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UNIVERSITÉ PIERRE ET MARIE CURIE -PARIS VI ANNÉE 2009-2010 ÉCOULEMENTS DIPHASIQUES MASTER II TD 6 Fragmentation de jets et de nappes 1 Nucléation de trous dans les nappes liquides La fragmentation d’une nappe liquide en gouttelettes passe bien souvent par une phase de nucléation de trous, qui amène la nappe à se transformer en une sorte de ‘toile d’araignée’ liquide (figure 1). L’objet de cet exercice est de caractériser la formation de ces trous et leur vitesse d’expansion. FIGURE 28. Disintegration through perforation with a soluble oil/water emulsion. (M FIGURE 1 – Gauche : fragmentation d’une nappe liquide constituée d’une émulsion eau-huile (Dombrowski et Fraser, 1954). Droite : expérience de nucléation de trou dans un film de savon (H. Lhuissier, IRPHÉ). Pour simplifier le problème, nous considérerons la version 2D schématisée sur la figure 2. Un film liquide au repos d’épaisseur h et aux propriétés homogènes (tension de surface σ, densité ρ) est percé en un point. Juste après la for- mation du trou, celui-ci s’agrandit rapidement et la matière est collectée dans un bourrelet de masse m(t) progressant à vitesse V (t). Très vite, la vitesse d’élargissement atteint une vitesse limite que l’on notera simplement V . 1. Quel est le mécanisme physique d’élargissement du trou ? 2. Quel est le flux de masse entrant dans le bourrelet se déplaçant à vitesse V (t), i.e. la variation de masse instan- tanée ˙ m(t) du bourrelet par unité de temps ? h ρ σ film liquide bourrelet air air V (t) V (t) FIGURE 2 – Haut : film liquide au repos avant rupture. Bas : juste après la rupture on observe la formation de bourre- lets liquides se déplaçant à vitesse V (t). Approche énergétique (Rayleigh, 1902). Rayleigh proposa en 1902 de calculer la vitesse limite V atteinte par le bourrelet en considérant que la perte d’énergie capillaire provoquée par le déplacement du bourrelet est directement transformée en énergie cinétique du bourrelet. On suppose dans cette analyse que le bourrelet a déjà atteint la vitesse limite V . 1

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UNIVERSITÉ PIERRE ET MARIE CURIE - PARIS VI ANNÉE 2009-2010ÉCOULEMENTS DIPHASIQUES MASTER II

TD 6Fragmentation de jets et de nappes

1 Nucléation de trous dans les nappes liquides

La fragmentation d’une nappe liquide en gouttelettes passe bien souvent par une phase de nucléation de trous, quiamène la nappe à se transformer en une sorte de ‘toile d’araignée’ liquide (figure 1). L’objet de cet exercice est decaractériser la formation de ces trous et leur vitesse d’expansion.

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Ouverture d’une nappe liquide - H. Lhuissier

Fig. 4 – Ouverture d’un trou dans une nappe liquide. Le champ d’une image est de 3,1 × 3,1 cm2 et170 µs séparent chacune d’elles.

vaut par exemple 6 m.s−1 pour une nappe de savon de 1 µm d’épaisseur.

Effets retardants Si l’on considère comme condition initiale un bourrelet terminé par une courbureconstante 2 / h0, on peut considérer x0 ≈ π h0 / 4. Et alors la vitesse est atteinte pour un temps del’ordre du temps capillaire τc =

√ρ h3

0 / (2 σ). Pour les expériences effectuées lors de ce stage, les tempsd’observation sont de l’ordre de 104 τc et τc étant petit devant la résolution temporelle des mesure, laphase d’accélération sera par la suite négligée.

Un autre effet est susceptible de ralentir l’ouverture du film, voir de provoquer sa cicatrisation ; il estlié à la forme toroïdale du bourrelet et à sa seconde courbure principale que l’on a jusqu’ici négligée. Eneffet, lorsque le rayon initial ρ0 du trou est plus petit que l’épaisseur h0 du film, la courbure (négative)1 / ρ0 domine et impose un gradient de pression négatif vers le centre du trou qui tend à refermer celuici.

Inversement si la courbure (positive) 1 / h0 domine, elle impose un gradient de pression positif versle centre du trou qui tend à l’ouvrir. Cet effet sera négligé par la suite car les rayons de perçage serontgrands devant les épaisseurs locales ; typiquement d’un facteur 10 pour les nappes de Savart et d’unfacteur 100 pour les films de savon.

Dissipation Enfin, il est intéressant de remarquer que si l’on essaye de déterminer la vitesse limited’ouverture en traduisant que l’énergie initialement stockée à la surface 2 σ A, où A est l’aire du trou àl’instant considéré, est intégralement transformée en l’énergie cinétique 1

2 ρ hA V 2, on trouve une vitesseplus grande d’un facteur

√2. Ceci indique qu’exactement la moitié de l’énergie stockée est restituée sous

forme d’énergie cinétique, l’autre étant dissipé par le travail des forces visqueuses.

Il faut donc garder en tête que même si la vitesse limite peut être déterminée sans tenir compte desforces visqueuses, celles-ci jouent un rôle important dans la dynamique d’un bourrelet.

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FIGURE 1 – Gauche : fragmentation d’une nappe liquide constituée d’une émulsion eau-huile (Dombrowski et Fraser,1954). Droite : expérience de nucléation de trou dans un film de savon (H. Lhuissier, IRPHÉ).

Pour simplifier le problème, nous considérerons la version 2D schématisée sur la figure 2. Un film liquide au reposd’épaisseur h et aux propriétés homogènes (tension de surface σ, densité ρ) est percé en un point. Juste après la for-mation du trou, celui-ci s’agrandit rapidement et la matière est collectée dans un bourrelet de massem(t) progressantà vitesse V (t). Très vite, la vitesse d’élargissement atteint une vitesse limite que l’on notera simplement V .

1. Quel est le mécanisme physique d’élargissement du trou ?

2. Quel est le flux de masse entrant dans le bourrelet se déplaçant à vitesse V (t), i.e. la variation de masse instan-tanée m(t) du bourrelet par unité de temps ?

σ

film liquide

bourrelet

air

air

V (t)V (t)

FIGURE 2 – Haut : film liquide au repos avant rupture. Bas : juste après la rupture on observe la formation de bourre-lets liquides se déplaçant à vitesse V (t).

� Approche énergétique (Rayleigh, 1902). Rayleigh proposa en 1902 de calculer la vitesse limite V atteinte par lebourrelet en considérant que la perte d’énergie capillaire provoquée par le déplacement du bourrelet est directementtransformée en énergie cinétique du bourrelet. On suppose dans cette analyse que le bourrelet a déjà atteint la vitesselimite V .

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3. En écrivant le déplacement δx du bourrelet pendant un intervalle δt, estimer la perte d’énergie capillaire δEsdu film liquide.

4. Estimer la variation d’énergie cinétique δEc du bourrelet pendant δt.

5. En équilibrant les variations d’énergies précédentes, donner l’expression VRayleigh de la vitesse limite du bour-relet.

� Conservation de la quantité de mouvement (Taylor, 1959, et Culick, 1960) et discussion. Indépendamment, Tay-lor et Culick proposèrent une approche alternative pour calculer la vitesse limite du bourrelet, basée sur l’expressionde la quantité de mouvement. Leur démarche est adoptée dans les questions suivantes, où l’on ne suppose plus quele bourrelet a atteint sa vitesse limite.

6. Expliciter la force exercée par le film liquide sur le bourrelet, puis écrire l’équation traduisant la conservationde la quantité de mouvement.

7. En déduire l’expression de la vitesse limite VTaylor-Culick atteinte par le bourrelet.

8. Laquelle de ces deux prédictions est-elle correcte, et pourquoi ?

2 Analyse de l’instabilité capillaire avec un modèle 1D

Dans cette partie, nous allons maintenant essayer de retrouver les résultats obtenus en cours sur l’instabilité capillaireen utilisant la description 1D simplifiée des jets fins (Weber, 1931 ; Eggers & Dupont, 1994).

9. Écrire l’expression du temps caractéristique τ , dit capillaire, pouvant être formé à l’aide de la tension de surfaceσ, de la masse volumique ρ et d’une échelle de longueur R.

10. Dans le cours, le jeu d’équations 1D pilotant l’évolution d’un jet fin a été obtenu sous forme dimensionnée. Puisces équations ont été adimensionnées à l’aide de la masse volumique ρ, d’une vitesse caractéristique U et d’unrayon typique R. Reprendre l’adimensionnement, mais cette fois à l’aide des échelles caractéristiques σ, ρ et R.Interpréter (et éventuellement nommer !) les groupements adimensionnels apparaissant dans le nouveau jeud’équations.

11. Dans le cours, l’expression de la courbure de l’interface κ a été donnée exactement en fonction de h. Montrerque l’approximation de chacune des contributions de cette expression au premier ordre en h s’écrit :

κ ≈ 1h− h′′

12. En considérant désormais cette expression approchée de la courbure, et en négligeant les effets visqueux ainsique ceux de gravité, réécrire l’équation de conservation de la quantité de mouvement uniquement en fonctionde u0 et de h. Rappeler également l’expression de conservation de la masse.

� Analyse de stabilité. On cherche maintenant à prédire la stabilité d’un jet de rayon R au repos subissant uneperturbation de nombre d’onde k. Sous forme adimensionnée, le champ de vitesse et le rayon perturbé s’écriventdonc 1 :

u0 = δu ei(kR)z+(λτ)t

h = 1 + δr ei(kR)z+(λτ)t

13. En injectant ces perturbations dans les équations du mouvement, obtenir un jeu d’équations linéarisées pour laperturbation.

14. En déduire l’expression du taux de croissance adimensionné λτ en fonction du nombre d’onde adimensionnékR. Retrouve-t-on le résultat de Rayleigh 2 ? Pourquoi ?

15. On donne le développement limité des fonctions de Bessel modifiées d’ordre 0 et 1 autour de l’origine :

I0(x) = 1 +x2

4+O(x4)

I1(x) =x

2+x3

16+ o(x4)

Montrer que dans une certaine limite, que l’on précisera, les deux descriptions de l’instabilité capillaire, celleexacte de Rayleigh et celle obtenue grâce au modèle 1D, coïncident. Discuter.

1. Ici z et t sont également adimensionnés.2. Le taux de croissance théorique de l’instabilité capillaire a été trouvé par Rayleigh : λ2 = σ

ρR3x I1(x)I0(x)

`1− x2

´2