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7/25/2019 Thophile OBENGA - L'gypte, La Grce Et l'cole d'Alexandrie
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hophile
OBENGA
, ,
L EGYPTE, LA GRECE
ET
,
L ECOLE D ALEXANDRIE
Histoire interculturelle dans l'Antiquit
A ux sources gyptiennes de la philosophie grecque
7/25/2019 Thophile OBENGA - L'gypte, La Grce Et l'cole d'Alexandrie
2/20
(;)
KHEPERA, 2005
ISBN : 2 -9 09885 -1 2-7
http://www.ankhonline.com
www.librairieharmattan.com
diffusion [email protected]
harmattan [email protected]
( )
L 'H arm attan, 2005
ISBN : 2 -7 47 5-9 19 9-9
EAN : 9782747591997
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T h o p h i le O B E N G
L GYPTE, LA GRCE
ET
L COLE D ALEX ANDRIE
Histo ire in tercu ltu relle dans l'An tiquit
Aux sources gyptiennes de la philosophie grecque
o
KHEPERA ~
BP 11
91192 G if-su r-Yve tte - FRANCE
L'Harmattan
5-7, rue de l'cole-Polytechnique; 75005 Paris
FR N E
L'H an nattan H ongrie
Konyvesbolt
Kossuth L. u. 14-16
1 05 3 B ud ap es t
E sp ac e L 'H ar ma tta n K in sh as a
F ac .. de s S c. S oc ia le s, P ol e t
Adm; BP243, KIN X I
Univers it de Kinshasa
-
RDC
L 'H ar ma tt an It alia
V i a Degl i A r ti st i, 1 5
10124 Torino
L'H arm attan B urkin a F aso
1200 l og ement s v il la 96
12B2260
ITALIE Ouagadougou 12
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u mme auteur
L i v r e s
L A f r iq u e d a n s l A n t iq u i t . g y p t e p h a r a o n iq u e - A f r iq u e n o i r e , P a r i s , P r s e n c e
A fr i c a i n e , 1 9 7 3 .
L a p h i lo s o p h ie a f r ic a in e d e la p r io d e p h a r a o n iq u e
-
2 7 8 0 - 3 3 0 a v a n t n o t r e r e , Paris
L H a r m a t t a n , 1 9 9 0 ,
O r ig in e c o m m u n e d e l g y p t ie n a n c ie n , d u opte e t d e s la n g u e s n g r o - a f r ic a in e s
m o d e r n e s , P a r i s , L H a r m a t t a n ,
1993
L a g o m t r ie g y p t ie n n e
-
C o n t r ib u t io n d e l A f r iq u e a n t iq u e l a M a th m a tiq u e
m o n d i a l e , P a r i s , L H a r m a t t a n / K h e p e r a , 1 9 9 5 ,
C h e ik h A n ta D io p , V o ln e y e t le S p h in x
- C o n t r ib u t io n d e C h e ik h A n ta iop
l h is t o r io g r a p h ie m o n d ia le , P a r i s , K h e p e r a / P r s e n c e A f r i c a i n e , 1 9 9 6 .
Articles:
L e c h a m i t o - s m i t iq u e n e x is t e p a s , in
A N K H n 0 1 , f v r ie r
1992
p p . 5 1 - 5 8 .
A r is t o te e t l g y p t e a n c ie n n e , in
A N K H n 0 2 , a v r i l 1 9 9 3 , p p . 9 - 1 8 .
L a S t le d I r i t i s e n o u le p r e m ie r T r a i t d E s t h t iq u e d e l h u m a n i t , in A N K H n 0 3 , j u i n
1 9 9 4 , p p . 28 49.
L a p a r e n t g y p t ie n n e : c o n s id r a t io n s s o c io lo g iq u e s , in A N K H n 0 4 / 5 , 1 9 9 5 - 1 9 9 6 ,
p p . 1 3 9 - 1 8 3 .
A n th r o p o lo g ie p h a r a o n iq u e
-
T e x t e s
l a p p u i , in
A N K H n 0 6 / 7 , 1 9 9 7 - 1 9 9 8 , p p . 8 - 5 3 .
A f r ic a , t h e c r a d le
o f
w r i t in g , in
A N K H n 0 8 / 9 , 1 9 9 9 - 2 0 0 0 , p p . 8 7 - 9 6 .
L g y p te p h a r a o n iq u e e t I s r a l d a n s l A n t iq u i t , in A N K H n 0 1 0 / 1 1 , 2 0 0 1 - 2 0 0 2 , p p .
1 0 6 - 1 3 1 .
C o m p a r a is o n s m o r p h o lo g iq u e s e n t r e l g y p t ie n a n c ie n e t le D a g a r a , in
A N K H n 0 1 2 / 1 3 ,
2 0 0 1 - 2 0 0 2 , p p . 4 8 - 6 3 .
B ib l i o g r a p h i e e x h a u s t iv e s u r I e s it e w e b : http://www.ankhonline.com
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L'interprtation des m onuments de l'gypte m ettra encore mieux en vidence l'origine
gyptienne des sciences et des principales doctrines philosophiques de la G rce
Champollion,
Grammaire gyptienne,
Paris, 1836, pp. XX II.
Le point de dpart des Grecs Jut la somme de savoir accumul lentement depuis des
millnaires en Orient et en gypte
Jean Zafiropu l0 , Anaxagore de C lazomnes,
Paris, S ocit d' dition L es B elles L ettres , 1948, p. 229.
La civilisation antique est une civilisation de la beaut. Le doit-elle sa composante
grecque? Mais on peut penser aussi l'gypte, o la beaut est la marque de l'ternit
Pierre Gr imaI, Pr fa ce de l'o uv rage
La Rome an tiqu e, H isto ire et C ivilisa tio ns,
par Jochen Martin, dit., P aris, ditions B ordas, 1998, p. 5.
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A la mmoire de Patrice BEJEDI NTONE
pour tout le Bien (M at) qu'il jt sur terre.
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Avant-propos
D ans cet ouvrage d'histoire culturelle dans l'A ntiquit, les questions im portantes
su iv an te s so nt tra ite s:
1.
le rle ducateur de l gypte pharaonique vis--vis de la Grce
ancienne,
2. l cole d A lexan drie,
3. les m ots grecs d o rigine gyptienne.
Isocrate (436 - 338 avo notre re), orateur athnien, dans son ouvrage Busiris, et
Plutarque (vers 50 - vers 125), crivain grec qui voyagea en gypte, dans son
Isis et Osiris, font, l'un et l'autre, un loge non mitig de la civilisation
pharaonique, en insistant sur la sagesse gyptienne qui a nourri bien des religions
et des philosophies sur le pourtour de la M diterrane, notam ment la pense
grecque .
L 'archologie confirme largement cette influence civilisatrice de l' gypte sur le
monde grec dans son ensemble. L es fouilles du P rofesseur V . K A RA G EO R GH IS
Chypre, dans les annes 80, apportent des tmoignages irrcusables. La
num ism atique ne contredit pas les m ythes qui font de Delphos, le fondateur de
Delphes au pied du Parnasse, un roi ngre (travaux
d Ernest BABELON,
1907-
1914).
Il est alors vident, sur la base de faits varis et vrifiables, que la civilisation
pharaonique a rayonn sur bien d'autres mondes voisins (Canaan, Phnicie,
Chypre, C rte, S yrie antiq ue, G rce, Asie M in eure). Tou te l'E uro pe mrid ion ale,
des Balkans aux Pyrnes, a ador la divine Isis, seule desse vraiment
interna tiona le dans l 'Antiquit pa enne.
De faon plus prcise, nous examinons, scrupuleusement, textes l'appui,
l'duca tion de l'in te lligen ts ia g recque , de
Thals Ar is to te ,
dans la Valle du Nil
gyptienne, par des savants de ce pays. C heikh A nta D IO P lu i-mme a consa cr
de long s travaux su r c ette que stion fondamenta le.
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Quant l co le d A lexandrie , elle a t le trait d'union culturel et scientifique
entre l'gypte hellnistique et Rom e. O r cette gypte grecque est elle-m m e
l'hriti re de la g lo rieuse gyp te pha raon ique
J ea n LECLANT,
1984).
Il est tout naturellement fait appel l'tymologie, la linguistique (phontique) et
surtout la philologie pour traiter des m ots grecs d'origine gyptienne. Il faut
peut-tre prciser rapidem ent que la philologie, encore balbutiante en A frique
noire, est la science des docum ents crits, sous l'angle de leur tude critique, de
leurs rapports avec la civilisation, de l'histoire des m ots et de leur origine. Au
chapitre 18 de Civ ilisation ou Barbar ie (P aris, P rsence A fricain e, 1981, p p. 4 79 -
482), C heikh A nta D IO P propose, pour la prem ire fois en A frique, la m thode
que l'on pourrait suivre avec profit dans cette recherche des m ots gyptiens qui
ont pass en grec.
Au fond de toute cette dm arche historique, il y a l'intention, avoue, de faire
b n ficier l'h isto ire cu ltu relle d ans l'Antiq uit de nouvelles appro ch es p ro pos du
dossier gypte ancienne et trangers o les tendances conservatrices
l'emportent bien souvent, falsifiant ainsi l'criture de l'histoire gyptienne dans
ses rapports avec d 'autre s peuple s, trangers l'Af rique .
Il s'agit donc de revenir sur ces tendances chauvinistes et ethnocentristes, dans
une attitude de vrit historique et surtout de rconciliation de l'homme avec toute
son his toire .
La conclusion gnrale de cet ouvrage insiste prcisment sur cette leon
d'histoire interculturelle, dans un monde qui sent de plus en plus la ncessit de
son unit huma ine, l'u rgence d 'un fcond d iscours cultu re l p lan ta ire .
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P rem ire partie
GYPTE ET GRCE:
LE SENS DU COURANT DE L'HISTOIRE
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Chap itre l
Les Grecs dans la Valle du Nil.
Itinraires em prunts. Prix du voyage.
Comment les Grecs d'Ionie et les Grecs des temps classiques eurent-ils accs
la valle du N il?
G recs de toute provenance: Ioniens et C ariens d'A sie M ineure, G recs des les et
du continent proprement dit, G recs de Cyrne, se rpandirent dans toute
l'gypte, terre de vieille civilisation et d'une fertilit prodigieuse, sous les
Pharaons de la XXVIe dynastie (664-525 avo notre re), Psammtique
J,
Nchao
II,
Psammtique
II,
A pris et A masis, rois enterrs dans le tem ple de
N eith Sas. Prcism ent, durant cette dynastie gyptienne, le pays connut une
belle renaissance politique (la cour et l'adm inistration reconstitues aprs
l'expulsion des A ssyriens et des thiopiens de la XXve dynastie), intellectuelle
(l'criture dm otique), artistique et religieuse (toutes les grandes villes
s'em bellissent de constructions pieuses). L 'gypte com merce alors avec les
G recs: N aucratis, sur la branche canopique du N il, prs de Sas, est un comptoir
com mercial grec fond par les M ilsiens, sous Psam mtique J (V Ile sicle avo
notre re). Naucratis ne sera clipse qu' la fondation d'Alexandrie, en 332
avant notre re, par A lexandre le Grand. Les corps d'lite de l'arme
gyptienne sont forms par des mercenaires et des aventuriers de C arie, d'Ionie
et de D oride. Les intellectuels suivent les com merants et les m ercenaires; un
sage de Sas dira Solon (qui n'tait ni commerant ni mercenaire, mais
tudiant en qute de savoir) que les G recs n'taient que des enfants, au regard de
l'h isto ire et d e la philo soph ie , d es connaissances en gnra l.
Le roi Amasis fut encore plus favorable aux Hellnes, qui s'tablirent d'ailleurs
un peu partout, Memphis, Abydos, dans la Grande Oasis. Hrodote
rapporte: Ami des Grecs, Amasis donna quelques-uns d'entre eux des
m arques de sa bienveillance (.). Amasis conclut avec les Cyrnnens amiti et
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alliance. (.). Amasis a aussi consacr des offrandes en pays grec: Cyrne,
Lindos, Samos, Hera (.). Il est le prem ier au monde (i.e. le premier
gyptien) qui se soit empar de l'le de Chypre et l'ait rduite payer tribut. I.
Cet accs massif, permanent et durable, des Grecs la terre gyptienne, sa
civilisation mutli-m illnaire, lors de l'avnement de la XXVIe dynastie qui fut,
pour tout le pays, le signal d'une vritable renaissance artistique, littraire et
scientifique, avec de trs nombreux scribes, fonctionnaires de l'Etat,
reprsentants de l'lment cultiv de la population, cet accs des Grecs la
valle du Nil va donc constituer un tournant dans l'histoire hellne: Le fait est
retenir, il est d'une importance capitale. En effet, c'est peu aprs cet
vnement que la science et la philosophie grecques commencent prendre leur
essor.,,2.
E t comment n'en serait-il pas ainsi, vu la supriorit crasante de l' gypte, dans
tous les domaines du savoir, sur les peuples voisins, notamment les H ellnes?
Avan t leu rs contacts p rolo ng s av ec les gyptien s, les G recs n'on t p ratiqu emen t
rien apport la civilisation de l'ancien m onde mditerranen. C 'est l une
vidence historique. O r, dans la valle du N il, l'instruction tait fort rpandue
dans tout le pays. La classe des prtres dtenait le m onopole des sciences et des
lettres. C haque grande ville possdait une ou plusieurs coles qui dpendaient
des temples o vivaient de puissants collges sacerdotaux, bien hirarchiss.
Sas, Bubaste, Tanis, Hliopolis, M em phis, Herm opolis, A bydos et Thbes
avaient de grands savants, qui ne pouvaient ne pas exploiter les anciennes
bibliothques, par exemple la bibliothque du temple d'E dfou, la bibliothque
sacerdotale de Tebtunis, au Fayoum (avec de nom breux textes littraires, des
traits religieux ou scientifiques), les bibliothques prives de Thbes, celle de
D eir el-M dineh (l'actuelle collection C hester-B eatty ) qui comprenait des
textes m agiques, des contes populaires et m ythologiques, des psaum es, des
textes littraires et m dicaux. Il faut sans doute rappeler aussi que le collge
sacerdotal d'H liopolis (la ville de R ) avait une rputation universelle: les plus
illustres d'entre les Hellnes vinrent y puiser une grande partie de leurs
connaissances.
I
Hrodo te , L iv re I I
(Euterpe),
178 , 181 , 182 .
2 G . M ilh au d,
Les leons sur les origines de la science grecque,
chap. I. Le sanctuaire grec
N aucratis s'appelait H ellnion : il avait t fond en com mun par les cits ioniennes de C hios,
T os, P hoce et C lazom nes; les cits doriennes de Rhodes (lalysos, C am eiros et L indos), C nide,
Ha lic arn as se , Phas Iis e t la c it olienne de My tilne (H rodo te , I I, 1 78 ).
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Par consquent, sous la X XV Ie dynastie, au tem ps des rois sates, de 664 525
avant notre re, les G recs pouvaient visiter la valle du N il en toute tranquillit,
s'y installer et s'y instruire dans les meilleures conditions. Mme sous la
dom ination perse (X XV II dynastie: C am byse, D arius, X erxs, de 525 401
av notre re), rien n'em pcha voyageurs, historiens, philosophes et hom mes
d'Etat grecs, de parcourir l'gypte en toute quitude, d'tudier ses m urs, ses
arts, ses croyances religieuses, com me le prouve par exem ple Hrodote, le
pre de l 'h is to ire .
L a possibilit des relations intellectuelles entre l' gypte et la G rce est un fait
d 'histoire. T ous les G recs d'une haute intelligence (T hals de M ilet, P ythagore
de Samos, Empdocle d'Agrigente, Anaxagore de Clazomnes, Platon
d'A thnes, etc., etc.) taient donc parfaitement mme d'aller puiser la source
de la sagesse gyptienne, et ils l'ont fait, sduits par le prestige et l'antiquit de
la plus grande civilisation qui rayonnait dans le m onde m diterranen depuis
des m illnaires. La G rce doit l'gypte ses prem iers philosophes. La pense
gyptienne a exerc une certaine influence sur la pense grecque, comme
aujo urd 'h ui les scien ces et les technolo gies no rd -amrican es dom inen t le monde
entier. Affaire de sim ple supriorit crasante de la part des U .S.A . Dans
l'Antiquit, et la priode qui nous intresse, la suprm atie scientifique de
l'gypte n'avait pas d'quivalent en Grce. M ais l'criture de l'histoire de
l'hum anit selon des thm atiques indo-europennes exclusives, a gauchi
volonta iremen t le s faits, qui sont pou rtant ce qu'il sont.
Pour se rendre en gypte, les Grecs, tudiants, commerants, touristes,
mercenaire s, aventu rie rs emprunta ient fo rcment l'une ou l'autre de ces route s:
1. la route orientale: rade de Phalre au VIe sicle - puis partir du Pire (port
et banlieue d'Athnes) aux ve et Ive sicles
-
les Cyclades (les grecques de la
mer Ege, autour de Dlos) - l'le de Rhodes (escale commerciale importante
entre l'gypte, la Phnicie et la Grce) - ctes de Lycie (sud-ouest de l'Asie
M ineure)- et de Pam phylie (contre m ridionale de l'A sie M ineure, entre la
Lycie et la Cilicie)
-
Chypre (K ypros, le du cuivre )
-
cte syro-palestinienne -
gypte: cette route tait dj frquente l'poque m ycnienne;
2. la route occidentale: c'est la route directe entre la Crte (ancienne Candie) et
l'gypte: cette route tait galement suivie l'poque mycnienne (cf.
Odysse,
XN, 252-257).
Il
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Socrate rappelle CalIicls que le prix du voyage en gypte est de 2 drachmes
au dbarquem ent: n:o[3t[3a.O aO a'd TOV tllva o paXIl
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Chapitre II
,
Egypte et Grce: historiographie
Dans l'Antiquit classique, aucun savant grec ne mettait en doute la supriorit
intellectuelle et scientifique des prtres de la valle du N il. C 'est ce que l'on
p eut constater brivemen t av ec ce qui suit.
Homre, vivant vers 850 avo notre re, loue sans ambages l'gypte, pays o le s
mdecins sont les plus savants du monde .
Hrodote (v. 484 - v.420 avo notre re) insiste sur le fait que le calendrier
astronomique est une invention proprement gyptienne: Les gyptiens
avaient, les prem iers de tous les hommes, invent l'anne, et divis en douze
parties, pour la former, le cycle des saisons; ils avaient fait cette invention en
obse rva nt le s a stres.,,2
Les G recs ont em prunt aux gyptiens l'art de m esurer la terre (la gom trie),
et aux B abyloniens, celui de m esurer le temps (le calendrier) : .. . l 'invention de
la gom trie, que des G recs rapportrent dans leur pays. Car, pour l'usage du
polos, du gnomon, et pour la division du jour en douze parties, c'est des
Babyloniens que les Grecs les apprirent. 3
Pour Isocrate (436 - 338 avo notre re), l'gypte tait le berceau de la
philosophie, l'origine des soins donns la pense: Ces p rtres (g yp tien s)
inventrent pour le corps le secours de la m decine. (...). Pour les mes ils
I Homre ,
Odysse,
IV , 231 : lTJTpO xwno tmcrnxflvo TTPl mxvn.
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rvlrent la pratique de la philosophie qui peut la fois fixer des lois et
chercher la nature des choses.,,4
Platon
(428 ou 427 - 348 ou 347 avo n otre re) rapporte un im aginaire collectif,
devenu une tradition accepte, savoir que c'est le dieu gyptien Thot qui
inventa les arts, les sciences, les lois, l'criture. E t c'est Socrate qui le raconte
Phdre:
Eh bien j'ai entendu conter que vcut du ct de Naucratis, en
gypte, une des vieilles divinits de l-bas, celle dont l'emblme sacr est
l'oiseau qu'ils appellent, tu le sais, l'ibis, et que le nom du dieu lui-m m e tait
Theuth.
C 'est lui, donc, le prem ier qui dcouvrit la science du nom bre avec le
calcul, la gom trie et l'astronom ie, et aussi le trictrac et les ds, enfin, sache-
le, les caractres de l'criture. s
On retrouve ce rcit dans
Philbe
(l8b) : Thot, in venteur d e l' critu re .
Socrate a ra ison : Thot (Dl;wty, en gyptien), est bien le dieu-lunaire form e
d'ibis (le mot grec ibis est d 'o rigine gyptienne: hby, l'ib is sacr au corp s b lan c,
avec une tte et une queue noires). Et, pour les gyptiens eux-m m es, le dieu
Thot rgnait sur toutes les oprations intellectuelles et scientifiques:
l'ta blissement de l'c ritu re, la spara tion des langages, l'a nnalistique, le s lo is, le
calcul du temps, des annes, du calendrier. Des textes gyptiens affirment
clairement, par ailleurs, que
Thot
est le cur de R , c 'est--dire l 'essence
mme de la p en se cratrice.
Pourquoi Socrate reprend-t-il l'hom mage que les gyptiens rendaient leur
dieu
Thot?
Pourquoi
Socrate
n'attribue-t-il pas l'invention des arts, des
sciences et de l'criture au m onde assyro-babylonien? Ce m irage gyptien
est-il s ans fondements rels ?
Il faut comprendre dans ce mythe de Thot la signification, par les Grecs
instruits, de la trs haute antiquit de la civilisation gyptienne, son
rayonnement en M diterrane, son influence chez les G recs eux-m mes. C ette
haute antiquit de la civilisation gyptienne impliquait, aux yeux des G recs, par
une sorte d'vidence indiscutable, la grande avance intellectuelle, littraire,
4
Isocrate,
Busiris
(X I), 22: Tal lJ uxa1
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artistique, scientifique, du pays de la valle du N il. Et quel intrt les Grecs,
d'ordinaire si fiers, si satisfaits d'eux-mmes, avaient-ils reconnatre
explicitem ent et unanim em ent l'autorit suprieure des sages et savants de
l' gypte? Quelle ncessit y avait-il inventer le rcit de
Thot,
matre s-arts et
s-sciences?
Aristote
(384-322 avo notre re), si rudit, si glorieux, affirm e que les prtres
gyptiens, jouissant de beaucoup de loisirs, ont par consquent fait faire des
p rogr s consid rables aux conna issance s huma ines: Au ssi l' gyp te a -t-elle t
le berceau des arts m athm atiques.,,6
Pourquoi Aristote, le Grec macdonien, n'attribue-t-il pas le berceau des
math matiq ues l'A ssy rie et la Babylo nie, la Chald e?
Aristo te, P lato n, Isocrate, H rod ote et H om re n 'ta ien t-ils que de vulgaire s
m enteurs , en soutenant que l'gypte tait le berceau des m athmatiques, des
jeux de socit, de l'astronom ie, de la gom trie, de l'criture, du calendrier
astronom ique, de la m decine, de la religion7, de la m agie, de la philosophie, de
l 'architecture monumentale?
Les historiens grecs eux-m m es qui ont eu s'intresser aux relations entre
l' gypte et la G rce n'ont pas m anqu de relever le fait, savoir l'instruction des
Grecs clbre s aupr s des p r tre s gyptiens .
A in si, p ar ex emple,
D iod ore d e S icile,
historien grec, n Agyrion (1 er sicle
avant notre re), auteur d'une utile compilation, la Bibliothque his torique, qui
retrace l'histoire universelle des origines 58 avo notre re : en effet, Diodore
de S ic ile conclut le Livre I de sa Bibliothque his torique par un recensem ent de
ceux des G recs clbres qui, pour leur instruction, ont voyag en gypte, et qui
aprs y avoir acquis un grand nombre de connaissances utiles, les ont rapportes
en Grce. Pourquoi Diodore de Sicile a-t-il entrepris un tel recensem ent
historiq ue s'il n 'y av ait au cun fond ement le faire?
D iodore de Sicile nomme Lycurgue, Platon, Solon, pour les institutions
politiques; Pythagore, pour les choses sacres, ses thormes gomtriques, sa
fi
Aristote, Mtaphysique, A, l, 981 b 23
;
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doctrine des nom bres et de la transm igration des m es dans le corps de toutes
sor tes d 'animaux;
Dmocrite,
pour l'a stro logie e t l'a stronomie ;
nopide,
pour
l'astronom ie galement; enfin Eudoxe, pour les sciences m athm atiques et
astronomiques.
Toujours d'aprs Diodore de Sicile, nopide de Chio, qui tait un
pythagoricien, tenait des gyptiens la connaissance de l'orbite que parcourt le
soleil, qui par sa marche oblique est emport en un sens contraire celui dans
lequel se m euvent les autres astres. g
Il s'agit l de l'obliquit de l'cliptique sur l'quateur, dcouverte si essentielle
en ast ronomie.
L 'astronom ie gyptienne avait un caractre quatorial et stellaire. D ans la zone
quatoriale, large de dix degrs, on com pte une cinquantaine d'toiles; il y en a
huit qui sont les plus proches de l'quateur: les astronom es des calendriers
gyptiens d'A ssiout par exem ple ont utilis six de ces huit toiles. Or, pour se
faire une ide exacte de la position de ces toiles autour de l'quateur cleste, il
faut quelques lments cosmographiques. P rcisment, les gyptiens avaient
cr des compartiments gomtriques contenant quelque toile rattache une
constellation plus tendue. Certaines toiles avaient donc t choisies et
repres dans des astrismes, des constellations, et les dcans gyptiens taient
des toiles ou des groupes d'toiles bien visibles choisies dans une large zone
qu atoriale: chaque nouvelle d cade tait caractrise par le lev er h liaqu e d'un
nouveau dcan. Les levers hliaques de Sothis (S iriu s) et les levers co sm iqu es
calcul s, enregis tr s supposent, coup sr, une astronomie perfectionne9.
Il n'y avait rien en Grce, en astronomie, cette poque, c'est--dire au Moyen
Em pire gyptien (2052-1778 avo notre re).
Les Dogon et les Bambara par exemple ont, comme les anciens gyptiens,
tudi l'obliquit de l'cliptique sur l'quateur, c'est--dire l'angle du plan de
l'cliptique (grand cercle de la sphre cleste dcrit en un an par le Soleil dans
son mouvement propre apparent, dans le cas de l'astronom ie gyptienne, dogon
et bam bara) avec celui de l'quateur cleste. Les D ogon et les B am bara du M ali
dterm inaient m athmatiquement et graphiquement les positions du Soleil sur
R
D iodore de S icile, l,
2 ' par tie , XCVIII .
9
Ch. Fivez, Les tro is calendr ie rs ind its d 'Assiout , in Chronique d'gypte, 1936,n022,pp.
345-367.
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l'cliptique: L'ide bambara et dogon de l'cliptique ne doit pas tre
considre comme une notion isole dans la pense de ces populations
soudanaises. Elle se relie une synthse intellectuelle, une vue d'ensemble de
l'univers et des grands phnomnes de la nature. 1O
Ainsi, les Dogon et les Bambara ont labor, eux aussi, comme les anciens
gyptiens, une astronom ie de caractre quatorial, et ils ont employ le
gnomon, mesur les angles, reprsent graphiquement le mouvement du Soleil,
divis le cercle en degrs, dterm in 360 levers et couchers du Soleil durant
l'anne, reprsent l'orbite apparente du Soleil sous la forme du cercle divis en
360 d egrs, mesu r l'inclinaison de l'clip tiq ue qui fu t, selon toute probabil it ,
une de leur s principale s recherches astronomiques. n
Dans l'Antiquit et dans les temps prcoloniaux, il existait, en A frique noire, de
la valle du N il l'A frique extrm e-occidentale, de la valle du N il en A frique
orientale (thiopie, Som ali, K enya), de vritables collges d'astronom es
ruditsl2.
En apprenant la dtermination et le calcul de l'obliquit de l'cliptique sur
l'quateur auprs des prtres gyptiens, nopide avait accs un vritable
savoir scientifique et non des recettes empiriques , comme aiment le
rp te r certa in s auteurs modernes ma l in tentionns .
E t, de fait, une bonne partie de l'historiographie moderne pose malle problme,
en ramenant l'instruction des Hellnes clbres dans la valle du Nil de
simples acquisitions empiriques . Du moins, on ne nie plus avec fracas les
voyages d'tude des G recs au pays de P haraon.
Henri JOLY (1979), Luc BRISSON (1987) et M ario VEGETTI (1988), ont tudi
de faon approfondie la place importante que fait Platon, en connaissance de
cause, dans ses crits (de maturit), de l'antiquit immmoriale de l'gypte, qui
est videmment dsigne comme instauratrice de l'criture, des jeux de dames,
JO
D om inique Z ahan, tudes sur la cosm ologie des D ogon et des B am bara du Soudan Franais. I.
La notion d'cliptique chez les D ogon et les B am bara , in Africa (Lon dre s), Vol. XXI, Ja nv ie r
1951, nO I, p p. 13-23; pour la citation, p. 19.
Il
Domin ique Zahan, op . c it ., p. 19.
12M arco Bassi, O n the Borana Calendrial System : A Preliminary Field Report , in
Curren
Anthropology,
vol. 29, n04, 1988, pp. 619-624. Les Borana vivent au N ord du K enya et au Sud de
l'thiopie. E n 1978, 8.M . L ynch et L .H . R obbins avaient tudi l'observatoire astronom ique de
Namora tu ng a, l'E st d u Lac Turk an a.
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