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European Journd of Psychoiogy of Education 1988, Vol. III. n.0 1, 33-51 0 1988, I.S.P.A. 33 Tests de Performances: une Méthode d'Analyse des Stratégies de Résolution. Un Exemple: le Test de Cubes du WISC R. Marie-Catherine Beuscart-Zéphir Université de Lille III, Frazce Régis Beuscart INSERM, Paris, France Dans le cadre des approches cognitivistes, et en particulier des théories du traitement de l'information, nous avons essayé d'analyser les processus ou opérations mentales mis en jeu dans le test de cubes du WISC révisé. L'existence et la nature de ces processus seront inférées à partir de la détermination des stratégies qu'utilisent les sujets pour résoudre les problèmes du test. Pour ce faire, nous avons enregistré au magnétoxope des enfants scolarisés en 5ème lors de la passation du test. Pour chaque item on obtient une suite de manipulations, qui peuvent être codées, formalisées, et constituent aiors un protocole. L'analyse des protocoles met en évidence remploi de stratégies diverses, auxquelles correspond la mise en oeuvre de processus différents. Cela pourrait expliquer les liaisons hétérogènes observées entre les tests de cubes et les autres tests. Cependant, pour que le repérage des stratégies, et donc des procédés, soit possible en routine, on doit envisager d'auto- matiser ie recueit et le traitemmt des résultats au test. Introduction Depuis ses origines, la psychométrie se trouve confrontée à l'irritant problème de la validation. L'éternelle question uque mesure ce test?, a suscité des solutions empiriques qui permettent de la contommer, mais pas de véritable réponse qui satisfasse les théoriciens. Dans le domaine de l'intelligence en particulier, on a vu se multiplier les recherches, de type factorialiste essentiellement, qui ont donné naissance A des théories successives, ou descriptions structurales (e. g Spearman, 1923; Thurstone, 1938; Vernon, 1952; Guilford, 1967). L'approche cognitiviste (américaine) a ouvert des horizons nouveaux aux théoriciens de l'intelligence. Se plaçant dans la perspective des théories du traitement de l'information, Sternberg (1985) présente une théorie componentielie de I'intelligmce. Il postule (l'existence de trois types de processus: 1) Les umétaprocessus» (ametacomponents,) qui sont des processus d'ordre supérieur, destinés à la planilfication, à la gestion et à l'évaluation des actions au cours d'me tâche. Ces processus sont au nombre de 10.

Tests de performances: une méthode d'analyse des stratégies de résolution. Un exemple: le test de cubes du WISC R.; A method for analysing problem-solving strategies in performances

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European Journd of Psychoiogy of Education 1988, Vol. III. n.0 1, 33-51 0 1988, I.S.P.A.

33

Tests de Performances: une Méthode d'Analyse des Stratégies de Résolution. Un Exemple: le Test de Cubes du WISC R. Marie-Catherine Beuscart-Zéphir Université de Lille I I I , Frazce

Régis Beuscart INSERM, Paris, France

Dans le cadre des approches cognitivistes, et en particulier des théories du traitement de l'information, nous avons essayé d'analyser les processus ou opérations mentales mis en jeu dans le test de cubes d u WISC révisé.

L'existence et la nature de ces processus seront inférées à partir de la détermination des stratégies qu'utilisent les sujets pour résoudre les problèmes du test. Pour ce faire, nous avons enregistré au magnétoxope des enfants scolarisés en 5ème lors de la passation du test. Pour chaque item on obtient une suite de manipulations, qui peuvent être codées, formalisées, et constituent aiors un protocole.

L'analyse des protocoles met en évidence remploi de stratégies diverses, auxquelles correspond la mise en oeuvre de processus différents. Cela pourrait expliquer les liaisons hétérogènes observées entre les tests de cubes et les autres tests.

Cependant, pour que le repérage des stratégies, et donc des procédés, soit possible en routine, on doit envisager d'auto- matiser ie recueit et le traitemmt des résultats au test.

Introduction

Depuis ses origines, la psychométrie se trouve confrontée à l'irritant problème de la validation. L'éternelle question uque mesure ce test?, a suscité des solutions empiriques qui permettent de la contommer, mais pas de véritable réponse qui satisfasse les théoriciens.

Dans le domaine de l'intelligence en particulier, on a vu se multiplier les recherches, de type factorialiste essentiellement, qui ont donné naissance A des théories successives, ou descriptions structurales (e. g Spearman, 1923; Thurstone, 1938; Vernon, 1952; Guilford, 1967).

L'approche cognitiviste (américaine) a ouvert des horizons nouveaux aux théoriciens de l'intelligence. Se plaçant dans la perspective des théories du traitement de l'information, Sternberg (1985) présente une théorie componentielie de I'intelligmce. Il postule (l'existence de trois types de processus:

1) Les umétaprocessus» (ametacomponents,) qui sont des processus d'ordre supérieur, destinés à la planilfication, à la gestion et à l'évaluation des actions au cours d'me tâche. Ces processus sont au nombre de 10.

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34 M.-C. BEUSCART-ZEPHIR & R. BEUSCART

2) Les processus de performance («performance components»), d’ordre inférieur, qui interviennent dans l‘exécution des stratégies de résolution (ex: encoder les stimulus, inférer une relation entre ces stimulus, appliquer cette relation à de nouveaux stimulus),

3) Les processus d’acquisit:on de connaissances («knowledge-acquisition com- ponents») impliqués dans l’acquisition de nouvelles informations et leur stockage en mémoire à long-terme.

Cette théorie générale est appliquée à diverses situations (ex: résolution de problème, raisonnement inductif ou déductif.. .) et donne lieu à des descriptions plus spécifiques, qui détaillent les processus de performance impliques dans chaque tâche. Selon Cauzinille-Marmeche, Mathieu & Weil-Barais (1985), l’approche de Sternberg repose sur. deux hypothèses:

1) Les opkrations mentales fondamentales (performance components) sont en nombre limité.

2) Elles «sont mises en oeuvre de façon séquentielle. De ce fait, on peut faire une estimation des opérations en jeu dans les tâches particulières à partir de l’analyse des temps de réponsem.

Les autres théories componentielles de l’intelligence (Carroll, Brown & Snow, In Sternberg, 1985) présentent des analogies importantes avec la théorie de Sternberg, notamment en ce qui concerne les hypothèses fondamentales. Les vérifications expérimentales de l’adéquation des modèles sont donc en général de même nature: analyse des temps de réponse, accompagnée parfois d’une approche par les corrélats (c’est-à-dire une recherche de carrélation entre l‘efficience globale et le temps d‘exécution d’une opération élémentaire).

Ces théories cognitives de l’intelligence peuvent être appliquées au domaine de la psychom6trie. Dès 1976, Carroll soulignait que l’on pouvait considérer les situations psychométriques comme des tâches cognitives, devant être analysées commes telles. Considérant égalemekit les tâches psychométriques, Sternberg (1984) prône l’établissement d’une théorie 4 deux facettes» de l’intelligence, qui soit une synthèse des approches factorialistes et cognitivistes. Cette théorie suppose l’existence de deux aptitudes fondamentales (super-ordonnées aux méta- processus ou «metacomponents»): d’une part, l’aptitude à s’adapter (do deal with») aux exigences de la situation, aux nouvelles tâches, d’autre part l’aptitude à automatiser le traitement de l’information dans la situation donnée. Ces deux aptitudes fondamentales seraient plus ou moins développées chez les différents sujets, et permettraient d’expliquer les différences individuelles observées dans les tests d’intelligence, ainsi que les patterns de corrélations reliant ces tests entre eux.

Pellegrino et Kail (1982) soulignent aussi l’intérêt des études cognitives des tests. Ils dressent à propos des études factorielles le constat suivant: «(Elles) nous enseignent seulement que les gens qui réussissent bien dans tel test excellent aussi dans tel autre. Mais cela ne nous indique pas quels processus ont été utilisés pour résoudre les problèmes apparaissant dans l’un ou l’autre test.»

Adoptant l’approche par les corrélats et l’analyse des temps de réponse, ils s’attaquent au problème ardu de l’aptitude spatiale, et mettent à l’épreuve des faits expérimentaux des modèles issus de la psychologie cognitive. Leurs études mettent en évidence le grand nombre de voies ou stratégies que peuvent utiliser les sujets pour résoudre les problèmes psychométriques «saturés en facteur spatial» Il faut souligner d’ailleurs que ces tests spatiaux sont actuellement encore ceux qui souffrent le plus de carence interprétative théorique.

La multiplicité des stratbgies utilisables par les sujets, dans les tests, pose néanmoins un problème et constitue vraisemblablement i’une des limites des analyses componentielles, fondées sur l’analyse des temps de réponse ou des corrélations avec les tâches expérimentales classiques.

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TEST DE CUBES: STRATEGIES DE RESOLUTION 35

L'étude des stratégies est sans doute l'approche la plus intéressante des tests, mais c'est aussi la plus hétérogène quant aux mdthodes employées. En outre, la notion de stratégie n'est pas toujours clairement définie. Le plus souvent, les auteurs se réfèrent à des concepts classiques tels que stratégies globale/ana- lytique, fondés sur le mode d'approche de la tâche ou le type de traitement appliqué aux items d'information. Parfois, ils se réfèrent à des stratégies fondées sur le type ti'encodage ou de représentation en mémoire des items, et parlent alors de stratégie visuelle ou verbale.

Hunt (1974) s'est intéressé à ces problèmes de stratégies, par exemple lors d'une étude du test des Progressive Matrices, de Raven. Il réalise deux programmes informatiques destinés à simuler la résolution des PM. Ces deux programmes, à un stade d'élaboration donné, pcuvent aboutir à la même performance standard, en ayant utilisé des connaissances et des règles totalement différentes (résolution «perceptives ou «logique» des problèmes). D'où le titre évocateur de *son article: «Quote the Raven? Never more!.,

Cependant, si de nombreuses observations (par exemple Mc Leod, Hunt & Matthews, 1978; Forman, Sadowski & Basen, 1985), amènent les auteurs à constater l'extr&me variété des stratégies mises en oeuvre par les sujet's, il ne semble pas que des méthodologies adéquates aient été développées pour appré- hender ces stratégies. Or, il existe des méthodes d'analyse qualitative des conduites qui pourraient être appliquées avec profit aùx situations psychométriques.

On peul citer par exemple la méthode d'analyse de protocole, utiiisee par Neweiî et Simon (1972) et toutes les méthodes utilisées pour étudier et formaliser les strat6gies de résolution dans les situations problèmes (e. g. Mathieu, 1984). Il est possible de considérer la situation de test comme une situation-problème: on peut alors enregistrer toutes les opérations, mentales ou comportementales, effectuées par les sujets, afin de déterminer quelle voie ceux-ci ont utilisée pour aboutir à la solution ou échouer. Si on compare ensuite les protocoles entre eux, on peut avoir des indications fines concernant les différences entre sujets, différences quantitatives ou qualitatives. C'est cette méthode que nous avons choisi d'appliquer à une épreuve psychométrique qui s'y prête bien, le subtest des cubes dans le WISC R6visé WISC R).

Les tests de cubes

Le subtest des cubes du WISC R est dérivé du test original des cubes de Kohs. Mais au lieu de comporter quatre couleurs (bleu, jaune, rouge, blanc) il n'en comporte que 2 (rouge et blanc). Chaque cube a donc 2 faces rouges, 2 faces blanches et deux faces mixtes (rouge et blanc). Avec ces cubes le sujet doit reconstituer une série de 11 modèles formés de 4 ou 9 cubes.

!Selon Wechsler (1973) le test des cubes est le meilleur subtest de I'6chelle performance du WISC. «Sa corrélation est bonne avec l'échelle complète ... et c'est un des rares tests de performance qui apparemment, mesure effectivement la mêms sorte de chose que les tests terbaux.» Il s'agit donc pour Wechsler d'un excellent test d'intelligence générale.

Cependant l'examen des tables d'intercodlations du WISC R montre que si la corrélation du subtest des cubes avec la note totale et surtout la note à l'échelle de performance est excellente (respectivement .57 et .59), la corrélation avec l'échelle verbale (.46) est moins forte que celle des subtests «Complètenient d'image» et «Arrangement d'images avec cette même échelle verbale (respective ment .49 et .50).

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36 M.-C. BEUSCART-ZEPHIR & R. BEUSCART

On remarque en outre que la corrélation du test des cubes avec les 3 notes: . échelle verbale, échelle de performance et note totale, augmente de façon signi-

ficative avec l’âge. Les nombreuses analyses factoriellles du WISC R ont toujours mis en

évidence, pour les 11 groupes d’âge du test, 3 facteurs stables, dénomrn6.s en général: compréhension verbale, organisation perceptive et concentration (litt6rale- ment: indépendance par rapport aux tendances à la distraction, CFreedom from distractibility»). Chaque subtest a une saturation primaire importante dans un facteur et un seul. Le subtest des cubes a une bonne saturation dans le facteur «organisation perceptive». Cette saturation varie de .59 à .75 selon les échantillons de population examinés (Reynolds & Kaufman, 1985). Ce facteur organisation perceptive apparaît comme la dimension unique qui sous-tend l’khelle de performance.

Les cliniciens travaillant avec les tests de cubes ont souvent recommandé une analyse qualitative fine des performances. Decroly et Buyse, Bonnardel, ont élaboré des grilles d’observations permettant de noter le nombre de mouvements effectués par l’enfant, l’ordre de positionnement des cubes, etc ... . Malheureuse- ment, ces grilles se sont avérées difficiles à utiliser dans la pratique.

Néanmoins, la plupart des cliniciens ayant étudié qualitativement les per- formances aux tests de cubes s’accordent à reconnaitre l’existence de deux types de stratégies, souvent appelées globale/analytique ou concrète/abstraite (Galifret- -Granjon & Santucci, 1972). Dans la stratégie globale, le sujet n’analyserait pas la composition de la figure modèle et la reproduirait par essais et erreurs, corrigeant sa construction au fur et à mesure de son élaboration. Au contraire, dans la stratégie analytique, le sujet élaborerait une représentation du modèle qui dissocie la figure en n cubes; le sujet ayant identifié les cubes pourrait les choisir ou les orienter correctement avant même de les positionner sur l’aire de reconstruction.

Quelques études expérimentales ont tenté d’identifier quels éléments déter- minent le choix d’une stratégie. Par exemple, Schorr, Bower et Kieman (1982) utilisant le test de cubes de la WAIS, manipulent expérimentalement les configu- rations des dessins à reconstruire. Ils font varier le nombre d‘arêtes de cubes visibles à l’intérieur d’un dessin (une arete est visible quand une face ou une demi-face blanche jouxte une face ou une demi-face rouge). Ils font aussi varier systématiquement le type de cube à identifier (cube plein ou mixte rouge/blanc), et le degré d’achèvement de la matrice de reconstruction (la matrice est repré- sentée vide, ou presque achede: 3 cubes sur 4 sont dessinés).

La tâche du sujet ne consiste pas à reconstruire vraiment le dessin stimulus avec des cubes, mais à identifier sur ce dessin la nature et éventuellement l’orien- tation d‘un cube signalé par un astérisque dans la matrice de reconstruction. Dans ces conditions, on constate que ‘la rapidité de l’identification, et donc le temps total de traitement de l’information, varie en proportion directe du nombre d‘arêtes visibles. Les auteurs concluent que les sujets performants utilisent majoritairement une stratégie analytique: quand l’arête est visible, la couleur du cube est encodée immédiatement; quand l’arête n’est pas visible, le sujet doit segmenter la figure avant d‘encoder la couleur, ce qui augmente le temps de traitement. On constate également que les cubes pleins sont identifiés plus facilement que les bicolores car ils n’ont pas besoin d’être orientés. Enfin, le fait que la matrice soit presque achevée induit la plupart du temps une stratégie d’appariement globale, surtout pour les cubes pleins.

Ces résultats sont intéressants dans la mesure où ils identifient quels déterminants de la situation (du stimulus) peuvent dédencher l’utilisation de la stratégie mais, dans le même temps, on occulte les déterminants individuels qui

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TEST DE CUBES: STRATEGIES DE RESOLUTION 37

peuvent amener à 1"utilisation préférentielle de telle ou telle stratégie. De plus, les sujets ne sont pas en situation de test, et ne manipulent pas les cubes.

Jones et Torgesen (1981) en revanche, observent les sujets en situation réelle. Ils enregistrent au magnétoscope 120 sujets d'environ 7, 9, 11 et 17 ans a qui ils font passer le test de cubes du WISC R, et notent l'ordre de placement des cubes lors de la reconstruction. Ils font l'hypothèse que les sujets plus âgés tendent à imposer pour toutes les figures une stratégie analytique stable. Donc, l'ordre dans lequel ils reconstruisent les figures devrait être moins influencé par la nature du dessin à reconstruire que chez les enfants plus jeunes.

Les observations recueillies ne permettent pas de codirmer cette hypothèse: il y a autant de variabilité dans l'ordre de reconstruction des figures chez les enfants plus âgés que chez les enfants jeunes. En revanche, les résultats mettent en évidence une influence certaine du type de figure sur l'ordre de reconstruction. Ceci est tout à fait compatible avec les observations de Schorr et al.

Ces études confirment donc l'existence de deux stratégies, globale et analy- tique. Mais celles-ci restent grossièrement dkfinies et décrites. Et si on connaît mieux les déterminants externes (situationnels) du choix d'une stratGgie, on est toujours relativement ignorant des déterminants individuels. Peut-être faut-il pousser plus loin l'analyse des observations individuelles. Il se pose alors un problème de méthode d'analyse des protocoles d'observation. Dans ce cadre, les méthodes utilisées en psychologie cognitive pourraient être transférées à notre problème. En outre, nous pourrions utiliser le formalisme de l'approche Traite ment de l'Information pour décrire les stratégies. Par exemple, la stratégie ana- lytique pourrait être traduite dans les termes d'une analyse moyen-buts (Nguyen- -Xuan, 1979)'.

L'une des formalisations possibles est la suivante: -but final: reconstitution du modèle avec des cubes différents (ou avec

des cubes identiques orientés différemment). Pour réaliser ce but final, il faut savoir de combien de cubes est constitué le modèle.

-1er sous-but: identifier le nombre de cubes. Il faut également savoir quel type de cubes mettre en chaque position.

-2ème sous-but: identifier les n cubes, rouge (r) ou blanc @) ou mixte (m). Il faut enfin, quand c'est nécessaire (faces mixtes) repérer l'orientation du cube.

- 3ème sous-but: identifier l'orientation des cubes mixtes (m). Une fois que les trois sous-buts sont atteints, le but final est directement

réalisable. Si le sujet a procédé à l'analyse in extenso, il est capable de mettre correctement en position chaque cube. Le sujet peut en outre choisir de verifier l'adgquation de son analyse et de la réalisation correspondante à chaque stade de sa dématxhe.

Dans la stratégie globale au contraire, seul le but final est identifié. Le sujet s'engage directement dans le processus de reconstruction. Il assemble les cubes, vraisemblablement en utilisant des indices perceptifs (tâche de coordination visuo-motric;e, selon Rapaport, 1945) et il ne peut opérer de comparaison entre sa reconstitution et le modèle qu'après que l'assemblage soit suffisamment avancé. En cas de réussite, cette stratégie peut s'avérer rapide. Mais lorsque les items deviennent complexes, ou lorsque la comparaison entre la construction et le modèle est négative, le sujet doit procéder par tâtonnements. On retrouve alors la description d'une stratégie <par essais et erreurs,.

Soulignons enfin que les recherches cliniques ont toujours insisté sur la difficult6 de l'analyse, dans le cas des stratégies analytiques: à l'évidence plus les items deviennent complexes, plus il est difficile d'élaborer une =présentation mentale constitué de n éléments discrets, les in cubes, qui une fois assemblés, constituent une clbonne forme».

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Méthodologie

Sujets

9 sujets, âgés de 12 ans 6 mois ii 16 ans, d'âge moyen 13 ans 6 mois, ont ét6 choisis au hasard au sein d'une même classe de Sème d'un collège du centre ville de Lille.

Recueil des observations

Le test est passé dans les conditions standard. L'ensemble de la passation est enregistrée au magnétoscope grâce à un

système de vidéo légère fixe. L'observateur visionne ensuite les bandes d'enregistrement, au ralenti si

nécessaire, afin de pouvoir noter et coder chaque manipulation effectuée par le sujet. Cette mite de codes constituera le protocole à analyser.

Analyse des manipulations

L'analyse des observaiions nécessite l'utilisation d'un code qui permette de résumer l'information. Seuls seront pris en compte les mouvements «cubes en mains, ayant une pertinence pour la description des stratégies de résolution du problème. Seront ainsi éliminés: les tremblements de mains, les mouvements du corps, des jambes, les commentaires, soupirs, etc. ... (non pas que ces com- portements soient considérés sans importance, mais ils ne rentrent pas dans le cadre restreint de l'analyse menée ici).

LE code d'observation

(1) Les faces des cubes sont notées de la façon suivante: u n o n a ~ u u

r b

(2) Pour faciliter la notation, on imagine l'existence d'une grille hypothétique sur laquelle le sujet reconstruirait le modèle (cf. procédure similaire de notation pour le test des cubes de Goldstein et Sheerer). On peut ainsi noter la position de chaque cube dans la grille.

-Pour les modkles à 4 cubes

A ces 4 positions, notées PI, PII, PIII, PIV, on ajoutera une notation PO qui correspond à tout positionnement du cube en dehors de l'aire de recons- truction. Par exemple, un sujet a pris un cube, éventuellement a essayé de le placer, puis constatant une erreur, a remis ce cube de côté, l'a écarté et abandonné.

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TEST DE CUBES: STRATEGIES DE RESOLUTION 39

VI11

XI Y- XII

I

IV

VI1

X

-Pour les modèles à 9 cubes Pour certains items comportant 9 cubes, des sujets commettent l’erreur

de reconstruire un modèle trop haut (4 cubes de hauteur) aussi est-il nécessaire de prévoir une grille comportant des cases aditionnelles.

(3) Plusieurs catégories de mouvements sont identifiées: - choix du cube; -tourner le cube sur lui-même en changeant de face: mouvement note t; -changer le cube d’orientation sans changer de face. Ex: passer de ml à m2:

-positionner le cube dans l’espace de reconstruction du modèle (sur la

-assembler («coller») le cube aux autres: mouvement noté A;

mouvement noté 9;;

grille hypothétique): mouvement noté p x. Ex: p 1;

Le comportement «assembler» ne se limite pas au fait de faire «coller» le cube aux autres. Il signifie en général que la séquence concernant le cube assemblé est terminée. (L’assemblage peut être juste, conforme au modèle ou faux). Le sujet passe alors à l’étape suivante de la reconstruction et priend un autre cube.

- l’ordre de succession des manipulations est indiqué par des flèches. A l’usage, l’utilisation de ce type de code n’a posé aucune difficulté. Voir figare 1, un exemple de notation pour les items 5 et 9. (4) Définition de quelques mouvements élémentaires. En général, le sujet

ne va pas droit à la ,solution, mais effectue de nombreux retours arrière, à partir de l’une ou l’autre étape de reconstruction. Ces retours arrière peuvent donc être de profondeur variable:

les retours complets partent de la phase ultime de positionnement du cube, lorsque celui-ci est déjà assembIé aux autres. L e diagramme indiquera donc un retour d’un état Ax sur un état antérieur Ax-n. Le sujet reprend soit le cube qu?l vient de placer et assembler, soit un autre cube, soit plusieurs cubes, les sort de leur position (retour sur une phase de positionnement antérieure)< et reprend SUI’ ces cubes les manipulations initiales.

Les retours incomplets partent de la colonne centrale du diagramme, c’est-à-dire du moment où le cube a &té mis en position sur l’aire de recons- truction saris avoir encore été assemblé aux autres (cf. afigure 1).

Analyse des observations

Si on compare les diagrammes les uns aux autres, on s’aperçoit qu’ils présentent des caractéristiques structurales, qui permettent de les regrouper, de les typer.

1 -Les diagrammes de type a (figure 1)

Les diagrammes de type a se rencontrent majoritairement chez les sujets les plus performants, qui obtiennent les meilleures notes selon la notation standard. Ce sont les diagrammes les plus simples. Ils présentent les Caractéristiques suivantes :

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40 M.-C. BEUSCART-ZEPHIR & R. BEUSCART

Figure 1. Type a diagrams

Frédéric, i t e m 5

- (r! ( Z ) Ur?

- (mi t(r2- (ri przz - (hl t lb l t ( m 4 ) (m4ïpT i - (b) t(Ial)t(m31 : (m3) u n A4

Le sujet prend un cube rouge, le place en position IV. Puis il prend un cube mixte, le tourne pour obtenir une face rouge, place ce cube rouge en position III - il assemble les deux cubes rouges et obtient un état d'assemblage A2. Puis il prend un cube blanc, le tourne et obtient une face blanche, le tourne et obtient un mixte 4, qu'il place en position PI, et assemble aux deux autres: état d'assemblage A3. Enfin, il prend un cube blanc, le tourne et obtient un mixte 1, effectue une rotation sur la même face et obtient un mixte 3, qu'il place en position pII et assemble aux 3 autres cubes: état d'assemblage A4, item terminé.

Laurent, item 9

- ir!

Figure 1. Diagrammes de type a; exemples

Dans l'ensemble, ils comportent peu de manipulations. En cas de difficulté, il y a une augmentation des manipulations dans la colonne 1 (soit: avant de mettre les cubes en position).

Ces diagrammes comportent peu de retours arrière. Les retours arrière complets sont exceptionnels et toujours de faible amplitude (Ax + Ax-1). Les retours arrière incomplets sont également peu fréquents.

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TEST DE CUBES: STRATEGIES DE RESOLUTION 41

2 -Les d!iagramm8es de type b (figure 2)

Figure 2. Typa b diagrams

Figure 2. Diagrammes de type b: exemples

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42 M.C. BEUSCART-ZEPHIR & R. BEUSCART

Ces diagrammes présentent une configuration plus complexe que les pré-

Les manipulations en colonne 1 sont très nombreuses. On observe de nombreux cédents.

passages consécutifs sur une même position.

ex: ml -+ m2 --+ m3 -+ m4

Les retours incomplets à partir de la colonne centrale sont fréquents et tout aussi répétitifs que les manipulations dans la lére colonne:

ex: 3 3 p III - . + . - - -.

A. - *

m3 ‘c m2 - 9 2 p III - . - . ‘ ~ . - . -. - . m2 t m3 --m3 p III.. .

Les retours complets, à partir des états d’assemblage sont plus rares et toujours de faible amplitude (1 échelon). On note cependant que, en cas de difficulté, on peut voir apparaître une succession de retours d’amplitude 1, du type:

Ax -+ Ax - 1 // -+ Ax’+ Ad-1 + // + Ax”+ Ax”- l . . .

3 -Les diagvammes de type c (figure 3)

Ces diagrammes présentent une structure très différente des précédents et se rencontrent surtout chez les sujets en difficulté.

. Leur caractéristique essentielle est la pauvreté des manipulations en colonne 1 (le cube une fois choisi est souvent directement positionné, voire assemblé).

. Les retours incomplets sont en nombre limité.

. Les retours complets, en revanche, sont nombreux et peuvent être d’une grande amplitude: Ax -+ Ax - 2, voire Ax - 3... On observe des retours à l’état d‘assemblage O: Ax -+ Ao.

Afin de résumer l’information, et faire apparaître plus clairement les diffe- rences entre sujets, nous avons transformé les diagrammes en schémas, en ne prenant en compte que les manipulations concernant le positionnement des cubes et leur assemblage. Les mouvements antérieurs (hors du cadre de reconstruction) sont donc éliminés. Sur la ligne de base sont indiquées les faces des cubes et leur position sur la grille de reconstruction, chaque ligne suivante indique un état d’assemblage (A2 à A4 ou A9), chaque point sur une ligne indique donc le nombre et la qualité des cubes assemblés, à un moment t de la reconstruction.

On obtient ainsi trois ‘ensembles de schémas correspondants aux trois types de diagrammes. Ces schémas présentent eux aussi des caractéristiques structu- rales propres à chaque groupe.

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'TEST DE CUBES: STRATEGIES DE RESOLUTION 43

Figure 3. Type: c diagrams

Carole, i t e m 5

. --. /* - A " 4 A -

A3 8 . , / - - A - X'"4 /A3

-c A 4

Figure 3. Diagrammes de type C: exemple

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44 M.-C. BEUSCART-ZEPHIR & R. BEUSCART

1 -Les schémas de type a (figure 4)

Figure 4. Type a figures

Frédëric, i t e m 5

Laurent, item 9

r m3 m2 ml r r b b m4

PI PI11 PI1 pv ?VI prv OIY pVIII pVII

Note. AO: pas de cubes assemblés.

Figure 4. Schémas de type a: exemples

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'TEST DE CUBES: STRATEGIES DE RESOLUTION 45

Ils s'approchent de la droite idéale, qui exprimerait des positionnements et

Ces schémas caractkrisent les constructions des sujets les plus performants assemblages effectués toujours sans erreur.

mais aussi les réussites des autres sujets aux premiers items.

2-Les schémas de type b (figure 5)l

Figure 5. Type b figures

Djo*er, item 5

grxx ' pm PI1 pri px pr

.... droite idéale

Sylvie, i t e m 9

A4

a3

A2

A0

nZ n2 r m2 a3 b b r r ml m4 m4 mt m3 m3 m 2 m4 m3 m2 ml n3 104 m i

PI !>II P l 1 P I I I p1n 1>N ?VI pv pvm pr< $TI pm P m -I P m PI= um prn-1 p m pm pm em

Figure 5. Schémas de type b: exemples

Ces schdmas présentent par rapport aux précédents deux types de différences: la droite de réalisation, même lorsqu'elle est continue, accuse une pente plus faible. Ceci correspond à une augmentation des manipulations de cubes «en position», mais sans erreur d'assemblage;

la droite de réalisation présente parfois des ruptures, de forme particulière uen épi». Ces structures en épis correspondent aux retours arrière successifs d'amplitude 1, entre les états d'assemblage. Le sujet éprouve donc des difficultés

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46 M.X. BEUSCART-ZEPHIR & R. BEUSCART

à placer certains cubes, mais ne poursuit pas sa réalisation tant qu'il n'a pas corrigé son erreur.

Les schémas de type b peuvent apparaître chez les sujets performants, face à une difficulté, mais sont surtout caractéristiques de sujets très lents, aux notes standard basses, capables de rt5ussir tous les items mais hors des limites de temps imposées.

3-Les schémas de t ype c (figure 6)

Figure 6. Type c figures

Carole, i t e m 9

b b r e r m 2 b m Z m 4 n l r n 3 m 2 r m 2 b m 3 r r pn pr; px 911 pv PI11 pV1 ply pM PI11 "II pr '1 *II 'fv Drn g r 1 pv

Figure 6. Schémas de type C: exemple

Ils présentent une structure irrégulière, expriment une progression anar- chique vers la solution. La pente de la droite de réalisation est inégale, il y des ruptures importantes de cette droite.

Ces schémas témoignent de reconstructions s'effectuant sur des rythmes heurtés: le sujet assemble rapidement plusieurs cubes, constate une erreur, revient à un état très antérieur d'assemblage, reprend sa progression en hésitant davantage, d'où les diffémncos de pente de la droite. Cos schémas se rencontrent chez des sujets ayant une note globale faible, obtenue à partir de réussites sélec tives très rapides de certains items voisinant avec des échecs complets SUT d'autres items.

Interprétation

Il semble que les différences observées entre les sujets résultent, d'une part, d'un choix de stratégies, ou tout au moins de procédures, différentes, et d'autre part d'une réussite inégale dans la mise en oeuvre de chacune de ces procédures (ensemble d'actions constituant le mode de résolution).

1) Les diagrammes et schémas de type a sont finalement les moins discri- minants car ils espriment une reconstitution rapide et sans erreur. Les sujets sont capables de sélectionner d'emblée la face correcte et de l'orienter en un minimum de mouvements. Ils positionnent et assemblent immédiatement les cubes.

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TEST DE CUBES: STRATEGIES DE RESOLUTION 47

Dans les rares cas d’erreurs, celles-ci scnt détectées et corrigées dès le positionne ment (retours incomplets). Ces réussites parfaites, ou quasi-parfaites, ne sont guère parlantes, en particulier pour. les premiers items, peu complexes:

. elles peuvent être le résultat d’une stratégie globale réussie: si le modèle est simple, les indices perceptifs sont suffisants, la construction est juste d’emblée, le sujet n’a pas de correction à effectuer; le diagramme est clair, la droite de réalisation parfaite;

. de telles réussites peuvent aussi être le résultat d’une stratégie analytique achevée, qui permet une vériFication très précoce du choix et de l’orientation des cubes, aboutissant également à une réalisation parfaite.

Cependant, pour expliquer les excellentes peilformances au test de cubes, il faudrait sans doute postuler l’existence d’un autre processus, l’automatisation de l’analyse. Celle-ci amènerait les sujets, pour chaque nouvel item à «voir» d’emblée le modèle comme constitué de 4 ou 9 éléments discrets. Cette automa- tisation qui selon Sternberg (1984) est le 2ème processus fondamental dans les tests d‘intelligence, assurerait la diminution du temps nécessaire à la résolution du problème.

Mais dès qu’apparaissent des erreurs, ou même des hésitations, les conduites des sujets SE‘ différencient, et l’on peut inférer de ces. différences l’existence de stratégies diverses, voire même de compétences diverses.

2) Les diagrammes et schémas de type b sont plus instructifs que les précédents. Leurs caractéristiques essentielles sont les suivantes:

-les structures en épi (figure 5): celles-ci signifient que le sujet ne continue pas sa construction (assemblage) tant que le cube choisi, positionné et assemblé, ne correspcnd pas à la représentation qu’il se fait du modèle;

- l’affaibli,ssement de la pente (figure 5) et l’augmentation de manipulations et corrections des cubes déjà positionnés ffigure 2): cela signifie que chaque positionnement est testé et comparé au modèle;

-l’augmentation des manipulations de cubes hors du cadre de reconstruction (avant positionnement), qui témoigne d‘une plus grande précocité de la comparaison au modèle.

Ces diagrammes et schémas de type b expriment donc une activité essen- tiellement analytique: à des moments plus ou moins précoces de la reconstruction (choix et orientation du cube et/ou positionnement, etJou assemblage), le sujet compare le résultat de son activité au modèle. C’est donc qu’il a identifie, dans ce modèle, le cube qu’il est en train de manipuler. Donc il a procédé à une analyse, une segmeniation, de ce modèle.

Au toial, les diagrammes et schémas de type b correspondent à des perfor- mances qui sont vraisemblablement le fait de sujets ayant opté pour une stratégie analytique, qu’ils sont incapables de réaliser. La volonté d’effectuer l’analyse du modèle peut être mise en échec de façon plus ou moins précoce:

-le sujet peut avoir identifié correctement le nombre de cubes, et la face du cube qu’il doit placer (sous-buts 1 et 2), mais être en difficulté pour orienter ce cube, si c’est une face mixte. Cette situation amène des sujets comme Christine à tourner lentement son cube en d’interminables séquences hors cadre ml-m2-m3- m4-ml-m2-m3-m4.. . sans jamais identifier l’orientation correcte. Ce qui est pro- blématique ici, c’est l’appariement perceptif entre 1~ cube réel et le cube mal reprlsenté, mal identifié, du modèle;

-devant ce type de difficulté, le sujet est amené à essayer de positionner le cube, et les mêmes manipulations recommencent: mlpI, &PI, m3p1, m4p1, mlpI ... La pente de la droite de réalisation devient alors très faible;

-devant un nouvel échec le sujet se voit contraint de tenter d’assembler son cube aux autres afin de reconnaître une structure plus globale, plus proche

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du modèle. Si les mêmes difficultés surgissent, amenant le sujet à des assemblages successifs, on voit apparaître les structures en épi.

De tels’ sujets, en de telles circonstances, sont obligés d’utiliser une stratégie de coordination visuo-motrice, qu’ils n’avaient pas choisie. Cette procédure est très longue car elle intervient après d’autres tentatives, après le constat d’échec de l’analyse. De ce fait la performance, en note standard, est effondrée.

3) Les diagrammes et schémas de type c ont au contraire comme caractéristi- que la pauvreté des manipulations de cubes avant et pendant le positionnement, alors que de nombreux essais d’assemblage sont tentés. Il est ,fréquent que le sujet assemble 3 ou 4 cubes avant de comparer sa construction au modèle et, éventuellement, de la modifier dans des proportions importantes. Ceci s’exprime par la fréquence de retours complets de grande amplitude (figure 3) et par des ruptures importantes de la droite de réalisation (figure 6). On ne peut donc supposer qu‘il y a identification des cubes un à un, mais au contraire, qu‘il y a appariement global d’un assemblage de plusieurs cubes avec la totalité (ou une large partie) du modèle.

Ces diagrammes et schémas c représentent donc des performances corres- pondant sans doute à une stratégie globale. Sans chercher à élaborer une repré- sentation mentale du modèle, le sujet choisit et assemble directement les cubes, à partir d‘indices perceptifs. De ce fait, il y a peu de manipulations avant l’assem- blage. Cependant, le sujet ne peut opérer de comparaison entre le modèle et sa reconstitution qu’après que celle-ci soit suffisamment avancée. Si la comparaison donne un résultat négatif, et en l’absence de toute analyse, le sujet est incapable ae détecter la source de l’erreur, et doit démolir une partie importante de son ouvrage.

Test de cube: processus et facteurs

L’analyse des processus sous-jacents aux diverses stratégies devrait pa- mettre de comprendre mieux les liaisons, parfois hétérogènes, que les tests de cubes entretiennent avec les autres tests.

De toute évidence, diff6rents sujets passant le même test de cubes ne mettent pas en oeuvre les mêmes processus cognitifs, les mêmes opérations men- tales. Selon que les sujets choimsissent ou pas une stratégie analytique, selon qu’ils parviennent ou pas à exécuter l’analyse, les processus mis en oeuvre sont différents. Il est donc logique d‘observer des liaisons hétérogènes avec les autres tests. De plus, les sujets peuvent changer de stratégie au cours du test, selon que l’item est plus ou moins difficile.

1-Les tests de cubes sont en général considérés comme de bons tests d‘intelligence générale, présentant des liaisons non négligeables avec certains tests de raisonnement verbal. Cette liaison est sans doute imputable à la mise en oeuvre d’opérations mentales d‘ordre supérieur, impliquées dans la stratégie analytique. L‘analyse moyens-buts est un processus très général, permettant une bonne adaptation aux tâches nouvelles (cf. Sternberg 1984).

2-Les tests de cubes sont également considérés comme saturés en facteur spatial. Or, la stratégie analytique implique:

l’élaboration d’une représentation mentale du modèle, en n éléments discrets la comparaison du cube réel avec le cube représend la rotation du cube réel (pour les cubes mixtes)$ jusqu’à l’appariement avec le cube représenté

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TEST DE CUBES: STRATEGïES DE RESOLUTION 49

Ce processus de comparaison entre des figures géométriques réelles et représentées, avec rotation de l’un ou plusieurs des éléments, correspond exacte ment à la description des opérations fondamentales impliquées dans les tests de facteur spatial (Pellegrino & Kail, 1982; Cooper, 1980).

3-Les tests de cubes sont parfois considérés comme de ,simples tâches de coordination visuo-motrices. Ceci est vrai seulement pour les sujets qui choisissent la stratégie globale, où il s a t de comparer le résultat des manipulations et le modèle. La mise en oeuvre privilégiée de cette stratégie, chez un certain nombre de sujets, pourrait cette fois expliquer les corrélations obsedes entre le test des cubes et les épreuves très saturées en facteur m6canique (Vernon, 1952).

Condusion

L‘étude présentée ici laisse beaucoup de questions en suspens. Entre autres: -un même sujet peut-il changer une ou plusieurs fois de procédure au

cours du test? Ces changements sont-ils liés directement à la difficulté ou à la configuration des items, comme l’ont montré Schorr et al. (1985)? En d‘autres termes, il faudrait chercher une interaction entre les déterminants contextuels et les d6teminants individuels du choix d’une stratégie.

-le repérage des procédures utilisées par les sujets augmente-t-il ou diminue -%il les corrélations avec d‘autres épreuves? (par exemple: a-t-on des corrélations plus élevées avec les tests de raisonnement verbal quand on ne prend en compte que les sujets ayant choisi et exécuté tant bien que mai une stratégie analytique?). - jusqu’à quel niveau de difficulté la stratégie globale peutelle être efficace?

-si une étude plus extensive confirme que la stratégie analytique implique une analyse moyens-buts, doit-on consid6rer que les opérations correspondant aux différents sous-buts s’effectuent en parallèle, ou de façon hiérarchisée? La mise en oeuvre est-elle identique chez tous les sujets?

En dépit de toutes ces interrogations, il reste, à l’issue de cette observation, un constat: l’importance et la variabilité du choix de procédures effectué par les sujets. Cela comspond bien à l’intuition des cliniciens, qui ont toujours insise sur l’importance d’une analyse qualitative des performances (Simon, 1967; Gold- stein & Scheerer, 1941), mais pose une question de fond en ce qui concerne la stabilité intra-individuelle des procédures. Peut-on alors parler encore de stratégies?

Malheureusement, toutes les tentatives d’établir des grilles d’observation (Bonnardel, Decroly, Buyse), ont échoué: il semble qu’elles dépassent les capacités d‘observations humaines: trop d’informations sont à prendre en compte simultané ment, alors que l’observateur doit conjointement assurer la passation technique du test (chronométrage du temps, etc. ...).

La solution résiderait dvidemment dans l’automatisation du recueil des données. Une telle automatisation existe déjà, à l’état de prototype, sur un test d‘intelligence pratique: le subtest de Passalong de la Batterie d’Alexander (Beuscart-Zéphir & Beuscart, 1987; Beuscart-Zéphir & Beuscart, à paraître).

Dans ce cas, la passation du test se fait dans les conditions standard, mais toutes les manipulations du sujet sont enregistrées par un micro-ordinateur auquel est couplé le dispositif du test. L’intérêt d‘une telle méthodologie réside dans la quantité énorme d’informations qui peut ainsi être recueillie, permettant une véritable analyse qualitative des performances individuelles. L’automatisation du test de cubes est actuellement à l’étude. Il semble que ce soit aujourd’hui la seule solution pour dépasser les contradictions issues des études fondamentales, études cliniques ou d’inspiration cognitiviste.

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L‘analyse détaillée des protocoles de résolution devrait permettre d‘identifier pour un ensemble de sujets, mais aussi pour chaque sujet, les processus mis en oeuvre. On apporterait peut-être ainsi des éléments de réponse satisfaisants à d‘irritant problème* de la validité du test.

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TEST DE CUBES: STRATEGIES DE RESOLUTION 51

A method for analysing problem-rioIving strahgi@8 in performances test. Am emmple: the WISC R block-

design test

The processus involved in the block design test were ana- lysed from a cognitive, information processing view-point.

To infer the existence and nature of processes, we analysed the subjects’ strategies for solving the problems of the test. We filmed the subjects while they performed the WISC R blmk design test and then we analysed the video-tapes. For each item and each subject, me obtain series of manipulations, which were coded and formalised, constituting n protocol.

The analysis of protocols brings to evidence wide diffe- rences of strategies, associated with diffaremes o f the pro- cesses involved in solving the test’s problems. This could explain the heterogeneity of the correlations behveen the block design test and the other tests of intelligence.

Nevertheless, if we wanit to detect routinely individual strategies and processes, we’ll have to automatize the registra- tion, coding and analysis of performances.

Mots clés: Cognitivisme, Stratégies, Résolution de problème, Processw, Subtest cubes WISC R.

Reçu le: Février, 1987 Révision reçue le: Suin, 1987

MaiZe+therine Be1ya$46phir. Labacolil 3: Laboratoire P’Etude des Aotivités Cognitives et Luiguistlques, Unlversité de Lille III - Duljva - Pont de Bas, 59650 Villeneuve d’Ascq

Publications les plus représentatives en Psychologie de 1’Educatwn:

Beuscart-Zéphir, M. C., & Beuscart, R. (à paraître). Automation of data collection and d y s i s in a psydiometnc test: the Passalong. Cahiers de Psychologie Cognitive.

Beuscart:Zéphir, M. C., & Beuscart, R. -Psychologie cognitive et psychométrie: appart de l’automati- sation à l’identification des processus impliqués dans les tests d’aptitudes. Communication au colloque .La psychologie s5entifique et ses applications., Clermont-Ferrand, 26-28 mars 1987. Article correspondant retenu pour les actes du colique, à paraître aux Presses Universitaires de cirenoble.

Beuscart-Zéphir, M. C. Du pronostic au diagnostic: automatisation d’un test de performance et aide au diagnostic par systhme-exepert. Communication au Congrès Mondial de l’A. 1. O. S. P.. Annecy, 21-26 septembre 1987.

Beuscart-Zéphir M. C., Beuscant, R., & Naudy, P. (1986). Etude de la r&entation du métier de conseiller ’d’orientation chez des élèves de terminale. L‘OrientationreS>colaire et Professionnelle,

15, 115-136.

&5gîs Beuscart. INSERM U 194-91, boulevard de l’H8pital. 75013 Pans, ou CERIM, Facuité de Médecine, Place de Verdun, 59800 Lille.