et simple permettanttoutes les extensions futures. Le gros avantage de ce programme rside principalement dans la possibilit de prolonger lagrande jete dans l'avenir autant qu'on le voudra, jusqu'au point mtrique 7 000 s'il le faut, en restant cette mmedistance du rivage et tout en suivant sensiblement la courbe des fonds de ? 17 m, c'est--dire sans augmentation sensibledu prix de revient de la digue au mtre linaire : c?est l le gnie de Delure. Le port de Casablanca s?est donc dveloppen fonction du trafic sans que les dpenses d'tablissement de sa digue de protection deviennent jamais prohibitives.22 En moyenne, 60 000 navires croisent chaque anne le couloir international du Dtroit, dont une bonne partieest constitue de navires transportant des hydrocarbures et des substances dangereuses et nocives, soit 2 000chimiquiers, 5 000 ptroliers et 1 300 gaziers. cette circulation, il faut ajouter celle de la navigation ctire,essentiellement compose de caboteurs et de bateaux de pche.

  • Tanger Med versus isobathe 15

    ? 200 m? 100 m? 50 m? 30 m? 20 m

    ? 10 m

    ? 700 m

    ? 400 m? 500 m

    ? 300 m

    + 272 m

    + 237 m+ 466 m

    + 480 m

    + 406 m + 400 m

    + 848 m+ 325 m

    + 639 m

    + 400 m

    Jbel Moussa

    Tarifamouillage

    DETROIT DE GIBRALTAR

    zonede navigation ctire

    zonede navigation ctire Oued R?mel

    (Tanger Med)

    TangerRestinga Smir

    couloir de navigation entrante

    couloir de navigation sortante

    figure 5 : Impossible mouillage ; l?emplacement de Oued R?mel correspond la rgion la plustroite du Dtroit. Tout navire en stationnement proximit du port se trouve forcment sur l?undes couloirs rservs la circulation. Le danger de collision est alors permanent. Cesconsidrations excluent donc toute possibilit de dlimitation d?une zone de mouillageattenante au futur port.

    Pour comprendre la nature et l?importance de la question, rappelonsbrivement les conditions de passage de l?Atlantique la Mditerrane.

    Le Dtroit est dcoup en trois bandes d?gales largeurs.23

    ??abord, au centre, il y a le couloir international, divis lui-mme en deuxvoies sens unique ; l?une au Nord pour entrer en Mditerrane et l?autre auSud pour en sortir ; puis, de part et d?autre, se trouvent deux zones rserves la navigation ctire.

    Or, l?emplacement de Oued R?mel correspond la rgion la plus troite duDtroit. Tout navire en stationnement proximit du port se trouve forcmentsur l?un des couloirs rservs la circulation. Le danger de collision est alorspermanent.

    Ces considrations excluent donc toute possibilit de dlimitation d?une zonede mouillage attenante au futur port.

    23 Ce dcoupage rsulte du principe de sparation de la navigation mis en place par l?OMI (Organisation MaritimeInternationale). Le centre de contrle est domicili en Espagne, Tarifa. Il est regrettable de relever ici, que suite un imbroglio kafkaen, le centre VTS marocain, construit en 2000 Ras Boassa grce un don amricain, n?apas pu entrer en service, car le budget allou la ralisation des stations de porte de Malabata et de Cirs, a tutilis pour construire la route d?accs ? ; entre temps le matriel est devenu obsolte et tout est refaire.

  • Une erreur et ses consquences16

    Vritable casse-tte, ce problme devrait trouver sa solution dans la dfinition??un mouillage au niveau de Fnideq, non loin de Ttouan ou bien encore dansles parages de Tanger.24

    RASCIRS

    OUEDR MEL

    RASAL KALOULI

    figure 6 : Par infortune, au voisinage de Oued R?mel, l?isobathe ? 30 m se rapprochebrusquement du rivage. La singularit qui en dcoule rduit la surface du plan d?eau abritableet porte un prjudice irrmdiable l?volutivit du port.

    VII. Autant en emporte l?isobathe

    Rappelons, tout d?abord, qu?une isobathe (du grec iso gal et bathos profondeur ) est par dfinition une courbe joignant des points situs gale profondeur.

    Cela tant pos, on peut dire que toute l?architecture du port est dicte par laforme ou encore l?allure - on a envie de dire par les caprices -de??isobathe - 30 mtres.25

    Comme nous l?avons dj expliqu, la jete principale ne peut dpasser lafrontire fatidique des tirants d?eau gaux 30 m. C?est une sorte de lignerouge. Autrement dit l?isobathe - 30 matrialise le contour extrme du plan??eau abritable : elle dlimite, avec le trait de cte, le cadre l?intrieur duquelsera dessin le port.

    24 Dans le cas du vent d?Est et pour les petits navires, la zone de mouillage pourra tre situe au Sud-Ouest de lajete principale par des profondeurs de 35 40 mtres, un mille de la cte.Dans le cas du vent d?Est mais pour les grands navires, la zone de mouillage pourra tre choisie au niveau deTanger et dans le cas du rgime Ouest, hauteur de la baie de Fnideq.25 C'est--dire la courbe joignant les points de profondeur gale 30 mtres.

  • Tanger Med versus isobathe 17

    Par infortune, au voisinage de Oued R?mel, cette isobathe se rapprochebrusquement du rivage. La singularit qui en dcoule rduit la surface du plan??eau abritable et porte un prjudice irrmdiable l?volutivit du port.

    Il y a un second effet collatral.

    hauteur de la pointe Cirs, notre isobathe s?inflchit et vient presquetoucher la frange littorale. Vu que l?entre du port exige une largeuroptimum26, la jete principale ne peut, en consquence, tre prolonge au-del d?un certain point : cette limite butoir fige irrmdiablement la surfaceutile du port.27

    jete principale

    poste ptroliercercle d?vitage

    600 mposte RO RO

    garemaritime axe du chenal

    30? Nord

    jete secondaire

    - 13 m

    - 16 m - 17 m

    - 16 m- 15 m

    Terminal ATerminal B

    postes crales

    - 12 m

    Vers Fnideq

    figure 7 : plan masse du port de Oued R?mel ; sous peine de risques importants??effondrement ou de renversement, la jete principale ne peut dpasser la frontire fatidiquedfinie par la ligne d?gales profondeurs - 30 m. Elle se dtache de la cte partir de Ras AlKalouli pour aller rejoindre au plus vite l?isobathe -30 m, mais comme celle-ci s?approche troprapidement du rivage au niveau de Ras Cirs, la surface portuaire disponible se trouvefortement rduite, d?o l?allure encaisse du plan d?eau.

    Enfin, il y a une autre incidence tout fait proccupante : pour ne pasdiminuer l?tendue des bassins portuaires, dj fortement amputs, lesconcepteurs tranchent en faveur d?une passe d?entre non abrite. Ce choix

    26 Cet optimum rsulte d?un compromis entre le minimum requis pour le passage des navires et le degr deprotection des bassins contre la houle. Il est clair que ces deux facteurs sont antagonistes : une ouverture troiteassure une meilleure protection des bassins contre l?action des vagues mais rend prilleuse l?entre des navires ;alors qu?une ouverture plus large rend l?entre des navires plus fluide mais le plan d?eau est moins protg car lesvagues pntrent plus facilement dans le port.27 En principe la distance minimale entre le musoir de la jete principale et la pointe Cirs est gale 2 000 mtres,pour gagner en surface elle a t ramene de manire tmraire 600 mtres.

  • Une erreur et ses consquences18

    sera l?origine d?une multitude de difficults nautiques en termes d?accs etde tenue quai. Ainsi, les navires au cours de leur manoeuvre d?approche, proximit immdiate de la passe, non seulement ne sont pas protgs de lahoule du large mais, en plus, peuvent tre soumis l'attaque latrale desvagues diffractes par le musoir de la jete principale. Il est craindre que, dece fait, pour certaines conditions de vent, les navires soient dports vers lajete secondaire sans possibilit de redresser leur cap.28

    On retiendra en substance que l?isobathe - 30 m constitue l?pine dorsaleautour de laquelle est vertbr le projet, et comme elle souffre d?une malformation (scoliose ou lordose), toutes les composantes du portsubissent par ricochet les squelles de cette pathologie : longueur et profilsrduits de la jete principale, rabattement tendu de la jete secondaire, cercle??vitage limite29, parois en talus des bassins du fond de darse pour amortir larflexion des vagues, passe d?entre enserre et non protge30, probabilitde mise en rsonance des eaux de l?enceinte portuaire31, quais de ladeuxime tranche exposs la houle du large, ratios d?exploitation menacspar l?agitation rsiduelle, pilotage rigoureux32 et remorquage particulirementsoutenu33.

    28 Il faut bien garder l?esprit qu?un navire qui reoit le vent traversier, avec les machines en arrt, se metautomatiquement en travers du vent. Par ailleurs, un navire porte conteneurs man?uvre trs mal s?il navigue faible vitesse, surtout en prsence de vent ou de courant venant par son arrire. Cette contrainte est quasipermanente Oued R?mel, du fait que le vent dominant dans le site est du secteur Est (Nord-Est), sur une priodede 4 5 mois par an (d?avril septembre). Quant au courant dans la zone portuaire, il est de 3 n?uds enmoyenne sur toute l?anne.29 En ce qui concerne l?vitage, l?impact ngatif de la passe d?entre pourra tre attnu par la force motrice deremorqueurs trs puissants, en plus de la capacit man?uvrire du navire. Le cercle d?vitage doit avoir au moins2 fois la longueur du plus grand navire, soit 700 m, avec l?intervention des remorqueurs adapts, trs puissants.30 La largeur de la passe doit au moins tre gale 2 fois la longueur du plus grand navire, soit 600 m, du fait quela route du navire sera expose aux vents d?Est et aux vents du Nord-Ouest. Faute d?espace, les concepteursoptent pour une passe de largeur gale 300 m, ce qui est prilleux quand on sait que les porte-conteneurs, de8 500 botes, ont une longueur de 350 m. Pour fixer les ides, il faut savoir que le porte-conteneurs gant de8 200 botes, le MSC Rachele , livr par les chantiers corens Hyundai, le 12 mai 2005, fait 334 m de long,43 m de large et 14 50 m de tirant d?eau ; il appartient l?armement italo-suisse MSC (Mediterranean ShippingCompany).31 Par exemple, la houle du secteur Ouest d?une amplitude suprieure ou gale 5 mtres et d?une priodesuprieure 12 secondes, peut causer sans conteste une agitation rsiduelle et un ressac l?intrieur du bassin,affectant la tenue poste, c'est--dire qu?il y a dplacement des navires, rupture des amarres et avaries auxouvrages portuaires. Il en est de mme vis vis des houles du secteur Est, courtes et dures, qui vont pntrerdirectement dans les bassins.32 Plus prcisment, il faudra externaliser le pilotage en le confiant une station de pilotage selon un cahier descharges adapt aux conditions particulirement svres imposes par la configuration de la passe d?entre duport : les pilotes salaris, du fait mme qu?ils sont salaris, n?ont aucune motivation pour grer au mieux la prisede risque, facteur essentiel dans le rendement de l?exploitation portuaire.33 A Oued R?mel, la man?uvre des navires s?effectuera en eaux resserres. Il faudra donc opter pour desremorqueurs du type propulsion Azimutale (Z-type). De tels remorqueurs sont quips de deux units depropulsion orientables sur 360 degrs. En contrlant la fois l'orientation et le nombre de tour des hlices,l'assistance pour man?uvrer les navires est disponible dans toutes les directions avec des puissances variables.

  • Tanger Med versus isobathe 19

    VIII. Drobade

    On a vu, dans le paragraphe prcdent, comment les malformations de??isobathe - 30 ont entran une rduction substantielle de la surfacedisponible l?intrieur du port. cet handicap, s?ajoute la gne occasionnepar les montagnes alentours.34

    En raison de ces difficults, l?activit transport des passagers ne sera pastraite Tanger Med dont le plan masse ne prvoit que deux postes RO RO.

    ??abandon de ce trafic constitue une drobade et pnalise lourdement largion, car l?avenir du transport des passagers accompagns de leursvhicules, s?orientera vers les fast-ferries . Le port actuel de Tanger nepeut en aucun cas recevoir la nouvelle gnration des fast-ferriesactuellement en exploitation aux ports d?Algciras et de Sebta.35

    La situation est d?autant plus proccupante que le port actuel, satur, setrouve de surcrot confront une crise structurelle patente : infrastructuresvtustes et rampes obsoltes, conues pour une gnration de petits naviresen voie de disparition.36

    Enfin, l?activit de soutage des navires en fuel et leur ravitaillement en vivres,reprsente la recette principale des ports de Gibraltar et de Sebta. Il estinsens qu?un navire venu dcharger au futur port soit oblig d?aller souterdans ce dernier.37

    Aucun port du Maroc ne traite actuellement l?activit soutage . Ce serviceest thoriquement prvu, mais il faut absolument s?assurer qu?il seraoprationnel en 2007 et qu?il n?y aura pas drobade.

    34 Par exemple, sur le tronon ferroviaire Melloussa-Oued Rmel, le kilomtre de voie atteint le montant faramineuxde 130 millions de dirhams.35 titre d?exemple le fast-ferry Pacifica de la socit Euroferry possde les caractristiques techniquessuivantes ; longueur : 101 m ; tirant d?eau : 4.45 m ; jauge brute : 8 766 tonneaux ; largeur de la rampe : 26.65 m ;la rampe la plus large du port de Tanger a une largeur de 17 m. Pour situer l?importance du phnomne, il fautsavoir que le port de Sebta ralise annuellement de 2 400 000 passagers et 440 000 vhicules en utilisantuniquement les fast-ferries.36 Signalons que des tudes sont en cours pour construire un petit port spcialis dans le trafic passager. C?estdommage d?en tre arriv l.37 En payant doublement les frais portuaires, aprs avoir navigu l?quivalent de dix milles nautiques distanceentre Oued Rmel et Sebta, soit 30 mn.

  • Une erreur et ses consquences20

    figure 8 : focus satellitaire sur le chantier de construction du port de transbordement de Oued??mel (scne prise le 18 aot 2005). On remarquera la jete principale qui se dtache de lacte partir de Ras Al Kalouli pour aller s?aligner sur l?isobathe fatidique -30 m ; au niveau deRas Cirs, on distingue l?amorce de la jete secondaire.

    IX. Anesthsie

    Le 23 novembre 2004, l?oprateur Maersk remporte l?appel d?offres relatif laconcession de la premire tranche du terminal conteneurs du portTanger Med. La TMSA lui confie 800 mtres linaires de quais. Encontrepartie, le concessionnaire s`engage principalement garantir, ds2010, l?utilisation de la capacit du terminal hauteur de 1.5 millions debotes.38

    Il y a videmment maldonne, dans le sens o on s?est laiss anesthsier parle prestige de Maersk, au dtriment de l?efficacit conomique.

    Expliquons de quoi il retourne.

    Comme Maersk contrle le terminal conteneurs d?Algciras, certains furentassez nafs pour croire que ce port peut travailler en complmentarit avecTanger Med. Ils confondent trivialement Algciras et Maersk. Le port??Algciras appartient l?Espagne, non Maersk. D?ailleurs, l?tat espagnol??a pas hsit, ds l?annonce de la nouvelle, lancer les travaux d?unnouveau terminal Algciras mme - soit 1 700 m de quais sur une empriseterrestre de 800 m - uniquement pour concurrencer Tanger Med. Il ne fallait

    38 Selon les termes du contrat, il s?engage investir 150 millions d`euros l?horizon 2010 et verser desredevances mensuelles dont le cumul actualis sur la priode de concession, soit trente ans, atteint 100 millionsd`euros. Pour la forme, Maersk est flanque d?Akwa-Maroc.

  • Tanger Med versus isobathe 21

    donc surtout pas commettre l?erreur de se comparer Algciras, mais plutt Las Palmas (MSC) ou au port maltais de La Valette (CMA-CGM) qui sont, vule caractre insulaire de leur arrire pays, de vritables ports d?clatement.39

    Expliquons maintenant o rside la seconde erreur.

    En 2010, le Maroc traitera, tous ports confondus, environ 1 million de botes.Or tout le trafic conteneuris du Maroc est actuellement pralablement claten Europe, principalement Algciras. Par un exercice de pure logistique etpar le jeu des alliances, Maersk peut grer la totalit de ce trafic, proprementmarocain, Tanger Med. Ce million de botes sera ensuite achemin parfeeders vers les ports de Casablanca, Agadir ou Nador, et vice versa.

    Maersk ne fera que massifier, ou si l?on prfre dlocaliser, le trafic marocain Tanger Med, ce qui lui permettra de dcongestionner ses installations enEspagne. Autrement dit, pour Maersk, Tanger Med est la solution en territoiremarocain du problme que lui pose le trafic marocain Algciras.

    En gros, Tanger Med deviendra le port de regroupement des conteneursdestins au march national : c?est l que rside la maldonne, car le projet deOued R?mel n?a de raison d?tre que si la rgion qu?il dessert se situe ??extrieur du Maroc.40

    Toutefois, cette erreur peut se rattraper en confiant la seconde tranche duterminal conteneurs de Tanger Med un oprateur indpendant desarmements. Nous pensons Hutchinson (Hong Kong) ou bien encore PSA(Singapour) ; en tout cas, si c?est un armateur, il faut absolument qu?il soitchinois : car ces oprateurs ont un besoin vital d?aller la conqute desmarchs de l?Europe centrale.41

    39 Par exemple, les ngociations sur la proportion de conteneurs vides ont t menes sur la base d?unecomparaison avec Algciras. Ce qui est une erreur.40 Lors des ngociations avec Maersk, on a tout simplement oubli la question des matires dangereuses. Il nefaut pas que Tanger Med devienne un exutoire ou un parking de ce type de marchandises sous couvert de laconteneurisation, et encore moins une zone ddie au repositionnement des conteneurs vides.41 Pour fixer les ides au sujet de l?ampleur des enjeux portuaires et maritimes, rappelons titre d?exemple lescirconstances qui ont conduit le port de Singapour devenir un port plante .Cette le Etat d? peine 600 km2 abrite le premier port au monde en termes de trafic de conteneurs ; 234conteneurs dchargs l?heure par des portiques pilots distance depuis un poste multimdia ; un lien entre700 ports et 130 pays ; un million de passagers par an ; 141 000 cargos chaque anne.Pour rester ce niveau, Singapour dbloque chaque anne un budget d?environ un million de dollars pour larecherche et le dveloppement.Il lui faut rivaliser avec une concurrence trs forte et trs dure.Hong Kong propose prestations presque similaires. La Malaisie ouvre un nouveau terminal en face de Singapouret l?Indonsie envisage deux nouveaux ports. Quant la Thalande, elle veut construire l?quivalent d?un canalde Suez , afin de dtourner l?ensemble du trafic.Pour faire face cet ensemble de menaces, l?Autorit du Port de Singapour (PSA) prend les devants et se lance,dans une stratgie novatrice.Elle globalise sa structure en prenant des participations l?tranger, pour un montant annuel de l?ordre de 250millions de dollars. En 1998, elle dcroche la concession du terminal ptrolier de Sins pour une priode de trenteans. En Italie, elle possde 60% du terminal de Gnes et une partie du terminal de Venise. En Core, elle??associe avec Samsung pour dvelopper le deuxime port du pays, Inchon South Port. La PSA est galement

  • Une erreur et ses consquences22

    Enfin, il faut tre bien ignorant des choses maritimes pour croire que laconcurrence se situe l?intrieur d?un port. La comptition se droule auniveau du dmarchage des chargeurs ? . l?intrieur d?un port, lesarmements travaillent toujours en complmentarit.

    X. Gupier

    ct du transbordement, l?tat prvoit galement la cration de trois zonesfranches42 et la ralisation d'un ensemble d'infrastructures de connexion(autoroute, rocade et chemin de fer).

    Places un carrefour maritime, les trois zones projetes sont supposesattirer des commerces nouveaux, que leur situation gographique appellera.Les succursales des firmes existant dj en dehors de leurs primtres, sontsenses venir s'y installer pour dvelopper leurs exportations.

    Mais, l?ide sous-jacente consiste officialiser un fait accompli : la pninsuletingitane est, quasiment, depuis bien longtemps une zone franche.

    Pour fixer les ides, considrons l?exemple de Fnideq.

    ??agglomration de Fnideq, adosse au territoire de Sebta, est un vritableemporium par lequel transitent les produits de contrebande issus d'Espagne.Mais, c?est aussi le lieu par lequel passent les produits vivriers marocainsdestins au ravitaillement de Sebta. Sous des allures de bourg mal citadinis,Fnideq est un gros entrept commercial, la tte d'un vaste rseau dedistribution couvrant une bonne partie du Maroc septentrional. Autrement dit,Fnideq est virtuellement, avant l?heure, une ville franche en pleineexpansion.43

    Il est donc vident que le projet de Tanger Med ne fait que prendre le train enmarche : le social n?attend pas.

    Aussi, le flou plane autour du mode de fonctionnement des zones horsdouane que l?on compte crer et c?est le concept mme de franchise qui poseproblme.44 S?agit-il de crer un port franc ou une zone franche ?45, en tout

    prsente en Chine Dalian et Fuzhou. Aux Etats-Unis, elle construit le nouveau terminal de croisire deSan Fransisco. Enfin, en sigeant dans les conseils d?Administration des principaux ports de par le monde,Singapour s?assure, par un lobbying adapt, un trafic et un dveloppement durables.42 La premire, ddie aux activits de post-transformation, s'tend sur une superficie de 130 hectares. Situe 20 kilomtres du port, la seconde devrait accueillir sur 600 hectares des industries lgres orientes versl'exportation. Enfin, la troisime, destine aux activits commerciales, sera tablie prs de Fnideq, 15 kilomtresdu port. La gestion de ces zones franches est accorde de gr gr au groupe mirati Jebel Ali Free ZoneInternational (JAFZI).43 La population de Fnideq double tous les dix ans, (1963 : 3 500 hab. ; 1982 : 13 613 hab. ; 1994 : 34 486 hab).44 Rappelons qu?il existe trois types de zones franches : d?abord, les zones franches commerciales et industriellespermettant le libre exercice de toutes les industries qui dsirent s'y tablir ; puis, les zones franches

  • Tanger Med versus isobathe 23

    cas Fnideq a dj clairement rpondu et rien ne se fera sans sonconsentement.

    Cela tant, une objection peut tre faite par certains entrepreneurs quipourraient craindre de voir de nouvelles industries, s'installer dans les zonesfranches prvues et rivaliser ainsi, de faon dloyale, avec le commercepralablement tabli hors de ces mmes zones. Cette ventualit ne doit paschapper aux responsables qui devront agir avec la plus extrme prudencetoutes les fois que les industries, susceptibles de concurrencer celles quiexistent dj, voudront s'installer dans une de ces zones franches.

    Tout ceci montre qu?il faut bien garder l?esprit que si le carrefour maritimeest un facteur de russite pour une zone franche officielle, il n'en est ni lefacteur essentiel, ni le facteur indispensable.

    XI. Prendre la vague

    ??aprs ce qui prcde, le site de Oued R?mel est clairement inappropri pour??tablissement d?un port de transbordement.

    Cependant, il n?est pas question ici de faire marche arrire, car on pourratoujours en tirer quelque chose, en y mettant le prix.46

    Il faut plutt aller de l?avant et bien prendre soin de ne pas rpter les erreurspasses en instituant une Veille portuaire et maritime articule autour d?un Conseil des Ports , entit pourtant lmentaire, mais qui fait cruellementdfaut au systme portuaire marocain depuis plus d?un demi sicle.

    Cela dit, la substance de notre propos se situe dans un autre registre, celui dela dferlante chinoise.

    Expliquons de quoi il retourne.

    commerciales, et accessoirement industrielles, ne permettant l'installation d'industries qu'aprs approbationpralable du gouvernement ; et enfin, les zones franches exclusivement commerciales.45 Nous rappelons qu?un port franc comprend non seulement le port et ses dpendances, mais il englobe laville entire, avec ses usines, ses magasins, la totalit de ses immeubles et sa population ; ainsi Gibraltar, Sebtaet Melilla.Plus prcisment, un port franc est un port tabli hors de la ligne des douanes, ouvert tous les btiments decommerce, sans distinction, quels que soient leurs pavillons et la nature de leur chargement. C'est un pointcommun o vient aboutir par une sorte de fiction le territoire prolong de toutes les Nations. Il reoit et verse del'un l'autre toutes les productions respectives sans gne et sans droits.Les habitants de l'agglomration urbaine qui entoure le port franc, ont le droit d'y consommer, sans payer aucundes droits prlevs l'intrieur du reste du pays sur les produits similaires provenant de l'tranger.Par contre, une zone franche n'est pas habite. Quiconque peut la frquenter, mais, l'exception de quelquesfonctionnaires, personne n'a le droit d'y rsider. Son but essentiel est, en effet, d'attirer le maximum demarchandises n'ayant ni leur origine, ni leur destination dans l'arrire-pays, mais venant chercher seulement unefacilit de rexpdition pour atteindre leur destination dfinitive.46 titre indicatif, l?estimation de la contribution de l?tat au budget du projet Tanger Med est dj passe de 1Milliard de dollars en 2002 1.4 Milliard de dollars en 2004, soit une augmentation de 40%.

  • Une erreur et ses consquences24

    Nul n'ignore plus dsormais que la Chine est le nouvel atelier du monde .

    Le dveloppement de cet atelier est fondamentalement tourn vers l?extrieur,??est--dire vers la mer. Cela explique en particulier, la puissance et lacomplexit de la flotte chinoise, qui a pris rang sur le plan international.

    Pour se faire une ide de l?ampleur du phnomne, la Chine, comme nationseule, a un trafic suprieur celui des 52 plus importants ports europens soitprs de 2 Milliards de tonnes.

    Si on se restreint au transport des marchandises diverses, on constate, qu?en2003, un quart des conteneurs voyageant dans le monde passe par la Chine,devanant les tats-Unis et accdant ainsi la premire place. 47

    D'ailleurs, le premier fabricant de conteneurs au monde est chinois et contrle50% du march mondial.48

    Il est clair qu? ce rythme, la Chine est en passe de devenir le premiercomplexe portuaire de la plante.

    On prvoit ainsi qu?en 2010, plus de la moiti du trafic mondial seramanutentionne par les ports chinois, reprsentant un mouvement de 110millions de conteneurs.49

    On comprend, ds lors, pourquoi les milieux portuaires y envisagent,officiellement, l?avenir non pas en millions de tonnes, mais en milliards et l?onne parle plus qu?en kilomtres de nouveaux quais ou en terminaux spcialisscomplets.

    Eu gard ces considrations, nous pouvons, en toute lgitimit, poser laquestion suivante qui est au c?ur de notre propos : les provinces du Nord duMaroc peuvent-elles, oui ou non, faire de l?expansion chinoise leur propremoteur de croissance ?

    Indiscutablement oui, car la Chine, empire maritime et atelier du monde,cherche un pivot logistique sur la Mditerrane. C?est une question de survie.

    Mais, il y a plus que cela : ce rendez-vous avec la vague chinoise constituegalement une occasion historique pour notre pays d?entrer dans le club trsferm des acteurs de la globalisation maritime. Il faut se dcider maintenant,car demain, il sera dj trop tard.

    47 En 2003, les ports chinois enregistrent la manutention de 50 millions de conteneurs, soit une progression de32% sur 2002.48 Il s?agit de la socit CIMC (China International Marine Containers), installe Shenzhen ; elle a fabriquenviron 1 million de conteneurs en 2003.49 En 2010, le total mondial de marchandises changes approchera les 7 milliards de tonnes, dont 4 milliardspour la Chine.

  • Tanger Med versus isobathe 25

    Najib Cherfaoui