Techniques de scénario

8/8/2019 Techniques de scnario

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Techniques de scnario

Scnariste inconnu, la boucle fatale

Mi-dcembre a eu lieu au CEEA un sminaire sur la chane de dcision de la fiction : Quidit non ou oui(plus souvent non) aux oeuvres de fiction ?

En dpit de la qualit des interventions, quelque chose d'assez dprimant est ressorti deces deux jours de dbat, au del des politesses d'usage (les "mchants" tant toujoursceux qui ne sont pas l, et TF1 pour le coup en a pris pour son grade, la mthode dubouc missaire restant la meilleure mthode pour ne pas se remettre en question) :

Le directeur de la fiction et les chargs de programme le disent, ce n'est pas la chanede lire les envois spontans. Ils ont des lecteurs extrieurs pour a, bien que de tellesdispositions semblent plus hypocrites qu'autre chose. De toutes faons les couter lesenvois spontans sont 95 fois sur 100 atroces, mal prsents, stupides, etc. Aux

producteurs de faire une slection, c'est leur boulot.

Les producteurs ne lisent pas les envois spontans. Ils ne prennent que les oeuvres descnaristes qu'ils connaissent un minimum. Ils jouent leur thune, et ne peuvent quandmme pas prendre des risques inoues ! Il faut avoir t prsent, ou mieux passer parun agent artistique : eux aprs tout de slectionner les candidats !

Les agents ne lisent pas les envois spontans. Il faut les rencontrer mais ils n'ont pas detemps et ils ne sont qu'une poigne...

Bref la chane de dcisions existe, et il ne faut pas la court-circuiter. Mais par quel bout laprendre ? Ce n'est pas une ligne mais un cercle, une boucle fatale o trouver une priseprend plus de temps et d'nergie que l'apprentissage de l'criture !

Ecriture de scnario : la rdaction

Je voudrais faire un article sur la faon de rdiger un scnario. Ca n'intressera que les scnaristesen herbe, mais ces derniers sont peut-tre dans la mme situation que moi quand ils entendent les"pro" dire "un scnario professionnel a se voit tout de suite". Comment cela se voit-il ? Comment doit-on rdiger ces foutus trucs en France ? Je vais comparer trois mthodes : la franaise faon semi-pro,la franaise faon pro et l'amricaine.

Mthode franaise semi-pro

Selon certains ouvrages thoriques, une page doit reprsenter environ 1 minute du film venir. Deplus, chaque paragraphe symbolise un plan (ce qui est film d'une seule traite par la camra), une"image" de l'oeuvre future. Quelques exemples : "une main se pose sur l'paule de Jean", "sur le solse trouve une tache de sang" ou bien encore "dans son oeil se reflte la ville et ses lumires". Lescnariste s'efforce de dcrire les actions le plus prcisment possible en s'en tenant le plus possibleaux faits, sans effets littraires ou jugements.

Cette mthode donne la part belle aux description et conduit un scnario qui est finalement uneoeuvre d'auteur-ralisateur et non de simple scnariste. En effet, tout tant dcoup en imaginant lefilm futur, cela laisse beaucoup moins de marge au ralisateur et est donc plus appropri pour uncourt-mtrage ou une oeuvre que vous voulez raliser. Exemple (simple hein) :6. INT/JOUR. CHAMBRE

Une chambre des plus banales, avec un grand lit douillet, une table de chevet et un bureau. Sarah,assise au bord du lit, fume une cigarette. Jacques est couch et lit.
http://mangelune.over-blog.net/article-7313458.htmlhttp://mangelune.over-blog.net/article-7313426.htmlhttp://mangelune.over-blog.net/article-7313458.htmlhttp://mangelune.over-blog.net/article-7313426.html


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Jacques regarde Sarah et sourit.

JACQUES

Sarah ?

SARAH

(sans se retourner)Hmm ?

JACQUES

Je t'aime.

Sarah se retourne et lance un regard furieux Jacques.

SARAH

(choque)Tu t'en fous de ce que je pense ?

Jacques est boulevers par la rponse.

Mthode franaise professionnelle

En trouvant par miracle une poigne de scnarios de film/srie franais, on dcouvre qu'il ne faut enaucun cas dcrire de faon aussi dtaille les vnements. Un peu comme au thtre, place auxdialogues, les lieux et les actions tant surtout dtaills en tout dbut de squence.

Contrairement donc ce qu'on croit souvent quand on dbute, les scnarios franais ne sont pasaustres mais se veulent des morceaux de littrature (ce qui me fait personnellement ricaner, enfin...).Ils ont toutefois le mrite de ne pas voler la vedette au ralisateur qui reste libre de filmer comme ill'entend.

06 CHAMBRE SARAH - INT.JOUR

(Sarah, Jacques)Une chambre des plus banales, avec un grand lit douillet, une table de chevet et un bureau. Sarah,replie sur elle-mme, fume pour se dtendre. Jacques lit en toute innocence.

Tout coup, Jacques, gocentrique, s'autorise un lan d'amour.

JACQUES

Sarah, mon amour ?

SARAH

Qu'est-ce qu'il y a ?

JACQUES

Rien. Je t'aime.

SARAH

Tu te moques bien de ce que je pense, n'est-ce pas ?

Mthode amricaine

L, finie la posie et les longues didascalies. Les Amricains vont l'essentiel. Le dbut de lasquence installe la scne, le reste n'est que dialogues, ponctus de trs rares indications de jeu.Difficile croire quand on voit le travail sur le mouvement ou le jeu des oeuvres anglo-saxonnes, etpourtant tout cela est dcid par le ralisateur a priori. Chacun son rle en quelques sortes.

INT. CHAMBRE DE SARAH. JOUR(Sarah, Jacques)UNE CHAMBRE ORDINAIRE. SARAH FUME, ASSISE. JACQUES LIT, COUCHE.


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JACQUES

Sarah ?

SARAH

Hmm ?

JACQUES

Je t'aime.

SARAH

T'en as vraiment rien foutre de ce que je pense !

Note de conclusion

Bon alors videmment tout a n'est que suppositions et dductions. Peut-tre les scnaristes franaisprofessionnels peuvent-ils se permettre ces liberts une fois leur statut enterrin (par une oeuvrevendue par exemple) ? Je crois nanmoins que la peur de faire un travail de commande et non de lel'Art, associ au besoin de sduire inhrent tout march comptitif les conduit au contraire des

Amricains plus de littrature, au risque de contaminer ensuite leurs propres dialogues. Je penseque ce qu'il faut surtout retenir c'est que votre prose doit tre claire, limite au ncessaire et qu'il nefaut pas voler son travail au ralisateur. Cela vitera peut-tre qu'il se sente oblig de rcrire vosdialogues en reprsailles...

Dialogue 3 : le conflit

Bien, un bon dialogue doit avoir une voire plusieurs fonctions qui cachent partiellementdu sous-texte. Quelle est l'origine du sous-texte ? Le conflit et par l les relations depouvoir entre les hommes.

Ce qui est dj assez vrai dans la vie l'est encore plus dans la fiction. En scnario, leconflit est la base. Sans conflit pas d'enjeu, pas de risques. Le conflit est motiv par lepouvoir : qui le dtient, qui le veut et comment chacun va-t-il s'efforcer de l'avoir. Surcette base il existe une multitude de possibilits : la force, la manipulation, la sduction,etc. Mme des personnes qui s'adorent essaient d'obtenir l'ascendant sur l'autre et lesdiscussions refltent toujours les relations d'influence qui les lient.

Un exemple : une personne parle de politique et essaie de convaincre l'autre de cequ'elle croit vrai. L'autre peut essayer d'imposer son point de vue, ou bien amenersubtilement son interlocuteur changer un peu sa vision des choses. Elle peut mmecouter batement ce que l'autre dit, ce qui ne signifie pas qu'elle est passionne par lediscours mais qu'elle garde son nergie pour plus tard, qu'elle veut montrer un aspect

tolrant de sa personne ou qu'elle veut prouver combien elle l'aime (impressions qu'ellepourrait utiliser plus tard son avantage). Tout dpend de ce qu'elle cherche dans cettediscussion. Elle peut aussi se faire craser par le verbiage de l'autre et ronger son freinen attendant la fin.

Le secret est donc de crer le sous-texte partir de cette ide simple : on ne prononcepas une phrase sans un but prcis, lui-mme li aux relations de pouvoir existantes. Unromantique veut sduire, un timide veut se protger, un innocent veut comprendre pourpouvoir matriser un peu mieux la situation, etc.

Une des consquences de cette vision est que rien n'est gratuit. Les informations ou lesservices sont prcieux et seront utiliss par ceux qui les dtiennent comme autant demoyens de pression. Bien sr, payant ne veut pas systmatiquement dire rmunr enbiens physiques, mais personne ne donne sans esprer en tirer bnfices. Par exemple,la religieuse qui offre sa vie aux pauvres le fait pour se donner bonne conscience.
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Tout l'intrt de cette faon d'aborder le dialogue est de dcrire de faon raliste toutesles tapes. Une fois que vous aurez dtermin quels sont les buts des protagonistes,vous pourrez choisir pour chacun une ou plusieurs stratgies, comprendre comment etpourquoi ils ragissent chaque argument de leur "adversaire", et en filtrant cetteraction avec leur faon de parler crer les lignes de votre dialogue.

Dialogue 2 : le sous texte

Qu'est-ce qu'un bon dialogue ? Si on regarde le chapitre sur les fonctions, un bondialogue a un ou plusieurs buts : faire avancer l'histoire, donner des informations,caractriser les personnages, apporter des motions. Il existe nanmoins un autre pointessentiel : un bon dialogue doit contenir du sous-texte.

Le sous-texte est la partie immerge de l'iceberg, ce que le personnage ne dit pas maisqu'on peut essayer de deviner. Le sous-texte ce n'est pas ce que le personnage pense etqui ne transparat en rien dans ce qu'il dit. Si je vous dis brusquement "j'aime le pain"

vous ne saurez jamais qu'en fait je pense que les conflits dans le monde m'inquitent,par contre vous pourrez vous dire qu'en fait je me fous de votre gueule avec ma phraseabsurde. Voil du sous-texte.

Tout le monde ment. Personne ne dit ce qu'il pense vraiment, c'est bien trop dangereux.Consciemment ou non, les mots que nous prononons ont un but / une raison, et c'estcela le sous-texte. Le dragueur qui parle de sa passion pour les potes romantiques nepense pas aux potes, il pense l'effet que cela aura sur sa future conqute. S'il lui dit"j'ai envie de baiser", la fille fuira. Le gamin qui dit sa mre qu'il aime les bonbons neveut pas que celle-ci le connaisse mieux mais qu'elle lui en offre. S'il ne dit pas "achtemoi un bonbon" c'est parce qu'il prfre que ce soit elle qui le lui propose, pour ne paspasser pour un gosse capricieux et risquer de perdre son amour.

Tout est une question de psychologie. Nous n'aimons pas nous mettre en danger vis visde l'autre. Nous n'aimons pas passer pour le mchant. Nous n'aimons pas non plus fairedu mal (exemples clbres : "tu sais je te vois plus comme un ami" ou "ce n'est pas toi,c'est moi"). Nous pouvons mme projeter sur l'autres nos penses honteuses ("tu nem'aimes pas autant qu'avant") pour ne pas les assumer. Ajoutons cela le fait que lacible du discours peut le comprendre de travers ("mais pourquoi tu ne m'as pas ditclairement que tu voulais faire l'amour ?").

Pour composer un bon dialogue, il est donc ncessaire de savoir ce que chaquepersonnage veut et de bien comprendre sa faon de voir les choses pour envisager sesractions et son angle d'approche. Il faut ensuite s'efforcer de ne pas lui faire diredirectement ce qu'il pense, mais de le faire deviner par celui avec qui il converse et lespectateur. Une longue conversation est trs difficile mener car les objectifs despersonnages varient au fur et mesure de la discussion en fonction de ce que l'autre ditet de la faon dont ils le comprennent.

Une tactique consiste donc crire un dialogue au dpart uniquement sous forme desous texte ("il essaie de la faire culpabiliser", "elle fait semblant d'tre intresse") pourensuite le rcrire sous sa vraie forme.

Dialogue 1 : les fonctions du dialogue

Qu'est-ce qu'un bon dialogue ? On peut dire qu'un dialogue sert :

- Dfinir les personnages : personne ne parle de la mme faon, n'emploie les mmes
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expressions, n'a les mmes convictions. Les personnages ne se diffrencient passeulement par leur physique mais aussi par ce qu'ils disent et la faon dont ils le disent.

- Apporter des informations / faire avancer l'histoire : les deux sont lis dans le meilleurdes cas.Un dialogue peut se contenter de donner des informations : a donne souvent des

phrases assez plates, comme "au fait tu te souviens qu'on a un anniversaire samedi ?" oule fameux "vous voulez parler du fameux livre mythique qui est sens indiquerl'emplacement d'un trsor ?" (entendu dans RIS).Un dialogue peut aussi faire simplement avancer l'histoire : nous savons pourquoi le

personnage agit et pourquoi l'autre ragit comme ils le font. Exemple : un personnageprend un rendez-vous. C'est gnralement assez plat puisque nous n'apprenons rien denouveau, mais parfois ncessaire.Le meilleur advient lorsque nous apprenons quelque chose et que cette information fait

avancer l'histoire, bouleverse les plans du personnage et nous laisse dans l'attente de cequ'il va faire ensuite. On apprend que tel personnage tait l le soir du meurtre, que tellefemme n'aime plus le hros, que le patron l'a convoqu pour le virer.

- Donner un point de vue : c'est un aspect risqu du dialogue, et pourtant tellementtentant. Le personnage se met parler de sa haine de la peine de mort, de son amourpour la paix dans le monde, ce genre de choses. Ce n'est bien men que lorsque ledialogue met bien en vidence le fait que ce point de vue a ses lacunes, ses illusions,bref qu'il a t intrioris par le personnage et n'est pas la manifestation du savoiromniscient du scnariste. Il est aussi trs important d'intgrer ce discours l'histoire etde ne pas le faire tomber du ciel. Le protagoniste peut aussi ragir et s'opposer unevision trop monolithique ; aprs tout, les monologues n'ont pas vraiment leur place dansun film ou une srie.

- Apporter une touche dramatique (au sens large) : le grand discours du tueur qui faitfroid dans le dos, le trait d'humour qui n'a d'autre but que de faire peur, rire, pleurer,

etc. Le but du dialogue est ici de provoquer une raction du spectateur. C'est encore unefois bien meilleur quand c'est intgr l'avance de l'histoire mais dans des cas commecelui des sitcoms (au vu du nombre de gags qu'il faut caser) quelques carts sontinvitables (l'humour est le plus touch par l'ide de gratuit).

Les trois actes

Pour mon premier article sur les techniques de l'criture scnaristique, je vaiscommencer par la base mme de cette discipline, la structure en trois actes, hrited'Aristote et du thtre et qui pourtant se trouve encore d'actualit.

Pourquoi une structure ? Il ne s'agit pas (il ne s'agit jamais en criture) de s'imposer uncarcan tout prix mais d'avoir des bases pour se simplifier la vie mais aussi pours'imposer des contraintes, contraintes qui auront souvent pour effet de titiller lacrativit (un peu comme en posie avec les rimes). C'est ce qu'on appelle unecontrainte crative.Pourquoi trois actes ? Parce qu'il s'avre encore maintenant qu'il s'agit l de la forme laplus pure d'criture narrative (scnario, roman, etc.).

Alors il ne s'agit pas l de la forme bien connue Introduction, Dveloppement, Conclusion; cette structure est bien trop bancale. En fait Introduction et Conclusion n'ont pour butque de donner des informations et pas de faire avancer l'histoire (on prsente le dcorsou on dmontre les consquences de l'histoire). Hors un scnario doit avancerdramatiquement, il ne peut pas se contenter de stagner (je rpte une dernire fois, je

parle ici d'un scnario traditionnel).
http://mangelune.over-blog.net/article-6010164.htmlhttp://mangelune.over-blog.net/article-6010164.html


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- Le premier acte nous prsente donc le dcors, mais en les dramatisant, avec del'action. A la fin, on doit placer un vnement qui bouleverse la vie du personnageprincipal, qui lui donne un but difficile atteindre et qui le motive tout le long des deuxactes suivant.- Le deuxime acte nous montre le personnage en qute d'un nouvel quilibre et setermine par un rebondissement qui donne une nouvelle direction cette qute ; le

personnage est forc de remettre en question son objectif.- Le troisime acte est le plus court et nous dcrit la dernire tape de la qute :l'opposition se fait presque insurmontable, il reste peu de temps et le personnage se voitconfront une ultime preuve dans laquelle il doit mettre toutes ses ressources, pourfinalement triompher ou chouer sans retour possible.- On peut la limite ajouter une courte conclusion afin que le spectateur ait en main tousles lments ncessaires pour comprendre le film ou pour qu'il se repose aprs tous cesrebondissements. C'est ici qu'on peut ajouter la coda, un moment qui ne sert rien etqui est juste esthtique (le hros sur une plage regardant le soleil couchant...).

Un exemple assez pur de construction en trois actes se retrouve dans les films degangster : le but pour le personnage est de devenir "quelqu'un". Il commence plein de

rves et durant le 1er acte il se fait embaucher par un gangster : il comprend alors quecette voie est faite pour lui. Dans le 2me acte on nous montre comment il gagne enconfiance et en importance pour finalement se dbarrasser de son patron et s'installer sa place. Enfin, le 3me acte nous montre sa chute et se termine par la mort dugangster. Pas de conclusion faire, la fin du 3me acte suffit. On a l'ascension, l'apogeet la chute.

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