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THESE Présentée par Gabrielle Bouleau Pour obtenir le grade de Docteur d’AgroParisTech Sujet : La gestion française des rivières et ses indicateurs à l’épreuve de la directive cadre Soutenue publiquement le 8 juin 2007 Devant le jury suivant : Co-directeurs : Claude Millier AgroParisTech Jacques Theys Ministère de l’Equipement, des Transports et du Logement, DRAST Rapporteurs : Laurent Thévenot EHESS Julie Trottier University of Newcastle Examinateurs : Philippe Vervier CNRS Univ. Toulouse, LEH Michel Meybeck Université Pierre et Marie Curie Christophe Bonneuil CNRS Centre Koyré tel-00161257, version 1 - 10 Jul 2007

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  • THESE

    Prsente par

    Gabrielle Bouleau Pour obtenir le grade de

    Docteur dAgroParisTech

    Sujet :

    La gestion franaise des rivires et ses indicateurs lpreuve de la directive

    cadre Soutenue publiquement le 8 juin 2007

    Devant le jury suivant :

    Co-directeurs : Claude Millier AgroParisTech Jacques Theys Ministre de lEquipement, des Transports et du Logement, DRAST Rapporteurs : Laurent Thvenot EHESS Julie Trottier University of Newcastle Examinateurs : Philippe Vervier CNRS Univ. Toulouse, LEH Michel Meybeck Universit Pierre et Marie Curie Christophe Bonneuil CNRS Centre Koyr

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    A Wanda, Rose et Sylvie, des passeuses de frontires leur manire.

    Ce travail de recherche a t ralis avec le concours de lAgence de lEau Seine-Normandie

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  • Rsum La directive 2000/60/CE tablit un nouveau cadre pour une politique communautaire dans le

    domaine de leau. Elle fixe des objectifs de bon tat cologique des milieux aquatiques. Elle

    impose une optimisation et une planification des actions de restauration avec des chances

    prcises. Pour les institutions franaises de gestion de leau, dont les agences, il sagit de

    passer dune obligation de moyens consacrs des quipements une obligation de rsultats

    mesurs par des indicateurs biologiques peu utiliss pour la dcision aujourdhui.

    Ces indicateurs sont de curieuses constructions cheval entre lingnierie et la biologie et la

    littrature abonde dlments opposant ces deux mondes. Dun ct les ingnieurs de la filire

    eau dimensionnent et grent des ouvrages grce des indicateurs. Ils ont pour hritage un

    pass de conqute et ralisent des projets efficaces penss hors du temps. De lautre, les

    pcheurs et les biologistes ont le souci de la vie au quotidien avec une observation

    mticuleuse et domestique. Ils ont de la curiosit pour des tres vivants ignors des normes et

    certains dentre eux ont fait de lcologie une revendication politique bien ancre dans les

    proccupations du jour. Au-del des diffrences de culture, lopposition entre la filire eau et

    les amateurs de milieux aquatiques est aussi un rapport de moyens. La filire eau bnficie

    dun budget propre de prs de 20 milliards deuros par an. La gestion du patrimoine piscicole

    a bnfici dans ses meilleures annes dun budget de 10 millions deuros, mais elle disparat

    aujourdhui pour se fondre dans le rgime commun des agences de leau.

    On ne peut cependant pas rester sur ce constat dopposition entre ingnieurs et biologistes

    pour comprendre les indicateurs biologiques. Le pouvoir critique de la biologie qui met en

    lumire des tres anormaux a rgulirement induit des ractions des filires de gestion qui

    ont tabli de nouvelles normalits ces tres drangeants. Pour tudier ce passage de

    relais, jtudie les organisations de gestion de leau et leurs outils comme des institutions au

    sens dAnthony Giddens (Giddens 1987), cest dire des combinaisons entre un rfrentiel de

    sens, des rgles de droit et des moyens. Ce niveau structurel auquel les acteurs se sont

    habitus continue dvoluer sous linfluence de mdiateurs mobilisant de nouveaux rseaux

    (Latour 1989). Jtudie ainsi comment sont mises en mots, en nombres, en variables et en

    modle (Desrosires 2003) des spcificits auxquelles des naturalistes sont attachs. Jtudie

    galement le lien entre ces modles et la lgitimit politique de laction publique (Foucault

    1978-79).

    Je retrace ainsi la trajectoire conjointe de quelques outils de reprsentation des rivires sur le

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    Rhne, sur la Seine et sur lensemble du territoire et lhistoire de la mise en place des

    institutions de la pche, des agences, des diffrentes lois sur la nature, la pche et leau. Cette

    pope me permet didentifier des stratgies et contextes communs aux diffrents promoteurs

    et assembleurs dindicateurs biologiques.

    Je mintresse alors aux pratiques de gestion de deux agences de leau pour comprendre leur

    faible utilisation des indicateurs biologiques. Je montre lexistence de plusieurs rfrentiels de

    gestion dans ces organismes. Je montre aussi le grand degr dindtermination des dossiers

    avant leur stabilisation lors de lattribution de subvention. Les stratgies dassemblage

    inventes par les gestionnaires ont des similarits avec celles mises en uvre par les

    biologistes pour parler au nom des rivires. Elles permettent ladaptation et lapprentissage.

    Me dplaant alors au niveau europen, je relate comment la directive cadre a t adopte. Ce

    rcit me permet de qualifier le contexte politique qui accompagne les nouvelles modalits

    dvaluation. Je conclus alors sur lenjeu des valuations partisanes dans une perspective

    pluraliste pour dconstruire et mettre en dbat les indicateurs de gestion des rivires.

    Mots cls

    Agence de leau, catgorisation, commensurabilit, directive cadre, cologie, gestion,

    indicateur, institution, politique publique, rfrentiel, sociologie des sciences.

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  • Abstract __________________________________________________________________________________

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    Abstract

    European directive 2000/60/CE establishes a framework for Community action in the field of

    water policy. It states objectives of good ecological status for water bodies. Cost-effective

    measures of protection and restoration should be planned and enforced within a tight

    schedule. In France, State institutions of river management used to design and support actions

    considered as ecologically positive. But performance of the river policy was never assessed.

    Ecological assessment and biological indicators were not processed for decision making.

    Biological indicators can be seen as freak sets. Indicators are basically tools used by engineers

    and managers to make trade-offs. Whereas biology deals with life and death, that are

    incommensurable. According to the literature, engineers and naturalists have little in

    common. Engineers are considered as modern figures of conquerors, looking for efficacy,

    regardless of politics. Fishermen or biologists on the contrary are seen as inquiring observers,

    willing to alert people of ecological threat. The first benefit from important financial means,

    the latter have much less economic power.

    However, biologists and engineers sometimes happened to work on the same issues. Several

    abnormal beings which did not fit in management models were identified by biologists and

    then enrolled in normal management procedures. To study how biologists hand over to

    managers, I consider institutions as social constructions which can change. Using Anthony

    Giddens theory of structuration (1987), I focus on structures of signification, legitimation and

    domination that are embedded in both organisations and indicators. I follow the historical path

    of outsiders (Becker 1985) who rallied peoples interest in new ecological problems by

    networking (Latour 1989). I enlighten which conditions help them to change institutions. I

    make the link between models and legitimacy of public policy (Foucault 1978-79).

    I relate the intertwining trajectories of river models and laws dealing with rivers. Such an epic

    reveals common strategies and contexts of people engaged in creating and promoting

    biological indicators. Four steps of indicators construction can be stated : wording, numbers

    setting, variables setting and modelling (Desrosires 2003).

    Then I focus on French water agencies to understand why they do not rely on biological

    assessment for their decisions. I propose to analyse their ways of thinking and ways of doing

    in three sets which correspond to three different advocacy coalitions (Sabatier et Jenkins-

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    Smith 1993) dealing with water management. I explain that actors in agencies can be seen as

    playing a strategic game with non-stabilised projects. The way they reorganise projects to

    fulfill constraints and seize opportunities is quite similar to the way biologists organise

    biological information to speak for rivers. Such practises are fruitful for adaptation and social

    learning.

    Then looking at the European level, I present the political context which gave birth to the

    water framework directive. It explains what is going to change in terms of evaluation. Not

    only criteria of assessment are changing but the whole scene of justification is getting more

    and more uncertain. My conclusion is that advocacy evaluations are needed to deconstruct

    and discuss indicators that will be used for managing rivers.

    Keywords

    advocacy coalition, categorisation, commensurability, ecology, indicator, institution,

    management, policy , social studies of science, water agency, water framework directive.

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  • _________________________________________________________________________ Table des matires

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    Table des matires

    RESUME 4

    ABSTRACT 6

    TABLE DES MATIERES 8

    REMERCIEMENTS 12

    AVANT-PROPOS 15

    PETIT GLOSSAIRE ECOLOGIQUE 22

    INTRODUCTION 24

    1. LES DEFIS DE LA DIRECTIVE CADRE VUS DU COTE FRANAIS 24 1.1. LA GESTION DE LA QUALITE DES RIVIERES EN FRANCE 25 1.2. LES RACTIONS FRANAISES LA DCE 31 1.3. LA REACTION DE LA DIRECTION DES ETUDES DE LAGENCE DE LEAU SEINE-NORMANDIE 36 2. JUSTIFICATION DU DETOUR EMPRUNTE POUR LA THESE 38

    CHAPITRE 1. ENQUETER DANS LE MONDE FRANAIS DE LEAU ET DES MILIEUX

    AQUATIQUES 44

    1. LE CHOIX DUNE APPROCHE SOCIALE 46 1.1. EN QUOI LA GESTION DES COURS DEAU EST-ELLE UNE QUESTION SOCIALE ? 46 1.2. LA PART VECUE 49 2. LA FILIERE EAU 49 2.1. AUTONOMISATION DE LA FILIRE EAU 49 2.2. LA CULTURE DES INGENIEURS DANS LA FILIERE EAU 52 2.3. DES REGLES DE DROIT QUI ENTRETIENNENT DES DISTINCTIONS DE ROLES 61 2.4. LES RESSOURCES FINANCIERES DE LA FILIERE EAU 65 3. LES SPECIALISTES DES MILIEUX AQUATIQUES 69 3.1. LE MONDE DE LA PCHE AMATEUR EN EAU DOUCE 70

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    3.2. LES NATURALISTES 81 4. CONCLUSION DU PREMIER CHAPITRE 95

    CHAPITRE 2. CADRE THEORIQUE DANALYSE DES INSTITUTIONS DE GESTION DES

    RIVIERES 98

    1. UN CADRE SOCIOLOGIQUE POUR ABORDER LES MODES DE GESTION DES RIVIERES 99 1.1. LEGITIMITE ET INSTITUTIONS 99 1.2. LEGITIMITE POLITIQUE DES ORGANISATIONS ET DES PERSONNES 105 2. UN CADRE SOCIOLOGIQUE POUR ABORDER LES INDICATEURS ET LEUR LEGITIMITE 113 2.1. LA SOCIOLOGIE DES SCIENCES PERMET DABORDER LES INDICATEURS COMME DES INNOVATIONS QUI SE STABILISENT 113 2.2. LA SOCIOLOGIE DE LA QUANTIFICATION PERMET DE DETAILLER LES EFFETS SOCIAUX DE LUSAGE DES INDICATEURS 115 3. METHODE DINVESTIGATION 119 3.1. LE CHOIX DUNE ANALYSE QUALITATIVE SUR LES PRATIQUES DE QUANTIFICATION 119 3.2. TRAVAILLER SUR DES OBJETS PUBLICS 125 3.3. DIVERSITE DU MATERIAU DINVESTIGATION LIEE A LEVOLUTION DU QUESTIONNEMENT 128 3.4. DIFFICULTES RENCONTREES ET SOLUTIONS APPORTEES 136 4. CONCLUSION DU CHAPITRE 2 139

    CHAPITRE 3. INSTITUTIONNALISATION DE LA GESTION ECOLOGIQUE DES

    RIVIERES EN FRANCE 142

    1. LA CREATION DES AGENCES FINANCIERES DE BASSIN 143 1.1. QUELLE FENTRE DOPPORTUNIT POUR UNE PROPOSITION DE LOI SUR LE PROBLME DE LEAU ? 145 1.2. DE LA NATURE CONOMIQUE DES AGENCES FINANCIRES DE BASSIN 159 1.3. LA MISE EN MODLE DE LA POLLUTION 167 2. LA REACTION DU MONDE DE LHYDROBIOLOGIE 175 2.1. LA DIVISION QUALIT DES EAUX , PORTE-PAROLE DES PCHEURS 175 2.2. LA MISE AU POINT DE LINDICE BIOTIQUE 180 2.3. VERS DES INDICATEURS PLUS DETERMINISTES 200 3. LE MONDE DE LA PECHE CEDE LE PAS A LECOLOGIE 203 3.1. LA FENTRE DOPPORTUNIT DES PIREN GRANDS FLEUVES 203 3.2. LA LOI PCHE DU 29 JUIN 1984 211 4. LHYDROSYSTEME RHONE ET LA LOI SUR LEAU DE 1992 218

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  • _________________________________________________________________________ Table des matires

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    4.1. LCOLOGIE CONTESTATAIRE ET SCIENTIFIQUE SORGANISE LYON 218 4.2. LA MISE AU POINT DU CONCEPT HYDROSYSTME 227 4.3. LA LOI SUR LEAU DU 3 JANVIER 1992 236 4.4. LA MISE AU POINT DE LINDICE POISSON 238 5. LE BIOREACTEUR SEINE ET LA DIRECTIVE ERU DE 1991 242 5.1. UNE MODLISATION SCIENTIFIQUE NON-CONTESTATAIRE SORGANISE PARIS 243 5.2. LES MODELES DU PIREN SEINE 250 5.3. LA DIRECTIVE EAUX RSIDUAIRES URBAINES DE 1991 253 6. LA TRAJECTOIRE SOCIALE TYPE DES INDICATEURS BIOLOGIQUES 257 7. CONCLUSION DU CHAPITRE 3 265

    CHAPITRE 4. LES AGENCES DE LEAU ET LEVALUATION ECOLOGIQUE DES

    RIVIERES 267

    1. LE MONDE DE LAESN SELON J.-B. NARCY 269 2. TROIS REFERENTIELS DE GESTION DE LEAU DANS LES DEUX AGENCES (AESN ET RMC) 271 2.1. LE REFERENTIEL EQUIPEMENT 273 2.2. LE REFERENTIEL CONCERTATION 276 2.3. LE REFERENTIEL ECOLOGIE 279 3. CARTOGRAPHIE ET HISTORIQUE DES REFERENTIELS AU SEIN DE LAGENCE SEINE-NORMANDIE 281 3.1. METHODOLOGIE 282 3.2. REPRESENTATIVITE DE LECHANTILLON 283 3.3. UTILISATION DES REFERENTIELS PAR LE PERSONNEL DE LAESN 285 4. UTILISATION DES REFERENTIELS AU SEIN DE LAGENCE RHONE-MEDITERRANEE-CORSE 295 4.1. UN REFERENTIEL EQUIPEMENT POUR LE MILIEU RURAL 296 4.2. UN REFERENTIEL CONCERTATION DOMINANT 299 4.3. UN REFERENTIEL ECOLOGIE TRES PRESENT MAIS ENCORE EN CONSTRUCTION 303 5. LEVOLUTION DU REFERENTIEL EQUIPEMENT DANS LES DEUX AGENCES 307 5.1. INSTITUTIONNALISATION DU REFERENTIEL EQUIPEMENT AU SEIN DE LAESN 308 5.2. LES SPECIFICITES DU REFERENTIEL EQUIPEMENT AU SEIN DE LAERMC 321 6. ARBITRAGE ENTRE REFERENTIELS 327 6.1. LEVALUATION DES PERSONNES 327 6.2. DES PROJETS EN CONSTANTE REDEFINITION 329 6.3. LE PARTAGE DES CONTRAINTES 332 6.4. LA RESOLUTION DES CONTRAINTES 334 7. CONCLUSION DU CHAPITRE 4 339

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    CHAPITRE 5. LEPREUVE POLITIQUE DE LA DIRECTIVE CADRE EUROPEENNE SUR

    LEAU 344

    1. STATUT JURIDIQUE ET CONTENU DE LA DIRECTIVE CADRE 345 1.1. LENVIRONNEMENT, UNE COMPETENCE COMMUNAUTAIRE NON EXCLUSIVE 345 1.2. UNE DIRECTIVE PRISE A LA MAJORITE SELON LA PROCEDURE DE CODECISION 346 1.3. UNE DIRECTIVE CADRE DANS LE DOMAINE DE LEAU 348 1.4. CONTENU DE LA DIRECTIVE CADRE 349 2. ANALYSES POLITIQUES DE LA DCE 351 2.1. LANALYSE INTERGOUVERNEMENTALISTE 353 2.2. LA DCE DU POINT DE VUE FONCTIONNALISTE 364 2.3. LANALYSE NEO-INSTITUTIONNELLE 373 3. LA DEUXIEME EPREUVE DE LA DIRECTIVE CADRE 381 3.1. TROIS CONCEPTIONS DE LEVALUATION DUNE POLITIQUE PUBLIQUE 382 3.2. LINDTERMINATION DU POINT DE VUE SOCITAL DANS LE NOUVEAU PLURALISME 387 3.3. LINDTERMINATION DE LA SANCTION 390 4. QUI EVALUERA LA MISE EN UVRE DE LA DIRECTIVE CADRE ? 392 5. CONCLUSION DU CHAPITRE 5 395

    CONCLUSION GENERALE 400

    ANNEXE 1 : EVOLUTION DU DROIT COMMUNAUTAIRE DE LEAU 407

    ANNEXE 2 : QUESTIONNAIRE ENVOYE AU PERSONNEL TECHNIQUE DE LAGENCE

    DE LEAU SEINE-NORMANDIE 421

    ANNEXE 3 : LES REGLES RELATIVES A LA GESTION DE LA TRESORERIE DES

    AGENCES DE L'EAU 425

    ANNEXE 4 : LES CONTENTIEUX COMMUNAUTAIRES DE LA FRANCE 427

    ABREVIATIONS UTILISEES 430

    INDEX 432

    REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 434

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  • Remerciements Lorsquen 1998, jai souhait quitter mon poste dingnieur la DDAF de la Drme, un peu

    avant le terme rglementaire dune telle affectation, Ccile Avezard a accept de me

    remplacer et dcourter ses congs pour que je puisse la mettre au courant des dossiers en

    cours pendant quelques semaines de travail en binme. Je suis partie le cur lger davoir pu

    transmettre ce que je souhaitais tout en gardant un bon contact avec les acteurs drmois. Cest

    une grande chance de pouvoir partir quand on se sent un peu us . Cest une chance encore

    plus rare de bnficier dun relais de cette qualit.

    Jai t accueillie lENGREF de Montpellier par Michel Guinaudeau qui ma offert une

    grande autonomie de gestion de mon travail denseignement, dexpertise et de recherche.

    Lorsquen juillet 2001, jai voqu mon souhait de faire une thse sur la dimension politique

    des indicateurs de qualit des rivires, il a cru en ce projet et il ma dgag du temps pour le

    faire. Il a cru aussi en lintrt plus gnral davoir des ingnieurs en thse lENGREF

    chargs de coordonner des cours et ma encourage. Je me souviens que le 11 septembre

    suivant, il ma dit : cest vrai quon ne parle pas assez de politique dans cette cole

    dingnieurs . Je suis trs reconnaissante Claude Millier et Jacques Theys davoir accept

    de co-diriger ce travail qui allait un peu dans tous les sens.

    Jai une pense particulire pour Denis Ballay. Jai appris aprs son dpart de lENGREF le

    soutien institutionnel quil avait apport ce projet comme dautres activits menes

    Montpellier. Jaurais aim pouvoir le remercier et lui dire tout lintrt que jai eu dcouvrir

    ses recherches au cours de mes lectures et entretiens.

    Avant de me lancer dans de la recherche proprement dite, jai commenc par de lexpertise.

    Mais ce nest pas facile de se rendre utile dans le domaine de la gestion des rivires lorsquon

    a plutt une exprience dans la construction des rseaux. Je remercie Thierry Rieu de mavoir

    mis le pied ltrier sur les tudes affrentes la directive cadre et notamment de mavoir

    introduite dans le groupe dexperts europens WATECO.

    Au sein de lENGREF, lors de mes dplacements Paris, jai beaucoup apprci la

    collaboration avec lquipe RGTE anime par Laurent Mermet. Je suis heureuse davoir pu

    participer quelques sminaires et davoir trouv la porte ouverte chez beaucoup de

    chercheurs pour faire partager mes doutes sur la gestion, lvaluation et la prospective. De

    nombreuses ides de la thse ont germ dans le bureau passagers de lENGREF Paris,

    loccasion de vraies rencontres avec des collgues de Nancy ou Clermont, ou bien de

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    rencontres indirectes par messages interposs ou en consultant des ouvrages trouvs par

    hasard sur ce bureau.

    Je remercie Yann Laurans davoir pris la responsabilit dassocier lAgence de lEau Seine-

    Normandie cette aventure et Sarah Feuillette davoir facilit mes interventions et mes

    restitutions lAgence.

    A partir de 2003, jai associ mon travail de recherche un comit de thse qui ma

    normment apport. Outre Jacques Theys, Claude Millier et Yann Laurans qui suivent ce

    travail depuis ses dbuts, Alain Desrosires, Jean-Pierre Nioche et Philippe Vervier ont su par

    leurs critiques me mettre sur des pistes beaucoup plus intressantes que celles que jexplorais

    seule. Ces remarques trs pertinentes ont permis de construire une relation de grande

    confiance et une atmosphre trs constructive et trs motivante lors des runions de ce

    comit : jen remercie vraiment tous les membres.

    Jai entran dans mes recherches quelques tudiants qui ont accept de se pencher sur les

    comparaisons inter-bassins, la prospective, les balbutiements des IBGN ou sur les

    programmes dintervention des agences. Merci Isabelle, Pierre, Claire, Gauthier, Hilaire,

    Elsa, Sidonie, Laure, Thomas, Olivier et Aude pour leurs interactions fructueuses sur des

    sujets qui mtaient chers, merci tous les autres pour leur enthousiasme.

    A partir dun certain moment, le dveloppement de la thse est entr en concurrence avec mes

    activits denseignement alors quavant jy trouvais une certaine synergie. Je suis heureuse

    davoir pu rejoindre le Cemagref pour me consacrer la recherche. Je remercie

    particulirement Franois Lacroix que jai tourment avec mes tats dme. Jai trouv une

    quipe trs ouverte aux discussions pluri-disciplinaires. Jai en particulier bnfici de

    lclairage dAudrey Richard et de Carole Barthlmy qui mont fait comprendre ce qutait

    la sociologie. Cest agrable de pouvoir compter sur des professeurs particulires, doues

    dune grande coute.

    Il faut que jajoute que les entretiens que jai mens dans la partie trajectoire mont fait

    rencontrer des personnes exceptionnelles qui ont pass du temps mexpliquer des concepts,

    retrouver des vieux dcrets, des publications scientifiques. Tout en prservant leur

    anonymat, je tiens les remercier davoir accept de participer ce qui au dbut ressemblait

    une ouverture darchives et qui, de fil en aiguille, est presque devenu un roman policier.

    Je me suis faite aider pour tout ce qui touchait au traitement des donnes. Je dois une fire

    chandelle Mireille pour ses explications sur la rgression logistique, lAFC et le Chi2 qui

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    mont bien claire sur le chemin ardu des corrlations statistiques. Merci Yves Lunet pour

    son aide concernant les donnes collectes sur Seine-Normandie. Merci Jean-Pierre Chry

    pour la ralisation des cartes.

    Marc Babut, Yves Souchon et Christine Argillier ont t de prcieux interprtes biologistes

    pour comprendre les paradigmes cologiques et discuter de manire interdisciplinaire la

    trajectoire sociale des indicateurs biologiques. Laventure facettes a t passionnante. Le

    chapitre 4 de la thse en prsente les rsultats.

    Je remercie Philippe Dupont et Nicolas Delbreilh pour mavoir ouvert les portes de lAgence

    de lEau Rhne-Mditerrane et Corse et mavoir permis deffectuer des comparaisons entre

    les deux agences.

    Un jour, il faut conclure. Jai la chance dtre entoure de deux petites personnes qui savent

    me rappeler quil y a des choses passionnantes ct de la thse : Tu sais pourquoi il ne

    pleut jamais en Afrique, alors quil pleut souvent en France ? Cest parce quen France, il y a

    des bbs nuages qui pleurent souvent, alors quen Afrique, ce sont des mamans nuages et les

    mamans, a ne pleure jamais . Toutes les bonnes choses ont une fin. Je naurais pas pu

    achever cette thse si je navais eu le soutien de Xavier, depuis la quiche-maison qui attend

    quon mette les pieds sous la table, jusquaux discussions fondamentales sur un lment cl

    de la thse.

    Je remercie enfin les relecteurs et relectrices attentifs qui mont aide rendre ce document

    plus comprhensible. Je remercie les rapporteurs et examinateurs de leur attention pour ce

    travail.

    Je vous remercie tous, jespre que vous trouverez autant dintrt lire les pages qui suivent

    que jen ai trouv les crire.

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  • Avant-propos Cet avant-propos a pour objet de me situer en tant quauteur et prciser avec quelle motivation

    jai choisi ce sujet et la faon de le traiter.

    Aprs un parcours initial dominante biologique, je me suis oriente vers les sciences de

    lingnieur. Mon premier poste dingnieur la sortie de lENGREF a t un poste de chef de

    service dans une unit qui consacrait environ 70% de son temps de lingnierie publique

    hydraulique (irrigation, eau potable, assainissement), 10% de lingnierie rurale non

    hydraulique (btiments agro-alimentaires, lectrification rurale) et 20% de lexpertise

    administrative rgalienne1 (valuation de projet, montage financier, conseil).

    A mon arrive dans ce service, jai pris en charge la programmation dun fonds europen de

    dveloppement rural, et plus prcisment le volet environnement qui visait amliorer la

    qualit environnementale dun territoire en subventionnant les projets qui allaient dans ce

    sens. En principe, je devais recevoir des projets, vrifier leur ligibilit et les valuer. Pour ce

    faire, je consultais les personnes du service. Si nous jugions ces projets pertinents, nous les

    proposions un comit de programmation qui dcidait de lattribution ou non de la

    subvention. Mais en ralit, le service recevait peu de projets parce que les porteurs de projets

    ne connaissaient pas le programme europen et ses procdures et quen outre il y avait peu de

    porteurs de projet. De ce fait, nous passions beaucoup de temps impulser nous-mmes des

    projets, en essayant de convaincre des agents conomiques ou politiques de sengager dans

    des activits ligibles au fonds ou de modifier leurs projets pour quils deviennent ligibles.

    Au bout de deux ans, je fus amene justifier notre gestion de ce volet environnemental

    trois reprises.

    La premire fois, je fus rappele lordre par les responsables du programme europen, parce

    que la consommation des crdits relatifs au volet environnement tait beaucoup plus faible

    que prvue. Jai alors expliqu quil fallait respecter les rgles de co-financement avec

    dautres partenaires, ce qui faisait que les cots de transaction par dossier taient normes.

    Comme nous grions beaucoup de projets de faibles montants financiers, nous passions

    1 On distingue classiquement dans les services de lEtat, les tches rgaliennes qui font obligatoirement partie des missions de lEtat et qui ne sont pas factures lusager, des missions de conseil et dingnierie qui sont autorises mais non obligatoires et dont certaines sont factures.

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    beaucoup de temps pour finalement une programmation faible. La hirarchie proposa de

    rallouer les crdits sur dautres volets, je refusais parce que je pensais un gros projet qui

    pourrait tre ligible et qui consommerait tous les crdits. Il sagissait dune interconnexion

    de rseaux deau potable permettant daccrotre la scurit de lapprovisionnement en cas de

    scheresse sur une ressource.

    La deuxime preuve vint du service charg du tableau de bord de suivi des effets du

    programme. Il voulait savoir quelle amlioration de qualit du milieu avait permis

    linterconnexion. Jexpliquai que la qualit du milieu ntait pas amliore directement mais

    cela permettait de moins prlever dans une ressource qui tait menace. Nous dcidmes alors

    conjointement avec le service de coordination de mesurer limpact du projet en volume deau

    conomis sur la ressource menace.

    La troisime preuve arriva avec un consultant indpendant charg par la Commission

    Europenne dvaluer dans quelle mesure les projets financs par le programme profitaient

    autant aux femmes quaux hommes. Je rpondis que le plus gros projet tait un projet

    dadduction deau potable et que la desserte en eau ne distinguait pas le sexe des abonns.

    Mais les hypothses sous-jacentes chaque justification me tracassaient. Conserver des

    crdits que nous avions du mal dpenser ne pouvait se dfendre que sous lhypothse quil

    tait important pour notre service de grer ce fonds et de le consacrer des oprations que

    nous avions lhabitude de coordonner. Si largent avait t dplac sur dautres oprations, il

    aurait peut-tre plus profit des oprations plus environnementales, mais je savais aussi que

    la contrainte de dpenser vite ne pouvait tre satisfaite que pour de grosses oprations

    coteuses en investissement ce qui nest pas forcment le cas en environnement. A laune de

    la rapidit des dpenses, on risquait daffecter ces ressources des salles des ftes ou des

    routes de dsenclavement. O tait lintrt public ? Pour dire quune interconnexion allait

    amliorer une ressource en priode de scheresse, il fallait se placer dans un futur o la

    consommation deau allait augmenter, or linterconnexion allait contribuer cette

    augmentation. Quest-ce qui allait se passer si on ne faisait pas linterconnexion ? Enfin

    considrer quun rseau deau sert autant aux hommes quaux femmes, cest se placer au

    moment o ce rseau est construit. Parce quau moment de sa conception et de sa

    construction, il gnre surtout des emplois masculins. Le dveloppement rural idal tel quil

    tait conu dans le cahier des charges du fonds europen tait plus bas sur une conomie de

    service. Mais dun autre ct, les porteurs de projet de larrire pays concern par ce fonds

    europen ntaient pas en mesure de construire des projets innovants en matire de service

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    la hauteur des fonds qui avaient t allous. Lutilisation rapide de ces fonds favorisait le

    dveloppement dinfrastructures, qui une fois faites, permettraient aux acteurs locaux

    dinvestir ailleurs. Mais l encore cette rflexion supposait que le dveloppement ft toujours

    tributaire des infrastructures classiques c'est--dire quen comparant le taux dquipement

    entre les territoires, une zone sans autoroutes ft toujours une zone qui avait besoin

    dautoroutes (Garb 2004).

    Ma principale contrainte tait que je navais pas beaucoup de temps consacrer la recherche

    des donnes que jaurais aim avoir pour trancher. Les donnes disponibles taient celles qui

    taient utiles mon service, donc assez favorables au dveloppement dinfrastructures. Ctait

    en outre des donnes sur des moyennes et des lois gnrales alors que jaurais aim savoir si

    quelque chose de nouveau tait possible. Javais besoin dexemples de projets alternatifs qui

    avaient t des succs ailleurs. Nayant pas ces informations ou de manire insuffisante, jai

    fond beaucoup de dcisions sur mon apprciation personnelle des dires dexperts c'est--dire

    sur ma conviction que certains taient de bonne foi et dautres non. Jtais un peu

    schizophrne lorsque deux experts qui me paraissaient de bonne foi avaient des avis

    compltement divergents ou lorsque je ralisais que mon apprciation de la mauvaise foi de

    certains acteurs reposait sur une asymtrie des donnes : javais beaucoup dlments pour

    considrer que ce quun acteur denvironnement disait tait faux, alors que cet acteur avait

    trs peu de donnes disponibles gratuitement pour tayer son propos. De cette exprience est

    ne lenvie de prendre du recul pour rflchir cette asymtrie de donnes.

    Jai ensuite t charge denseignement et dexpertise lENGREF de Montpellier, pour

    former des ingnieurs amens occuper dans le public ou le priv des fonctions similaires

    celles que je venais de quitter. Javais en charge lenseignement de la gestion intgre des

    cours deau. Cet enseignement a t propice une certaine forme dexprimentation de

    concepts et de faons de faire une ingnierie plus cologique. Ces expriences furent

    soumises la triple critique de jeunes ingnieurs en qute de reconnaissance sociale - et donc

    parfois plus sduits par des filires prouves que par des innovations risques (Bouleau

    2004), danciens lves qui une fois en poste relevaient des difficults nouvelles et

    dingnieurs confirms en stage de formation continue curieux dcologie mais peu enclins

    remettre en cause des pratiques et des principes institutionnaliss qui les avaient lgitims

    pendant plusieurs annes. Dans ces deux expriences (DDAF et ENGREF), jtais implique

    au sens que je pouvais tre tenue responsable des checs dun projet, de linsertion

    professionnelle dun jeune ingnieur ou des tentatives de changement impulses par un

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    responsable de service.

    Cest lENGREF que jai commenc ma thse. Javais ma propre motivation pour rflchir

    sur lasymtrie des donnes en environnement. Jai cherch un partenariat pour une

    observation in situ de lutilisation des indicateurs. LAgence de lEau Seine-Normandie sest

    montre intresse par une rflexion sur les indicateurs et a accept de mouvrir ses portes.

    Mon travail dans cette agence na pas constitu une situation de responsabilit. Jai fait des

    propositions, jai interprt des situations, jai mis des avis sur des procdures mais je nai

    pas eu en assumer les consquences. Jai toujours pu distinguer mon bureau o je produisais

    des connaissances et lagence o je les restituais. Mes conclusions sont donc des

    constructions en chambre et non pas de la recherche-action (David 2000). Pourtant plusieurs

    auteurs prnent limplication du chercheur en recherche applique en avanant deux

    arguments, le premier dordre pistmologique et lautre dordre psychologique.

    Linscription de la recherche dans laction permettrait dapprhender la ralit des contraintes

    qui ne pourraient tre questionnes quen situation. De lextrieur, on serait menac par deux

    erreurs, lune de croire que tout peut tre chang parce quon ignore les risques que cela

    comporte pour des acteurs qui nabordent pas de manire extensive toutes leurs craintes en

    entretien, et lautre de croire que les contraintes qui ont t voques sont plus rigides quelles

    ne le sont en ralit. Ce nest que par une prsence soutenue sur le terrain et avec de trs

    nombreux entretiens que lon parviendrait la ralit parce que le recoupement des espaces

    d'action de chacun des interviews produit non seulement de la redondance, mais met chacun

    des interviews "sous pression" ou dans un rapport de concurrence comme fournisseur

    d'information ou de tmoignage (Friedberg 1999). Ce nest que par un aller-retour intensif

    entre limplication et le recul que le chercheur pourrait parcourir diffrents niveaux

    thoriques du fait au paradigme (David 2000) pour produire une vrit qui soit valide pour

    laction. Dans le domaine de lenvironnement, ce pragmatisme serait dautant plus pertinent

    que les connaissances y seraient beaucoup plus incertaines. Ces incertitudes mneraient des

    problmes dingouvernabilit, soit du fait dincertitudes scientifiques soit du fait de dsaccord

    sur les valeurs, dont on ne pourrait sortir dun point de vue pragmatique, quen crant une

    communaut de vues et de valeurs (Godard 1993; Theys 2003).

    Le deuxime argument en faveur de limplication du chercheur est quil ne serait pas possible

    de comprendre le sens vcu par les acteurs notamment dans une perspective de changement

    sans se mettre leur place (Friedberg 1999), sans tre affect par leur situation (Favret-Saada

    1990), c'est--dire trs concrtement sans assumer une part de ce quils assument. Ce nest

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    qu cette condition que lon pourrait parvenir la motivation vraie (y compris intime) des

    acteurs.

    Ces deux arguments sont lis aux objets de recherche. Ils me semblent tout fait pertinents

    lorsque lon cherche savoir comment des acteurs qui existent aujourdhui dans un contexte

    particulier pourraient changer de pratiques malgr le rseau de contraintes individuelles et

    collectives quils ressentent. Jai voulu mener ma recherche avec une vise diffrente pour

    savoir comment des acteurs - qui ont exist autrefois, ici ou ailleurs avaient pu construire

    une justification cologique qui rsiste aux arguments quon lui oppose habituellement. Je

    crois que le fait de savoir que quelque chose est possible ailleurs peut changer la faon de

    penser ici. A partir du moment o lon sait que dans certains pays les parents lvent leurs

    enfants sans fesse, labsolue ncessit de celle-ci devient quelque peu arbitraire. On accepte

    dautant plus de voir souffrir des animaux dlevage que lon est convaincu quil est

    impossible de faire autrement, ds lors que des modes dlevage diffrents existent, la

    question devient possible. Je pense que le cas tranger a une puissance critique qui peut

    branler les schmes cognitifs. Jen veux pour preuve que de nombreuses rformes

    institutionnelles sont motives la base par un exemple tranger, que lon pense aujourdhui

    aux rfrences rptes au modle social danois. Lexemple na pas la solidit

    pistmologique dune loi gnrale mais il ouvre des voies exploratoires (Yin 1994). Il

    contribue un effort de symtrisation des discours pour mettre en lumire les hypothses et

    les ressources qui permettent de discrditer lcologie et denvisager les hypothses et les

    ressources pour mieux la prendre en compte.

    Dans ces conditions, je ne suis pas implique mais engage. Cet engagement repose sur le fait

    quil ne me semble pas que lenvironnement soit caractris par lexistence dincertitudes. Je

    dirai plutt que lenvironnement est ce qui reste quand on a dfini toutes les vrits avec des

    conventions par discipline ou filire, cest un domaine o les institutions sont plus faibles et

    qui doit donc sappuyer sur beaucoup de cas pour montrer quil existe des exemples ou les

    conventions par discipline ne sont pas valides. Contrairement certaines tentatives qui

    cherchent construire une nouvelle philosophie politique pour admettre les lois de lcologie

    (Lafaye et Thvenot 1993), je pense quil ny a pas besoin dlever les animaux et les plantes

    au rang de la commune humanit pour trouver que la vie est meilleure quand on protge

    lenvironnement. Mon engagement consiste croire quil existe des raisons justes (au sens de

    Boltanski et Thvenot) de prfrer vivre avec certaines espces que sans.

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  • Conventions de rdaction

    Usage du je

    La thse est crite la premire personne du singulier. Limplication et lengagement de

    lauteur sont discuts en avant propos.

    Usage de litalique

    Trois types de citations sont distingus dans ce document. Les citations bibliographiques sont

    cites lintrieur des paragraphes en caractres droits et entre guillemets franais ( ainsi )

    quand il sagit de sources en franais ou dune traduction personnelle dune source en anglais

    rappele en note de bas de page entre guillemets anglais (this way). Les citations issues

    dentretiens sont isoles dans des paragraphes spcifiques avec une police diffrente (ainsi)

    avec une lettre et un numro correspondant la catgorie dappartenance de la personne

    interroge (Cf tableau 12, p.133). Les citations dextraits de lgislation ou de rglementation

    sont isoles dans des paragraphes spcifiques avec une police plus petite en italique galement

    (ainsi).

    Les notions qui sont dfinies en rfrence des auteurs ou que je dfinis moi-mme sont

    mises en exergue dans le texte par lusage de caractres italiques.

    Dans les citations en franais, les termes qui illustrent particulirement bien mon propos et

    que je souhaite souligner sont galement mis en exergue par lusage de litalique.

    Usage des majuscules

    Les institutions sont nommes avec des capitales initiales. Comme la thse porte sur la

    dynamique dinstitutionnalisation, c'est--dire sur le processus qui conduit institutionnaliser

    une chose, un groupe social, un indicateur ou une convention, il faut tablir un seuil arbitraire

    partir duquel on utilise la majuscule. Jai choisi dutiliser la majuscule initiale quand il me

    parat important de souligner que le mot est utilis en rfrence des reprsentations

    collectives ou des rgles de droit. Ainsi, la Nature voque la reprsentation sociale quun

    groupe se fait de la nature. Le Gnie voque limaginaire collectif associ au mtier de

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  • ____________________________________________________________________Conventions de rdaction

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    conception de travaux publics. Le Parlement Europen voque la fois lensemble des

    dputs europens, lorgane de dcision et les reprsentations sociales que diffrents groupes

    peuvent avoir de cette instance.

    Usage des encadrs

    Lusage courant rserve les encadrs des mises au point sur certaines notions dans un cours

    et considre gnralement que les lments venant lappui de largumentaire dans une thse

    doivent tre intgrs au texte, en vitant les prsentations de concepts ou de contexte qui

    sortent du cur de largumentation. Jai utilis dans ma thse plusieurs encadrs pour un

    usage un peu diffrent. Il sagit dillustrer des conceptions politiques ou techniques par des

    extraits de documents officiels.

    Usage des abrviations

    Un tableau des abrviations utilises est fourni la fin du document. Jai essay de toujours

    expliciter le contenu des sigles avant de les utiliser. Cest notamment le cas de la directive

    cadre europenne tablissant un cadre pour la gestion de leau que jappelle parfois la

    directive cadre, parfois la directive et parfois la DCE. Jen prsente le contenu en annexe.

    Pour viter une confusion entre les annexes officielles du texte de la DCE et les annexes de

    mon document, je numrote les premires avec des chiffres romains (conformment au texte

    de la DCE) et les secondes avec des chiffres arabes.

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  • Glossaire _________________________________________________________________________________

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    Petit glossaire cologique Biotope Un type de milieu

    Biocnose Ensemble despces vivant dans le mme biotope

    Climax Etat stable vers lequel tendrait voluer une biocnose non perturbe

    selon la thorie climacique.

    Ecosystme Ensemble compos de biotopes et de biocnoses associes

    Facteur

    abiotique

    Facteur cologique qui ne dpend pas des tres vivants (climat,

    gologie, altitude, )

    Hydrosystme Ensemble compos de biotopes et biocnoses aquatiques, semi-

    aquatiques et terrestres lis la prsence d'une nappe aquifre

    Ichtyofaune Faune piscicole, ensemble des poissons vivant dans un milieu

    Imago Insecte adulte. Certains insectes ne vivent dans les cours deau qu

    ltat de larves. Au stade imaginal (adulte), les insectes sont souvent

    ails et se dplacent hors du cours deau.

    Intrafcondit Proprit utilise pour caractriser lappartenance une mme espce.

    Les tres appartenant une mme espce peuvent se reproduire entre eux

    en conservant leur fcondit, les tres appartenant des espces

    diffrentes ne le peuvent pas.

    Invertbrs

    benthiques

    Insectes, mollusques ou vers vivant au fond des cours deau

    Lnes Anciens bras et zones inondables du Rhne

    Preferendum Prfrence dune espce pour une gamme de variation dun paramtre du

    milieu. Dans ces conditions, on note une plus grande abondance de

    lespce. Lensemble des preferendum dune espce constitue son habitat

    ou sa niche cologique.

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  • __________________________________________________________________________________Glossaire

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    Saprobique Relatif ce qui vit dans de la matire organique en dcomposition.

    Trait biologique Caractristique relative au mode de vie (alimentation, reproduction,

    repos) dune espce ou dun groupe despces. Cette caractristique est

    relie lhabitat de lespce. Elle peut tre code numriquement.

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  • Introduction Le sujet de cette thse a t dfini partir dune rencontre. Un groupe de travail de lAgence

    de lEau Seine-Normandie (AESN) menait une rflexion interne sur lvaluation et les

    indicateurs. De mon ct je souhaitais travailler sur la construction et lusage des indicateurs

    biologiques de qualit des rivires. La directive cadre europenne sur leau adopte en 20002 a

    constitu lopportunit de notre rencontre. En effet, dune part cette directive requiert lusage

    dindicateurs biologiques pour la planification et lvaluation de la gestion des milieux

    aquatiques, dautre part les agences de leau en France seront les services oprationnels de

    mises en uvre de la directive cadre. Or lusage dindicateurs biologiques par les agences de

    leau ne pas de soi. Je vais expliquer dans cette introduction la faon dont sont perues les

    difficults dusage des indicateurs biologiques par les agences de leau. Puis jexpliquerai

    pourquoi jai choisi de faire un long dtour avec cette thse pour prendre du recul sur ces

    difficults et proposer des pistes pour les surmonter. Ce choix mamne ne pas prsenter

    tout de suite le contenu de la directive cadre, en commenant mon travail sur la base des

    perceptions de cette directive du ct franais. Une prsentation plus gnrale de ce texte sera

    faite au chapitre 5 (p.344). Un rsum officiel de son contenu est prsent lencadr 4

    (p.350).

    1. Les dfis de la directive cadre vus du ct franais Pour aborder les difficults perues par les acteurs des agences de leau devant la directive cadre, il me parat ncessaire de comprendre quelle est lorganisation et la gestion actuelle de leau en France et de dterminer quels sont les acteurs concerns par la mise en uvre de la

    2 La directive cadre (2000/60/CE) adopte le 23 octobre 2000 par le Parlement europen et le Conseil, tablit un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau Parlement europen et Conseil (2000).

    "Directive 2000/60/CE du Parlement europen et du Conseil du 23 octobre 2000 tablissant un cadre pour une

    politique communautaire dans le domaine de l'eau". Journal officiel, nL 327 du 22/12/2000, p.0001 - 0073. Elle

    a t transpose en droit franais par la loi 2004.338 du 21 avril 2004. Jen dtaille le contenu et processus de construction au chapitre 5.

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  • _______________________________________________________________________________ Introduction

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    directive. Exposer toute la gestion de leau serait un peu ambitieux. Ce nest pas ncessaire pour mon propos. Je me limiterai la gestion des rivires. Jexposerai donc de faon brve un panorama de ces responsabilits telles quelles existent en France aujourdhui. Ceci me permettra de prciser le rle et la position des agences de leau. Puis jexposerai la faon dont les partenaires de ma recherche peroivent le dfi de la mise en uvre de la directive cadre.

    La gestion des rivires inclut la gestion des cours deau depuis les torrents jusquaux grands

    fleuves, de leurs berges et de leurs lits majeur et mineur. Je naborderai donc pas les lacs, ni

    les eaux souterraines, ni les lagunes, ni la mer. Bien entendu ces milieux sont en continuit

    avec les rivires, la distinction nest donc pas toujours aise et repose sur des conventions

    (limite de salure des eaux, lignes des plus hautes eaux, eaux closes3) qui peuvent voluer.

    Si lon se restreint la qualit des milieux aquatiques terrestres (ni les mers, ni les lagunes, ni

    les nappes, ni leau dans les tuyaux) alors on peut dresser un tableau rapide des principaux

    acteurs franais de la qualit des rivires permettant au lecteur non spcialiste de se reprer.

    Jomets volontairement les rfrences juridiques dfinissant les droits et rles ainsi exposs

    parce que je serai amene exposer leur volution historique dans le chapitre 3. Lexpos ci-

    aprs est le fruit de mon exprience personnelle dans un service dconcentr de lEtat et du

    travail men auprs des agences de leau Seine-Normandie et Rhne-Mditerrane-Corse

    dans le cadre de cette thse. Ces lments ont donn lieu deux synthses sur le paysage

    institutionnel franais de la gestion de leau (Bouleau 2003) et sur les lois sur leau (Bouleau

    2006c). Les lments tirs dautres sources mentionneront leurs auteurs.

    1.1. La gestion de la qualit des rivires en France

    LEtat surveille, autorise et contrle

    Les normes en matire de qualit des rivires sont largement conditionnes en France par la

    rglementation europenne. Le tableau 27 (p.418) rcapitule les diffrentes directives dans le

    domaine de leau. Ainsi les rejets en rivires sont contraints par les zonages issus des

    directives eaux rsiduaires urbaines et nitrates et par la rglementation sur les rejets

    3 Vestur, H., D. Guihal et P. Billet (2005). Eaux libres, eaux closes. Rapport du groupe de travail au ministre de lcologie et du Dveloppement Durable. Eau et milieux aquatiques, Paris: MEDD, mars 2005. 11p.

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  • Introduction ______________________________________________________________________________

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    industriels. Les eaux concernes par des usages piscicoles, conchylicoles, baignade et

    production deau potable sont soumises galement la rglementation communautaire. Les

    protocoles de mesure chimique sont harmoniss. Les sites naturels aquatiques remarquables

    pour leurs espces rares sont concerns par la gestion Natura 2000. Les ministres de la sant,

    de lenvironnement, de lagriculture, de lindustrie et du budget sont chargs de lapplication

    de cette rglementation complte par le droit franais. Leurs orientations conditionnent les

    travaux de deux services dconcentrs de lEtat qui agissent dans le domaine de la qualit de

    leau, le service unique de police de leau au niveau dpartemental4 et la DIREN (direction

    rgionale de lenvironnement) au niveau rgional.

    La lgislation consolide europenne et franaise ne suffit pas aujourdhui pour dterminer de

    faon univoque lobjectif de qualit dun cours deau et par voie de consquence lexigence

    ou la tolrance vis--vis des rejets dans ce cours deau et lambition dentretien ou de

    restauration cologique. LEtat, au niveau dpartemental, tranche (Cesari 2004). La police de

    leau autorise et contrle les prlvements et les rejets.

    La DIREN collecte des donnes sur lensemble des cours deau et est destinataire de

    lensemble des donnes dautosurveillance imposes aux installations classes5. Elle produit

    des synthses sur ltat des ressources en eau et des milieux aquatiques. Jusquen dcembre

    2006, le Conseil Suprieur de la Pche tait ltablissement public caractre administratif et

    technique sous la tutelle du ministre de lenvironnement charg de la surveillance du

    patrimoine piscicole6. Depuis la nouvelle loi sur leau et les milieux aquatiques7, le CSP est

    intgr au nouvel Office National de lEau et des Milieux Aquatiques (ONEMA). La

    4 Ce service interministriel est hberg tantt la Direction dpartementale de lagriculture et de la fort (DDAF), tantt la Direction dpartementale de lquipement (DDE) selon le chef de service qui lanime. Il runit des missions autrefois dvolues la DDAF, la DDE et la Direction dpartementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS).

    5 Les installations classes pour la protection de lenvironnement (ICPE) sont des sites susceptibles de polluer de manire importante et soumise de ce fait une lgislation spcifique exigeant entre autre un suivi du milieu rcepteur. La DRIRE (Direction rgionale de lindustrie, de la recherche et de lenvironnement) est galement destinataire des donnes issues des ICPE dont elle assure le contrle. En 2006 certaines rgions sont lobjet dune exprimentation de fusion entre DIREN et DRIRE.

    6 Les agents du CSP font plus que surveiller le patrimoine piscicole puisquils interviennent galement dans la police de leau (respect des autorisations de prlvements et de rejets, ). Leur mission dans ce cadre est dfinie par la MISE, la police de la pche et police de leau ayant t regroupe avec la LEMA (voir note suivante).

    7 LEMA : Loi sur leau et les milieux aquatiques n2006-1772 du 30 dcembre 2006

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    surveillance du patrimoine piscicole continue dtre faite par des gardes asserments qui

    interviennent ponctuellement sur des cas de pollution ou globalement pour alimenter un

    rseau de donnes : le rseau hydrobiologique et piscicole.

    Les bassins planifient, taxent et aident sous larbitrage de lEtat.

    Depuis 1964, il existe dans chacun des six grands bassins mtropolitains (voir figure 1), une

    agence de leau qui est un tablissement public sous la tutelle du ministre du budget et du

    ministre de lenvironnement. Ces ministres de tutelle dterminent les moyens dont

    disposent les agences (personnel et enveloppe maximale de leur budget8). Les objectifs de la

    politique de leau dans le bassin sont ngocis entre les ministres de tutelle et les instances

    de bassin. Ces instances de bassin sont le comit de bassin, o sigent des reprsentants des

    usagers du bassin nomms par le prfet9, et le conseil dadministration lu par le comit de

    bassin.

    Dans chaque bassin, un Schma Directeur dAmnagement et de Gestion de lEau (SDAGE)

    est labor conjointement par la DIREN de bassin10 et le personnel de lagence puis soumis

    lapprobation du comit de bassin. Il fixe les grandes orientations de la gestion de leau. Il

    prvoit dinterdire certains usages pour certaines eaux fragiles, de rserver certaines eaux un

    usage futur, etc. Ces orientations sont labores partir dun diagnostic qui utilise la

    connaissance disponible dans les diffrents services publics.

    Dans les limites fixes par les ministres de tutelle, le comit de bassin dtermine un

    programme quinquennal dintervention11. Ce programme fixe une ambition politique

    damlioration de la qualit de leau et des ressources pour les usages du bassin en conformit

    avec le SDAGE mais de manire oprationnelle et pour cinq ans. Il esquisse les projets

    ncessaires cette ambition et en value le montant. Il dtermine laide budgtaire quil

    8 Ce budget sera soumis au vote du parlement ds ladoption de la future loi sur leau. Il sagit dune disposition qui rpond une demande du Conseil Constitutionnel.

    9 Comme les agences ont un territoire cheval sur plusieurs rgions, lEtat dsigne une rgion dont le prfet est coordonnateur de bassin.

    10 La DIREN de bassin (ou dlgation de bassin) est un service rgional spcifique du Ministre de lEnvironnement place sous lautorit du prfet coordonnateur de bassin. Elle est dirige par un dlgu de bassin.

    11 Le calendrier de dbut et de fin des programmes quinquennaux des agences est commun aux six bassins.

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    allouera ces diffrents projets (dpenses). Le programme fixe les taux de redevance dus par

    tout usager du bassin en fonction de son impact (recettes). Les dpenses et recettes de chaque

    agence doivent squilibrer chaque anne12. Pour la priode 2003-200613, lensemble des

    agences disposait dun budget de 1,7 milliards deuros par an14.

    Les actions dans le domaine de leau se font linitiative des acteurs politiques ou

    conomiques locaux, par exemple une industrie qui construit un systme dvaporation pour

    traiter ses effluents, un syndicat de communes qui tudie une tarification incitant aux

    conomies deau, une association qui promeut la connaissance cologique dune fort

    alluviale. Lagence doit donc se tenir informe de projets prvus par dautres et tenter de les

    inflchir ou de les faire natre pour raliser ses objectifs. Aujourdhui les investissements des

    agences sont majoritairement ddis la dpollution et laccroissement des ressources en

    eau disponibles pour leau potable et lirrigation.

    Les usagers sont redevables ou non redevables

    Les usagers redevables auprs des agences sont des prleveurs-pollueurs identifiables par

    filires, industriels, agriculteurs, usagers domestiques, collectivits publiques qui en tant que

    tels sont reprsents dans leur comit de bassin. Selon leur niveau dimpact, ils sont soumis

    des autorisations ou dclarations dlivres et contrles par la police de leau et peuvent ou

    sont obligs deffectuer de lautosurveillance de leurs prlvements et rejets. Ces usagers

    versent des redevances lagence de leau au prorata de leur impact sur leau sur la base

    dindicateurs de pollution. Ils peuvent aussi recevoir des subventions de lagence de leau

    pour des projets amliorant la qualit ou la ressource en eau.

    12 Je reviendrai au chapitre 5 sur le niveau de contrainte et les marges de manuvre lies ces dispositions.

    13 Programme exceptionnellement rduit quatre ans du fait de la directive cadre.

    14 Sources Direction de leau, MEDD.

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    Figure 1 : Carte des six grands bassins mtropolitains franais. Leurs limites hydrographiques ne correspondent pas aux limites administratives des dpartements. Certains dpartements sont cheval sur deux ou trois bassins. Par exemple, la Lozre est en partie sur le bassin Rhne-Mditerrane-Corse, en partie sur le bassin Adour-Garonne et en partie sur le bassin Loire-Bretagne.

    La drivation de leau pour la production dhydro-lectricit (force motrice) ou la navigation

    fait partie des usages soumis redevance. Le refroidissement des centrales thermiques et

    nuclaires est pris en compte par le systme agence sous forme dune redevance sur la

    consommation deau vapore. En revanche, le fait de rchauffer leau ne donne pas lieu

    une redevance, ni la construction de barrages ni la construction de digues. Les installations

    correspondantes sont soumises la rglementation (police de leau, police des installations

    classes).

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    Le comit de bassin runit galement des reprsentants dusagers non redevables, associations

    de protection de la nature, associations de promotion de loisirs, reprsentants de collectivits

    ayant un impact sur leau infrieur au seuil de redevabilit15, reprsentants des Conseils

    Gnraux et Rgionaux, reprsentants de lEtat et de ses services.

    Les pcheurs professionnels sont trs peu nombreux en rivire. Les pcheurs amateurs ont un

    statut particulier. Ils sont obligatoirement regroups en association agre de pche et de

    prservation des milieux aquatiques (AAPPMA) et fdrs par dpartement en fdration de

    pche. Les fdrations de pche sont reprsentes au comit de bassin. Les pcheurs cotisent

    lAAPPMA, la fdration et au Conseil Suprieur de la Pche (CSP) pour financer la fois

    la promotion de leur loisir et la surveillance du patrimoine piscicole. La nouvelle loi sur leau

    en discussion devrait sparer ces deux missions.

    La navigation est gre indpendamment du systme agence, par les Voies Navigables de

    France (VNF), un tablissement public sous la tutelle du Ministre des Transports, qui prlve

    ses propres redevances sur les engins de navigation et sur les installations qui occupent le

    domaine public fluvial. VNF entretient ce domaine directement ou par concession en assurant

    notamment un tirant deau suffisant par dragage16. VNF et ses concessionnaires sont

    reprsents dans les comits de bassin.

    Tous ces usagers, redevables ou non, peuvent bnficier de subventions pour les actions quils

    initient permettant damliorer la gestion de leau du bassin. Pour cela ils constituent un

    dossier qui mentionne les caractristiques du projet et ses effets attendus sur le milieu. Ce

    dossier est examin par lagence au regard des critres fixs par le programme quinquennal.

    Si le dossier est ligible une aide et jug cohrent par la commission de programmation et si

    lagence dispose du budget correspondant, laction sera finance. Lagence vrifiera ensuite

    que les caractristiques prvues ont bien t ralises. Leffet sur le milieu nest pas vrifi

    action par action mais ltat du milieu est connu par lintermdiaire de la surveillance du

    bassin.

    15 Les habitants des communes produisant une pollution urbaine de moins de 200 quivalents habitants (EH) ne sont pas redevables. Dans certaines agences, ce seuil est port 400 EH.

    16 Ceci signifie que VNF vrifie la profondeur de leau dans le chenal de navigation par rapport un gabarit donn et le creuse si ncessaire.

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    Les riverains sont propritaires du foncier.

    Leau dun cours deau nappartient personne mais les berges et le lit sont des proprits.

    LEtat possde une partie du rseau hydrographique, historiquement la partie flottable ou

    navigable, mais cette situation a volu avec des parties du domaine public fluvial qui ont t

    dclasses. Le reste appartient aux riverains qui possdent chaque ct jusqu la moiti du

    lit. La proprit du lit entrane des obligations dentretien du milieu.

    Les communes riveraines peuvent tre matres douvrage dtudes ou de travaux et se

    substituer aux riverains pour lentretien. Cette comptence des communes peut tre dlgue

    un groupement de collectivits (syndicat de communes, communaut de communes,

    agglomration, ). Dans la mesure o ces tudes ou travaux sont raliss dans lintrt du

    bassin, ces structures peuvent recevoir des subventions de lagence dont elles dpendent

    gographiquement.

    1.2. Les ractions franaises la DCE

    Je ne prtends pas dans ce paragraphe quil existerait une voix franaise unique et cohrente

    sur la DCE. En revanche les experts franais scientifiques ou gestionnaires qui travaillent

    dans le domaine de leau donnent plusieurs clairages sur ce qui leur semble aisment

    transposable en droit franais, sur ce qui ncessite selon eux un changement important et sur

    la manire de sy prendre.

    Une directive inspire du modle franais

    La directive cadre prvoit dans son article 3 que le district hydrographique soit lunit

    administrative de gestion de leau. Plusieurs commentateurs ont salu ladoption de la

    directive comme une reconnaissance du modle franais de gestion de leau par bassins, avec

    des agences autonomes associant les usagers et des redevances permettant de mieux recouvrir

    les cots des services deau (Kaczmarek 1996; Franois-Poncet et Oudin 2000; Truchot

    2002). Mais ce satisfecit est rapidement nuanc par les mmes auteurs ou dautres qui

    insistent sur les dfis que cette directive a pos et pose encore la France. La gestion par

    bassin est une expression dune grande ambigut concernant le systme franais.

    Au niveau international, le modle franais signifie le modle des agences de bassin. Les

    autorits comptentes par district dfinies par la directive sont interprtes comme une

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    gnralisation du systme des agences franaises par les pays qui nont pas dadministration

    de bassin (Moss 2003). Or en France, les textes de transposition de la directive ont prcis que

    les autorits comptentes au niveau des districts seraient non pas les agences, mais les prfets

    coordonnateurs de bassin, aids des diffrents services dconcentrs de lEtat (DIREN,

    services de gestion et de police de leau). C'est--dire que les agences ne sont pas autonomes

    mais au service dun Etat qui sorganise pour tre pertinent sur un dcoupage par bassin alors

    quil est organis par dpartement17.

    La directive cadre demande (article 5 et annexe II) un tat des lieux des masses deau et

    des usages de leau dans chaque bassin. On peut penser que la caractrisation des eaux et des

    usages cette chelle est une tche rendue plus aise en France par lexistence de bases de

    donnes mises en place pour la perception des redevances ou pour ltablissement des

    SDAGE par les agences. Mais en ralit, les diffrents lments retenus par la directive pour

    la caractrisation (points de captage deau potable, zones protges, volumes consomms par

    catgories dusagers, ) sont autant dlments dtenus par des administrations diffrentes,

    souvent dpartementales mais aussi communales, qui nont pas t rassembles dans un

    dispositif commun de gestion de donnes aprs ltablissement des SDAGE. De plus les

    donnes utilises pour les SDAGE ntaient pas structures par masses deau et les rseaux de

    suivi doivent tre redploys sur le territoire pour assurer les cinq missions distinctes prvues

    par la directive : lvaluation des changements long terme (rseau de rfrence), le contrle

    oprationnel de leffet des mesures pour les masses d'eau qui risquent de ne pas atteindre

    l'objectif (masses d'eau contenant des substances prioritaires ou affectes par des rejets

    ponctuels importants ou des pollutions diffuses), le contrle denqute en cas de pollution

    accidentelle ou de non atteinte des objectifs, le contrle additionnel pour les zones protges

    et ltalonnage des mthodes de mesure entre pays (Stroffek 2002).

    Enfin, pour ce qui concerne les districts internationaux, la coopration entre les services

    franais et leurs homologues transfrontaliers au sein des Commissions Internationales (du

    Rhin, de la Meuse, de lEscaut ou du Lman) est gnralement reconnue comme insuffisante

    au regard de la directive (Meijerink 1998; Truchot 2002; Scarwell et Laganier 2003).

    17 Loi n 2004-338 du 21 avril 2004, dcret n 2005-475 du 16 mai 2005 relatif aux SDAGE et arrt du 16 mai 2005 portant dlimitation des bassins ou groupements de bassins en vue de llaboration et de la mise jour des schmas directeurs damnagement et de gestion des eaux et lannexe II (carte) - bassins ou groupements de bassins

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    Ainsi quil sagisse de dfinir les responsabilits ou de collecter linformation, la France nest

    pas tellement plus avance que les pays qui nont jamais eu de gestion par bassin.

    La participation du public

    Larticle 14 de la directive cadre exige que les tats membres encouragent la participation

    active de toutes les parties concernes la mise en oeuvre de la prsente directive . Le mot

    participation regroupe beaucoup de modalits diverses dassociation du public une dcision

    politique. Le tableau 1 prcise diffrents niveaux de participation du public dans la dcision

    politique. La directive cadre nest pas le seul texte qui exige lassociation du public

    plusieurs phases de la planification. La convention dAarhus18 exige dj que les citoyens

    aient accs gratuitement linformation sur les projets qui les concernent toutes les phases

    dlaboration. Elle a t transcrite en droit franais (par la loi n2002-285 du 28 fvrier 2002).

    La directive cadre ne fait donc que reprendre cette convention. Plus rcemment, la directive

    sur lincidence de certains plans et programmes 2001/42/CE transpose en droit franais par

    l'ordonnance n 2004-89 du 3 juin 2004 prvoit galement linformation du public et sa

    consultation sur les documents de planification relatifs lurbanisme et leau.

    Codcision Le public participe autant que lautorit la dcision

    Concertation Lautorit dfinit la marge de discussion que le public peut influencer par ses avis

    Consultation Lavis du public est recueilli, mais lautorit nest pas oblige den tenir compte

    Information Des lments dinformation sont mis la disposition du public par lautorit charge de prendre la dcision.

    Tableau 1 : Les diffrentes modalits dassociation du public la dcision politique. Il sagit des dfinitions thoriques proposes par Sherry Arnstein (1969) traduites en franais personnellement.

    Face ces nouvelles exigences de dmocratisation, la pratique franaise en la matire est

    juge minimaliste (Drobenko 2004). Pourtant, les documents de planification sur leau tels

    que les SAGE et les SDAGE ont fait lobjet de consultation. On pourrait donc avancer que la

    France a une exprience en la matire. Cependant certains experts sont trs critiques sur

    leffet de cette consultation passe et proposent quelle soit prcde dune identification des

    diffrents points de vue des acteurs et dune information minimum. Par exemple sur les

    enjeux deau potable, les experts prconisent une information pralable sur la localisation des

    points deau (Rinaudo et Garin 2002). Ceci est la condition pour quil y ait un rel dbat. Ces

    18 signe le 25 juin 1998 au Danemark par 39 tats

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    experts en soulignent le cot car linformation cote cher mais moins cher que des

    investissements inutiles (Barraqu 2001b). Pour dautres acteurs la consultation du public

    est une obligation de forme qui nimpose pas un rel dbat, pourvu que linformation ait t

    disponible.

    On peut conclure que la directive renforce le droit du public linformation mais que cette

    obligation na pas t saisie par le lgislateur franais comme une opportunit pour modifier

    les procdures de consultation sur les questions deau au niveau national. En ltat des

    procdures, la France rpond a minima aux exigences europennes en matire de participation

    du public.

    Des objectifs de qualit qui ncessitent une modlisation des processus

    cologiques

    La directive cadre impose des objectifs de qualit des milieux aquatiques qui seront vrifis

    par des critres biologiques (article 4 et annexe V). Le volet biologique de la directive cadre

    met en lumire deux lacunes de la gestion cologique des rivires selon les observateurs

    franais : les inventaires et leur exploitation fonctionnelle.

    Sadowski dplore le manque de suivi de la diversit biologique des milieux aquatiques

    franais (Sadowski et EWA 2002). Stroffek note que les systmes dvaluation de la qualit

    sont encore en dveloppement pour les aspects biologiques et que tous les compartiments ne

    sont pas suivis de manire systmatique (Stroffek 2002). Il faut noter en outre, que les indices

    existant en matire de biologie ne distinguent pas les diffrents milieux et utilisent un talon

    commun toutes les rivires. La directive impose un rtalonnage de ces indices par type de

    masse deau (Wasson et al. 2003).

    Mais pour de nombreux auteurs, ce qui manque le plus cest lutilisation de ces donnes pour

    modliser le fonctionnement cologique des milieux. La notion dtat cologique va bien

    au-del d'une simple valuation par des paramtres ; elle doit s'appuyer sur une

    comprhension des processus qui maintiennent le bon "fonctionnement" du milieu, dont

    dpendent les structures des peuplements (Sachon et al. 2002). Ces auteurs militent en

    faveur du dveloppement de modles de type pression-tat-rponse19 qui puissent calculer

    19 Je reviendrai plus longuement sur ce type de modle au chapitre 1 3.2

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    leffet dactions, comparer des alternatives et intgrer des projections dmographiques et

    urbanistiques (Chirouze et Chantepy 2002; Laurans et Roche 2002; Roche et al. 2002; Sachon

    et al. 2002). Ainsi pour ces auteurs, scientifiques ou gestionnaires, pour dimensionner les

    actions de restauration les plus efficaces au meilleur cot (conformment larticle 11 et

    lannexe III), les bassins franais doivent se doter de bons modles intgrant lcologie

    fonctionnelle. Cette recommandation soulve quelques questions. Lcologie fonctionnelle est

    ancienne, elle a connu un grand essor dans les annes 1980, des modles intgrant ces

    connaissances existent. Le problme nest donc pas la construction mais lusage de ces

    modles. Il sera intressant de se demander quelles sont les rticences des gestionnaires

    utiliser ces modles.

    Lobligation de rsultats : la grande nouveaut

    Larticle 4 de la directive cadre prvoit le classement des milieux aquatiques en deux

    catgories. Les masses deau fortement modifies devront avoir une bonne qualit physico-

    chimique dici 2015 (ou 2021 ou 2027 si les Etats obtiennent un report dchance). Les

    autres masses deau devront avoir bon tat biologique et physico-chimique dici 2015 (ou

    2021 ou 2027 selon les reports). Dans tous les cas et pour tous les milieux un objectif de

    qualit est assign et doit tre atteint au plus tard en 2027. Pour les acteurs des agences de

    leau, la directive cadre constitue une innovation par cette obligation de rsultats (Laurans et

    Abreu 2002). Il ne suffit plus daller dans le bon sens, il faut tre sr de parvenir destination.

    Les objectifs sont dfinis avec une chance. Il ne suffit plus de mettre en uvre la meilleure

    technologie disponible, il faut sassurer quelle soit suffisante pour que le milieu atteigne

    lobjectif de qualit (Barraqu 1997). Pourtant il existait dj des objectifs de qualit pour

    toutes les eaux en droit communautaire (76/464/CEE). La principale association

    professionnelle de leau en France note ce sujet : La France n'a jamais rellement

    transpos cette directive, estimant que sa rglementation sur les ICPE de 1976 suffisait 20.

    Mais ce manquement a donn lieu une condamnation de la France par la Cour de justice

    20 Groupe de rflexion directive cadre et politique de leau (dipoleau) de la commission Ressources en eau et milieux aquatiques de lASTEE, (Association Scientifique et Technique pour l'Eau et l'Environnement, ex-AGHTM, fonde en 1905).

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    europenne21.

    Labsence de considration relative lobligation de rsultat est caractristique de la tradition

    franaise dvaluation des politiques publiques. Ces valuations ne sont pas inscrites dans un

    droit permettant de sanctionner labsence ou linsuffisance de rsultat. En gnral, elles sont

    menes par un comit associant experts externes et acteurs impliqus, dans un processus

    dapprentissage collectif (Leca 1993; Perret 2001; Mermet et al. 2005). La publication de

    rapport dvaluation peut tre une mise en cause douloureuse pour des acteurs concerns mais

    elle ne se traduit pas par une sanction financire. Elle naffecte pas la planification budgtaire

    des services concerns.

    Ainsi la directive cadre donne lvaluation de la politique de leau en France un nouveau

    cadre juridique contraignant o la non atteinte des objectifs est tout fait chiffrable en terme

    de pnalits. Notons cependant que ces sanctions sappliquent lEtat dans son ensemble et

    que les textes de transposition nont pas prvu de rpercussion de la sanction financire un

    niveau local. La responsabilit tant celle du prfet coordonnateur, cest lEtat dans son

    ensemble qui assume la sanction le cas chant.

    1.3. La raction de la direction des tudes de lAgence de lEau Seine-Normandie

    Les ractions franaises voques plus haut ont t mises par des acteurs travaillant dans des

    organisations diverses, centres de recherche, administration centrale, agences. Ayant souhait

    approfondir ces questions par une thse applique, jai successivement pris contact avec ces

    organisations pour donner cette recherche un ancrage oprationnel et avoir un partenaire qui

    puisse dfinir un besoin de connaissance et ragir des propositions. Jai notamment

    recontact plusieurs personnes que javais rencontres dans le groupe dexperts europens sur

    le volet conomique (WATECO). Ma demande a concid avec une rflexion mene sur la

    directive cadre par la direction des tudes de lAgence de lEau Seine-Normandie. Un

    21 En n'adoptant pas de programmes de rduction de la pollution comprenant des objectifs de qualit pour les 99 substances dangereuses numres en annexe de la requte qui soient conformes aux prescriptions de l'article 7 de la directive 76/464/CEE du Conseil, du 4 mai 1976, concernant la pollution cause par certaines substances dangereuses dverses dans le milieu aquatique de la Communaut, la Rpublique franaise a manqu aux obligations qui lui incombent en vertu de cette directive Arrt de la Cour (sixime chambre) du 12 juin 2003.

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    partenariat a donc t engag en veillant ce que le travail de recherche puisse dboucher sur

    des recommandations trs oprationnelles pour lAgence. La plupart de ces recommandations

    ont t faites en marge de la thse, dans des groupes de travail sur lvaluation (Bouleau et

    Lunet de Lajonquire 2007), jen reprendrai quelques unes en conclusion du chapitre 4.

    Pour la direction des tudes de lAESN, la combinaison des exigences sur les objectifs de

    qualit et lobligation de rsultat ncessitait une rflexion approfondie sur les variables

    pertinentes prendre en compte pour le suivi, la modlisation et lvaluation. Cest donc

    autour de la notion dindicateur que le partenariat a t dfini.

    Un constat commun a t tabli : la question aujourdhui est donc : comment articuler suivi

    et valuation en construisant des outils adapts au contexte de l'agence (son histoire, ses

    comptences) et rpondant une meilleure prise en compte du milieu ? Comment proposer

    des indicateurs simples partir des donnes parpilles sur le milieu (slection,

    simplification) tout en tant explicite sur les biais introduits ? () Il va donc tre ncessaire

    de construire des outils permettant de dcrire diffrents tats possibles et leurs consquences

    sur les cots, sur les usages et sur l'cosystme afin de dialoguer sur l'objectif souhaitable puis

    de suivre l'effet des actions programmes pour atteindre cet objectif. Ces outils seront la

    frontire entre les sciences sociales et les sciences de l'eau. Ils doivent tre construits en tenant

    compte de ce qui existe aujourdhui lagence, ce qui existe dans dautres agences y compris

    ltranger et le fruit de recherches pluridisciplinaires sur ce sujet. Les questions souleves

    par l'exigence de rsultat en matire de bon tat cologique des cours d'eau sont donc :

    Comment accrotre les exigences de reprsentation du milieu naturel ? Comment associer

    dans la rflexion des indicateurs d'action (donc technico-conomiques) et des indicateurs de

    rsultats (donc sociaux et environnementaux) ? 22

    A partir de ce constat, la direction des tudes de lAgence a souhait que mon travail puisse

    laider construire de nouveaux indicateurs rpondant aux exigences de la directive

    cadre 23. Mais mes interlocuteurs et moi-mme savions bien que ce changement dindicateurs

    ntait pas facile. La thse de Jean-Baptiste Narcy, nourrie par des expertises menes sur

    lagence Seine-Normandie et bien connue de la direction des tudes de lagence, avait montr

    que la gestion financire de lagence privilgiait les infrastructures de dpollution au

    22 Extrait de la convention de subvention relative ce travail de thse par lAESN signe en 2004.

    23 Ibid.

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    dtriment des actions de restauration des milieux (Narcy 2000). Diverses valuations de la

    politique des agences avaient point lincertitude sur la performance de lpuration

    (Commissariat Gnral au Plan 1997; Bou 2000; Tavernier 2001). En interne lagence,

    plusieurs tentatives de construction de systmes dinformation permettant de lier la gestion

    comptable la performance environnementale avaient t menes et avaient chou. Un de

    mes interlocuteurs ma dit : il ne sagit pas de construire une nime usine gaz qui ne sera

    jamais utilise . Nous savions aussi que des indicateurs astucieux utilisant des donnes

    existantes avaient t rapidement labors sur le coin dune table par le pass (on ma cit

    entre autre le paramtre mtox de la redevance), mais que leur succs tenait un faible enjeu

    et un consensus entre les parties prenantes (ne pas investir davantage pour mesurer la

    pollution concerne, ne pas la facturer de manire trs leve). Le bon tat cologique des

    masses deau semblait un enjeu beaucoup plus fort et beaucoup moins consensuel.

    Ainsi, ladoption de la directive cadre europenne sur leau ma donn une opportunit pour

    discuter la construction et lutilisation des indicateurs biologique avec des gestionnaires. Cette

    opportunit ma permis davoir une raison dtre dans une agence, dassister des runions,

    davoir accs des rapports, de pouvoir faire des propositions et de voir les ractions,

    dadresser des questionnaires une grande proportion des employs de lagence, etc. Mais

    cette opportunit a fait natre une certaine tension : pour ces gestionnaires, lpreuve de la

    directive tait aborde en termes doutils alors que javais lintuition que cette preuve tait

    non seulement une question doutil, mais galement une question de mode de gestion et une

    question politique. Or questionner la politique franaise de leau et ses modes de gestion est

    un grand dtour pour qui cherche dfinir un nouvel outil.

    2. Justification du dtour emprunt pour la thse Ce dtour tait motiv au dpart par la volont de chercher des exemples dpreuves

    comparables, dans lhistoire rcente et dans des organisations proches. Pour comprendre

    lpreuve, il faut pouvoir entrer dans lorganisation de gestion et en sortir pour prendre du

    recul. Il faut savoir se rendre utile au quotidien pour observer les conflits, les tentatives

    dinnovation, les checs, pour bien apprhender les contraintes que les acteurs ressentent.

    Mais il faut pouvoir se dtacher de lorganisation pour penser son changement. Je crois que

    cette double contrainte de laccompagnement des groupes de travail de lagence et dune

    rflexion thorique plus large a t fructueuse tout au long de lanalyse.

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    Cette complmentarit de la rflexion interne et externe a permis notamment de remettre en

    cause les termes utiliss par mes interlocuteurs pour qualifier lpreuve de la directive cadre.

    Il me semblait au dpart quil y avait un large consensus pour qualifier cette preuve de

    passage dune obligation de moyens une obligation de rsultats. En ralit, la situation sest

    avre moins simple, car lAESN a eu des obligations de rsultats par le pass mais elles ne

    sont pas qualifies de cette faon aujourdhui. Par exemple, Elsa Priet a tudi historiquement

    lvolution des critres de financement et dvaluation des diffrents programmes des agences

    (Priet 2004). La priode 1987-1991 sest avre trs intressante. Pendant cette priode

    (cinquime programme dintervention) certains sites dont la pollution menaait certains

    usages ont t jugs prioritaires. Ils ont t stigmatiss sous lappellation points noirs . Les

    projets visant la restauration de ces points noirs pouvaient bnficier dune aide majore.

    Lagence annonait un objectif de rsultat : une proportion de rsorption de ces points noirs

    laquelle elle est effectivement parvenue. Nous avons soumis cette politique la critique du

    groupe de travail interne lagence sur lvaluation pour obtenir des ractions sur cette

    qualification obligation de rsultat . Cette politique ntait pas considre par ce groupe

    comme une obligation de rsultat parce que, selon ce groupe, lobligation venait du Conseil

    dAdministration de lAgence et non pas de lUnion europenne, il ntait pas mentionn de

    sanctions en cas de non atteinte des rsultats, les points noirs taient des sources de pollution

    et non pas des milieux, enfin tous les points noirs navaient pas t rsorbs et lon ne savait

    rien de ce qui se serait pass si ces points noirs navaient pas t financs. En allant chercher

    des donnes historiques sur la qualit des milieux la DIREN et en les couplant avec les

    donnes de financement de lagence, nous avons pu faire une valuation compare des sites

    points noirs et des autres sites, de lvolution de la qualit de lensemble du bassin (Bouleau

    et Lunet de Lajonquire 2007). Cette valuation a montr que la politique points noirs

    avait t efficace et mme efficiente, mme si sur la Seine les rsultats ont cot plus cher.

    Mais la prsentation de cette valuation au groupe de travail na pas puis la critique, ce qui

    a permis de mieux comprendre ce qutait un rsultat pour ce groupe :

    1) Un rsultat est un succs qui dpend troitement de lindicateur choisi pour le

    mesurer ; cet indicateur dfinit une marge de manuvre possible pour lagence. Les