126
ÉCOLE NATIONALE VÉTÉRINAIRE D’ALFORT Année 2017 ÉTAT DES CONNAISSANCES SUR L’EMPATHIE ET LA COMPASSION ET APPLICATION EN RELATION CLIENT EN STRUCTURE VÉTÉRINAIRE THÈSE Pour le DOCTORAT VÉTÉRINAIRE Présentée et soutenue publiquement devant LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE CRÉTEIL Le 26/09/2017 par Oriane VIGOUROUX Née le 23 janvier 1992 à Rouen (Seine-Maritime) JURY Président : Pr. Professeur à la Faculté de Médecine de CRÉTEIL Membres Directeur : Dr Loïc Desquilbet Maître de conférences à l’ENVA Co-directeur : Dr Christelle Fournel Maître de conférences contractuel à l’ENVA Assesseur : Dr Caroline Gilbert Maître de conférences à l’ENVA

ÉTAT DES CONNAISSANCES SUR L’EMPATHIE ET LA …

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

ÉCOLE NATIONALE VÉTÉRINAIRE D’ALFORT

Année 2017

ÉTAT DES CONNAISSANCES SUR L’EMPATHIE

ET LA COMPASSION ET APPLICATION EN

RELATION CLIENT EN STRUCTURE

VÉTÉRINAIRE

THÈSE

Pour le

DOCTORAT VÉTÉRINAIRE

Présentée et soutenue publiquement devant

LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE CRÉTEIL

Le 26/09/2017

par

Oriane VIGOUROUX Née le 23 janvier 1992 à Rouen (Seine-Maritime)

JURY

Président : Pr. Professeur à la Faculté de Médecine de CRÉTEIL

Membres

Directeur : Dr Loïc Desquilbet Maître de conférences à l’ENVA

Co-directeur : Dr Christelle Fournel Maître de conférences contractuel à l’ENVA

Assesseur : Dr Caroline Gilbert Maître de conférences à l’ENVA

vlebechec
Texte tapé à la machine
GRACIES

Liste des membres du corps enseignant Directeur, par intérim : M. le Professeur Degueurce Christophe

Directeurs honoraires : MM. les Professeurs : Cotard Jean-Pierre, Mialot Jean-Paul, Moraillon Robert, Parodi André-Laurent, Pilet Charles, Toma Bernard. Professeurs émérites : Mme et MM. : Bénet Jean-Jacques, Chermette René, Combrisson Hélène, Courreau Jean-François, Deputte Bertrand,

Niebauer Gert, Paragon Bernard, Pouchelon Jean-Louis. Département d’élevage et de pathologie des Équidés et des Carnivores (DEPEC)

I. Chef du département : Pr Grandjean Dominique - Adjoint : Pr Blot Stéphane Unité pédagogique de cardiologie - Pr Chetboul Valérie* - Dr Gkouni Vassiliki, Praticien hospitalier Unité pédagogique de clinique équine - Pr Audigé Fabrice - Dr Bertoni Lélia, Maître de conférences - Dr Bourzac Céline, Maître de conférences contractuelle - Dr Coudry Virginie, Praticien hospitalier - Pr Denoix Jean-Marie - Dr Giraudet Aude, Praticien hospitalier * - Dr Jacquet Sandrine, Praticien hospitalier - Dr Mespoulhès-Rivière Céline, Praticien hospitalier - Dr Moiroud Claire, Praticien hospitalier Unité pédagogique de médecine interne - Dr Benchekroun Ghita, Maître de conférences - Pr Blot Stéphane* - Dr Canonne-Guibert Morgane Maître de conférence contractuel - Dr Freiche-Legros Valérie, Praticien hospitalier - Dr Maurey-Guénec Christelle, Maître de conférences Discipline : imagerie médicale - Dr Stambouli Fouzia, Praticien hospitalier

Unité pédagogique de médecine de l’élevage et du sport - Dr Cléro Delphine, Maître de conférences - Dr Fontbonne Alain, Maître de conférences - Pr Grandjean Dominique* - Dr Maenhoudt Cindy, Praticien hospitalier - Dr Nudelmann Nicolas, Maître de conférences Unité pédagogique de pathologie chirurgicale - Pr Fayolle Pascal - Dr Mailhac Jean-Marie, Maître de conférences - Dr Manassero Mathieu, Maître de conférences - Pr Moissonnier Pierre - Pr Viateau-Duval Véronique* Discipline : anesthésie, réanimation, urgences, soins intensifs - Dr Zilberstein Luca, Maître de conférences Discipline : ophtalmologie - Dr Chahory Sabine, Maître de conférences Discipline : nouveaux animaux de compagnie - Dr Pignon Charly, Praticien hospitalier

Département des Productions Animales et de la Santé Publique (DPASP) Chef du département : Pr Millemann Yves - Adjoint : Pr Dufour Barbara

Unité pédagogique d’hygiène, qualité et sécurité des aliments - Pr Augustin Jean-Christophe - Dr Bolnot François, Maître de conférences * - Pr Carlier Vincent

A. Unité pédagogique de maladies règlementées, zoonoses et épidémiologie

- Pr Dufour Barbara* - Pr Haddad/Hoang-Xuan Nadia - Dr Praud Anne, Maître de conférences - Dr Rivière Julie, Maître de conférences Unité pédagogique de pathologie des animaux de production - Pr Adjou Karim* - Dr Belbis Guillaume, Maître de conférences - Pr Millemann Yves - Dr Ravary-Plumioën Bérangère, Maître de conférences - Dr Plassard Vincent, Praticien hospitalier

Unité pédagogique de reproduction animale - Dr Constant Fabienne, Maître de conférences* - Dr Desbois Christophe, Maître de conférences (rattaché au DEPEC) - Dr El Bay Sarah, Praticien hospitalier - Dr Mauffré Vincent, Assistant d’enseignement et de recherche contractuel Unité pédagogique de zootechnie, économie rurale - Dr Arné Pascal, Maître de conférences - Pr Bossé Philippe* - Dr De Paula Reis Alline, Maître de conférences - Pr Grimard-Ballif Bénédicte - Dr Leroy-Barassin Isabelle, Maître de conférences - Pr Ponter Andrew - Dr Wolgust Valérie, Praticien hospitalier

Département des sciences biologiques et pharmaceutiques (DSBP) Chef du département : Pr Chateau Henry - Adjoint : Dr Pilot-Storck Fanny

Unité pédagogique d’anatomie des animaux domestiques - Pr Chateau Henry - Pr Crevier-Denoix Nathalie - Pr Degueurce Christophe - Pr Robert Céline* Unité pédagogique de bactériologie, immunologie, virologie - Pr Boulouis Henri-Jean* - Pr Eloit Marc - Dr Le Poder Sophie, Maître de conférences - Dr Le Roux Delphine, Maître de conférences - Pr Quintin-Colonna Françoise Unité pédagogique de biochimie - Pr Bellier Sylvain* - Dr Lagrange Isabelle, Praticien hospitalier - Dr Michaux Jean-Michel, Maître de conférences Discipline : éducation physique et sportive - M. Philips Pascal, Professeur certifié Unité pédagogique d’histologie, anatomie pathologique - Dr Cordonnier-Lefort Nathalie, Maître de conférences - Pr Fontaine Jean-Jacques* - Dr Laloy Eve, Maître de conférences - Dr Reyes-Gomez Edouard, Maître de conférences

Unité pédagogique de management, communication, outils scientifiques - Mme Conan Muriel, Professeur certifié (Anglais) - Dr Desquilbet Loïc, Maître de conférences (Biostatistique, Epidémiologie) * - Dr Fournel Christelle, Maître de conférences contractuelle (Gestion et management) Unité de parasitologie, maladies parasitaires, dermatologie - Dr Blaga Radu, Maître de conférences (rattaché au DPASP) - Dr Cochet-Faivre Noëlle, Praticien hospitalier (rattachée au DEPEC) - Dr Darmon Céline, Maître de conférences contractuelle (rattachée au DEPEC) - Pr Guillot Jacques* - Dr Polack Bruno, Maître de conférences - Dr Risco-Castillo Véronica, Maître de conférences Unité pédagogique de pharmacie et toxicologie - Pr Enriquez Brigitte, - Dr Perrot Sébastien, Maître de conférences * - Pr Tissier Renaud Unité pédagogique de physiologie, éthologie, génétique - Dr Chevallier Lucie, Maître de conférences (Génétique) - Dr Crépeaux Guillemette, Maître de conférences (Physiologie, Pharmacologie) - Dr Gilbert Caroline, Maître de conférences (Ethologie) - Pr Panthier Jean-Jacques (Génétique) - Dr Pilot-Storck Fanny, Maître de conférences (Physiologie, Pharmacologie) - Pr Tiret Laurent, (Physiologie, Pharmacologie) *

* responsable d’unité pédagogique

REMERCIEMENTS

MerciauprofesseurdelafacultédeCréteild’avoiracceptéed’êtrelePrésidentdeJurydemasoutenancedethèse.

Je remercie ledocteurLoïcDesquilbetd’avoir acceptéd’encadrerma thèsedansde sicourtsdélais,etd’avoirprisletempsdem’apportersonaide.

JeremercieledocteurChristelleFournel,co-directricedemathèse,poursadisponibilitéetsaréactivité.Jelaremerciedem’avoirproposécesujetpassionnant.

JeremercieledocteurCarolineGilbertpouravoiracceptéd’êtreassesseurdemathèse.

JeremercieRenaud,toujoursàmescôtés,quiasumesupporteretm’encouragerdanslarédaction de cette thèse, même quand lorsque la tension était à son apogée. Je leremerciepoursonécouteetsapatience.

Jeremerciemafamille,réquisitionnéepourlacorrectiondecetravail,quim’aétéd’unegrande aide et n’a pas compté ses heures. Je remercie particulièrement mes parentspourleursoutiensansfailleduranttoutessesannéesd’études(quisemblentd’ailleurss’éterniser!).

A Elodie Fink et Coralie Roblin, que je remercie pour toutes ces séances de travail etd’entraidepourlarédactiondenosthèsesrespectives.

1

TABLEDESMATIERES

I. Étatdesconnaissancessurl’empathieetlacompassion.......................................................... 9A. Définitionetévolutiondesconceptsd’empathieetdecompassion..................................................... 91. Définitionsetétymologie. ...........................................................................................................................9a)DéfinitionduLarousse .................................................................................................................................................. 9b) Etymologiedestermesd’empathieetdecompassion..............................................................................10(1) L’empathie............................................................................................................................................................10(2) Lacompassion ....................................................................................................................................................13

2. Desconceptspossédantdemultiplesdéfinitions...........................................................................14a) L’empathie,conceptnomade ...............................................................................................................................14(1) Unedéfinitiondel’empathieenoppositionàlasympathie ...........................................................14(2) Lescontroverses................................................................................................................................................15(3) Lathéoriedel’esprit(Mitchell,1997)......................................................................................................16

b) Lacompassion............................................................................................................................................................17(1) LacompassionselonAndréComte-Sponville.......................................................................................17(2) Lacompassionetlapitié................................................................................................................................18(3) Lacompassionensoinshospitaliers ........................................................................................................19(4) Lacompassionensociologie ........................................................................................................................21

a) L’influencedelaculture .........................................................................................................................................246. L’intérêtdel’empathieetlacompassion:médiateursdesrapportssociaux.....................26a) Lescomportementspro-sociaux ........................................................................................................................26b) Descomportementsquisontcependantdirigésversdespersonnessimilaires ..........................27

7. Synthèse............................................................................................................................................................28B. Lecturedecesconceptsàl’aunedesneurosciences .................................................................................311. Letraitementdesémotions......................................................................................................................31a) L’amygdale:unrôleprépondérantdanslapeuretl’attention.............................................................31b) Lestriatum:émotionspositives ........................................................................................................................32c) Lecortexpréfrontalventromédian ...................................................................................................................33d) Lecortexsomatosensoriel ....................................................................................................................................33

2. Lesystèmemiroiràl’originedelacompréhensiondel’autre ..................................................333. Relationentreneuronesmiroirsetempathie ..................................................................................37a) L’empathiecommesimulationmentaledelasubjectivitéd’autrui ....................................................37b) L’insula,traitementdesémotionsmaisaussireconnaissancedesémotionschezl’autre.......38c) L’importancedesformesdevitalité(Cattaneoetal.,2007)...................................................................39d) Ledéveloppementdel’empathielorsdel’enfance:enfaveurd’unsystèmemiroirpourlesémotions..................................................................................................................................................................................40(1) L’imitation ............................................................................................................................................................40(2) Ladistinctionentresoietautrui ................................................................................................................45

4. L’absenced’empathie..................................................................................................................................47a) Lapersonnalitéantisociale ...................................................................................................................................47b) Neuronesmiroirsetautisme ...............................................................................................................................49

5. Synthèse............................................................................................................................................................50C. Variabilitéinterpersonneld’empathie ..........................................................................................................531. Empathieetsurdouance ............................................................................................................................53a) L’intelligenceémotionnelle...................................................................................................................................53b) Lescapacitésémotionnellesdesenfantsàhautpotentiel. .....................................................................54c) Hyperstimulabilitédesenfantsàhautpotentiel..........................................................................................56

2. Variationd’empathieenfonctiondugenre.......................................................................................57II. Applicationenrelationclientenstructurevétérinaire ........................................................59A.Intérêtdel’empathieenstructurevétérinaire ...............................................................................................59

2

1. Intérêtdel’empathieenrelationclient ..................................................................................................59a) L’empathiecommequalitéintrinsèquedumétierdepraticien ...........................................................59b) L’effetdel’empathiesurlasatisfactionduclient........................................................................................62

2. L’empathiecommeprocessusthérapeutique ..................................................................................63a) Impactdel’empathiesurlasantédupatient................................................................................................64b) Importancedel’empathieencequiconcernelebienêtreanimal......................................................65c) Impactsurl’observancedutraitement............................................................................................................65

3.Capacitéd’empathiedupersonnelsoignant.........................................................................................66a) Undéficitencommunication ...............................................................................................................................66b) Undéficitenempathie............................................................................................................................................67c) Laresponsabilitéducursusscolaire.................................................................................................................70

B.Lesdangerdelacompassion:lafatiguedecompassion ...........................................................................731. Qu’estcequelafatiguedecompassion ...............................................................................................73a) Fatiguedecompassionsecondaireàunstresspost-traumatique.......................................................73b) Uneatteinteàdifférencierduburnout............................................................................................................74c) Lasatisfactiondecompassion .............................................................................................................................75

2.Leseffetsdelafatiguedecompassion ....................................................................................................76a) Lesmanifestationsdelafatiguedecompassion..........................................................................................76b) Leseffetsdelafatiguedecompassionchezlepersonnelsoignant ....................................................79c) Leburnoutuneconséquencedelafatiguedecompassion?..................................................................79

3.Facteursprédisposantàlafatiguedecompassionenmilieumédical ......................................80a) Unrisqueintrinsèquededévelopperdelafatiguedecompassion.....................................................80b) Risquesliésautravaildessoignants ................................................................................................................81(1) L’isolement...........................................................................................................................................................81(2) Lemanquedesupportdeladirection .....................................................................................................81(3) L’épuisement.......................................................................................................................................................82(4) Lemanqued’expérience ................................................................................................................................82

C. Lemétierdevétérinaire,àrisquepourlafatiguedecompassion......................................................831. Lesfacteursderisque .................................................................................................................................83a) Vétérinaire,lemétierleplusexposéàlafatiguedecompassion. ........................................................83b) Lemal-êtredanslaprofessionvétérinaire....................................................................................................84c) Uneprofessionexposéeàdenombreusessourcesdestress.................................................................86d) L’isolementdesvétérinaires ................................................................................................................................87

2. Lesuicidedanslaprofessionvétérinaire...........................................................................................88a) Uneprofessionparticulièrementtouchéeparlesuicide .........................................................................88b) Lesfacteursderisque .............................................................................................................................................89(1) Lapersonnalitédesvétérinairesetlesétudesvétérinaires...........................................................90(2) L’isolementdanslaprofession....................................................................................................................90(3) Lesfacteursdestressliésautravail .........................................................................................................91(4) Laproximitédelamort ..................................................................................................................................91(5) Lemal-êtrepsychologique............................................................................................................................91(6) L’incitationausuicide .....................................................................................................................................91

III. Unepropositiond’aideauxvétérinaires...................................................................................93A. Surleplanpersonnel:seconnecteràsesémotions,fairepreuved’empathieenévitantlacompassion...........................................................................................................................................................................931. Favoriserl’empathie....................................................................................................................................932. Développersarésilienceetsescapacitésémotionnelles ............................................................943. Savoirreconnaîtrelessignesdefatiguedecompassion..............................................................954. Réagirfaceàcessignes ..............................................................................................................................96a) Mettreenplacedeslimites ...................................................................................................................................96b) Prendresoindesoietsereconnecteràsessens ........................................................................................96c) Relaxationetméditation ........................................................................................................................................97

5. Savoirdemanderdel’aide.........................................................................................................................98B. Dansl’équipedesantéd’unecliniquevétérinaire .....................................................................................99

3

1.Créeruneatmosphèredetravailagréable ............................................................................................992. Lerôledeladirection .................................................................................................................................993. Favoriserl’apprentissagedelacommunicationetdel’empathie ........................................ 100

C. Lerôledesécolesvétérinairesetdesorganismesd’aide ..................................................................... 1031.Lerôledesécolesvétérinaires:laformation ................................................................................... 1032. Lesorganismesd’aidesauvétérinairesendétresse .................................................................. 104

4

Tabledesfigures

Figure1:Relationentreempathie,sympathieetcompassion....................................................29

Figure2:Représentationdesstructuresanatomiquesimpliquéesdansletraitementdesinformationsémotionelles.Envert:cortexpréfrontalventromédial,enbleu:cortexsomatosensoriel,enrouge:amygdale,enviolet:insula.(Adolphs,1999).................31

Figure3:AetB:Enregistrementdel’activitéd’unneuronemiroirdanslazoneF5.Leneuronedéchargeàlafoisquandlesingeattrape(A)unobjetetquandilobservel’expérimentateurl’attraper(B).(Fogassietal.,2005).......................................................34

Figure4:(A)Montageutilisé:lesingedémarretoujoursdanslamêmeposition,attrapeunobjet(1)etl’amèneàsabouche(2a)ouleplacedansuncontenant(2b).(B)ActivitédetroisneuronesdelazoneIPL(inferiorparietallobule)pendantlaréalisationdesmouvementsdanslesconditions2a(attrapepourlemanger=grasptoeat)et2b(attrapepourmettredanslaboite=grasptoplace).(C)RéponsedesneuronesmiroirsIPLàlavued’unexpérimentateurattrapantl’objetpourlemangeroulemettantdanslaboite.(Fogassietal.,2005)..................................................36

Figure5:Photographiedenouveaux-nésde12à21joursimitantlesexpressionsfacialesréaliséesparunadulte.L'imitationestinnéechezl'homme.(MeltzoffetMoore,1977)............................................................................................................................................41

Figure6:Deuxdescinqobjetsutilisés:(a)unehaltère,(b)uneboitenoireetsonoutilsenbois(MeltzoffetMoore,1983)...................................................................................................43

Figure7:Lapremièrelignereprésentel'expérimentateurtentantdeséparerlesdeuxpartiesdel'haltèresanssuccès(premièreexpérienceetdeuxièmeexpérience),lasecondelignemontrelamachineutiliséemimantlesmouvementsdel'homme(deuxièmeexpérience). .......................................................................................................................45

Figure8:Implicationdesneuronesmiroirsdanslemécanismedel'empathie..................51

Figure9:Représentationdesstructuresanatomiquesimpliquéesdansletraitementdesinformationsémotionelles.Envert:cortexpréfrontalventromédial,enbleu:cortexsomatosensoriel,enrouge:amygdale,enviolet:insula.(Adolphs,1999).................51

Figure10:Questionnaireprésentéauxclientslorsdeleurvisitevaccinalechezleurvétérinaire.(Mellanbyetal.,2011) ................................................................................................60

5

Tabledestableaux

Tableau1:Tauxd'aideàunevictimelorsqueladifficultédefuitevarieetquelamotivationestégoïsteoualtruiste(Batsonetal.,1981) ......................................................22

Tableau2:ProportiondesujetsayantacceptédechangerdeplaceavecElaineselonlesconditions(Batsonetal.,1981).......................................................................................................23

Tableau3:Principalesoppositionsentreempathieetcompassion. ........................................28

Tableau4:Listedessymptômescaractérisantlapersonnalitéantisociale(Hareetal.,1991) ...........................................................................................................................................................48

Tableau5:Variablesdecommunicationutiliséesparlesvétérinairesd'animauxdecompagnieetleursclientslorsd'uneconsultation(Shawetal.,2004) .........................69

Tableau6:Moyennedesscoresd’empathiepourlesrubriquesprésentantunediminutionsignificativeentreledébutetlafindel'annéescolaire(Hojatetal.,2004) ...........................................................................................................................................................70

Tableau7:Qualitésconsidéréescommesignificativementplusimportanteschezlesvétérinairesrécemmentdiplômésparrapportauxétudiantsendernièreannée(Rhindetal.,2011)................................................................................................................................71

Tableau8:Différencesmajeuresentrelafatiguedecompassionetleburnout.(Boyle,2011) ...........................................................................................................................................................75

Tableau9:Manifestationsdelafatiguedecompassion.(Boyle,2011) ..................................78

Tableau10:Facteursderisquesliésautravaildessoignants(Boyle,2011;Hunsakeretal.,2015;Thomasetal.,2012;Yoder,2010)..............................................................................82

6

7

INTRODUCTION

Avoir de bonnes aptitudes de communication est essentiel pour un vétérinaire. Uneétude réalisée sur le marché vétérinaire américain, a conclu qu’il manquait auxvétérinaires les capacités de gestion et de communication nécessaires à leur réussitedanslemétier(BrownetSilverman,1999). Eneffet, laplupartdesplaintesdeclientsauprèsdesorganismesderéglementationsontliéesàundéficitencommunicationouencompétences relationnelles (Shawetal., 2005a). Ladéfaillanceencommunicationestparailleursunecausemajeured’insatisfactiondesclients.

Ilestalorsétonnantdeserendrecomptequel’intérêtpourlacommunicationenmilieuvétérinairen’estapparuquerécemment.Laformationencommunicationdanslecursus vétérinaire était, par exemple, minimale voir inexistante quelques annéesauparavant (Mossop et Gray, 2008). C’est ce sentiment de manque de formation encommunication client en structure vétérinaire qui amotivé ce travail, afin d’avoir unaperçudesenjeuxauxquelsfontfacelesvétérinairesenmilieuprofessionnel.

Un point essentiel de la communication client en structure vétérinaire est lacapacitéd’empathieoudecompassion.Cesontdesqualitéstrèsattenduesparlesclients(Mellanby et al., 2011), et qui de ce fait améliorent, lorsqu’elles sont présentes, larelationavecleclient.

Maisquesont réellement l’empathieet lacompassion?Ces termes,qui sontenréalitédesconcepts,sontsouventconfondusvoir inversés.Lesdéfinitionsquipeuventêtretrouvéesdanslalittératuresontparfoiscontradictoires.

Ilestdoncavanttoutprimordialdedéfinircesdeuxtermes,cequiseral’objetdela première partie. Dans une seconde partie il sera question de l’importance et desimplicationsde la présenced’empathie et de compassion en relation client. Enfinunetroisièmepartie traiteradessolutionsàmettreenœuvre faceauxconséquencesde lacompassionenstructurevétérinaire.

8

9

I. Étatdesconnaissancessurl’empathieetlacompassion

A. Définitionetévolutiondesconceptsd’empathieetdecompassion

1. Définitionsetétymologie.

a) DéfinitionduLarousse

«EMPATHIE : Faculté intuitive de semettre à la place d'autrui, de percevoir ce qu'ilressent.»(Larousse,s.d.)

Danscettedéfinition,nonexhaustive,plusieursnotionsimportantessontquandmêmeévoquées.

Tout d’abord, «la faculté de percevoir ce qu’il ressent»: il est bien dit ce quel’autre ressent, il ne s’agit pas de le ressentir soi-même. C’est une faculté cognitive,puisqu’il s’agit de la percevoir, et non émotionnelle, le sujet ne partage pas cetteémotion.Ilestaussiquestionde«semettreàlaplaced’autrui»,d’intégrersasituationafindepercevoirsonpointdevue.L’Hommeadonc,etdemanièreintuitived’aprèsleLarousse,lacapacitédes’identifieràl’autre.

Ensuite, ilestquestiondepercevoircequel’autreressent,sansêtre limitéàuntypedesituation,oud’émotion,l’empathiepermetdepercevoirlebonheur,latristesse,lapeur,l’agacement,laperplexitéettouttyped’émotionprésentechezl’autre.

«COMPASSION:Sentimentdepitiéquinousrendsensibleauxmalheursd'autrui;pitié,commisération.»(Larousse,s.d.)

Cette définition, assez peu précise, nous informe tout de même sur quelquesaspectsde lacompassion. Il s’agit toutd’abordd’unsentimentque l’onressentetnonpasd’unefacultécognitivecontrairementàl’empathie.

La compassion fait donc appel aux émotions. Par ailleurs la compassion «nousrendsensibleauxmalheursd’autrui»,contrairementàl’empathiequiestprésenteaussibiendans lesémotionsde joie,demalheur,enpassantpar tout typed’étatd’esprit, lacompassionellesecantonneauxsentimentsdetristesse,dedésolation,dedouleur.

D’autrepart,lelexiqueutilisédanscettedéfinition:pitié,commisération,estunlexiquequisuggèreunaspectreligieuxdutermecompassion.

10

b) Etymologiedestermesd’empathieetdecompassion

(1) L’empathie

Uneerreurclassiquementfaiteestd’affirmerqueletermeempathieviendraitdugrec pathos: souffrance («Encyclopédie Larousse en ligne - empathie du grec pathospassionsouffrancemaladie»,s.d.),cequiinduitimmédiatementuncontresens.

Enréalitéletermeempathieprovientdel’anglaisempathyquiluimêmeprovientd’unnéologismeallemand:EinfühlungintroduitparRobertVischeren1872.

Le concept est d’abord introduit par Kant dans ses trois maximes du senscommunen1790:

Lapremièremaximeétant«penserparsoi-même»,Laseconde«penserensemettantàlaplacedetoutautre»La troisième«toujourspenser enaccordavec soi-même» (Kant etPhilonenko,

1993).La première et troisième maxime, appelées respectivement la maxime de la

pensée sanspréjugé et lamaximede la pensée conséquente, présentent peud’intérêtquandànotresujet.Lasecondemaximeestcellede lapenséeélargie,«c'est làcequimontre cependant un homme d'esprit ouvert que de pouvoir s'élever au-dessus desconditions subjectives du jugement, en lesquelles tant d'autres se cramponnent, et depouvoirréfléchirsursonproprejugementàpartird'unpointdevueuniversel(qu'ilnepeutdéterminerqu'enseplaçantaupointdevued'autrui)».

Laconditionpourarriveraupointdevueuniverselestdoncbienl’empathie,etcela notamment en ce qui concerne le jugement esthétique. Dès lors l’empathie estdevenuclédevoûtedel’esthétiqueallemandependantunsiècleetdemi.

Letermeassociéauconceptn’estarrivéluiqueen1872souslaplumedeRobertVischnerquiintroduitlenéologismedanssathèsededoctoratSurlesentimentoptiquede forme (Über das optische Formgefühl).Mais il n’a pas seulement introduit le termeEinfühlung,ilétaitaccompagnéd’unedizainetermesconstruitssurlemêmeradicalfühlqui désigne le sentiment éprouvé au contact des choses ou des êtres (Jorland etThirioux,2008).

RobertVischer voulait comprendre comment à la vuedumonde extérieur, nossensationsétaientexcitéesetcommentnousattribuionsdessentimentsauxchosesquinous entourent.AinsiVischer, citant lui-même sonpèreTheodor, évoque les «formesreprésentativesdénuéesdeviepropre [...]auxquelles,nous lesspectateurs,attribuons

11

cependantuncontenupleindesentimentenvertud’unacteinvolontairedetransfertdenotrepropreémotion.»(Vischer,1873).

C’estdanslebutdecomprendrecette«boucleimpression-sensation-sentiment»qu’ilaconçul’Einfühlung.

D’après Vischer, la relation entre l’impression et la sensation est d’abord del’ordredel’excitation:lesobjetsquinousentourentexciteraientnosnerfsvianossens,letoucher,lavue;etdansnotrecerveaucetteexcitationdevientsensation.

Selonluilessensationss’accompagnentdereprésentations.

Vient ensuite le passage au sentiment, qui résulterait d’une résonance, unerésonanceentrenousetl’objet.ToutpartduSelbstgefühl:lesentimentdesoi,quientreenrésonanceavecleseulintérêtpersonneldel’individu.Cesentimentdesoidoitsortirdu soi et aller à la rencontre des autres: « L’homme s’élève à une véritable vie dusentiment(Gefühlsleben)danssonprochain.»(Vischer,1873).

Et«lesentimentdesoin’estpourvoyeurdesentimentquedumomentoù il setransforme en Mitfühlung, en «sentiment partagé»» (Jorland et Thirioux, 2008).Vischerécrit:«Jemesensmoi-mêmeenmoiouenunautreJe,maisseulemententantquedignereprésentantdetoutel’espèce.»(Vischer,1873).

LeJeestalorsreprésentatifdel’existencehumaineenelle-même,c’estl’humanitéennousdeKant,oul’hommeintérieurd’AdamSmith.

Donccequipermet larésonanceafindeproduireunsentimentc’estavanttoutnotrehumanité.DanscettedémonstrationVischerexpliquel’empathieenversunautreêtrehumain,mais ce sentiment, cette résonance est possible avec tout autre élément,animal,végétalouminéral.

Commentest-cepossible?

Quelélémentvibreencommunentrenousettoutobjet?

D’aprèsVischerc’estunecommuneappartenanceàlanature:«Parnotreproprenature,parlanatureennous,noussommessemblablesàlanaturehorsdenousetnousysommeinsérésentantqu’êtresapparentés»(Vischer,1873).Nousprêtonsauxobjetsinanimésnotreproprehumanitéetilsrésonnentennous.GérardJorlandécritquec’estcequiarrive«lorsquenousattribuonsauxphénomènesnaturels lessentimentsqu’ilséveillentennous.C’estainsiquenousparlonsdelumièrechaudeoudelumièrefroide,decouleurchaudeoudecouleurfroide: lasensationdechaleuroudefroidexcitéeennousparlalumièreoulacouleursusciteunsentimentchaleureuxoudefroideurquiestattribuéà la lumièreouà lacouleurpuisquecesontellesquisontà l’originedenotre

12

sensationet,partant,denotresentiment.»(JorlandetThirioux,2008).Lamartineécritd’ailleurs:«Objets inanimés,avez-vousdoncuneâme/Quis’attacheànotreâmeet laforced’aimer?».

Cetteapprochede l’empathieest trèssimilaireàcellede lacompassiondans lebouddhisme,ouchaqueêtre,qu’ilsoithumainoupas,estsurunmêmepiedd’égalité.Delamêmemanière lepartageémotionnel se fait sansdifférenceentre tous les êtres (cfI.A.2.c).

L’Einfühlungestdoncunetranspositiondesoidansl’objetquinouslefaitsentirdel’intérieur.Unedesvariantesestl’Anfühlungquiresteàlasurfacedesobjets.

Ilyaunerelationdesymétrie:l’Einfühlungvadel’intérieurversl’extérieurdeschoses elle a donc comme but l’Anfühlung, alors qu’au contraire, l’Anfühlung va del’extérieurversl’intérieurdeschosesetacommebutl’Einfühlung.

Uneautrevarianteest laDurchfühlung qui«nes’arrêteà lasurfacedeschosesque pour pénétrer par induction le secret de leur intériorité, elle saisit l’intérieur àtravers l’extérieur.»(JorlandetThirioux,2008).C’estcequenous faisonsparexemplelorsqu’onnousoffreunprésentetquenousessayonsdedevinerlecontenudupaquetsansl’avoirouvert,enletâtant,lesoupesant.Ils’agitd’unsentimentdequelquechoseetnond’unesensation.LaDurchfühlungconduittoujoursàl’Einfühlung.

Enfin l’Einfühlung a plusieurs tonalités. Lorsque l’objet est de petite taille oul’espace confiné, elle se fait Zusammenfühlung correspondant à un sentiment dedépression.Aucontrairelorsquel’espaceestvasteoul’objetdegrandetailleellesefaitAusfühlung, soit un sentiment d’exaltation. Vischer écrit d‘ailleurs: «Lorsque jecontempleunobjetenreposstable, jepeuxmemettreàsaplace,meglisserdanssonorganisation interne et occuper son centre de gravité. Je me figure en lui-même,j’échangemonextensionaveclasienne,jem’étireetm’étends,jemecourbeetmelimiteenlui.Ai-jeà faireavecunphénomènerestreint, totalementoupartiellement limitéetborné, et mon sentiment se concentrera alors en un point, il se modèrera et sedéprimera (étoile, fleur –Zusammenfühlung).Que jeme tiennepar contredevantuneformedegrandedimension,voiredémesurée,etj’enretireraiunsentimentdegrandeuretdelargeurintellectuelle,delibertédemavolonté(bâtiment,eau,air–Ausfühlung).Et,plusendétail,l’empreinted’unphénomèneoppressantouexaltant,inclinantouinhibantnousimprègned’unehumeurintellectuellerésignée,dépriméeoualtière,concilianteetindulgenteoudiscordante»(Vischer,1873)

L’empathie est donc une imitation de tout objet de l’intérieur, mais pas unesimple copie, plutôt une capacité demimétisme dont l’outil principal de l’homme estl’imagination.C’estellepourVischerquinousmetenrésonanceaveclemonde,etc’estdans ce cas une imagination inconsciente, différente de l’imagination créatrice. C’estgrâceàcelaquenousaccédonsàl’intimitédechoses,quenousvibronsàl’unisson.

13

«La contemplation empathique est, comme nous l’avons vu, une imitation

interne.Cetteimitationinconscienteseconstitued’unensembledemouvements.Quandquelquechosedansunpaysagecharmenossens,notrehumeurounotreaffectivité,celadoitvenirdecequesesformes,sescouleurs,salumièreincitentnotrehommeintérieuràeffectuerdesmouvementsréactifsensympathie,par lesquelsnotrecorpsdechairacoutume d’exprimer dans la vie réelle les états d’âme comme les agitations de l’âme.C’est pourquoi nous voyons le doux glissement songeur des nuages, l’emportementcourroucé de l’éclair, les buissons craintivement serrés les uns contre les autres,modestementoutristementrepliéssureux-mêmes,lesrocherssedressantfièrementoueffrontément, lesflotsdébordantsd’indignation, lalumièreducrépusculerayonnantlafélicité;c’estpourquoiuncoupdegrisounousatteintcommeunverdict;c’estpourquoinous entendons dans le vent une complainte, un grondement dans le tonnerre. »(Vischer,1873)

Cettepremièreapprocheesthétiquedel’empathieaensuiteévoluéversletermeque nous connaissons d’empathie, ou cette fois l’imitation interne est celle de l’étatd’espritd’unautreindividu.

(2) Lacompassion

Letermecompassionauneoriginebienplusancienne.Lemotvientdulatincumpatiorquisignifie«jesouffreavec»etdugrecσυμπαθεια:sympathie,quiestunmotcomposédeσυνπασχω+=συμπασχωquisignifielittéralement«souffrirensemble»et«ressentirpour»(«Compassion»,2017).

Onadoncdanscetteétymologieuneperceptiondelasouffrancedel’autremaissurtout,unenotiondepartagedelasouffrance,etlefaitdesoulagerlepoidsdel’autreetdoncdeluivenirenaideafinderéduirevoireéliminercettesouffrance.

Lacompassion,parailleurs,aunaspectreligieuxdanssonétymologieouletermepropreseraitplutôtcommisération.

14

2. Desconceptspossédantdemultiplesdéfinitions

a) L’empathie,conceptnomade

Le sens actuel du terme «empathie» est sujet à discussion. En effet ce qu’un auteurappelle «empathie» est appelé «sympathie» par un autre et vice versa. Il en est demêmepour la compassion et l’empathie. C’est par ailleurs le concept «nomade»parexcellence, adopté dans une multitude de disciplines: l’éthique, la psychologie, laphilosophie, voirmême la théologie prenant chaque fois un sens différent. En ce quiconcerne cette thèse, nous nous concentrerons uniquement sur le sens du termeempathie en psychologie et sociologie qui est la discipline la plus adéquate pourrépondreànotrequestionnement.

(1) Unedéfinitiondel’empathieenoppositionàlasympathie

Il est tout d’abord nécessaire de différencier l’empathie de la sympathie. Nous nousintéresseronsiciàsonsensenpsychologieetthérapeutique.

GérardJorland(Jorland,2006)aécritquel’empathiesedéfinitcommelasimplereconnaissancedesémotionsd’autruitandisquelasympathieenestunpartage.

Ainsi on peut reconnaître chez un individu un sentiment de peur, de joie, sanspourautantlepartager.Lorsquenousfaisonspreuved’empathie,nousnousmettonsàla place de l’autre, nous comprenons ce qu’il ressent, son point de vue. Libre à nousensuited’éprouverlamêmechoseetdefairepreuvealorsdesympathie,oudenepasl’éprouver.

Au contraire la sympathie est une contagiondes émotions. Nous commençonspar partager les émotions de l’autre et cherchons ensuite une représentation de cesémotions.LeparadigmepourJorlanddecettecontagiond’émotionestlefourire,voyantplusieurs personnes rire, on peut soit même attraper le fou rire sans même savoirpourquoi.

Pourfaireladifférenceentrecesdeuxconcepts,Bavelasetsonéquipe(Bavelasetal.,1987)ontmisaupointuntestpermettantdefaireladistinctionentre«semettreàlaplaced’autrui»:l’empathie,ou«s’identifieràautrui»:lasympathie.

Uneexpérimentatriceraconteàungroupedesujetsfaceàelleunehistoiredanslaquelle ellemanquede se faire frapperauvisagepardesmouvementsdebrasd’unepersonne plus grande qu’elle. En contant son histoire elle se penche à droite à deuxreprisepourmimerlasituation.Lesréactionsdessujetssontenregistrées.Lamoitiédes

15

sujetsn’apasréagi,l’autremoitiés’estpenchéeaumoinsunefois,tousàgauchesaufunà droite. Il est alors supposé que l’interlocuteur qui se penche à droite comme lenarrateurprendsonpointdevue,semetàsaplace, ildoiteffectuerunerotationetsepencherducôtéopposéouilvoitlenarrateursepencher.Aucontrairelessujetsquisesont penchés à gauche ont imité le narrateur, se sont identifiés à celui-ci et se sontpenchésdumêmecôté,enmiroir.

L’empathie établit ici une symétrie de rotation là ou la sympathie établit unesymétriederéflexion.

Onaalorsdeuxconceptsquisedéfinissentparleuropposition.

Lepremier,l’empathieestunerelationcognitiveavecautruidontlafonctionestlacompréhensiondel’autre.

Le second, la sympathie, est une relation affective avec autrui permettant lacréationdeliensaffectifs,lepartagedesémotions.

On peut dès lors éprouver à la fois empathie et sympathie comme on peutéprouverl’unsansl’autre.

(2) Lescontroverses

Il y a sur la définition du terme d’empathie une absence totale de consensus. JeanDecetyad’ailleursécritqu’il«existepresqueautantdedéfinitionsdel’empathiequ’ilyad’auteursécrivantdessus»(BerthozetJorland,2004).

CertainsauteurscommeEisenbergetStrayerdistinguentdeuxtypesd’empathie:l’une cognitive et l’autre affective ce qui s’oppose à la définition vue précédemment(EisenbergetStrayer,1990).

L’empathie cognitive correspondrait à la définition de l’empathie telle que vueprécédemment et l’empathie affective correspondrait alors à la sympathie. D’aprèsEisenberg,lemanqued’homogénéitéconcernantladéfinitiondutermed’empathieetdesympathieestaujourd’huiàl’originedenombreusesincompréhensionsmaisenréalitéiln’y aurait pas une définition correcte du terme d’empathie mais bien plusieursdéfinitionspossibles.

CailléetChanialparailleursregrettentdansladéfinitiondel’empathiedeJorlandet Berthoz le fait que l’empathie soit un opérateur proprement intellectuel et que lasympathieuniquementaffectif(CailléetChanial,2008).

16

Selon lui, l’empathie est «le vecteur général de la communicabilité et de laréversibilité entremoi et autrui qu’elle soit affective (je sens comme l’autre qui sentcomme moi) et/ou intellectuelle (je pense comme l’autre qui pense comme moi).L’imitationestlevecteuraffectifdel’empathielaréciprocitésamodalitécognitiveou,sil’onpréfèreréfléchie».

L’empathieestdoncselonluiunmodedecommunicationentresoietautruiquirepose à la fois sur des modalités affectives et cognitives. Elle englobe donc ce quecertainsauteursappellentempathieetsympathie.

(3) Lathéoriedel’esprit(Mitchell,1997)

Qu’estcequelathéoriedel’esprit?PourPeterMitchell(1997)elleréunitl’ensembledenoscapacitéscognitivesnouspermettantdevivreensociétéetdecomprendrel’autre,c’estenquelquesortecequed’autresappellent la«cognitionsociale». La théoriedel’esprit implique comme préambule la compréhension de l’autre et donc l’empathie.Maisonpeutmêmepenserquelathéoriedel’espritetl’empathiesontunseuletmêmeconcept.

Lathéoriedel’espritimpliqueunecapacité,chezl’Homme,àsecréeruneimagede la «viementale» d’autrui. Une image, une idée que nous nous créons demanièreéduquée,enprenantencomptetouslesélémentsànotredisposition.Pourillustrercettenotion, PeterMitchell utilise un exemple: imaginons que lors de son anniversaire, jetendsàmonamieRebeccauneboitedebonbons,ellepenseraalorsquelecontenudelaboite est présenté sur son emballage: des bonbons. Je sais que la boite contient desbonbonsmaisjesupposeaussiqueRebeccapensequ’ellecontientdesbonbons,etcelagrâceàcettethéoriedel’esprit.

ImaginonsmaintenantquejedécidedefaireuneblagueàRebeccaetéchangelecontenudelaboitepourdescrayons.Ellenelesaitpaspuisqu’ellen’étaitpasprésentelorsde l’échange.A laquestion,quecontient laboitepourRebecca? Jepeuxrépondredesbonbonsuniquementgrâceàcettethéoriedel‘esprit.Enl’absencedecettedernière,jerépondraidescrayons,cequ’ellecontientvraiment.Lathéoriedel’espritestdonclacapacité à se mettre à la place de l’autre et de supposer son état d’esprit, sonraisonnementgrâceàtouslesélémentsquenousavonsànotredisposition.

C’est donc bien l’empathie la première étape à ce mécanisme inné que nouspossédons, et il s’agit d’étendre notre capacité d’empathie aux raisonnements en plusdes sentiments. L’empathie étant avant tout un processus cognitif qui nous permet lacompréhension de l’autre, on peut faire l’hypothèse d’une empathie qui permet lacompréhensiondel’autreàlafoissurleplanémotionneletsurleplancognitif.

17

Cette théorie de l’esprit aurait présenté un avantage sélectif lors de sonapparition. «Connaître les pensées de l’autre c’est connaître ses futures actions.Connaître ses futures actions c’est posséder un avantage sélectif par rapport auxindividusquin’ontpascetteconnaissancepénétrante.»(Mitchell,1997).

Mais quelle est l’utilité de la théorie de l’esprit? De manière assez égoïste lathéoriedel’espritnousestutileafindegraviteràproximitédusommetdelahiérarchiesociale. Ne pas prendre en considération les pensées et ressentis d’autrui conduitrapidementàdevenirtrèsimpopulairevoirunpariademanièreassezévidente.Audelàdecela,lathéoriedel’espritnouspermetaussideformerdeslienssociaux,desamitiés.Ellenouspermetdechoisir lespersonnesque l’onconsidèrecomme«fréquentables»en imaginant les idéauxqu’ellespossèdentetdemanièregénérale leurspensées.Maisde manière plus globale, la théorie de l’esprit nous permet d’interpréter toutecommunicationavecautrui.Onsedemandesystématiquementpourquoi,dansquelbutcetindividunousditcequ’ilditetnousinterprétonssesparolesenfonction.

Unexempletrèssimpledelaviequotidienne:siunepersonnenousdemande«Ya-t-ildusucre»justeavantdepartirfairedescoursesouenbuvantsoncafé,laréponseseratrèsdifférentedufaitdelasituation,mêmesilaquestionestlamême.Dansuncasilestquestiondelanécessitéd’enacheteretdansl’autrelaréponsepeutêtrelesimplegestedetendredusucreàsoninterlocuteur.

b) Lacompassion

(1) LacompassionselonAndréComte-Sponville

Enanglaisleterme‘sympathy’setraduitdanslelangagecourantparcompassion,mêmesi en sciences sociales ces deux termes sont différenciés: sympathie et compassion.Quelssontlesliensentrecestermes?

PourAndréComte-Sponville«lacompassionc’est lasympathiedans ladouleurou la tristesse, c’est la participation autrement dit à la douleur d’autrui» (Comte-Sponville,2014).Lacompassionestdoncuneformedesympathieoulasympathieellemême est définie comme la participation affective aux sentiments d’autrui. Là où lasympathie est présente dans tout type de sentiment, la compassion elle se cantonnealors à la douleur, la tristesse. Plus encore, André Comte-Sponville définit dans sondictionnairephilosophiquelacompassioncommelefaitde«souffrirdelasouffrancedel’autre.Trèsprocheenceladelapiété,maissansl’espècedecondescendancequecettedernière, presque inéluctablement, comporte ou suggère. La compassion c’est la pitiéentre égaux.» (Comte-Sponville, 2013). La compassion est donc une souffrance enmiroir.

Maislacompassionest-ellemorale?

18

Etsielleestuneformedesympathie,qu’enest-ilde lasympathie?PourAndréComte-Sponville, la sympathie en elle même ne peut être assurément morale, toutdépenddusentimentquiestpartagé.

CommeMaxSchellerl’aécrit,«partagerlajoiequequelqu’unéprouveàlavuedumal,(…)partagersahaine,saméchanceté,samauvaisejoie–toutcelan’acertainementriendemoral.»(Scheler,1971).Sansimpliquerunevaleurmorale,lasympathiepeutpourtantouvriràlamoralepuisqu’elleimpliquedesortirdusoi,des’intéresseràautrui.

Iln’envapasdemêmepourlacompassion,Comte-Sponvilleécrit:«sitouteslessouffrancesnesevalentpas,s’ilyamêmedemauvaisessouffrances(ainsilasouffrancede l’envieux, face au bonheur d’autrui), elles n’en sont pas moins souffrances pourautant,ettoutesouffranceméritecompassion»(Comte-Sponville,2014).

Ilyauneasymétrieentreces termes, lasympathiedans leplaisirnevautdoncquecequevautmoralement leplaisirenquestion,aucontraire, toutesouffranceestàdéplorer.Mêmesil’objetdelasouffrancen’estpastoujoursmoralementcondamnable,elleesttoujoursmoralementregrettableetc’estcequ’estlacompassion:leregretdelasouffranceselonComte-Sponville.Schellerécritencore:«PartagerlajoiequeAéprouveàlavuedumaldontBestvictimeest-cefairepreuved’uneattitudemorale?»NonselonAndréComte-Sponvillemaisenrevanchecequiestmoralc’estparticiperàlasouffrancedeB(Comte-Sponville,2014).

(2) Lacompassionetlapitié

Letermepitiéestomniprésentquandonpenseàlacompassion,onleretrouved’ailleursà la fois dans ses définitions dans le dictionnaire Larousse et dans le dictionnairephilosophiquedeAndréComte-Sponville(cfinfra).

Pourtantlapitiéamauvaisepresse,«lapitiénefaitqu’augmenterlaquantitédesouffrancedanslemonde,etc’estcequilacondamne»(Comte-Sponville,2014). Pourlesstoïciens,lapitién’estpasnécessairepourtoutepersonnedouéederaison,«Plutôtquedeplaindrelesgens,pourquoinepaslessecourir,sionpeut?Nepouvons-nousêtregénéreux sans éprouverde la pitié?» (Cicéron, s.d.). Cepoint de vue est partagéparSpinoza qui, lui, condamne même la pitié: «La pitié chez un homme qui vit sous laconduitedelaraisonestenelle-mêmemauvaiseetinutile»(Spinoza,1677).Cependantlapitiéest condamnable chez le sagepourqui lesactionsmorales sontdictéespar saraison,maispourlecommundesmortels,lapitiévautmieuxquesonabsencevoirsoncontrairequirevientàl’indifférence,l’égoïsmevoirelacruauté.

MaispourAndréComte-Sponville, la compassionn’estpas seulementpitié, ellen’estmêmepasseulementtristesse.Ilproposecommedéfinitiondelacompassioncelleque Spinoza développe pour le terme misericordia ordinairement traduit par

19

miséricorde.«Lacompassion[misericordia]estl’amourentantqu’ilaffectel’hommedetellesortequ’ilseréjouissedubonheurd’autruiets’attristedesonmalheur»(Spinoza,1677). Même si au sens usuel, la compassion est le fait de s’associer, de partager lemalheurd’autrui,AndréComte-Sponville levoit luicommeunemanifestationd’amourdel’autre,etl’amourestavanttoutunejoie,mêmequandlatristessel’emporte(Comte-Sponville, 2014). Cette définition de la compassion comme un partage d’affects aussipositif que négatif, se rapproche en réalité de ce que certains auteurs appellentsympathie(Jorland,2006).

(3) Lacompassionensoinshospitaliers

La recherche en soins hospitaliers s’est aussi beaucoup intéressée à la question de lacompassionpuisqu’elleyestomniprésenteauquotidien.

FlorenceNightingale,pionnièredes soins infirmiers, auraitd’ailleursdéfiniunebonne infirmière comme une personne cultivant certaines vertus et qualités decaractèredontlacompassion(Bradshaw,2011).

De la même façon que pour l’empathie, la définition de la compassion estambiguë et l’on trouve beaucoup de données contradictoires. Le terme compassionpossèdeunlargepaneldedéfinitionscar«ilfaitappelàdifférentesémotionscommelagénérosité, l’altruisme, la solidarité, l’hospitalité, l’accompagnement et le réconfortparmid’autres»(Jiménezetal.,2002).

Il y a toujours l’idée de souffrance lorsque la compassion est définie en soinshospitaliers,lasouffrancedupatientphysiqueoupsychologique.Pourcertainsauteurs,lacompassionconsisteàlaperceptiondelasouffrancedel’autre,etlefaitdelaressentircommesicettesouffranceétaitlanotre.

Unevisioncontroverséepuisqued’aprèsGarcia-Barò,souffriravecquelqu’unnesignifiepasàlaplacedecettepersonne.Lasouffranceestuneexpérienceindividuelle,selon lui, qui ne peut être transférée, on peut uniquement accompagner la souffrance(Perez-Bretetal.,2016).

SelonNussbaum,lacompassionest«uneémotiondouloureuseoccasionnéeparla connaissancedumalheurdequelqu’und’autre,quine leméritaitpas» (Nussbaum,2003).Laréponseàcettesouffranceestdoncd’abordémotionnelle,etcelad’aprèstousles auteurs même si elle n’est pas forcement le partage de souffrance. Ainsi lacompassionpeutaussiêtreconsidéréecommeuneémotionouunmélangedetristesseet d’amour pour la victime (Perez-Bret et al., 2016). Mais au delà de cet aspectémotionnel, la compassion appelle aussi à l’action, l’action pour aider l’autre dans sasouffrance,aider lepatient.«Lacompassionest lacapacitédevoirquelesautressont

20

danslebesoinetdesecréerdesdevoirspourrépondreàcebesoin»(Perez-Bretetal.,2016).

Ilyadoncensoinshospitaliersundevoird’actionfaceàlasouffrancedel’autre,etcetteconsidérationdelasouffrancedel’autre,ressentiesurleplanémotionnelplutôtquecognitif,coupléeàl’actionpourlasoulager,c’estlacompassion.

Il y a donc deux étapes essentielles dans le processus de compassion: «laréponse empathique à la souffrance d’une autre personne est la première étapede lacompassion» (Batson et Shaw, 1991), vient ensuite «la motivation de réduire lasouffrancedel’autre»(Simon-Thomasetal.,2012).Elleseraitensuiteàl’origined’unesatisfactionpersonnelle(Perez-Bretetal.,2016).L’empathieetlacompassionsontdonctrèsliées,etl’empathieestdoncàl’originedelacompassion.

Comment différentier empathie, sympathie et compassion, souvent utiliséscomme synonymes? Tout d’abord, on a vu que la compassion nécessitait l’empathiecomme point de départ. Mais là où l’empathie est cognitive, la compassion fait aussiappel aux émotions, à un partage émotionnel, et en ce point elle nécessite aussi lasympathie.

La compassion «est une caractéristique qui combine une considération activepour le bien être de quelqu’un d’autre avec une connaissance hypothétique et uneréponseémotionnelledesympathieprofonde,tendresseetinconfortaumalheurouàlasouffranced’uneautrepersonne.Lacompassion implique lasympathie,adesaffinitésaveclapitiéets’exprimeparunactedebienfaisancepourtenterdesoulagerlemalheuroulasouffrancedel’autrepersonne.»(BeauchampetChildress,2001).

Enplus clair, la compassiondécoule à la fois de la sympathie et de l’empathie,maisilyaunpointessentielsurlequelelles’enémancipe,c’estsanécessitéd’action.Làoùlasympathieetl’empathiesontuniquementdespartagesémotionnelsoucognitifsdel’étatd’espritdel’autre,lacompassionvaplusloinetimpliqueuneactionpoursoulagerl’autre.

Uneétuderétrospectivesurladéfinitiondelacompassiondanslalittératureensoins hospitaliers a été menée afin de répondre à cette question de définition de lacompassion(Perez-Bretetal.,2016).Laconclusiondecetteétudeaétéquemêmesiceterme peu connu de notre société a de multiples définitions, certains points sontessentielsetcommunsàcesdéfinitions:lacompassionprovientd’abordd’uneréponseempathiqueàlasouffrancedel’autre,etpeutêtredéfiniecommelasensibilitéàl’égarddelasouffrancedel’autrecombinéeaudésirdevenirenaideetdepromouvoirlebien-êtredecettepersonneafindetrouverunesolutionàsasituation.

21

(4) Lacompassionensociologie

Gérard Jorland, définit lui la compassion comme «un acte dirigé vers autrui pour luivenirenaideousefairel’instrumentdesonplaisir,induitaussibienparl’empathiequelasympathie»(Jorland,2006).CommepourAndréComteSponville, lacompassionestprésente à la fois dans les émotions positives et négatives. Elle est pour Jorland unerésultante de l’empathie. Ce qu’il appelle compassion, d’autres auteurs l’appellel’hypothèseempathie-altruisme.

Des expériences ont été imaginées pour évaluer cette compassion. L’hypothèsealorsémiseétaitqu’unepersonneprésentantde l’empathiepourquelqu’unseraitplusenclinàaidercelui-ci,etavecunesourcedemotivationaltruisteetnonégoïste,plutôtqu’unepersonnenonempathique(Batsonetal.,1981).

Ilyadéjàplusieurspointsàdévelopperdanscettehypothèse.

Tout d’abord, quelle est cette motivation égoïste ou altruiste derrière l’aidequ’unepersonnepeutapporteràautrui?Lorsqu’unepersonnevientenaideàuneautre,ilyaplusieursthéoriesquandàlasourcedemotivation:ellepeutêtretoutsimplementaltruiste,danscecaslebutestuniquementdesoulagerlapersonneoud’augmentersonbien-être;aucontraire,lamotivationpeutêtreégoïsteetdanscecas,lebutestungainpersonnel(unerécompense,l’estimedesoioul’imageauprèsdelasociété),ouundésird’éviter soi-même un désagrément (punition, rejet social, honte ou sentiment deculpabilité).

Réussiràdifférencierunemotivationaltruisteouégoïsteestdifficileenpratique,même si en théorie, la distinction semble claire. En effet, en pratique on ne peutobserverquedescomportementsetnonpaslamotivationquianimelapersonne.

Une technique a donc été élaborée, le principe en est le suivant: la différenceentre une source de motivation altruiste ou égoïste réside en la facilité qu’a leprotagonisteàfuirlasituation.

Enplusclair, siunepersonneprésenteunesourcedemotivationégoïste faceàune situation de détresse chez un autre individu, son but est de diminuer sa propredétresse face à la vue de la victime. Pour atteindre cet objectif, il peut soit fuir lasituation,soitaiderlapersonne.Siilestfaciledefuirlasituationautantphysiquementque psychologiquement, la personne présentant une motivation égoïste va avoirtendance à choisir cette solution. En revanche, si la fuite est difficile, la personneprésentantunemotivationégoïsteauraplustendanceàaiderlavictime.Aucontraire,silapersonneestmueparunemotivationaltruiste,peutimportelafacilitédefuite,lebutétant le bien être de l’autre, dans tous les cas, la personne aura tendance à aider lavictime.Ceprincipeestrésumédansletableau1(Batsonetal.,1981).

22

Tableau1:Tauxd'aideàunevictimelorsqueladifficultédefuitevarieetquelamotivationestégoïsteoualtruiste(Batsonetal.,1981)

3. TYPEDEMOTIVATION(NIVEAUD’EMPATHIE)

FACILITEDELAFUITE Égoïste(empathiefaible) Altruiste(empathieélevée)

Fuitedifficile Tauxd’aideélevé Tauxd’aideélevé

Fuiteaisée Tauxd’aidefaible Tauxd’aideélevé

Etquelestlerôledel’empathie?

L’hypothèsed’empathie-altruisme,oucequeGérardJorlandappellecompassion,veutqu’unindividuprésentantundegréélevéd’empathieoffreplussonaidequellequesoitlafacilitéd’échappementàlasituation,samotivationestaltruiste.

Au contraire lorsqu’un individu est moins empathique, sa motivation estuniquementégoïsteetiloffresonaideuniquementlorsquelasituationestdifficileàfuir.C’estcequ’acherchéàmontrercetteétude.

Maiscommentévaluerledegréd’empathieenverslapersonne?Ilaétémontré,et cepoint seradéveloppéplus tarddanscette thèse,qu’unepersonnes’identifieplusaisément à une personne qu’elle perçoit comme similaire, et ce faisant, ressent plusfacilementdel’empathiepourcelle-ci.

Une expérience a donc été imaginée avec des sujets en présence d’une femmerecevantdesélectrochocs,etilsavaientlapossibilitédel’aiderenrecevanteux-mêmeslesélectrochocs.Cetteexpérienceaétéréaliséesurquatregroupesdeonzepersonnesàquiilaétéprésentéunefemme:Elainerecevantunesériededixélectrochocs.

Pourcréer l’identificationàElaine, unquestionnairedevaitêtre remplipar lessujets avant l’expérience et un questionnaire censé être celui de la victime leur étaitprésenté.DeuxdesquatregroupespossédaientdesquestionnairessimilairesàceluideElaine,etdeuxautresdesquestionnairesdifférents.

Au sein des deux groupes ayant des questionnaires similaires, il a été dit à ungroupe qu’il devait uniquement observer Elaine recevoir deux électrochocs avant depouvoir partir (fuite aisée), l’autre groupe devait regarder les dix électrochocs (fuitedifficile).Auseindesgroupesayantunquestionnairedifférent,lessujetsétaient,delamême façon, répartis en un groupe avec une fuite aisée et un groupe avec une fuitedifficile. Dans les quatre conditions, il était par ailleurs proposé aux sujets, après le

23

deuxième électrochoc, d’aider Elaine en prenant sa place. Afin de vérifier le degré desimilitude avec Elaine ressenti par les sujets, il leur était demandé de noter cettesimilitudesuruneéchellede1à7.Lessujetsdanslesgroupes«similaires»percevaientElainecommesignificativementplussimilaireàeuxmêmequelesgroupes«différents»(p<0,001). La proportion de sujets ayant présenté de l’aide à Elaine dans chaquesituationestprésentédanslatableau2(Batsonetal.,1981).

Tableau2:ProportiondesujetsayantacceptédechangerdeplaceavecElaineselonlesconditions(Batsonetal.,1981)

4. CONDITIONSDESIMILARITE

5. Victimedifférente Victimesimilaire

FACILITEDELAFUITE Proportion(%)

Mno.a Proportion(%)

Mno.a

Fuiteaisée 0,18 1,09 0,91 7,09

Fuitedifficile 0,64 4,00 0,82 5,00

Note:n=11danschacunedesconditionsaMoyennedunombred’électrochocs(de0à8)quelessujetsontacceptéderecevoiràlaplaced’Elaine.

Lorsqu’on observe la proportion d’aide proposé dans les quatre conditions, onobservequecetteproportionestsignificativementplusfaibledans lecas«différentetfuite aisée» par rapport aux trois autres situations (p<0,001), ce qui correspond auxpersonnesprésentantpeud’empathiepourElaine.Iln’yacependantpasdedifférencesignificativedanslaproportiond’aideentrelestroisautressituations(p>0,25).

Donc lorsque l’empathie est faible, les personnes présentent significativementmoinsleuraidequandlafuiteestfacilequequandlafuiteestdifficile:lamotivationestdoncégoïste.

Enrevanchequandl’empathieestimportante,peuimportelafacilitédelafuite,iln’y a pas de différence significative entre les deux groupes en ce qui concerne laproposition d’aide, la motivation est altruiste. Ces résultats sont en accord avecl’hypothèsed’empathie-altruisme.

C’estdoncbienl’empathiequiestàl’originedel’altruisme,d’uneaidemotivépardel’altruisme,cequeJorlandappellelacompassion.

24

Lesmêmesrésultatsontétéobtenusdansuneautreétudesimilairedanslaquelleil s’agissait de venir lire des notes à une étudiante présentant une fracture des deuxjambessuiteàunaccidentdelarouteetquinepouvaitsortirdechezelle(ToietDaniel,1982).L’empathie,cettefois,étaitmesuréeselonlaméthodedeStotland:lessujetssontexposésàunepersonneendétresseetilleurétaitdemandéd’observeruniquementlesréactions de la victime (faible empathie) ou d’imaginer ce qu’elle ressent (empathieélevée)(Stotland,1969).

De lamêmemanièrequedans l’étudeprécédente, lessujetsdans lesconditionsd’empathie élevée ont présenté un taux d’aide important quelle que soit la facilité àéchapper à la situation, alors que ceux dans les conditions de faible empathie ontprésentéuntauxd’aideimportantuniquementlorsquelasituationétaitdifficileàfuir.

L’empathieestdoncbienà la sourcede l’actionpoursoulagerouaugmenter lebienêtredel’autre,àl’originedoncdelacompassioncommel’entendGérardJorland.

a) L’influencedelaculture

Lesdéfinitionsd’empathieetdecompassionsonttrèsdépendantesdelaculture.Quandlaculturejudéo-chrétienneseméfiedelacompassion,cettesourced’unesouffrancequin’estpas lanotre, laculturebouddhisteaucontraire laconsidèrecommebénéfiqueetindispensable.

La compassion constitue dans le bouddhisme une des quatre «penséesimmesurables» (apramâna) qui sont les suivantes («Quatre Incommensurables»,2017):

- Maitrï: la bienveillance, «souhait que tous les êtres trouvent le bonheur et lescausesdubonheur»

- Karunâ: lacompassion,«souhaitquelesêtressoientlibérésdelasouffranceetdescausesdubonheur»

- Muditâ: l’amour, «souhait que tous les êtres trouvent la joie exempte desouffrance»

- Upeksâ:l’équanimitéouledétachement,souhaitquelesêtredemeurentégauxetenpaixquelsquesoientlesévénements,bonsoumauvais,qu’ilssoientlibresdepartialité,d’attachementetd’aversion.

Cesqualitéssontdesqualitésd’éveildanslebouddhismequipermettent,lorsdeleuracquisition, de se libérer de la souffrance (grafactory.net, s.d.). Ces quatre penséestraduisent la primauté de l’autre à travers une expérience fondamentale derenoncementàl’aspirationdel’éveilpersonnelauxfinsdecontribuerenpremierlieuàl’éveildesautres(BerthozetJorland,2004).

Lacompassionausensbouddhistes’appliqueàtouslesêtresincluantêtreshumainsetanimaux,etelles’appliquedemanièreégaleàtous.Cettepratiques’appliquesurdeux

25

gestesmentaux principaux: d’abordmettre soi-même et l’autre sur un pied d’égalitépuiséchangersoi-mêmeetl’autre(BerthozetJorland,2004). Lapratiquepasseparlaméditation pleine conscience. Nathalie Depraz explique sa propre mise en pratique:«Toutencalmantmonesprit jemereprésente toutd’abordunesituationconcrèteoùquelqu’unquejeconnaisestconfrontéàuneépreuvedouloureuse,etjelagardeentête;àunmomentdonné,j’inspireprofondémentdefaçonàchangerderythme;chaquefoisquej’inspire, jeprendssasouffrancesurmoi;chaquefoisquej’expirejeluitransmetsdessentimentsbénéfiques.»(BerthozetJorland,2004).

L’empathie est par contre considérée dans le bouddhisme commeune résonnanceémotionnelleaveclesautresetleressentidecequ’ilséprouvent(MatthieuRicard,s.d.).CettedéfinitioncorrespondàcelledelasympathieselonJorland.SelonMatthieuRicard,lespersonnesayanttendanceàressentirdel’empathieserontsujettes,etdoncexposéesà la souffrance des autres, à de la «fatigue de l’empathie». La description de cetteatteinte correspond en tout point à ce qu’on appelle la fatigue de compassion décriteultérieurement(cfII.B).

La solution pour répondre à cette fatigue de l’empathie serait alors de cultiverl’amouraltruisteetunecompassionsansréservepourlapersonnesouffrante(MatthieuRicard, s.d.). Au-delà d’entrer en résonnance, il s’agit d’une attitude qui consiste àsouhaiterquelesautressoientheureuxetàundésirdemettrefinà leurssouffrances.«Untelamourcompatissantpeutneutraliserladétresseetl’impuissanceengendréeparl’empathieappliquéeseule,etproduitdesdispositionsd’espritconstructivestellesquelecouragecompatissant.»(MatthieuRicard,s.d.).

26

6. L’intérêtdel’empathieetlacompassion:médiateursdesrapportssociaux.

a) Lescomportementspro-sociaux

Pour beaucoup d’auteurs, l’empathie est considérée comme ayant un rôle primordialdanslesrelationssocialesetseraitunrégulateurdelavieensociété.Decetyaécritque«pourlepsychologueévolutionniste,lesémotionsontdesfinalitésadaptativesprécisesdans toute transaction critique avec l’environnement, ainsi qu’un rôle central dansl’organisation des comportements et dans les modes de communications sociales»(BerthozetJorland,2004).

En effet, elles sont indispensables à la survie de l’espèce au sein de sonenvironnementpuisqu’ellessontàl’originederéponsesadaptativesdansdessituationsd’urgencepréparantparexempleàlafuiteoulalutte.Parailleurslesémotionsetleurcompréhensionparautruiontunrôlederégulationdelaviesociale,plusprécisémentunrôleprépondérantdansla«cognitionsociale»(BerthozetJorland,2004),cetermedésignantl’ensembledesprocessuscognitifs,dontlesémotions,quisontimpliquésdansles interactions sociales. La vie en groupeprésente en effet un avantage adaptatif parbien des aspects (sécurité face aux prédateurs, coopération dans la recherche denourriture, flexibilité dans le choix des partenaires sexuels etc.) mais peut aussiengendrerdesconflitsinternesentrelesindividuscomposantlegroupe.

C’est alors qu’apparaît clairement l’intérêt de la coopération, l’altruisme,l’empathie,permettantlacohésiondugroupemaisaussil’intérêtpourunindividudescapacitésde tromperieoumanipulationdescongénères, c’estàdire tous lesélémentscomposantlacognitionsociale.

Cescapacitésprésententalorsunavantageévolutifpourtoutêtrevivantauseind’ungroupe.

Une théorie souvent reprise par les philosophes ou psychologues est quel’empathie serait à l’origine des comportements pro-sociaux (Eisenberg et Strayer,1990). Le comportement pro-social est défini comme étant un comportementintentionnel résultant en un bénéfice pour un autre individu, la motivation de cecomportementn’étantpasspécifiéetpouvantêtrepositifounégatif.Ilestàdifférencierducomportementaltruistequiluiestdéfinicommeunsous-typedecomportementpro-socialmaisquiestmotivéuniquementpardesconsidérationsaltruistesetnonpasparle désir de recevoir une récompense extérieure ou d’éviter un quelconque stimulusaversif ou une punition (Eisenberg etMiller, 1987) (cf supra). On s’attend alors à cequ’un sentiment de détresse personnelle soit responsable de comportements pro-sociauxmotivéspardesconsidérationségoïstes:parexempleselibérerdelasituationinconfortable que représente la vue des signaux aversifs produits par autrui. Aucontraire on a vu précédemment que c’est l’empathie qui serait à l’origine des

27

comportementspro-sociauxaltruistes.Cependantlesavisainsiquelesétudesquandàcettethéoriesontpartagés.

b) Descomportementsquisontcependantdirigésversdespersonnessimilaires

Ilaétéprouvéqu’unindividus’identifieplusfacilementàunepersonnequ’ilconsidèrecommesimilaireetdecefaitestplusàmêmed’êtreempathiqueenversunepersonnesimilaireplutôtqu’avecunepersonnedifférente(Batsonetal.,1981). L’expériencedeKrebs illustre parfaitement ce propos (Krebs, 1975). Dans cette expérience soixantesujetsdesexemasculindevaientobserverunhommejoueràlaroulette.Préalablement,les participants devaient répondre à unquestionnairedepersonnalité. Il était dit à lamoitiédesparticipantsquecequestionnaireavaitpermisdeconclurequ’ilsétaienttrèssimilaires au joueur de roulette, et à l’autre moitié qu’ils étaient très différents. Desinformationssupplémentairessurlescentresd’intérêtsetlesvaleursdujoueurétaientdonnées aux participants pour renforcer ce sentiment de similitude ou de différence.Lesparticipantsétaientensuitetémoinsdujeuderoulettedanslequellejoueurpouvaitsoitgagnerde l’argent,soitrecevoirdesélectrochocs.Danscetteexpérience, lessujetsquipensaientêtresimilairesaujoueurontréagidemanièreplusintense,positivementet négativement suivant la situation, que les sujets pensant être différents. Ils se sontplus identifiés au joueur et ont eu un ressenti d’inconfort plus important lorsque lejoueurdevaitrecevoirdesélectrochocsquelessujetspensantêtredifférents.Deplus,illeur était possible d’aider le joueur, et là encore, les individus se considérant commesimilaires ont plus aidé le joueur que les individus se considérant différents. Laconclusiondecetteétudefutqu’unepersonneestplusenclineàressentirdel’empathiepouruneautrepersonnesiellelaconsidèrecommesimilaireets’identifieàelle.

Les comportements pro-sociaux sont donc généralement dirigés vers despersonnessimilaires,auxquellesunindividus’identifie.Lamotivationaltruisteexiste-t-elle réellementdans ce cas? Si lamotivationestplus importante lorsqu’il s’agitd’unepersonne similaire, cela peut supposer que la distinction entre soi et autrui n’est pasnette. Ainsi l’identification à l’autre est responsable du comportement pro-social et lapropositiond’aideestenquelquesorteuneaideàsoi-même.

Cependant le faitdepasserà l’actionetdevenirenaideà l’autrefaitappelà lacompassionquidécouleengrandepartiedelasympathie.Ceseraitpeut-êtrelepartageémotionneluniquementquiseraitplusimportantlorsd’identificationautrui.

28

7. Synthèse

Malgré le manque de consensus en ce qui concerne les termes d’empathie et decompassion, l’étude des différentes définitions de ces concepts a permis d’établir despointsd’oppositionsnotablesainsiquelesrelationsentrecesconceptsrésumésdansletableau3etlafigure1.

L’empathiesemble,pour laplupartdesauteursêtreunprocessuscognitif,et lacompassion un processus affectif. Dans le dictionnaire Larousse il est par exemplequestion de «perception» en ce qui concerne l’empathie et de «sentiment» pour lacompassion.

L’étude de l’étymologie de ces termes met encore en lumière cette oppositionémotion/cognition.L’originede l’empathieest lasecondemaximedusenscommundeKant qui recommande de «penser en mettant à la place de tout autre», tandisqu’étymologiquement«compassion»signifie«souffriravec».

Tableau3:Principalesoppositionsentreempathieetcompassion.

EMPATHIE COMPASSION

DictionnaireLarousse

Perception Sentiment

Etymologie «Penserensemettantàlaplacedetoutautre»(KantetPhilonenko,1993)

Souffriravec

29

Figure1:Relationentreempathie,sympathieetcompassion.

La figure 1 reprend les définitions des termes empathie et compassion ensociologie.

Toutd’aborddeuxconceptss’opposent:l’empathieetlasympathiequed’autresauteurs appellent empathie cognitive et affective. L’empathie permet unecompréhensiondel’autre,desonétatd’espritsanspartageémotionnel.Aucontrairelasympathie est une contagion émotionnelle. Dans les cas, plus deux personnes sont

30

proches,plus l’empathieet lasympathiesont importantes.Laconditionpourressentiruniquement de l’empathie et non pas de la sympathie est la distinction entre soi etautrui.C’estl’uniquemoyenpourunepersonnedesedétacherdeladétressedel’autre,denepaslaressentirmaisuniquementlacomprendre,toutencomprenantqu’ellen’estpaslasienne.

Lacompassionrésulteà la foisde l’empathieetde lasympathie,puisqu’elleestresponsableà la foisd’unecompréhensionde l’autre,etd’unpartagedesesémotions.Maiselleimpliqueaussilebesoindedéchargerdesonfardeaulapersonneendétresse,et de ce fait, un passage à l’action. La motivation de ce passage à l’acte peut êtrealtruiste: le bien-être d’autrui, ou égoïste: son propre bien-être de façon indirect.L’empathiequandelleprésente,estàl’origined’unemotivationaltruiste.

31

B. Lecturedecesconceptsàl’aunedesneurosciences

1. Letraitementdesémotions

Commec’estgénéralementlacasenneurologie, lesbasescérébralesdel’empathieontétéhistoriquementdécouvertesgrâceàdespatientsprésentantdes lésionscérébralesassociéeàdessymptômesétranges.

Dans les années 1930, Kluver et Bucy réalisèrent une large lésion bilatérale dans descerveaux de singes, impliquant l’amygdale, le néocortex temporal ainsi que desstructuresenvironnantes(KlüveretBucy,1939).Suiteàcetteexpérience,lesanimauxsemblaientàmêmederépondreàleurenvironnement,etauxobjetsquilecomposent,maissecomportaientdemanièreinappropriéeparrapportàlachargeémotionnellequeces objets impliquent généralement. Ces comportements pouvaient comprendre unexamen compulsif d’objets, surtout avec la bouche, des comportements sexuelsexacerbés, unedocilité inhabituelleetundéfautde reconnaissancede la significationémotionnelledecertainsstimuli.

Chez l’homme la première découverte des structures impliquées dans letraitementdesémotionsaétéeffectuéegrâceàunemployédecheminde fer,PhineasGage(Adolphs,1999).Ilfutlavictimed’unaccidentquieupourconséquenceunelésionbilatérale de son lobe frontal incluant le cortex préfrontal ventromédial. Alors queprécédemment à cet accident Phineas était poli et diligent, il devint insensible auxautres, vulgaire et inapte socialement.D’autres sujets ayant des lésions similaires ontensuitemontrédessymptômessemblablestoutenconservantlerestedesfonctionsdel’encéphaleintactescommelelangage,lequotientintellectuel,lamémoire,lamotricité.Une explication serait aujourd’hui donnée, le cortex préfrontal serait impliqué dansl’associationd’expériencesémotionnellesavec laprisededécisiondansdes situationscomplexes, plus particulièrement dans le domaine social (Adolphs, 1999). Quatrestructuresprincipalessont impliquéesdans le traitementdesémotions: l’amygdale, lestriatum,lecortexpréfrontalventromédialetlecortexsomatosensorieldroit. Ilssontreprésentésdanslafigure2.

a) L’amygdale:unrôleprépondérantdanslapeuretl’attention.

L’amygdaleest fortement impliquéedans lapeuret l’anxiété.Lorsqu’elleest lésée, lesindividus présentent une perturbation de l’évaluation du danger et l’apprentissaged’uneréponsedepeuradaptéeaucontexte(PichonetVuilleumier,2011). L’amygdaleestactivéeparlaperceptiondesexpressionsfaciales.Cepointaétémisenévidencepardifférentes études de neuro-imagerie chez des individus sains et des individusprésentantunelésiondel’amygdale(Adolphs,1999).Elleestparticulièrementstimuléeparlavuedecertainesémotionsnégativescommelapeur.Cettecapacitédedétection

32

des expressions faciales par l’amygdale est une étape primordiale pour comprendrel’autreetfairepreuved’empathie.

Dansuneétude,dessujetssainsettroissujetsprésentantunelésionbilatéraledel’amygdale devaient juger de la confiance qu’ils accorderaient à d’autres personnesuniquementenobservantleursvisages(Adolphsetal.,1998).Lessujetsprésentantunelésion bilatérale de l’amygdale faisaient preuve d’une confiance exagérée envers lesindividus classiquement jugés comme les plus inapprochables et peu dignes deconfiance. L’amygdale est donc indispensable à la reconnaissancede signaux aversifschezl’autre,etdecefaitindispensableàlacognitionsociale.Maisellerépondaussiàdessignauxappétitifsetàl’humour.

L’amygdaleaunrôledansnotrepropreconservation,dans l’intégration de stimuli émotionnels et enparticulier aversifs. Elle projette sur de nombreuxsystèmes cérébraux et est impliquée dans leprocessus d’orientation attentionnelle involontaire(Pichon et Vuilleumier, 2011). En particulier lors destimuliphobiques,devisiondevisagesexprimant lapeurou la colère, elle initierauneréponse rapideeten partie automatique permettant d’augmenterl’activité des régions sensorielles (par exemplevisuelles)impliquéesdanslaperceptiondustimulus.Elle favorise ainsi l’orientation de l’attention vers lasourcedudanger.

Enfin le complexe amygdalo-hippocampique permetla mémorisation et l’encodage des évènementsémotionnels.

b) Lestriatum:émotionspositives

Al’inversede l’amygdale, lestratumest lui impliquédans la reconnaissance du plaisir et le système derécompense(Pichon et Vuilleumier, 2011), il peutêtre activé par l’écoute d’une musique plaisante, lavue d’un visage aimé. Il est aussi activé par la prised’une décision altruiste ou charitable: ilcorrespondrait à un système de récompenseintrinsèque lorsquenous faisonspreuved’altruisme,decompassion.

Figure 2 : Représentation desstructures anatomiquesimpliquéesdansletraitementdesinformations émotionnelles. Envert : cortex préfrontalventromédial, en bleu : cortexsomatosensoriel, en rouge :amygdale, en violet : insula.(Adolphs,1999)

33

c) Lecortexpréfrontalventromédian

C’estunacteuressentielpermettantl’intégrationdelavaleuraffectivedesinformationssensorielles (Pichon et Vuilleumier, 2011). Il est impliqué dans la perceptionémotionnelleetsocialedesstimuliextérieurs(Adolphs,1999).

Lespersonnespossédantunelésiondulobepréfrontalventromédianprésentent,entre autre symptômes, une inaptitude sociale et un manque de considération pourautrui,sansatteintedesfonctionsintellectuelles.Cemanquedeconsidérationconcerneenparticulierlebienêtredel’autreetunimportantmanqued’empathie.

Le cortex préfrontal ventromédian est part ailleurs au cœur des processusdécisionnels(PichonetVuilleumier,2011).

d) Lecortexsomatosensoriel

Lecortexsomatosensorielcomprendl’insulaquijoueunrôleclédansl’interprétationdesinformationsentéroceptives(viscérales,thermiques,nociceptivesetc.).Elleestimpliquéedansledégoutetlareprésentationdudégoutchezl’autre,pointquiseradéveloppéplustard(cfI.B.3.b),maisellesembleimpliquéedansunspectred’étatsémotionnelspluslargecommelatristesse,ladouleuretc.Ellesemblealorsêtreimpliquéedanslareprésentationdesétatsémotionnels(PichonetVuilleumier,2011).

2. Lesystèmemiroiràl’originedelacompréhensiondel’autre

Les neurones miroirs sont des neurones qui ont une activité aussi bien lorsqu’unindividueffectueunecertaineactionquelorsqu’ilobservequelqu’und’autrel’effectuer.

Lesneuronesmiroirsontétédécouvertsen1992parGiacomoRizzolattietsonéquipeparhasardàl’universitédeParme(Rizzolattietal.,2009).Eneffet,ilsétudiaientchezlemacaquel’aireprémotrice6quijoueunrôledanslecontrôledumouvement.Ilsont distingué 2 aires: F4 et F5, les neurones de la partie F5 déchargeant lors d’unmouvement intentionnel. Lorsd’unepause, les capteurs sont restés branchés et ils sesont alors aperçu que les neurones de F5 continuaient à décharger lorsque lesexpérimentateurs prenaient un biscuit et le portaient à la bouche. Ils ont appelé cesneuronesdesneuronesmiroirs.

Le mécanisme de ces neurones miroirs est le suivant: lorsqu’un individu observequelqu’und’autreeffectueruneaction,lesneuronesquicodentpourcettemêmeactions’activentchez l’observateur(Figure3).Tout fonctionneauniveauneuronalcommesic’était l’observateur lui même qui réalisait cette action, sans qu’il n’esquisse un

34

mouvement.L’observateurcomprendalorsdirectementl’actionquel’autreindividuestentraindemenersansnécessiterdethéorisation,deréflexion.

Figure3 :AetB:Enregistrementde l’activitéd’unneuronemiroirdans la zoneF5.Leneuronedéchargeà la foisquand le singe attrape (A) un objet et quand il observe l’expérimentateur l’attraper (B). (Fogassi et al., 2005)

Selonleneuronemiroirquiestencause, ledegrédesimilitudenécessairepourqu’ilsoitactivé,entrel’acteeffectuéetl’acteobservévarie.Cependant,pourlaplupart,la similitude nécessaire est le but de l’action. En plus clair, si le but de l’action est lemême,parexempleattraperunobjet,peuimportelafaçondontluimêmeoul’individuobservé l’a effectué, par exemple avec deux doigts ou avec toute lamain; le neuronemiroirestactivédans lesdeuxcas.Cetteparticularitévamêmeplus loin,eneffet,desétudes(Rizzolattietal.,1988)ontmontréquelesneuronesdelazoneprémotrice(dontF5 faitpartie)codentpourunacteavecunbutprécisplutôtquepour ledéplacementd’unepartieducorps.Eneffet,sil’actionestd’attraperunobjet,peuimportequecesoitaveclamaindroite,lamaingauche,laboucheouautre,lemêmeneuroneestactivé.Enrevanche si un mouvement du doigt est effectué pour attraper un objet et ce mêmemouvementestrépétépoursegratter,ceneserontpaslesmêmesneuronesquiserontencause.C’estdoncbienlebutquidéterminel’activationdecesneurones(Rizzolattietal.,2009).

Cela implique que l’observateur comprend l’action que l’individu effectue plusquelemouvementdirectement.L’activationneuronaleestidentiqueàcelledel’individuobservé, comme si l’observateur et l’observé étaient une seule et même personneeffectuantcegeste.

Maisplusencore,uneétudeamontréque lesneuronesmiroirspermettaient lacompréhensiondubutderrièrel’action(Fogassietal.,2005).Celaaétémisenévidencegrâce à une expérience dans laquelle un singe effectuait desmouvements similairesayantdesbutsdifférents:attraperunobjetpourlemangerouattraperunobjetpourle

35

mettre dans une boite, puis observait un expérimentateur effectuer ces mêmesmouvements(Figure4).

Dans la figure4onconstateque leshistogrammesdesneuronesde lazoneIPL(Inferiorparietallobule)161et158sontsimilaireslorsquelesingeattrapel’objetpourlemettreà laboucheou l’attrapepour lemettredans laboite.Enrevanche, l’unité67présenteuneactivationuniquementlorsquelesingeattrapel’objetpourlemanger.

De la même manière lorsqu’on observe la réponse des neurones miroirs à lavisiond’unautreindividueffectuantcesmêmesmouvements,onpeutenconclurequel’unité 87 est sélective pour l’action «attraper pour manger» et l’unité 39 pour«attraperpourmettredanslaboite».Danscecontextelà,l’unité80n’estpassélective.L’activationdesneuronesmiroirsestalorsdifférenteselon lebutetnecodedoncpasuniquementpourl’action«attraper».Celasignifiequelorsquelesingeobserveunautreindividuattraperunobjet, ilestcapabledeprédire lebutde l’actionselon lecontexte(répétitiondel’acte,objetspécifique).

Il est donc en mesure de comprendre ou du moins de supposer l’intentionderrièrelegesteoul’amorcedugeste.

Cesdécouvertesontétéfaitessurdessinges,maisqu’enest-ildel’homme?

Cettequestionafaitl’objetdenombreusesétudesquienutilisantl’imagerieontpermis demettre en évidence des zonesmiroirs chez l’homme similaires à celles dessingescommel’IFG(Inferiorfrontalgyrus),l’IPLetlazoneprémotriceducortexventral(Rizzolattietal.,2009,1988).

Cesystèmemiroirpermetlacompréhensiondirectedesmouvementsdel’autreetdel’intentionderrièresesgestes.Ilpermetenquelquesorteuneconnexiondirecteavecl’aute.Ilestalorsnatureldesepenchersurlelienentrelesystèmemiroiretl’empathieetd’imaginerqu’ilpourraitêtrelabaseneuraledel’empathie.

36

Figure4:(A)Montageutilisé:lesingedémarretoujoursdanslamêmeposition,attrapeunobjet(1)etl’amèneàsabouche(2a)ouleplacedansuncontenant(2b).(B)ActivitédetroisneuronesdelazoneIPL(inferiorparietallobule)pendantlaréalisationdesmouvementsdanslesconditions2a(attrapepourlemanger=grasptoeat)et2b(attrapepourmettre dans la boite = grasp to place). (C) Réponse des neuronesmiroirs IPL à la vue d’un expérimentateurattrapantl’objetpourlemangeroulemettantdanslaboite.(Fogassietal.,2005)

37

3. Relationentreneuronesmiroirsetempathie

a) L’empathiecommesimulationmentaledelasubjectivitéd’autrui

Selonl’expressiondeBerthoz:«Laperceptionestunesimulationinternedel’action.»(Berthoz,2013).

Comment relier les neurones miroirs responsables de la compréhension desactionsd’autrui,etlacompréhensiondesonétatémotionnel?

Ilexisteunlienfortentrelaperceptiond’uneactionetsaréalisation.Celienfortestliéàl’organisationdusystèmemiroirquis’activeàlafoislorsquenousobservonsouimaginonsdesactionsetlorsquenouslesréalisons,commenousvenonsdelevoir.Ilyauraitdoncunerésonancemotriceentresoietautrui.LathéoriedeBerthozestquecephénomènedereprésentationpartagées’appliqueàl’expressiondesémotionsetàleurreconnaissance. La perception d’une expression émotionnelle déclencherait chez sonobservateur les représentationsmotrices qui sont responsablesde son engendrement(BerthozetJorland,2004).

Acestadel’empathieestdonc«unesimulationmentaledelasubjectivitéd’autruiquinécessiteunpartagedereprésentationsetd’affectsainsiquelacapacitéd’adopterlaperspective d’autrui qui fait appel aux fonctions exécutives et à un composantinhibiteur»(BerthozetJorland,2004).

Ilestnécessaired’expliquercettecitation.

On sait que l’empathie est la capacité de se mettre à la place d’autrui, decomprendre les émotions qu’il ressent, c’est cela la subjectivité d’autrui. Le termesimulationmentale évoque le fait que l’empathie est un processus cognitif, ou l’on sereprésente ce que ressent l’autre sans le ressentir soi-même. On doit donc pour celaadopter la perspective de l’autre, sa représentation. Les termes «qui fait appel auxfonctionsexécutives»évoquelemécanismedecepartagedereprésentation:lesystèmemiroir, un mécanisme ou ce sont les actions de l’autre, ses expressions qui nouspermettent d’accéder à sa subjectivité. Vient alors le «composant inhibiteur», sil’empathie est un partage de représentation et d’affect, comment dès lors ne pasressentircequeressent l’autre?C‘est lerôleducomposant inhibiteur: lacapacitédedistinguersoid’autruiquiestlaconditionpourresterdansledomainecognitifetnonaffectif.Cettedistinctionestdonc indispensablepourressentirde l’empathiepouruneautrepersonne.

Commentreliercesystèmemiroiràlacompréhensiondel’autreaupointdevueémotionnel?

38

b) L’insula,traitementdesémotionsmaisaussireconnaissancedesémotionschezl’autre

Lesystèmemiroirn’estpas localiséuniquementauniveauducentredesmouvementsvolontaires, il est présent aussi dans les zones du cerveau responsables descomportementsreliésauxémotions(Rizzolattietal.,2009).

Une structure du cerveau a particulièrement été étudiée dans ce domaine:l’insula,parrapportàsonimplicationdanslareconnaissancedusentimentdedégoût.

L’insula, située dans le cortex somatosensoriel est composée de deux zones:l’insulaantérieurereliéeauxfonctionsviscérales,etl’insulapostérieuremultimodale.

La partie antérieure reçoit de nombreuses afférences des centres gustatifs etolfactifs,maisaussidusulcustemporalsupérieurquiestactivéparlavisiondesvisages.L’imageriecérébraleamisenévidenceuneactivationdel’insulaantérieureàlafoislorsduressentidudégout,maisaussiàlavuedudégoutdansl’expressionfacialedesautres(Krolak-Salmon et al., 2003; Sprengelmeyer et al., 1998; Phillips et al., 1998, 1997).L’intensitédusignalétaitd’autantplusimportantequel’expressionfacialetraduisaitundégoutprononcé.Al’inverse,desstimulationsélectriquesdel’insulaantérieureontétéréaliséeschezdespatientsdurantuneneurochirurgie(PenfieldetFaulk,1955).Aprèscettestimulation,lespatientsrapportaientressentirdelanausée.

Le rôle de reconnaissance des expressions faciales semble incomber à l’insulagaucheparticulièrementd’aprèsCalderetsonéquipe(Calderetal.,2000).Ilsontpubliéle cas du patient NK, qui après une lésion de l’insula gauche et des structuresenvironnantes, était incapable de reconnaître le dégout dans les expressions facialesd’autrespersonnes. Ilétaitaussi incapabledereconnaître lessonsassociésaudégoût,telquedeshaut-le-corps.Lareconnaissanced’autresémotionsn’étaitpasaltérée,quecesoit de manière visuelle ou auditive. Par ailleurs, il présentait lui-même un déficitémotionnel en ce qui concerne le dégoût. Suite à la lésion, il signala ressentir unesensation de dégoût atténué, tout autre ressenti émotionnel étant par ailleurstotalementnormal.Uncassimilaireaétédécrit, lepatientB,présentant luiune lésionbilatéraledel’insula(Adolphsetal.,2003).Ilprésentaitluiaussiuneincapacitétotaleàreconnaîtreledégoutchezlesautres,maisplusencore,uneincapacitétotalecettefois,àle ressentir lui même. Le patient B ingérait, indifférent la nourriture, y compris desélémentsnoncomestibles.

Plus récemment, l’imagerie fonctionnelle cérébrale a permis d’étoffer cettehypothèse. Une étude a été réalisée durant laquelle les participants étaient exposés àuneodeurécœurante,puisàunecourtevidéodanslaquelledespersonnessentaientlecontenud’unverreetmanifestaientuneexpressiondedégoût(Wickeretal.,2003).Lesparticipantsétaientensuiteexposésàuneodeuragréableetàunevidéod’unepersonne

39

manifestant une expression ravie. Les résultats ont mis en évidence une activationsélectivedel’insulaantérieurelorsduressentidel’odeurdésagréable.Depluslemêmesecteurparticulierdel’insulaantérieureétaitactivéàlavuedesexpressionsfacialesdedégout. L’insula contiendrait doncunepopulationneuronalequi serait active à la foislorsduressentidudégoutetdesavuedansl’expressionfacialed’uneautrepersonne.

En conclusion ces éléments sont en faveurd’unmécanismemiroir actif lorsduressenti du dégout et de sa vue chez une autre personne. La généralisation de cemécanismeàd’autresémotionssimplescommelapeur, la joie, la tristesseetc,sembleêtreprobable,mêmesipasencoredémontré.Cemécanismeseraitalorsà l’originedenotre compréhension directe des émotions et de l’état d’esprit d’autrui, à l’origine denotreempathie.

c) L’importancedesformesdevitalité(Cattaneoetal.,2007).

Quesontlesformesdevitalité?

C’est un terme traduit de l’anglais, l’expressiond’origine étant «vitality form»,désignant la façon dont on exprimedemanière consciente ou inconsciente notre étatémotionnelàtraversnosmouvementsvolontaires.Dansunsimplemouvement,commeattraper un objet, nos émotions peuvent transparaitre selon la manière dont lemouvementestfait(parexempledefaçonbrusque,ouplusdouce).

L’équipedeRizzolattiaalorsimaginéquecesontcesformesdevitalitéquinouspermettentdecommuniquernosémotionsgrâceausystèmemiroir,c’estlesujetd’uneétudepubliéen2007(Cattaneoetal.,2007).

L’expérienceaporté sur15personnes,hommeset femmesvolontaires âgésenmoyennederespectivement26anset23,1ans. Cespersonnesdevaientobserverunepersonne effectuant un mouvement sur une vidéo, s’imaginer le faire et effectuerréellementuneactionavecunepersonneenface.Cesactionsétaienteffectuéesdefaçonneutre pour les séquences de contrôle, puis de façon brusque ou douce pour lesséquences d’étude des formes de vitalité. Durant toute l’étude, les données ont étérécoltéesparimageriecérébralefonctionnelle.Toutd’abord,sixzonesd’intérêtontétédéterminées pour les mouvements demandés dans cette étude, appelées les ROI(«RegionsOfInterest»:zonesd’intérêt).Cessixzonessontlocaliséesdansl’insula.CesROIontensuiteétéétudiésplusendétail,enparticulier,leschangementsdesignauxenfonctiondessituations:contrôle(neutre)ouétudedes formesdevitalité (brusqueoudoux)lorsdel’observation,l’imaginationoul’exécution.

Les résultatsdecetteétudemontrent toutd’abordque l’exécutiond’uneactionavec une certaine forme de vitalité détermine une activation spécifique de l’insula

40

dorso-centrale. Cette région est aussi active lors de l’observationou l’imaginationdesformesdevitalité.Cesrésultatssupposentencorel’existenced’unsystèmemiroirdansl’insula.Deplus,l’enregistrementdusignaldanslesROIapermisdemettreenévidenceune différence significative entre les trois conditions: neutre, demanière brusque oudouce.Ilexistedoncuneactivationspécifiquepourunmêmemouvementselonlafaçondont il est réalisé. L’hypothèse alors émise est celle que ce systèmemiroir est lié auxémotions.

La façon dont une personne réalise unmouvement traduit son état d’esprit etactivechezl’observateurcertainsneuronesmiroirsqui,audelàdel’actionellemême,luipermettentdecomprendredirectementcetétatd’esprit.

Cette partie de l’insula est par ailleurs connectée au circuit qui contrôle lesmouvementsvolontaires.Onpourraitimaginerquel’insulaeffectueunemodulationducentredesmouvementsvolontairesenfonctiondenotreétatémotionnelcequimodifielestyleaveclequeloneffectuecesmouvements.

Enconclusion,celasupposeque lamanifestationdenosémotionsàtraversnosmouvementsvolontairessefaitgrâceà l’insulaquicontrôle lecentredesmouvementsvolontaires, il permet aussi une compréhension directe d’autrui grâce aux formes devitalitéaveclesquellescesmouvementssonteffectués.Etcesystèmeseraitalorslabaseneurologiquedel’empathie.Cependantcesontuniquementdefortessuspicions,aucuneétudeneleprouveencoreaujourd’hui.

d) Ledéveloppementdel’empathielorsdel’enfance:enfaveurd’unsystèmemiroirpourlesémotions

(1) L’imitation

Lorsdudéveloppementdel’enfant,lacapacitéd’imitationd’expressionsfacialessimplesdel’adultequiluifaitfaceapparaîtdèslespremiersjours(GuiléetCohen,2010).Pourcertains auteurs, lemécanisme de cette imitation chez l’enfant serait à l’origine de lacompréhensiondel’autre,dufaitque«l’autreesttelquemoietjesuistelquelui».Ceciestàlabasedel’empathieetdelathéoriedel’esprit(MeltzoffetDecety,2003).

La capacité d’imitation de l’autre est quasiment innée chez l’enfant,Meltzoff etMoore l’ont mis en évidence en 1977 grâce à une expérience sur des nouveaux-nés(MeltzoffetMoore,1977).Desadultesétaientfaceàdesnouveaux-nésâgésde12à21joursréalisantdesexpressionsfacialesensuiteimitéesparcesnouveaux-nés(Figure5).Pourtantlenouveau-néencequileconcerne,nesevoitpas,iln’aaccèsqu’àlasensationdecetteexpressionfaciale,etencequiconcernel’adulte,lenouveau-névoituniquementsonexpressionfacialemaisn’apasaccèsàlasensation.Commentarrive-t-ilalorsàfairelaconnexionentrecequ’ilvoitchezl’adulteetl’expressionqu’ilréalisemaisnevoitpas,sicen’estgrâceauxneuronesmiroirs.

41

D’autrepart,danscetteétudelesnouveaux-nésimitaientplusieursmouvementsréalisésparlesadultes:protrusiondelalangue,protrusiondeslèvres,ouverturedelabouche(figure5)etmouvementsdesdoigts.Lesrésultatsontmisenévidencequelesnouveaux-nés ne confondaient ni la partie du corps concernée ni l’action réalisée. Eneffet, lors d’un mouvement de protrusion de la langue ils répondaient bien par uneprotrusiondelalangueetnondeslèvresetviceversa:ilyadoncunereconnaissancedela partie du corps concernée. Et de lamêmemanière, ils étaient capables de faire ladifférence entre la protrusion des lèvres et l’ouverture de la bouche, mettant enévidence leurcapacitéàdifférencier l’actioneffectuéeconcernantunemêmepartieducorps.

Figure5 :Photographiedenouveaux-nésde12à21 jours imitant lesexpressions facialesréaliséesparunadulte.L'imitationestinnéechezl'homme.(MeltzoffetMoore,1977)

Longtemps, lacapacitéd’imitationdesbébésaétéattribuéeàunapprentissageparassociationgrâceàdesjeuxavecunmiroiretuneexplorationtactiledeleurproprevisageetceuxdesautres.Afind’éliminercettehypothèse,MeltzoffetMooreontréalisédes tests d’imitation faciale sur 80 nouveaux-nés âgés de 42 minutes à 72 heures(Meltzoff et Moore, 1983). Les nouveaux-nés ont effectivement imité les expressionsfaciales des expérimentateurs. Cette étude remet alors en question les croyances del’époque sur une indépendance entre le système visuel et le système moteur, mais

42

permetaussid’affirmerquelacapacitéd’imitationestinnéechezl’Homme.L’hypothèsedeMeltzoff et Decety est alors que cette capacité innée à l’imitation était la base desmécanismesdel’empathie.

Sionétudiecettecapacitéinnéed’imitationdesnouveaux-nésàlalumièredeladécouverte des neurones miroirs, il est tentant d’imaginer que ce sont ces neuronesmiroirsquiactivéslorsdelavisiond’uneexpressionfaciale,permettentauxnouveaux-nésdelareproduire.Etcelacarl’activationneuronalelorsdelaréalisationdugesteestlamêmequecellelorsdesavisionchezl’autre.

Commentsavoiràcestadesiils’agitd’uneboucleréflexechezl’enfantoud’uneréelleperceptiondel’autreetdusoi?C’estlaquestionàlaquellel’équipedeMeltzoffatentéderépondreenétudiantlacapacitédecompréhensiondel’intentiond’autruichezdes enfantsde18mois (Meltzoff, 1995).Pour ce faire, unepremièreexpériencea étémenée dans laquelle les enfants étaient face à un adulte réalisant un geste dans uncertain but avec un objet, sans jamais réussir à atteindre ce but. Par exemple un desobjets était un jouet en bois en forme d’haltère. Il était composé de deux ensemblescomposéspardes cubes enbois reliés à un tube enplastique. Lesdeux ensembles sefixaientl’unàl’autreparlestubesenplastiqueformantl’haltère,unecertaineforceétaitnécessairepour lesséparer.Unautreobjetétaitunepetiteboitenoirecomportantunboutonrectangulaireprésentantunlégerrenfoncementparrapportàlasurface(Figure6). La boite était inclinée de 30° afin de faire face à l’enfant. Un petit outil en boisrectangulaireaccompagnaitlaboiteafindepouvoirpousserleboutoncequiprovoquaitle déclenchement d’un buzzer dans la boite. Les trois autres objets ne seront pasdétaillésici,maistoussansexceptionsétaientdesobjetstotalementinéditsafinquelesenfantsn’aientjamaispujoueravecunobjetsimilaire.

43

Figure6:Deuxdescinqobjetsutilisés:(a)unehaltère,(b)uneboitenoireetsonoutilsenbois(MeltzoffetMoore,1983)

Les enfants étaient divisés en quatre groupesde 10 enfants chacun. Dans unpremiergroupe(groupe1),unexpérimentateurmontraitauxenfantsuneactionavecunbut précis atteint, par exemple en ce qui concerne l’haltère, il tirait sur les deuxextrémitésafindelaséparerendeux,etencequiconcernelaboiteilprenaitl’outilenboisafind’appuyersurleboutondanslerenfoncement.Danslegroupetesté(groupe2),l’expérimentateur ne réussissait jamais à effectuer le geste complètement, les enfantsl’observaientessayersanssuccèsàatteindresonbut. L’intentiondel’expérimentateurétaitclairemaislegestecompletn’ajamaisétéprésentéauxenfants.Parexemplepourl’haltère, l’expérimentateur tentaitde tirer lesdeuxextrémitésmaisunede sesmains(droiteougauchedefaçonaléatoire)glissaitsystématiquementdel’objet(Figure7).Ence qui concerne la boite, l’expérimentateur tentait d’introduire l’outil en bois dans lerenfoncementsansjamaisl’atteindre(unefoistropàdroite,unefoistropàgauche,unefoistrophaut).Danslesdeuxcas,l’expérimentateurprésentaitauxenfantstroisessais.Lesenfantstestésn’ontdoncjamaisvul’actionréaliséedanssonensemble.Deuxautresgroupescontrôlesétaienteffectués:undans lequel lesenfantsétaientenprésencedel’objet sans qu’un expérimentateur l’ait touché avant afin de vérifier que lecomportementdel’enfantavec l’objetn’étaitpasspontané(groupe3),unseconddanslequel l’expérimentateur touche l’objet en question devant les enfants sans montreraucuneintentioncarl’enfantpeutêtreplusintéresséparl’objetsiilaététouchéavantpar un expérimentateur (groupe 4). Dans les quatre groupes, les cinq jouets étaientprésentés successivement aux enfants suivant ce qui a été décrit au-dessus puis ilsavaient ensuite 20 secondes pour manipuler le jouet. Il était considéré que l’enfantprésentaituneréponsepositivelorsqu’ilréalisaitl’actionquiaétéprésentéeaupremier

44

groupe(parexempleséparerlesdeuxpartiesdel’haltèreouappuyersurleboutondelaboitenoireavecl’outilenbois).

Le résultat de cette étude fût que les enfants du groupe testé (groupe 2)réalisaientplussouventlegestequel’adultetentaitderéaliserparrapportauxgroupestémoins3et4,etcecidefaçonsignificative(p<0,0001).Pourtantlesenfantsn’avaientjamaisvulegesteoujamaiseul’occasiondetouchercesobjets.Enrevancheiln’yapasdedifférencesignificativeentre legroupepour lequel legesteétaitmontrétotalement(groupe 1) et le groupe testé (groupe 2). Les enfants ont donc compris l’intention del’expérimentateurderrièresongeste,mêmeincompletetcelaà18mois.Uneétudeplusapprofondiedesvidéospriseslorsdecesexpériencesamisenévidenceunélémentenfaveurdecettethéorie.Eneffet, lesenfantsdugroupetestén’ontpasréaliséplusieursessais avant la réponse positive, ils ont immédiatement réalisé l’action derrièrel’intention qui leur avait été présentée sans pour autant avoir vu cette action. Lesenfants,à18moisauraientdonclacapacitéd’interpréterlecomportementdesadultesetcecidèslapremièrerencontre.Ilsontdéjàunecertainecapacitéàsemettreàlaplacedel’autre.

Afin d’être sûr que l’enfant ne réponde pas uniquement aumouvement réaliséavec l’objet, sans comprendre l’intention derrière ce mouvement, une secondeexpérienceaétéimaginéedanslaquellelemêmemouvementétaitréalisémaiscettefoisgrâceàunemachine.L’objetchoisipourcetteexpérienceaétél’haltèredécritau-dessus.Soixante enfants étaient divisés en deux groupes. Dans un premier groupe unexpérimentateurmontraitauxenfantsl’intentionsansréussiràréaliserlegestecommedécrit dans la première expérience, et dans un second groupe c’est une machinecomposée de deux pinces attrapant chacune une extrémité de l’haltère qui réalisaitexactement le même mouvement que l’expérimentateur (Figure 7). Commeprécédemment après la démonstration les enfants étaient laissés 20 secondes avec lejouet et la réponse était considérée commepositive lorsque l’enfant séparait les deuxpartiesdel’haltère.

Lerésultatdecettedeuxièmeexpérienceaétéquelesenfantsséparaientlesdeuxparties de l’haltère plus souvent lorsque l’intention était présentée par une personneplutôtquepar lamachineetcecidemanièresignificative(p<0,0005). Lesenfantsontdonc lacapacitédedifférencierun individu«commeeux»d’unemachine.Maiscequiestréellementintéressantc’estquecettedifférencesignificativenouspermetdepenserque c’est réellement l’intention de l’expérimentateur qui guide l’enfant et non pas lemouvementenluimême.

45

Figure 7 : La première ligne représente l'expérimentateur tentant de séparer les deux parties de l'haltèresans succès (première expérience et deuxième expérience), la seconde ligne montre la machine utiliséemimantlesmouvementsdel'homme(deuxièmeexpérience).

Lorsdudéveloppementdel’enfant,lacapacitéd’imitationestinnéeouquasimentinnée et sers ensuite de base au développement de la compréhension d’autrui,l’empathie.Dès18mois, la capacitédecompréhensionde l’autreapparaît, l’enfantestcapabledecomprendrel’intentionderrièrelesgestesd’unadulte,etilnechercheplusàimiteruniquementlegestemaisl’intentiondel’adulte.

Ilsembledoncquesic’esteffectivementlesystèmemiroirquiestà l’originedecette imitation innée chez le nouveau-né, au delà de comprendre le simple geste del’adulte, le systèmemiroir lui permet de comprendre l’intention de l’adulte, son étatd’esprit.

Ledéveloppementdel’empathiechezlenouveau-nésembledoncfaireappelausystèmemiroirvisàvisdel’imitation.

(2) Ladistinctionentresoietautrui

Ladistinctionentresoietautruiestindispensableafindefairepreuved’empathieetnonpasdecompassion,c’estàdireeffectuerune lecturecognitivedessentimentsd’autruisanspartageémotionnel.

Du point de vue du système miroir, la distinction entre soi et autrui estprimordiale dans le sens ou, même lors d’une activation neuronale identique, cettedistinctionnouspermetdecomprendrequ’uneaction,oul’expressionduémotionestàattribueràl’autreetnonpasànous-même.

Cettedistinctionapparaîtdès leplus jeuneâge,c’estcequeMartinetClarkontmontré dans une étude (Martin et Clark, 1982). L’expérience a été réalisée sur 40nouveaux-nés âgés en moyenne de 18,3 heures à qui les expérimentateurs faisaientécouterdesenregistrementsdepleursdenouveaux-nés.

46

Parmicesenregistrements ilyavaitdesenregistrementsdepleursd’enfantsdeleurâge,desenregistrementsdeleursproprespleurs,d’unenfantplusâgé(11mois),etd’unchimpanzéde16jours.Lesréactionsdesnouveaux-nésétaientalorsenregistrées.

Le premier résultat de cette étude est en accord avec de nombreuses étudesprécédentes(SagietHoffman,1976;Simner,1971)etmontrequ’unnouveaunéexposéà des pleurs d’enfants de son âge réagit en pleurant lui aussi. C’est le premier signed’empathieoudumoinsdecontagionémotionnellequeprésentelenouveau-né.Maiscequiestintéressantdanscetteétudec’estquelesnouveaux-nésentraindepleureràquiles expérimentateurs faisaient écouter leurs propre pleurs arrêtaient presquecomplètement de pleurer, et les nouveaux-nés calmes qui entendaient leurs proprespleursneprésentaientquasimentaucuneréponse.

D’autrepart,lesnouveaux-nésonttotalementignorélespleursduchimpanzéoude l’enfantplusâgé. Cetteétudemeten lumièreplusieurspoints importantencequiconcerne l’éveil empathique du nouveau-né humain: tout d’abord un partageémotionnel se fait avec les personnes auxquelles il peut s’identifier, ce qui exclut lesindividus des autres espèces et les personnes plus âgées, mais aussi et surtout ladistinction entre soi et autrui est innée chez l’Homme ou quasi innée puisqu’elle estprésenteà18heuresdevie.

Ladistinctionentresoietautruiestlaconditionpourfairepreuved’empathieetnonpasdesympathie,voirdecompassion,faceàladétressed’autrui,puisquec’estcelaqui permet à unepersonned’être conscienteque la charge émotionnelle qui incombel’autren’estpassienne.

D’aprèsDecety(BerthozetJorland,2004), lavéritableémergencedel’empathiechez l’enfants’effectuevers ladeuxièmeannée lorsque lesenfantscommencentàêtrepréoccupéspar ladétressedesautrespersonnesetontunrépertoirecomportementalqui leurpermetde tenter de les soulager, un comportementde compassion. A cettepériodel’enfantcommenced’ailleursàfaireladifférenceentreuncomportementnocifpour autrui, intentionnel, ou non intentionnel, et apparaît alors le sentiment deculpabilité.

47

4. L’absenced’empathie

a) Lapersonnalitéantisociale

L’empathieétantellemêmeunprocessuscomplexeilnepeutyavoirundéfautuniquedecettecapacitéainsiqu’untroubleuniqueassocié.Onpourraitenciterquelquesunscommelapersonnalitéantisocialedontsouffrentceuxappeléspsychopathes.

Un individu psychopathe a toujours traditionnellement été perçu de manièreempirique comme une personne présentant un déficit émotionnel ainsi qu’unediscordanceentrelevocabulaireémotionneletlesexpériencesvécues.Autrementdit,lepsychopathe «connaît les paroles mais pas la musique» (Johns et Quay, 1962). Plusprécisément, le termedepsychopathe, comme toutemaladiepsychologique, réunitunnombre variable de symptômes que le docteurHare a réuni dans une liste présentéedansletableau4quiestaujourd’huiuneclédediagnosticdelapersonnalitéantisociale(Hare et al., 1991). Parmi ces symptômes il y a le manque d’empathie. Le défautd’empathieproviendraitd’unedifficultéàressentirl’étatémotionneldel’autre(BerthozetJorland,2004)etplusparticulièrementlesexpressionsdetristesseetdepeur.

CedernierpointaétémisenévidencedansuneétudedeJamesRichardBlairetsonéquipe(JamesRichardBlairetal.,1997)danslaquelleilétaitprésentédesimagesreprésentant un signal de détresse, une menace et des images neutres à dix-huitindividus psychopathes, diagnostiqués grâce à la méthode de Hare, et dix-huitprisonnierscontrôle.Durantlaprésentationdesimages,lereflexeélectro-dermiquedesindividus étaitmesuré. Ce réflexe est unemanifestation du systèmeparasympathiquequirendcomptedestraitementsémotionnelsdel’information(Grapperonetal.,2012).

Cette étude a montré que les individus atteints de personnalité antisocialeprésentaientunplusfaibleréflexeélectro-dermiqueàlavuedesignauxdedétresseparrapportauxindividusdugroupecontrôle.

Enrevanchelaréponseétaitlamêmepourlesimagesdemenaceouneutres.

Cela met en évidence le fait que le manque d’empathie chez les individuspsychopathes est particulièrement prononcé en ce qui concerne la détresse d’autrui,signal auquel ils sont peu sensibles. L’hypothèse principale de cemanque d’empathieserait une lésiondumécanismed’inhibitionde laviolence(JamesRichardBlairetal.,1997),unmécanismequi,activéparlavued’unsignaldedétresse,provoqueraitl’arrêtdesoncomportementchezunindividunonpsychopathe.

Enl’absencedecemécanismefonctionnel,lespsychopathesn’ontaucunélémentpourlesarrêterlorsqueleurcomportementdevientnocifpourl’autre.

48

Tableau4:Listedessymptômescaractérisantlapersonnalitéantisociale(Hareetal.,1991)

Eléments Corrélationa1-Bagou,charmesuperficiel 0,472-Estimedesoigrandiose 0,513-Besoindestimulations,tendanceàl’ennui 0,584-Mensongepathologique 0,535-Escroc,manipulateur 0,576-Absencederemordsoudeculpabilité 0,527-Affectionssuperficielles 0,538-Insensibilité,manqued’empathie 0,619-Modedevieparasited’autrespersonnes 0,4010-Manquedemaitrisecomportementale 0,4211-Mœurssexuelslibres 0,3812-Problèmesdecomportementdèslejeuneâge 0,4213-Manquedebutsréalistesàlongterme 0,4614-Impulsivité 0,5315-Irresponsabilité 0,5216-N’acceptepaslaresponsabilitédesesactes 0,3917-Nombreusesrelationsmaritalesdecourtedurée 0,3018-Délinquancejuvénile 0,3719-Révocationdelibérationconditionnelle 0,3620-Polyvalencecriminelle 0,43Note:DonnéesrécoltéesauprèsdeprisonniersetdepatientsjudiciairesaBasésur1505sujets

Ladistinctionentresoietautruiétantaussiunélémentcapitaldel’empathie,lespersonnes souffrant de troubles dissociatifs entre soi et autrui nepeuventmanifesterd’empathie.Eneffet, l’étatdedétressede l’autreprovoquechezeuxaussi cettemêmedétresse sans pouvoir l’attribuer à autrui (Berthoz et Jorland, 2004). On peut alorsparlerdesympathieoudecompassiondanscecas,maisàundegrépathologique.Cettedistinctionestdoncessentiellepournepassouffrirdelacompassion.C’estdoncunedescapacités à développer pour se protéger de la compassion, en ne ressentant que del’empathiepourautrui,onleverraplusloin.

49

b) Neuronesmiroirsetautisme

Selon la classification internationale des maladies de l’OMS (CIM 10), le trouble duspectre autistique (TSA) est un trouble envahissant du développement qui affecte lesfonctionscérébrales(«DEFINITION»,s.d.).Lemanqued’empathiesembleêtreundesnombreux déficits présents. C‘est une maladie caractérisée par un trouble de lacommunication, une perturbation des relations sociales et des troubles ducomportement.Lestroublesdelacommunicationimpliquentunedifficultéàétablirdesliensaffectifsetundéficitde lareconnaissancedesémotionsd’autrui(Rizzolattietal.,2009)

Parmilesmanifestationsdel’autisme,latendancechezl’enfantàmoinsimitersespairs,voirepasdutout,contrairementauxenfantssedéveloppantdemanièreclassiqueasoulevé l’intérêtdecertainschercheurs.Cetteparticularitépeutêtre liéeàundéficitdanslemécanismemiroir,etplusieursdécouvertessontenfaveurdecettehypothèse.

Lerythmemuestunrythmeenregistrélorsd’électro-encéphalogramme(EEG)etprovenant des zones moteurs du cortex. Ce rythme est bloqué lorsqu’une personneeffectue un mouvement volontaire ou observe une autre personne effectuer unmouvementvolontaire.Cependantchez lespersonnesatteintesdeTSA, lasuppressionde ce rythme est présente lorsque la personne effectue le mouvement, mais paslorsqu’ellel’observe(Rizzolattietal.,2009).

D’autresétudesontmisenévidencequecetteabsencedesuppressiondurythmemudépenddulienquiexisteentrelapersonneatteintedeTSAetlapersonneobservée:le rythme mu demeure lorsque la personne observée est un inconnu mais peutdisparaître lorsque c’est une personne familière qui est observée effectuant unmouvementvolontaire(Rizzolattietal.,2009).

UnautreaspectdudéficitdusystèmemiroirchezlesenfantsatteintsdeTSAaétémis en évidence. Dans une étude (Cattaneo et al., 2007), des enfants présentant undéveloppementnormal (témoins)etdesenfantsatteintsdeTSAdevaientobserverunexpérimentateurattraperdelanourritureetl’ameneràsaboucheouattraperunboutde papier pour lemettre dans une boite. Ces enfants subissaient enmême temps unélectromyogramme dumusclemylo-hyoïdien,muscle impliqué dans l’ouverture de labouche.Chezlesenfantstémoinslemusclemylo-hyoïdienprésentaituneactivationdèsque l’expérimentateur attrapait la nourriture, cette activation était absente chez lesenfants atteints de TSA. L’activation du système miroir présente chez les enfantstémoinsestdoncabsentechez lesenfantsatteintsdeTSA.LesenfantsatteintsdeTSAont donc effectivement un déficit du système miroir et ne comprennent pas lesintentionsderrièrelesmouvementsvolontairesd’autrui.

Enfin, une expérience (Rizzolatti et al., 2009) a été réalisée dans laquelle desenfants présentant un TSA de haut niveau et des enfants témoins observaient ouimitaient l’expressiondedifférentes émotions. L’activation cérébrale était enparallèlemesuréegrâceà l’imageriefonctionnellecérébrale.Cetteexpérienceamisenévidence

50

que les enfants atteints de TSA présentaient une activation plus faible de l’IFG (zoneprésentant des neurones miroirs présentée précédemment) par rapport aux témoinslors de l’observation et l’imitation des expressions. Et le degré d’activation étaitinversementproportionnelàlasévéritédessymptômes.C’estunélémentenfaveurd’undéficitdusystèmemiroirassociéàundéficitdereconnaissancedesémotionsd’autrui,undéficitd’empathie.Ilestalorstrèstentantd’attribuercedéficitd’empathieaudéficitdusystèmemiroirchezcesenfants.

5. Synthèse

Lafigure8résumel’actionsuppposéedesneuronesmiroirs.

Lorsqu’une personne est en présence d’autres individus, les neurones miroirssont à l’origine d’une compréhension desmouvementsmoteurs de ces derniersmaisaussi àpriorid’une lecturede l’état émotionnelde cedernier grâceà ses expressionsfacialesouàsesformesdevitalité.

L’efficacité de la distinction entre soi et autrui conditionne ensuite un passageversl’empathie,ouverslacompassion.

Cependant, la limite principale de ce système d’un point de vue personnel estqu’ilreposesurnotrecompréhensionde l’autre,surnotre lecturedesesémotionsquipeutêtreerronée.Qu’avons-nousréellementcommepreuvedeladétressedel’autreendehorsdel’impressiondedétressequenousavons.Enabsencedesouffrancedel’autre,la souffrance enmiroir devient inadéquate et lamise en action pour venir en aide àl’autrepeutmêmeêtrenocif.

Decepointdevuel’empathieestdonctoujourspréférableàlacompassion,d’unepart parce qu’elle préserve l’observateur de la souffrance en miroir et d’autre partpuisquelacompassionpeutêtreàl’origined’unetentatived’aideinadaptée.

Ilestdoncimportantdebiendifférenciersoietautrui,afindecomprendrel’autresanspartagersesémotions,etfairepreuved’empathieplusquedecompassion.

51

Figure8:implicationdesneuronesmiroirsdanslemécanismedel'empathie

52

53

C. Variabilitéinterpersonneld’empathie

Sil’empathiesemblesedévelopperdefaçonsimilairelorsdelapetiteenfancecheztouslesindividus,neprésentantpasdetroublepsychologique,etsi lesbasesdel’empathiesemblentêtreprésentesdefaçoninnée,ledegréd’empathiedontonpeutfairepreuveest très variable d’une personne à l’autre. Certaines tendances ont été découvertes,notammentconcernantlesindividusàhautpotentielintellectuel.

1. Empathieetsurdouance

Plusieurs auteurs ont supposé qu’il existait un lien entre la capacité d’empathie et lasurdouance.Maisqu’estcequelasurdouance?

Appelés aussi enfants précoces, ou à haut potentiel intellectuel, le concept desurdouance est une fois de plus un concept ne possédant pas de définition unitaire.Souventreliéauquotient intellectuelpar lepassé, ilestaujourd’huiadmisque lehautpotentiel n’est pas seulement restreint à des facultés intellectuelles hors du commun,maispeutprendred’autresformes.

Unedéfinitionenparticulierest largementreprisedans la littératureet semblefaire un semblant de consensus, c’est celle établie par un rapport nord-américain surl’éducation des enfants surdoués: «Les enfants possédant un potentiel élevé dans undomaine sont identifiés comme tels par des personnes qualifiées et qui, grâce à desaptitudeshorsducommun,sontcapablesdeperformancesélevées,[…] fontpreuvederéussiteet/ouontdesaptitudespotentiellespourundesdomainessuivantsoupourunecombinaison de ces domaines: aptitudes intellectuelles générales, aptitude dans unematière scolaire, pensée créative ou productive, compétences sociales, performancesartistiques,aptitudespsychomotrices.»

Cependantcettedéfinitionn’intègrepasledomaineémotionnel,cequiestappeléaujourd’huil’intelligenceémotionnelle

a) L’intelligenceémotionnelle.

Gardner, opposé au principe du quotient intellectuel fut le premier à considérerl’intelligencecommemultiple. Iln’existepasselon luiuneseule intelligencemaisbienplusieurstypesd’intelligences:lesintelligencesmultiples(Gardner,1997).

54

Ellescomprennent:

- uneintelligenceverbale/linguistique,- uneintelligencevisuelle/spatiale,- uneintelligencelogique/mathématique,- uneintelligenceinterpersonnelle,- uneintelligenceintrapersonnelle,- uneintelligencemusicale/rythmique,- uneintelligencecorporelle/kynestésique,- uneintelligencenaturaliste.

On ne voit pas encore apparaître l’intelligence émotionnelle en tant que telle,

maisillereconnaîtluimême,ilestarbitrairedelimiteràhuitlenombred’intelligences.Sa pensée a continué d’évoluer et c’est Salovey et Mayer qui les premiers ont décritl’intelligence émotionnelle comme une sorte d’intelligence sociale qui implique lacapacité à identifiernon seulement sespropres émotionsmais aussi cellesdes autresindividus ainsi que la capacité à discriminer les différentes émotions et à les utiliserpourorienterlespenséeset/oulesactions(SaloveyetMayer,1990).

Aujourd’hui,leconceptd’intelligenceémotionnelles’estaffiné,etonlaconsidère

davantagecommeune intelligencemultidimensionnellepossédantquatrebranchesdecompétence(Sternberg,2000):

- Lacapacitéàpercevoir,appréhenderetexprimerlesémotions- Lacapacitéàgénéreretàutiliserdessentimentslorsqueceux-cifacilitentles

activitéscognitives- La capacité à comprendre les informations de nature émotionnelle et à

utiliserlesconnaissancesserapportantauxémotions- La capacité à réguler les émotions afin de promouvoir le développement

émotionneletintellectuelainsiquelebien-être.

Cetteintelligenceémotionnellefaitintervenirdanstoutessesfacetteslacapacitéd’empathie.Elleestl’applicationlaplusdirectedel’empathie.

b) Lescapacitésémotionnellesdesenfantsàhautpotentiel.

Plusieursétudesontétémenéesàproposdescapacitésémotionnellesdesenfantsàhautpotentiel. L’idée sous-jacente était que ces enfants possédant des capacitésexceptionnelles dans certains domaines pourraient posséder aussi une capacitésupérieureàl’intelligenceémotionnelle.

Des études vont à l’encontre de cette hypothèse, par exemple Cupertino etAncona-Lopezremarquentempiriquementquelesenfantsàhautpotentielâgésde10à14 ans présentent généralement des difficultés à exprimer et/ou reconnaître les

55

émotions. Pour tester cette hypothèse une étude estmenée sur des enfants de sept àhuitansprovenantdeclassesspécialiséesenévaluantleurscompétencesémotionnellesgrâce à des bandes dessinées sur lesquelles ils doivent identifier le profil et lesexpressions faciales des personnages (C.M.B. Cupertino et Ancona-Lopez, 1992). Laconclusion de cette étude fut que pour cet âge, les compétences émotionnelles necaractérisentpas spécifiquement lesenfantsàhautpotentiel.Cependantune faiblesseimportantedecetteétudeestl’absencedegroupetémoin.

D’autresétudesmettentenavantdesrésultatsallantà l’encontredecederniercomme dans une étude par Corso en 2001. Dans cette étude, il compare un grouped’adolescentàhautpotentielde12à16ansrecrutésdansuneécoled’été(universitédeWesternKentucky)àungrouped’étudiantsnonidentifiéscommetel,appariéssurl’âge(Corso, 2001). L’intelligence émotionnelle était évaluée avec une échelled’autoévaluation des comportements émotionnels, une évaluation des compétencesémotionnellesparlesparentsdesadolescentsmaisaussigrâceàl’inventaireduquotientémotionnel de Bar On (The Emotional Quotient Inventory (EQ-i): A Test of EmotionalIntelligence, 1996), un outil de mesure reconnu et efficace en ce qui concernel’intelligenceémotionnelle.Laconclusiondecetteétudeaétéquelesadolescentsàhautpotentiel présentent une intelligence émotionnelle significativement plus importantequelegroupetémoin,etilsapparaissentsignificativementpluscompétentspourgérerlessituationsdestress.

Mayers,Perkins,CarusoetSalovey,postulenteuxquelesenfantsàhautpotentielintellectuelauraientengénéralunhautpotentielémotionnelquiimpliqueraitdehautescapacités d’empathie et une sensibilité élevée (Mayer et al., 2010). Ils ont défini dansune étude un quotient émotionnel en adoptant la technique du quotient intellectuel,visant à étudier le lien entre intelligence émotionnelle et haut potentiel émotionnel.Cette étude a démontré que les enfants à haut niveau de compétence émotionnelleorganisentmieuxetdemanièrepluscomplètelesinformationsémotionnellesliéesauxrelations avec des pairs et décrivent les situations émotionnelles de manière plusprécise et plus riche que les adolescents à faible quotient émotionnel. Cependant lesrésultats de cette étude ne peuvent être considérés comme fiables du fait du nombretrop faibledeparticipants(11adolescents).Le lienentrehautpotentielémotionneletintellectuelresteluiencoreàdémontrer.

L’étudelaplusfiabledanscellescitésrestecelledeCorso,seuleétudepossédantungroupe testé etungroupe témoin (Corso,2001).Cependant les adolescents àhautpotentielontétésélectionnésparmidesadolescentsensituationderéussitescolaire.Ilest légitimedesedemandersi lesrésultatsseraientlesmêmespourdesadolescentsàhautpotentielensituationd’échecscolaire.L’hypothèsechezlesenfantsàhautpotentielintellectuel d’un lien entre réussite scolaire et intelligence émotionnelle, voir hautpotentielémotionnelad’ailleursétéformulée.

56

c) Hyperstimulabilitédesenfantsàhautpotentiel.

Selon certains psychologues, les individus à haut potentiel feraient preuve d’unesensibilité accrue à la stimulation affective ou sensorielle. Ainsi selon Morelock ladéfinition d’un individu à haut potentiel serait une combinaison entre undéveloppement précoce d’aptitudes cognitives et la présence d’une sensibilité élevée(Morelock,2010).

L’hypothèsealorsàdémontrerseraitque les individusàhautpotentiel feraientpreuved’hypersensibilité,cequicorrespondàdesréactionsextrêmesenréponseàdesstimuliinternesouexternes(PiechowskietColangelo,1984).IlexisteselonPiechowskicinqformesd’hyperstimulabilité:

- Psychomotrice: besoin constant d’activité physique, ou des difficultés àréduirel’activitécérébralepours’endormir.

- Sensuelle: exacerbation des sens au cours d’expériences de plaisir oudéplaisir.

- Imaginaire:richesassociationsd’imagesetd’impressions,inventivité.- Intellectuelle:besoinélevédecomprendre,chercherlavérité,acquérirdes

connaissances,analyser,synthétiser,curiositéimportante.- Emotionnelle:expériencesémotionnellesnégativeoupositivesressentieset

exprimées demanière plus intense que lamoyenne, conscience de la vastegammedesémotions.

Une étude de Piechowski, Silverman et Falk a comparé les profilsd’hyperstimulabilité sur trois groupes d’individus: des adultes exerçant dans undomaineartistique(n=23),desadultesàhautpotentielintellectuel(n=37)etungroupetémoinconstituéd’étudiantsuniversitairesdansdifférentsdomaines(n=42),tousâgésentre 18 et 59 ans. Les profils d’hyperstimulabilité ont été établis grâce à unquestionnaired’hyperstimulabilité(OEQ:OverExcitabilityQuestionnaire)développéparLysy et Piechowski (Lysy et Piechowski, 1983) se présentant sous la forme de 21questions à réponses ouvertes. Les réponses sont ensuite analysées afin de décelerl’expressiond’uneouplusieursformesd’hyperstimulabilité,etsonintensitéestévaluéesurune échelle de zéro: pasd’hyperstimulabilté, à 3: expression riche et intense.Onobtient donc pour chaque forme d’hyperstimulabilité un score compris entre 0 et 63points (hyperstimulabilité présente dans chaque question dans sa forme la plusintense).

Lesrésultatsmontrentsanssurpriseque lesartistes tendentàavoirdesscoresélevés sur les échelles imagination et émotion. Le résultat intéressant est celui desadultesàhautpotentiel:ilsprésententdesscoresélevésdemanièrehomogènesurleséchelles intellectuelle,émotionnelleet imaginairecequiestcohérentavec l’idéed’uneinteraction entre les dimensions cognitives et conatives dans l’émergence d’un hautpotentiel.Cetteexpérienceaétérépétéesurdesadolescentsetlesmêmesrésultatsontétéobtenus.De lamêmemanièrequepour l’étudedeCorso,cetteétudeaétéréaliséesur des individus à haut potentiel en situation de réussite, il serait intéressant de

57

réaliser une étude similaire sur des individus à haut potentiel en situation d’échecscolaireousocial.

L’individuàhautpotentielpossèdeaprioriunehyperstimulabilitéémotionnelle.Ilseraitdotéd’uneintelligenceémotionnellesupérieureàlamoyenne,mêmesiilresteàprouver sa présence chez ces individus en situation d’échec. Les études effectuéesprésentent pour la plupart des lacunesméthodologiques, une tendance stable sembleapparaître cependanten ce qui concerne l’intensité affective: les individus à hautpotentielsemblentvivreintensémentlesémotions.Ilsauraientdoncprobablementunecapacité d’empathie supérieure à la moyenne, ce point restant encore à prouver demanièrerigoureuse.

2. Variationd’empathieenfonctiondugenre

Ilestclassiquementpenséquelesfemmesprésententplusd’empathiequeleshommes.Plusieurs études ont mis en évidence cette différence (Christov-Moore et al., 2014;Ibanezetal.,2013;Hoffman,1977).Defaçonstéréotypéeilestconsidéréquelafemmeestdenatureplusaffective,etdecefaitestplusenclineàprésenterdel’empathie,alorsquel’hommepossèdedesqualitéspluscognitives.

Il a alors été suggéré que cette différence d’empathie entre homme et femmeserait avant tout culturelle, le résultat, serait dû aux rôles attribué par la société auxdifférentsgenres.Laplupartdesétudesmenéessurladifférenced’empathieenfonctiondugenreontétéréaliséessurdesadultesàquiilétédemandédesedécrireeux-mêmeou chez qui des comportements étaient observés (Christov-Moore et al., 2014). Il estalorsdifficiledesavoirsi ledegréd’empathieplus importantmesuréchez les femmesétaitsociétal,culturelousilesfemmessontintrinsèquementplusempathiquesqueleshommes.

Pourrépondreàcettequestion,desétudesontétéréaliséessurladifférenceenfonctiondugenrelorsdudéveloppementdel’empathiechezlesjeunesenfants.Undesprécurseurs de l’empathie est la contagion émotionnelle, et notamment le fait qu’unnouveau-népleurelorsqu’ilentendlespleursd’unautrenouveau-né.Ilaétémontréqueles nouveaux-nés féminins étaient plus susceptibles de pleurer et pleuraient pluslongtemps que les hommes lorsqu’ils entendaient les pleurs d’un autre nouveau-né(Hoffman, 1977 ; Sagi et Hoffman, 1976). L’imitation est aussi un précurseur del’empathie.Uneseuleétudeaétéréaliséesurlesujet.Elleamisenévidencelefaitqueles nouveaux-nés de sexe féminin était plus doués en ce qui concerne l’imitation demouvementsdedoigts(Nagyetal.,2007).

Al’âgedetroisàquatremois,lesjeunesfillessemblaientcapablesdereconnaîtreetdifférencierdemanièreplusprécise lesexpressions facialesdesautres,parrapportauxgarçons(McClure,2000).

58

D’autrepart,lesindividusdesexemasculinsontplustouchésquelesfemmesparles atteintes caractérisées par un déficit d’empathie comme l’autisme (Baron-Cohen,2002;Dodge,1980)

L’ensembledecesétudesmontrequ’ilexistedèsleplusjeuneâgeunedifférencede développement de l’empathie en fonction du genre, les éléments précurseurs del’empathie étaient généralementplusprésents chez les femmesque chez leshommes.Cela semble être en faveur d’une hypothèse de différence intrinsèque d’empathie enfonctiondugenre, lesfemmesétantplusempathiquequeleshommes.D’autresétudessonttoutefoisnécessairesafindeprécisercettehypothèse.

59

II. Applicationenrelationclientenstructurevétérinaire

Préambule:

On l’a vu précédemment, les définitions d’empathie et de compassion sont sujettes àpolémiques.Ilestdoncimportantpourlasuitedes’accordersurcestermes.Jechoisisdonc ici la définition de l’empathie comme processus cognitif: la compréhension del’autre, la capacité de se mettre à la place de l’autre sans la charge affective qui luiincombe.Lacompassionseradéfiniecommeunprocessusdécoulantdel’empathieetdela sympathie impliquant un processus cognitif et affectif, impliquant le ressenti desémotionsd’autrui,etlebesoindemettreenplaceuneactionafindelesoulager.

A. Intérêtdel’empathieenstructurevétérinaire

1. Intérêtdel’empathieenrelationclient

a) L’empathiecommequalitéintrinsèquedumétierdepraticien

Le«RoyalCollegeofVeterinarySurgeons»(RCVS)auRoyaumeUniadéfinil’ensembledes qualités que doit avoir un vétérinaire, classées selon deux grandes exigences: les«day one competences»: l’ensemble des compétences que le vétérinaire doit avoiracquisdèslasortiedel’école,etles«yearonecompetences»:compétencesquidoiventêtre acquises après un an de pratique (Mellanby et al., 2011). Dans ces listes onretrouve à la fois dans les «day one» et les «year one competences» des élémentscomme:«écouterattentivementetrépondredefaçonsympathiqueauxclientsetautrespersonnes», «être conscient du climat économique et émotionnel dans lequel levétérinaireopèreetrépondredefaçonappropriéeàl’influencedecettepression».Ilestdonc essentiel pour un vétérinaire d’être compétent en communication et decomprendrel’autre.

UneétudeaétémenéedanslarégiondeCambridgeenAngleterreafindedéfinirles qualités essentielles pour être un «bon vétérinaire» selon la clientèle et selon lesvétérinaires eux-mêmes (Mellanby et al., 2011). Pour y parvenir un questionnaire(figure10) a étédistribué à des clients à la suite de la vaccinationde leur animal. Lequestionnaireétaitcomposédetroisquestions.

60

Figure10:Questionnaireprésentéauxclientslorsdeleurvisitevaccinalechezleurvétérinaire.(Mellanbyetal.,2011)

A) Selonvous,quelleestl’importancedecesqualitéspourunvétérinaire?

Pasdutoutimportant

Pasimportant

Indifférent Important Trèsimportant

1-Assurance

2-Gentillesse

3-Connaissanceenmédecineetchirurgievétérinaire

4-Propreté

5-Bonneexplicationdestermesmédicaux

6-Apparenceprofessionnelle

7-Compassionenverslespatients

8-Compassionenverslespropriétaires

9-Compétencesencommunication

10-Personnalitéagréable

11-Patience

12-Capacitéd’écoute

13-Saitreconnaîtreseslimitesetquanddemanderdel’aide

14-Clartéàproposducoûtdestraitements

15-Capacitéàtravaillerenéquipe

16-Honnêteté

17-Politesse

18-Espritdedécision

19-Gentillesseaveclesanimaux

20-Capacitéspratiques

B) Quellessont,selonvous,lestroisqualitéslesplusimportantespourunvétérinaireseloncellescitéesci-dessus?

C) Considérez-vousqued’autresqualitéssoientextrêmementsouhaitableschezunvétérinaire?

61

Dans lapremièrequestion, il étaitdemandéaux clientsdedonner leuropinionsur l’importance de 20 qualités en choisissant parmi les qualificatifs «pas du toutimportant», «pas important», «indifférent», «important» et «très important». Laliste de ces qualités est présentée dans la figure 7. Dans une deuxième question ilsdevaientchoisirlestroisqualitéslesplusimportantespourunvétérinaireparmicellesprésentées en première question. Et enfin dans une troisième question, les clientspouvaient ajouter des qualités non citées qui leur semblaient primordiales. Unquestionnaireidentiqueaétédistribuéauxvétérinaires.

Les résultats de cette étude ont mis en évidence des différences significativesentre ce que les vétérinaires et les clients avaient tendance à considérer comme desqualités très importantes. Une plus grande proportion de clients par rapport auxvétérinaires considérait l’assurance, la connaissance en médecine et chirurgievétérinaire, la propreté, une bonne explication des termes médicaux, la patience, laclartéàproposducoûtdestraitements,lacapacitéàtravaillerenéquipe,l’honnêteté,lapolitesse, la capacité de prise de décision, gentillesse envers les animaux, et doué enpratiquecommedesqualitéstrèsimportantes.Enrevanche,uneplusgrandeproportiondevétérinairesconsidéraitlescompétencesencommunicationcommeunequalitétrèsimportanteparrapportauxclients.

Parcontre,encequiconcernelacompassionenverslesclients,93%desclientset98% des vétérinaires d’animaux de compagnie considéraient cette qualité commeimportante ou très importante. Le terme de compassion comme entendu dans cetteétuden’apasétédéfini,onadmettradoncqu’ilenglobeàlafoisempathieetcompassion.C’est donc un point sur lequel à la fois vétérinaires et clients s’accordent, c’est unequalitéimportanteduvétérinaire.

Lorsqu’ils’agissaitdelisterlestroisqualitéslesplusimportantes,lesclientsontleplussouventcitélaconnaissanceenmédecineetchirurgievétérinaire, lagentillesseenverslesanimauxetlacompassionpourlespatients.

Enfin, certainsclientsontajoutéà la troisièmequestiondesqualitésnoncitéesdans le questionnaire et qu’ils souhaitaient voir chez leur vétérinaire. Les qualités lespluscitéesontétéladouceur,lagentillesse,l’empathieetl’attention.

Les clients attendent donc d’un vétérinaire qu’il présente del’empathie/compassion envers eux même et leurs animaux. C’est une qualité trèsimportante,et lesvétérinairesenontconscience,puisquec’estundesrarespointssurlequellesvétérinairesetlesclientss’accordaient.

62

b) L’effetdel’empathiesurlasatisfactionduclient

Lasatisfaction despatientsestdéfinieenmédecinehumaineselonPelzcomme«uneévaluation positive par un individu des différentes dimensions des soins de santé»(Linder-Pelz, 1982). Les multiples dimensions des soins de santé pouvant êtreregroupées en plusieurs items: «accessibilité/praticité, disponibilité des ressources,continuité des soins, efficacité/résultats des soins, humanité, coût, collected’informations, renseignement du patient, environnement chaleureux etqualité/compétence»(Linder-Pelz,1982).

La satisfaction du patient est une des questions les plus étudiées encommunicationenmédecinehumaine.Unarticle a combiné lesdonnéesde41étudesdes années1960à1988en rapport avec la satisfactiondupatient afinde trouver lesélémentsenlienstatistiquement(Halletal.,1988).Danscetarticle,l’indicateurleplusfiable en lien avec la satisfactiondupatient est la quantité d’informationsdélivrée aupatient, et plus cette quantité est importante plus le patient est susceptible d’êtresatisfait. Maisunautre facteurmajeurde la satisfactiondupatientest le climatde laconsultation: la construction d’une relation de collaboration, la discussion sociale, uncomportement non verbal positif et une communication positive sont associés à uneplus grande satisfaction. Le climat socio-émotionnel est donc lié à la satisfaction dupatient. Plusieurs études ont par ailleursmis en évidence une relation positive entrel’empathie dumédecin lors d’une consultation et la satisfaction du patient (Fraenkel,1987;DiMatteoetHays,1980).

Peud’étudesscientifiquesontétéréaliséesenmédecinevétérinairesurlesujet,cependantonavuprécédemmentdansl’étudedeMellanbyetsescollègues(2011)queparmilesattributsd’un«bonvétérinaire»selonlesclients,figuraitl’empathieet/oulacompassion, que ce soit envers les clients ou envers les patients. Dans une étudesimilaireréaliséesurlaclientèledetroiscliniquesd’animauxdecompagnie,lesauteursontmontréquelesclientsrecherchaientchezleurvétérinaireunebonneconnaissancemédicalemaisaussilefaitqu’ilsmontrentdel’intérêtpourleursclients(Case,1988).Laconclusiondecetteétude futque lasatisfactionduclientestdavantage liéeà la façondont le client est traité plutôt qu’à la façon dont l’animal est traité. Les attentes desclients en structure vétérinaire semblent donc similaires à celles des patients enmédecinehumaine.Selonl’étudedeKPMG,uneétudedumarchévétérinaireaméricain,lespropriétairesd’animauxdecompagnieontclassé«levétérinaireetgentiletdoux»enpremierlorsqu’ils’agitdechoisirunvétérinaire(BrownetSilverman,1999).

Unchangementauquel fait face levétérinaireaujourd’huiest la reconnaissancegrandissante du lien qui unit les propriétaires à leurs animaux de compagnie (Shaw,2006). Selon l’étude de KPMG, 85% des propriétaires d’animaux de compagnie lesconsidèrentcommeunmembredeleurfamille(BrownetSilverman,1999).Enparallèle,il est désormais reconnuque la prise en considérationdu lienqui uni l’humain à sonanimal lors de la prise en charge de l’animal implique demeilleurs résultats pour lepatient et le vétérinaire (Brown et Silverman, 1999). Les responsabilités des

63

vétérinairessesontdoncétenduesaubien-êtredeleursclientsenplusdeceluideleursanimaux(Shaw,2006).

A l’inverse, lemécontentementdes clients semble avoirun impact économiqueimportantdansunecliniquevétérinaire(Shawetal.,2005a).Ilaétésuggéréquechaqueclientmécontenteninformait26autres(Antelyes,1991).Enmédecinehumaineilaétémontréqu’undéficitencommunicationetunmanqued’empathieétaientliésàlafoisàune augmentation d’erreurs médicales et à des poursuites judiciaires pour fauteprofessionnelle(Silvermanetal.,2016).Peudedonnéessontdisponiblessurlesujetenmédecinevétérinaire,cependantselonuneétude,80%desréclamationscontenaientundéficitencommunication(«Communicationskills»,2001),etentre1999et2001,50%des plaintes au Collège vétérinaire d’Ontario étaient le résultat d’un déficit encommunication(Shawetal.,2005a).Ilestdoncimportantdupointdevueéconomiquedesesoucierde lasatisfactionde laclientèleendémontrantde l’empathieenverssesclients.

2. L’empathiecommeprocessusthérapeutique

Pourcettepartie,unparallèleseraeffectuéentre lamédecinehumaineet lamédecinevétérinaire du fait du manque de données disponibles dans le domaine vétérinaire.SelonShawetsescollègues(2005)lesmédecinset lesvétérinairespartagentlemêmebut:améliorer lasantédeleurspatients, favoriser l’observancedestraitementsetdesrecommandationsmédicales, etassurer la satisfactionde leursclientsgrâceauxsoins.Danscesdeuxprofessions, lesuccèsde laconsultationdépendd’uneinteractionentredeux humains et de là découle la satisfaction. De plus, la structure et le contenu duquestionnementmédicalestsimilaireenmédecinehumaineouvétérinaire(Shawetal.,2005a).Decefait,nouspouvonsnouspermettreceparallèle,toutenétantconscientdesdifférencesentrecesdeuxdisciplines.

64

a) Impactdel’empathiesurlasantédupatient

L’importance et l’influence de l’empathie en soins hospitaliers ont été largementétudiées. L’empathie est reconnue comme importante enmilieumédical (Fieldset al.,2004),elleseraitmêmeintrinsèquementthérapeutique(Suchmanetal.,1997):elleaidelespatientsàsesentircompris,encouragésetmoinsanxieux.

L’importance de l’empathie en soins hospitaliers a d’abord été étudiée dans ledomaine de la psychiatrie (Kalisch, 1971; Kunyk et Olson, 2001), puis dans lemilieuinfirmierpourensuiteêtreétendueàl’ensembledumilieumédical(Fieldsetal.,2004).Plusieurs études mettent en évidence l’importance de l’empathie comme élémentthérapeutique,nousendévelopperonsdeux.

Lapremièreétudeà laquellenousallonsnous intéresserdatede1985et a étéréaliséedansledomainedepsychiatrie(Freeetal.,1985).Danscetteétude,59patientsde l’hôpitaluniversitairedeCincinnati sesontprésentéspouruneséancede thérapie.L’empathie des thérapeutes était mesurée par les thérapeutes eux-mêmes, par dessuperviseurs, et par les patients. Le résultat de cette étude a montré que l’empathieperçue par les patients était significativement liée à un résultat positif de la thérapie(p<0,05).Mais ilyavaitunegrandedisparitéentre l’empathieperçuepar lespatients,par les thérapeutes et celle mesurée par les superviseurs, et c’est uniquement celleperçueparlespatientsquisemblentavoirunimpactleursantémentale.

Unesecondeétuderétrospectiveaétéréaliséechezdespatientsatteintsdemauxdetêted’apparitionrécente (Stewart,1995). Danscetteétudeilaétémontréquelespatients ayant eu le sentiment d’avoir pu discuter en détail de leurs symptômes avecleursmédecinsavaient3,4foisplusdechancesd’observerunerésolutioncliniquequeceux n’ayant pas eu cette possibilité. Une écoute attentive et une compréhension del’autresontdoncprimordialespourunpraticien,afindecernerl’ensembleduproblèmedesonpatient.L’empathiepermetunemeilleurecommunicationavecleclient,celaaétémontré dans une étude réalisée en Corée, qui sera développée ultérieurement (cfII.A.2.b)(Kimetal.,2004).Ellepermetaussiaumédecinunemeilleurecommunicationetdoncunemeilleurecompréhensiondessymptômesdupatient(Kimetal.,2004).

Cette relation a d’ailleurs étémise en évidence dans d’autres études (Bellet etMaloney,1991).SelonBelletetMaloney,unerelationd’empathieentreunmédecinetson patient permet une meilleure communication et le patient aura plus tendance àcorriger toutmalentendude lapartdudocteur.Ellepermetparailleursdecalmer lespatients anxieuxou leursproches (Bellet etMaloney,1991). Une relationd’empathiepermetaussid’intégrerlespatientsdanslaprisededécision.

Il y a cependant enmédecine vétérinaire peude publications sur le sujet, qu’ilseraitintéressantd’étudier.

65

b) Importancedel’empathieencequiconcernelebienêtreanimal

Si les données manquent en ce qui concerne l’impact de l’empathie sur la santé dupatient, il a été montré que la présence d’empathie envers les animaux, voird’anthropomorphismeétaitliéàuneplusgrandepréoccupationpourlebien-êtreanimal(PratoPrevide,2016).

La présence d’empathie permet aussi la création d’un meilleur lien entrevétérinaireetanimal.

La présence d’empathie envers les animaux est donc indispensable pour levétérinaire. Du point de vue personnel du vétérinaire, la création d’un lien avec sonpatientfacilitelessoins.Ellefavoriseaussi lasatisfactionduclientpuisquecommeilaétévuprécédemment,Mellanbyetsescollègues(2011)ontmontréquela«gentillesseenvers les animaux» étaient une qualité considérée généralement comme étant trèsimportantechezunvétérinaireparsaclientèle.

L’empathieenverslesanimauxestaussiindispensabledufaitdesonimpactsurlebien-êtreanimal,préoccupationquidoitêtrecentraledanslemétierdevétérinaire.

c) Impactsurl’observancedutraitement

Unexempledel’importancedel’empathieestprésentédansuneétuderéaliséeenCorée(Kim et al., 2004).Dans cette étude, 550patients d’un hôpital universitaire ont du seprononcersurleurperceptiondel’empathiedelapartdesmédecins,etd’autrespointscomme leur satisfaction et leur observance du traitement proposé, par le biais d’unquestionnaire.

Cette étude a montré que l’empathie perçue par les patients augmentesignificativement (p<0,05) leur satisfaction et leur observance des traitements parl’intermédiaire d’un meilleur échange d’informations, d’une reconnaissance del’expertisedumédecin,d’uneconfiance interpersonnelleetd’unpartenariat.Plusieurspointssontimportantsici.

Tout d’abord l’empathie était liée à un meilleur échange d’informations,informationsreçuesparlepatientsursamaladie,cequiconditionnesacompréhensionet son observance du traitement on le comprend bien.Mais cela concernait aussi lesinformations que le patient donne au médecin à propos de ses symptômes et sesinquiétudes.Cepointestprimordialpourlediagnosticdumédecinetdecefaitlasantédupatient.

66

L’empathie perçue par les patients était aussi liée à la reconnaissance del’expertise du médecin. Ce n’est donc pas uniquement le niveau de connaissance quiconditionnait la reconnaissance de l’expertise d’un médecin par ses patients, il étaitnécessairequecelui-ci soit enplus capablede transmettre les informationsen faisantpreuve d’empathie. Si l’empathie augmente la satisfaction des patients, lareconnaissance d’expertise du praticien et la confiance, on imagine dès lors qu’elledevraitdiminuer leschangementsrépétésdepraticiensquinesontpaspourservir lasantédupatient.

L’ensemble de ces points: l’échange d’informations, la confiance, lareconnaissance de l’expertise du praticien, la satisfaction du patient et surtoutl’observance du traitement, sont primordiaux pour la santé du patient et l’issue dutraitement.L’empathiefaitdoncpartieintégrantedesmesuresthérapeutiquesàmettreenœuvredansletraitementd’unpatientenmédecinehumaine.

Les étudesmanquent enmédecine vétérinaire, et même si les problématiquessont les mêmes, ce qui laisse à penser que des résultats similaires puissent êtreretrouvés,cesujetdevraitfairel’objetderecherchesfutures.

3. Capacitéd’empathiedupersonnelsoignant

a) Undéficitencommunication

Enmédecinehumaine,uneétudeamisenévidencele faitquelorsd’uneconsultation,lesmédecinsn’obtenaientdeleurspatientsque46%deleursplainteset55%deleursinquiétudes(Stewartetal.,1979). Uneétudetransversaleàproposdelaconcordanceentrepatientetmédecinamontréquemédecinetpatientétaientendésaccordencequiconcerne l’atteinte principal du patient après 50% des consultations (Starfield et al.,1981).Selonuneautreétude,dans69%desconsultations, lemédecin interrompait ladéclarationinitialedupatientafindeposerdesquestion,cequiimpliquaitquelepatientnelivraitpasaumédecinlatotalitédesesinquiétudes(BeckmanetFrankel,1984).Cesétudes peu récentes ont été complétées par une étude datant de 1999. Dans cettedernière il a été montré que les médecins laissaient en moyenne 23,1 secondes auxpatients pour leur déclaration initiale, avant de les interrompre (Marvel et al., 1999).Devant ces chiffres, on comprend aisément qu’il existe en médecine humaine unimportantproblèmedecommunicationentremédecinetpatient.

Il n’y a malheureusement pas eu d’études similaires réalisées en médecinevétérinaire. Cependant, la relation client est une des difficultés professionnellesmajeures du praticien (Shaw et al., 2005a). Selon l’étude de KPMG, un problème querencontre les vétérinaires sur le marché américain est que «tandis que lesconnaissancesscientifiques,cliniquesettechniquesdelaprofessionvétérinairerestent

67

élevées, il existedespreuvesdumanquede capacitésdesvétérinairesenmatièresdemanagement et de communicationnécessaires à leur réussite en clinique» (BrownetSilverman,1999).Unerelationentrelaqualitédelacommunicationinterpersonnelleetla quantité de revenus en structure vétérinaire a d’ailleurs été proposée (Cron et al.,2000).

Plusieurs éléments sont en faveur d’un déficit de formation en communicationdurant le cursusvétérinaire.Dansuneétude réalisée enAustralie258employeursdevétérinairesrécemmentdiplômésdevaientremplirunquestionnaireafindecerner lesdéficitsprincipauxqueprésententlesvétérinairesàlasortiedeleursétudes(HeathetMills, 1999). Selon cette étude, les jeunes diplômés avaient besoin d’aide en ce quiconcernelesinteractionsinterpersonnelles,surtoutvisàvisdelacommunicationavecles clients ou les autresmembre de l’équipe soignante, en particulier en situation detension ou chargées émotionnellement. Dans une autre étude, en Californie, il a étémontréque la communication, enparticulier la créationet lemaintientd’une relationavecleclientétaitunedéficiencemajeurechezlesjeunesdiplômés(Walshetal.,2002).Dans cette étude, les points majeurs de déficit impliquaient la compassion, unecommunication courtoise et efficace avec le client, le respect envers le client et lacompréhension de la relation entre communication et réussite d’un vétérinaire. Parailleurs les étudiants de l’école vétérinaire d’Ontario considéraient que lacommunication n’est pas assez présente dans leur formation, en particulier ils ne seconsidéraient pas compétents pour annoncer une mauvaise nouvelle, discuter d’uneeuthanasie, interagir avec des clients exigeants et offrir des soins de qualité dans desconditionsdecontraintesfinancièresettemporelles(Shawetal.,2005a).

b) Undéficitenempathie

Desétudesréaliséesenmédecinehumaineetvétérinaireontmisenévidenceunniveaud’empathiebasexprimé lorsdesconsultations(AdamsetFrankel,2007). Unexempleest l’étude réalisée par Shaw et ses collègues (2004). Le but de cette étude étaitd’identifierlescomposantsdelacommunicationentrevétérinaire,clientsetpatientsaucoursd’uneconsultationenanimauxdecompagnie.Cinquantevétérinairesontdoncétéfilmés durant six consultations chacun, et les films ont été analysés grâce au systèmed’analysedesinteractionsRoter(«Roterinteractionanalysissystem»RIAS).Cetoutil,développé par Dr Debra Roter, permet d’évaluer la communication médecin-patientverbale et non verbale, de façon quantitative en divisant la conversationmédicale endifférentesvariablesdecommunication.C’estl’outilleplusutiliséenmédecinehumaineet son efficacité a été prouvé dans beaucoup de domaines médicaux, ainsi qu’enmédecinevétérinaire(Shawetal.,2004).

Les variables utilisées et les résultats sont présentés dans le tableau 5. Il estintéressantdenoterquelesvétérinairesfaisaientpreuved’empathieseulementlorsde7% des 300 consultations analysées. Pourtant la construction d’une relation avec leclientestvitalpourlaréussited’uneconsultationetexprimerdel’empathieestcentral

68

pourconstruireunerelationselonlesauteurs(Shawetal.,2004).L’empathiepermetdegagnerlaconfiancedesclients.

En comparaison, une étude similaire a été réalisée enmédecine humaine danslaquelle168consultationsdemédecinsgénéralistesontétéanalysées.Danscetteétudelesmédecinsontfaitpreuved’empathiedans100des168visitessoitenviron60%.Parailleurslespatientsontcrééenmoyenne2,49opportunitésdefairepreuved’empathiepar visite (Bylund etMakoul, 2002). Si on considère qu’enmédecine vétérinaire, lesclients créent un nombre similaire d’occasions, il semble que les vétérinaires ratentbeaucoup d’occasions de faire preuve d’empathie lors de leurs consultations. Cettehypothèserestecependantàvérifier.

Une cause de ce déficit en empathie pourrait être le sentiment dumanque detempsenclinique,permettantuniquementderéaliserlestachesessentielleslorsd’uneconsultation.Pourbeaucoupdecliniciens il est impossiblede fairepreuved’empathiedans de telles circonstances (Adams et Frankel, 2007). Pourtant des chercheurs ontétudié un groupe de cliniciens élite et se sont aperçus qu’ils trouvaientimmanquablementlemoyendefairepreuved’empathielorsd’uneconsultationutilisantet attendant des opportunités particulières afin répondre aux inquiétudes des clients(BranchetMalik,1993).

69

Tableau5:Variablesdecommunicationutiliséesparlesvétérinairesd'animauxdecompagnieetleursclientslorsd'uneconsultation(Shawetal.,2004)

NOMBREDEDECLARATIONSPARCONSULTATION

CONTENU MOYENNE INTERVALLEVETERINAIRE

VARIABLESAFFECTIVES- Compliments- Désaccord- Critique- Empathie- Légitimation- Partenariat

0,080,150,030,070,060,02

0-50-20-20-20-20-2

VARIABLESAXEESSURLETRAVAILApportd’information

- développementsocialQuestionsfermées

- Interactionssociales- Développement- Développementsocial

Questionsouvertes- Biomédical- Modedevie,activités- Interactionssociales- Développement- Développementsocial

Demandedel’avisduclientConseil

- Développement- Développementsocial

0,96

0,450,170,02

0,110,380,520,030,000,98

0,910,28

0-10

0-120-70-4

0-30-50-50-30-10-7

0-510-23

CLIENT VARIABLESAFFECTIVES

- Approbation- Compliment- Désaccord- Critique- Empathie- Légitimation- Demandeàêtrerassuré

0,800,060,290,070,030,070,28

0-60-30-50-50-10-10-11

VARIABLESAXEESSURLETRAVAILApportd’informations

- Développement- Développementsocial

OrientationQuestions

- Modedevie,activités- Interactionssociales- Développement- Développementsocial

Chercheàcomprendre

0,850,140,29

0,660,090,070,010,04

0-360-160-7

0-80-40-30-30-1

70

c) Laresponsabilitéducursusscolaire

Ilaétésuspectéquelorsdesétudesenmédecinehumaineouvétérinaire,lesétudiantsdevenaientdeplusenpluscyniquesetquececipouvaitavoircommeconséquenceundéclind’empathie.

Une enquête longitudinale a donc été menée avec pour but d’examiner cettehypothèse(Hojatetal.,2004).Desétudiantsontétéinterrogésendébutpuisenfindetroisième année, ce qui correspond à la première année de clinique. Leur niveaud’empathieaétémesuréselondifférentesrubriquesdontilsdevaientnoterl’importancegrâceàunenotede 1à7.La comparaisondes résultatsendébutet en find’annéeamontréunediminutionsignificativedel’empathieglobale(p<0,05)aucoursdel’annéeetplusparticulièrementsurcinqitemsprésentésdansletableau6(p<0,01).

Tableau6:Moyennedesscoresd’empathiepourlesrubriquesprésentantunediminutionsignificativeentreledébutetlafindel'annéescolaire(Hojatetal.,2004)

Moyenne desscores en débutd’année(déviationstandard)

Moyenne desscores en find’année(déviationstandard)

RUBRIQUES Il est aussi important de demander aux patients ce qu’il sepasse dans leurs vies que de leur demander leurs signescliniques.

6,2(0,97) 5,7(1,3)

Les médecins doivent essayer de penser comme leurspatientspourleurprodiguerdemeilleurssoins. 4,0(1,4) 3,4(1,6)Les émotions n’ont pas leur place dans le traitement d’uneaffectionmédicale. 6,7(0,55) 6,3(1,2)Lamaladie d’unpatient peut être traitéemédicalement; lesliensaffectifsentremédecinsetpatientsn’ontpasleurplacedansladémarche.

6,4(1,0) 6,0(1,4)

Pour un traitement plus efficace, les médecins doivent êtreattentifsauxexpériencespersonnellesdeleurspatients. 6,2(0,85) 5,9(1,0)

Total 123,1(9,9) 120,6(13,9)Valeursentreparenthèses:déviationstandard Le tableau 6 montre cette diminution du score d’empathie global avec unedifférence de 2,5 points (p<0,05) entre le début et la fin de la troisième année. Lesrubriquesprésentant lesdiminutions lesplus importantes au coursde l’annéeétaientlessuivantes:«Ilestaussi importantdedemanderauxpatientscequ’ilsepassedansleurs vies que de leur demander leurs signes cliniques» et «Les médecins doiventessayerdepensercommeleurspatientspourleurprodiguerdemeilleurssoins».Cetteétudeadoncmontréeffectivementunediminutiondel’empathieaucoursdesétudesen

71

médecine,particulièrementlorsdudébutdelaclinique.Cesrésultatsétaientenaccordavecd’autrespublications(DisekeretMichielutte,1981).

En médecine vétérinaire, une étude a permis de comparer l’avis d’étudiantsvétérinaires et de vétérinaires récemment diplômés sur l’importance relative dedifférentes qualités d’un vétérinaire (Rhind et al., 2011). Pour ce faire il leur étaitdemandédeclasserunensembledequalitésselonuneéchelled’importance(pasdutoutimportant,pasimportant,indifférent,importantettrèsimportant).Cesqualitésétaientréunies en six catégoriesdont les capacités en communication. Dans cette étude lesétudiantsendernièreannéeetlesvétérinairesrécemmentdiplôméss’accordaientsurlefait que les capacités en communication, la résolution de problème, la capacité deprendre une décision, la reconnaissance de ses propres limites et la capacité desurmonter la pression sont des qualités importantes, à très importantes pour unvétérinaire.Cependant,troisqualitésontétéconsidéréesdefaçonsignificative(p<0,05)comme plus importantes chez les vétérinaires récemment diplômés que chez lesétudiants:l’intégrité,lasympathieetlacompassion(Tableau7).Encequiconcernelacompassion,62%desvétérinairesrécemmentdiplômésontconsidéréqu’elleétaittrèsimportante,contreseulement46%chezlesétudiants.Letermedecompassionn’ayantpas été défini préalablement, on supposera qu’il désignait à la fois empathie etcompassion.

Tableau7:Qualitésconsidéréescommesignificativementplusimportanteschezlesvétérinairesrécemmentdiplômésparrapportauxétudiantsendernièreannée(Rhindetal.,2011)

PROPRIETES DERNIEREANNEE(%)

JEUNESDIPLOMES(%)

VALEURDEP ODDSRATIO(intervallede

confianceà95%)Intégrité 44 57 0,046 1,70(1,01-2,86)Sympathie 37 51 0,027 1,81(1,07-3,05)Compassion 46 62 0,014 1,94(1,14-3,28)

Cette disparité entre les étudiants et les vétérinaires récemment diplômésmontraitunmanquedeconsciencedel’importancedel’empathie/compassiondelapartdes étudiants. Les écolesvétérinairesutiliséesdans cette étudepossédaient toutesuncentredepratiquepourlesétudiants,maiscelanesemblepassuffisantpourpréparerlesétudiantsencequiconcernelarelationclientet l’empathie/compassionnécessaireenverslesclients(Rhindetal.,2011).

En cequi concerne l’empathie envers les animaux, plusieurs étudesontmis enévidence une diminution d’empathie au cours du cursus vétérinaire (Prato Previde,2016 ; Hazel et al., 2011). Cette diminution d’empathie envers les animaux impliquetendance à considérer les animaux de façon cartésienne, sans le côté émotionnel. Cephénomène présent chez les étudiants vétérinaires est plusmarqué chez les hommesquechez les femmes (PratoPrevide,2016). Encequi concerne l’empathieenvers lesanimaux, le fait de «semettre à la place» de l’animal implique sa compréhension, etc’estalorsl’apprentissagedel’éthologiequipourraitfavorisercettequalité.

72

73

B. Lesdangerdelacompassion:lafatiguedecompassion

1. Qu’estcequelafatiguedecompassion

Historiquement, le terme de fatigue de compassion a été utilisé pour décrire denombreuses situations comme les œuvres de charité, les soins médicaux et lerétablissementaprèsuntraumatisme(Cohen,2007).

a) Fatiguedecompassionsecondaireàunstresspost-traumatique

C’estsuiteàlaguerreduVietnamquecettenotionde«fatiguedecompassionsuiteàunstresspost-traumatique»estapparue.Certainsvétéransontsouffertaprès leurretourdesymptômesdestressencontinu.Ilsétaientirritables,agités,semblaientobsédésparlaguerreouaucontrairerefusaientd’endiscuter.L’ensembledecessymptômesaétéappelésyndromedestresspost-traumatique(Cohen,2007).

Cetteaffectionsemblaitaussiatteindrelesmembresdelafamille,lesconseillersou toutautrepersonne impliquéedanscesévènements.Desépousesdesurvivantsdel’Holocauste (Lev-Wiesel et Amir, 2001), du personnel soignant des victime d’abussexuels(Folletteetal.,1994),despartenairesdesoldatstraumatisés(Figley,2005)ontfait l’expérience de flashbacks, troubles du sommeil et d’hypervigilance comme si ilsavaienteux-mêmesubitletraumatisme.Chezlesépousesdesurvivantsdel’Holocausteil a été montré que ces symptômes de stress secondaire à un traumatisme étaitsignificativementliésàl’hostilité,lacolère,laparanoïaetlapeurd’autruidelavictimedel’Holocauste,etnonpasliésaufaitquecettevictimeaipartagéounonsonexpérience(Lev-WieseletAmir,2001).C’estdonclavisiondelasouffrancedel’autreetnonpaslepartagecognitifdesexpériencesvécuesquisembleêtreliéàcetteaffection.Ilnes’agitdonc pas d’un stress post-traumatique mais plutôt d’un partage émotionnel, et laterminologie semblait donc inadaptée. C’est en 1989 que Charles Figley appela cettesouffrancedespersonnesquiviennentenaideauxpersonnestraumatiséesla«fatiguedecompassion»(Figley,1989).Cetermeaensuiteétédécritensoinsinfirmiersdanslecontexted’étudessurleburnoutchezlesinfirmières.Joinsonaalorsdécritlafatiguedecompassion comme «la perte de la capacité de soigner». Elle a été relevéparticulièrementchezdesinfirmièresdansledomainedesurgences(Joinson,1992)

La fatigue de compassion a été définie comme «le fardeau émotionnel que lessoignantspeuventsubir,résultantd’unesurexpositionàdesévènementstraumatisantsvécusparlespatients»(Schwam,1998).C’estunesouffrancepersonnelleenmiroirdelasouffrancedespersonnesaidées(Thomasetal.,2012).

«Ilyaunprixàprodiguerdessoins.Lesprofessionnelsquiécoutentleshistoiresde leursclientscontenantpeur,douleuretsouffrancepeuventressentirunepeur,une

74

souffranceouunedouleursimilairecarilssontimpliqués.Parfoisilsemblequ‘onperdenotrepropre identitéauprofitdecelleduclientdontons’occupe.» (Figley,1995).Laproximitéquisemetenplaceentresouffrantetsoignantfavoriseledéveloppementdelacompassionetdoncpeutengendrerlafatiguedecompassion.

La fatigue de compassion peut donc toucher de nombreux corps de métiers:pompiers, policiers,militaires, journalistes, clergé, travailleurs sociaux, professionnelsde la justice, soignants et médecins; toute personne engagée dans une aide enversd’autrespersonnesensituationdedétresse(Thomasetal.,2012).

b) Uneatteinteàdifférencierduburnout

L’amalgameentrefatiguedecompassionetburnoutestsouventréalisé,cesontpourtantdeuxaffectionsdifférentes.Leburnoutestassociéàunétatdestresspermanentsurlelieu de travail, et un taux de cortisol, hormone du stress, plus élevé que la normale(Melamedetal.,1999).Aucontrairelestresspost-traumatiqueestgénéralementassociéàunniveaudecortisolbas(Yehuda,2001).Cetteréductiondutauxdecortisolrésulted’unrétrocontrôlenégatifducortisolmajorésuiteàuneaugmentationdesensibilitédesrécepteurs aux glucocorticoïdes (Yehuda, 2001). Le burnout résulte d’un niveaud’exigenceélevéautravailassociéàunmanquedereconnaissanceextérieure(Bakkeretal.,2000),etàunmanquedetempsréservéàlavieprivéeetauxvacances(WhippenetCanellos,1991).

Les personnes atteintes de burnout décrivent le plus souvent leur sentimentcommeétantdelafrustrationetunsentimentd’échec(WhippenetCanellos,1991).Lesmanifestationsduburnoutpeuventêtredelatensionautravail,voirdel’inefficacité,del’irritabilitésurleplanpersonnel,destroublesdusommeiletdel’épuisementauréveil(Bakkeretal.,2000;Hunsakeretal.,2015).Toutcommelafatiguedecompassion,unepersonne atteinte de burnout peut présenter une dépersonnalisation, c’est-à-dire uneattitudecyniqueetdessentimentsnégatifsenversautrui(Maslachetal.,1996)

Lesprincipaux élémentsdéclencheursdeburnout sont en théoriedifférentsdeceuxdelafatiguedecompassion.Encequiconcerneleburnout,ils’agitprincipalementdu stress sur le lieuxde travail, une charge et deshorairesde travail excessifs et desdifficultésàalliervieprofessionnelleetprivée(DyrbyeetShanafelt,2011).Lafatiguedecompassion en revanche fait suite à la proximité d’un traumatisme et possède troisgrands facteurs de risque selon beaucoup d’études: un désordre psychiatrique pré-existant, un désordre psychiatrique présent dans la famille ou un traumatisme pré-existant (Cohen, 2007). Un autre facteur de risque majeur a été évoqué, le degréd’exposition à des personnes traumatisées. Ce lien a été mis en évidence lors d’uneétudesurlesmembresdel’égliseayantaidélesvictimesdesattentatsdu11septembre2001:plusilspassaientdetempsàGroundZeroplusilsétaientàrisquededévelopperdelafatiguedecompassion(Flannellyetal.,2005).

75

Cependant,lesfacteursderisquesduburnoutetdelafatiguedecompassionsonttrès similaires, en dehors de l’exposition à des personnes traumatisés qui estexclusivementliéauburnout.Touslesfacteursderisquesd’épuisementautravailetdestresssontprésentsaussiencequiconcernelafatiguedecompassion,ilsseronttraitésultérieurement(cfII.B.3.).

Boyle(2011)arésumélesdifférencesmajeuresentrelafatiguedecompassionetleburnoutgrâceàdifférentespublications.Ellessontprésentéesdansletableau8.Onremarquetoutefoisquelamanifestationduburnoutetcelledelafatiguedecompassionsonttrèssimilaires.

Tableau8:Différencesmajeuresentrelafatiguedecompassionetleburnout.(Boyle,2011)

VARIABLES BURNOUT FATIGUEDECOMPASSIONETIOLOGIE Réactionnelle:réponseàdes

facteursdestressenvironnementauxouliéautravail

Relationnelle:conséquencedelapriseenchargedeceuxquisouffrent.

CHRONOLOGIE Progressive,évolutiondansletemps

Aiguë,soudaine

RESULTATS Diminutiondelaréponseempathique,retrait,peutquittersonemploiouêtretransféré

Diminutiondelaréponseempathique.Lapersévérancerésulted’undéséquilibreentrel’empathieetl’objectivité,peutfinalementquittersonemploi.

c) Lasatisfactiondecompassion

Lasatisfactiondecompassionest l’opposéde la fatiguedecompassion,ellecomprendl’ensembledessentimentspositifsressentislorsqu’unepersonnealacapacitédevenirenaideàquelqu’un (Stamm,2010). SelonStamm,unedéfinitionde la satisfactiondecompassionest«leplaisirressentiprovenantdelacapacitédebienfairesontravail.Parexemple, on peut ressentir du plaisir à aider les autres grâce à son travail. On peutéprouverdessentimentspositifsàproposdesescollègues,ousacapacitéàcontribueràlatâchedetravailoumêmeaubiencollectifdelasociété»(Stamm,2010)

Contrairement à la fatigue de compassion, la satisfaction de compassion estalimentée par un sentiment de réussite du travailleur, unemotivation prolongée voirmême de l’inspiration et du plaisir à réaliser un travail émotionnellement exigeant(Wagaman et al., 2015). C’est unmoyen efficace de réduire le taux de burnout et defatiguedecompassioncarellefournitdelamotivation,del’endurance,del’intérêtetun

76

sentimentd’accomplissementenaidantlesautresàsurmonteruntraumatisme(Brideetal.,2007).

2. Leseffetsdelafatiguedecompassion

a) Lesmanifestationsdelafatiguedecompassion

La fatigue de compassion conduit à un épuisement physique, psychique et spirituelprofond,accompagnéd’unedouleurmoraleintense(Thomasetal.,2012).Lesvictimespeuventprésenterplusieurssymptômesincluantledésespoir,uneanhédonie,unstressmarqué et permanent, de l’anxiété et développer une vision négative de leur vie(Thomasetal.,2012).

SusanCohenalistéseptmanifestationsclassiquesprésenteslorsdefatiguedecompassion(Cohen,2007):

1- Ladissociation2- Latorpeur3- L’isolation4- L’hypervigilance5- Destroublesdusommeil6- Unetendanceàpleurerconstamment7- L’évitementet/oul’obsession

La fatigue de compassion peut entrainer un stressmarqué et permanent. Lors destress permanent, un moyen de conserver de l’énergie est de se déconnecter desfacteursdestresscommelapressionsurlelieudetravailoulesexpérienceseffrayantes.Lespersonnespeuventêtreprésentesphysiquementmaisabsentespsychologiquement,c’estcequ’onappelleladissociation(Cohen,2007).Parfoislespersonnesontbesoindefuiruneexpérience:c’estuneformededissociationplusextensive.Lorsquel’expérienceesttraumatique,lapersonnepeutmêmesubirdestrousdemémoireoudéveloppercequisembleêtred’autrespersonnalités(Cohen,2007).

Latorpeurestuneautreformededissociation.Ellepeutfairesuiteauchocprovoquépar une mauvaise nouvelle, ou peut être prolongé, mettant l’individu dans un étatd’incapacitéàressentirdesémotions.

Unautremoyendeconserverdel’énergieestl’isolation,certainespersonnescessentde voir du monde et s’isolent chez elles habitées d’un sentiment d’incompréhension(Cohen,2007).

77

L’hypervigilanceestunétatd’alerteaccruàlapossibilitédudanger,cequiprovoquechezlapersonneunétatanxieuxetméfiant(Cohen,2007).

Lestroublesdusommeilsontsignesdedépressionoudestressetpeuventconsisterà la fois en une difficulté à s’endormir ou une propension à dormir plusqu’habituellement(Cohen,2007).

Beaucoup de personnes atteintes de fatigue de compassion ont rapporté pleurerbeaucoupplussouvent,parfoissansmêmeconnaîtrelaraison(Cohen,2007).

Enfin,l’évitementetl’obsessionsontdeuxmécanismesopposés.Certainespersonnesayant subit une expérience traumatisante ne se concentrent plus que sur celle-ci,présentantundésintérêtpourtoutlereste.Aucontraire,d’autrespersonnescherchentàéviter touteexposition, tout cequipeutêtre liédeprèsoude loinà la sourcede leurmalaise,pouvantainsiprovoquerleurisolation(Cohen,2007).

Boylearéunidansuntableaul’ensembledessymptômespouvantêtreprésentslorsdefatiguedecompassionselonplusieurssources,présentédansletableau9.

78

Tableau9:Manifestationsdelafatiguedecompassion.(Boyle,2011)

Emotionnel • Colère• Apathie• Dépression• Cynisme• Désensibilisation• Découragement• Rêves,flashbacks,préoccupation(expériencedupatient)• Sentimentd’êtresubmergé• Sentimentd’impuissance• Irritabilité• Perted’enthousiasme• Sarcasme

Intellectuel • Ennui• Difficultésdeconcentration• Désordre• Diminutiondel’attentionauxdétails

Physique • Somatisation• Manqued’énergie• Perted’endurance• Pertedeforce• Propensionauxaccidents• Fatigue,épuisement

Social • Endurcissement• Sentimentd’aliénation,isolation,séparation• Incapacitéàpartagerousoulagersasouffrance• Indifférence• Perted’intérêtpourdesactivitésautrefoisappréciées• Absencederéactions• Retrait,isolationparrapportàlafamilleetlesamis

Spirituel • Pertedediscernement• Désintérêtàl’introspection• Pertedeconsciencespirituelle• Pertedejugementencequiconcernelesquestionsexistentielles

Professionnel • Absentéisme• Evitementdessituationsintensesaveclespatients• Désirdedémissionner• Diminutiondesperformances:erreursmédicales,diminutiondela

documentation• Communicationsimpersonnellesetstéréotypées• Retard

79

b) Leseffetsdelafatiguedecompassionchezlepersonnelsoignant

La fatiguede compassion impacte la relationdu soignant avec lespatients: réductionprogressive de l’empathie pour autrui, détachement apathique de la douleur despatients et des familles. Cette distance relationnelle avec le malade peut confiner àl’indifférence voire un contre-transfert négatif (Thomas et al., 2012). A un stade plusavancé l’engagement devient rejet, et il peut apparaître un certain cynisme face à lacapacitédesmaladesàsesortird’affaire(Thomasetal.,2012).

A la fois la fatigue de compassion et le burnout peuvent avoir des conséquencesimportantes pour les patients puisqu’ils affectent la capacité des soignants à sepréoccuperdesmalades(Hunsakeretal.,2015). Ilspeuventtousdeuxêtreà l’origined’une diminution de personnel soignant et affecte la satisfaction des patients. Ilsaffectent aussi leur sécurité car ils peuvent être à l’origine par exemple d’erreursmédicales(Boyle,2011;Sabo,2011;Potteretal.,2010).

Ladistance relationnellene concernepasuniquement la relation soignant-malade,mais peut concerner la capacité à développer des relations de confiance avecl’entourage,faireperdreauxsoignantslerespectd’eux-mêmesetprovoquerlapertedusens du métier. Le soignant peut avoir l’impression d’être dispersé, incapable derespectersesobligationsprofessionnelles,confraternellesetpersonnelles,cequimajoresasouffranceéthique(Thomasetal.,2012).

c) Leburnoutuneconséquencedelafatiguedecompassion?

La fatiguede compassionet leburnout sontdeuxaffectionsdifférentesmaispourtantliées. Selon certains auteurs, le stress mal géré majore la fatigue de compassion etconduit au burnout (Thomas et al., 2012). Chez d’autres, à l’inverse, le burnoutprédisposeàlafatiguedecompassion.

Selon Sabo, une linéarité entre fatigue de compassion et burnout ne peut êtreétablie(Sabo,2011).Unindividupeutallerdel’unàl’autre,présentantlessymptômesde l’unpuisde l’autresansconsidérerquel’unest lestadeplusavancéde l’autre.Unepersonnepeutparailleursdévelopperunburnoutdemanièresimultanéeàdelafatiguede compassion (Sabo, 2011). Ce sont donc deux affections psychologiques ayant desfacteursderisqueentremêlésetl’unepeuxengendrerl’autre.

Ces deux affections sont, de plus, très similaires dans leur manifestationpuisqu’elles induisent toutes les deux un sentiment d’épuisement et de videpsychologiquechezlespersonnesatteintes(Boyle,2011).

80

Autantquelafatiguedecompassion,leburnoutestdangereuxdanslesmétiersdelasanté.Uneétuderéaliséesurleburnoutchezlesmédecinsamontréqu’ilimpliquaituneaugmentationdutauxd’erreursmédicalesetunediminutiondutauxd’empathie.Ilestassociéàuneaugmentationdel’insatisfactionautravailcequiimpliqueréductiondelasatisfactiondupatientetdesonobservance(DyrbyeetShanafelt,2011).Leburnoutaparailleursunmécanismecontagieuxdanslegroupe,lemanquededisponibilitépoursespatientsetsescollèguesd’unpersonneinduisantuneaugmentationdelachargedetravaillechezlesautres(Thomasetal.,2012).

3. Facteursprédisposantàlafatiguedecompassionenmilieumédical

a) Unrisqueintrinsèquededévelopperdelafatiguedecompassion

Figley a mis en évidence le fait que la fatigue de compassion résulte à la fois del’exposition des soignants aux expériences traumatisantes de leurs patients et de safaculté naturelle d’empathie (Hunsaker et al., 2015). Selon lui, les professionnels desanté ont une importante capacité à ressentir et exprimer de l’empathie et sont doncplus à risque de développer de la fatigue de compassion (Figley, 1995). Les plusvulnérables sont donc les plus altruistes, ceux qui sont engagés affectivement dans lesoinmaisquiontsurtoutunelecturenonexclusivementcognitivedelarelationdesoin(Thomasetal.,2012). Ilnes’agitdoncpasréellementd’empathieàcestademaisbienplusdesympathievoiredecompassion.

Uneétudeaétémenéeafindedéterminerlesfacteursderisquepourlafatiguedecompassionchez216infirmièresenmaisonsderetraite(AbendrothetFlannery,2006).Surles216infirmières,170possédaientunrisquemoyenàimportantdedévelopperdela fatigue de compassion. Le facteur de risque le plus important pour la fatigue decompassion dans cette étude était un comportement d’abnégation de la part desinfirmières.Environ34%desinfirmièresprésentantcecomportementétaientclasséesàhautrisqueencequiconcernelafatiguedecompassion.Cecomportementd’abnégationimpliquequecesinfirmièressepréoccupaientplusdubien-êtredeleurspatientsquedeleurproprebien-être(AbendrothetFlannery,2006).Cetteempathieestcaractériséedemalsaineparlesauteurs,maiscorrespondplutôtàdelacompassionselonlesdéfinitionschoisies antérieurement. Elle serait alors à l’origine d’un effacement de la limite dudevoir professionnel et serait un facteur de stress majeur dans les professions de lasanté(AbendrothetFlannery,2006).

Cetteétudeamisenévidenceunautrefacteurderisqueintrinsèqueimportant.Ilaétéévoquéprécédemmentqu’ilexistaittroisfacteursderisquesmajeursàlafatiguede compassion quel que soit le domaine de travail: un désordre psychiatriquepréexistant, un désordre psychiatrique présent dans la famille ou un traumatismepréexistant(Cohen,2007).Ceciestvraiaussipour lesmétiersdesoin.Les infirmières

81

ayant déjà été diagnostiquées avec un syndrome de stress post-traumatique ou unedépressionsontplusàrisquededévelopperdelafatiguedecompassion(AbendrothetFlannery,2006).

Un autre facteur intrinsèque est à prendre en considération: la capacité derésilience qui empêcherait le développement de la fatigue de compassion, permettantauxsoignantsunressentipositifsuiteàlapriseencharged’unindividu:lasatisfactionde compassion (Sabo, 2011). La résilience se définit comme la capacité à avancer defaçonpositivesuiteàuneexpériencenégative,stressantevoirtraumatique(Sabo,2011).Il a été montré que la résilience améliorait les relations, facilitait la conscienceémotionnelle personnelle et diminuait la vulnérabilité aux éléments négatifs présentsdans l’environnement professionnel (Jackson et al., 2007). Son implication dans lafatiguedecompassionseraitdoncunélémentintéressantàévaluer(Sabo,2011).

b) Risquesliésautravaildessoignants

Letravaildessoignantslesexposeparticulièrementàlafatiguedecompassiondufaitdeleurproximitéavecdespersonnesendétresse.Cepointestpourtantinévitable.Ilexistecependantd’autresfacteursderisquesurlesquelsilestpossibled’agir.

(1) L’isolement

Il a étémontréque l’isolementdans le travaildesmétiersde soinestundes facteursfavorisant la décompensation en écho de la souffrance des patients (Thomas et al.,2012).L’absencedetravailenéquipeestpourtantchosecommunedanslesmétiersdelasanté.

(2) Lemanquedesupportdeladirection

Ilaaussiétémontréqueladirectionavaitunrôleimportantàjouerdanslapréventiondelafatiguedecompassion.Uneétudeaétémenéechezdesinfirmièresenurgencesetsoins intensifs afin d’étudier la prévalence de fatigue de compassion, satisfaction decompassion et burnout (Hunsaker et al., 2015). Cette étude amontré une associationsignificative positive entre le support de la direction et la satisfaction de compassion(p<0,05) et une association significative négative entre le support de la directiontoujoursetlafatiguedecompassion(p<0,05)(Hunsakeretal.,2015).Enparticulier,lepersonnel soignant nécessite un support psychologique après avoir été témoin d’unemort traumatisante (Abendroth et Flannery, 2006). La reconnaissance du travaileffectuéestaussiliéedefaçonnégativeàlafatiguedecompassion(Thomasetal.,2012).Une direction positive qui soutient ses employés aura plus de chance de favoriser lasatisfactiondecompassionetéviterleburnoutetlafatiguedecompassion,cequiaurapour conséquence au final de favoriser la satisfaction des clients et leur sécurité(Hunsakeretal.,2015).

82

(3) L’épuisement

Tous les facteurs d’épuisement professionnel favorisent la fatigue de compassionindirectementenrendantleprofessionneldesantéplusvulnérablefaceàladétressedespatients (Hunsaker et al., 2015; Thomas et al., 2012; Yoder, 2010). Ces facteursd’épuisementenmilieudelasantépeuventêtrelasurchargedetravail,lafatigueetlalongueurdesgardes(Hunsakeretal.,2015;Thomasetal.,2012).

(4) Lemanqued’expérience

L’étudedeHunsakeretsonéquipe(2015)aparailleursmontréquel’âgedesinfirmièreet le temps passé dans le domaine des urgences et soins intensifs était lié de façonnégativeàlafatiguedecompassion.Pluslesinfirmièresavaientdel’expériencedansledomaine dans lequel elles travaillent plus elles développaient de la satisfaction decompassionetmoinsellesétaientàrisquepourleburnoutoulafatiguedecompassion.Les infirmièresdéveloppaientau furetàmesuredesannéesdepratiqueunecapacitéd’adaptation et une capacité à surmonter les expériences difficiles émotionnellement(AbendrothetFlannery,2006)Unsystèmedeparrainageadoncétéévoqué,danslequelles infirmières lesplusanciennes seraient coupléesàde jeunes infirmièresafinde lesaider à apprendre d’une part le métier mais aussi à surmonter les difficultésémotionnellesquipeuventyêtreassociées(Hunsakeretal.,2015).

Touscesfacteursderisquessontrésumésdansletableau10.

Tableau10:Facteursderisquesliésautravaildessoignants(Boyle,2011;Hunsakeretal.,2015;Thomasetal.,2012;Yoder,2010)

FACTEURSDERISQUEFACTEURSLIESAL’ENVIRONNEMENTDETRAVAIL

• Supportinsuffisantdeladirection• Manquedereconnaissancedutravail• Isolementdessoignantsdansleurexercice

professionnelFACTEURSD’EPUISEMENT • Fatigue

• Surchargedetravail• Longueurdesgardes

FACTEURSD’EXPERIENCE • Âgeettempspassédansledomaine

83

C. Lemétierdevétérinaire,àrisquepourlafatiguedecompassion

1. Lesfacteursderisque

a) Vétérinaire,lemétierleplusexposéàlafatiguedecompassion.

Le parallèle entremédecine humaine etmédecine vétérinaire a beaucoup été fait carellespartagent lesmêmesenjeuxencommunicationclient.Lamédecinevétérinaireethumaine ont beaucoup de similitudes permettant l’extrapolation de la recherche encommunication enmédecine humaine à lamédecine vétérinaire (Shaw et al., 2005a).Cependant il existe des différences entre ces professions qui méritent une attentionparticulière.

La différence la plus importante vient du fait que les vétérinaires soignent despatientsnonhumains.Cela impliqueque levétérinairedoitprendreencompte le lienhumain-animallorsdelapriseenchargedesonpatient(Shaw,2006).Larelationclientest donc toute particulière, c’est une relation entre le vétérinaire, son client et sonpatient. Cette relation vétérinaire-client-patient a été comparée à la relationpédiatre-parents-enfant (Shaw et al., 2005a). La relation propriétaire-animal de compagnie estévidemment différente de la relation parents-enfant, cependant, de plus en plus depropriétaires considèrent leur animal comme un membre de la famille (Brown etSilverman,1999).

Unedifférenceplusimportanteencoreentrelemétierdemédecinetlemétierdevétérinaireestlapossibilitéd’avoirrecoursàl’euthanasie.Pourpouvoirdiscuterdecegesteaveclaclientèle,descapacitésparticulièresdecommunicationetdesupportàlaclientèle sont nécessaires (Williams etMills, 2000).Des études ontmontrés que 70%desclientssontaffectésémotionnellementparlapertedeleuranimaldecompagnieet30%subissentundeuilsévèreenanticipationouaprèslamortdeleuranimal(Adamsetal., 2000). De plus, 50% des clients ont rapporté se sentir coupables d’avoir pris ladécisiond’euthanasierleuranimal(Adamsetal.,2000).

Lesupportdont faitpreuve levétérinaireenvers leclientvenantdeperdresonanimalalepouvoird’aggraveroudesoulagerledeuilduclient,etinfluencedemanièreimportante la satisfaction du client et le lien praticien-client (Shaw et Lagoni, 2007).L’enjeuestdonctrèsimportantpourlevétérinaire.Enparallèle,ladiscussionautourdela fin de vie peut être source d’inconfort pour le vétérinaire du fait de nombreuxéléments. D’après des vétérinaires les plus importants étaient un manqued’entrainement,unmanquedetemps, unsentimentderesponsabilitépourlamaladiedupatient,unsentimentd’échec,uninconfortaveclamort,uneinsuiétudeàproposdel’impactsurlarelationvétérinaire-patient-client,uneinquiétudeàproposdelaqualitéde vie de l’animal, et à propos de sa propre réponse émotionnelle ainsi que celle duclient(ShawetLagoni,2007).

84

Une discussion bien menée et empathique à propos de la fin de vie, peutpermettre de stimuler la satisfaction du professionnel et de réduire la fatigue decompassion et le burnout. En revanche lorsqu’elle est mal menée, elle est source destress pour le vétérinaire et d’insatisfaction pour le client (Shaw et Lagoni, 2007). Lamortdupatientdemanièregénéraleestsourcedestresspourlevétérinaireetilaétéestiméquelesvétérinairesétaienttémoinsdelamortd’unpatientcinqfoisplussouventqueleurscollèguesenmédecinehumaine(HartetHart,1987).

b) Lemal-êtredanslaprofessionvétérinaire

La profession vétérinaire attire sans surprise des personnes dotées d’une grandecapacité d’empathie, de compassion et motivées par l’envie de s’occuper des autres(Brannicketal.,2015).Eneffetlemétierdevétérinaireestreconnucommeétantl’unedes professions les plus vouées au bien-être des autres (Mitchener et Ogilvie, 2002).Cependantuneimplicationémotionnelleaussiimportantepeutmettrelevétérinaireendanger. Le vétérinaire tout comme le médecin est exposé de manière répétée à desévènementstraumatisantsdanslaviedesespatientsoudespropriétaires(maltraitance,maladie,traumatisme,euthanasieparexemple),àdesdilemmesmorauxouàdustressprofessionnel l’exposant au burnout ou à la fatigue de compassion (Brannick et al.,2015).

Un des principaux facteurs de risque de fatigue de compassion chez lesvétérinairesest la fragilitépsychologiqueprésentedans laprofession.Cettehypothèseétaituniquementsoutenuepardespreuvesanecdotiquesprovenantdelaprofession,cequi amotivé en Nouvelle-Zélande une étude comparative sur le stress, l’anxiété et ladépressionchezlesvétérinairesetdanslapopulationgénérale(GardneretHini,2006).Cette étude a mis en évidence que les vétérinaires en Nouvelle-Zélande étaientsurreprésentés dans tous les éléments mesurant la détresse psychologique. Lepourcentage de vétérinaire souffrant de dépression était significativement plus élevéque dans la population générale (p<0,05). Ceci était particulièrement vrai pour lesfemmes vétérinaires qui présentaient un taux de dépression significativement plusimportant que leurs collègues masculins. De même, le pourcentage de vétérinairessouffrant de stress et de burnout était significativement plus important que dans lapopulationgénérale,avecencore les femmesplusaffectéesque leshommes.Encequiconcerne l’anxiété, le taux de vétérinaires souffrant d’anxiété était cette fois moinsimportant que celui de la population générale cependant, les femmes vétérinairesétaient plus sensibles à l’anxiété que la population générale. D’après cette étude, lerisque de burnout était plus élevé lors des dix premières années d’activitéprofessionnelle.Ildiminueensuiteprogressivement.Unepopulationparticulièrementàrisque semblait alors se dessiner au sein des vétérinaires, ce sont les femmes jeunesdiplômés.Lerisquedanscettepopulationestdonctoutparticulièrementàprendreenconsidération.

85

Une étude similaire a ensuite été réalisée au Royaume-Uni (D. Bartram etBaldwin, 2008),mettant en évidence chez les vétérinairesun tauxd’anxiété cette foisplusimportantquedanslapopulationgénérale,plusdesymptômesdedépressionetdepenséessuicidaires.Lesvétérinairesprésententunesantémentaleplusmédiocreetunenvironnement de travail moins favorable psychologiquement que la populationgénérale.

Selon les études, le taux de vétérinaires à haut risque de burnout variait entre15%et40%(Mooreetal.,2014).Uneétudeen1992amontréque,auseinlapopulationdevétérinairesauxEtats-Unis,53%deshommescontre67%desfemmesétaientàhautrisque de burnout (Elkins et Kearney, 1992). Mais ce ne sont pas uniquement lesvétérinairesquisontàrisquepuisqued’aprèsMooreetsonéquipe(2014),35,5%desmembresd’unecliniquevétérinaire,tousdomainesconfondus,étaientàhautrisquedeburnout.

Acestadeilestdifficilededéterminersiunefatiguedecompassionimportantechezlesvétérinairespeutexpliquerunrisquedeburnoutetdedépressionimportantousiaucontraire, leburnoutet ladépression favorisent la fatiguedecompassion. Iln’enreste pas moins que les chiffres sont alarmants et le bien-être dans la professionvétérinaireestendanger.

Unemanifestation de cemal-être est le taux de renouvellement des employésdans la profession vétérinaire au Etats-Unis qui est de 20% alors que celui de lapopulationgénéraleestseulementde12%.

Les vétérinaires ont par ailleurs tendance à développer des stratégiesd’adaptation néfastes comme l’alcoolisme, l’utilisation de drogues, la boulimie,l’éloignementémotionnelou l’excèsdesommeil (Brannicketal.,2015).Quand lemal-être est trop important, l’adaptation échoue et l’individu peut aller jusqu’à quitter laprofession, voir envisager le suicide. L’étude de Baltram et Baldwin a par exemplemontréquelapopulationvétérinaireduRoyaume-Uniconsommaitplusrégulièrementdel’alcoolquelapopulationgénérale(D.BartrametBaldwin,2008).

86

c) Uneprofessionexposéeàdenombreusessourcesdestress

Les vétérinaires sont soumis dans leur métier à de nombreuses sources de stressprofessionneloude stress liéà la relationclient-patient. Il a étémontréquece stressétait associé au niveau individuel à l’abus de drogue ou d’alcool, le burnout et demanière générale à une atteinte du bien être psychologique dans de nombreusesprofessions de la santé (Moore et al., 2014). Il prédispose ainsi les vétérinaires à lafatiguedecompassion(Brannicketal.,2015).Ilestd’ailleursaujourd’huisupposéquelafatigue de compassion est une forme de stress professionnel qui peut être vécue partoutepersonne travaillantdans la santéou l’aide à la personne (Huggard etHuggard,2008).

Cessourcesdestresspeuventêtre liéesau travail, etunedesplus importantesestlachargeetletempsdetravailtropimportants.Desétudesontmisenévidenceunlienentreunnombred’heuresdetravailplusimportant,enparticulierlefaitd’êtredegarde,avecuneaugmentationdutauxdestressetdeburnout(Mooreetal.,2014).Ilaété montré que les vétérinaires travaillant à plein temps avaient une satisfactionprofessionnellemoinsimportantequelestravailleursàmi-tempsetavaientd’avantagetendance à souffrir d’épuisement émotionnel (Moore et al., 2014). Cette surcharge detravail et les horaires difficiles rendent la conjugaison entre vie privée et vieprofessionnelle difficile. Le manque de vacances, le manque de repos et les conflitsinterpersonnels sont aussi des facteursde stressprofessionnelsqui étaient associés àuneaugmentationdurisquedeburnout,defatiguedecompassionetàunediminutiondel’efficacitéprofessionnelle(Mooreetal.,2014).

Lessourcesdestressliéesàlarelationaveclepatientouleclientsontaussitrèsprésentespourlevétérinaire(Brannicketal.,2015).Levétérinairepeutêtreexposéàlapressionquepeutexercerlepropriétaire,austressmoralqu’impliquentcertainesprisesde décisions, à une issue inattendue d’un patient et à la mort naturelle ou non d’unpatient(Brannicketal.,2015).

UneautresourcedestressselonMitcheneretOgilvie(2002)estlelienquiexisteentrelepropriétaireetsonanimal.Celiens’estintensifiédemanièrenotableaucoursdes dernières années puisqu’il donne aujourd’hui à l’animal de compagnie le mêmestatut qu’un membre de la famille. C’est en partie grâce à cette évolution que laprofessiondevétérinaireaprésentéundéveloppementimportantpuisqu’ilpousselespropriétaires à consulter le vétérinaire à la fois pour desmotifs de prévention ou deroutineetpourdessoinsplusspécialisés(MitcheneretOgilvie,2002).L’étudedeKPMGaparailleursmontréque lareconnaissancedece lienpropriétaire-animalestunedesclésdelaréussitepourunecliniquevétérinaire(BrownetSilverman,1999).

Lareconnaissancedece lien impliquedoncque levétérinairedoità la foisêtreattentifauxbesoinsmédicauxdesonpatientmaisaussiauxbesoinsémotionnelsdesonclient. Et plus le lien est fort, plus le besoin de support émotionnel pour le client estimportant en ce qui concerne les soins vétérinaires. La prise en charge d’un animal

87

impliquedoncchezlevétérinaireuneresponsabilitéàlafoismédicaleetémotionnelle.Cettereconnaissancedesbesoinsnon-médicauxetémotionnelsdespropriétairesmetlevétérinaire particulièrement en danger en ce qui concerne la fatigue de compassionselonMitcheneretOgilvie(2002).

d) L’isolementdesvétérinaires

L’isolementdesvétérinairesdansleurmétierestaussiunfacteurderisqueimportantàla fatiguede compassion (Thomaset al., 2012). Cet isolementpeut être géographiquepour lespersonnes travaillantdans lemilieu ruralmais surtout globalementprésentedansletravaildepraticienquiesttrèsindividuel.

La transition entre la fin des études vétérinaires et le début de la pratique estabrupte notamment en ce qui concerne l’isolement social. Les jeunes vétérinairespassentde l’environnementprotecteurde l’universitéà la solitudebiensouvent,de lapratique en clinique vétérinaire, stressante déjà en elle-même (Halliwell et Hoskin,2005).

Ilsfontpartailleurssouventfaceàunmanquedesupportetdedisponibilitédelapartdeleurssupérieurs.Eneffet,uneétudeamisenévidencequeseulement43%desjeunes vétérinaires peuvent compter à tout moment sur leurs supérieurs pourrechercherdel’aide(MellanbyetHerrtage,2004).

88

2. Lesuicidedanslaprofessionvétérinaire

a) Uneprofessionparticulièrementtouchéeparlesuicide

La conduite suicidaire est un processusmultifactoriel. Dans les facteurs de risque desuicide, lasouffranceautravailsemblereprésenterunepartnonnégligeable(Françoisetal.,2011).

Lesprofessionsdelasantésontparticulièrementtouchéesparlesuicide.C’estcequiestmisenévidenceparuneétudedanoisedanslaquellelesprofessionsdelasantéprésentaientlerisquedesuicideleplusimportant(Agerboetal.,2007).OnretrouveenFrance lesmêmesrésultats.Uneétudepubliéeen2010aestiméce tauxdesuicidede34,3/100000pourlesprofessionsdelasantéetdel’actionsocialecontre33,4/100000danslapopulationgénéraleentre15et64ans(Cohidonetal.,2010).Danscetteétudeles données de l’échantillon ont été récoltées grâce au panel DADS: DéclarationAnnuelle des Données Sociales, constitué uniquement de salariés ce qui exclut lesprofessionslibéralesetdonclesvétérinaires.

Maislaprofessiondevétérinaireréussituntristerecorddanslerestedumonde,celui du plus haut taux de suicide parmi toutes les autres professions (Lovell et Lee,2013). Selon une étude, ce taux de suicide était 3,6 à 3,7 fois celui de la populationgénéraleet2foisceluidesmédecinsetdesdentistesenGrande-Bretagne(HalliwelletHoskin,2005).DesvaleursélevéesdetauxdesuicideontaussiétéretrouvéesauxEtats-Unis(BlairetHayes,1982,1980 ;Bottsetal.,1966),enEcosse(Starketal.,2006),enNorvège(Hemetal.,2005)etenAustralie(Jones-Fairnieetal.,2008).

Aucunevaleurdetauxdesuicidechezlesvétérinairesn’estdisponibleenFrance.Cependant,unmal-êtregénéralestressentidanslaprofessioncequiamotivéen2003lacréationdel’associationVETO-ENTRAIDE.Lacréationdecetteassociationafaitsuiteau suicide en France de 54 vétérinaires en moins de 10 ans, soit une moyennesupérieureàcinqsuicidesparan(Malvaso,2013).

En Grande-Bretagne, sur l’année 2004, sur l’ensemble des personnes ayantcontacté laVetHelpLine,une ligned’écoutedesvétérinaireensituationdedétresse, lamoyenne d’âge était uniquement de 30 ans et 2/3 étaient des femmes (Halliwell etHoskin,2005).Le«CenterforDiseaseControl»(CDC):centredecontrôledesmaladies,aux Etats-Unis a révélé grâce à un questionnaire adressé aux vétérinaires américainsque14,4%deshommescontre19%desfemmesavaientenvisagédesesuiciderdepuislafindeleursétudes,soitenvirontroisfoislamoyennedelapopulationgénérale(Nettetal.,2015).Celasuggèreànouveauquelesjeunesvétérinairesfémininesreprésententlapopulationlaplusàrisqueencequiconcernelafragilitépsychologiqueetlerisquedesuicide.

Laprofessionconnaîtparailleursuneféminisationimportantedanstouslespaysdéveloppé,cequipourraitprovoqueruneaugmentationdutauxdesuicideaucoursdes

89

annéesquiviennentsiaucuneactionn’estmiseenœuvrepouryremédier(HalliwelletHoskin,2005).

Le«CenterforDiseaseControl»apartailleursnotéunfaibletauxdetentativedesuicide (Nett et al., 2015), rapporté par les vétérinaires américains, par rapport à lapopulationgénérale.Lesdonnéesayantétérécoltéesparunquestionnaire, ils’agissaituniquement de tentatives de suicides non abouties. Ces taux étaient de 1,1% chez leshommeset1,4%chezlesfemmes.Selonlesauteurscesvaleursinférieuresàlamoyennenationale pourraient être expliquées par le fait que les vétérinaires, du fait de leurconnaissances enmatière d’euthanasie et de l’accès auxmoyensmédicaux, subissentrarement«d’échec»deleurstentativesdesuicide.

b) Lesfacteursderisque

Lesuicidedanslapopulationgénéraleaétédéfinicommeétantliéàlapersonnalitédel’individu, la dépression ou toute autre forme de maladie psychologique, la prise dedrogueoud’alcool,desfacteurshéréditairesetenvironnementaux(Stoewen,2015).

Lesfacteursderisquesspécifiquesliésàl’augmentationdutauxdesuicidechezles vétérinaires n’ont pas encore été déterminés. Cependant plusieurs éléments sontfortementsuspectésd’êtreencause.

Lors de l’enquête menée par le «Center of Disease Control», les vétérinairesinterrogésontidentifiélestroisprincipauxfacteursdestressdanslaprofessioncommeétant les exigences de la pratique vétérinaire, les responsabilités de gestion et lesplaintesdesclientsencasd’erreurprofessionnelle(Nettetal.,2015).

Ilalongtempsétésuspectéquelehauttauxdesuicidedanslesprofessionsdelasanté était lié à la connaissance médicale et l’accès aux produits que ces personnespossédaient. Cependant une étude de Bartram et Baldwin amis en évidence un hautniveaudedétressepsychologiquelaissantpenserquelehauttauxdesuiciden’étaitpasuniquement associé à la connaissance et l’accès auxmoyens (D. Bartram et Baldwin,2008).Ilsontparailleursévoquédesfacteursderisquessupposés:lapersonnalitésdesvétérinaires et les études vétérinaires, l’isolation dans la profession, les facteurs destress au travail, la proximité de lamort, lemal-être psychologique, et l’incitation ausuicide (Bartram et Baldwin, 2010 ; D. J. Bartram et Baldwin, 2008). Ces facteurs derisquesrecoupentenpartieceuxde la fatiguedecompassionchez lesvétérinaires. Ilssontdéveloppésensuivant.

90

(1) Lapersonnalitédesvétérinairesetlesétudesvétérinaires

Lesétudesvétérinairessélectionnentlesfuturspraticienssurleursexcellentsrésultatsscolaires,orlesexcellentsélèvesontunetendanceauperfectionnisme,àl’application,cequireprésentedesfacteursderisquesassociésauxmaladiespsychologiques(Stoewen,2015).SelonHalliwelletHoskinlasélectionsurl’excellencedesrésultatsscolairesfaitelorsdesétudesvétérinairespourrait rendre lesvétérinairesplusvulnérablesvis-à-visdusuicide(HalliwelletHoskin,2005).

Des études ont mis en évidence un lien entre une valeur élevée de quotientintellectueletlerisquedesuicide(Voracek,2007).D’autresétudesaucontraireontmisenévidenceunliennégatifentreintelligencelogique/mathématiqueetsuicide(Gunnelletal.,2005),rendantcetteassociationousonexistenceobscuremaisdigned’intérêt.

Ilexistecependantdesintelligencesmultiplesévoquéesprécédemment(cfI.C.1),au delà de l’intelligence logique/mathématique. La surdouance fait ainsi appel à desaptitudeshorsducommundansdenombreuxdomaines,dontlesaptitudessociales.Ilad’ailleurs été évoqué précédemment l’existence d’une hyperstimulabilité émotionnellechez les individus à haut potentiel intellectuel, les rendant plus vulnérablesémotionnellement.

D’autre part il a été suggéré que les exigences intellectuelles des études devétérinaire ne permettaient pas aux étudiants une maturité totale en matièred’intelligence émotionnelle et de capacités de communication, limitant ainsi lescapacités d’adaptation et de résilience des vétérinaires lors de situations difficilesémotionnellement(HalliwelletHoskin,2005).

(2) L’isolementdanslaprofession

L’isolementdesvétérinairesdansleurprofession(cfII.C.1.d)estunfacteurderisqueausuicide(BartrametBaldwin,2010).Cetisolementestparticulièrementressentichezlesjeunesvétérinaires,populationàrisquepourlesuicide.

91

(3) Lesfacteursdestressliésautravail

Denombreuxfacteursdestresssontprésentsdanslemétierdevétérinaire(cfII.C.1.c).Parmi ces facteurs de stress est présent l’épuisement émotionnel: la fatigue decompassion joueunrôle important,pouvantaboutirauburnout(Stoewen,2015).A lafoislafatiguedecompassionetleburnoutfragilisepsychologiquementlesvétérinairesetlesrendentplusvulnérablesausuicide.

(4) Laproximitédelamort

Laprofessiondevétérinaireestlaprofessiondesantéquicôtoielepluslamortdesespatients(HartetHart,1987).L’euthanasieestrégulièrementréaliséeafind’abrégerlessouffrancesd’unanimal.C’estungesteémotionnellementdifficilepourlesvétérinaires,mais aussi un geste qui peut altérer la vision de la mort (Stoewen, 2015). Cetteparticipationàlamortdesespatientpourraitchezlevétérinairedésacralisersavisionde la vie humaine. Une étude a mis en évidence que 93% des vétérinaires pourraiteuthanasierunêtrehumaincontreseulement33%desmédecins (HalliwelletHoskin,2005).

La désacralisation de la vie humaine et la participation à lamort des patientsréduit l’inhibition face au suicide et donne l’impression qu’il s’agit d’une solutionrationnelle(Stoewen,2015).

(5) Lemal-êtrepsychologique

En médecine humaine le lien entre les atteintes psychologiques, l’automédication,l’utilisationdedrogueoualcooletlesuicideaétémontré(Hawtonetal.,2004).Lelienn’apasencoreétémontréenmédecinevétérinairemaisunparallèlepeutêtreàétudier.

Danslapopulationgénérale2/3despersonnesmourantdesuicidesouffrentdedépression(Stoewen,2015)

Un fort taux d’atteintes psychologique et de dépression a été montré dans laprofessionvétérinaire(CfII.C.1.b).

(6) L’incitationausuicide

Lorsde l’expositiondirecteou indirecteàuncomportementsuicidairechezquelqu’und’autre,unepersonneestelle-mêmeplusvulnérableausuicide,c’estcequiestappelél’incitationausuicide(Stoewen,2015).

92

93

III. Unepropositiond’aideauxvétérinaires

A. Surleplanpersonnel:seconnecteràsesémotions,fairepreuved’empathieenévitantlacompassion

1. Favoriserl’empathie

Pour éviter la souffrance de compassion, une stratégie d’adaptation choisie par denombreux professionnels de la santé est le détachement émotionnel vis-à-vis despatients (Huggard et Huggard, 2008). Cependant des études ont montré que ledétachement émotionnel, l’absence d’empathie ne protège pas de la fatigue decompassion,aucontraire(HuggardetHuggard,2008).

Faire preuved’empathie envers les patients seraitmême lié à uneplus grandesatisfaction chez le praticien. C’est ce quemontrent des études enmédecine humaine(ShawetLagoni,2007). Parexemple,unediscussionàproposde la findeviedesonpatient menée de façon empathique aurait le potentiel de favoriser la satisfactionprofessionnelleetréduirelerisquedefatiguedecompassionetdeburnout(Buckman,1992).

Il est cependant important de savoir faire preuve d’empathie mais pas decompassion. Il est important pour le vétérinaire de se souvenir que la souffrance àlaquelleilestexposéestcelledesonpatientetdesesclientsetnonpaslasienne,ilnedoitpasl’emporteraveclui.Trouverunmoyendereconnaîtrelatristessedel’autresanslaressentir,puislalaisserderrièresoienquittantlajournéedetravail,estcrucialpourlebien-êtredanslesprofessiondelasanté(HuggardetHuggard,2008).

94

2. Développersarésilienceetsescapacitésémotionnelles

Larésilienceestdéfiniecommelacapacitéàavancerdemanièrepositiveàlasuited’uneexpériencestressanteoutraumatique(Jacksonetal.,2007). Rutteraproposédanssadéfinitiondelarésilienceuncontinuumavec,àuneextrémitélarésilienceetàl’autrelavulnérabilité(Rutter,1985).Plusieursqualitéssontassociéesàlacapacitéderésilienced’une personne comme l’ingéniosité, la confiance en soi, la curiosité, la disciplinepersonnelle,l’équilibrepersonneletlaflexibilité(Jacksonetal.,2007).

En soins infirmiers, la résilience personnelle constitue une stratégie pourremédierauxdifficultésetaustressprésentssurlelieudetravail(Jacksonetal.,2007).SelonParse,développerlarésiliencepeutpermettred’aiderlesinfirmièresàs’adapteràl’adversité présente sur le lieu de travail, associée aux difficultés interpersonnellesnotamment(Parse,1998).

Des études menées en Nouvelle-Zélande chez des médecins ont montré qu’ilexistaitunlienfortentreleniveauderésilienceetd’intelligenceémotionnellechezunepersonneetsonniveaudefatiguedecompassion(HuggardetHuggard,2008).Unhautniveauderésilienceetd’intelligenceémotionnelleestliéàunfaiblerisquedefatiguedecompassion.

En médecine vétérinaire les recherches manquent sur le sujet mais lesproblématiques étant les mêmes il est raisonnable d’imaginer que des résultatssimilairespourraientêtreretrouvés.

Larésilienceestunecapacitéquipeutêtreenseignée.Seloncertainsauteurs,toutlemondepossèdeunpotentiel de résiliencemais sonniveaudépenddes expériencesindividuelles,etdelaqualitédel’environnementpsychologique(TugadeetFredrickson,2004). Plusieurs éléments permettent de construire sa résilience personnelle: lesémotions positives, l’autonomie, la responsabilisation, la conscience et l’intelligenceémotionnelleet le soinde soi-même(Jacksonetal., 2007).L’intelligenceémotionnelleimpliqueuneconscientalisationdesémotionsdesoietd’autruitoutenpréservantunedistance avec l’autre, une dissociation de l’autre afin de ne pas faire preuve decompassion.Cescapacitéssontàprivilégierpourdéveloppersaproprerésilienceetseprotéger de la fatigue de compassion et du burnout. La verbalisation de ses propresémotionsetdecellesdesautrespeutaideràfavorisercettedistanciation.

95

3. Savoirreconnaîtrelessignesdefatiguedecompassion

Savoir reconnaître les signes de fatigue de compassion chez soi-même et chez sescollèguesleplustôtpossiblepermetderéagirrapidement.

SusanCohenadéveloppéuntestqu’unvétérinairepeuteffectuerpoursavoirs’ilestvictimede fatiguedecompassionounon (Cohen,2007). Il suffitde répondreà12questions:

Durantlesdeuxdernièressemaines:

1- Avez-vous été extrêmement contrarié ou malheureux à cause du stress autravail?

2- Avez-vousévité la télévision, les filmsou les journauxquivousrappelaientdesnouvellescontrariantesoueffrayantes?

3- Avez-vouspsychologiquementramenédutravailàlamaisoncarvousnepouviezpasarrêterdepenseràdeschosescontrariantesquevousaviezvues?

4- Avez-vouseudesdifficultésàdormiroudescauchemarsàproposdutravail?5- Avez-vousressentiquevousnepouviezgérervotrevieouqu’ellesemblaithors

decontrôle?6- Vousêtes-voussenticoupédevotre famille,amis,collègues de travailoude la

sociétéengénéral?7- Avez-vousétéincapabledevousarrêtezdedonnermêmesivoussavezquevous

manquezderessources?8- Avez-vousgardévosproblèmespourvous-même?9- Avez-vousabandonnédesactivitésquevousaimez?10- Avez-vousparlésèchementàdespersonnes?11- Avez-vousétéfacilementsurpris?12- Avez-vousbuplusd’alcool,ouutiliséd’autressubstancespsychotropes,mangé

plusde«malbouffe»,utiliséplusdesomnifères,faitplusd’achats,oupariéplusqued’habitude?

La plupart des personnes qui font ce test répondrons ‘oui’ à aumoins unedes 12questions. Cependant, si quelqu’un répond ‘oui’ à plus de la moitié des questions ilpourraitsouffrirdefatiguedecompassion.Ilestalorstempsdeprendredesmesures.

96

4. Réagirfaceàcessignes

Dèsquelessignesdefatiguedecompassionsefontsentir,ilfautréagir.

a) Mettreenplacedeslimites

Il est d’abord important de poser des limites quand à la quantité de travail que levétérinaires’imposeàluimême.Unedesprincipalescausesdefatiguedecompassionetdeburnoutestunechargedetravailetdeshorairestropimportants(Potteretal.,2010;HuggardetHuggard,2008;AbendrothetFlannery,2006;MitcheneretOgilvie,2002).Ilest donc important de rééquilibrer la balance entre vie privée et vie professionnelle:prendredesvacances,nepasdépasserseshorairesdetravailautantque fairesepeut(Cohen,2007).

Chezlesinfirmièresenmédecinehumaineilestconseilléd’équilibrerlabalanceentrevie-privéeetvieprofessionnelle,d’investirdutempsetdel’énergiepourprendresoindesoi-mêmeafinensuitedepouvoirprendresoindesautres(Boyle,2011).

b) Prendresoindesoietsereconnecteràsessens

Selon Susan Cohen (2007), il est important de prendre soin de son corps car il estlourdement affecté lors de fatigue de compassion. Dormir, faire du sport et mangercorrectement permet de recharger l’énergie que le stress utilise. Concentrer sonattentionsurcesactivitésquinesontpas liésautravailpermetunrecentragesursoi-même(Boyle,2011).

Le sommeil réparateur est souvent un lointain souvenir pour les personnesatteintesdefatiguedecompassion.Ilestrecommandéparlesspécialistesde‘sacraliser’lachambreetnel’utiliserquepourdormir,etnesurtoutpasramenerdetravailchezsoi(Cohen,2007).

Pour favoriser le sommeil, le sportestaussi très important, lorsqu’il est réalisétôtdanslajournée,ilpréparelecorpsausommeillesoir(Cohen,2007).Desétudesontparailleursmontréquelesportfavoriselabonnehumeuretlebienêtre,etaunrôleenpartie thérapeutique chez des individus en état dépressif (Bartholomew et al., 2005 ;Babyaketal.,2000)

Sereconnecteràsessensestconseilléparplusieursauteurs.PourBrendaLovellil peut s’agir de prendre le temps d’écouter de lamusique, de bruler de l’encens, desavourer un thé ou un café, de s’occuper de ses animaux ou d’aller marcher dans lanature(LovelletLee,2013).SusanCohensuggèredesereconnecterauplaisir:neplusengloutirlanourritureentravaillantmaisplutôtprendreletempsdesentirl’odeurdesanourritureavantde lamanger,apprécier lasensationdusoleilsur lapeau,prendre

97

rendez-vouspourunmassagepoursereconnecteràsoncorps(Cohen,2007).C’estunensembledesuggestionsaveccommeidéemaîtressecelledesereconnecteràsoncorps,àsesbesoinsetauplaisirauquotidien.

Toutescesactivitésstimulent lessensetaidentàminimiser lestress (LovelletLee, 2013). Ces stratégies permettent aussi d’augmenter au final sa satisfaction decompassionautravail(Brannicketal.,2015).

c) Relaxationetméditation

Larelaxationet laméditationsontdes moyenspuissantspourréduireouprévenir lestress. On peut se relaxer avec uniquement quelques respiration profondes ou unétirement(Cohen,2007).Laméditationpeutprendredenombreusesformescommedelaméditationpureouduyoga.

Relaxationetméditationpermettentd’instaurerunétatd’espritcalmefavorisantlaconcentration.Lebutestde trouver laméthodederelaxationquiestadaptéeàsoi-même,plusieurs tentativespouvantêtrenécessaires(JAVMA,2004). Ilenvademêmepour la fréquence des séances pouvantmême être juste quelques secondes plusieursfoisdanslajournée(Cohen,2007).

98

5. Savoirdemanderdel’aide

Prendre soin de soi n’est généralement pas suffisant lorsqu’une personne souffre defatigue de compassion et il est primordial de savoir demander de l’aide à unprofessionnel(Cohen,2007).D’autantplusquelestechniquesd’adaptationutiliséesparles personnes épuisées psychologiquement sont généralement autodestructives:l’addictionàdessubstances,l’isolementsocialeparexemple(Cohen,2007).

Cettepersonnepeut-êtreunmédecingénéraliste,unpsychiatre,unpsychologuevoir même un ami, le plus important étant d’avoir une bonne connexion avec cettepersonne. Si nécessaire, il peut être utile de parler à plusieurs professionnels afin detrouverlapersonnequicorrespondlemieux.

99

B. Dansl’équipedesantéd’unecliniquevétérinaire

1. Créeruneatmosphèredetravailagréable

L’atmosphère de travail a un rôle primordial dans la mise en place de la fatigue decompassion ou du burnout. Un environnement de travail positif implique uneminimisationdesconflits interpersonnels,desressourcessuffisantes,unsupportde lapart de la direction et des collègues de travail et des heures de travail limitées. Cetenvironnementpositifseraitprotecteurvis-à-visdelafatiguedecompassion(Mooreetal., 2014; Thomas et al., 2012). Promouvoir et maintenir une bonne relation entrecollèguesestdoncprimordial.

2. Lerôledeladirection

Lerôledeladirectionesttoutd’aborddefavoriserlacréationd’unenvironnementdetravailagréableencontrôlantlenombred’heurestravaillées,etenfaisantpreuvedesupportémotionnelenverssesemployés(Brannicketal.,2015).

Ladirectionaaussiunrôleàjouerencequiconcernelefaitdeminimiserlesconflitsinterpersonnelsenmettantenplaceunepolitiquedetolérancezéroencequiconcernelesincivilitésentrecollègues(Brannicketal.,2015).

D‘autrepart,l’engagementautravaildoitêtrefavorisé.Pouraugmenterlasatisfactiondecompassionautravailetlimiterleburnoutoulafatiguedecompassionsurlelieudetravail,uneapprocheendeuxpointsestrecommandée(Mooreetal.,2014):

- Examinerlessituationsoùilyaunfosséentrelesexigencesdumétieretlesressourcesdebase.

- Augmenterl’engagementautravail.

L’engagementautravailmetenplaceunétatdemotivationpositivequiimpliquedubien-êtreautravail.Pourfavoriserl’engagementautravail,ladirectiondoitfavoriserl’autonomiedessalariésetdonnerl’opportunitédeparticiperàlaprisededécision.Favorisercetengagementprévientetsoulageleburnoutenrenforçantl’énergieetlarésilienceindividuelledesemployés(Mooreetal.,2014).

100

3. Favoriserl’apprentissagedelacommunicationetdel’empathie

Ilaétémontréquelacommunicationetl’empathieétaientdescapacitésquel’ontpeutapprendre et que la formation à la communication ou à l’empathie permettaitd’améliorer ces capacités (Shaw et al., 2005b). Cela permet ensuite de favoriser lasatisfactiondecompassionetdeseprotégerduburnout(ShawetLagoni,2007)

Une étude a mesuré les capacités interpersonnelles chez des étudiants et aconclue que celles-ci étaient améliorées après que les étudiants aient participé à uneformationdehuitsemainesencommunicationetrelationclient(Shawetal.,2005b).

Par ailleurs afin d’éviter la fatigue de compassion chez les praticiens, unesensibilisation à cette affection peu connue est nécessaire. Enmédecine humaine desprogrammesontétédéveloppéspourlespraticiensafindecombattreleseffetsnéfastesde la compassion. Ils comprennent des compétences corporelles, des stratégiesd’adaptationcognitivesetunapprentissagedelagestiondustress.Cesprogrammesontmontrésuneaugmentationdelacapacitéderésiliencechezlesparticipants(Brannicketal.,2015).UnhôpitaldansleMissouriauxEtats-Unisamisenplaceunprogrammedeformation sur la fatigue de compassion, la compréhension des effets physiques,psychologiqueset émotionnelsdu stresset l’adoptionde stratégiesd’adaptationetderésilience(Potteretal.,2013).Ceprogrammeamontrédesrésultatsprometteurs,avecunediminutiondurisquedefatiguedecompassionetdeburnoutchezlesparticipants.

Enmédecinevétérinaire,DrMiller, ancienneprésidenteducomitédebien-êtrede AVMA, l’association des vétérinaires américains («American Veterinary MedicalAssociation»),conseille,sileniveaudestressestenhaussedansuneéquipevétérinaire,d’organiser des réunions dans le but de parler des préoccupations et ressentis desmembresdel’équipe(JAVMA,2004).

Cetypederéunionspourraitaussipermettrede faire lebilanrégulièrementduniveau de fatigue de compassion et de burnout chez lesmembres d’une équipe à unmomentdonnéetdeleursévolutionsenfonctiondutemps.Unoutils,le«ProfessionnalQualityofLifeScale»(lebarèmedequalitédevieprofessionnel),aétédéveloppéparStamm afin demesurer la fatigue de compassion, la satisfaction de compassion et leburnout au sein d’une équipe de soignants (Stamm, 2010). Cet outil, validé, etoriginellementdéveloppépourlesmédecins,aétéadaptéàlamédecinevétérinaireetestparailleursdisponibleauxvétérinairesmembredel’AVMA(«AmericanVeterinaryMedicalAssociation»). Ilseprésentesous la formed’unquestionnairequipermetauxvétérinairesd’avoirunretourimmédiatsurleurstatutactueldefatiguedecompassion,burnoutetsatisfactiondecompassion,maisaussienfonctiondutemps(Brannicketal.,2015).

En médecine humaine, il est recommandé aux praticiens généralistes departiciperrégulièrementàdesgroupesdesoutientcomposésdeconfrères.Lebutdeces

101

groupes est alors d’examiner des situations stressantes et/ou émotionnellementéprouvantes dans un environnement sécurisant et confidentiel (Huggard et Huggard,2008).Cesgroupessonttraditionnellementmenésparunpsychologueouunpsychiatremaispeuventtoutàfaitêtremenésparunpraticienexpérimenté.

Ce type de groupes pourrait être transposés à lamédecine vétérinaire afin dereparler de situations stressantes ou émotionnellement éprouvantes et examiner lemeilleurmoyendes’adapteràcegenredesituations.

102

103

C. Lerôledesécolesvétérinairesetdesorganismesd’aide

1. Lerôledesécolesvétérinaires:laformation

Encequiconcernelafatiguedecompassion,lerôledesécolesvétérinairesestceluideformerlesétudiantsenmatièredecommunication,d’empathieetdelesinformerquandàlafatiguedecompassion.

Des études enmédecine humaine ontmis en évidence le fait qu’en absence deprogrammedeformationadapté,lesétudiantssontamenésàprésenterunediminutiond’empathieaucoursdeleurformation(Hojatetal.,2004).Enparallèle ilaétémontréqu’une formation adaptée permettait de favoriser l’empathie chez les étudiants et lesvétérinaires et d’améliorer leurs compétences en communication. Il est doncrecommandé,enécoledemédecine,demettreenplaceuneformationsystématiqueenqualitéshumainescomprenantlacommunicationetl’empathie.

En médecine vétérinaire, des études auprès des étudiants ont montré qu’ilssouhaiteraientuneformationpluscomplèteenrelationshumainesetencommunication(Shawetal.,2005b).

Plusieurs outils sontdisponibles comme le «Calgary-Cambridge guide» qui estaujourd’huil’outilderéférencepourenseignerlacommunicationauxétudiants(MossopetGray,2008).

Lerôledesécolesvétérinairesestaussidesensibiliserrapidementaubien-êtredanslaprofessionetàsavoirreconnaîtreetrépondreàlafatiguedecompassionetauburnout(Brannicketal.,2015).Lesétudiantsenécoledemédecineoudentaireayanteuune formation en pleine conscience ou intelligence émotionnelle présentent uneperception de stress, anxiété et dépression diminuée ainsi qu’une augmentation descapacitésd’empathieetdesoindesoiparrapportauxautresétudiants(Brannicketal.,2015).

104

2. Lesorganismesd’aidesauvétérinairesendétresse

Deslignesd’écoutedesvétérinairesendétresseexistentauxEtats-Unis,auCanada,enAustralie,auRoyaume-UnietenNorvège.

EnFrance, l’associationVETO-ENTRAIDEestuneassociationayantpourbutdelutter contre le mal-être des vétérinaires. Cette association possède une lignetéléphoniquequepeutjoindreunvétérinairelorsdedétressepsychologique.Lenumérode téléphone est le 09 72 22 43 44. Cette association a également pour but desensibiliserleplusgrandnombreauseindelaprofessionetdefavoriserladémarchedeconsultationauprèsd’unmédecinencasdedétressepsychologique.

105

CONCLUSION

Empathie et compassion sont des concepts nomades présents dans de nombreuxdomaines et présentant des définitions différentes selon le sujet. D’après certainsauteurs par exemple, il existe autant de définitions de l’empathie qu’il y a d’auteursécrivant dessus. Il est donc primordiale avant chaque traité, ou publication sur lesthèmes d’empathie et de compassion de s’accorder sur leurs définitions au préalable,chosequin’estmalheureusementpastoujoursréalisé,celaapuêtrenotédanscetravail.

Lesdéfinitionslesplusfréquentesdansledomainemédicalsontcellesquiontétéutilisées dans cette thèse. L’empathie est alors un processus uniquement cognitif decompréhensionde l’autreetdesonétatémotionnel.Lacompassion,elle, impliqueenplusunpartageémotionneletunsentimentdenécessitédevenirenaideàl’autre.

L’empathie est présente au quotidien dans le travail du vétérinaire et elle estmême nécessaire. La compassion en revanche est évitera risque. Dans le métier devétérinaire la souffrance en miroir face à celle des autres le rend particulièrementvulnérable. Les vétérinaires de par leur statut de soignant, ce qui implique uneexpositionconstanteàlesdétressedeleursclientsetleurspatients,sontextrêmementexposés à la souffrance de compassion qui induit chez sa victime unedépersonnalisation,undétachementémotionneletunépuisementàlafoisphysiqueetpsychique.Laproximitédelamortdanslemétierdevétérinaire,plusprésentequedanstout autre profession de soin, l’expose d’autant plus. Une charge de travail tropimportante, les différentes sources de stress présentes dans le travail, l’isolementpsychologique et le mal-être présent dans la profession sont autant de facteursaggravantsencequiconcernelafatiguedecompassionchezlesvétérinaires.

Ilestdoncnécessairepourlesvétérinairesdes’informeràproposdecerisqueetde s’en protéger. Cela passe en premier lieu par une formation dans les écolesvétérinairesencommunicationetenrelationclientmaisuneformationàl’intelligenceémotionnelleafind’êtreenphaseavecsesémotionsetsavoirdifférencierempathieetcompassion.Dans lemilieuprofessionnel aussi, des formationspeuvent être réaliséesdans le cadre de la formation continue. Se protéger de la souffrance de compassionimpliqueaussideprendresoindesapersonnephysiquementetémotionnellementafindepouvoirprendresoindesautres.

La prise de conscience chez les vétérinaires du risque de fatigue de compassion estgrandissante aujourd’hui. De nombreuses études récentes ont été réalisées sur lesfacteursdestressdans lemétier(Brannicketal.,2015;GardneretHini,2006; JAVMA,2004). Le docteur Lisa Miller a d’ailleurs prononcé en 2004, époque où elle étaitprésidente du comité de bien-être de l’AVMA (American Veterinary MedicalAssociation),undiscourssurlafatiguedecompassionchezlesvétérinaireconcluantlaphrasesuivante:«Unedesplusgrandesfaveursquechaquevétérinairepeutfairepourses patient, collègues et famille, est de prendre au sérieux son propre bien-être et lecontrôledesonstress»(JAVMA,2004).

106

107

BIBLIOGRAPHIE

ABENDROTH M., FLANNERY J. Predicting the risk of compassion fatigue: A study of hospice nurses. J Hosp Palliat Nurs. 2006, 8, 346–356.

ADAMS CL., BONNETT BN., MEEK AH. Predictors of owner response to companion animal death in 177 clients from 14 practices in Ontario. J. Am. Vet. Med. Assoc.. 2000, 217, 1303‑1309.

ADAMS CL., FRANKEL RM. It May Be a Dog’s Life But the Relationship with Her Owners Is Also Key to Her Health and Well Being: Communication in Veterinary Medicine. Vet. Clin. N AM SMALL. 2007, 37, 1‑17.

ADOLPHS R. Social cognition and the human brain. Trends Cogn. Sci. (Regul. Ed.). 1999, 3, 469–479.

ADOLPHS R., TRANEL D., DAMASIO AR. The human amygdala in social judgment. Nature. 1998, 393, 470‑474.

ADOLPHS R., TRANEL D., DAMASIO AR. Dissociable neural systems for recognizing emotions. Brain Cognition, Affective Neuroscience. 2003, 52, 61‑69.

AGERBO E., GUNNELL D., BONDE JP., MORTENSEN PB., NORDENTOFT M. Suicide and occupation: the impact of socio-economic, demographic and psychiatric differences. Psychol Med. 2007, 37, 1131‑1140.

ANTELYES J. Difficult clients in the next decade. J Am Vet Med Assoc. 1991,.

BABYAK M., BLUMENTHAL JA., HERMAN S., KHATRI P., DORAISWAMY M., MOORE K., et al. Exercise treatment for major depression: maintenance of therapeutic benefit at 10 months. Psychosom Med. 2000, 62, 633‑638.

BAKKER AB., KILLMER CH., SIEGRIST J., SCHAUFELI WB. Effort-reward imbalance and burnout among nurses. J Adv Nurs. 2000, 31, 884‑891.

BARON-COHEN S. The extreme male brain theory of autism. Trends Cogn. Sci. (Regul. Ed.). 2002, 6, 248–254.

BARTHOLOMEW JB., MORRISON D., CICCOLO JT. Effects of acute exercise on mood and well-being in patients with major depressive disorder. Med Sci Sports Exerc. 2005, 37, 2032‑2037.

BARTRAM D., BALDWIN D. Mental health and wellbeing survey. Vet. Rec.. 2008, 162, 868.

BARTRAM DJ., BALDWIN DS. Veterinary surgeons and suicide: influences, opportunities and research directions. Vet. Rec. 2008, 162, 36‑40.

BARTRAM DJ., BALDWIN DS. Veterinary surgeons and suicide: a structured review of

108

possible influences on increased risk. Vet. Rec. 2010, 166, 388‑397.

BATSON C., DUNCAN BD., ACKERMAN P., BUCKLEY T., BIRCH K. Is empathic emotion a source of altruistic motivation?. J Pers Soc Psychol. 1981, 40, 290‑302.

BATSON CD., SHAW LL. Evidence for Altruism: Toward a Pluralism of Prosocial Motives. Psychol Inq.. 1991,.

BAVELAS JB., BLACK A., LEMERY CR., MULLET J. Motor mimicry as primitive empathy, in: Empathy and its development, Cambridge University press. 1987,. p. 317‑338.

BEAUCHAMP TL., CHILDRESS JF. Principles of Biomedical Ethics. 2001, Oxford University Press, 470 p.

BECKMAN HB., FRANKEL RM. The effect of physician behavior on the collection of data. Ann. Intern. Med.. 1984, 101, 692‑696.

BELLET PS., MALONEY MJ. The importance of empathy as an interviewing skill in medicine. JAMA. 1991, 266, 1831‑1832.

BERTHOZ A. Le sens du mouvement. 2013, O. Jacob, 345 p.

BERTHOZ A., JORLAND G. Empathie (L’). 2004, Odile Jacob, 321 p.

BLAIR A., HAYES HM. Cancer and other causes of death among U.S. veterinarians, 1966-1977. Int. J. Cancer. 1980, 25, 181‑185.

BLAIR A., HAYES HM. Mortality patterns among US veterinarians, 1947-1977: an expanded study. Int J Epidemiol. 1982, 11, 391‑397.

BOTTS RP., EDLAVITCH S., PAYNE G. Mortality of Missouri veterinarians. J. Am. Vet. Med. Assoc.. 1966, 149, 499‑504.

BOYLE DA. Countering compassion fatigue: a requisite nursing agenda. Online J Issues Nurs. 2011, 16, 2.

BRADSHAW A. Compassion: what history teaches us. Nurs Times. 2011, 107, 12‑14.

BRANCH WT., MALIK TK. Using « windows of opportunities » in brief interviews to understand patients’ concerns. JAMA. 1993, 269, 1667‑1668.

BRANNICK EM., DEWILDE CA., FREY E., GLUCKMAN TL., KEEN JL., LARSEN MR., et al. Taking stock and making strides toward wellness in the veterinary workplace. J. Am. Vet. Med. Assoc.. 2015, 247, 739‑742.

BRIDE BE., RADEY M., FIGLEY CR. Measuring Compassion Fatigue. Clin. Soc Work J. 2007, 35, 155‑163.

BROWN JP., SILVERMAN JD. The current and future market for veterinarians and veterinary medical services in the United States. J. Am. Vet. Med. Assoc.. 1999, 215, 161‑183.

109

BUCKMAN R. How to Break Bad News: A Guide for Health Care Professionals. 1992, JHU Press, 246 p.

BYLUND CL., MAKOUL G. Empathic communication and gender in the physician-patient encounter. Patient Educ Couns. 2002, 48, 207‑216.

CAILLÉ A., CHANIAL P. L’homme est-il un animal sympathique ? Le contr’Hobbes. Revue de MAUSS. 2008, 31.

CALDER AJ., KEANE J., MANES F., ANTOUN N., YOUNG AW. Impaired recognition and experience of disgust following brain injury. Nat. Neurosci.. 2000, 3, 1077‑1078.

CASE D. Survey of expectations among clients of three small animal clinics.. J Am Vet Med Assoc. 1988, 192, 498‑502.

CATTANEO L., FABBRI-DESTRO M., BORIA S., PIERACCINI C., MONTI A., COSSU G., et al. Impairment of actions chains in autism and its possible role in intention understanding. Proc. Natl. Acad. Sci. U.S.A.. 2007, 104, 17825‑17830.

CHRISTOV-MOORE L., SIMPSON EA., COUDÉ G., GRIGAITYTE K., IACOBONI M., FERRARI PF. Empathy: Gender effects in brain and behavior. Neurosc. Biobehav. R.. 2014, 46, 604‑627.

CICÉRON. Le bonheur dépend de l’âme seule : Tusculanes, livre V. s. d.,.

C.M.B. Cupertino, ANCONA-LOPEZ M. Brazilian middle class gifted students and their perceptions of leadership roles.. In: Moenks, F.J., Peters, W.A.M. (Eds.). 1992, 110‑116.

COHEN SP. Compassion Fatigue and the Veterinary Health Team. Vet. Clin. N AM SMALL. 2007, 37, 123‑134.

COHIDON C., GEOFFROY-PEREZ B., FOUQUET A., LE NAOUR C., GOLDBERG M., IMBERNON E. Suicide et activité professionnelle en France: premières exploitations de données disponibles. Institut de veille sanitaire. 2010,.

Communication skills: the case for early training . Vet. Rec.. 2001, 148, 129‑132.

Compassion . Wikipédia. 2017,[https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Compassion&oldid=135607525]. (consulté le 16/05/2017)

COMTE-SPONVILLE A. 8. La compassion. Perspectives critiques. 2014, 5e éd., 137‑157.

CORSO S. Emotional intelligence in adolescents: How it relates to giftedness. 2001,.

CRON WL., SLOCUM JV., GOODNIGHT DB., VOLK JO. Executive summary of the Brakke management and behavior study. J Am Vet Med Assoc. 2000, 217, 332‑338.

DEFINITION [En ligne] . s. d.,. [http://www.vaincrelautisme.org/content/definition] (consulté le 20/4/17).

110

DIMATTEO MR., HAYS R. The significance of patients’ perceptions of physician conduct: a study of patient satisfaction in a family practice center. J Community Health. 1980, 6, 18‑34.

DISEKER RA., MICHIELUTTE R. An analysis of empathy in medical students before and following clinical experience. J Med Educ. 1981, 56, 1004‑1010.

DODGE KA. Social cognition and children’s aggressive behavior. Child Dev. 1980, 162–170.

DYRBYE LN., SHANAFELT TD. Physician burnout: a potential threat to successful health care reform. JAMA. 2011, 305, 2009‑2010.

EISENBERG N., MILLER PA. The relation of empathy to prosocial and related behaviors.. Psychol Bull. 1987, 101, 91.

EISENBERG N., STRAYER J. Empathy and Its Development. 1990, CUP Archive, 422 p.

ELKINS AD., KEARNEY M. Professional burnout among female veterinarians in the United States. J. Am. Vet. Med. Assoc.. 1992, 200, 604‑608.

Encyclopédie Larousse en ligne - empathie du grec pathos passion souffrance maladie [En ligne] . s. d.,. [http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/empathie/47249] (consulté le 11/5/17).

FIELDS SK., HOJAT M., GONNELLA JS., MANGIONE S., KANE G., MAGEE M. Comparisons of nurses and physicians on an operational measure of empathy. Eval Health Prof. 2004, 27, 80‑94.

FIGLEY CR. Helping traumatized families. 1989, Jossey-Bass Publishers, 208 p.

FIGLEY CR. Compassion Fatigue: Coping with Secondary Traumatic Stress Disorder in Those who Treat the Traumatized. 1995, Psychology Press, 300 p.

FIGLEY CR. Strangers at home: comment on Dirkzwager, Bramsen, Adèr, and van der Ploeg (2005). J Fam Psychol. 2005, 19, 227‑229.

FLANNELLY KJ., ROBERTS RSB., WEAVER AJ. Correlates of compassion fatigue and burnout in chaplains and other clergy who responded to the September 11th attacks in New York City. J. Pastoral Care Counsel.. 2005, 59, 213–224.

FOGASSI L., FERRARI PF., GESIERICH B., ROZZI S., CHERSI F., RIZZOLATTI G. Parietal lobe: from action organization to intention understanding. Science. 2005, 308, 662‑667.

FOLLETTE VM., POLUSNY MM., MILBECK K. Mental health and law enforcement professionals: Trauma history, psychological symptoms, and impact of providing services to child sexual abuse survivors.. Prof. Psychol. REs. Pr.. 1994, 25, 275‑282.

FRAENKEL DL. The Ins and Outs of Medical Encounters: An Interactional Analysis of Empathy, Patient Satisfaction, and Information Exchange (doctor-Patient, Nonverbal Communication). 1987,.

111

FRANÇOIS S., GARRÉ J-B., GUIHO-BAILLY M-P., FRANÇOIS A., BERTIN C., BODIN J., et al. Étude exploratoire des caractéristiques professionnelles d’un échantillon de suicidants hospitalisés. Santé Publique. 2011, Vol. 23, 101‑112.

FREE NK., GREEN BL., GRACE MC., CHERNUS LA., WHITMAN RM. Empathy and outcome in brief focal dynamic therapy. Am J Psychiatry. 1985, 142, 917‑921.

GARDNER DH., HINI D. Work-related stress in the veterinary profession in New Zealand. N Z Vet J. 2006, 54, 119‑124.

GARDNER H. Formes de l’intelligence (Les). 1997, Odile Jacob, 484 p.

GRAFACTORY.NET YT-. Les quatre qualités infinies - L’UBF : Fédération des Associations Bouddhistes de France [En ligne]. s. d.,. [http://www.bouddhisme-france.org/sagesses-bouddhistes/emissions-voix-bouddhistes/article/les-quatre-qualites-infinies.html] (consulté le 31/8/17).

GRAPPERON J., PIGNOL A-C., VION-DURY J. [The measurement of electrodermal activity]. Encephale. 2012, 38, 149‑155.

GUILÉ J-M., COHEN D. Les perturbations de l’empathie sont au cœur des troubles des conduites de l’enfant et de l’adolescent. Neuropsychiatr. Enfance Adolesc. 2010, 58, 241‑247.

GUNNELL D., MAGNUSSON PKE., RASMUSSEN F. Low intelligence test scores in 18 year old men and risk of suicide: cohort study. BMJ. 2005, 330, 167.

HALL JA., ROTER DL., KATZ NR. Meta-analysis of Correlates of Provider Behavior in Medical Encounters:. Med Care. 1988, 26, 657‑675.

HALLIWELL REW., HOSKIN BD. Reducing the suicide rate among veterinary surgeons: how the profession can help. Vet. Rec.. 2005, 157, 397‑398.

HARE RD., HART SD., HARPUR TJ. Psychopathy and the DSM-IV criteria for antisocial personality disorder.. J Abnorm Psychol. 1991, 100, 391.

HART LA., HART BI. Grief and stress from so many animal deaths.. Companion Anim. Prac.. 1987,.

HAWTON K., MALMBERG A., SIMKIN S. Suicide in doctors. A psychological autopsy study. J Psychosom Res. 2004, 57, 1‑4.

HAZEL SJ., SIGNAL TD., TAYLOR N. Can Teaching Veterinary and Animal-Science Students about Animal Welfare Affect Their Attitude toward Animals and Human-Related Empathy?. J. Vet. Med. Educ. 2011,.

HEATH T., MILLS JN. Starting Work in Veterinary Practice: An Employers’ Viewpoint. Aust. Vet. Pract.. 1999, 29, 146‑152.

HEM E., HALDORSEN T., AASLAND OG., TYSSEN R., VAGLUM P., EKEBERG O. Suicide rates according to education with a particular focus on physicians in Norway 1960-

112

2000. Psychol Med. 2005, 35, 873‑880.

HOFFMAN ML. Sex differences in empathy and related behaviors.. Psychol Bull. 1977, 84, 712‑722.

HOJAT M., MANGIONE S., NASCA TJ., RATTNER S., ERDMANN JB., GONNELLA JS., et al. An empirical study of decline in empathy in medical school. Med Educ. 2004, 38, 934‑941.

HUGGARD P., HUGGARD J. WHEN THE CARING GETS TOUGH Compassion Fatigue and Veterinary Care. 2008,.

HUNSAKER S., CHEN H-C., MAUGHAN D., HEASTON S. Factors That Influence the Development of Compassion Fatigue, Burnout, and Compassion Satisfaction in Emergency Department Nurses. J. Nurs. Scolarship. 2015, 47, 186‑194.

IBANEZ A., HUEPE D., GEMPP R., GUTIÉRREZ V., RIVERA-REI A., TOLEDO MI. Empathy, sex and fluid intelligence as predictors of theory of mind. Pers Indiv Differ. 2013, 54, 616‑621.

JACKSON D., FIRTKO A., EDENBOROUGH M. Personal resilience as a strategy for surviving and thriving in the face of workplace adversity: a literature review. J Adv Nurs. 2007, 60, 1‑9.

JAMES RICHARD BLAIR R., JONES L., CLARK F., SMITH M. The psychopathic individual: A lack of responsiveness to distress cues?. Psychophysiology. 1997, 34, 192‑198.

JAVMA. Managing stress and avoiding burnout. A self-care primer for overly compassionate and overworked veterinarians. J. Am. Vet. Med. Assoc.. 2004, 225, 492‑493.

JIMÉNEZ A., TRIANA M., WASHBURN J. Compasión y salud. Isegoria. 2002, 0, 211‑223.

JOHNS JH., QUAY HC. The effect of social reward on verbal conditioning in psychopathic and neurotic military offenders. J Consult Psychol. 1962, 26, 217‑220.

JOINSON C. Coping with compassion fatigue. Nursing. 1992, 22, 116, 118‑119, 120.

JONES-FAIRNIE H., FERRONI P., SILBURN S., LAWRENCE D. Suicide in Australian veterinarians. Aust. Vet. J.. 2008, 86, 114‑116.

JORLAND G. Empathie et thérapeutique. RSI. 2006, N° 84, 58‑65.

JORLAND G., THIRIOUX B. Note sur l’origine de l’empathie. Revue Metaphys. Morale. 2008, 269‑280.

KALISCH BJ. Strategies for developing nurse empathy. Nurs Outlook. 1971, 19, 714‑718.

KANT I., PHILONENKO A. Critique de la faculté de juger. 1993, Vrin, 484 p.

KIM SS., KAPLOWITZ S., JOHNSTON MV. The effects of physician empathy on patient

113

satisfaction and compliance. Eval Health Prof. 2004, 27, 237‑251.

KLÜVER H., BUCY PC. Preliminary analysis of functions of the temporal lobes in monkeys. Arch Neurol Psychatr. 1939, 42, 979–1000.

KREBS D. Empathy and altruism.. J Pers Soc Psychol. 1975, 32, 1134.

KROLAK-SALMON P., HÉNAFF M-A., ISNARD J., TALLON-BAUDRY C., GUÉNOT M., VIGHETTO A., et al. An attention modulated response to disgust in human ventral anterior insula. Ann. Neurol.. 2003, 53, 446‑453.

KUNYK D., OLSON JK. Clarification of conceptualizations of empathy. J Adv Nurs. 2001, 35, 317‑325.

LAROUSSE É. Dictionnaire français - Dictionnaires Larousse français monolingue et bilingues en ligne [En ligne]. s. d.,. [http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais] (consulté le 24/4/17).

LEV-WIESEL R., AMIR M. Secondary traumatic stress, psychological distress, sharing of traumatic reminiscences, and marital quality among spouses of Holocaust child survivors. J Marital Fam Ther. 2001, 27, 433‑444.

LINDER-PELZ S. Toward a theory of patient satisfaction. Soc Sci Med. 1982, 16, 577‑582.

LOVELL BL., LEE RT. Burnout and health promotion in veterinary medicine. Can Vet J. 2013, 54, 790‑791.

LYSY KZ., PIECHOWSKI MM. Personal growth: An empirical study using Jungian and Dabrowskian measures. Genet. Psychol.Monogr.. 1983, 108, 267–320.

MALVASO V. Le suicide dans la profession vétérinaire, étude, gestion et prévention. 2013, Claude Bernard, Lyon I, Lyon, France, 143 p.

MARTIN GB., CLARK RD. Distress crying in neonates: Species and peer specificity. Dev. Psychol.. 1982, 18, 3‑9.

MARVEL MK., EPSTEIN RM., FLOWERS K., BECKMAN HB. Soliciting the patient’s agenda: have we improved?. JAMA. 1999, 281, 283‑287.

MASLACH C., JACKSON SE., LEITER MP., others Maslach burnout inventory. 1996, CPP.

Matthieu Ricard L’empathie et la pratique intensive de la compassion - Matthieu Ricard [En ligne]. s. d.,. [http://www.matthieuricard.org/blog/posts/l-empathie-et-la-pratique-intensive-de-la-compassion] (consulté le 31/8/17).

MAYER JD., PERKINS DM., CARUSO DR., SALOVEY P. Emotional intelligence and giftedness. Roeper Review. 2010,.

MCCLURE EB. A meta-analytic review of sex differences in facial expression processing and their development in infants, children, and adolescents. 2000, American Psychological Association.

114

MELAMED S., UGARTEN U., SHIROM A., KAHANA L., LERMAN Y., FROOM P. Chronic burnout, somatic arousal and elevated salivary cortisol levels. J Psychosom Res. 1999, 46, 591‑598.

MELLANBY RJ., HERRTAGE ME. Survey of mistakes made by recent veterinary graduates. Vet. Rec.. 2004, 155, 761‑765.

MELLANBY RJ., RHIND SM., BELL C., SHAW DJ., GIFFORD J., FENNELL D., et al. Perceptions of clients and veterinarians on what attributes constitute « a good vet ». Vet. Rec.. 2011, 168, 616‑616.

MELTZOFF AN. Understanding the Intentions of Others: Re-Enactment of Intended Acts by 18-Month-Old Children. Dev Psychol. 1995, 31, 838‑850.

MELTZOFF AN., DECETY J. What imitation tells us about social cognition: a rapprochement between developmental psychology and cognitive neuroscience. Philos. Trans. R. Soc. Lond., B, Biol. Sci.. 2003, 358, 491‑500.

MELTZOFF AN., MOORE MK. Imitation of Facial and Manual Gestures by Human Neonates. Science. 1977, 198, 75‑78.

MELTZOFF AN., MOORE MK. Newborn infants imitate adult facial gestures. Child Dev. 1983, 54, 702‑709.

MITCHELL P. Introduction to theory of mind: Children, autism and apes. 1997, Edward Arnold Publishers, London, England, 196 p.

MITCHENER KL., OGILVIE GK. Understanding compassion fatigue: keys for the caring veterinary healthcare team. J Am Anim Hosp Assoc. 2002, 38, 307‑310.

MOORE IC., COE JB., ADAMS CL., CONLON PD., SARGEANT JM. The role of veterinary team effectiveness in job satisfaction and burnout in companion animal veterinary clinics. J. Am. Vet. Med. Assoc.. 2014, 245, 513‑524.

MORELOCK MJ. On the nature of giftedness and talent: Imposing order on chaos. Roeper Review. 2010,.

MOSSOP L., Gray Teaching communication skills. Practice. 2008, 30, 340–343.

NAGY E., KOMPAGNE H., ORVOS H., PAL A. Gender-related differences in neonatal imitation. Infant Child Dev.. 2007, 16, 267–276.

NETT RJ., WITTE TK., HOLZBAUER SM., ELCHOS BL., CAMPAGNOLO ER., MUSGRAVE KJ., et al. Notes from the field: prevalence of risk factors for suicide among veterinarians - United States, 2014. MMWR Morb. Mortal. Wkly. Rep.. 2015, 64, 131‑132.

NUSSBAUM MC. Upheavals of Thought: The Intelligence of Emotions. 2003, Cambridge University Press, 770 p.

PARSE RR. The Human Becoming School of Thought: A Perspective for Nurses and Other Health Professionals. 1998, SAGE Publications, 148 p.

115

PENFIELD W., FAULK ME. The insula; further observations on its function. Brain. 1955, 78, 445‑470.

PEREZ-BRET E., ALTISENT R., ROCAFORT J. Definition of compassion in healthcare: a systematic literature review. Int J Palliat Nurs. 2016, 22, 599‑606.

PHILLIPS ML., YOUNG AW., SCOTT SK., CALDER AJ., ANDREW C., GIAMPIETRO V., et al. Neural responses to facial and vocal expressions of fear and disgust.. Proc Biol Sci. 1998, 265, 1809‑1817.

PHILLIPS ML., YOUNG AW., SENIOR C., BRAMMER M., ANDREW C., CALDER AJ., et al. A specific neural substrate for perceiving facial expressions of disgust. Nature. 1997, 389, 495‑498.

PICHON S., VUILLEUMIER P. Neuro-imagerie et neuroscience des émotions - Imagerie et cognition (8). Med Sci (Paris). 2011, 27, 763‑770.

PIECHOWSKI MM., COLANGELO N. Developmental Potential of the Gifted. Gifted Child Quarterly. 1984,.

POTTER P., DESHIELDS T., DIVANBEIGI J., BERGER J., CIPRIANO D., NORRIS L., et al. Compassion fatigue and burnout: prevalence among oncology nurses. Clin J Oncol Nurs. 2010, 14, E56-62.

POTTER P., DESHIELDS T., RODRIGUEZ S. Developing a systemic program for compassion fatigue. Nurs Adm Q. 2013, 37, 326‑332.

PRATO PREVIDE E. Empathy towards animals and belief in animal-human-continuity in Italian veterinary students. Animal welfare (South Mimms, England). 2016, 25.

Quatre Incommensurables . Wikipédia. 2017, [https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Quatre_Incommensurables&oldid=138273407] (consulté le 31/08/2017).

RHIND SM., BAILLIE S., KINNISON T., SHAW DJ., BELL CE., MELLANBY RJ., et al. The transition into veterinary practice: Opinions of recent graduates and final year students. BMC Med Educ. 2011, 11, 64.

RIZZOLATTI G., CAMARDA R., FOGASSI L., GENTILUCCI M., LUPPINO G., MATELLI M. Functional organization of inferior area 6 in the macaque monkey. II. Area F5 and the control of distal movements. Exp Brain Res. 1988, 71, 491‑507.

RIZZOLATTI G., FABBRI-DESTRO M., CATTANEO L. Mirror neurons and their clinical relevance. Nat. Clin. Pract. Neuro. 2009, 5, 24‑34.

RUTTER M. Resilience in the face of adversity. Protective factors and resistance to psychiatric disorder. Br J Psychiatry. 1985, 147, 598‑611.

SABO B. Reflecting on the concept of compassion fatigue. Online J Issues Nurs. 2011, 16, 1.

SAGI A., HOFFMAN ML. Empathic distress in the newborn.. Dev Psychol. 1976, 12, 175.

116

SALOVEY P., MAYER JD. Emotional Intelligence. Imagination, Cognition and Personality. 1990,.

SCHELER M. Nature et formes de la sympathie: contribution à l’étude des lois de la vie affective. 1971, Payot, 378 p.

SCHWAM K. The phenomenon of compassion fatigue in perioperative nursing. AORN J. 1998, 68, 642‑645, 647‑648.

SHAW JR. Four Core Communication Skills of Highly Effective Practitioners. Vet. Clin. N AM SMALL. 2006, 36, 385‑396.

SHAW JR., ADAMS CL., BONNETT BN. What can veterinarians learn from studies of physician-patient communication about veterinarian-client-patient communication? [En ligne]. http://dx.doi.org/10.2460/javma.2004.224.676. 2005a,. [http://avmajournals.avma.org/doi/abs/10.2460/javma.2004.224.676] (consulté le 13/7/17).

SHAW JR., ADAMS CL., BONNETT BN. What can veterinarians learn from studies of physician-patient communication about veterinarian-client-patient communication? [En ligne]. http://dx.doi.org/10.2460/javma.2004.224.676. 2005b,. [http://avmajournals.avma.org/doi/abs/10.2460/javma.2004.224.676] (consulté le 13/7/17).

SHAW JR., ADAMS CL., BONNETT BN., LARSON S., ROTER DL. Use of the Roter interaction analysis system to analyze veterinarian-client-patient communication in companion animal practice. J Am Vet Med Assoc. 2004, 225, 222‑229.

SHAW JR., LAGONI L. End-of-Life Communication in Veterinary Medicine: Delivering Bad News and Euthanasia Decision Making. Vet. Clin. N AM SMALL. 2007, 37, 95‑108.

SILVERMAN J., KURTZ S., DRAPER J. Skills for Communicating with Patients, 3rd Edition. 2016, CRC Press, 317 p.

SIMNER ML. Newborn’s response to the cry of another infant.. Dev. Psychol.. 1971, 5, 136.

SIMON-THOMAS ER., GODZIK J., CASTLE E., ANTONENKO O., PONZ A., KOGAN A., et al. An fMRI study of caring vs self-focus during induced compassion and pride. Soc Cogn Affect Neurosci. 2012, 7, 635‑648.

SPINOZA B. Ethique. 1677, éditions de l’éclat, 514 p.

SPRENGELMEYER R., RAUSCH M., EYSEL UT., PRZUNTEK H. Neural structures associated with recognition of facial expressions of basic emotions.. Proc Biol Sci. 1998, 265, 1927‑1931.

STAMM BH. The concise ProQOL manual (2nd edition) [En ligne]. 2010,. [https://nbpsa.org/images/PRP/ProQOL_Concise_2ndEd_12-2010.pdf] (consulté le 26/7/17).

STARFIELD B., WRAY C., HESS K., GROSS R., BIRK PS., D’LUGOFF BC. The influence of patient-practitioner agreement on outcome of care.. Am J Public Health. 1981, 71, 127.

117

STARK C., BELBIN A., HOPKINS P., GIBBS D., HAY A., GUNNELL D. Male suicide and occupation in Scotland. Health Stat Q. 2006, 26‑29.

STERNBERG RJ. Handbook of Intelligence. 2000, Cambridge University Press, 693 p.

STEWART MA. Effective physician-patient communication and health outcomes: a review.. CMAJ. 1995, 152, 1423‑1433.

STEWART MA., MCWHINNEY IR., BUCK CW. The doctor/patient relationship and its effect upon outcome. Br J Gen Pract. 1979, 29, 77.

STOEWEN DL. Suicide in veterinary medicine: Let’s talk about it. Can Vet J. 2015, 56, 89‑92.

STOTLAND E. Exploratory Investigations of Empathy. Adv. Ex. Soc. Psychol.. 1969, 4, 271‑314.

SUCHMAN AL., MARKAKIS K., BECKMAN HB., FRANKEL R. A model of empathic communication in the medical interview. J. Amer. Med. Assoc.. 1997, 277, 678‑682.

THOMAS P., BARRUCHE G., HAZIF-THOMAS C. La souffrance des soignants et fatigue de compassion. La revue francophone de gériatrie et de gérontologie. 2012, 187, 266–273.

TOI M., DANIEL C. More evidence that empathy is a source of altruistic motivation. J. Pers. Soc. Psychol.. 1982, 43, 281‑292.

TUGADE MM., FREDRICKSON BL. Resilient individuals use positive emotions to bounce back from negative emotional experiences. J Pers Soc Psychol. 2004, 86, 320‑333.

VISCHER R. Ueber das optische Formgefühl: Ein Beitrag zur Aesthetik. 1873, H. Credner, 68 p.

VORACEK M. National Intelligence and Suicide Rate across Europe: An Alternative Test Using Educational Attainment Data. Psychol Rep. 2007, 101, 512‑518.

WAGAMAN MA., GEIGER JM., SHOCKLEY C., SEGAL EA. The Role of Empathy in Burnout, Compassion Satisfaction, and Secondary Traumatic Stress among Social Workers. Soc Work. 2015, 60, 201‑209.

WALSH DA., OSBURN BI., SCHUMACHER RL. Defining the Attributes Expected of Graduating Veterinary Medical Students, Part 2: External Evaluation and Outcomes Assessment. J. Vet. Med. Educ. 2002, 29, 36‑42.

WHIPPEN DA., CANELLOS GP. Burnout syndrome in the practice of oncology: results of a random survey of 1,000 oncologists. J. Clin. Oncol.. 1991, 9, 1916‑1920.

WICKER B., KEYSERS C., PLAILLY J., ROYET JP., GALLESE V., RIZZOLATTI G. Both of us disgusted in My insula: the common neural basis of seeing and feeling disgust. Neuron. 2003, 40, 655‑664.

WILLIAMS S., MILLS J. Understanding and responding to grief in companion animal

118

practice. Aust. Vet. Pract.. 2000, 30, 55‑62.

YEHUDA R. Biology of posttraumatic stress disorder. J Clin Psychiatry. 2001, 62 Suppl 17, 41‑46.

YODER EA. Compassion fatigue in nurses. Appl Nurs Res. 2010, 23, 191‑197.

ÉTATDESCONNAISSANCESURL’EMPATHIEETLACOMPASSIONETAPPLICATIONENRELATIONCLIENTEN

STRUCTUREVÉTÉRINAIRE.

NOMetPrénom:VIGOUROUXOriane

Résumé:

La relation client est présente quotidiennement de façon centrale dans le métier devétérinaire praticien. Cette relation client est construite grâce à une communicationclientdebonnequalitéincluantempathieetcompassion.

Pourtant, la communication est une aptitude bien souvent déficitaire chez lesvétérinairesetpourlaquelleilssontpeuformés.Lesproblèmesdecommunicationsontles causesmajeures demécontentement des clients et de désaccords entre clients etvétérinaires.Iladoncsembléintéressantdesepenchersurcesujet.

Commedanstouteslesprofessionsdesanté,l’empathieetlacompassionsontdescomposantes incontournables de la communication avec le client en médecinevétérinaire. Or ces deux notions sont bien souvent confondues. Une définition de cestermes a donc été nécessaire avant de comprendre leurs importances en cliniquevétérinaire, ainsi que leurs conséquences. L’empathie est défini comme étant lacompréhension,uniquementcognitivedessentimentsd’autrui.Lacompassionimpliqueunpartagedesentiments,etfaitdoncappelànosémotions.

Au delà de la satisfaction des clients, la qualité de la communication avec lesclientsetlacompréhensiondel’empathieetlacompassion,ontunimpactdirectsurlevétérinaire et sont état psychologique. C’est surtout ce point qu’il nous a sembléimportantdedévelopperafind’informerlesvétérinaires, laprincipaleconséquencedela compassion étant la fatiguede compassion. Elle est responsable chez le vétérinaired’un état d’épuisement à la fois physique et psychologique associé à une incapacité àressentirdel’empathie.

MotsclésRELATION CLIENT/ EMPATHIE/ COMPASSION/ COMMUNICATION/ PROFESSIONVÉTÉRINAIRE/MEDECINEVÉTÉRINAIREJury:Président : Pr. Professeur à la Faculté de Médecine de CRÉTEIL Directeur : Dr Loïc Desquilbet, maître de conférences à l’ENVA Co-directeur : Dr Christelle Fournel, maître de conférences contractuel à l’ENVA Assesseur : Dr Caroline Gilbert, maître de conférences à l’ENVA

STATEOFTHEARTFOREMPATHYANDCOMPASSIONANDAPPLICATIONINCLIENTRELATIONSHIPINVETERINARY

PRACTICE.

SURNAME:VIGOUROUX

Givenname:Oriane

ABSTRACT:

Client relationship is akeyelement in theveterinaryprofession.Client relationship isbuiltbyagoodcommunicationthatincludesempathyandcompassion.

However, communication with clients is too often poor in veterinary practicebecause veterinarians are not trained. Bad communication is themain cause of clientdisatisfaction anddisagreement.Therefore ithadseemed interesting to look into thismatter.

As in every caring profession, empathy and compassion are staples of clientcommunication for the veterinarians. Those concepts, though, are regularlymixedup.Thus it had been necessary to define those two terms before understanding theirimportance and consequences in veterinary practice. Empathy is defined as theunderstanding of the emotions of others through individual’s cognition. Compassioninvolvesalsoasharingoffeelings,anditisthereforeanemotionalquality.

Goodclient communicationand theunderstandingof empathyandcompassionhasan impactnotonly in client satisfactionbut also in thepsychological stateof theveterinarianhimself.Thismatterwasperceivedashighlyimportanttodevelopsothatveterinarians can be informed. The major consequence of compassion is compassionfatigue. It results in psychological and physical exhaustion with an incapacity to feelempathy.

KeyWord:CLIENTRELATION / EMPATHY/ COMPASSION/ COMMUNICATION / VETERINARYPROFESSION/VETERINARYMEDICINEJury:Président : Pr. Professor from the Créteil university of medicine Directeur : Dr. Loïc Desquilbet, senior lecturer Co-directeur : Dr Christelle Fournel, senior lecturer Assesseur : Dr Caroline Gilbert, senior lecturer