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"Tara et le plastique : ressources d'actualités"

Tara et le plastique : ressources d'actualitésoceans.taraexpeditions.org/.../04/Selection-Plastique-Articles.pdf · Plastique biodégradable, plastique oxo-fragmentable, oxo-dégradable…

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"Tara et le plastique : ressources d'actualités"

Table des matièresIntroduction .................................................................................................... 3

La problématique ..........................................................................................................4Interview : « La Méditerranée connaît les densités de plastiques les plus importantes au monde ».. . .5Interview : Stéphane Bruzaud : «Seulement 1 à 2% des plastiques à l’échelle mondiale sont des bioplastiques ».......................................................................................................................................7Article : Océans de plastique...............................................................................................................10Focus : Les enjeux environnementaux en Méditerranée.....................................................................12

Les instruments scientifiques à bord de Tara ......................................................14Focus : Les outils de la science...........................................................................................................15

Les bactéries et la dégradation des plastiques ...................................................17Publication : La dégradation des plastiques en mer............................................................................18Interview : « Les bactéries sont un peu les éboueurs de l’océan. ».....................................................26

A propos des microbilles ...........................................................................................28Interview : “La recherche peut faire évoluer les choses”....................................................................29Article : Les larmes de sirène font pleurer la mer...............................................................................31

Les dangers pour la biodiversité .............................................................................33Interview : « Les tortues souffrent de l’ingestion de nos déchets »....................................................34Interview : « De petits morceaux de plastique pourraient être toxiques pour les organismes ».........36Article : Plastique et environnement...................................................................................................39

Premiers constats .......................................................................................................41Reportage : Premières observations après 5 mois de navigation........................................................42Article : Tara Méditerranée: après l’expédition...................................................................................44

Solutions ........................................................................................................................46Interview : Les voies pour diminuer la pollution plastique.................................................................47

Article : Tara découvre du plastique en Antarctique ..........................................................................48

Pour aller plus loin .....................................................................................................50

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INTRODUCTION

En 1997 Charles Moore, océanographe et marin, mettait en évidence des grandes concentration de plastiques flottant au beau milieu de l'Océan Pacifique Nord. Depuis on s'est rendu compte que tous les océans et mers du monde étaient pollués par ce plastique. La plupart du temps sous forme de fragments de moins de 5 millimètres (dénommés micro-plastiques)

Depuis 2011 Tara et les scientifiques avec lesquels nous travaillons récoltent ainsi ces petits morceaux flottants à la surface ou entre deux eaux. Il a été ainsi mis en évidence que même l'océan Antarctique était contaminé. Partout ou le bateau a navigué la présence de plastique a été notée. Pour en savoir encore plus nous avons monté l'expédition Tara Méditerranée en 2015. Pendant 7 mois la goélette a ainsi sillonné cette mer fermée avec les objectifs d'étudier les interactions entre les plastiques et les organismes marins, notamment les mécanismes de dégradation du plastique par les bactéries ainsi que les conséquences de cette pollution sur la biodiversité. Le résultat est sans appel. Sur les quelques 300 filets qui ont été lancé, aucun n'est remonté vide de déchets plastique !

Afin de faciliter vos recherches sur ce thème, nous vous proposons une sélection d'articles rédigés à l'occasion des différentes expéditions, et plus spécialement Tara Méditerranée. Vous y trouverez des synthèses écrites par les correspondants de bord, des entretiens de scientifiques qui vous serviront à comprendre les dangers des micro-plastiques pour la biodiversité, à découvrir les différentes techniques de prélèvement ou encore à faire le bilan de l'expédition par exemple.

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LA PROBLEMATIQUE

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«La Méditerranée connaît les densités de plastiques les plus importantes au

monde»

Publié le 27/10/2014

Chercheur à l’Ifremer, François Galgani étudie les plastiques depuis près de 20 ans. Ce scientifique corse a dédié sa carrière aux dérivés du pétrole. Présents à bord de la goélette cet été, entre la Sardaigne et l’Albanie, il rembarquait récemment pour quelques heures. Un passage éclair qui a permis aux Taranautes d’échanger avec lui autour de la grande table du carré. Extrait de cette discussion.

Tu travailles sur la thématique de la pollution plastique depuis longtemps. A quand remontent les premières études sur ce sujet ?

Les premiers travaux sur les plages datent du début des années 80, il s’agissait d’études ponctuelles sur les quantités de plastique. Depuis 92, avec l’Ifremer, nous avons effectué un peu plus de 30 campagnes, sur l’ensemble du littoral français. Et le plastique représentait déjà 70 à 80% des déchets collectés en mer ! Nous avons ensuite entrepris des travaux de plongées profondes en mer Baltique, du Nord et en Adriatique, puis à l’aide de submersibles. C’est dans les années 2000 que nous avons publié une synthèse des recherches réalisées sur l’ensemble des côtes européennes. En parallèle, d’autres chercheurs travaillaient sur les objets flottants. Au fil des années, les techniques ont été améliorées et les analyses se sont affinées.

Si dans les années 70, certains scientifiques avaient déjà observé la présence de microplastiques en surface, c’est à partir des années 90 que les associations ont relayé l’information et notamment celle concernant l’accumulation de ces micro-particules dans les zones de convergence ou gyres océaniques. En 2004, à la suite d’un article sur l’évolution des microplastiques, le sujet a été relancé. Ce papier faisait état d’une augmentation conséquente des quantités jusque dans les années 2000.

En 2008, la Commission européenne a décidé de lancer une directive pour la surveillance du milieu marin, afin d’atteindre « un bon état écologique » et par nécessité, elle a inclus les déchets marins et donc les plastiques comme l’un des 11 descripteurs de la qualité de l’environnement. Voilà comment le sujet est entré dans l’actualité. Pour la première fois, il était considéré de manière aussi importante que l’eutrophisation, la biodiversité ou la contamination chimique.

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Quelles ont été les découvertes notables à la suite de ces recherches ?

A cette époque, les premiers travaux de modélisation sont apparus, pour en savoir plus sur le transport des microplastiques. Avant de couler ou de disparaître, les plastiques peuvent être charriés sur des milliers de kilomètres, en surface ou en profondeur. On s’est donc aperçu que des espèces visibles à l’œil nu se fixaient dessus.

L’étude des micro-organismes fixés est quant à elle assez récente, je dirais qu’on les étudie depuis 1 an et demi. A présent, des microbiologistes enquêtent sur toutes les bactéries fixées. Nous savons que certaines espèces appartiennent à des familles qui sont connues pour être pathogènes. Tara considère justement ce sujet. Ces fixations pourraient aussi favoriser la dispersion d’espèces.

Mais les espèces ne se dispersent-elles pas depuis toujours, accrochées à des bouts de bois flottants ou cachées dans les ballasts des bateaux ?

En effet, pendant des millions d’années, le transport d’espèces d’une zone à une autre se faisait sur des bois morts, puis la navigation s’est développée, et les bateaux ont servi de supports aux organismes vivants. Avec l’arrivée des débris flottants, notamment des plastiques, cela a démultiplié le nombre de vecteurs, c’est à dire le nombre de possibilités de transports. Les microplastiques avancent lentement, au gré des courants, et ils vont partout, à la différence des bateaux qui vont d’un port à un autre. Ce qui veut dire que beaucoup plus d’espèces peuvent se fixer dessus et voguer à travers le monde.

Qu’en est-il de la Méditerranée ?

La mer Méditerranée connaît, en moyenne, les densités de plastiques les plus importantes au monde : 250 milliards de microplastiques en Méditerranée.

Comme il s’agit d’une mer fermée, si un nouvel organisme parvient à entrer, il risque de se disperser dans l’ensemble du bassin. Nous avons aussi noté que le transport de certaines espèces comme les foraminifères (espèces unicellulaires) peut être favorisé. Nous commençons donc à avoir des idées précises sur les mécanismes existants, mais il y a encore du travail. Une expédition comme Tara est idéale : elle nous permet de collecter des données à l’échelle de l’ensemble du bassin Méditerranéen, notamment sur les quantités de microplastiques et le cortège des espèces associées.

Propos recueillis par Noëlie Pansiot

Campagne Ifremer 1995 – François Galgani : Vidéo Ifremer réalisées par François Galgani en 1995, à l’aide du submersible Cyana. Ces images ont été tournées entre 350 et 1000 mètres de fond, à 20 km des côtes françaises, dans les canyons de Méditerranée. Aujourd’hui, la situation reste inchangée.

© François Galgani

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Stéphane Bruzaud : « Seulement 1 à 2% des plastiques à l’échelle mondiale sont

des bioplastiques »

Publié le 02/02/2015

Professeur à l’Université de Bretagne Sud, dans le Laboratoire d’Ingénierie de Haute Bretagne, Stéphane Bruzaud est l’un des chercheurs qui se penchent sur les micro-plastiques prélevés lors des 7 mois d’expédition en Méditerranée. Pour ce faire, Stéphane a récupéré des échantillons qu’il analyse afin de mieux connaître leurs structures chimiques, autrement dit de les « qualifier » pour déterminer quels sont les différents types de micro-plastiques présents dans le bassin méditerranéen.

Mais les recherches de Stéphane ne s’arrêtent pas là : il s’attelle avant tout à trouver les solutions de demain, par la voie des bioplastiques. Rappelons que 5 milliards de sacs plastiques à usage unique sont encore distribués aux caisses dans les supermarchés en France. Mais plus pour très longtemps puisqu’en octobre dernier l’Assemblée nationale votait l’interdiction des sacs plastiques à usage unique à partir de 2016, dans le cadre du projet de loi sur la transition énergétique.

Pourquoi l’industrie du plastique s’est-elle très fortement développée ces cinquante dernières années ?

Le plastique d’aujourd’hui a beaucoup de qualité ! Il ne faut pas le dénigrer aveuglément. Il n’est pas cher, il est durable, il est hygiénique… En fait, le problème essentiel c’est son utilisation dans les multiples emballages ! Typiquement, si on prend l’exemple du sac plastique a usage unique que l’on utilise pour faire ses courses, il va être utilisé quelques dizaines de minutes mais il va mettre des dizaines, voire des centaines d’années à ce dégrader. Il faut donc que le ratio entre la durée d’utilisation du plastique et sa durée de vie soit plus raisonnable.

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Plastique biodégradable, plastique oxo-fragmentable, oxo-dégradable… le consommateur à de quoi s’y perdre et ce, même lorsqu’il essaie de s’informer pour faire le meilleurs choix.

En effet et c’est justement l’objectif de certains communicants qui essaient de brouiller les pistes et rendent le message confus. Or il existe une norme française, européenne, qui définit la caractéristique de « biodégradabilité ». Celle-ci indique que le résultat doit être une biodégradation du matériau dans certaines conditions, sur une échelle de temps donnée. Autrement dit, soit les plastiques passent les tests réalisés par des organismes certificateurs et peuvent être considérés comme biodégradables selon la norme ; soit ils ne les passent pas et ils ne sont pas biodégradables.

Toutefois, lorsqu’on parle de biodégradabilité, c’est dans « certaines conditions », comme dans un composteur industriel par exemple. Mais il est rare que les sacs plastiques, même biodégradables, terminent leur vie dans un composteur.

C’est un peu ce qui limite la percée des plastiques biodégradables aujourd’hui, parce qu’il faut une filière qui soit dédiée à la récupération de ces matériaux et il faut informer les consommateurs pour qu’ils sachent différencier les plastiques biodégradables des autres, afin d’envisager un tri efficace.

Pouvez-vous nous éclairer sur la définition des sacs oxo-fragmentables ou oxo- dégradables ?

Un sac oxo-fragmentable ou oxo-dégradable, c’est un sac dans lequel on a incorporé des additifs pro-oxydants, qui vont accélérer la dégradation du plastique sans forcément l’amener jusqu’à son terme. Donc on va, en quelque sort, réduire la taille de ce plastique, peut-être même la pollution visuelle qui en découle puisque les macro-plastiques vont se fragmenter en microparticules qui seront moins facilement observables. Mais leur dégradation n’ira pas jusqu’à leur terme. Autrement dit, ils ne sont pas biodégradables ! Le plastique sous forme de micro-plastiques perdurera dans l’environnement, dans les terres, dans l’eau…

Vous travaillez sur les plastiques du futur ? De quoi s’agit-il ?

Il faut développer des matières plus respectueuses de l’environnement depuis leur mode de production jusqu’à leur fin de vie. Et puis il faut cibler leurs applications parce que les chiffres révèlent qu’environ 300 millions de tonnes de plastique ont été produites en 2012 à l’échelle mondiale et seulement 1 à 2% sont des bioplastiques. Bien évidemment c’est une illusion de vouloir remplacer la totalité des matières plastiques par des bioplastiques mais il faut que le bioplastique gagne des parts de marché dans le secteur des emballages, pour de courtes durées d’utilisation.

Quelles sont les matières premières utilisées pour la fabrication de ces plastiques ?

Des matières extraites de la biomasse : des matières végétales, des sucres ou de l’amidon, des huiles végétales. Personnellement, à Lorient, je travaille à valoriser des déchets de l’industrie agroalimentaire bretonne, issus de la filière fruits et légumes par exemple. Depuis plusieurs années, nous avons

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démontré la faisabilité de production de bioplastique par fermentation en utilisant ce type de déchets, en y ajoutant des bactéries marines que nous prélevons au large des côtes bretonnes (sur des coques ou des palourdes). A partir d’un processus biotechnologique nous arrivons à fabriquer du bioplastique.

Quels sont les facteurs limitant à la production de ce type de plastique ?

Incontestablement, le coût ! Un pétro plastique coûte environ 1 euro du kilo ; un bioplastique coûte à minima 2,5 à 3 euros du kilo, il y a donc un différentiel important au niveau du prix, ce qui freine les industriels. Mais c’est aussi une histoire de marché, lorsque le marché va s’élargir, les coûts de production vont baisser. Souvent, pour développer un marché il faut inciter fiscalement ou réglementairement le développement de tel ou tel produit, de telle ou telle technologie.

L’interdiction de 2016, votée par l’Assemblée Nationale pourrait donc donner un coup de pousse à l’industrie du bioplastique biodégradable ?

Oui, non seulement parce que la France va devoir limiter ses déchets plastiques non biodégradables, mais aussi parce que certaines utilisations nécessiteront toujours du plastique, il faudra donc se rabattre sur le plastique biodégradable.

Propos recueillis par Noëlie Pansiot

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Océans de plastique

Publié le 14/07/2014

Depuis plus d’un demi siècle, les matières plastiques ont envahi notre quotidien, mais aussi nos océans, représentant la grande majorité de la pollution maritime. Quand le monde du silence, si cher à Cousteau, devient peu à peu le monde du plastique…

Pour les industriels, le plastique est une bénédiction. Un faible coût de production, mais surtout des propriétés idéales : solide, léger, résistant à la corrosion et à de nombreux produits chimiques, etc. En ajoutant différents additifs, un ignifugeant par exemple, les possibilités sont presque infinies. Rien d’étonnant donc à ce que la production de matières plastiques n’ait cessée d’augmenter ces dernières décennies, mis à part une courte baisse à la fin des années 2000. D’une production presque confidentielle au milieu du XXème siècle, l’industrie produit actuellement près de 300 millions de tonnes de plastique chaque année, utilisé dans quasiment tous les secteurs : bâtiment, automobile, électronique… Et surtout, représentant près de la moitié des matières plastiques, les emballages, pour un usage éphémère donc.

Pour ces emballages, il n’y a bien que l’utilisation qui soit éphémère

Le plastique, avec ses formidables propriétés de résistance, est fait pour durer. Des dizaines, parfois des centaines d’années. Lorsque ce plastique ne fait pas l’objet d’un tri et d’un recyclage consciencieux (recyclage qui ne concerne aujourd’hui que 20 % du plastique en France), il finit immanquablement par se retrouver dans la nature, et notamment en mer. Chaque année, entre 10 et 20 millions de tonnes de déchets en tous genres sont déversés dans les océans, dont une grande majorité de matières plastiques. En surface, ces dernières représentent même la quasi-totalité des objets flottants. Si certains détritus proviennent des activités maritimes, en moyenne, 70 à 80 % des déchets rejetés en mer sont arrivés par la terre, acheminés notamment par les fleuves et les rivières.

Une fois en mer, la plupart des déchets plastiques flottent à la surface

Entraînés sur des distances énormes par les courants marins, ils flottent jusque dans les zones les plus reculées de la planète. Si certains s’échouent sur les côtes, d’autres se trouvent pris dans les gyres océaniques, ces gigantesques tourbillons marins de plusieurs milliers de kilomètres. C’est dans l’un de ces gyres, celui situé dans le Pacifique Nord, que l’océanographe Charles Moore mettra en lumière

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dans les années 1990 ce qu’il nommera « le continent de plastique ». Le terme, s’il est fort, ne représente pourtant que peu la réalité. Loin d’être une île d’ordures émergeant de l’océan, il s’agit plutôt d’une forte concentration de détritus flottants. Quelques gros déchets, les « macroplastiques », bouteilles d’eau, sacs plastiques et autres emballages, mais surtout de petites particules de moins de cinq millimètres appelées microplastiques. Ces gyres forment ainsi une véritable soupe de minuscules débris plastiques, provenant notamment de la lente dégradation de macroplastiques.

Ces microplastiques ne sont pas uniquement cantonnés aux gyres océaniques, se retrouvant partout sur la planète. La méditerranée, mer presque fermée, souffre ainsi de la plus forte densité de microplastiques au monde : 115 000 particules par kilomètres carrés. Sujet longtemps boudé par la communauté scientifique, ce n’est que depuis quelques années que des études s’intéressent à cette forme de plastique bien moins visible que les gros objets flottants. L’ampleur du phénomène, sa répartition et surtout ses impacts potentiels sur l’environnement restent donc encore méconnus. Si beaucoup reste à faire, Tara compte bien apporter sa pierre à l’édifice, en profitant de ces six mois d’expédition en Méditerranée pour recueillir le maximum d’informations sur ces microplastiques et leurs interactions avec l’écosystème planctonique.

Yann Chavance

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Les enjeux environnementaux en Méditerranée

Publié le 23 mai 2014 27/05/2014

Le développement urbain et industriel pose aujourd’hui des nombreux défis de gestion de la Méditerranée notamment sur la gestion des déchets et des pollutions, à plus de 90 % d’origine terrestre. S’ajoute au défi de la diminution de la pollution, la bonne gestion du transport maritime, de l’exploration d’hydrocarbures, de la pêche industrielle et du tourisme, éléments essentiels dans les efforts en cours pour une Méditerranée en bonne santé écologique.

Il est également important de soutenir la création et la gestion de zones protégées pour restaurer les écosystèmes les plus touchés, soutenir les stocks de poissons et pour préserver certaines espèces en danger. Au delà des cris d’alarme et d’un simple constat, nous voulons promouvoir les solutions et l’innovation pour les plastiques du futur et les faire avancer concrètement dans les processus politiques en cours dans les sphères régionales, nationales et internationales.

POUR STIMULER LE DÉBAT : QUELLES SOLUTIONS?

> Réduction de la pollution à la source : éducation, recyclage, promotion de l’économie circulaire.> Gestion intégrée des bassins versants : nettoyage des canaux et rivières.> Écologie des emballages : responsabilité des producteurs.> Bioplastiques : biosourcés, biodégradables, oxofragmentables. Quels types ? Quels impacts réels et lesquels sont une vraie solution ?> Réduction de la pollution chimique à la source : réglementations internationales.> Recherche et innovation : plastique et micro-organismes, quels organismes pourraient dégrader quel type de plastique ?> Interdiction du sac plastique à usage unique : la France peut montrer l’exemple dans ce domaine. L’Europe a déjà adopté en mai 2014 un texte fixant des objectifs de réduction des sacs plastiques à usage unique par les pays membres. Tara considère ce texte comme une avancée mais elle est insuffisante.

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DEUX FORMES DE POLLUTION PLASTIQUE EN MER

> DÉCHETS ET DÉBRIS PLASTIQUES : Bouteilles, bouchons, morceaux… Environ 6 millions et demi de tonnes de déchets sont déversées par an dans les océans et les mers du monde dont 80 % sont en plastique, soit 206 kilos par seconde…

> MICROPLASTIQUES (- 5MM) : granulés, billes, microbeads, fibres textiles… Une pollution complexe, invisible et difficile à traiter. Alors que les macro-déchets impactent directement les poissons et oiseaux marins, les microplastiques ont un impact sur les micro-organismes marins et donc sur toute la chaîne alimentaire.

LA MÉDITERRANÉE EN CHIFFRES

> 450 millions d’habitants vivent sur les zones côtières de la Méditerranée répartis dans 22 pays riverains.

> De 1970 à 2000, en 30 ans, la population d’ensemble des pays riverains a cru fortement de 285 millions à 427 millions d’habitants. Avec deux phénomènes collatéraux: la littoralisation et l’urbanisation.

> La Méditerranée abrite près de 8 % de la diversité biologique marine, même si elle ne représente que 0,8 % de la surface de l’Océan.

> On recense aujourd’hui 925 espèces invasives en Méditerranée dont 56% sont pérennes selon une étude menée par le Plan Bleu (UNEP).

> La Méditerranée concentre 30% trafic maritime mondial au passage du canal de Suez.

> Il existe une soixantaine de plate formes côtières d’exploration et d’exploitation d’hydrocarbures en Méditerranée.

> On estime que 90% de la pollution de la Méditerranée vient de la terre.

> La région méditerranéenne est la région touristique la plus importante du monde ; elle attire environ 30% du tourisme international.

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LES INSTRUMENTS SCIENTIFIQUES A BORD DE TARA

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Les outils de la science

Publié le 22/08/2014. Pour cette expédition en Méditerranée à la recherche des fragments de plastiques, ces petits débris flottant à la surface de l’océan, la goélette a fait le plein de nouveaux instruments de prélèvements adaptés à cette pêche un peu spéciale. Tour d’horizon de l’armada scientifique de Tara.

Comme lors des précédentes expéditions de Tara, la science à bord de la goélette s’organise en stations de prélèvements. Ces dernières, pour ce tour de la Méditerranée, sont quotidiennes : en moyenne, une station de quatre à cinq heures le matin, suivie d’une plus courte de deux heures en début de nuit, lorsque le plancton remonte à la surface. Un programme quotidien qui s’adapte bien entendu aux conditions météorologiques et aux zones traversées. Car évidemment, ces points de prélèvements sont loin d’être choisis au hasard : hauts-fonds, zones côtières, tourbillons marins, zones brassées par les courants, etc., l’équipe scientifique à terre jongle en permanence avec les cartes météorologiques et océanographiques pour dénicher les spots de prélèvements les plus pertinents. Une fois la goélette arrivée au bon endroit, au bon moment, la station peut alors enfin débuter.

Le filet Manta, ratissant la surface

Si la rosette, cet ensemble de bouteilles Niskin prélevant l’eau de mer à différentes profondeurs, était la star des précédentes expéditions, elle a laissé la place pour Tara Méditerranée au filet Manta. Véritable pièce maîtresse des stations de prélèvement, ce petit filet plonge en moyenne cinq à six fois par jour dans les eaux traversées par la goélette. Simple dans sa conception, le Manta a prouvé sa redoutable efficacité pour récolter le plastique flottant et les micro-organismes de surface : depuis le début de l’expédition, pas un seul filet n’est remonté sans particules plastiques… Sa structure métallique, composée d’une gueule béante et de deux « ailes » lui permettant de se maintenir à la surface, lui donne l’allure de la raie du même nom. Accroché à cette structure, un long filet en entonnoir d’une maille de 335 microns (soit un tiers de millimètre) se termine par un cylindre, le collecteur, emprisonnant toutes les particules passées à travers la gueule du Manta.

Les filets Bongo, à faible profondeur

Près d’une centaine de mètres de câble sont déroulés à chaque mise à l’eau pour laisser le filet Manta ratisser la surface, loin du bateau. Un ingénieux système d’attache permet de surcroît au filet de se placer parallèle à notre route, pour éviter de se retrouver dans les eaux brassées de notre sillage. C’est ainsi tracté par Tara que le Manta avalera les 20 premiers centimètres de la surface durant, selon les protocoles, une demi-heure ou une heure… Si les conditions le permettent. Car dès que la mer devient trop grosse, les particules brassées par la houle échappent pour la plupart à la gueule du Manta. Ce sont alors les filets Bongo qui prennent la relève : deux gros filets en entonnoir, lestés pour se maintenir à un mètre sous la surface. Quel que soit le filet utilisé, l’équipe scientifique à bord note scrupuleusement la position GPS de mise à l’eau et de remontée, ainsi que la vitesse du bateau, pour en déduire la quantité d’eau ainsi filtrée. Une fois sur le pont, les collecteurs des filets peuvent alors être tamisés pour

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découvrir le résultat de la pêche.

La CTD, un ensemble de données physico-chimiques

Ces filets, Manta ou Bongo, ne sont pas les seuls outils utilisés sur le pont arrière de Tara. Car si nous nous intéressons aux particules plastiques, les organismes planctoniques qui peuplent les masses d’eau – et colonisent parfois ces débris flottants – sont aussi au cœur de l’étude menée par Tara en Méditerranée. Pour récolter ces minuscules crustacés, micro-algues ou bactéries, une bouteille Niskin est plongée régulièrement à trois mètres de profondeur, emprisonnant des milliards de micro-organismes dans ses cinq litres de contenance. Pour offrir une vision la plus large possible de la zone échantillonnée, une CTD (pour Conductivity-Temperature-Depth) donne également de précieuses informations sur la masse d’eau étudiée : plongée au bout d’un câble à 200 mètres de profondeur, cet instrument bourré de capteurs mesure tout au long de sa descente et de sa remontée, quatre fois par seconde, la pression, la température, la conductivité (révélant la salinité), la fluorescence (donnant des informations sur la distribution du phytoplancton, le fameux plancton végétal), et la rétrodiffusion (permettant d’évaluer la concentration en particules). Des informations capitales sur toute la masse d’eau s’enfonçant sous les filets de surface : ces données physico-chimiques permettent notamment de mieux comprendre l’environnement dans lequel évoluent particules plastiques et micro-organismes.

L’HTSRB, des océans aux satellites

Enfin, chaque jour lorsque le soleil est au zénith, un dernier instrument plonge lui aussi dans l’eau depuis le pont arrière de Tara, répondant au nom barbare d’HTSRB. Parfois surnommé « Star Wars » à bord de par sa forme de vaisseau spatial tout droit tiré d’un film de science-fiction, l’HTSRB pointe un capteur vers le ciel, mesurant l’intensité lumineuse reçue, et un autre vers les profondeurs, décryptant la couleur de l’océan, le tout sur 150 longueurs d’onde, notamment dans les ultra-violets. Ces rayons UV étant connus pour dégrader les matières plastiques, ce type de données intéresse évidemment les scientifiques étudiant la pollution plastique. Mais l’utilisation de l’HTSRB à bord de Tara dépasse ce seul champ de recherche : les données récoltées sur la couleur de l’océan servent à affiner les paramètres utilisés par les satellites scrutant les océans du monde entier. Mieux, elles participent également à développer les algorithmes utilisés par les prochaines générations de satellites. Ainsi, à l’horizon 2020, un nouveau satellite lancé par la NASA sera capable de prendre des mesures beaucoup plus complètes sur la couleur des océans, grâce notamment aux données relevées à bord de la goélette ces dernières années.

Si l’étude des micro-plastiques est la raison d’être de cette nouvelle expédition en Méditerranée, Tara est ainsi également une aubaine pour bon nombre de spécialités scientifiques, désireuses de profiter de ce navire de recherche sillonnant durant sept mois sans discontinuer toute la mer Méditerranée. En marge des stations de prélèvements centrées sur les microplastiques et les communautés planctoniques les colonisant, l’équipe scientifique de Tara procède ainsi régulièrement à d’autres recherches, allant du comptage des méduses à l’enregistrement des chants des cétacés. Des domaines d’études aussi divers que variés, mais partageant au final la même ambition : mieux comprendre le monde marin qui nous entoure.

Yann Chavance

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LES BACTERIES ET LA DEGRADATION DES PLASTIQUES

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La dégradation des plastiques en mer

Publié le 14/07/2014

Le devenir des déchets en mer est une préoccupation environnementale de premier ordre qui fait aujourd’hui partie de la définition du « bon état écologique » de la Directive Cadre Sur le Milieu Marin (DCSMM, descripteur n°10). En milieu marin, ces déchets sont composés de 40 à 80% de plastiques (Barnes et al., 2009). Des travaux récents estiment à 5 250 milliards le nombre de particules plastiques qui flottent à la surface des mers et océans, équivalent à 268 940 tonnes de déchets (Eriksen et al., 2014).

Dussud C, Ghiglione JF (2014). Biodégradation des plastiques en mer. Société française d’Écologie, Regards et débats sur la biodiversité N°63.

1 : CNRS, UMR 7621, Laboratoire d’Océanographie Microbienne, Observatoire Océanologique, F-66650 Banyuls/mer, France2 : Sorbonne Universités, UPMC Univ Paris 06, UMR 7621, Laboratoire d’Océanographie Microbienne, Observatoire Océanologique, F-66650 Banyuls/mer, France

Mots clés : écotoxicologie microbienne, écosystèmes marins, déchets, réseaux trophiques, bioaccumulation, bioremédiation, relation Homme-Nature

Une pollution mondiale

La pollution par les déchets plastiques touche tous les océans, y compris les zones polaires. Il existe néanmoins des zones d’accumulation créées par des courants marins appelés gyres océaniques (Lebreton et al., 2012). La plus connue est la zone d’accumulation dans le gyre du Pacifique Nord (« 7ème continent de plastique » ou « grande zone d’ordure du Pacifique»), mais cet exemple n’est pas un cas isolé. Les modèles de circulations océaniques suggèrent des zones d’accumulations dans quatre autres gyres (Pacifique Sud, Atlantique Nord, Atlantique Sud et Océan Indien). La Méditerranée est également très polluée par les plastiques du fait de son caractère de mer semi-fermée, avec un taux de renouvellement des eaux de 90 ans alors que la persistance des plastiques est supérieure à 100 ans (Lebreton et al., 2012).

La présence de ces matériaux synthétiques dans le milieu naturel est relativement récente, puisque l’essor de l’industrie du plastique date des années 1970. Les débris plastiques retrouvés à la surface de l’eau sont dominés par les particules de taille inférieure à 5mm, communément appelées des microplastiques (Hidalgo-Ruz et al., 2012). Les microplastiques sont issus de la fragmentation des plastiques et sont également dispersés dans tous les océans (Ivar do Sul et al., 2014). Ces fragments sont très stables et peuvent parfois persister jusqu’à 1000 ans dans le milieu marin (Cózar et al., 2014).

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Toxicité des plastiques et perturbation des chaînes alimentaires

Dans l’environnement, la pollution par les plastiques peut avoir plusieurs conséquences. Mise à part la

pollution visuelle qu’ils engendrent, les plastiques touchent les organismes marins de manière directe ou indirecte à différents échelons de la chaîne alimentaire (Wright et al., 2013). Au plan chimique, les matières plastiques sont constituées d’enchaînements de séquences identiques (ou polymères) de molécules carbonées, principalement d’hydrocarbures*, molécules organiques toxiques pour de nombreux organismes, susceptibles de s’accumuler le long des chaînes alimentaires.

Dans les zones d’accumulation, la concentration de microplastiques observée (de taille de 0,5 à 5mm) est comparable à celle du zooplancton (entre 0.005 mm et plus de 50 mm). La Méditerranée, par exemple, présente des ratios microplastiques/zooplancton entre 1/10 à 1/2 (Collignon et al., 2012). Le risque pour les prédateurs du zooplancton (i.e. les poissons) d’ingérer du microplastique est donc considérable. Le temps de résidence du plastique dans de petits poissons pélagiques est évalué entre 1 jour et 1 an (Davidson & Asch, 2011). Les fragments de microplastiques ingérés sont retrouvés dans les déjections des animaux, ils peuvent couler avec les cadavres ou encore être transférés aux prédateurs et ainsi atteindre les échelons supérieurs de la chaîne alimentaire (Cózar et al., 2014).

Les plastiques sont également des vecteurs de dispersion de composés toxiques qui peuvent aussi s’accumuler dans les chaînes alimentaires. Ces composés peuvent être directement présent dans la composition des plastiques, ou bien s’adsorber à leur surface. Dans le premier cas, il s’agit d’additifs (phtalates, biphényles) incorporés à certains plastiques pour augmenter leur résistance. Différents travaux ont montré que ces composés peuvent être toxiques pour certains animaux et l’homme (Lithner et al. 2011). D’autres composés toxiques (hydrocarbures, pesticides, DDT, PCB) peuvent s’adsorber sur les plastiques, ce qui est susceptible d’augmenter leur dispersion, leur persistance en mer et leur accumulation dans les échelons trophiques les plus élevés (Teuten et al., 2009).

Les effets désastreux de l’ingestion des débris de plastiques confondus avec des proies sont également bien documentés, avec des conséquences sur les systèmes digestifs des animaux tels que les poissons, les oiseaux, les tortues de mer et les mammifères marins, pouvant entraîner leur mort (Andrady 2011). Ces débris sont également considérés comme vecteurs de dispersion d’algues toxiques (Masó et al. 2007) et de micro organismes pathogènes (Zettler et al., 2011).

La pollution par les plastiques en mer en quelques chiffres

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Dégradation des plastiques en mer

Plusieurs études se sont attachées à décrire les étapes physiques, chimiques et biologiques intervenant dans la décomposition du plastique (Andrady, 2011). La dégradation biologique est en majeure partie réalisée par les micro organismes, essentiellement des bactéries (Shah et al., 2008). Organismes les plus abondant dans les océans (~100 millions de bactéries et >500 espèces par litre d’eau de mer), ces micro organismes invisibles à l’œil nu ont des capacités métaboliques extrêmement variées. Dans leur milieu naturel, les bactéries jouent un rôle d’éboueur des océans (organismes saprophytes) puisqu’elles reminéralisent la moitié du carbone organique qui provient des déchets de la chaîne alimentaire. De nombreuses bactéries sont également spécialisées dans la dégradation des hydrocarbures (bactéries hydrocarbonoclastes), composants majeurs des plastiques. La capacité de dégradation de différents types de plastiques par les bactéries a largement été abordée dans la littérature, montrant une vaste diversité de bactéries capables de les dégrader (voir par exemple la revue de Shah et al. 2008). On aperçoit ici l’enjeu environnemental des recherches actuelles visant à mieux caractériser la biodégradation des plastiques par les communautés bactériennes.

Les étapes de la dégradation en mer

Un plastique qui arrive en mer va d’abord subir une dégradation abiotique (non biologique). Des dégradations physiques (vagues, température et UV) et chimiques (oxydation ou hydrolyse) vont contribuer à fragiliser les structures des polymères (Ipekoglu et al., 2007) et réduire le plastique en morceaux de plus petite taille. La dégradation biologique intervient ensuite. Elle est composée de quatre étapes successives (Figure 1).

Figure 1: Les différentes étapes de la biodégradation du plastique par les bactéries (Dussud et Ghiglione, sous presse)

1. La bio-détérioration est engendrée par l’action mécanique du biofilm bactérien qui se forme à la surface du plastique (Figure 2) et qui va pouvoir agrandir les fissures déjà présentes (Bonhomme et al.,

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2003). Une dégradation chimique peut également être orchestrée par la grande diversité des espèces présentes dans le biofilm, telle que la production de composés acides par les bactéries chimiolithotrophes et chimioorganotrophes.

Figure 2 : Biofilm formé par Rhodococcus ruber C208 sur la surface de polyéthylène UV photo-oxydée, observé au microscope électronique à balayage. Initiation de la biodégradation détectée dans les 3 jours. Contrôle : Surface non inoculée (selon Sivan et al. 2011).

2. La bio-fragmentation est l’action d’enzymes bactériennes libérées à l’extérieur des cellules pour cliver les polymères plastiques en séquences plus courtes, oligomères et monomères. Les oxygénases, par exemple, rendent les polymères de plastique plus hydrosolubles et donc plus facilement dégradables par les bactéries. Les lipases et les estérases attaquent spécifiquement les groupes carboxyliques et les endopeptidases les groupements amines. Différentes espèces bactériennes sont impliquées dans ce processus (Ghosh et al. 2013).

3. L’assimilation consiste au transfert des molécules plastiques de taille <600Da (daltons) dans les cellules bactériennes et à leur transformation en composés cellulaires et en biomasse.

4. La minéralisation correspond à la dégradation complète du plastique en molécules oxydées (CO2, N2, CH4, H2O).

Des études ont démontré que la souche R. ruber C208 incubée 30 jours sur du polyéthylène photo-oxydé (Figure 2) conduisait à la formation d’un biofilm et contribuait à la perte de 8% du poids sec de plastique (Sivan 2011). Si d’autres exemples de ce type ont été rapportés dans la littérature, ces observations reposent néanmoins sur des études en condition de laboratoire qui utilisent une seule espèce bactérienne. Or, le processus en milieu naturel est beaucoup plus complexe et fait intervenir de nombreuses espèces bactériennes. A notre connaissance, une seule étude a caractérisé les communautés bactériennes qui colonisent les plastiques avec les nouvelles approches de pyroséquençage haut-débit (Zettler et al. 2013), mais ces travaux ne donnent aucune indication sur leur capacité de dégradation des plastiques.

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L’enjeu actuel des recherches dans ce domaine repose sur la meilleure compréhension des mécanismes de biodégradation des plastiques par les communautés naturelles. Quelles espèces colonisent les plastiques et lesquelles sont capables de les dégrader ? Les mécanismes moléculaires mis en jeu pour la dégradation sont-ils aussi différents que la grande variété de leur composition ? Actuellement, le programme national PlasticMicro coordonné par le Laboratoire d’Océanographie Microbienne de Banyuls (PI. JF Ghiglione) et financé par le CNRS tente de répondre à cette question. Une approche couplée de DNA-SIP et de pyroséquençage haut débit déjà utilisée pour identifier les bactéries capables de dégrader les hydrocarbures aromatiques polycycliques (Sauret et al. 2014) est proposée dans ce programme. Cette approche repose sur le marquage isotopique des plastiques et le suivi de leur incorporation par les bactéries pour accéder à la communauté fonctionnelle des « bactéries plasticlastes ». Ces travaux sont également mis en relation avec la récente expédition scientifique «Tara Méditerranée» coordonnée par l’Observatoire Océanologique de Villefranche (PI. G. Gorsky et M.L. Pedrotti) qui a récolté les microplastiques dans toute la Méditerranée.

Les plastiques biodégradables : une solution ?

La dégradation des plastiques conventionnels en mer est un processus très lent (>100 ans) qui conduit à leur accumulation dans les océans. Par exemple, on estime que la concentration de microplastiques en Méditerranée augmentera de 8% dans les 30 prochaines années (Lebreton et al., 2012). De nouveaux plastiques dits « biodégradables » apparaissent sur le marché pour réduire l’impact des déchets plastiques en mer.

La définition d’un plastique biodégradable est donnée par la norme européenne EN 13432 de 2007 qui fixe la biodégradabilité à un seuil d’au moins 90% de dégradation en six mois maximum dans des conditions de compostage (environnement microbiologique actif dans des conditions particulières d’humidité et de température). Le résultat de cette dégradation est la formation de biomasse bactérienne ou sa minéralisation. Cette norme ne donne pas d’information sur la biodégradabilité dans des conditions environnementales – en milieu marin notamment – et suggère une collecte des plastiques biodégradables. Sachant que les plastiques retrouvés en mer ont pour origine un manque de collecte, le fait de répondre à cette norme ne résout pas le problème des déchets plastiques en mer. Néanmoins, la recherche et l’innovation peuvent proposer d’autres solutions.

Les plastiques biodégradables sont de deux types :

– Les plastiques « hydro-biodégradables » ou « biosourcés » sont des produits issus de l’agriculture tels que l’amidon de maïs de maïs ou de pomme de terre. Si ce type de plastiques répond à la norme EN 13432 (qui suppose leur compostage), sa dégradation en milieu « naturel » reste sujette à controverse. D’autre part, il est entre 4 et 10 fois plus coûteux qu’un plastique classique et encourage l’agriculture intensive (utilisation d’engrais et de pesticides pour améliorer le rendement des récoltes).

– Les plastiques « oxo-biodégradables » sont de même composition primaire que les plastiques conventionnels (polyéthylène, polypropylène, polystyrène,… même filières de production) auxquels ont été ajoutés des stabilisants qui permettent de prédire leur durée de vie et des pro-oxydants qui facilitent leur biodégradation par les micro organismes. Si la dégradation abiotique de ces plastiques est bien documentée, la démonstration de leur biodégradation reste un sujet d’équivoque dans le domaine.

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Néanmoins, les évolutions des formulations des additifs semblent prometteuses. Très récemment, l’additif « d2w» (http://www.symphonyenvironmental.com/d2w/) a obtenu un écolabel (365.001/14) décerné aux produits respectueux de l’environnement selon les normes ISO 14020:2002 et 14024:2004.

Conclusions

Différentes actions de recherches nationales et internationales ont été encouragées ces dernières années devant l’ampleur de la pollution par les plastiques en mer. La compréhension des mécanismes de leur biodégradation en mer est à ses balbutiements. Si certains mécanismes ont été observés en condition de laboratoire, leur étude en milieu naturel reste largement inexplorée. Par exemple, les mécanismes moléculaires de bio-détérioration, bio-fragmentation, bio-assimilation et bio-minéralisation sont aujourd’hui inconnus. La diversité des micro organismes associés à ces différentes étapes de la biodégradation est également ignorée. La compréhension de ces processus permettra de mieux définir les taux de biodégradation des plastiques et de mieux prédire le devenir des plastiques dits « biodégradables » en mer.La mer est le réceptacle ultime de tous les déchets produits sur terre (80% des déchets retrouvés en mer proviennent de la terre). La solution au problème de la pollution des plastiques en mer ne viendra certainement pas de la mer elle-même, mais d’une prise de conscience des citoyens qui sont responsables de cette pollution (plus de 30% des déchets plastiques retrouvés en mer proviennent d’un manque de collecte de la part des ménages).

Glossaire

Bactéries chimiolithotrophes : Bactéries puisant leur énergie dans les liaisons chimiques de composés minéraux.

Bactéries chimioorganotrophes : Bactéries puisant leur énergie dans les liaisons chimiques de molécules organiques.

Groupement carboxyle : – CO2

Gyre océanique : tourbillon d’eau océanique formé d’un ensemble de courants marins et provoqué par la force de Coriolis.

Hydrocarbure : composé organique constitué exclusivement d’atomes de carbone et d’hydrogène.

Organismes saprophytes : micro-organismes qui se nourrissent de matières organiques en décomposition qu’ils transforment en matière minérale.

Poissons pélagiques : poissons vivant et se nourrissant dans la colonne d’eau.

Pyroséquençage haut débit : technique permettant de séquencer le génome rapidement avec une lecture directe de la séquence.

SIP : Stable Isotope Probing, technique en écologie microbienne qui permet de tracer les flux de nutriments utilisés par les micro organismes. Le substrat est enrichi avec un isotope stable qui est consommé par les organismes à étudier.

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Zooplancton : organismes de type animal qui flottent au gré des courants, ils sont à la base de la plupart des chaînes alimentaires.

Bibliographie

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Cózar A, Echevarría , et al., 2014. Plastic debris in the open ocean. Proceedings of the National Academy of Sciences, 111(28): 10239-10244.

Davison P et Asch RG, 2011. Plastic ingestion by mesopelagic fishes in the North Pacific Subtropical Gyre. Marine Ecology Progress Series, 432: 173-180.

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http://www.sfecologie.org/regards/2014/12/26/r63-plastiques-en-mer-dussud-et-ghiglione/#comment-259688

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«Les bactéries sont un peu les éboueurs de l’océan»

Publié le 02/10/2014

Parmi les chercheurs qui collaborent avec Tara pour cette 10ème expédition, Jean-François Ghiglione qui officie à l’Observatoire océanographique de Banyuls-sur-Mer pour le CNRS. A bord pour quelques jours, il ne communique pas seulement sa bonne humeur, il partage aussi volontiers ses connaissances avec beaucoup de pédagogie. Et lorsque Jeff aborde son sujet de recherche, il est intarissable. Focus sur les bactéries présentes dans le milieu marin.

Pourrais-tu d’abord nous expliquer comment vivent les bactéries en mer ?

Les bactéries sont là depuis que la vie existe sur Terre, elles se sont adaptées et sont capables de remplir toutes les fonctions présentes dans l’écosystème : fixer le CO2, comme le font les cyanobactéries,

manger de la matière organique, ou encore pousser dans des zones extrêmes privées d’oxygène. Ce sont des procaryotes, des êtres unicellulaires qui mesurent environ 1 micromètre, que l’on différencie de tout le reste du règne animal et végétal. Un litre d’eau de mer contient en moyenne 100 000 bactéries (105) et entre 2 000 à 3 000 espèces différentes. En fait, les bactéries sont les organismes les plus abondants en mer, il y en a partout même si on ne les voit pas. Elles se font manger par les flagellés et les ciliés, ou bien elles sont lysées par les virus.

Les bactéries sont un peu les éboueurs de l’océan : elles assimilent la moitié du carbone organique qui provient des déchets de la chaîne alimentaire (du phytoplancton aux poissons), ce qui leur confère un rôle clé dans le bilan de carbone mondial, car elles sont les seules à pouvoir transformer ce type de déchets en mer.

Quelle est l’interaction entre plastique et bactéries ?

On sait que les bactéries sont les seuls organismes capables de dégrader les plastiques dans le milieu marin, on sait aussi que certaines bactéries pathogènes peuvent se fixer sur les plastiques. Ces constats font donc émerger deux interrogations pour les scientifiques : les bactéries peuvent-elles représenter une source d’espoir pour la dégradation des plastiques en mer ? Les bactéries pathogènes qui colonisent les plastiques peuvent-elles représenter un danger sanitaire potentiel ? Ces questions seront abordées grâce aux échantillons récoltés à bord de Tara.

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Comment fonctionne la dégradation bactérienne des plastiques ?

Le plastique est une invention humaine assez récente, qui date des années 60-70, mais on constate que les bactéries parviennent déjà à le dégrader dans certaines conditions. La durée de vie d’un plastique en mer est estimée à 100 ans : lorsqu’il arrive dans l’eau, la physique va initier la dégradation, il est alors brisé en morceaux par l’action des courants et des UV. Les bactéries interviennent ensuite, mais leur travail de dégradation est très lent.

La bactérie se confronte à deux difficultés pour parvenir à « s’attaquer » au plastique. Elle doit d’abord réussir à s’attacher au microplastique qui se révèle très « glissant » (hydrophobe). Afin de contourner ce problème, elle va envoyer des molécules à l’extérieur de sa cellule pour « s’arrimer ». Une fois les premières bactéries accrochées, d’autres vont pouvoir s’agglutiner et se développer dessus. Cette colonie forme alors ce qu’on appelle un biofilm. En fait, les bactéries sont tellement nombreuses à se développer sur la particule plastique, qu’elles forment un petit film visible à l’œil nu.

La seconde difficulté rencontrée est de taille! Au départ, les plastiques ne sont pas « comestibles », ils doivent être oxydés (notamment par les UV) pour que les bactéries parviennent à s’en nourrir. Comme les particules de plastiques sont bien trop grosses pour être mangées telles quelles, les bactéries commencent à les « attaquer » en envoyant des enzymes hors de leurs cellules (exoenzymes). Différentes espèces de bactéries sont impliquées dans ce très lent processus de dégradation, jusqu’à ce qu’elles parviennent à le réduire en toutes petites molécules qu’elles pourront enfin manger. Cette ultime assimilation permet d’éliminer le plastique, qui est alors transformé en biomasse ou en CO2.

Il existe des bactéries pathogènes, de quoi s’agit-il ?

Ce sont celles qui créent des maladies, comme les Salmonelles par exemple. Les chercheurs les ont beaucoup étudiées depuis Pasteur, parce qu’elles sont responsables de maladies pour l’Homme. En général, on peut retrouver ces pathogènes en mer à proximité des stations d’épuration, mais elles sont rapidement diluées. Il faut noter que la fonction des stations d’épuration n’est pas d’éliminer les bactéries pathogènes, mais d’éliminer la matière organique.

La question que nous nous posons est la suivante : les bactéries pathogènes peuvent-elles se « cacher » dans les micro plastiques ?

Les bactéries aiment vivre sur des supports où elles se mettent à l’abri de leurs prédateurs. On peut alors imaginer que des bactéries pathogènes parviennent à vivre plus longtemps en mer en se cachant sur des plastiques largués par les stations d’épurations. Certaines stations utilisent des media filtrants*: de petits cercles plastique ajoutés dans les bassins de retenue des stations pour favoriser la croissance des bactéries et donc pour améliorer la dégradation de la matière organique. Malheureusement, nous avons retrouvé beaucoup de ces médias filtrants lors de la campagne Tara Méditerranée, près des côtes et même au large. Sans être alarmiste, nous nous interrogeons sur le risque sanitaire potentiel de dissémination des bactéries pathogènes et nous allons, entre autre, étudier cela à l’aide des échantillons collectés sur Tara.

Propos recueillis par Noëlie Pansiot

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A PROPOS DES MICROBILLES

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“La recherche peut faire évoluer les choses”

Publié le 20/09/2014 Interview de Rachel Cable

Partenaire de Tara Méditerranée, le laboratoire de Melissa Duhaime, dans le Michigan, participe aux stations scientifiques. Pendant 10 jours la scientifique américaine Rachel Cable a participé à l’échantillonnage sur le pont arrière de Tara. De retour aux USA, elle utilise les mêmes protocoles dans les Grands Lacs laurentiens. Elle a gentiment répondu à quelques questions sur son travail à bord.

Pourriez-vous nous expliquer le but de votre travail?

Je travaille dans le laboratoire de Melissa Duhaime à l’Université du Michigan où nous étudions à présent les microplastiques, principalement dans les Grands Lacs. Nous naviguons sur les lacs et prenons des échantillons à la surface, et en dessous de la surface de l’eau, avec les filets Manta (200 traits de filet depuis le début de Tara Méditerranée) et Bongo, comme nous faisons sur Tara en Méditerranée. Nous recueillons les morceaux de plastique de ces échantillons, puis nous comptons combien de morceaux se trouvent dans différents endroits à travers les lacs. Nous essayons également de savoir quelles communautés microbiennes se développent sur les matières plastiques. Nous utilisons le même protocole que nous suivons sur Tara, pour lequel on garde tous les morceaux de chaque collecte du Manta, et on met certains dans une solution qui nous permettra d’examiner la communauté microbienne dans le laboratoire.

Je travaille dans le Duhaime lab comme technicien de recherche. Je suis la personne sur le terrain qui fait la plupart de l’échantillonnage, et puis quand nous retournons au laboratoire, je suis celle qui va séparer les morceaux de plastique de chaque échantillon pour les organiser par taille. Finalement, je vais aussi aider au séquençage de l’ADN pour identifier les espèces présentes sur les matières plastiques. J’ai une bonne équipe d’étudiants à l’Université du Michigan qui m’aide dans mon travail sur le terrain et au labo.

Combien d’échantillons avez-vous collecté pour Michigan au cours de cette étape?

Nous avons effectué 5 stations pour le labo de Michigan – 4 avec le filet Manta et une avec le filet Bongo. Je suis ici également pour faire une expérience supplémentaire afin de mesurer la quantité d’oxygène consommée ou produite par les organismes qui poussent sur chaque morceau de plastique. Nous étudions la consommation d’oxygène par les microbes sur les plastiques, afin de comprendre le fonctionnement de la communauté microbienne: est-ce que cette communauté fait de la photosynthèse?

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On veut connaître le fonctionnement global de la communauté microbienne qui est directement fixée à la matière plastique, ou parfois fixée à d’autres microbes sur le plastique. Nous sommes déjà en train d’analyser les morceaux de plastique pour l’ADN microbien, afin de pouvoir identifier les microbes spécifiques qui sont présents. Grâce à l’expérience sur la consommation d’oxygène, nous pouvons déjà voir le fonctionnement de ces microbes. Une perte nette d’oxygène sur un morceau de plastique veut dire qu’il y a des organismes qui respirent, et peut-être que ces organismes utilisent ou transforment le plastique. Si la communauté produit de l’oxygène, c’est peut-être la communauté dans son ensemble qui fait la photosynthèse: c’est à dire, les microbes s’attachent au plastique simplement parce qu’il flotte à la surface de l’eau et ils peuvent ainsi se rapprocher de la lumière. J’ai réalisé cette expérience 6 fois, avec à chaque fois 15 morceaux de plastique collectés dans le filet Manta. Maintenant je dois traiter les données.

Il semble que les microbilles sont aussi un problème pour la région des Grands Lacs. Pourriez-vous expliquer ceci?

En fait il s’agit d’un sujet de plus en plus étudié aux États-Unis, parce que nous avons des produits qui contiennent des morceaux de plastique minuscules, par exemple les produits cosmétiques pour se laver le visage, les dents, etc. La plupart des usines de traitement des eaux usées aux États-Unis ne peuvent pas les filtrer, ils sont trop petits. Donc, ces microplastiques passent dans la rivière, la rivière va dans les Grands Lacs (dans le Midwest et au Canada; les états de Michigan, Illinois, Indiana,Wisconsin, Ohio, Pennsylvanie, Minnesota et New York touchent les Grands Lacs). Le plastique s’accumule dans les lacs, donc on y trouve beaucoup de plastiques différents, mais on ne sait pas combien de temps ils vont y rester. En Méditerranée l’eau séjourne pendant une durée très longue, donc les plastiques restent très longtemps, et on observe beaucoup d’organismes qui poussent sur eux. Dans les Grands Lacs, nous n’en voyons pas autant, et ils ne se décomposent pas autant. On voit beaucoup de bouteilles en plastique, et des tout petits morceaux, mais pas grand chose entre ces 2 tailles, comme dans la Méditerranée. Un papier a été publié sur les microplastiques dans les Grands Lacs. Pour le Lac Erie, qui se trouve au bout d’une chaîne de lacs, on a trouvé environ 5 000 à 10 000 morceaux de plastique par kilomètre carré. Ça fait beaucoup de plastique dans un lac!

Etes-vous inquiète au sujet des microplastiques?

Oui, nous ne savons pas l’impact des matières plastiques dans l’eau, ni sur les animaux qui mangent ce plastique. Nous mangeons ces animaux, donc le problème est très préoccupant. Mais en même temps je trouve ce travail très intéressant et j’aime le sujet, parce que nous pouvons aider à faire changer les choses. Par exemple, dans le Midwest, dans l’Illinois, on vient de passer une loi interdisant les entreprises de produire des microbilles pour les produits de soins personnels, de sorte que ça devient un enjeu politique: les gens prennent position et veulent changer ce que nous jetons dans l’eau. Je pense qu’il est important d’étudier ce sujet en ce moment, car la recherche peut faire évoluer les choses. Ce n’est pas comme le changement climatique, où nous sommes certainement sur une voie que nous ne pouvons pas arrêter. Nous pouvons essayer de le ralentir, mais nous avons commencé quelque chose qui va continuer. Quant aux plastiques, juste le fait d’informer les gens sur le sujet peut faire une énorme différence, et j’aime participer à cet effort.

Interview par Noëlie Pansiot

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Les larmes de sirène font pleurer la mer

Publié le 24/09/2014

Invisibles à l’œil nu, les microbilles plastiques ont discrètement envahi nos produits quotidiens. Ces très fines particules sphériques sont désormais présentes dans des centaines, voire des milliers de produits cosmétiques : exfoliants, crèmes et laits de soin, nettoyants hydro alcooliques, dentifrices, vernis à ongle…

Si certains emballages annoncent leur présence : «contient des microbilles», d’autres ne la mentionnent pas ou brouillent les pistes. Figurent alors dans la liste des composants, des désignations obscures comme «polyéthylène» ou «polypropylène».

Oubliés les noyaux d’abricots concassés pour éliminer les peaux mortes, oubliées les recettes de beauté de nos grands-mères, les microbilles plastiques présentes dans les cosmétiques roulent sur la peau et apportent un toucher doux à nos crèmes. Voilà pourquoi, les industriels en usent et en abusent. Qu’elles soient inférieures à 1 mm ou un peu plus grosses, comme dans les produits exfoliants, leur sort reste le même. Elles ne sont pas biodégradables et se révèlent bien trop fines pour être filtrées par les stations d’épuration. Elles voyagent donc dans nos canalisations, par le drain de la douche, transitent par les égouts et les rivières, avant de terminer leur course dans les mers et les océans. Là, elles se feront peut-être porter par les courants pendant plusieurs siècles, ou entreront dans la chaîne alimentaire sous-marine, gobées par un poisson. Les anglo-saxons les nomment «mermaid tears» : les larmes de sirène empoisonnent les écosystèmes aquatiques.

Une fois de plus, l’effet cumulé des actions individuelles aboutit à un problème global. Des gestes de soin et d’hygiène anodins, ne le sont pas pour l’environnement et les acheteurs ne sont pas avertis. Et s’ils l’étaient, ils feraient probablement le choix de ne pas utiliser tel ou tel produit, passant ainsi du statut de consommateurs à celui de «consommacteurs».

Aux États-Unis, la région des Grands Lacs est particulièrement touchée par cette source de pollution. A tel point que l’État de l’Illinois légiférait au mois de juin pour interdire l’utilisation des microbilles plastiques par les industriels. D’autres États comme celui de New York, de Californie et de l’Ohio essaient de faire passer des interdictions similaires.

Les scientifiques s’y intéressent depuis quelques années et certaines estimations ont déjà été publiées. Le Docteur Leslie, de l’Université Libre d’Amsterdam, estime qu’un produit exfoliant (comme un

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gommage de marque) est composé à 10.6% de microplastiques. L’ONG américaine 5Gyres pointe du

doigt un autre produit, qui contiendrait à lui seul 360.000 microbilles. En Europe, les chercheurs Liebezeit et Dubaish, de l’Université allemande d’Oldenburg, estiment que les cosmétiques forment la principale source de pollution aux microplastiques de la mer des Wadden.

La problématique de ces microbilles intègre celle des microplastiques étudiée à bord de Tara. Et pourtant, le sujet n’est pas récent, puisqu’en 1972, E.J. Carpenter and K.L. Smith étaient les premiers chercheurs à tirer la sonnette d’alarme concernant la présence de fines particules plastiques à la surface de l’Atlantique. Peu de temps après la publication de leurs observations, ils signalaient l’ingestion de polyéthylène par des poissons. 42 ans se sont écoulés depuis ces premières observations et la situation n’a fait que s’aggraver. Mais il est encore temps d’inverser les tendances et de stopper les rejets en mer, pour peu que des décisions soient prises.

Noëlie Pansiot

Pour celles et ceux qui souhaitent renoncer à leur exfoliant industriel, voici une recette toute simple de gommage doux.

Ingrédients :

- une cuillère à soupe de sucre en poudre fin- une cuillère à soupe d’huile végétale (olive, argan ou noisette)- ajouter 2 gouttes d’huile essentielle de pamplemousse (optionnel)

Mélangez le tout dans un bol, appliquer en effectuant de petits mouvements circulaires.

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LES DANGERS POUR LA BIODIVERSITE

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Interview : «Les tortues souffrent de l’ingestion de nos déchets»

Publié le 20/10/2014

En Méditerranée, le taux d’ingestion de plastique par les tortues Caouanne varie de 15 à 80% selon les régions. Opportuniste, la tortue ne différencie pas le plastique de ses proies naturelles. Une faiblesse qui la place au rang «d’espèce indicatrice» pour la Communauté Européenne.

Dans un futur proche, le suivi scientifique des Caouannes permettra de connaître l’état de santé du bassin méditerranéen. Françoise Claro, Coordinatrice du Groupe Tortues Marines France, était à bord de Tara, l’occasion d’en savoir un peu plus sur ces reptiles.

Quelles espèces de tortues marines trouve-t-on dans le bassin méditerranéen ?

La tortue Caouanne et la tortue verte sont les deux espèces qui se reproduisent en Méditerranée. Il arrive également qu’on observe des tortues luth de passage. La Caouanne est l’espèce la plus fréquente sur nos côtes, elle se reproduit dans l’est du bassin méditerranéen, depuis la Grèce jusqu’au Liban. Observer une ponte dans la partie occidentale du bassin est un fait exceptionnel et pourtant, cette année, nous en avons dénombré 4 en Sardaigne, ainsi que 2 tentatives en Corse.

Quelles menaces pèsent sur ces espèces?

En Méditerranée, les tortues se confrontent à de nombreuses activités humaines, ce qui peut représenter des dangers, ainsi qu’un obstacle à leur migration. Si on évoque uniquement le cas des eaux françaises, les captures de tortues sont accidentelles car toutes les espèces sont protégées par l’arrêté ministériel du 14 octobre 2005. Il est donc absolument interdit de capturer ou de détenir une tortue. Les pêcheurs qui les capturent le font involontairement : elles peuvent se prendre dans leurs filets ou dans les hameçons des palangres. Nous observons également beaucoup de collisions avec des hélices de moteur, qui donnent lieu à des fractures de carapaces et des lésions profondes. En fait, les tortues vont respirer en surface et si un bateau arrive à grande vitesse sur la même trajectoire, il y a collision. En ce qui concerne les sites de reproduction, autrement dit les lieux de pontes, il existe d’autres menaces. La pollution lumineuse en est une : les tortues reproductrices peuvent être gênées par les lumières, lorsqu’elles veulent pondre. Et à l’inverse, les petites tortues qui viennent d’éclore peuvent être attirées par des lumières artificielles, prendre la mauvaise direction et se faire écraser par des voitures. Normalement, elles trouvent le chemin de la mer grâce à l’horizon lumineux. La destruction de l’habitat constitue une autre menace : certaines plages sont trop fréquentées ou trop dégradées. Et puis, les chiens errants peuvent déterrer les œufs et manger les petites tortues à leur sortie du nid. Et bien sûr, les tortues souffrent aussi de l’ingestion de nos déchets.

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Pourquoi les tortues sont-elles autant impactées par la pollution plastique?

Des études sur leur régime alimentaire et leurs contenus stomacaux montrent qu’elles sont très opportunistes. En général, elles se nourrissent d’organismes gélatineux comme des méduses ou des ascidies, donc des organismes qui peuvent ressembler à un plastique transparent en suspension.

Une collègue du réseau Tortues Marines Méditerranée Française, qui travaille à Antibes, vient de me rapporter plusieurs observations récentes : une tortue Caouanne d’une vingtaine de centimètres a été observée flottant sur un banc de déchets et une autre a été trouvée morte avec un sachet plastique dans la bouche et des déchets dans le tube digestif. Tout ça a eu lieu chez nous, en Côte d’Azur!

Cet impact est-il quantifiable?

Oui, dans une certaine mesure, nous pouvons par exemple mesurer les quantités de plastique trouvées dans l’appareil digestif des tortues qui sont échouées mortes. Mais le plastique n’est pas nécessairement à l’origine du décès. Un collègue Italien me parlait d’une tortue qui s’est perforée le tube digestif avec un bâtonnet de coton-tige. L’animal a succombé. Il arrive aussi qu’une tortue ingère tellement de déchets, que cela provoque une occlusion et si la muqueuse digestive nécrose, la tortue ne peut pas être sauvée. Dans ces deux derniers cas, il est facile de faire le lien entre les déchets et leur impact.

En revanche, d’autres effets sont plus difficiles à évaluer et nous émettons des hypothèses. Par exemple, pour ce qu’on nomme l’effet de dilution : lorsqu’une tortue ingère beaucoup de déchets, qu’il ne reste plus de place pour ses aliments naturels, elle n’absorbe plus suffisamment de nutriments et à long terme, elle peut grandir plus lentement, être plus vulnérable aux prédateurs et aux maladies. Autre exemple : lorsqu’une tortue ingère trop de déchets, son transit peut être perturbé, cela provoque des gaz qui la font flotter. De ce fait, l’animal ne peut plus plonger pour se nourrir.

La tortue Caouanne vient d’être désignée espèce indicatrice pour la directive-cadre stratégie pour le milieu marin*. Pourquoi avoir sélectionné cette espèce?

En ce qui concerne les déchets marins (en dehors des mesures qui seront effectuées pour évaluer les quantités des déchets dans notre environnement marin), la tortue Caouanne nous permettra d’évaluer si les mesures prises pour diminuer les quantités de déchets présents en mer, sont efficaces ou non. Pour la région Atlantique et Manche, c’est le fulmar boréal (fulmarus glacialis) qui a été désigné. Ces espèces permettront donc de suivre l’évolution de l’état de santé de nos mers européennes.

Propos recueillis par Noëlie Pansiot

Directive-cadre stratégique pour le milieu marin* : directive européenne qui définit des objectifs communs pour la protection et la conservation de l’environnement.

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«De petits morceaux de plastique pourraient être toxiques pour les

organismes»

Publié le 13/10/2014

Les recherches de Cristina Fossi visent à déterminer les effets des micro-plastiques sur les animaux marins. A bord du Tara, elle recueille du krill et autres micro-organismes. Au cours de certaines campagnes d’échantillonnage, elle recueille les tissus des baleines pour réaliser des biopsies.

Pour ce professeur d’écotoxicologie en Italie, la seule façon de résoudre le problème du plastique en Méditerranée – macro et micro – est de travailler à l’échelle mondiale: tous les pays doivent appliquer la Convention de Barcelone et suivre le plan d’action appelé le “Marine Litter Action Plan.”

Quel type de recherche faites-vous à l’Université de Sienne?

Notre groupe est un laboratoire de biomarqueurs. Pendant les 20 dernières années, nous avons participé à une étude de l’impact des contaminants sur les organismes marins en Méditerranée. Au cours des 5 dernières années, nous avons mis l’accent en particulier sur l’impact potentiel des microplastiques en Méditerranée, et en particulier dans la zone Pelagos. En fait, nous avons publié en 2012 le premier article sur l’impact des microplastiques sur les baleines. Nous pensons que c’est un sujet très important car c’est probablement l’une des espèces qui peut être largement affectée par les microplastiques. Chaque fois qu’une baleine ouvre sa bouche, elle filtre 70 000 litres d’eau. Ainsi c’est une des plus grandes espèces au monde à filtrer l’eau pour se nourrir, et donc à ingurgiter des microplastiques.

Comment fonctionne votre collaboration avec Tara?

Nous faisons des recherches à bord avec Maria Luiza Pedrotti et Gabriel Gorsky du Laboratoire Océanographique de Villefranche-sur-Mer. Nous essayons d’identifier les effets des contaminants transportés par les microplastiques sur toute la chaîne alimentaire. Tous ces petits morceaux de plastique peuvent être toxiques pour les organismes. Le plastique lui-même est plein de contaminants,

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notamment les additifs pour plastiques, tels que les phtalates, bisphénol A, et les PBDE. Quand ils sont avalés par les poissons et arrivent dans leur estomac, les contaminants sont libérés et ont des effets toxiques sur leur organisme: ils peuvent avoir un impact sur le système endocrinien des poissons, ainsi que sur leurs hormones sexuelles.

De plus, les microplastiques peuvent absorber des contaminants et les transporter – par exemple, les POPs (= polluants organiques persistants) ou le mercure. Notre recherche consiste à étudier la présence et les effets des POPs sur les organismes marins, dans la chaîne alimentaire Pelagos. Ici, à bord le Tara, nous avons commencé à recueillir plusieurs organismes planctoniques avec les filets: des petits crustacés comme le Meganyctiphanes norvegia – le krill – très important, car c’est la nourriture des baleines! Cette espèce peut être un indicateur biologique qui nous permet de comprendre l’impact sur la chaîne alimentaire marine, en particulier sur les baleines. C’est pourquoi nous gardons tous les échantillons dans de l’azote liquide. Comment procédons-nous? Nous utilisons des techniques bio-moléculaires pour étudier la réponse des organismes aux contaminants. Par exemple, nous allons mesurer l’augmentation ou la diminution du niveau d’une protéine, ou l’endommagement de l’ADN. Nous utilisons plusieurs techniques – le PCR en temps réel, le WB, l’expression des gènes, etc. pour étudier les effets des contaminants sur les organismes.

Nous avons déjà recueilli 22 échantillons dans différents filets, des invertébrés et des vertébrés. L’objectif final serait de créer 2 cartes: une carte de la présence des microplastiques, et l’autre sur les effets des microplastiques sur la faune marine. On pense que là où il y a un niveau élevé de microplastiques, il y aura aussi probablement un niveau élevé de contaminants dans les organismes marins, et aussi un niveau élevé d’effets toxicologiques.

Qu’avez-vous remarqué en termes de toxicologie sur les mammifères marins?

Il y a deux ans, nous avons publié un article avec un titre très provocateur: «Le sanctuaire Pelagos pour les mammifères de la Méditerranée: Zone de protection marine ou Aire marine polluée?» L’étude concernait les dauphins rayés, et nous avons analysé 3 populations différentes: l’une dans Pelagos, l’une près de Gibraltar, et une dernière dans le sud de la Méditerranée. Grâce à cette étude, nous avons montré que les dauphins Pelagos sont les plus contaminés de la Méditerranée, en termes de contaminants et de biomarqueurs, de sorte que les effets biologiques sont tout à fait dramatiques. Par exemple, il y a une très forte induction de certaines enzymes, ce qui signifie que ces animaux sont exposés à 3 fois plus de POPs (polluants organiques persistants) que les autres. Nous avons également observé des effets de perturbations endocriniennes – des variations de récepteurs d’oestrogène qui pourraient avoir des conséquences sur leur reproduction. Ainsi, le Pelagos est une région sous pression et nous devons vraiment garder un œil sur elle et en prendre soin.

Comment procédez-vous pour obtenir des échantillons de mammifères marins?

L’étude des cétacés est très complexe et dépend de l’espèce que nous étudions. Par exemple, pour les cétacés de natation rapide, comme les dauphins, c’est beaucoup plus facile qu’avec les baleines. Nous devons recueillir un petit morceau de peau et faire une biopsie de graisse. C’est un échantillon très précieux qui peut nous aider à faire un check-up toxicologique de l’animal. Il peut nous donner un

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grand nombre d’informations, telles que le niveau de contamination de l’animal, la mesure des biomarqueurs, ainsi que la réponse biologique à ces contaminants. En outre, nous recueillons des informations génétiques et des données sur son alimentation.

Si un dauphin commun (Tursiops), un dauphin bleu et blanc, ou une baleine pilote viennent près du bateau, nous pouvons utiliser un outil en aluminium, une sorte de harpon. L’animal n’est pas blessé. Quand nous avons besoin de faire une biopsie sur un animal plus gros, comme un cachalot ou le rorqual commun, nous utilisons ce que nous appelons «l’échantillonnage à distance». Nous devons tirer une fléchette avec une arbalète. Ce n’est pas si facile parce que nous devons localiser l’animal, l’aborder rapidement avec un zodiac avant qu’il ne plonge, et enfin essayer de cibler la nageoire dorsale. Ensuite, le dard est retiré et flotte dans l’eau. Nous devons le récupérer et le mettre rapidement dans l’azote liquide. Selon moi, la biopsie est le seul moyen de détecter l’impact des contaminants chez les cétacés.

Propos recueillis par Noëlie Pansiot.

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Plastique et environnement

Publié le 14/07/2014

Avec des millions de tonnes de matières plastiques déversées dans les océans chaque année, les impacts sur l’environnement sont nombreux et durables. Si les dangers pour certaines espèces, comme les tortues, sont connus du grand public, le plastique pourrait bien causer d’autres dégâts bien moins évidents.

Selon certaines associations, les déchets plastiques seraient responsables de la mort de 100 000 mammifères marins et d’un million d’oiseaux chaque année. Ces estimations sont pourtant difficiles à vérifier. Tout d’abord, il est fort probable qu’une partie des animaux victimes des déchets plastiques finissent au fond de l’océan plutôt que de s’échouer sur les plages, rendant le décompte hasardeux. D’un autre coté, le simple fait de trouver du plastique dans l’estomac d’un animal mort ne signifie pas forcément que ces déchets sont la cause du décès. Si les chiffres exacts sont donc difficiles à estimer, il n’est reste pas moins une certitude que les déchets plastiques font des dégâts importants parmi la faune marine.

L’exemple le plus frappant est sans doute celui des tortues qui, confondant les emballages plastiques avec leurs mets favoris, les méduses, finissent pour certaines par mourir d’une occlusion intestinale ou par étouffement. Triste record, une tortue a déjà été retrouvée avec plus de deux kilos de plastique dans l’estomac… Du coté des oiseaux marins, le constat n’est guère moins alarmant. Une récente étude en Méditerranée a observé que, sur 171 oiseaux capturés, les deux tiers avaient au moins un débris plastique dans l’estomac. Pour certaines espèces, comme le puffin cendré, le chiffre monte encore : 94 % des volatiles avaient avalé du plastique, avec comme risque potentiel, comme pour les tortues, étouffement ou occlusion intestinale. En plus de ces dangers, certains déchets plastiques, comme les filets synthétiques abandonnés, font de véritables ravages en prenant au piège bon nombre d’espèces marines, mourant de faim ou d’étranglement.

Selon les dernières études, plus de 600 espèces seraient ainsi impactées par les déchets en mer. Si l’on pense forcément aux plus gros animaux, tortues, cétacés ou phoques, c’est bien avec toute la chaîne alimentaire que le plastique interagit. En marge des déchets les plus visibles, les minuscules particules

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de plastique appelées microplastiques peuvent également être ingérées par de petits poissons et certaines espèces planctoniques. Si les études d’impact sont encore trop peu nombreuses pour évaluer les menaces que font peser ces microplastiques sur les premiers maillons de la chaîne alimentaire, la question de la toxicité pour ces organismes peut se poser. Il existe en effet de très nombreux types de matières plastique utilisant divers composés, dont certains particulièrement nocifs pour l’environnement, aujourd’hui interdits mais se retrouvant encore sous forme de déchets dans les océans.

De plus, certaines matières plastique ont la fâcheuse propriété d’absorber des polluants (pesticides, hydrocarbures…) présents dans l’eau de mer. L’ingestion par de petits organismes marins de ces véritables éponges à produits toxiques pose là encore la question des risques pour ces organismes, comme pour le reste de la chaîne alimentaire qui les ingère. Si les concentrations de produits toxiques ingérés semblent pour l’instant minimes, de plus amples recherches doivent encore être menées, notamment pour les espèces planctoniques. Enfin, les déchets plastiques abritent quantité d’espèces qu’ils déplacent au gré des courants. Quelques mois après le tsunami de 2011 qui arracha de la terre quantité de déchets divers, plus de cent nouvelles espèces arrivèrent sur les côtes canadiennes, accrochées aux débris flottants. L’apport d’espèces invasives dégradant les écosystèmes locaux, voire de micro-organismes pathogènes, pourrait ainsi potentiellement entraîner de véritables désastres écologiques. A défaut de pouvoir soustraire le plastique présent dans les océans, comprendre au mieux le phénomène et ses conséquences sur l’environnement, à travers de nouvelles études comme celles menées sur Tara, est donc essentiel.

Yann Chavance

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PREMIERS CONSTATS

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Premières observations après 5 mois de navigation

Publié le 10/09/2014

Formée en océanographie à Rio Grande, au Brésil, Maria-Luiza Pedrotti est l’une des scientifiques impliquée dans cette 10ème expédition de Tara. Chercheur au CNRS, elle travaille au sein de l’Observatoire Océanologique de Villefranche-sur-Mer.

Avant d’embarquer à bord de la goélette pour étudier la micro et macro faune accrochée, et s’atteler à la caractérisation du plastique prélevé à bord de Tara, la scientifique souhaitait nous en dire plus sur l’intérêt des techniques et sur les zones de prélèvements, ainsi que les premières observations à l’issue de 5 mois de navigation.

« Depuis le début de la mission Tara Méditerranée en mai nous avons déjà effectué 150 traits de filets Manta et environ 40 traits avec le filet Bongo. Les fragments plastiques ont été triés à bord et conditionnés pour les futures analyses. Nous sommes donc en phase de prélèvements, Tara est entrain de quadriller les écosystèmes méditerranéens afin d’obtenir une analyse globale de la situation.La stratégie d’échantillonnage de l’expédition Tara Méditerranée consiste à prélever au large mais aussi près des côtes proche des villes, des embouchures de rivières et dans les ports afin d’étudier les effets des activités anthropiques et la pression exercée par le milieu terrestre.

On s’intéresse autant au littoral qu’à l’océan ouvert et ceci dans le but d’étudier l’influence du courant dans la dispersion des micro-plastiques, la présence des tourbillons et méandres qui se forment temporairement et peuvent accumuler les fragments, l’effet des vents qui mélange la couche superficielle et distribue les fragments dans la colonne d’eau. C’est pour cela que par mauvais temps on utilise le filet Bongo, qui pêche sous la surface, au lieu du filet Manta, qui récupère les micro plastiques dans la couche neustonique (couche de surface) par période de mer calme. Nous prélevons aussi de nuit au moment où le plancton des profondeurs migre vers la surface pour y trouver la nourriture et entre alors en contact avec les plastiques. Quelle surprise de rencontrer les bouts de plastiques mélangées à

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ces organismes parfois luminescents. Nous cherchons à connaître la part des micro-plastiques dans le réseau trophique. Ces micro-plastiques ont la même gamme de taille que les organismes planctoniques et peuvent alors être confondus et ingérés par les organismes filtreurs comme certains poissons et les baleines par exemple.

Notre première préoccupation au début de la mission Tara Méditerranée était de couvrir autant que possible l’ensemble du bassin méditerranéen et les différentes structures physiques qui le caractérise. Pour cela, lors du plan d’échantillonnage les scientifiques de la mission préparent les cartes des trajets et les zones de prélèvement à l’aide d’images satellites et de modèles de circulation océanique. Ces outils sont fournis notamment par la société Mercator Océan pour déterminer les zones d’intérêt pour l’échantillonnage en mer. Nous utilisons aussi pour la météo, le site Sea-Seek, pour les courants, le vents et la surface pondéré par les vagues, les services du site My Ocean qui apporte des informations sur la mer Méditerranée basée sur la combinaison des observations spatiales et in situ. Les cartes des trajets sont actualisées quotidiennement en fonctions des changements météorologiques et hydrologiques.

La Méditerranée ne possède pas de structures permanentes comme les gyres observés dans les océans et qui sont formées sous l’influence de la rotation terrestre (force de Coriolis). Dans ces zones les plastiques sont emportés par les courants tourbillonnaires et se concentrent sur des milliers de kilomètres au centre de l’Atlantique ou du Pacifique. Les études menées depuis 2011 dans la partie nord-occidentale de la Méditerranée montrent que la quantité de plastique est du même ordre de grandeur que celle détectée dans ces zones tourbillonnaires, et cela nous inquiète beaucoup. Les premiers résultats de Tara sont alarmants ! Des fragments de plastique ont été trouvés à chaque relevé de filet et cela de l’ouest à l’est de la « Mare Nostrum ».

M.L. Pedrotti

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Tara Méditerranée : après l’expédition

Publié le 28/08/2014

Tout au long de ces sept mois d’expédition à sillonner la mer Méditerranée, les équipes scientifiques de la goélette auront mis à l’eau quelque 300 filets et collecté des millions de données sur les masses d’eau traversées. Un travail d’échantillonnage de grande ampleur, pourtant loin d’être une finalité : les prélèvements peuvent maintenant commencer un long parcours, dans des laboratoires du monde entier.

Certains débris plastiques et petits organismes en Méditerranée connaîtront un long voyage plutôt inattendu. Capturés par les filets de Tara, puis remontés sur le pont, ils seront triés puis plongés dans différents produits, selon les recherches prévues ultérieurement : dans le formol par exemple, qui garde intact tous les organismes ; ou bien dans l’éthanol, pour préserver les molécules d’ADN en vue de futures recherches génétiques. Chaque échantillon sera alors soigneusement étiqueté puis conservé dans les congélateurs de la goélette ou dans les bouteilles d’azote liquide. Tout au long du parcours de Tara (en Grèce, à Malte, à Marseille, etc.), les échantillons seront ensuite régulièrement expédiés, via un transporteur spécialisé dans ce type de colis sensibles, à l’observatoire océanologique de Villefranche-sur-Mer. C’est d’ici que le sort de chaque prélèvement sera scellé, envoyé à différents laboratoires selon leurs domaines de prédilection.

Ce seront par exemple de petits tubes congelés contenant une sélection – faite à bord de Tara – de débris plastiques pris au piège dans les filets Manta qui arriveront à l’Université du Michigan, aux États-Unis. Ici, l’équipe américaine se chargera de déterminer la nature même des différents morceaux de plastique (polystyrène, polyéthylène, etc.). Une analyse de la composition chimique qui sera également effectuée dans un laboratoire français, à l’Université de Bretagne Sud à Lorient. Aux États-Unis, ces recherches seront complétées par une analyse par microscopie électronique des micro-organismes colonisant les débris plastiques. L’Université du Michigan recevra enfin des échantillons de plancton (provenant des mêmes filets que le plastique) pour des analyses chimiques, qui permettront notamment de mesurer un effet potentiel des contaminants – les fameux POP, pour Polluants Organiques Persistants – sur ces micro-organismes.

Une partie des échantillons voyageront moins loin, pour terminer leur route en France, à l’Observatoire Océanologique de Banyuls. Ici, ce sont principalement les bactéries colonisant les micro-plastiques qui

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intéressent les chercheurs, pour notamment chercher les effets de ces bactéries sur la dégradation des matières plastiques. Les équipes recevront également les échantillons de plancton récoltés quelques

mètres sous la surface grâce à la bouteille Niskin, l’intérêt étant de comparer ces micro-organismes «libres» avec ceux colonisant les plastiques flottants, afin de savoir si les micro-plastiques véhiculent des bactéries venues d’ailleurs, ou s’ils sont colonisés localement. Autre pays, autre ordre de grandeur, l’Université libre de Berlin recevra de plus gros échantillons de plastique (d’au moins quelques centimètres), nécessaires à une analyse chimique détaillée des POP s’accumulant sur ces débris.

Enfin, l’Observatoire Océanologique de Villefranche-sur-Mer (CNRS-UMPC) ne se contentera pas de distribuer les différents échantillons à ces multiples laboratoires, mais centralisera également les analyses des échantillons de plancton récoltés, analyses effectuées par les équipes de Naples, des Baléares, de Toulon et bien entendu de Villefranche. Pour ainsi recenser les espèces présentes, les observations à la loupe binoculaire et au microscope seront complétées par un recensement automatique, via un Zooscan. Cet instrument est capable d’estimer la proportion des différents groupes d’organismes planctoniques, mais également de relever la taille et le nombre des particules plastiques dans un échantillon. De quoi gagner un temps précieux : le Zooscan est en effet capable d’examiner ainsi en détail jusqu’à cinq échantillons – soit les contenus de cinq filets Manta – par jour. Tous les résultats obtenus, à Villefranche comme à Banyuls en passant par le Michigan, pourront alors être confrontés aux données physico-chimiques (température, salinité, etc.) des masses d’eau prélevées. Ces données, collectées par la CTD sur le pont arrière ou en continu dans le laboratoire sec de Tara, seront quant à elles traitées par l’Université du Maine, aux États-Unis.

Pour comprendre l’ampleur et les conséquences sur la vie marine de la pollution plastique en Méditerranée, c’est donc un véritable tour du monde des laboratoires que devront effectuer les échantillons prélevés sur la goélette, avant de livrer leurs secrets. Un temps d’analyse qui dépasse de loin le temps de l’échantillonnage. «Nous espérons publier les premiers résultats dans les six mois, explique Gaby Gorsky, directeur scientifique de cette expédition. Mais les conclusions prenant en compte l’ensemble des stations ne verront pas le jour avant trois à cinq ans». Pour le biologiste, cet état des lieux global fera de Tara Méditerranée une campagne de référence sur la distribution du plastique dans Mare Nostrum, la seule à l’heure actuelle à avoir échantillonné, avec les mêmes protocoles, les deux bassins Est et Ouest. «De plus, c’est une mission multidisciplinaire, intégrant physique, chimie, biologie… reprend-il. Cela nous permettra de formuler une panoplie d’hypothèses sur la distribution du plastique et sa colonisation : verra-t-on une dissémination rapide des espèces, à cause du plastique, sur toute la Méditerranée, ou y a-t-il une certaine régionalisation des organismes qui colonisent les débris flottants ? C’est une question extrêmement importante, car certaines de ces espèces peuvent se révéler une véritable nuisance pour l’Homme ou pour l’environnement, et cette expédition pourra constituer une vraie contribution de connaissances sur ce sujet».

Yann Chavance

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SOLUTIONS

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Les voies pour diminuer la pollution plastique

Publié le 22/11/2014

Entretien avec Gaby Gorsky, Directeur scientifique de l’expédition Tara Méditerranée et de l’Observatoire Océanologique de Villefranche-sur-Mer/UPMC-CNRS.

À l’heure actuelle, que sait-on de l’impact de la pollution plastique sur le plancton, et indirectement, sur l’homme ?

Le but de l’expédition Tara Méditerranée est de mieux comprendre les impacts du plastique sur l’écosystème méditerranéen. Des recherches ont démontré qu’il existe une accumulation des polluants le long de la chaîne alimentaire marine. Le plastique concentre facilement les polluants et certains organismes planctoniques avalent les fragments de plastique ou les filtrent, assimilent certains composés chimiques et les transmettent à la chaîne alimentaire. C’est prouvé par des analyses chimiques : les poissons en bout de chaîne, accumulent des polluants.Quant à l’impact sur l’homme, il est avéré. Les agences de sécurité sanitaire conseillent notamment aux femmes enceintes de ne pas surconsommer du poisson car il peut contenir des polluants qui ont des effets néfastes sur la santé.

D’après vous, la pollution plastique dans les océans peut être enrayée. Que faut-il faire pour y mettre un terme ?

Il y a plusieurs voies possibles. La première est l’éducation car ce qui n’est pas jeté dans une poubelle va atterrir à un moment ou à un autre dans les océans.

La deuxième, et peut être la meilleure, c’est de changer notre mode de fonctionnement et abandonner l’usage du plastique à long cycle de vie et non dégradante pour adopter des produits naturels. Parallèlement, il est nécessaire de planifie le nettoyage des côtes à long terme car la majeure partie du plastique flottant (notamment en Méditerranée) y termine son voyage. La dernière voie, c’est de décomposer le plastique. À l’heure actuelle, le plastique est dégradé, c’est-à-dire fractionné. Il devient plus petit, invisible certes mais non moins nocif. Or plus il est petit, et plus les petits organismes peuvent l’ingérer. Le plastique remonte ainsi facilement la chaîne alimentaire. Dans le monde, plusieurs laboratoires cherchent des techniques pour trouver une alternative : décomposer le plastique en produits non toxiques.

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Cet article a été publié 9 mois après le passage de Tara en Antarctique dans le cadre de l'expédition Tara Oceans. Cette dernière avait pour objectif d'étudier les effets du réchauffement climatique sur les systèmes planctoniques et coralliens. Au delà de cette étude, les chercheurs ont pu constater la présence d'importantes quantités de plastiques dans les eaux antarctiques...

Tara découvre du plastique en Antarctique

Publié le 14/09/2011

Une étude menée à bord de Tara en janvier 2011 révèle la présence de plastique dans les eaux antarctiques.

Information diffusée en même temps que l’arrivée de Tara à Hawaï.

LONG BEACH, Californie, 18 septembre, 2011 – Les scientifiques de l’Algalita Marine Research Foundation (Long Beach, Californie), en collaboration avec Tara Expéditions, font part de leur découverte d’une importante pollution par le plastique dans les eaux antarctiques, 9 mois après le passage de Tara en Antarctique dans le cadre de l’expédition Tara Oceans. Tous les échantillons collectés à cette occasion dans l’Océan Antarctique contenaient du plastique, le compte allant de 956 à 42 826 morceaux de plastique par kilomètre carré autour des différentes stations d’échantillonnage. Les échantillons étaient collectés près de la surface de l’océan, et montrent que cette pollution est maintenant détectable dans tous les recoins du globe.

Des chercheurs de l’Algalita Marine Research Foundation continuent à étudier les effets de ces pollutions de plastique, y compris sur les oiseaux marins, les mammifères et les poissons qui avalent de petits morceaux de plastique ou sont empêtrés dans de plus gros morceaux. Les relations entre les plastiques et les microbes marins qui les colonisent sont également étudiées. Des analyses approfondies sont en cours pour comprendre quels sont les risques de ces pollutions plastiques pour la santé humaine. Sont en cause les plastiques eux-mêmes, les additifs au plastique et les toxines qui adhérent aux plastiques.

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Afin de mesurer les quantités de plastiques dans les zones explorées par l’expédition Tara Oceans, l’Agalita Marine Research Foundation a mis en place un protocole scientifique utilisé depuis janvier 2011 à bord le Tara. Depuis, pour chaque station d’échantillonnage, un filet de surface spécial est traîné dans l’eau pendant une heure et demie, collectant les particules de plastique. Ces échantillons sont ensuite analysés par l’Algalita Marine Research Foundation.

L’expédition Tara Oceans explore pendant deux ans et demi (de septembre 2009 à mars 2012) tous les océans du monde. Tara fonctionne sous l’égide de l’UNEP (United Nations Environment Programme), et en partenariat avec l’IUCN (International Union for Conservation of Nature). L’expédition dirigée par Dr. Éric Karsenti et Étienne Bourgois a pour objectif principal de permettre aux scientifiques d’étudier les écosystèmes planctoniques dans la perspective du réchauffement planétaire et ses conséquences sur la chaîne alimentaire marine. Les effets du réchauffement planétaire sur les récifs coralliens et sur la vie marine qui en dépend sont également étudiés.

Tara fera escale à Honolulu (à partir du 19 septembre 2011), à San Diego (à partir du 27 octobre 2011) et à New York en février 2012. Pendant toute cette phase de l’expédition, le bateau continuera à échantillonner le plastique dans l’océan, tout en poursuivant ses investigations biologiques, notamment lors de sa traversée du continent de plastique*. Des techniques de génomique et de bio-géochimie seront employées pour identifier les communautés microbiennes qui colonisent et vivent dans les débris plastiques, afin de comprendre les relations entre les microbes et le plastique.

POUR EN SAVOIR PLUS sur l’Agalita Marine Research Foundation et Captain Charles Moore, sur leurs missions, leurs activités éducatives et projets de recherche, consulter le site : www.algalita.org.

* Le continent de plastique : Une zone calme de l’Océan Pacifique, vers laquelle les courants marins amènent les déchets flottants qui s’accumulent en bancs. Cette mer de déchets, visible uniquement depuis le pont des bateaux, a été découverte en 1997 par Capitain Charles Moore. Il mit alors près d’une semaine à la traverser, stupéfait par ce qu’il avait trouvé dans cette zone peu fréquentée du globe.

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POUR ALLER PLUS LOIN

La sélection plastique, les autres médias :

– La playlist des vidéos Tara sur le plastique – Le diaporama des photos Tara sur le plastique (Sélectionnez la thématique Plastique et validez)

http://oceans.taraexpeditions.org/m/education/les-ressources-pedagogiques/– La sélection des journaux Tara qui abordent le thème du plastique (Sélectionnez la thématique

Plastique et validez) http://oceans.taraexpeditions.org/m/education/les-ressources-pedagogiques/

Beyond Plastic Med :

– Le site web de la conférence – La vidéo de présentation de la conférence

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