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Théorie des graphes Antoine Gournay Institut de Mathématiques, Université de Neuchâtel Suisse Septembre, 2013 Notes de Cours

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Théorie des graphes

Antoine Gournay

Institut de Mathématiques,Université de Neuchâtel

Suisse

Septembre, 2013

Notes de Cours

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Table des matières

Introduction iii

1 Notions fondamentales 11.1 La Faune des graphes et le phonographe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11.2 Degrés, sous-graphes et graphes induits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71.3 Chemin, chaînes, circuits, cycle, marches et tournées . . . . . . . . . . . . . . . . 111.4 Arbres, forêts et laplacien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181.5 Graphes bipartis et distance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 281.6 Connexité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 301.7 Cycles hamiltoniens et voyageurs de commerce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 341.8 Graphes planaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 411.9 Cliques et coloration . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 501.10 Indépendance et mariage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 561.A Graphes de Johnson et des arêtes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 591.B Notations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62

2 Graphes et algèbre 652.1 Graphe de Cayley et de Schreier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 652.2 Automorphismes de graphe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 742.3 Recouvrement de graphe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 792.4 Spectre des graphes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84

2.4.i Premiers calculs : les graphes circulants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 862.4.ii Polynôme caractéristique et décomposition en circuits . . . . . . . . . . . 892.4.iii Encadrement des valeurs propres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 912.4.iv Bipartition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 932.4.v Coloriage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 942.4.vi Stabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 962.4.vii Automorphismes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 962.4.viii Régularité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 972.4.ix Graphe des arêtes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 992.4.x Exercices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101

2.5 Le spectre du laplacien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103

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TABLE DES MATIÈRES

2.5.i Représentations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1092.6 Cycles et coupes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 110

2.6.i Dual abstrait . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1162.6.ii Flots et réseaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1172.6.iii Z-flots . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1192.6.iv Flot, coloriage et dualité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121

3 Courants et probabilités 1253.1 Courants électriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1253.2 La quadrature du carré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1293.3 Marches aléatoires sur les graphes finis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1323.4 Marches aléatoires sur les graphe infinis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1373.5 Arbres aléatoires uniformes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1423.6 Percolation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146

3.6.i Les graphes finis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1463.6.ii Les graphes infinis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150

3.7 Limites de graphes et graphes de Ramanujan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 153

A Rappels 163A.1 Relations d’équivalence et partitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163A.2 Relations d’ordre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 164

A.2.i Une application aux graphes : les scores. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166A.3 Matrices, mineures et réduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 168A.4 Permutations et orbites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174A.5 Groupes et actions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176

Bibliographie 183

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Introduction

La présente version des notes n’est encore qu’un brouillon (encore incomplet, probablement pasassez cohérent et riche en erreurs). Dessins, exemples et discussions viendront souvent à manquer ;l’index est incomplet. L’honorable lecteur est ainsi prié de transmettre à l’auteur les erreurs qu’il ytrouvera, les références qui lui semblent faire défaut dans l’index, et les passages qui lui semblenttrop confus ou trop peu illustrés.

Les buts de ce cours sont I- d’introduire les graphes et quelques unes des notions/problèmes lesplus classiques

Section 1 : Ce qu’est un graphe.

Section 2 : Le degré d’un sommet et les sous-graphes.

Section 3 : Chemins, chaîne, circuits et cycles. Les tournées eulériennes.

Section 4 : Les arbres et le nombre d’arbres couvrants.

Section 5 : Les graphes bipartis et la distance. La caractérisation en terme de cycles impairs.

Section 6 : La connexité. Le théorème de Menger.

Section 7 : Les cycles hamiltoniens. Le voyageur de commerce.

Section 8 : Les graphes planaires. La caractéristique d’Euler.

Section 9 : La coloration. Le problème des quatre couleurs.

Section 10 : Les mariages. Le théorème de Hall.

II- d’aborder l’aspect algébrique des graphes :

Section 1 : Les graphes de Cayley et de Schreier. Le théorème de Petersen.

Section 2 : Les automorphismes de graphes.

Section 3 : Les recouvrement de graphes. Le théorème de Schreier.

Section 4 : Le spectre [de la matrice d’adjacence] d’un graphe. Ses liens avec les propriétés du graphe.

Section 5 : Le spectre du laplacien. Les inégalités isopérimétriques.

Section 6 : Les flots. La dualité flot-coloriage.

III- d’aborder l’aspect probabiliste des graphes :

Section 1 : Les courants électriques. Le théorème de Kirchhoff sur les arbres couvrants et les courants.

Section 2 : Une application des courants : la “quadrature du carré”.

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Introduction

Section 3 : Les marches aléatoires et leur lien avec les courants.

Section 4 : Les marches aléatoires sur les graphes infinis. Récurrence et transience. Le Théorème dePólya.

Section 5 : Les arbres aléatoires et la percolation.

Section 6 : Les limites de graphes. Les graphes de Ramanujan et le théorème d’Alon-Boppana.

Dans ce cours, les sections qui commencent par une lettre ne seront (au mieux) que partiellementtraitées en classe ; leur présence vise plus à présenter de la culture générale ou à approfondir certainsthèmes abordés. Le texte des démonstrations ne contrastant pas beaucoup avec le reste, un � enmarque la fin. Pour les mêmes raisons, unF termine le texte des définitions, ♣ celui des exempleset ♠ celui des remarques.

Ceci est aussi le moment opportun pour mettre de l’avant quelques bizarreries dans les notationset les concepts de ce texte.

— La terminologie est un peu trop lourde : les différents cas possibles de graphes sont introduitsdès le début (avec ou sans lacet, orienté ou non, ...). À la première lecture, il est préférable dene considérer que le cas le plus simple (graphes finis, non-orientés, sans lacets et sans arêtesmultiples). L’introduction de toutes ces variétés de graphes est motivée par le fait que c’estun très bon exercice que de démontrer/adapter/mettre en défaut les résultats du cas “usuel”au cas des graphes qui ne satisfont pas ces toutes les conditions.

— Beaucoup de méthodes de construction de graphes introduites aux premières sections sontaccessoires. Elles sont surtout utiles pour faire quelques exercices qui visent à familiariserle lecteur avec les graphes.

— Dans les premières sections, beaucoup de démonstrations qui sont essentiellement évidentessont fait de manières très (voire trop) strictes. L’idée n’est pas d’être le plus pédant possible,mais simplement de s’assurer que, lorsque des démonstrations moins triviales sont à faire,le lecteur est familier avec une forme rigoureuse d’argumentation.

Voici quelques notations qui seront employées tout au long de ce texte :Z pour l’ensemble des entiers (positifs, négatifs ou nul). R pour l’ensemble réel. Quelques

notations qui seront utilisées pour des sous-ensembles de ceux-ci sont Z≥a (des entiers supérieursou égaux à a), R<a ou ]−∞,a[ (des réels strictement inférieurs à a), ]a,b] (pour les réels strictementplus grand que a et plus petits ou égaux à b), etc...

Pour n ∈ Z>0, n signifie l’ensemble {1,2,3, . . . ,n} des entiers compris entre 1 et n (inclusive-ment).

Lorsqu’un symbole qui n’a pas été préalablement défini apparaît dans une égalité := c’est qu’ils’agit là de sa définition.

La composition de deux fonctions f : A→ B et g : B→C, notée g◦ f , est la fonction

g◦ f : A → Bx 7→ g( f (x))

Si A,B sont deux ensembles, S ⊂ B un sous-ensemble et F : A → B une application, alorsF−1(S) := {a ∈ A | ∃s ∈ S,F(a) = s} est appelé l’image réciproque de S par F .

iv

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Introduction

Finalement, quelques mots sur certaines abréviations :

1. i.e. (lat. id est) signifie plus ou moins “c’est la même chose que”, “de manière équivalente”,“en d’autres mots”, ...

2. e.g. (lat. exempli gracia) signifie par exemple “par exemple”.

3. c’àd. (fr. c’est-à-dire) est un peu comme i.e. mais en moins chic.

4. “ou (équiv.)” pour préciser que la conjonction “ou” qui précède est en fait une équivalencemais que l’auteur n’a pas la motivation nécessaire pour la démontrer.

5. “... X (resp. Y) ... Z (resp. W) ...” signifie que la définition/le théorème peut être lu unepremière fois avec X et Z, puis une seconde fois mais avec Y et W au lieu de X et Z.

6. mutatis mutandis = “ce qui devait être changé ayant été changé”, une phrase très utile,comme le lecteur peut s’en douter, car il faut deviner ce qui doit être changé.

7. ceteris paribus [sic stantibus] = “toute chose égale par ailleurs”, pour bien spécifier qu’uneseule une quantité change, mais que toutes les autres restent égales.

Ce texte est en grande majeure partie un mélange de divers livres, voir la bibliographie pour lesdétails.

L’auteur tient à mentionner que les citations en début de chapitre ont un but strictement auto-dérisoire.

Si le pronom “nous” n’est pas employé au cours du texte, ce n’est pas pour laisser à entendreque l’auteur ne se sent pas solidaire du lecteur, mais simplement que l’auteur trouve que cette figurede style (dans les livres de mathématiques) rappelle plus le “nous” royal que le “nous” solidaire.

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Introduction

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Chapitre 1

Notions fondamentales

“Les graff c’est moins difficile mais plus dangereux que les graphes”

-UN GRAFFITEUR

Ce premier chapitre a pour but d’introduire les éléments de base de la théorie des graphes commela définition même de graphes, quelques constructions simple (ce qui n’empêche de faire des chosesdifficiles et profondes) sur ceux-ci, et les premiers problèmes (dont certains sont vraiment non-triviaux). Bref, la plus grande partie du contenu date d’avant 1950.

1.1 La Faune des graphes et le phonographe

Il n’y a malheureusement pas de définition établie des graphes, pour la simple raison que legenre de graphes qu’il faut considérer dépend souvent du problème dont la solution est visée. Ainsi,une définition naïve serait :

“Un graphe est un ensemble de points (appelés sommets) qui peuvent être reliés ensemble pardes flèches ou des arêtes”

Deux choses sont imprécises dans cette définition : un sommet peut-il être relié à lui même ?deux sommets peuvent-ils être reliés ensemble par plusieurs flèches ? y a-t-il des flèches à sensunique et des doubles sens ? Les cinq “dessins” ci-dessous représenteraient des graphes :

Pour l’instant, il sera supposé qu’il peut y avoir plusieurs flèches (e.g. une dans chaque senspour pouvoir faire un aller-retour)

Comment décrire un tel graphe ? Une chose est sûre, il faut un premier ensemble appelé “espacedes sommets”, et traditionnellement dénoté X . Cet ensemble des sommets est la grande majorité dutemps supposé fini et au pire (sauf dans des cas d’une grande rareté) dénombrable. Afin de laisser le

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1.1 - La Faune des graphes et le phonographe

plus de liberté au niveau des arêtes, le plus simple est d’employer une matrice carrée (ou un tableaucarré). Cette matrice se dénote traditionnellement A. Ses lignes et les colonnes sont indexées par leséléments de X . Ainsi, si x et y ∈ X , le coefficient (A)xy sera positif s’il y a une flèche de x à y. Cenombre (bien que ce ne serait pas une obstruction majeure, une infinité dénombrable d’arêtes entredeux sommets est ici exclue) est le nombre de flèches allant de x à y. Lorsque le nombre de sommetsdu graphe est infini, le nom d’opérateur d’adjacence est plus approprié.

Définition 1.1.1. Un graphe générique G est la donnée d’un ensemble X = Som(G) dénombrable(appelé ensemble des sommets) et d’une matrice carrée A=Adj(G) (appelée matrice d’adjacence)indicée par X dont les entrées sont à valeur dans Z≥0. La notation courte est G = (X ,A). L’ordre dugraphe est le nombre de sommets, noté X(G) = |Som(G)|.

De plus, quatre caractéristiques sont souvent utiles :

1. G sera dit fini si X est fini ; il sera dit dénombrable si X est dénombrable.

2. G sera dit sans lacet si toutes les entrées de la diagonale de A sont nulles ; dans l’absence decette information, il sera dit avec lacet.

3. G sera dit simple si les entrées de A sont toutes 0 ou 1 ; dans l’absence de cette information,il sera dit multiple ou un multigraphe.

4. G sera dit non-orienté si A est symétrique ; dans l’absence de cette information, il sera ditorienté ou un digraphe.

Pour chaque caractéristique ci-dessus, la première option est plus restrictive que la seconde. Dansl’absence de la mention “générique”, toutes les caractéristiques non précisées seront supposéesêtre du premier cas (c’àd. le plus restrictif possible). Par exemple :

— “G est un graphe” doit être interprété comme “G est un graphe fini simple non-orientésans lacet” ou “G est formé d’un X fini et la matrice A est symétrique, ne contient que des 0et 1, et sur sa diagonale ne se trouve que des 0”.

— “G est un multigraphe dénombrable” doit s’entendre comme “G est un graphe dénom-brable multiple non-orienté sans lacet” ou “G est formé d’un X dénombrable et la matrice Aest symétrique, et sur sa diagonale ne se trouve que des 0”.

— “G est un graphe orienté avec lacet” veut dire “G est un graphe fini orienté simple aveclacet” ou “G est formé d’un X fini et la matrice A ne contient que des 0 et 1”.

— “G est un multigraphe générique fini” alors “G est un graphe fini multiple non-orientéavec lacet” ou “G est un graphe générique fini” ou “G est formé d’un X fini, et sa matrice Aa des entrées à valeurs dans Z≥0”.

Finalement, la contraction multidigraphe pour un “graphe multiple orienté”, et l’adjectif infinipour un graphe qui n’est pas fini. F

Voici quelques familles simples et importantes de graphes :

Exemple 1.1.2. Soit n≥ 1. Le graphe complet sur n sommet est le graphe [fini simple non-orientésans lacet] dont les sommets sont X = n et A = Jn,n− Idn où Jn,m est la matrice n×m dont toutes lesentrées sont 1 et Idn est la matrice identité n×n. Ainsi Kn = (n,Jn,n− Idn).

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

x x xxxxxxx x xxxx xxxxx

bbbb

b

"""""

bbbb

b

"""""

TTT���

@@@@@

�����

ZZZ�

��BBBB �

�����

���������BBBBBBQ

QQQQ

K1 K2K3

K5

K4

Le graphe vide sur n sommets est le graphe [fini simple non-orienté sans lacet] Vn = (n,0) où 0est la matrice triviale (dont toutes les entrées sont 0). ♣

Ainsi le graphe vide sur 1 sommet est identique au graphe complet sur 1 sommet.

Exemple 1.1.3. Soit n ≥ 2. Le n-circuit (noté ~Cn) est le graphe [fini simple] orienté [sans lacet]dont les sommets sont X = n. Sa matrice d’adjacence est (P)i j = 1 si et seulement si soit j = i+1soit j = 1 et i = n. Ainsi ~Cn = (n,P).

xxxxx xxx xxxx

xx xxxxx

xCC��bbbbbbPP��������

����@@@@����@

@@@

�����((eeeeAA������hhhhh((aaE

EEEELL�� �

�����

��XXTTTTBB��������XXT

TTTBB

AA

~C2 ~C3 ~C4 ~C6~C5

Soit n ≥ 3. Le n-cycle (noté Cn) est le graphe [fini simple non-orienté sans lacet] donné par Cn =

(n,P+PT).

x

xx xxxx xxxxx xxx xxx

bbbbbb������

����@@@@����@

@@@

�����eeee����hhhhhE

EEEE

TTTT���� T

TTT����

C3 C4 C6C5

Par abus de langage, le circuit infini ou ∞-circuit est le graphe ~C∞ = (Z,P) où P est tel que (P)i j = 1si j = i+1 et 0 sinon. Le cycle infini ou ∞-cycle, est C∞ = (Z,P+PT).

x x xx x x xx ��XX ��XX ��XXC∞

~C∞

En particulier, le 2-circuit est le graphe complet sur 2 sommets, et le 3-cycle le graphe completsur 3 sommets.

Exemple 1.1.4. Soit n≥ 1. Le n-chemin (noté ~Chn) est le graphe [fini simple] orienté [sans lacet]dont les sommets sont X = n+1. Sa matrice d’adjacence est (S)i j = 1 si et seulement si j = i+1.Ainsi ~Chn = (n+1,S).

����

~Ch1

~Ch3~Ch4

~Ch5~Ch2

��XX����

���� ��XX

��XX����@@@@��XX

��XX

��XX

��XXCC�� xx xx xxx x

xxx xxx x xx xxx

La n-chaîne (noté Chn) est le graphe [fini simple non-orienté sans lacet] donné par Chn = (n+1,S+ST).

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1.1 - La Faune des graphes et le phonographe

����

�� ��@@

Ch1

Ch3Ch4

Ch5

Ch2xxxxx xx xx x xxxxx xxxx x

Par abus de langage, le chemin infini ou ∞-chemin est le graphe ~Ch∞ = (Z≥1,S) où (S)i j = 1 sij = i+1 et 0 sinon. La chaîne infinie ou ∞-chaîne est le graphe Ch∞ = (Z≥1,S+ST).

x x xx ��XX ��XX ��XXx x x x ~Ch∞Ch∞

Attention Ch1 = ~C2 = K2. Finalement, encore une famille courante :

Exemple 1.1.5. Le bouquet en n-cercles Bn est le graphe multiple avec lacet [fini non-orienté]n’ayant qu’un seul sommet et dont la matrice (qui n’a donc qu’une entrée) est n. Autrement dit,Bn = ({1},n).

x���� x�������� x

������������

x xB1 B2 B3

Rebond

Le rebond est le graphe multiple [fini sans lacet non-orienté] de deux sommets reliés par deux arêtes({1,2},

(0 22 0

)). ♣

Il arrivera que le nom de bouquet en 1 cercle glisse vers 1-cycle ou 1-circuit ; le nom lacet resterale plus fréquent. Il peut aussi arriver que 2-cycle fasse référence au rebond.

Définition 1.1.6. Dans un graphe G générique, y∈ Som(G) est dit atteignable depuis x∈ Som(G)

si (Adj(G))xy 6= 0. L’ensemble des sommets atteignable depuis x est noté Γ+(x) et l’ensemble dessommets depuis lesquels x est atteignable est noté Γ−(x). Un sommet x est dit isolé si Γ+(x) =Γ−(x) =∅.

La relation de voisinage obtenue à partir d’un graphe est alors définie par : xRGy si et seulementsi y est atteignable depuis x.

Dans un graphe générique non-orienté, deux sommets x et y sont dits voisins si (A)xy = 1 =

(A)yx. L’ensemble des voisins d’un sommet x est noté Γ(x). F

EXERCICE 1: Montrer que tout graphe G générique simple est équivalent à sa relation de voisi-nage. Que signifie que RG est réflexive ? symétrique ? antisymétrique ? symétrique et transitive ?

Définition 1.1.7. Un graphe G antisymétrique est un graphe générique simple tel que si (AdjG)xy =

1⇒ (AdjG)yx = 0. F

EXERCICE 2: Montrer qu’un graphe générique antisymétrique est nécessairement sans lacet.

Dans les définitions ci-dessus, les arêtes sont tout simplement obscurcies sous le formalisme dela matrice. Lorsqu’il s’agit de graphe générique simple, il est commode de décrire les arêtes plusdirectement.

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

Définition 1.1.8. Soit G un graphe générique non-orienté, soit X = Som(G), et soit x,y∈ Som(G).L’ensemble des arêtes E = Arê(G) est un sous-ensemble de l’ensemble des sous-ensembles de X àun ou deux éléments P1,2(X). Cet ensemble se définit par

Arê(G) ={({x,y},k) ∈P1,2(X)×Z>0 | 0 < k ≤ (A)xy

}Alors une arête e de G est donnée par les points qu’elle relie et un numéro e= ({x,y},k) = ({y,x},k)ou, si c’est un lacet e = ({x},k). z est appelé un bout de e si z est soit x soit y. La notation b(e) seraparfois utilisée pour l’ensemble des bouts de l’arête e, i.e. b est la projection sur la première coor-donnée. Par abus de langage, lorsque le graphe est simple, l’ensemble des arêtes sera simplementvu comme un sous-ensemble de P1,2(X).

La notation courte e(G) = |Arê(G)|, appelée taille du graphe, sera employée.Soit G un graphe générique simple orienté, soit X = Som(G). L’ensemble des flèches F =

Flè(G) est un sous-ensemble de X×X . Cet ensemble se définit par

Flè(G) ={(x,y,k) ∈ X×X×Z>0 | 0 < k ≤ (A)xy

}Alors une flèche f de G est donnée par son point de départ, son point d’arrivée et un numéroe = (x,y,k). La première coordonnée est la source de f (qui est notée s( f )) et la seconde sa cible(notée c( f )). Les bouts de la flèche est l’ensemble b( f ) = {s( f )}∪{c( f )}.

La notation courte~e(G) = |Flè(G)|= ∑x,y∈Som(G) Adj(G)xy sera employée. F

Attention : {x,y} = {y,x} mais (x,y) 6= (y,x). Qui plus est, il n’est pas impossible d’avoir àregarder les flèches pour un graphe non-orienté. Il a alors deux fois plus de flèches qui ne sont pasdes lacets que d’arêtes qui ne sont pas des lacets.

EXERCICE 3: Soit G un graphe générique. Décrire comment retrouver la matrice d’adjacence àpartir de l’ensemble des arêtes F = Flè(G)⊂ X×X×Z>0.

Définition 1.1.9. Soit G un graphe générique non-orienté, et soit E = Arê(G). Le graphe desarêtes (“line graph”, en anglais) de G est le graphe dénombrable [simple non-orienté sans lacet]noté L(G) défini par Som(L(G)) = E et (AdjL(G))eε = 1 si |b(e)∩b(ε)|= 1 et e 6= ε ; sinon Beε = 0.

Soit G un graphe générique, et soit F = Flè(G). Le graphe des flèches de G est le graphegénérique simple, noté M(G), défini par Som(M(G)) = F et (AdjM(G)) f φ = 1 si c( f ) = s(φ) et(AdjM(G)

)f φ= 0 sinon. F

Exemple 1.1.10. Quelques exemples de graphes des arêtes pour le plaisir...

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u

u

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2

3

1

4

K4

23

25

56

45 34

1261

14

L(C6,{1,3,5})

36

5

6

4

3

1

2

C6,{1,3,5} L(K4)

24

1312

23

34

41TTTT �

���TTTT�

���

Le graphe L(K4) est appelé le graphe de l’octaèdre. Les graphes L(Kn) sont appelés graphes

5

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1.1 - La Faune des graphes et le phonographe

triangulaires. Certains (la 7-roue W7 et le graphe circulant C6,{1,3,5}) des noms seront expliquésplus tard.

uu u

u uuu T

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uu u uuuuu

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L(G)W7 L(W7) G

Rien n’empêche d’itérer la construction...u

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,,,,,lllll

��� TTT

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L(G′)G′

L(L(G′))

...sauf peut-être le fait que ça devient rapidement trop grand. Pour la route :

u

u

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XXXXX@@@@BBBBB��������������

��� TTT

TTTTTTTT�������� u u

uu

uu

uu

uu u

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JJbbbbb�

��TTTTTTT����LLLL

((((""""""

SSS�������

"""""

,,,,,,QQ

QQCCCCCCC����PP

PPPP

P�����������llllll

�������HHHH

L(K4)

L(L(K4)) ♣

Comme en témoigne certains des exemples, il peut être difficile de voir que deux dessins cor-respondent au même graphe. Dans la pratique, cela se fait par la recherche de propriété d’un grapheque l’autre ne possède pas. Dans la théorie, les choses sont plus simples.

Définition 1.1.11. Deux graphes génériques G et H sont dit isomorphes s’il existe une bijectionσ : Som(G)→ Som(H) telle que pour tout x,ξ ∈ Som(G), (AdjG)xξ = (AdjH)σ(x)σ(ξ). F

EXERCICE 4: Montrer que la relation d’isomorphisme est une relation d’équivalence.

EXERCICE 5: Soit G un graphe dénombrable [simple, sans lacet, non-orienté] et connexe. Pourx 6= y ∈ Som(G), soit dG(x,y) = la longueur de la plus petite chaîne entre x et y. Par convention,dG(x,x) = 0. Montrer que dG est une distance sur Som(G).

Soit G′ une autre graphe dénombrable et connexe. Soit σ : Som(G)→ Som(G′). Montrer que σ

est un isomorphisme de graphe si et seulement si σ est une isométrie, i.e.

∀x,y ∈ Som(G), dG′(σ(x),σ(y)) = dG(x,y).

[Indice : Montrer que σ a les deux propriétés suivantes : 1- être bijectif ; 2- les n-chaînes sont envoyées sur des n-chaînes.]

6

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

EXERCICE 6: Quels graphes parmi les suivants sont isomorphes ?

u u

uu

u uuuuu

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u uu uu uu�����BBBBB �

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��BBB �

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u uu uuuuuu

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"""""bbbbb

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u

uu uu

u

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u

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�� @@

[Indice : pour montrer que deux graphes ne sont pas isomorphes, regarder les boules (cf. définition 1.5.4) autour d’un

sommet, c’àd. l’ensemble des points qui sont séparés par un certain nombre d’arêtes d’un sommet. Alternativement, il

est possible d’utiliser 5.]

Bien que les multigraphes et les lacets resteront la plupart du temps périphériques à nos pro-blèmes les questions de savoir s’il vaut mieux voir un graphe comme orienté ou non orienté sontplus importantes. Ainsi,

Définition 1.1.12. Soit G un graphe générique [orienté]. Le graphe H obtenu de G en oubliantl’orientation est le graphe générique non-orienté H où Som(H) = Som(G) et AdjH = AdjG+

(AdjG)T.Soit G un graphe générique non-orienté. Une orientation de G est le graphe générique orienté

H où Som(H) = Som(G) et la matrice d’adjacence est telle que AdjH +(AdjH)T = AdjG.Soit G un graphe générique. La simplification de G est le graphe simple obtenu en remplaçant

toutes les entrées de Adj(G) qui sont > 0 par des 1. F

EXERCICE 7: Soit G un graphe générique non-orienté, soit H une orientation de G, puis soit G′ legraphe obtenu en obtenant l’orientation de H. Montrer que G′ est isomorphe à G.

Trouver un graphe générique orienté G tel que le graphe H obtenu de G en oubliant l’orientationadmet une orientation qui ne soit pas isomorphe à G.

Exemple 1.1.13. Le graphe obtenu en oubliant l’orientation du n-chemin (resp. du n circuit) est lan-chaîne (resp. le n-cycle). ♣

EXERCICE 8: Montrer qu’un graphe est antisymétrique [générique simple] si et seulement si il estl’orientation d’un graphe générique simple non-orienté.

EXERCICE 9: Soit G un graphe générique. Un automorphisme de G est une isomorphisme de Gavec lui-même, c’àd. une application bijective σ de X = Som(G) vers X telle que (A)xy = (A)σ(x)σ(y).Montrer que la composition forme une loi de groupe sur l’ensemble des automorphismes de G.

1.2 Degrés, sous-graphes et graphes induits

Le degré d’un sommet est intuitivement le nombre d’arêtes qui joignent le sommet. Cette défini-tion tient la route pour un graphe dénombrable [simple non-orienté sans lacet], mais même pour lesgraphes sans lacet, la question peut parfois devenir épineuse. De plus, dans le cas des digraphes, ilpeut être intéressant de compter seulement les flèches qui sortent et celles qui rentrent. Ceci motivela définition :

7

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1.2 - Degrés, sous-graphes et graphes induits

Définition 1.2.1. Soit G un graphe générique, le degré entrant d’un sommet x ∈ Som(G) estd−(x) = ∑y∈X(AdjG)yx et le degré sortant est d+(x) = ∑y∈X(AdjG)xy.

Si de plus G est non-orienté alors le degré algébrique d’un sommet est dalg(x) = d−(x) = d+(x)et son degré topologique est dtop(x) = d−(x)+(AdjG)xx = d+(x)+(AdjG)xx. F

Attention : lorsque le graphe est infini, il n’est pas impossible que les sommes ne convergentpas. Le degré est alors par convention +∞.

Comme la définition précédente le laisse entendre, le degré du lacet (i.e. le graphe formé d’unsommet relié à lui-même) peut créer des conflits. En effet, dans un dessin, en regardant de suffisam-ment près le sommet, il y a deux bouts qui sortent ; ceci qui explique un degré de 2 (point de vuetopologique). Cependant dans la matrice il n’y a qu’une entrée non-nulle, et il semble difficile d’yvoir un degré plus grand que 1 (point de vue algébrique).

Dans la plupart des cas, cette différence est sans importance ; il est néanmoins bon de tenter d’yfaire attention au début.

Définition 1.2.2. Soit G un graphe générique. Le degré entrant (resp. sortant, resp. algébrique,resp. topologique) maximal est la quantité

∆−(resp.+,resp.alg,resp.top)(G) = sup

x∈Xd−(resp.+,resp.alg,resp.top)(x)

De manière similaire, le degré entrant (resp. sortant, resp. algébrique, resp. topologique) minimalest

δ−(resp.+,resp.alg,resp.top)(G) = inf

x∈X d−(resp.+,resp.alg,resp.top)(x) F

Lorsque G est non-orienté, il est superflu de faire la différence entre d+, d−, dalg et dtop car ilssont tous égaux. La notation d tout court, sera alors en vigueur. De même pour δ et ∆.

EXERCICE 10: Trouver un digraphe [fini simple sans lacet] tel que le degré entrant maximal, ledegré sortant maximal, le degré entrant minimal et le degré sortant minimal sont 4 chiffres différents.

EXERCICE 11: Le[s] Lemme[s] des poignées de mains - Montrer que dans un graphe fini générique[orienté multiple avec lacet] ∑x∈X d+(x) = ∑x∈X d−(x) = |Flè(G)|.

Montrer que dans un graphe fini non-orienté générique [multiple avec lacet] ∑x∈X dtop(x) =2|Arê(G)|. [Indice : utiliser le fait qu’un graphe non-orienté est aussi un graphe orienté et faire attention aux lacets.]

Un terme qui est malencontreusement entré dans l’usage pour parler de graphe dont tous lessommets ont le même degré est celui de régulier. Comme il sera vu plus tard, ces graphes n’ont enfait rien de particulièrement régulier.

Définition 1.2.3. Soit k ∈ Z≥0 ∪ {+∞}. Un graphe générique non-orienté est dit k-régulier si∀x,y ∈ X , dalg(x) = dalg(y) = k. F

Exemple 1.2.4. Les Cn sont tous 2 réguliers. Kn est (n−1)-régulier. ♣

Néanmoins lorsque k ≤ 2 le nom régulier n’est pas trop une imposture :

EXERCICE 12: Décrire (à isomorphisme près) les graphes génériques 0-régulier ?

Voir les exercices 17 et 18 pour la suite.

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

EXERCICE 13: Soit G un graphe générique non-orienté. Déterminer le degré de l’arête e∈ Arê(G)

en tant que sommet de L(G). Si G est k-régulier simple et sans lacet, montrer que L(G) est (2k−2)-régulier.

Intuitivement, un sous-graphe d’un graphe générique est obtenu en retirant des sommets et desarêtes/flèches. Une autre construction importante est celle du graphe induit de G. Il est obtenu enfixant certains sommets Y ⊂ Som(G), puis en y ajoutant toutes les arêtes/flèches qui les reliaientdans G. Finalement, il y a aussi le graphe complémentaire d’un graphe orienté [fini simple sanslacet] qui est obtenu en mettant des arêtes/flèches là où il n’y en avait pas et en enlevant toutescelles qui y étaient. Ceci se traduit comme suit :

Définition 1.2.5. Soit G un graphe générique (resp. générique non-orienté). Un sous-graphe Hde G est la donnée d’un ensemble de sommets Y = Som(H) ⊂ Som(G) et de E ⊂ Flè(G) (resp.Arê(G)) sous la condition que ∀~e ∈ Flè(H), les bouts de~e tombent bien dans les sommets de H (i.e.b(e)⊂ Y ). Le sous-graphe H est dit couvrant si Y = Som(G).

Soit G un graphe générique. Le graphe H induit de G sur Y ⊂ Som(G) est donné par Som(H) =

Y et (AdjH)yυ = (AdjG)yυ.

Soit G un graphe orienté dénombrable [simple sans lacet]. Le graphe complémentaire de Gnoté G est défini par Som(G) = Som(G) et AdjG = J|X |,|X |− Id|X |−AdjG. F

Exemple 1.2.6. Voici dans l’ordre, un graphe, un sous-graphe de celui-ci, puis un sous-grapheinduit et enfin un sous-graphe couvrant.

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Qui plus est, voici un graphe et son complémentaire :

uuu uuuuu uu

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Par abus de langage, le concept de sous-graphe sera compris à isomorphisme près : H seradit un sous-graphe de G s’il est isomorphe à un sous-graphe de G. Par contre, lorsque ce sont lessous-graphes de G qui sont au centre de l’intérêt (le plus souvent le nombre d’entre eux), alors ilfaudra distinguer les sous-ensembles de Arê(G). Par exemple, le nombre de sous-graphes du grapherebond est 6 : deux graphes triviaux sur un sommet, le graphe vide sur deux sommets, le grapherebond lui-même, et deux sous-graphes isomorphes à des K2.

Un sous-graphe H de G aura toujours Adj(H)xy ≤ Adj(G)xy.

EXERCICE 14: Montrer que le complémentaire d’un graphe qui n’est pas orienté n’est pas orienté.Déterminer sous quelle condition le complémentaire d’un graphe antisymétrique est un graphe

antisymétrique.Montrer que le complémentaire du 5-cycle est isomorphe au 5-cycle.

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1.2 - Degrés, sous-graphes et graphes induits

EXERCICE 15: Soit G un graphe [fini non-orienté simple et sans lacet].

a- Montrer que G est un sous-graphe d’un graphe complet.

b- Calculer e(Kn) et en déduire que tout graphe d’ordre n a moins de n(n−1)2 arêtes.

c- Montrer qu’il y a au plus 2n(n−1)/2 graphes [finis non-orientés simples et sans lacet] d’ordren.

Quelques manipulations standard sur les graphes :

Définition 1.2.7. Soit G et H deux graphes génériques. Alors l’union GtH de ces deux graphesest le graphe dont les sommets sont Som(G)tSom(H) et les flèches/arêtes sont les mêmes, i.e. lamatrice d’adjacence C = Adj(GtH) = Adj(G)⊕Adj(H) est définie par

(C)zζ =

(AdjG)zζ si z ∈ X et ζ ∈ X ,

(AdjH)zζ si z ∈ Y et ζ ∈ Y,0 sinon.

Soit G et H deux graphes génériques simples. Alors le raccord (“join”, en anglais) G ?H de cesdeux graphes est le graphe dont les sommets sont Som(G)tSom(H) et entre ces deux ensemblestoutes les flèches/arêtes sont ajoutées, i.e. la matrice d’adjacence C = Adj(G?H) =

(AdjG J

J AdjH

)est

définie par

(C)zζ =

(AdjG)zζ si z ∈ X et ζ ∈ X ,

(AdjH)zζ si z ∈ Y et ζ ∈ Y,1 sinon.

F

Exemple 1.2.8. L’union de deux graphes vides est un graphe vide. Le raccord de deux graphescomplets est un graphe complet. Du reste, prendre les dessins de n’importe quelle paire de grapheset les mettre côte à côte donne un dessin de leur union. Pour n ≥ 3 La n-roue, notée Wn, est legraphe obtenu en faisant le raccord de K1 avec Cn. W7 est déjà représenté à l’exemple 1.1.10 et W3

est isomorphe à K4. Le graphe de l’haltère (“dumbbell graph”, en anglais) est le raccord de deux1-bouquets : u umm

La propriété élémentaire suivante est laissée en exercice :

EXERCICE 16: Soit G et H deux graphes génériques simples, montrer que GtH = G+H.

EXERCICE 17: Montrer que tous les graphes génériques finis non-orientés 1-réguliers sont desunions de 1-chaîne et de lacet.

EXERCICE 18: Montrer que tous les graphes [finis simples non-orientés sans lacets] 2-régulierssont des unions de cycles.

Passons à quelques manipulations plus fines :

Définition 1.2.9. Soit G un graphe générique.Soit S ⊂ FlèG (resp. ⊂ ArêG), le graphe G− S est le graphe obtenu de G en supprimant les

flèches (resp. arêtes) de S, i.e. ses sommets sont Som(G) et sa matrice d’adjacence (B)xy = (A)xy−1si x = s( f ) et y = c( f ) (resp. si {x}∪{y}= b(e)) et (B)xy = (A)xy sinon.

10

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

Soit H un sous-graphe de G, alors le graphe G−H de différence est le graphe obtenu en enlevantles flèches/arêtes de H à G, i.e. ses sommets sont Som(G) et sa matrice d’adjacence Adj(G)−Adj(H) (où B est étendue par 0 pour être de la bonne taille).

Soit Y ⊂ Som(G) un sous-ensemble de sommets, le graphe Gr x obtenu de G par suppressionde x est le graphe dont les sommets sont Som(G)rY et dont la matrice d’adjacence est obte-nue de Adj(G) en enlevant la ligne et la colonne indicées par Y (i.e. c’est la mineure principaleAdj(G)|Som(G)rY .

Soit f ∈ X ×X (resp. e ∈P2(X)), le graphe G+ f (resp. G+ e) est le graphe obtenu de Gen ajoutant la flèche f (resp. l’arête e), i.e. ses sommets sont X et sa matrice d’adjacence (B)xy =

(A)xy +1 si x = s( f ) et y = c( f ) (resp. si {x}∪{y}= b(e)) et (B)xy = (A)xy sinon.Soit e ∈ Flè(G) (resp. e ∈ Arê(G)), la contraction de G par e, notée G/e est le graphe obtenu

en identifiant les deux bouts de e : ses sommets sont (X r b(e))t{e} et sa matrice d’adjacenceest définie comme suit. Si z,ζ /∈ b(e), (B)zζ = (A)zζ, (B)ze = ∑x∈b(e)(A)zx, (B)eζ = ∑x∈b(e)(A)xζ et(B)ee = 0. F

Exemple 1.2.10. Un graphe G sa contraction par e et la suppression de e :

xx xxxx���(((((PPP

P

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P

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"""

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P

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�� "

""

�������

e

G G/e G− e

EXERCICE 19: Un graphe est dit auto-complémentaire s’il est isomorphe à son complémentaire.Montrer que le reste de la division par 4 de X(G) est 0 ou 1. Montrer que si de plus le graphe estk-régulier, alors ce reste est 1.

1.3 Chemin, chaînes, circuits, cycle, marches et tournées

Les quatre premiers termes de cette section sont des concepts simples mais très utiles.

Définition 1.3.1. Soit n ∈ Z≥0 Un chemin (resp. une chaîne, resp. un circuit, resp. un cycle) delongueur n dans un graphe G est un sous-graphe de G qui est isomorphe au graphe n-chemin (resp.n-chaîne, resp. n-circuit, resp. n-cycle). F

En pratique, pour parler d’un de ces quatre objets, il est préférable de faire comme suit. Si Hest un sous-graphe de G qui est isomorphe à un n−1-chaîne (le raisonnement est le même à peu dechoses près pour les trois autres), ça veut dire qu’il existe une bijection entre Som(H) ⊂ Som(G)

et n. Cette bijection permet de numéroter les éléments de Som(H) (qui sont aussi des éléments deSom(G)) correspondants : x1, . . . ,xn. Comme il y a une chaîne, x1 est relié à x2, qui est relié à x3,. . ., qui est relié à xn. Il est alors plus simple de noter cette chaîne x1x2 . . .xn (de longueur n− 1).Pour les chemins, l’ordre a de l’importance, mais pour les chaînes x1x2 . . .xn = xnxn−1xn−2 . . .x1.Les locutions “une chaîne entre x1 et xn+1” et un “chemin de x1 à xn” seront parfois utilisées.

11

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1.3 - Chemin, chaînes, circuits, cycle, marches et tournées

En quelques sorte, un cycle est une chaîne qui retourne à son point de départ et un circuit unchemin qui retourne à son point de départ. Dans la numérotation des sommets, il y a alors beaucoupde choix. En effet, pour un n circuit, x1x2 . . .xn+1 = x jx j+1 . . .xn+1x1x2 . . .x j−1x j. Pour mettre uneemphase sur le sommet de départ, il sera parfois dit que le circuit ou le cycle est “basé en x”.

Cependant, dans ces quatre objets, la répétition d’un même sommet est exclue, sauf s’il s’agitdu premier et du dernier et dans ce cas l’égalité signifie que c’est un cycle ou un circuit.

Par abus de langage, les concaténations seront faites en toute allégresse. Par exemple, supposonsqu’il y ait deux chemins P = x1 . . .xn et Q = y1 . . .ym et que x1 soit atteignable depuis z, que w soitatteignable depuis xn, et que y1 soit atteignable depuis w. Alors zPw est le chemin zx1 . . .xnw et PwQsignifie le chemin x1 . . .xnwy1 . . .ym (pourvu que tous ces sommets soient distincts !).

Le Lemme des poignées de mains (exercice 11) a une jolie conséquence qui témoigne du carac-tère combinatoire des graphes.

Théorème 1.3.2 (Mantel 1907)

Tout graphe [fini non-orienté simple sans lacet] G d’ordre X(G) = n et de taille e(G) > n2/4contient un 3-cycle.

La démonstration est laissée en exercices :

EXERCICE 20: Soit G un graphe et f (x) : X → R une fonction. Montrer que

∑{x,y}∈Arê(G)

(f (x)+ f (y)

)= ∑

x∈Som(G)

d(x) f (x).

EXERCICE 21: La démonstration se fait par la contraposée. Soit G un graphe d’ordre X(G) = nsans 3-cycles.

a- Montrer que pour toute paire de sommets voisins {x,y} ∈ Arê(G), d(x)+d(y)≤ n.

b- Utiliser l’exercice 20 pour montrer que ∑x∈Som(G)

d(x)2 ≤ e(G)n.

c- Utiliser le lemme des poignées de mains (cf. exercice 11) et l’inégalité de Cauchy-Schwarzpour montrer que

(2e(G))2 ≤ n(

∑x∈Som(G)

d(x)2).

d- Conclure grâce à b et c.

EXERCICE 22: Soit G un graphe dénombrable, montrer que si δtop(G) ≥ 2 alors il contient unn-cycle où δ(G)+1≤ n≤ X(G) (ici la valeur n = ∞ est admise).

Voici les résultats principaux de cette section. Comme il sera plus tard démontré, il s’agit d’unénoncé à peu de choses près équivalent au théorème d’Euler. Pour rappel, une partition dénombrabled’un ensemble A est la donnée, pour chaque i ∈ Z≥1 de sous-ensembles Pi ⊂ A tels que ∀i 6= j,Pi∩Pj =∅ et ∪i∈Z≥1Pi = A.

Lemme 1.3.3Soit G un graphe [fini non-orienté] multiple avec lacet tel que δ(G) ≥ 2. Alors G possède un

n-cycle (pour n ∈ Z≥1).

12

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

La convention est qu’un 1-cycle est un lacet et un 2-cycle un rebond. Le sous-graphe déterminé parP⊂Arê(G) est le graphe dont les sommets sont x ∈ ∪p∈Pb(p) et les arêtes, l’ensemble P lui-même(autrement dit, la matrice d’adjacence A est (A)xy =

∣∣{p ∈ P | b(p) = {x}∪{y}}∣∣).

DÉMONSTRATION : Si G a un lacet, alors il y a un 1-cycle. Ainsi, il est possible de supposer qu’iln’y a pas de lacet. Comme tout sommet est de degré≥ 2, ceci veut dire qu’il possède au moins deuxvoisins distincts. Soit x1 ∈ Som(G). Puisque d(x1) ≥ 2 alors ∃x2 ∈ Γ(x1) différent de x1 (absencede lacet. Ensuite, soit x3 ∈ Γ(x2). Il est possible de prendre x3 6= x1 comme il y a au moins deuxéléments dans Γ(x2) et x3 6= x2 (absence de lacet).

La démonstration peut se poursuivre par itération : ∃xi+1 ∈ Γ(xi)r {xi−2,xi−1}. Si jamais xi+1

était égal à x j pour j ∈ i−3, cela formerait un cycle. Ainsi, il est possible de supposer que ce n’estpas le cas. Mais alors, la suite {xi}i≥1 est formée de sommets distincts. Ceci contredirait la finitudedu graphe. Ainsi, il y a forcément un cycle dans G. �

Théorème 1.3.4 (Veblen 1912)Soit G un graphe [fini non-orienté] multiple avec lacet tel que tout sommet x ∈ Som(G) est tel

que dtop(x) est pair ( i.e. 0,2,4, . . .). Alors il existe une partition de Arê(G) = ∪i∈Z≥1Pi telle quele sous-graphe déterminé par chaque Pi est un n-cycle (où n≥ 1).

DÉMONSTRATION : Par induction sur le nombre d’arêtes n = e(G). Supposons que n = e(G) = 0alors le théorème est vrai pour la partition vide. [Il est bon de regarder que pour n = 1,2,3 tout vabien aussi.]

Supposons que le théorème est vrai lorsque e(G)< n et montrons-le pour n. Les sommets isolésde G peuvent être ignorés car ils ne viennent avec aucune arête. Sans perdre de généralité, δ(G) ≥2. Or, par le lemme 1.3.3, il existe un cycle H dans G. D’autre part, e(G−H) < n et, commeAdj(G−H) = Adj(G)−Adj(H), dG−H(x) = dG(x)− dH(x) = dG(x)− 2. Ainsi, les conditions duthéorème s’appliquent à G−H par induction : il existe une partition P1, . . . ,Pk de Arê(G−H).Mais Arê(H) est disjoint des Pi, et toute arête de G est soit dans Arê(H) ou Arê(G−H). Ainsi,P1, . . . ,Pk,Arê(H) est bien une partition de Arê(G). �

EXERCICE 23: Trouver un exemple de graphe infini [simple non-orienté sans lacet] tel que lerésultat ci-dessus est faux (même en admettant des ∞-cycles) dans la partition.

En général, la théorie des graphes évite (et ne nécessite pas lorsque l’étude se limite aux graphes gé-nériques finis) l’axiome du choix dénombrable. Ceci est dû à une forte connexion à l’informatique.Un ordinateur ne peut faire un nombre dénombrable de choix. Néanmoins, le théorème ci-dessusadmet des conditions qui s’appliquent aux graphes infinis (exercice : les trouver).

Il est parfois bon de considérer de se balader dans un graphe sans devoir se soucier de repasserplusieurs fois par un même sommet (comme le font les chemins, chaînes, circuits et cycles).

Définition 1.3.5. Une marche de longueur n dans un graphe générique G est la donnée de deuxchoses :

— une suite de sommets {xi}1≤i≤n+1 telle que ∀i ∈ n+1, xi+1 ∈ Γ+(xi) ;— une application g : n→ Flè(G) telle que b(g(i)) = {xi}∪{xi+1}.

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1.3 - Chemin, chaînes, circuits, cycle, marches et tournées

Cette marche est une tournée si xn+1 = x1.

Soit G un graphe [fini non-orienté] multiple avec lacet. Une marche eulérienne est une marchede longueur e(G), {xi}i∈e(G) telle que chaque arête “est utilisée exactement une seule fois” (i.e.

l’application g : e(G)→ Arê(G) qui envoie i ∈ e(G) vers une arête e ∈ Arê(G) reliant xi à xi+1 estbijective). Si de plus cette marche est une tournée, c’est le terme tournée eulérienne qui s’imposera.

F

Remarquons qu’étant donné une tournée x1x1 . . .xn+1, il existe, ∀k ∈ n aussi une tournéexkxk+1 . . .xnxn+1x1x2 . . .xk−1xk qui contient (ou intuitivement, passe par) les même arêtes.

Le problème initial des ponts de Königsberg est : le graphe suivant possède-t-il une tournéeeulérienne ?

x xx

xa

b

c

d

Il est facile de se convaincre, qu’il est impossible de faire une tournée eulérienne ni même unemarche eulérienne.

Exemple 1.3.6. Dans le graphe suivant, pour aller de a à b, il y a 1 marche/chemin/chaîne de lon-gueur 3, 1 marche/chemin/chaîne de longueur 4, 3 marches de longueur 6 mais aucun chemin/chaînede longueur 6.

xxx xx �

���TTTT

a b♣

Il est bien sûr naturel de se demander entre quels points il existe une marche (ou un chemin)...Le lecteur est invité à faire cet exercice simple et important sur le sujet.

EXERCICE 24: Soit G un graphe générique.

a- Il est possible de définir sur Som(G) la relation x≤ f c y si et seulement si il existe un cheminde x à y ou x = y. Montrer que cette relation est transitive et réflexive mais pas nécessaire-ment symétrique.

b- Un telle relation peut se symétriser, en effet soit la relation x = f c y si et seulement x≤ f c y ety≤ f c x. Montrer que c’est une relation d’équivalence.

Définition 1.3.7. Soit G un graphe générique. La composante fortement connexe de x est laclasse d’équivalence de x pour la relation = f c, notée cFc(x). La composante faiblement connexede x est la classe d’équivalence de x dans le graphe obtenu de G en oubliant l’orientation, notéecfc(x). F

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

Lorsque G est non-orienté, il est assez facile de voir que cfc(x) = cFc(x) et le terme composanteconnexe de x est alors employé. Étant des relations d’équivalences, une partition de Som(G) estalors obtenue ; chaque élément porte le nom de composante [faiblement/fortement] connexe de G.La différence entre les sommets de la composante connexe et le graphe qu’ils induisent ne seragénéralement pas faite.

Définition 1.3.8. Un graphe générique est dit faiblement (resp. fortement) connexe s’il ne possèdequ’une seule composante faiblement (resp. fortement) connexe. F

Une autre manière de dire est qu’un graphe est faiblement (resp. fortement) connexe si pourun x ∈ Som(G), cfc(x) = Som(G) (resp. cFc(x) = Som(G)). Lorsque le graphe est non-orienté, leterme “connexe” sera directement utilisé.

Exemple 1.3.9. Un circuit est un graphe fortement connexe, tandis qu’un chemin est seulementfaiblement connexe.

Un tournoi est une orientation d’un graphe complet Kn. Il est équilibré si ∀x∈ Som(G),d+(x) =d−(x). En voici deux exemples :

uuuuu �����

�����QQQQ

QQQQ�

���

����BBBBB

BBBBB Z

ZZZZZ

ZZZZZZ

BBBBBBB

BBBBBBB�

������

�������

������

������

uuuuu uu

SSSS

SSSS�����

���������

����HHHH

HHHHDDDDD

DDDDD����

����

�������

�������

���������

���������

HHHH

HHHH

HHHH

HHHH

����������

���������� C

CCCCCCCCC

CCCCCCCCCC\\\\\\\

\\\\\\\

���������

���������%

%%%%%%%

%%%%%%%%e

eeeeeee

eeeeeeee

��������

��������DDDDDDDDD

DDDDDDDDD

HHHH

HHHH

H

HHHH

HHHH

H

Ils sont clairement faiblement connexes. Mais qu’en est-il de la forte connexité ? ♣

Tout d’abord, le lemme simple suivant sera nécessaire

Lemme 1.3.10Soit G un graphe générique non-orienté connexe et S ⊂ Arê(G). Alors, ∀Gi ∈ cfc(G− S), il

existe un sommet de Gi qui soit un bout d’un e ∈ S.

DÉMONSTRATION : Soit cfc(G−S) = {G1, . . . ,Gk}. Si k = 1 il n’y a rien à montrer : ∀e∈ S,b(e)⊂Som(G) = Som(G1). Si k ≥ 2, soit xa ∈ Ga et xb ∈ Gb où a 6= b ∈ k. Dans G il y a une chaîne dea à b (puisque G est connexe), disons x1x2 . . .xnxn+1 où xa = x1 et xb = xn+1. L’ensemble I = {i ∈n | {xi,xi+1} ∈ S} est non-vide car une des arêtes de la chaîne doit disparaître dans G− S (sinonGa = Gb). Ainsi i0, le plus petit élément de I est bien défini. Qui plus est, il appartient à Ga et il estle bout d’une arête dans S. Comme le choix de a est arbitraire, ceci conclut la démonstration. �

EXERCICE 25: Soit G et H deux graphes génériques, montrer que GtH n’est pas connexe.

EXERCICE 26: Soit G un graphe générique, montrer que G = G1tG2t . . .tG` où les Gi sont les[graphes induits sur les] composantes connexes de G.

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1.3 - Chemin, chaînes, circuits, cycle, marches et tournées

EXERCICE 27: Soit G un graphe générique connexe et H un sous-graphe de G, montrer que siG−H = G′1tG′2 alors tout chemin (dans G) de x1 ∈ Som(G′1) à x2 ∈ Som(G′2) contient une arêtede H.

Le prochain théorème est souvent présenté comme le premier théorème de théorie des graphes.

Théorème 1.3.11 (Euler 1759)Un graphe multiple avec lacet sans sommets isolés admet une tournée eulérienne si et seulementsi il est connexe et tous ses sommets sont de degré topologique pair.

DÉMONSTRATION : (⇒) Soit {zi}i∈e(G)+1 une tournée eulérienne. Si pour un i ∈ e(G), zi = zi+1

alors il y a un lacet en ce point. Il peut être enlevé sans changer la connexité ni la parité du degré.Sans perdre de généralité la suite ne contient jamais le même sommet successivement. Dans ce cas,chaque occurrence d’un sommet dans la suite correspond à deux arêtes (une qui va de zi−1 à zi, etune qui va de zi à zi+1 (si i = 0, c’est de ze(G)−1 à z0 et de z0 à z1). Ainsi, le degré de chaque sommetdoit être pair (et non-nul). Une autre façon (peut-être plus claire) c’est que le degré d’un sommet xest égal au nombre de fois que x apparaît dans toutes les paires {zi,zi+1}.

(⇐) L’autre direction n’est pas beaucoup plus rude. Par le théorème de Veblen 1.3.4, il estpossible de trouver une partition P1, . . . ,Pk (où k ∈ Z>0) des arêtes de G, Arê(G), en cycles. Faisonsune induction sur k, le [plus petit] nombre de cycles dans cette décomposition. Si k = 1, une tournéeeulérienne existe clairement.

Supposons que ceci est vrai pour n ≤ k et tentons de l’établir pour k+1. Ainsi, supposons queArê(G) admet une partition en k+1 cycles. Soit C un des cycles de la décomposition. Alors chaquecomposante connexe de G−C qui n’est pas un sommet isolé (disons G1,G2, . . . ,G` où ` ∈ Z>0) aune décomposition en j ≤ k cycles. Ainsi, pour chaque Gi il y a

— un sommet x(i) de Gi qui appartient au cycle C (par le lemme 1.3.10).— une tournée eulérienne {x(i)` }`∈e(G j)+1 sur G j (et qui peut être supposée basée en x(i) :

x(i) = x(i)1 = x(i)e(G j)+1.

Soit {yh}0≤h≤X(C) la tournée eulérienne de C. Alors, chaque x(i) apparaît au moins une fois dans lasuite {yh}. Il suffit de remplacer une occurrence de x(i) par la suite {x(i)j }. Il se peut que pour i 6= j,xi = x j mais ceci n’est pas un problème, car le remplacement laisse toujours 2 nouvelles apparitionsdu sommet remplacé (au début et à la fin de la tournée).

Pour vérifier que c’est bien une tournée eulérienne, étant donnée une arête, soit elle appartient àGk (où k ∈ `) ou à C. Elle apparaît donc dans la tournée. D’autre part, les arêtes des Gk et de C étantdisjointes, elles apparaissent chacune une seule fois. �

EXERCICE 28: Le théorème d’Euler admet aussi une version pour les flèches dans graphes géné-riques finis [orientés]. Trouver des conditions naturelles qui vous permettent d’étendre le résultat etle démontrer. [Indice : commencer par faire une version orientée de l’exercice 22 ou du lemme 1.3.3, puis une version

orientée du théorème de Veblen 1.3.4]

Corollaire 1.3.12 (Euler 1759)Un graphe multiple avec lacet et sans sommets isolés admet une marche eulérienne (qui n’est

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

pas une tournée) entre les sommets x et y si et seulement si il est connexe et, à l’exception dex et y qui sont de degré topologique impair, tous les autres sommets sont de degré topologiquepair.

DÉMONSTRATION : Soit x,y ∈ Som(G) les deux sommets de degrés impairs. En ajoutant une arêtetemporaire entre x et y, le résultat devient une conséquence immédiate du Théorème d’Euler 1.3.11 :la tournée eulérienne xz1 . . .znyx dans G + {x,y} se transforme en marche xz1 . . .zny, le fait queG+{x,y} �

La démonstration du théorème d’Euler 1.3.11 est très explicite. Elle donne un algorithme pour écrireune tournée. En voici, un résumé :

Étape 1 : Identifier un cycle C. Pour ce faire, la procédure est donnée par le lemme 1.3.3 : prendreun sommet x1, puis commencer une marche (xi+1 ∈ Γ(xi)) sans réutiliser deux fois la mêmearête (ce qui est possible comme δ(G)≥ 2.

Étape 2 : Répéter l’étape 1 sur le graphe privé des arêtes du cycle identifié (et en ignorant les sommetsde degré 0). Ceci donne la décomposition en cycles du théorème de Veblen 1.3.4.

Étape 3 : Une fois qu’une partition Arê(G) = ∪i∈kCi des arêtes en cycle est trouvée (il y en a d’ha-bitude plusieurs), la tournée peut être construite. Commencer par écrire la tournée évidenteT1 = x(1)1 x(1)2 . . .x(1)n1 x(1)n1+1 sur C1. Si k = 1 c’est fini.

Étape 4 : Si k> 2, la tournée Ti (où i∈ k et i≥ 2) est construite à partir de Ti−1 = x(i−1)1 x(i−1)

2 . . .x(i−1)ni x(i−1)

ni+1

comme suit : un des sommets de Ti−1, disons x(i−1)j appartient aussi à un autre cycle. La tour-

née Ti est construite en remplaçant l’occurrence de x(i−1)j par le cycle (basé en x(i−1)

j ).

À la fin, la tournée Tk est une tournée eulérienne. De même pour une marche eulérienne, l’astuce esttoujours d’ajouter une arête entre les sommets impairs, de trouver la tournée, de la faire commenceren l’un de ces deux sommets, puis d’enlever l’arête virtuelle (et de raccourcir la tournée en la marchedésirée).

EXERCICE 29: Soit G un graphe générique sans lacet. Montrer qu’une marche contient toujoursune chaîne [Indice : un 1-chemin est une flèche]. Montrer qu’une tournée de longueur impaire > 1 contienttoujours un (2k+1)-cycle (où k ∈ Z>0) [Indice : par induction]. Trouver une tournée de longueur pairequi ne contient aucun n-cycle (n≥ 3).

EXERCICE 30: Soit G un graphe générique fini et A = Adj(G) sa matrice d’adjacence. Montrerque (Ak)xy est le nombre de marches (ou tournées si x = y) entre x et y de longueur k. [Indice : par

induction sur k.]

EXERCICE 31: Un tournoi est-il nécessairement fortement connexe ?

EXERCICE 32: Montrer qu’un tournoi équilibré a forcément lieu sur un nombre impair de sommets.

EXERCICE 33: Montrer que si un tournoi (sur Kn) est fortement connexe, alors il contient descircuits de longueur 3 à n. [Indice : par induction.]

EXERCICE 34 (−): Montrer que si un tournoi (sur Kn) est équilibré, alors il est fortement connexe.[Indice : par le théorème d’Euler pour les graphes orientés.]

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1.4 - Arbres, forêts et laplacien

EXERCICE 35: Soit H un digraphe tel que δ+(H) = δ−(H) = ∆+(H) = ∆−(H) = 1. Montrer que Hcontient un circuit et que, si H n’est pas un circuit alors H n’est pas fortement connexe. Déterminertous les digraphes satisfaisant cette propriété.

EXERCICE 36: Soit G un graphe. Montrer que si X(G)≤ 2n+1 et δ(G) = n alors G est connexe.

EXERCICE 37: Soit G un graphe sans sommet isolé (i.e. de degré 0). Montrer que G est connexe siet seulement si L(G) est connexe.

EXERCICE 38: Un jeu de dominos consiste en un ensemble de pièces de bois (rectangulaires)allongées marquées d’un chiffre en chaque extrémité. Selon les règles du jeu, deux de ces piècespeuvent être mises bout à bout si et seulement si là où elles se touchent le chiffre inscrit est le même.Par exemple [3|4] peut se placer à côté de [4|1] pourvu que les deux extrémités marquées de 4 setouchent.

a- Radegonde dispose de pièces marquées de chiffres allant de 1 à k, où k ≥ 3. Grâce à sesconnaissances en graphes, comment peut-elle savoir s’il est possible de mettre toutes lespièces bout à bout dans une ligne en respectant la règle du jeu de sorte que le premierchiffre de la ligne soit identique au dernier ?

b- Que se passe-t-il si Radegonde a exactement une pièce de chaque sorte (i.e. une seule pièce[1|3], une seule pièce [2|3], ...) et aucune pièce où les deux chiffres inscrits sont identiques.Par exemple, quand k = 3, une disposition possible est la suivante : [1|2][2|3][3|1]. Qu’enest-il lorsque k = 4,5 ou 6 ? Si des nombres supérieurs à 6 étaient admis sur les dominos,quelles valeurs de k permettraient une telle construction ?

1.4 Arbres, forêts et laplacien

Parmi les graphes, il existe une classe particulièrement simple.

Définition 1.4.1. Un graphe [simple non-orienté sans lacet] dénombrable G est dit une forêt si,pour toute paire de sommets x,y∈ Som(G) il existe au plus une chaîne entre x et y. Si G est connexe,alors G est appelé un arbre.

Soit G un graphe orienté dénombrable [simple et sans lacet] et soit x ∈ Som(G). G est dit unarbre pointant vers x s’il est faiblement connexe, et pour tout y ∈ Som(G) différent de x, il existeun unique chemin de y à x.

Soit G un graphe générique non-orienté. Une arête e ∈ Arê(G) est dite un isthme si |cfc(G−e)|> |cfc(G)|. F

Une forêt est ainsi l’union de ses composantes connexes. Or les composantes connexes d’uneforêt sont des arbres.

Exemple 1.4.2. Les chaînes Chn sont des arbres, mais pas les cycles (il y a deux chemins possiblesentre toute paire de sommets). Voici un autre exemple

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

uuuuu u uuuu

ccQQ

aaa��

��

����

uuuuu u uuuu

ccQQ

aaa��

��

����

uuuuu u uuuu

ccQQ

aaa��

��

����

uuuuu u uu ccQ

Q

aaa��

��

Un arbre

Une forêt♣

Avant de passer au théorème de base portant sur les arbres, il est de bon ton de faire quelquesobservations très simples.

Lemme 1.4.3Soit G un graphe générique non-orienté. S’il y a deux chaînes distinctes entre x et y ∈ Som(G)

alors il y a un cycle dans G. D’autre part, si G possède un cycle, alors aucune arête du cycle estun isthme ( i.e. la suppression des arêtes du cycle ne déconnectent pas G).

La démonstration est en réalité très intuitive : a- les deux chaînes étant distinctes mais reliant lesmêmes points, elles doivent se séparer et se retrouver formant ainsi un cycle ; b- s’il y a un cycleet qu’une arête est enlevée, il est toujours possible de faire un détour par ce qui reste du cycle. Ellen’est faite ici en détail que pour donner un exemple d’écriture plus formelle.

DÉMONSTRATION : Pour la première assertion, soit P = x1x2 . . .xn et Q = x′1x′2 . . .x′m deux chaînes

entre x = x1 = x′1 et y = xn = x′m. Soit i0 = min{i ∈ n−1 | xi ∈ Som(Q) mais xi+1 /∈ Som(Q)} eti′1 = min{i ∈ mr {1} | x′i−1 /∈ Som(P) mais x′i ∈ Som(P)}. Soit i′0 tel que xi0 = x′i′0 (en fait i′0 =

i0) et soit i1 tel que x′i′1 = xi1 (par contre, sur i1 il peut seulement être affirmé que i1 > i0). Alorsxi0xi0+1 . . .xi1x′i′1−1x′i′1−2 . . .x

′i′0

est un cycle. En effet, si un sommet apparaît deux fois dans cette suite,il y a contradiction avec le choix de i0 et i′1.

Pour la seconde, si C = x0x1 . . .xnxn+1 est un cycle (de longueur n). Sans perdre de généralité,il est possible de supposer que c’est l’arête e = {xn,xn+1} qui est retirée. Soit alors x,y ∈ Som(G).Comme G est connexe, il y a une chaîne entre x et y, disons P = z1z2 . . .zm. Si elle ne contientpas xnxn+1 il n’y a rien à montrer. Si c’est le cas, soit i0 = min{i ∈ m | zi ∈ Som(C)} et soit i1 =max{i ∈ m | zi ∈ Som(C)}. Alors, si j0 est tel que x j0 = zi0 et j1 est tel que x j1 = zi1 , la chaînez1 . . .zi0−1x j0 . . .x j1zi1+1 . . .zm est une nouvelle chaîne entre x et y (l’ordre dans la séquence x j0 . . .x j1

dépend bien sûr de savoir lequel de j0 et j1 est le plus grand). Ainsi, le graphe est toujours connexe.�

Théorème 1.4.4Soit G un graphe [simple fini non-orienté sans lacet]. Les assertions suivantes sont équivalentes :

(a) G est un arbre, i.e. toute paire de points (distincts) est reliée par une unique chaîne.

(b) G est connexe et ne contient aucun cycle.

(c) G est connexe et toute arête est un isthme.

(d) G n’a pas de cycle, mais pour tout e = {x,y} /∈ Arê(G), le graphe G+ e contient uncycle.

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1.4 - Arbres, forêts et laplacien

DÉMONSTRATION : (a) ⇒ (c). G est clairement connexe. La seconde propriété se démontre parla contraposée. Supposons que pour un certain e = {x,y} ∈ G, G− e soit encore connexe. SoitP = xx1 . . .xny la chaîne dans G− e entre x et y. Alors il existe, dans G deux chaînes de x à y : P etxy (directement via e).

(c) ⇒ (b). La contraposée de nouveau. Par le lemme 1.4.3, s’il y a avait un cycle, il seraitpossible d’enlever une arête sans perdre la connexité.

(b)⇒ (d). Rien à montrer sur l’absence de cycle dans G. Soit e = {x,y} /∈ Arê(G). Comme ilexiste déjà une chaîne entre x et y, disons P = xx2 . . .xny, il y aura dans G+ e un cycle : xx2 . . .xnyx.

(d)⇒ (a). D’une part (la contraposée de nouveau) si G avait deux chaînes, il y aurait un cycle.Ainsi G est une forêt. Si G n’était pas connexe, il y aurait x,y ∈ Som(G) tels que cfc(x) 6= cfc(y).Supposons que G+ {x,y} a un cycle. Comme G est sans cycle, ce cycle doit comporter l’arêtee = {x,y}. Écrivons le xyz1z2 . . .znx. Alors yz1z2 . . .znx est un chemin de y à x, ce qui contreditcfc(x) 6= cfc(y).

Le critère (c) du théorème précédent qualifie les arbres comme les graphes connexes minimaux,et le (d) comme les graphes acycliques (i.e. sans cycles) maximaux. Ceci a une conséquence trèsimportante :

Corollaire 1.4.5Tout graphe connexe G contient un sous-graphe couvrant T qui est un arbre.

DÉMONSTRATION : Soit T l’ensemble des sous-graphes couvrants connexes de G. Il est possiblede mettre une relation d’ordre partielle sur T . En effet, soit H1 et H2 deux sous-graphes couvrantsconnexes de G, alors H1 ≤Arê H2 si Arê(H1) ⊂ Arê(H2). Il est très facile de voir qu’il s’agit d’unordre partiel. De plus, T 6= ∅ car G lui-même est un sous-graphe couvrant et connexe de G. Deplus, T est fini, car il y a au plus 2e(G) sous-graphes couvrant de G. Ainsi T possède un élémentminimal. Par le théorème 1.4.4, ce dernier doit être un arbre puisque la suppression d’une arête doitle rendre non-connexe. �

La même démonstration peut s’effectuer en regardant les sous-graphes couvrant acycliques et enregardant un élément maximal pour cette relation d’ordre. Le terme arbre couvrant sera employépour désigner un sous-graphe couvrant qui est un arbre.

EXERCICE 39: Il existe aussi deux autres caractérisations. Soit G un graphe.

a- Montrer que si G est acyclique alors δ(G) = 1. [Indice : l’exercice 22 ou le lemme 1.3.3].

b- Montrer que si δ(G) ≥ 2 alors e(G) ≥ X(G). [Indice : le lemme des poignées de mains, cf. exercice

11.]

c- Montrer que G est un arbre si et seulement si G est connexe et e(G)≤X(G)−1. [Indice : Par

induction.]

d- Montrer que G est un arbre si et seulement si G est acyclique et e(G)≥ X(G)−1. [Idem]

e- En déduire que si G est un arbre, e(G) = X(G)−1.

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

La résolution du précédent exercice implique en particulier que si G est une forêt et que G àk composantes connexes alors e(G) = X(G)− k. Certains points de l’exercice 39 sont importants,pour la suite. Ainsi cet exercice est partiellement résolu dans les quelques lemmes qui suivent. Unedes conséquences du théorème 1.4.4 est qu’il donne une recette pour faire des arbres :Corollaire 1.4.6

Si G est un arbre, et G′ est obtenu de G par l’ajout d’un sommet x′ et d’une arête qui le relie àun seul x ∈ Som(G), alors G′ est un arbre.

Inversement, si e(G) > 0 et G′ est obtenu de G en supprimant un sommet de degré 1 (etl’arête correspondante), G′ est un arbre.

DÉMONSTRATION : Pour la première assertion, G′ est acyclique et d’autre part tout ajout d’unearête créerait un cycle (comme G est connexe et maximal pour un graphe acyclique).

Quant à la seconde, G′ est clairement connexe et ne peut pas contenir de cycle (puisque ce cyclesera aussi dans G). �

Lemme 1.4.7Soit G un graphe acyclique tel que e(G)≥ 1. Alors G a un sommet de degré 1.

DÉMONSTRATION : Tout d’abord, lorsque G est acyclique, ses composantes connexes le sont aussi.Soit x ∈ b(e) (où e est une arête), alors la composante connexe de x a degré minimal 1. En effet, s’ilétait de 2, le lemme 1.3.3 ou l’exercice 22, donnerait l’existence d’un cycle. �

Lemme 1.4.8Soit G un arbre, alors e(G) =X(G)−1. Soit G un graphe acyclique tel que e≥X(G)−1, alorsG est un arbre.

DÉMONSTRATION : Pour la première assertion, la méthode du bûcheron (en coupant la branche)sera employée. Par induction sur X(G). Si X(G) = 1 (ou 2 ou même 3), la formule est évidente.Supposons que c’est vrai pour tout graphe d’ordre strictement inférieur à n. En retirant le sommetx de degré 1 (qui existe par le lemme précédent et que n > 1) et son arête, le graphe résultantGrx est clairement un arbre (e.g. en vérifiant la propriété de la chaîne unique). Ainsi par inductione(Gr x) = X(Gr x)−1, et la conclusion s’obtient en rajoutant le sommet et son arête.

La seconde se montre aussi par induction sur X(G). Lorsque X(G) = 1 (ou 2, ou même 3),c’est assez évident. Supposons que c’est vrai lorsque l’ordre du graphe est strictement inférieur à n.Soit x ∈ Som(G) de degré 1 (de nouveau il existe car n > 1), alors Gr x est toujours acyclique etsatisfait l’inégalité e(Gr x) ≥ X(Gr x)− 1 (car une arête et un sommet ont été enlevés). CommeG est obtenu de l’arbre (par hypothèse d’induction) Gr x en ajoutant un sommet avec une arête, Gest à nouveau un arbre. �

Un corollaire assez intuitif mais utile est

EXERCICE 40: En utilisant l’exercice 39 ou le lemme 1.4.8 et l’exercice 11 (le lemme des poignéesde mains), montrer que tout arbre d’ordre au moins 2 a au moins 2 sommets de degré 1. [Indice :

supposer qu’il y a au plus 1 sommet d’ordre 1 et trouver une contradiction.]

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1.4 - Arbres, forêts et laplacien

Voici une cinquième caractérisation : G est un arbre si et seulement si il possède un unique arbrecouvrant (par le théorème 1.4.4.c).

Ceci apporte la question : pour un graphe donné, combien d’arbres couvrants possède-t-il ? S’iln’est pas connexe la réponse est simple : il n’y en a pas. Sinon, c’est un peu plus dur. Pour y répondrede manière à mettre en valeur certains éléments de la suite du cours, la méthode utilisera la matriced’incidence et le laplacien combinatoire.

Définition 1.4.9. Soit G un graphe multiple avec lacet et H une orientation de G. La matriced’incidence de H, notée IncH est la matrice de taille X(H)×~e(H) définie par

(Inc(H)

)x f =

−1 si x = s( f ) 6= c( f );+1 si x = c( f ) 6= s( f );0 sinon.

Le produit matriciel Lap(G) = Inc(H)Inc(H)T est appelé le laplacien combinatoire.Le nombre d’arbres couvrants de G est appelé la complexité de G, notée τ(G). F

Dans certains textes, Inc(G) est appelée la matrice gradient et Lap(G) la matrice (ou l’opérateur)de Kirchhoff. La notation varie beaucoup. La définition admet des graphes avec lacets, même s’ilssont essentiellement ignorés (ils correspondent à une colonne remplie de 0 ; comme il sera vu plustard, ceci est normal.

Exemple 1.4.10. Cet exemple sera important dans la suite. Il s’agit de la matrice d’incidence ducircuit, ~Cn. Pour n = 4, il s’agit de la matrice suivante :(−1 0 0 1

1 −1 0 00 1 −1 00 0 1 −1

)En particulier, la somme des 4 colonnes est nulle. En fait, pour toute orientation d’un cycle, lamatrice sera la même, quitte à multiplier les colonnes par −1. Qui plus est, il n’y a dans chaquecolonne qu’un seul 1 et qu’un seul −1. Ainsi, si le graphe G possède un n-cycle (où n≥ 2 et n = 2est un rebond), la matrice d’incidence aura n colonnes qui sont linéairement dépendantes. ♣Lemme 1.4.11

Lap(G) = Deg(G)−Adj(G) où Deg(G) est la matrice diagonale des degrés [algébriques] (c’àd.(Deg(G)

)xy = dalg(x) si x = y et = 0 sinon) et ne dépend pas du choix de l’orientation H.

DÉMONSTRATION : Avant de se lancer, il est bon de noter que la formule Deg(G)−Adj(G) eststable sous ajout ou suppression de lacets : le nombre de lacets en x apparaît positivement dansDeg(G) et négativement dans Adj(G) dans la même ligne et même colonne. De plus, l’ajout d’unecolonne remplie de 0 ne change rien au produit Inc(H) · Inc(H)T. Ainsi, sans perdre de généralité,la démonstration peut se poursuivre en supposant que G est sans lacet.

Posons R = Inc(H) (où H est une orientation de G) et L = RRT. Il suffit de regarder direc-tement la somme (L)xy = ∑

f∈Flè(H)(R)x f (R)y f . En effet, si x = y alors le produit vaut le nombre

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

d’arêtes quelque soit l’extrémité de la flèche où x se trouve. D’où (L)xx = dalg(x) =(Deg(G)

)xx =(

Deg(G)−Adj(G))

xx (rappelons que, G étant sans lacet, Adj(G) est triviale sur la diagonale). En-suite, si x 6= y, alors le résultat du produit est −1 pour chaque flèche qui les relie (indépendammentdu sens de la flèche). Ceci n’est rien d’autre que −1 fois le nombre d’arêtes dans G entre x et y.D’où (L)xy =

(−Adj(G)

)xy =

(Deg(G)−Adj(G)

)xy. Ce qui termine la démonstration. �

EXERCICE 41: Soit G un graphe [non-orienté simple sans lacet fini]. Montrer que la matrice d’ad-jacence du graphe des arêtes de G, L(G), est Adj(L(G)) = Inc(G)TInc(G) où la matrice d’incidenceest ici définie par (IncG)xe = 1 si x ∈ b(e) et 0 sinon, où x ∈ Som(G) et e∈ Arê(G) (elle est de tailleX(G)× e(G)).

Lemme 1.4.12Soit R = Inc(T ) la matrice d’incidence d’un arbre orienté T avec X(T )≥ 2. Si R′ est obtenu deR en enlevant une ligne, alors DetR′ =±1.

Deux exemples avant de passer à la démonstration :

Exemple 1.4.13. L’étoile à n branches, notée Én, est le raccord des graphes triviaux T1 ? Tn. Ilexiste une unique orientation de sorte qu’un sommet soit de degré extérieur d+(r) = n. Les matricesd’incidences de ~Ch3 et de É3 orientée de cette manière sont respectivement(−1 0 0

1 −1 00 1 −10 0 1

)et

(−1 −1 −11 0 00 1 00 0 1

)Remarquer que le signe dépend de la ligne enlevée. ♣

Avant de poursuivre rappelons aussi que si A est une matrice indicée par X et que Y ⊂ X alorsA|Y est la matrice obtenue en ne gardant que les colonnes et lignes correspondant aux indices dansY . Il s’agit de la Y -mineure principale de A, le terme mineure (tout court) est employé lorsque lescolonnes ne correspondent pas aux lignes. Si Y1,Y2 ⊂ X , alors A|Y1×Y2 , la Y1×Y2-mineure de A, estla matrice dont les lignes sont indicées dans Y1 et les colonnes dans Y2. La formule de calcul d’undéterminant, après identification de X avec n, par expansion le long de la ligne d’indice y s’écritainsi :

DetA = ∑x∈X

(−1)y+x(A)yxDetA|(Xr{y})×(Xr{x}),

pourvu que le calcul des déterminants de gauche utilise le même ordre dans l’identification deX privé d’un élément avec n−1. Le terme mineure (tout court) sera souvent employé pour dési-gner les mineures ci-dessus. Un cofacteur d’une matrice cofyxA est le déterminant de la mineureA|(nr{y})×(nr{x}) fois le signe (−1)y+x. La matrice des cofacteurs est la matrice CofA dont les co-efficients sont les cofacteurs : (CofA)xy = cofyxA. Une identité cruciale est A(CofA) = (DetA)Id.

DÉMONSTRATION DU LEMME 1.4.12 : Le lemme 1.4.8 (ou l’exercice 39) implique que R′ estcarré. La démonstration procédera par induction sur le nombre de sommets. Pour n = 2 sommetsle calcul se fait rapidement. Supposons que ceci est vrai pour k < n. Sans perdre de généralité, il

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1.4 - Arbres, forêts et laplacien

est possible de prendre Som(T ) = n. Il est aussi possible de supposer que c’est la nème ligne qui estretirée et que le sommet n−1 est voisin du sommet n (il doit y avoir au moins un sommet).

Soit R∗ la matrice obtenue de R en additionnant la nème ligne à la (n− 1)ème ligne puis ensupprimant la nème ligne et la colonne correspondant à la flèche qui relie n et n− 1 (une colonnequi serait sinon remplie de 0). Cette matrice est en fait la matrice d’incidence de l’arbre T ∗ =T/{n,n− 1} obtenu par contraction de l’arête {n,n− 1} (et avec la même orientation pour lesautres arêtes). Appelons n∗ le sommet correspondant à la contraction. Soit R′′ obtenue de R∗ ensupprimant la dernière ligne (celle de n∗) alors Det(R′) =±Det(R′′). En effet, en faisant l’expansiondu déterminant de R′ selon sa dernière ligne (correspondant au sommet n−1) il y aura dans toutes lesmineures une colonne de 0 (correspondant à l’arête {n,n−1}) sauf justement la mineure provenantde cette colonne.

∗ ... ∗ 0 ∗ ... ∗...

. . ....

......

......

∗ ... ∗ 0 ∗ ... ∗∗ ... ∗ ∓1 ∗ ... ∗∗ ... ∗ ±1 ∗ ... ∗

Ainsi, à un signe près c’est le déterminant de la matrice R′′. Or par hypothèse d’induction, Det(R′′)=±1. Ceci conclut la démonstration. �

La prochaine étape préparatoire laisse entendre que le laplacien contient des informations sur legraphe.

Lemme 1.4.14Le laplacien d’un graphe G possédant k composantes connexes a un noyau (en tant qu’ap-

plication linéaire de RX(G) dans lui-même) de dimension k. Qui plus est, c’est une matricesemi-définie positive ( i.e. toutes ses valeurs propres sont ≥ 0)

DÉMONSTRATION : Soit, pour i ∈ k, Gi la ième composante connexe de G. Soit v(i) le vecteur deRX(G) (dont les entrées seront indicées par Som(G)) tel que

(v(i))

x = 1 si x ∈ Som(Gi) et 0 sinon.Alors (

Lap(G)v(i))

y = ∑x∈Som(G)

(Lap(G)

)yx

(v(i))

x = ∑x∈Som(Gi)

(Lap(G)

)yx

= dalg(y)− ∑x∈Som(Gi)r{y}

Adj(G)xy = dalg(y)−dalg(y) = 0

D’autre part, ils sont linéairement indépendants (orthogonaux même). Ainsi, le noyau du laplacienest de dimension au moins k.

Pour la seconde affirmation, soit H une orientation de G et R = Inc(H). La simple écritureLap(G) = RRT assure que la matrice est semi-définie positive. Soit v un vecteur (colonne) indicépar Som(G), alors vTRRTv = ‖RTv‖2. Or cette dernière expression est ∑

{x,y}∈Arê(G)

(vx−vy

)2. Si v est

dans le noyau, cette somme doit être nulle. Étant composée de carrés, ceci signifie que pour toutearête, la différence de la valeur du vecteur entre chaque extrémité est nulle, ou autrement dit que levecteur est constant sur les composantes connexes. �

Un dernier rappel s’impose avant de passer au théorème final. Il s’agit de la formule de Binet-Cauchy. Soit A une matrice m×n et B une matrice n×m. Soit, pour Y ⊂ n un sous-ensemble, A|m×Y

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

la mineure obtenue en retirant de A les colonnes qui ne sont pas indicées par Y et B|Y×m la mineureobtenue de B en retirant les lignes qui ne sont pas indicées par Y . Alors

Det(AB) = ∑|Y |=m

DetA|m×Y DetB|Y×m.

En particulier, si m > n, la somme est sur un ensemble vide et vaut conséquemment 0. Si m = n, lesmatrices sont carrées et c’est simplement la formule du produit.

Une interprétation géométrique est possible lorsque A est à coefficient réel (c’est une applicationlinéaire de Rn dans Rm). Le déterminant de AAT est égal au carré du volume m-dimensionnel duparallélépipède engendré (dans Rn) par les lignes de A. Par la formule, cette quantité est égale àla somme des carrés des volumes des projections orthogonales de ce parallélépipède sur les sous-espaces de coordonnées de dimension m (il y en a

(nm)). Dans le cas m = 1, la ligne est un vecteur,

le volume m-dimensionnel est sa longueur, et les projections sont les coordonnées du vecteur ; cen’est rien d’autre que le théorème de Pythagore.

Théorème 1.4.15 (Théorème Arbre-Matrice)Soit G un graphe multiple. Alors le nombre d’arbres couvrants de G est égal à un cofacteur de

la matrice Lap(G).

DÉMONSTRATION : D’abord, si G a plus d’une composante connexe, alors L est de rang au plusn−2 ainsi tous ses cofacteurs sont nuls.

Soit R = Inc(H) une matrice d’incidence de G (H est une orientation de G) et soit L = Lap(G).Soit F ⊂ Flè(H) et Y ⊂ X , alors R|Y×F est la matrice R restreinte aux lignes indicées par Y et auxcolonnes indicées par F . Tout d’abord, cofxxL = Det(R|(Xr{x})×Flè(H)RT

|(Xr{x})×Flè(H)). La formulede Binet-Cauchy donne de plus que

Det(R|(Xr{x})×Flè(H)RT|(Xr{x})×Flè(H)) = ∑

|F |=|X |−1Det(R|(Xr{x})×F)Det(RT

|(Xr{x})×F).

Il reste à montrer que Det(R|(Xr{x})×F) = ±1 si l’ensemble de |X |− 1 flèches détermine un arbrecouvrant sur X et 0 sinon.

En effet, supposons que le sous-graphe (X ,F) n’est pas un arbre. Alors, en oubliant l’orienta-tion, il possède un cycle (cf. lemme 1.4.8 ou exercice 39). Autrement dit, en choisissant les signescorrectement, une somme de certaines colonnes de la matrice R|(Xr{x})×F) est nulle, voir exemple1.4.10. D’autre part, s’il est acyclique, le lemme 1.4.8 implique que c’est un arbre. Puis, si c’est unarbre, le lemme 1.4.12 donne que le résultat est ±1. Ainsi, la somme dans l’équation ci-dessus sefait bien sur tous les arbres et chaque terme de la somme vaut (±1)2 = 1.

Il apparaît alors que tout cofacteur diagonal du laplacien de G est bien le nombre d’arbrescouvrants de G. Pour voir que c’est le cas pour les autres cofacteurs, il suffit de faire appel aulemme 1.4.14 : le noyau de Lap(G) est exactement de dimension 1 si G est connexe, et le noyau estengendré par le vecteur constant. Puisque Lap(G)Cof(Lap(G)) = Det(Lap(G))Id = 0, les colonnesde la matrice Cof(Lap(G)) sont des vecteurs constants, autrement dit, n’importe quel cofacteur faitl’affaire. �

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1.4 - Arbres, forêts et laplacien

Ceci permet de retrouver un célèbre théorème (il y a au moins une bonne vingtaine de démonstra-tions).

Corollaire 1.4.16 (Formule de Cayley)

Le nombre d’arbres couvrants du graphe complet Kn (n≥ 2) est τ(Kn) = nn−2.

DÉMONSTRATION : Bien qu’il existe des méthodes sophistiquées pour y parvenir, il s’agit de cal-culer un cofacteur de la matrice laplacienne. Autrement dit, le déterminant de la matrice (n−1)×(n−1) ∣∣∣∣∣∣∣

n−1 −1 ... −1 −1−1 n−1 ... −1 −1

......

. . ....

...−1 −1 ... n−1 −1−1 −1 ... −1 n−1

∣∣∣∣∣∣∣=∣∣∣∣∣∣∣

n−1 −n ... −n −n−1 n ... 0 0

......

. . ....

...−1 0 ... n 0−1 0 ... 0 n

∣∣∣∣∣∣∣=∣∣∣∣∣∣∣

1 −n ... −n −n0 n ... 0 0...

.... . .

......

0 0 ... n 00 0 ... 0 n

∣∣∣∣∣∣∣= nn−2

Les étapes ci-dessus sont : 1- soustraire la première colonne à toutes les autres ; 2- ajouter à lapremière colonne 1

n fois toutes les autres ; 3- faire le calcul. �

Pour la culture générale, voici quelques théorèmes importants sur les arbres pointant vers unsommet.

Définition 1.4.17. Dans un digraphe r ∈ Som(G) est appelé une racine si ∀x ∈ Som(G) il existeun chemin de x à r.

Un arbre enraciné en r est une orientation d’un arbre qui possède r comme racine. F

Théorème 1.4.18Soit G un digraphe. Les assertions suivantes sont équivalentes :

(a) G est un arbre enraciné en r, i.e. G a une racine r et ∀x ∈ Som(G)r{r} le chemin de xà r est unique.

(b) G a une racine et le graphe obtenu de G en oubliant l’orientation est un arbre.

(c) G a une racine telle que d+(r) = 0 et ∀x ∈ Som(G)r{r}, d+(x) = 1.

(d) G a une racine, mais ∀ f ∈ Flè(G), G− f n’en a pas.

(e) G est faiblement connexe et il existe un sommet r tel que d+(r) = 0 tandis que ∀x ∈Som(G)r{r}, d+(x) = 1

Il existe un théorème très marrant (et pas si difficile) qui relie, dans un graphe orienté, le nombred’arbres couvrants enracinés et le nombre de tournées eulériennes, le théorème “BEST” (du nomde ses quatres auteurs Brujin, van Aardene-Ehrenfest, Smith et Tutte). Tout d’abord, deux tournéeseulériennes sont égales si l’un est la même que l’autre mais avec un peu de retard, e.g. x1x2 . . .xmx1

est la même tournée que xixi+1 . . .xmx1x2 . . .xi−1xi.

Théorème 1.4.19

Soit G un graphe multiple orienté [fini sans lacet]. Supposons que ∀x∈ Som(G),d+(x) = d−(x).Soit s(G) le nombre de tournées eulériennes distinctes de G et, pour x∈ Som(G), t(x) le nombre

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

d’arbres enracinés en x. Alors, pour tout x ∈ Som(G),

s(G) = t(x) ∏x∈Som(G)

(d−(x)−1)!

En particulier, le nombre d’arbres enracinés ne dépend pas du sommet.

Un autre type d’arbre qui simplifie parfois quelques démonstrations est l’arbre normal.

Définition 1.4.20. Étant donné un sous-graphe H de G, une H-chaîne est une chaîne qui necontient aucune arête de H et, hormis les extrémités qui appartiennent à H, aucun sommet de Hnon plus.

Étant donné un arbre T avec une racine en x0, l’ordre de l’arbre (T,x0) est défini par x ≤T x′

si x est sur l’unique chaîne de x′ à x0.Un arbre T enraciné en x0 est dit normal, si les extrémités de toutes T -chaînes sont comparables

pour l’ordre de l’arbre (T,x0). F

EXERCICE 42: Soit G un graphe. L’objectif de cet exercice est de montrer que, pour tout x0 ∈Som(G), G possède un arbre normal et couvrant enraciné en x0. La démonstration opère par contra-diction et maximalité.

a- Soit T un arbre maximal de sorte que T est normal. Montrer que, si T n’est pas couvrant etC une composante connexe de GrT , alors Γ(C) est une chaîne dans T

b- Prendre x un élément maximal dans cette chaîne, et l’adjoindre à T pour obtenir un arbreT ′. Montrer que T ′ est aussi normal.

EXERCICE 43: Soit G un graphe k-régulier. Montrer que si Arê(G) possède une partition en parbres couvrants (i.e. une partition Arê(G) =tiPi tel que le graphe induit par chaque Pi est un arbrecouvrant) alors G est un graphe complet et X(G) = 2p. [Indice : calculer e(G) : a- par la décomposition en

arbres couvrants ; puis b- par le lemme des poignées de main. Utiliser que n et n−1 sont copremiers.]

EXERCICE 44: Soit G un graphe k-régulier. Montrer que si Arê(G) possède une partition en pcycles couvrants alors k = 2p. Trouver un tel graphe qui n’est pas un graphe complet. Montrer quesi G est complet et possède une partition de ses arêtes en cycles couvrants, alors X(G) est impair.

EXERCICE 45: Soit G un graphe connexe. Montrer que si X(L(G)) = X(G) alors G contient exac-tement un cycle. Montrer que si G est isomorphe à L(G) alors G est un cycle.

EXERCICE 46: Dans cette section, le fait que l’ensemble des sous-graphes couvrants peut êtreordonné par l’inclusion de l’ensemble des arêtes, i.e. pour deux sous-graphes H1 et H2, H1 ≤Arê H2

si Arê(H1)⊂ Arê(H2). Donner un exemple de sous-graphe de K5 qui est maximal parmi les graphessans 3-cycles.

Il existe aussi une autre relation d’ordre : disons que pour deux sous-graphes H1 et H2, H1≤e H2

si e(H1)≤ e(H2). Donner un exemple d’un sous-graphe de K5 qui est maximal pour ≤Arê mais paspour ≤e.

EXERCICE 47: Calculer le nombre d’arbres couvrants de K2,5 d’une part en utilisant le théorèmearbre-matrice et de l’autre en utilisant de la combinatoire élémentaire.

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1.5 - Graphes bipartis et distance

1.5 Graphes bipartis et distance

Un autre type de graphe très utile qui connaît ses applications sont les graphes dit bipartis (qu’ilsera possible d’appeler ultérieurement 2-coloration ou 2-coloriage).

Définition 1.5.1. Un graphe G générique est dit biparti s’il existe une partition de Som(G) endeux ensembles X1 et X2 telle que [c’est une partition, i.e. X1∩X2 =∅ et X1∪X2 = Som(G), et] sixi ∈ Xi alors Γ(xi)⊂ X j où i, j ∈ 2 et i 6= j. F

Exemple 1.5.2. K2 est biparti, mais aucun des Kn lorsque n > 2. Les cycles/circuits pairs (ou infi-nis) sont bipartis mais les cycles/circuits impairs ne le sont pas. Les étoiles Én sont aussi biparties.Il sera démontré sous peu que toutes les forêts sont biparties.

Tout graphe contenant un sous-graphe qui n’est pas un graphe biparti ne peut pas être biparti.En particulier, les graphes des arêtes sont très rarement biparti (laissé en exercice).

Un exemple très important de graphe biparti, sont les graphes bipartis complets. Il s’agit duraccord Kn,k = Tn ?Tk. En particulier Én = K1,n. K3,3 est particulièrement important pour un sujet àvenir. En effet, il est impossible de le représenter sur une feuille sans que ses arêtes se croisent. Cen’est pas le cas de K2,3 (ni de K2,n d’ailleurs). ♣

EXERCICE 48: Soit G un graphe. Montrer que L(G) contient un sous-graphe induit Kn s’il existex ∈ Som(G) avec d(x)≥ n. En déduire que si L(G) est biparti alors ∆(G)≤ 2.

Bien que cela semble totalement disjoint du sujet actuel, c’est un moment opportun pour intro-duire la notion de distance.

Définition 1.5.3. La distance entre deux points d’un graphe générique G est la fonction distG :Som(G)2→ Z≥0∪{∞} définie comme suit :

distG(x,y)

= ∞ s’il n’y a pas de chemin de x à y;≤ n s’il y a un n-chemin de x à y;= 0 si x = y.

F

Attention, dans un digraphe, la distance ci-dessus n’est pas une distance : en effet, dist(x,y) peutêtre différent de dist(y,x).

Définition 1.5.4. Soit G un graphe générique. La boule de rayon r ∈ Z≥0 en x ∈ Som(G) estBr(x) = {y ∈ Som(G) | d(x,y)≤ r}. La sphère est ainsi δBr(x) = {y ∈ Som(G) | d(x,y) = r}.

Le diamètre, noté DiamG, d’un graphe générique connexe G est la quantité supx,y∈Som(G) d(x,y).Le rayon, noté RadG est le plus petit r tel qu’il existe x avec Br(x) = Som(G) (s’il n’y en a pas,alors r = ∞). F

Voici le théorème principal sur les graphes bipartis :

Théorème 1.5.5Soit G un graphe générique non-orienté. Les assertions suivantes sont équivalentes :

(a) G est biparti.

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

(b) G est sans cycle impair.

(c) Le graphe induit sur une sphère dans G est un graphe vide.

DÉMONSTRATION : (a)⇒ (b). Comme mentionné à l’exemple 1.5.2 si G est biparti, alors tous sessous-graphes le sont. En particulier, un cycle impair n’est pas un graphe biparti.

(b)⇒ (c). Sans perdre de généralité, il est possible de supposer que G n’a qu’une composanteconnexe (faire la même démarche pour chacune). Soit x ∈ Som(G), soit P = ∪r pairδBr(x) et I =∪r impairδBr(x) les ensembles suivants. Supposons qu’il y ait une arête e dans le graphe induit sur lasphère, disons δBk+1(x). Alors il y a deux chemins de longueur k entre x et deux sommets voisinsy1 et y2 (∈ b(e)). Soit P1 = xz1z2 . . .zky1 et P2 = xz′1z′2 . . .z

′ky2 ces deux chemins. Il se peut très bien

qu’ils aient des sommets en commun.Soit m1 ∈ Z≥0 tel que ∀i > m1,zi /∈ {z′i}i∈k et soit m2 ∈ Z≥0 tel que ∀i > m2,z′i /∈ {zi}i∈k. Alors

m1 = m2. En effet, si m1 < m2, alors le chemin xz1 . . .zm1z′m2+1 . . .z′ky est (strictement) plus court

que P2, ce qui contredit que y2 ∈ δBk(x). Idem, si m2 < m1. Ainsi m1 = m2 =: m. Mais alors lecircuit zmzm+1 . . .zky1y2z′kz′k−1 . . .z

′m+1z′m est de longueur 2(k−m)+3. Ceci forme un cycle impair,

contradiction. Ainsi, les graphes induits sur les sphères sont triviaux.(c)⇒ (a). Utiliser la partition en sphères Som(G) = P∪ I. En effet, il ne peut pas y avoir d’arête

entre deux sphères de la même parité, sinon cela permettrait de faire un raccourci. �

Corollaire 1.5.6Toute forêt est bipartie.

DÉMONSTRATION : En effet, elles sont sans cycle. �

EXERCICE 49: Raffiner le théorème de Mantel 1.3.2 (cf. exercice 21) en montrant que l’égalité(dans l’inégalité) n’a lieu que pour le graphe biparti complet Kbn/2c,dn/2e.

EXERCICE 50: Soit G un graphe connexe qui n’est pas régulier. Montrer que si L(G) est k-régulieralors il existe k1 et k2 deux entiers tels que k1+k2−2 = k et une bipartition de X(G) = P1∪P2 telleque ∀x ∈ Pi,d(x) = ki. [De tels graphes sont appelés (k1,k2)-semi-réguliers.]

Une autre notion reliée à la bipartition est celle d’hypergraphe. Un hypergraphe est la donnéed’un ensemble (d’habitude fini) X et d’un sous-ensemble E de P(X)r{∅} (sans contrainte sur lecardinal). Un graphe [fini simple orienté] avec lacet correspond ainsi à un hypergraphe en identifiantE à l’ensemble des arêtes.

Les hypergraphes peuvent se transformer en un graphe [fini simple orienté sans lacet] biparticomme suit. Étant donné un hypergraphe (X ,E), le graphe biparti associé est G tel que Som(G) =

X tE est une bipartition et pour x ∈ X et e ∈ E, Adj(G)xe = Adj(G)ex = 1 si x ∈ e et vaut 0 sinon.Inversement, un graphe biparti donne lieu à un hypergraphe. Soit Som(G) = P1 ∪P2 une bi-

partition de G, alors l’hypergraphe associé est donné par X = P1 et P(X) ⊃ E = {Γ(p) | p ∈ P2}.Bien sûr, l’ordre de P1 et P2 peut être inversé. Si de plus ∀p ∈ P2,d(p) = 1 ou 2 alors l’hypergrapheobtenu est un graphe et le degré [algébrique] de p ∈ P1 dans le graphe [avec lacet] est |Γ(p)|.

Soit G un graphe avec lacet. Le graphe des subdivisions de G, noté Sub(G), est le grapheobtenu ne mettant un sommet au milieu de chaque arête de G (et en remplaçant les lacets par

29

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1.6 - Connexité

des segments avec un sommet au bout). Au vu des paragraphes précédents, c’est le graphe [sanslacet] biparti obtenu de G en le considérant comme un hypergraphe. Autrement dit Som(Sub(G)) =

Som(G)tArê(G), ΓSub(G)(x) = {e ∈ Arê(G) | x ∈ b(e)} et ΓSub(G)(e) = b(e).

Ainsi, un graphe est un graphe de subdivision si et seulement si il existe une bipartition Som(G)=

P1tP2 telle que ∀p ∈ P2,deg(p) = 1 ou 2.

Exemple 1.5.7. Sub(Cn) = C2n, Sub(Chn) = Ch2n et Sub(Bn) = K1,n. Un exemple un peu plusaléatoire :

uuu uu

�����

@@@@@j

uuu uuuu uuu

u

u

�����

@@@@@

Sub(G)

G

EXERCICE 51: Trouver le diamètre du graphe de Johnson J(n,k,k−1) où n > 2k.

EXERCICE 52: Montrer que L(K3,3) est auto-complémentaire. [L’illustration n’aide pas vraiment, mais un

peu de décoration ne peut pas faire de mal]. [Indice : décrire les sommets de L(K3,3) par une paire (a,b) ∈ 3×3 ; (a,b)

et (c,d) sont reliés si a = c ou b = d (mais pas les deux à la fois, i.e. pas de lacets).]ww w www

w ww

bbbbb"""""

"""""bbbbb

�����������T

TTTTTTTTTT

�����BBBBB

eeee`````

���

����TTT

EXERCICE 53: Montrer que, si G est un graphe [fini] connexe, RadG≤ DiamG≤ 2RadG.

EXERCICE 54: Le but de cet exercice est d’estimer

f (d) = maxDiamG=d

infT∈T DiamT

où le max est sur les graphes [simples finis sans lacets non-orientés] et T est l’ensemble des arbrescouvrants de G.

a- Montrer que si DiamG = 1 alors G est complet. En déduire f (1).

b- Calculer le diamètre de C2n−1 (où n ∈ Z>0). En déduire une borne inférieure pour f (d).

c- Utiliser l’exercice 53 pour conclure.

1.6 Connexité

Il est bien pratique d’avoir des graphes connexes, mais il est aussi utile d’étudier à quel point ilest connexe (par exemple, pour la stabilité d’un réseau). Résiste-t-il bien à la destruction de sommetsou d’arêtes ? Combien y a-t-il de chemins entre deux sommets ?

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

Définition 1.6.1. Un sommet x d’un graphe connexe G est un sommet de coupe si le graphe induitsur Som(G)r{x} (noté Gr x) n’est pas connexe. F

Lorsque S ⊂ Som(G) et E ⊂ Arê(G) il sera commun de noter Gr S pour le graphe induit surSom(G)rS et G−E pour le graphe G privé des arêtes appartenant à E

Dans un arbre, toute arête est un isthme et tout sommet de degré strictement supérieur à 1 est unsommet de coupe. Parfois, les gens d’ambition aiment bien voir la résistance d’un graphe sous desmodifications plus drastiques.

Définition 1.6.2. Soit k ∈ Z>0.

Un graphe générique non-orienté G est dit k-connexe si soit a- G = Kk+1 soit b- X(G)≥ k+2 et∀S⊂ Som(G) tel que 0≤ |S| ≤ k−1, GrS est connexe. La connexité d’un graphe G, notée κ(G),est le plus grand entier tel que G est k-connexe.

Un graphe générique non-orienté G est dit k-arête-connexe si X(G) ≥ 2 et ∀E ⊂ Arê(G) telque |E|= k−1, le graphe G−E est connexe. La connexité des arêtes, notée κe(G), d’un graphe Gest le plus grand entier k tel que G est k-arête-connexe. F

Clairement, un graphe est 1-connexe si et seulement si il est connexe et est d’ordre au moins 2.

EXERCICE 55: Montrer qu’un graphe multiple sur au moins deux sommets est connexe si et seule-ment si il est 1-arête-connexe.

De plus, un graphe est 2-connexe si et seulement si il possède au moins 3 sommets et aucunsommet de coupe. Un graphe est 2-arête-connexe si et seulement si il contient au moins 2 sommetset aucun isthme. Par abus de langage, un graphe générique non-orienté est de connectivité (resp.connectivité des arêtes) infinie s’il est k-[arête-]connexe pour tout k ∈ Z>0. Un graphe génériquenon-orienté est aussi 0-[arête-]connexe s’il n’est pas connexe.

Exemple 1.6.3. Soit 1≤ `≤ n≤ ∞. Alors

κ(Kn+1) = n, κe(Kn+1) = n;κ(Chn) = 1, κe(Chn) = 1;κ(Cn+2) = 2, κe(Cn+2) = 2;κ(K`,n) = `, κe(K`,n) = `.

Un exemple plus intéressant est le graphe G obtenu de (KntKn) en y ajoutant un sommet x et `≤ narêtes entre x et chaque Kn. Alors κ(G) = 1 mais κe(G) = `.

Un arbre T a toujours κe(T ) = 1 = κ(T ). ♣

Ainsi, le graphe induit sur un sommet de moins peut avoir une connectivité des arêtes beaucoupplus petite que le graphe original (e.g. dans l’exemple ci-dessus elle passe de ` à 0).

EXERCICE 56: Soit G un graphe, x ∈ Som(G) et H le graphe induit sur Grx. Montrer que κ(G)−1≤ κ(H)≤ κ(G). Si e ∈ Arê(G), montrer que κe(G)−1≤ κe(G− e)≤ κe(G).

Pour chaque inégalité (4 en tout) donner un exemple où elle est stricte.

EXERCICE 57: Montrer que si G est un graphe et X(G)≥ 2 alors κ(G)≤ κe(G)≤ δ(G).

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1.6 - Connexité

L’exercice 18 montre qu’un graphe 2-régulier est soit 2-connexe soit 0-connexe. C’est un castrès particulier.

EXERCICE 58: Soit k∈Z>1. Décrire une famille d’exemples de graphes connexes qui sont (2k+1)-réguliers mais ni 2-connexes ni 2-arête-connexes.

Montrer que pour tout graphe G connexe 2k-régulier, κe(G)≥ 2. Décrire une famille de graphesconnexes 2k-réguliers qui ne sont pas 2-connexes ni 3-arête-connexe.

Avant de se lancer dans le théorème principal de la section, il est bon de noter que si X(G) ≥k+2 et il existe T ⊂ Som(G) tel que |T |= k et GrT n’est pas connexe alors G n’est pas (k+1)-connexe. De plus, si X(G)≥ k+2 et κ(G) = k, alors il existe T ⊂ Som(G) tel que |T |= k et GrTn’est pas connexe. il faut jouer un peu avec les définitions pour s’en rendre compte.

Un certain nombre de chaînes P1, . . . ,Pn seront dites disjointes s’ils n’ont pas de sommets com-muns, sauf (peut-être) leur extrémité. Intuitivement, un graphe est aussi “très connexe” s’il existebeaucoup de chemins disjoints entre toute paire de sommets. En fait, il s’obtient sans effort que...

Lemme 1.6.4S’il y a k chaînes disjointes entre toute paire de sommet de G alors κ(G)≥ k.

DÉMONSTRATION : Tout d’abord, si k = 1 l’affirmation n’est que la définition de connexité. Soitk > 1. S’il existe k chaînes entre deux sommets, X(G) ≥ 2+(k− 1) = k+ 1 sommets. Si X(G) =

k+1, G = Kk+1 car il doit y avoir k chaînes pour toute paire de sommets.Si X(G) ≥ k + 2, la démonstration se fera par contradiction. Supposons qu’il existe un T ⊂

Som(G) tel que |T |= k−1 et GrT n’est pas connexe. Soit x et y dans deux composantes connexesde GrT et soit P1, . . . ,Pk les k chaînes qui les relient dans G. Comme elles sont sommet-disjointes,chaque sommet de T se trouve au plus sur une chaîne. Ainsi, au moins une des chaînes est encoreprésente dans GrT , et donc cfc(x) = cfc(x), une contradiction. �

Il est cependant beaucoup plus dur de montrer que cette condition est, en fait, nécessaire

Théorème 1.6.5 (Menger 1927)Soit G un graphe k-connexe, alors il existe k chaînes disjointes entre toute paire de sommets.

En fait, une formulation plus légèrement forte du théorème est plus commode à démontrer.

Définition 1.6.6. Deux sommets x et y de G sont dits k-connectés si

a- soit G est Kk+1

b- soit X(G)≥ k+2 et ∀S⊂ Som(G)r{x,y} tel que 0≤ |S| ≤ k−1, x et y appartiennent à lamême composante connexe de GrS.

Un sous-ensemble S ⊂ Som(G) est un x↔y-séparateur si cfcG(x) = cfcG(y) mais cfcGrS(x) 6=cfcGrS(y). Lorsque G est connexe, un séparateur (tout court) est un ensemble minimal (pour lecardinal) tel que GrS n’est plus connexe. F

Dans un graphe connexe, un x↔y-séparateur S est un ensemble de sorte que toute chaîne entrex et y passe par S. Ainsi, un x et y sont k-connectés dans un graphe G qui n’est pas complet, si tout

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

x↔y-séparateur est de cardinal ≥ k. De la même façon, dans un graphe G qui n’est pas complet,tout séparateur a cardinal ≥ k.

Le théorème tel qu’énoncé ci-dessus découlera du fait qu’un graphe est k-connexe si et seule-ment si toute paire de sommets est k-connectés. Tout est donc prêt pour démontrer le théorème deMenger :Théorème 1.6.7

Soit G un graphe et x1,x2 ∈ G k-connectés, alors il existe k chaînes disjointes entre x1 et x2.

DÉMONSTRATION : Ceci est vrai pour les graphes complets et pour k = 1, ainsi il suffit de le montrerpour X(G) ≥ k+ 2 et k ≥ 2. Supposons qu’il existe un graphe qui contredise ce théorème. Soit Gle plus petit contre-exemple possible, c’àd. k est minimal (i.e. il n’y a pas de contre-exemples pour1≤ ` < k) et que (parmi tous les contre-exemples) G contient un nombre minimal d’arêtes. Ainsi, ilexiste deux sommets x1 et x2 qui sont reliés par (au plus) k−1 chaînes disjointes.Étape 1 : aucun sommet ne possède à la fois x1 et x2 comme voisin. Sinon le graphe Gr x serait uncontre-exemple pour k−1.Étape 2 : un x1↔x2-séparateur est soit contenu dans le voisinage de x1 ou de x2. Soit T ⊂ Som(G)

tel que x1 et x2 sont dans des composantes connexes distinctes de Gr T . Tout d’abord x1 n’estpas adjacent à tous les sommets de T alors |cfcGrT (x1)| > 1. Soit G1 obtenu de G en réduisant lacomposante connexe de x1 dans GrT (ou cfcGrT (x1)) à un seul sommet qui sera nommé x′1 puisen reliant ce sommet x′1 à tous les sommets de T . Alors,

— X(G1)≥ k+2 ; (il y a x2, x′1 et les k sommets de T ) ;— G1 possède moins d’arêtes que G ; (il y a au moins une arête de disparue comme la com-posante connexe de x1 contient au moins un autre sommet) ;

— x′1 et x2 sont (au moins) k-connectés dans G1 ; (si T ′ est un plus petit séparateur dans G1

il donne lieu à un plus petit séparateur dans G)Ainsi, dans G1 il doit y avoir k chemins entre x′1 et x2. En particulier, il y a, pour chaque sommetde t ∈ T , une chaîne qui va de t à x2, et ces k chaînes n’ont que x2 comme sommet commun. Enrépétant la procédure avec x2, il s’obtient pour chaque t ∈ T , une chaîne qui va de t à x1, et ces kchaînes n’ont que x1 comme sommet commun. Ainsi, il y aurait dans G, k chaînes disjointes entrex1 et x2. Donc, pour tout ensemble T de cardinal k séparant x1 et x2, soit Γ(x1)⊃ T soit Γ(x2)⊃ T .Étape 3 : construire la contradiction. Maintenant, soit x1y1y2 . . .y`x2 une des plus courtes chaînesreliant x1 à x2. Alors `≥ 2 car Γ(x1)∩Γ(x2) =∅. Soit G′ = G−{y1,y2}, alors

— X(G′)≥ k+2 ;— G′ a moins d’arêtes que G ;— x1 et x2 sont (k− 1)-connectés dans G′ (si T0 sépare dans G′ alors T0 ∪{yi} sépare dansG) ;

Soit T0 de cardinal k− 1 tel que dans G′rT0, x1 ne soit plus dans la composante connexe de x2.Alors, T1 = S0∪{y1} et T2 = S0∪{y2} séparent tous les deux x1 et x2 dans G et sont tous deux decardinal k. Ainsi T1 ⊂ Γ(x1) (car x2 n’est pas voisin de y1) et T2 ⊂ Γ(x2) (car x1 n’est pas voisin dey2). Ainsi, tout sommet de T0 est un voisin commun de x1 et x2 et |T0| ≥ k− 1 ≥ 1. Ceci contreditque Γ(x1)∩Γ(x2) =∅. �

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1.7 - Cycles hamiltoniens et voyageurs de commerce

EXERCICE 59: Soit G un graphe k-connexe. Soit A1,A2 ⊂ Som(G) tels que |A1| ≥ k et |A2| ≥ k.Montrer qu’il existe k chaînes disjointes entre des sommets A1 et des sommets de A2 telles que lesextrémités de ces chaînes dans A1 et A2 sont distinctes. [Indice : regarder un graphe avec deux sommets de

plus.]

EXERCICE 60: Soit G un graphe tel que κe(G) = k ≥ 1. L’objectif est de montrer qu’il existe kchaînes arête-disjointes entre toute paire de sommets (des chaînes sont dites arête-disjointes si ellene possèdent pas d’arêtes communes).

a- Faire k = 1.

b- Montrer que κ(L(G))≥ κe(G).

c- Pour k ≥ 2, passer par le graphe des arêtes et utiliser les exercices 48, 57 et 59.

EXERCICE 61: Soit G un graphe 3-connexe. Montrer que toute paire de sommets appartient à uncycle de longueur paire. En déduire que si G est sans cycles pairs et que κ(G) ≥ 2 alors G est uncycle impair.

EXERCICE 62: Montrer que si X(G) ≤ 2n et δ(G) ≥ n alors G est 2-connexe. Trouver un grapheH tel que X(H) = 2n+1 et δ(H) = n mais H n’est pas 2-connexe.

EXERCICE 63: Soit G un graphe 2-connexe.

a- Montrer que deux arêtes de G quelconques sont sur un même cycle. [Indice : voir l’exercice 59.]

b- Soient C1 et C2 deux cycles de longueur maximale. Montrer que ces deux cycles ont au moinsun sommet commun. [Indice : par l’absurde.]

EXERCICE 64: Soit G un graphe 2-connexe. Montrer que si DiamG = k alors il existe un cycle delongueur 2k.

1.7 Cycles hamiltoniens et voyageurs de commerce

Le problème du voyageur de commerce, auquel ce texte arrivera sous peu, connaît une formeplus simple. Il s’agit de la question de l’existence d’un cycle hamiltonien. Étant donné la définitiondonnée, ce concept s’énonce facilement :

Définition 1.7.1. Soit G un graphe générique. Un cycle (resp. une châine) est dit hamiltonien[e]s’il (resp. si elle) est, en tant que sous-graphe de G, couvrant[e]. Un graphe est dit hamiltonien s’ilpossède un cycle hamiltonien. F

Ainsi, un cycle hamiltonien est un cycle qui passe exactement une fois par chaque sommet dugraphe. Il existe maintenant une pléthore de critères qui permettent d’établir ou non l’existence decycles hamiltoniens. Une obstruction évidente existe dans le cas des graphes bipartis :

EXERCICE 65: Soit G un graphe biparti qui est de plus hamiltonien. Montrer que pour toute bipar-tition P1tP2 de G il existe une bijection entre P1 et P2.

Un autre cas très simple (puisque déjà traité sous un autre nom) est celui des graphes des arêtes.

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

EXERCICE 66: Soit G un graphe et L(G) son graphe des arêtes. Donner un critère suffisant etnécessaire à l’existence d’un cycle hamiltonien. Qu’en est-il si G est multiple ?

Avant de passer au théorème principal, une définition et une remarque s’imposent.

Définition 1.7.2. Soit G un graphe (qui n’est pas une forêt). La circonférence de G est la longueurdu plus long cycle dans G. En particulier, un graphe est hamiltonien si et seulement si sa circon-férence est X(G). Le galbe de G, noté g(G) (“girth” en anglais), est la longueur du cycle le pluscourt. F

“Girth” est plus communément traduit par “tour de taille”. L’auteur ayant entendu s’élever cer-taines plaintes au sujet de cette terminologie se permet ici un petit écart au vocabulaire standard.

Remarque 1.7.3 (Pósa). C’est à Pósa qu’est due cette petite remarque qui permettra de donnerune version renforcée du théorème de Dirac. Si G est connexe mais pas hamiltonien, alors la chaînela plus longue est au moins aussi longue que la circonférence. En effet, étant donné le cycle le pluslong, comme il ne contient pas tous les sommets du graphe, et que G est connexe, un des sommetsdu cycle a un voisin du cycle qui n’appartient pas au cycle. Ceci permet de former une chaîne aumoins aussi longue que le cycle. ♠

Le théorème suivant bien qu’il ne soit pas dans cette forme due à Dirac (le fils adoptif du célèbrephysicien), étant largement inspiré d’un des siens, en portera néanmoins le nom.

Théorème 1.7.4 (Pósa sur une idée de Dirac 1953)Soit G un graphe connexe d’ordre X(G) ≥ 3 tel que pour toute paire de sommets non-voisins

x et y, d(x)+d(y)≥ k. Alors,— si k ≥ n, G est hamiltonien.— si k < n alors G contient une chaîne de longueur≥ k et un cycle de longueur≥ (k+2)/2.

DÉMONSTRATION : Si G est hamiltonien, il y a une chaîne de longueur de n−1 et un cycle de lon-gueur n, donc la seconde affirmation est automatique. Supposons donc que G n’est pas hamiltonien.Soit P = x1x2 . . .x` une chaîne de longueur maximale dans G. Alors Γ(xi) ⊂ {x j} j∈` pour i = 1 eti = `. Par la remarque 1.7.3, x1 et x` ne sont pas voisins (sinon il y aurait un cycle plus long que lachaîne). Qui plus est, il est impossible que x1 soit voisin de xi+1 et x` voisin de xi :

u uu ux1 x`xi+1xi

Effectivement, il existerait alors un cycle xi+1xi+2 . . .x`xixi−1 . . .x1xi+1 plus long que P. MaisΓ(x1) = { j ∈ ` | {x1,x j} ∈ Arê(G)} et Γ′(x`) = { j ∈ ` | {x j−1,x`} ∈ Arê(G)} sont deux sous en-sembles disjoints de `r {1} de cardinal d(x1) et d(x`). Ainsi `− 1 ≥ k. Si k = n c’est une contra-diction (ergo G est hamiltonien) et sinon il y a bel et bien une chaîne de longueur ≥ k dans G.

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1.7 - Cycles hamiltoniens et voyageurs de commerce

L’affirmation sur les cycles est obtenue plus simplement (voir exercice 22). Sans perdre degénéralité, il sera supposé que d(x1) ≥ d(x`) (sinon continuer avec x`). Alors d(x1) ≥ dk/2e. Soitt = max{i | {x1,xi} ∈ Arê(G)}. Alors t ≥ d(x1)+1≥ dk/2e+1 et G contient un cycle de longueurt. �

Corollaire 1.7.5Soit G un graphe d’ordre n = X(G)≥ 3. Si δ(G)≥ n/2 alors G est hamiltonien.

EXERCICE 67: Soit G un graphe d’ordre X(G) = n. Si, pour toute paire de sommets u,v∈ Som(G),d(u)+d(v)≥ n−1, montrer qu’il existe une chaîne hamiltonienne dans G.

EXERCICE 68: Montrer que si G est 2-connexe alors il existe un cycle de longueur au moinsmin(X,2δ).

EXERCICE 69: Soit G un graphe tel que ∃u,v ∈ Som(G) non-adjacents tels que d(u) + d(v) ≥X(G). Alors G est hamiltonien si et seulement si G′ obtenu de G en rajoutant l’arête {u,v} esthamiltonien.

Enfin, il est bon de mentionner un critère simple (et relativement efficace) pour montrer qu’ungraphe n’est pas hamiltonien. Soit ncc(G) le nombre de composantes connexes d’un graphe.

Lemme 1.7.6 (Lemme des goulots d’étranglements)Soit G un graphe. Si G a un cycle hamiltonien, alors, ∀S⊂ Som(G)

ncc(GrS)≤ |S|

Si G a une chaîne hamiltonienne, alors, ∀S⊂ Som(G), ncc(GrS)≤ |S|+1.

DÉMONSTRATION : Soit C un cycle hamiltonien de G. Alors ncc(Cr S) ≤ |S|. Mais Cr S est unsous-graphe couvrant de Gr S, d’où ncc(Gr S) ≤ ncc(Cr S) ≤ |S|. Si C est une chaîne hamilto-nienne plutôt qu’un cycle, ncc(CrS)≤ |S|+1, d’où la conclusion. �

En particulier, un graphe hamiltonien est (au moins) 2-connexe (en utilisant le théorème de Dirac,ceci donne une solution très rapide à l’exercice 62).

Il est temps de parler un peu de notre bon commis-voyageur. Ce commis se promène donc deville en ville pour vendre sa marchandise et il doit le faite de manière efficace, c’àd. passer par uncertain nombre de villes puis retourner à son point de départ. Le tout de sorte à ce que le parcourssoit le moins long possible. Dans sa modélisation la plus abstraite, il s’agit de trouver un cyclehamiltonien dans un graphe. Afin de le rendre un peu plus réaliste, il faut néanmoins attacher unpoids aux arêtes.

Définition 1.7.7. Un Z-étiquetage des arêtes d’un graphe générique G est une fonction w : Flè(G)→Z. F

En particulier lorsque Z est un anneau et que G est simple, il est tout à fait raisonnable deremplacer les entrées de la matrice d’adjacence A = Adj(G) par les valeurs de cet étiquetage :

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

(W )xy = 0 si Axy = 0 et (W )xy = w(x,y) sinon. Il n’est pas nécessairement vrai que la distance estsymétrique. Prenez par exemple une carte de randonnée. Transformez la en graphe en mettant unsommet à chaque intersection de chemins, alors il peut être plus long de monter une pente que de laredescendre.

Définition 1.7.8. Soit w un R-étiquetage d’un graphe générique G. Un sous-graphe couvrant Hde G est de poids minimal (pour w) parmi une famille de sous-graphes couvrants H , si, pour toutautre H ′ ∈H , ∑

f∈Flè(H)w( f )≤ ∑

f∈Flè(H ′)w( f ). Le poids de H (pour w) est la somme ci-avant.

Cet étiquetage est dit symétrique si, pour tout (x,y)∈ Flè(H) tel que (y,x)∈ Flè(H), w((x,y))=w((y,x)). Il est dit antisymétrique si, pour tout (x,y) ∈ Flè(H) tel que (y,x) ∈ Flè(H), w((x,y)) =−w((y,x)). F

L’anneau R pourrait être remplacé par n’importe quel groupe Z muni d’une relation d’ordre.Préférablement (mais pas nécessairement) la relation d’ordre est totale et le groupe est abélien. Parexemple, lorsque H est un sous-ensemble de l’ensemble des chemins, Z ne doit pas être abélien.Ou encore : si H est l’ensemble des circuits et la relation est invariante sous conjugaison, alors Zla notion ci-dessus a aussi du sens.

Ce concept reste cependant usuel pour des R-étiquetages et H est soit les arbres couvrants,soit les cycles hamiltoniens, soit les sous-graphes couvrant dont les flèches admettent une partitionen union disjointe de circuits (cf. le théorème de Veblen en version orientée). Le cas du commis-voyageur est le troisième. Sauf que, dans la pratique, il est rarement interdit au commis-voyageurde passer deux fois par le même chemin. Autrement dit, le graphe est un Kn et le poids satisfait uneinégalité triangulaire, i.e. si x1x2x3x1 est un circuit alors w(x1,x2)+w(x2,x3) ≥ w(x1,x3). Commeun cycle hamiltonien existe toujours dans Kn, le problème est plutôt de trouver le circuit hamiltoniende poids minimal.

La stratégie de base, lorsque w est symétrique (i.e. ne dépend pas de l’orientation), est lasuivante. Prendre un circuit hamiltonien au hasard x1x2 . . .xnx1. Choisir i < j ∈ n, et comparerw(xi,xi+1)+w(x j,x j+1) et w(xi,x j)+w(x j+1,xi+1). Si le second est plus court, remplacer le cir-cuit par

x1x2 . . .xix jx j−1 . . .xi+1x j+1x j+2 . . .xnx1.

Et répéter jusqu’à ce qu’il n’y ait plus d’amélioration possible. Une légère amélioration (au niveaude la vitesse de l’algorithme) est possible en considérant trois arêtes plutôt que deux ; mais plus detrois n’aident pas.

Ce qui est plus simple et intéressant est le petit critère suivant.

Proposition 1.7.9Soit G un graphe multiple hamiltonien et w un R-étiquetage symétrique. Soit x ∈ Som(G) (sondegré est ≥ 2 comme G est hamiltonien) et soit Tx de poids minimal dans Hx, l’ensemble desarbres couvrants de Gr x. Alors si C est un cycle hamiltonien de G,

w(C)≥ maxx∈Som(G)

(w(Tx)+ min

y 6=y′∈Γ(x)

(w(x,y)+w(x,y′)

))

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1.7 - Cycles hamiltoniens et voyageurs de commerce

La démonstration en est simple : un cycle hamiltonien moins une arête est un arbre couvrant et, enplus de x, il faut au moins ajouter deux arête à T pour qu’il y ait un cycle passant par x.

Ainsi, une borne inférieure au poids dans le problème de commis voyageur se ramène au pro-blème de l’arbre couvrant de poids minimal. Ce dernier admet par contre plusieurs algorithmesimples (et plus rapides). En voici un :

Algortihme 1 : Soit G un graphe connexe qui n’est pas un arbre.— Étape 0. Poser G0 = G. Trouver e1 ∈ Arê(G) une arête dont w(e) est maximal parmi les

arêtes qui ne sont pas des isthmes (G− e est encore connexe).— Étape i (où 0 < i < e(G)−X(G)− 2). Poser Gi = Gi−1− ei. Trouver ei+1 ∈ Arê(Gi) une

arête dont w(e) est maximal parmi les arêtes qui ne sont pas des isthmes dans Gi.— Étape e(G)−X(G)−2. Poser T = Ge(G)−X(G)−3+ee(G)−X(G)−2 ; l’arbre minimal est trouvé.

Le processus se termine en au plus X(G)− e(G)−1 étapes, car un arbre a un sommet de plus qued’arêtes.

Proposition 1.7.10Soit G un graphe connexe et w un R-étiquetage symétrique. Alors l’algorithme ci-dessus donneun arbre de poids minimal. Si w est injective, il existe un unique arbre couvrant de poids mini-mal.

DÉMONSTRATION : Soit T l’arbre obtenu en appliquant l’algorithme et soit T0 un graphe parmi lesgraphes minimaux tel que le nombre d’arêtes communes avec T est aussi minimal. Soit {x,y} unearête de T qui n’appartient pas à T0. Dans T0 il y a une chaîne entre x et y, et elle passe par unearête {u,v} /∈ Arê(T ) (sinon T aurait un cycle). Comme {x,y} n’a pas été enlevé par l’algorithme,w(x,y) ≤ w(u,v). Cependant T0−{u,v}+{x,y} serait alors un arbre minimal qui posséderait plusd’arêtes communes avec T , une contradiction. Ainsi T doit être lui aussi minimal.

Pour l’unicité, si w est injective, alors, dans l’argument plus haut, il faut remplacer T et T0 pardeux arbres minimaux, T ayant été obtenu par l’algorithme. Il apparaîtrait que w(x,y)< w(u,v) (parinjectivité) et alors que le poids de T0−{u,v}+{x,y} est strictement inférieur à celui de T0, ergo ilne peut y avoir qu’un arbre minimal. �

La démonstration ci-dessus se passe bien dans n’importe quel groupe abélien, pourvu que l’ordresoit total et que a ≤ b⇒ c+ a ≤ c+ b (les groupes abéliens dénombrables qui satisfont cette pro-priété sont malheureusement tous des Zn, même s’il y a une multitude d’ordres possibles très variée).

Voici un autre algorithme qui requiert e(G)− 1 étapes (ce qui est mieux ou moins bien que leprécédent selon le nombre d’arêtes dans G. Il s’appelle “algorithme de Prim”.

Algortihme 2 : Soit G un graphe connexe qui n’est pas un arbre.— Étape 0. Poser G0 = VX(G) le graphe vide sur les sommets de G. Trouver e1 ∈ Arê(G) une

arête dont w(e) est minimal parmi les arêtes de G.— Étape i (où 0 < i < X(G)−2). Poser Gi = Gi−1 + ei. Trouver ei+1 ∈ Arê(G)r∪k∈i{ei} une

arête dont w(e) est minimal parmi les arêtes dont les deux bouts ne sont pas dans la mêmecomposante connexe de Gi.

— Étape X(G)−2. Poser T = GX(G)−3 + eX(G)−2 ; l’arbre minimal est trouvé.

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

Ceci il y a bien d’autres possibilités. Par exemple, une petite variation de l’algorithme ci-dessusest

Algortihme 3 : Soit G un graphe connexe qui n’est pas un arbre.

— Étape 0. Poser G0 = VX(G) le graphe vide sur les sommets de G. Prendre x0 un sommet auhasard et trouver e1 ∈ Γ(x0) ⊂ Arê(G) une arête dont w(e) est minimal parmi les arêtes deG.

— Étape i (où 0 < i < X(G)−2). Poser Gi = Gi−1 + ei. Trouver ei+1 ∈ Arê(G)r∪k∈i{ei} unearête dont w(e) est minimal parmi les arêtes e telles que |b(e)∩

(∪k∈i b(ei)

)|= 1.

— Étape X(G)−2. Poser T = GX(G)−3 + eX(G)−2 ; l’arbre minimal est trouvé.

La différence est que, d’un bout à l’autre, il y a toujours une composante connexe.

Les trois algorithmes ne se font pas en le même nombre d’étapes mais sont à peu de chose prèséquivalents. Le premier est préférable si e(G)≤ 2X(G)−2 et les deux suivants si e(G)≥ 2X(G)−2.L’algorithme 3 est un peu plus simple à implémenter. En voici un dernier, plus restrictif.

Algorithme 4 : Soit G un graphe connexe qui n’est pas un arbre et soit w injective.

— Étape 0. Poser G0 = VX(G) le graphe vide sur les sommets de G. Pour chaque sommet x ∈Som(G) choisir l’arête ex dont le poids est minimal (il est possible [même obligatoire] quela même arête soit choisie par différents sommets).

— Étape i. Poser Gi = Gi−1 +∪x∈Som(G)ex. Soit G1, . . . ,G` les composantes connexes de Gi. Si` = 1 l’algorithme est terminé. Sinon, pour tout k ∈ `, trouver ek ∈ Arê(G) une arête dontw(e) est minimal parmi les arêtes tel que |b(ek)∩Som(Gk)|= 1.

Cet algorithme peut se terminer en un nombre d’étapes indéterminées. Si les étapes sont comp-tées comme ci-dessus il pourrait paraître qu’il est beaucoup plus rapide. Cependant chaque étapedemande beaucoup plus de calculs que, par exemple, l’algorithme 3.

EXERCICE 70: Montrer que les algorithmes 2 et 3 donnent bien des arbres, puis montrer la propo-sition 1.7.10 pour l’algorithme 2 ou 3.

EXERCICE 71: Montrer que l’algorithme 4 fonctionne (i.e. qu’il donne bien un arbre, c’àd. qu’il n’ya pas trop d’arêtes) lorsque w est injective. Puis montrer qu’il donne bien le même arbre couvrantque n’importe lequel des trois algorithmes précédents (toujours pour w injective).

Il est possible d’élaborer largement sur le sujet ; les livres et les articles abondent dans cettedirection. Le lecteur est invité à se cultiver par lui-même si l’envie l’y porte.

EXERCICE 72: Montrer que tout tournoi contient un chemin hamiltonien.

EXERCICE 73: Pour un graphe G, rappelons que G est le graphe complémentaire de G. Soit Cn lecycle sur n sommets. Montrer que Cn a un cycle hamiltonien si n≥ 5.

EXERCICE 74: Un chevalier (la pièce d’échec) se déplace sur un échiquier non-standard qui a mcolonnes et n lignes. Un mouvement de cette pièce est de faire un saut de sa case originale versune case qui se situe 2 colonnes (ou lignes) et une ligne (respectivement, une colonne) plus loin(voir dessin ci-dessous : le chevalier en O peut se déplacer sur les cases, marquées par un X). Une“ronde du chevalier” est une suite de ces sauts de sorte que le chevalier parcourt toutes les casesdudit échiquier sans jamais revenir sur une case déjà parcourue, excepté pour le dernier saut, qui

39

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1.7 - Cycles hamiltoniens et voyageurs de commerce

revient à la case de départ. La question (classique) est : pour quels m,n ≥ 3 et pour quelle caseinitiale, l’échiquier de taille m×n admet une ronde du chevalier ?

X X

X X

O

X X

X X

a- Interpréter ce problème en terme de graphes.

b- Montrer que le graphe du problème est biparti.

c- Conclure qu’il n’y a pas de ronde du chevalier si l’échiquier est de taille m×n pour m et nimpairs. (Pour la même raison, même si l’échiquier standard 8×8 possède des rondes, dèsqu’une case est enlevée, ce n’est plus possible.)

Le prochain exercice fait contraste avec l’exercice 62 où il est demandé de trouver un grapheG tel que δ(G) ≥ 2k, X(G) = 4k+1 et κ(G) = 1. Ainsi une contrainte de régularité peut être plusstricte qu’une contrainte sur le degré minimal.

EXERCICE 75: En utilisant le théorème de Dirac 1.7.4 et la 2-connexité, l’exercice 68 montre qu’ungraphe G 2-connexe dont le degré minimal est δ possède un cycle de longueur min(n,2δ).

a- Montrer qu’un graphe 2k-régulier d’ordre 4k+1 est 2-connexe.

b- En utilisant le résultat ci-dessus, montrer qu’un graphe 2k-régulier d’ordre 4k+ 1 est ha-miltonien.

EXERCICE 76: Le cube de dimension n, Qn est le graphe ainsi défini : l’ensemble des sommetsest l’ensemble des suites de longueur n à valeur dans {0,1}, c’àd. x ∈ X = {0,1}n s’écrit x =

(x1, . . . ,xn) où xi ∈ {0,1}. Deux sommets sont reliés par une arête s’ils diffèrent par exactement un

terme, c’àd. {x,x′} ∈ Arê(G) si et seulement sin∑

i=0|xi− x′i|= 1.

1. Comment est obtenu Qn à partir de Qn+1 ?

2. Montrer que Qn est biparti.

3. Montrer que Qn possède un cycle hamiltonien.

EXERCICE 77: Cucuphas, la petite souris, a devant elle un superbe morceau de gruyère (suisse,évidemment !). Disons le morceau se divise en petits cubes (3× 3× 3, i.e. 3 étages formés de 9cubes disposés en carré). Cucuphas peut creuser un tunnel en commençant par n’importe quelendroit (sauf le cube central évidemment), une fois dans le cube, elle peut alors se déplacer versn’importe quel petit cube voisin.

Pour mieux aménager son trésor, elle aimerait creuser un tunnel qui commence et se termineau même endroit en passant par tous les petits cubes. Est-ce possible ? Peut-elle creuser un tunnelqui commencerait en un coin, ferait le tour de tous les cubes extérieurs et se terminerait au centre ?(Utiliser de nouveau la bipartition.)

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

1.8 Graphes planaires

Un graphe est dit planaire lorsqu’il peut être dessiné dans le plan sans que ses arêtes ne secroisent (ou ne touchent un sommet qui n’est pas un de leurs bouts). Plus précisément,

Définition 1.8.1. Soit G un graphe générique non-orienté. G peut se plonger dans l’espace topo-logique Z s’il existe une orientation H, et une paire d’applications : une injection γX : Som(G)→ Zet une application bi-continue 1 γe : Flè(H)× [0,1]→ Z telle que,

— pour toute flèche, γe( f ,0) = γX

(s( f )

)et γe( f ,1) = γX

(c( f )

);

— γe est injective sur Flè(H)×]0,1[ ;— pour tout x∈ Som(G), γ−1

e

(γX(x)

)= { f ∈ Flè(H) | s( f )= x}×{0}∪{ f ∈ Flè(H) | c( f )=

x}×{1}.La paire γ := (γX,γe) forme le plongement de G dans Z.

Un graphe générique non-orienté est dit planaire s’il existe un plongement dans R2 muni de satopologie euclidienne. F

Il est fréquent d’oublier les indices e et X puisque le contexte rend (normalement) la choseclaire.

L’important ci-dessus est l’injectivité de γ (sur Flè(H)×]0,1[) et le fait que seules les extrémitésdes flèches sont envoyées sur un sommet. En particulier, le lecteur vérifiera facilement que l’orien-tation est sans importance. Le lecteur pourra sans trop de mal tracer un graphe planaire, beaucoupdes exemples précédents en étaient (tant que les arêtes ne se croisaient pas).

Remarque 1.8.2. Une remarque importante sur les graphes planaires finis est que lorsque legraphe tracé dans le plan est retiré, un certain nombre de composantes connexes sont obtenues.Une seule sera non-bornée, et toutes les composantes bornées sont homéomorphes à un disque. Lebord de ce disque est une courbe fermée. Quitte à retirer quelques arbres, ces courbes fermées serontdes cycles du graphes.

Inversement, si C est un cycle du graphe, alors le plan privé de γ(C), donne (à homéomorphismesprès) un disque et une composante connexe non-bornées.

Ces remarques très intuitives sont extrêmement difficiles à montrer rigoureusement. Par exemple,le théorème de Jordan (qui dit qu’une courbe fermée simple 2 sépare le plan en deux parties) est trèscompliqué à démontrer. Nous laisserons donc ici ces “évidences” non-démontrées... ♠

Rien de tel que de commencer par ce que n’est pas un graphe planaire.

Proposition 1.8.3K5 n’est pas planaire.

DÉMONSTRATION : Tout d’abord l’image d’un cycle par un plongement donne une courbe fermée.Le théorème de Jordan dit qu’une telle courbe sépare le plan en deux parties connexes. En plongeant

1. Il serait plus sage de demander C ∞ pour éviter les courbes de Peano et autres étrangetés. Mais les courbes de Peanone sont ni bi-continues ni injectives, donc les conditions énoncées ici sont suffisantes.

2. Simple signifie que la courbe ne s’intersecte pas elle-même

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1.8 - Graphes planaires

K4, il y a alors 4 courbes fermées (chacune correspondant à un des 3-cycle de K4). En effet, chaquesous-graphe induit dans K4 est un K3 = C3, comme il y a 4 =

(43

)choix de trois sommets parmi

4, il y a [au moins] quatre 3-cycle dans K4. D’autre part, étant donné un 3-cycle, c’àd. un K3, il ya clairement trois sommets associés. Comme il n’y a pas d’arêtes multiples, cette association estunique. Ainsi, chaque triplet (non-ordonné) de points détermine un 3-cycle et vice-versa.

Comme c’est un plongement, ces courbes fermées ne s’intersectent pas et ne touchent pas unautre sommet. Soit “l’extérieur” d’un 3-cycle le côté où il y a le point qui n’appartient pas au cycle.En plaçant le cinquième point, il faut le mettre à l’intérieur de l’une de ces 4 courbes fermées. Parsimplicité, il est possible de supposer que c’est le 3-cycle : 1231. Or 4 est à l’extérieur du 3-cycle1231. Mais l’arête qui relie 4 à 5 doit alors croiser la courbe fermée du 3-cycle 1231. Ce qui contreditle fait que c’est un plongement. �

Il y a un autre graphe important qui n’est pas planaire.

EXERCICE 78: Montrer que K3,3 n’est pas planaire. [Indice : cette fois-ci il y a trois 4-cycles dans K2,3.]

L’importance de la non-planarité de K3,3 et K5 vient en fait du théorème de Kuratowski (dontla démonstration ne sera pas faite ici). Pour néanmoins en donner l’énoncé, il est nécessaire d’in-troduire une petite définition. Le fait qu’un graphe puisse ou non se plonger est quelque chose àcaractère topologique, et il est ainsi naturel de vouloir s’intéresser aux sous-graphes au sens topolo-gique d’un graphe.

Définition 1.8.4. Soit G un graphe générique. Un mineur topologique de G est un graphe qui estobtenu de G par une combinaison des deux opérations suivantes :

— prendre le graphe des subdivisions ;— prendre un sous-graphe ;— prendre un sous ensemble Y ⊂ Som(G) tel que ∀y ∈Y,d(y) = 2, puis supprimer chaque yet rajouter une arête entre ses deux voisins. F

Il serait aussi possible de considérer γ(G) comme un espace topologique (avec la topologieinduite). Un mineur topologique est alors aussi un graphe H qui se plonge dans γ(G).

Il est assez facile de se convaincre (même si les détails de la démonstration ne sont pas triviaux)qu’un graphe générique fini qui possède comme mineur topologique un graphe qui n’est pas planairene peut lui-même être planaire. Il est plus surprenant de savoir (et aussi plus difficile de démontrer)qu’il suffit de regarder la présence des deux graphes non-planaires mentionnés pour l’instant.

Théorème 1.8.5 (Kuratowski 1930)Un graphe générique fini n’est pas planaire si et seulement si il possède soit K5 ou K3,3 commemineur topologique.

Autrement dit, les seuls graphes qui sont foncièrement non-planaires sont K5 et K3,3. Il existe unautre résultat intéressant dans le même ordre d’idée :

Théorème 1.8.6 (Wagner 1937)G est planaire si et seulement si aucun graphe obtenu de G par une suite de contraction n’est

isomorphe à K5 et K3,3.

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

La vieille garde avait déjà un intérêt marqué, bien que déguisé pour les graphes planaires. La rai-son tient à ce qu’un polyèdre convexe est un graphe planaire (et vice-versa ? pas si évident, il fautattendre quelques résultats ultérieurs et procéder par induction). En effet, étant donné votre poly-èdre convexe favori, il est inclus dans une boule dont le centre se situe à l’intérieur du polyèdre.Placez-vous au centre, grâce à un viseur laser, visez chaque sommet du polyèdre et regardez le pointcorrespondant sur la sphère. Par la même méthode, suivez les arêtes et regardez les courbes obtenuessur la sphère. Ceci n’est rien d’autre qu’un graphe plongé dans la sphère, c’àd. un graphe planaire.

Il est bon de noter que R2 peut être remplacé sans problème par S2 = {x ∈ R3 | ‖x‖ = 1}, lasphère dans R3. En effet, Soit Ψ : S2 r {0,0,1} → R2 la projection stéréographique. Alors étantdonné un plongement γ = (γX,γe) dans R2, (Ψ−1 ◦ γX,Ψ

−1 ◦ γe) est un plongement dans la sphère.Inversement, si γ est un plongement dans la sphère, alors il existe un point qui n’est pas dans l’imagede γ (si G est infini ce n’est pas tout à fait trivial, mais si G est fini c’est facile à démontrer). À rotationprès, il est possible de supposer qu’il s’agit de (0,0,1), et ainsi (Ψ ◦ γX,Ψ ◦ γe) est un plongementdans R2.

Il est assez facile de démontrer que tout graphe se plonge dans R3. En voici l’idée : (a) prendreun graphe et placer ses sommets sur un cercle. Tracer toutes les arêtes comme des lignes droites ; (b)il y aura beaucoup d’intersections, pour chacune faire un petit bond de sorte que l’arête sorte du plandans lequel le cercle se trouve. De la même façon, montrons qu’il est possible de plonger un graphedans une surface de genre assez grand. Pour les surfaces orientables, l’idée est la même : elles sontobtenues à partir de la sphère en rajoutant des poignées. Ainsi, le même procédé (en rajoutant unepoignée pour chaque détour), montre que c’est possible de plonger un graphe fini dans une surfacede genre assez grand (l’argument fonctionne aussi pour les surfaces non-orientables).

Comme il est quand même plus amusant d’avoir l’esprit large, il est bon de rappeler quelquesnotions de base sur les surfaces. Tout d’abord, une surface sera ici comprise comme dans son sensle plus strict, i.e. une variété C 2 de dimension réelle 2, compacte, sans bord et connexe. Pour ceuxqui sont familiers, dans le cas orientable, elles peuvent être réalisées comme les surfaces de niveauxde certaines fonctions R3→ R. Dans le cas non-orientable, il est impossible de les réaliser commeune surface de niveau, mais il est possible de les plonger dans R4.

Définition 1.8.7. Une surface Σ est dite de genre strictement inférieur à g′ ∈ Z>0, si, pour tout{γi}i∈g′ tels que les γi sont des courbes fermées (γi : S1 → Σ) d’images disjointes (i 6= j⇒ Imγi ∩Imγ j =∅), Σr∪iImγi n’est pas connexe.

La caractéristique d’Euler[-Poincaré] d’une surface orientable de genre g est 2(1−g) et celled’une surface non-orientable est 2−g. F

Autrement dit, sur une surface de genre g il est possible de découper le long de g courbes ferméesdisjointes sans la déconnecter mais pas g+1.

Exemple 1.8.8. Pour les surfaces orientables, cette définition est assez visuelle. La sphère est degenre 0 et de caractéristique d’Euler 2. Le tore (T= S1×S1) est de genre 1 et de caractéristique 0.Plus généralement, la somme connexe de n tores (T#T# . . .#T) ou le “tore à n trous” est de genre n.En effet, pour chaque “poignée” il est possible de découper un cercle sans déconnecter la surface.

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1.8 - Graphes planaires

Le plan projectif (réel, ou bonnet croisé ;RP2 ou P(R2) selon les notations) est de genre 1. Pourle voir, il faut le représenter comme un disque ou le bord est identifié par l’application antipodale,alors la courbe fermée qui est une ligne droite passant par le centre du disque ne le déconnecte pas.Sa caractéristique d’Euler 1.

La bouteille de Klein (RP2#RP2) est de genre 2 : après l’avoir découpée “longitudinalement”,un ruban de Möbius apparaît. Or découper celui-ci par la courbe fermée qui passe au milieu ne ledéconnecte pas. Sa caractéristique d’Euler est 0.

Plus généralement, la somme connexe de n plans projectifs (RP2# . . .#RP2) est de genre n. Pourle voir, il vaut mieux passer par la classification des surfaces. ♣

Une certaine partie des cycles dans le graphe sont représentés par les faces du polyèdre. Leurcaractérisation en est-même facile. En effet, pour un plongement γ de G dans Σ, l’image complètede G sera notée γ(G).

Définition 1.8.9. Soit G un graphe générique non-orienté connexe. Soit γ un plongement de Gdans Σ. Une face de G (pour ce plongement) est une composante connexe de Σr γ(G). L’ensembledes faces sera Fac(G) et le nombre de faces sera noté fγ(G).

Le plongement γ d’un graphe générique non-orienté connexe G dans Σ est une polygonisation(terme inventé pour l’occasion) si toutes les faces sont simplement connexes. F

Dans S2, toutes les faces sont simplement connexes, ainsi demander que les composantes connexessoient simplement connexes est superflu : tout plongement dans la sphère est une polygonisation.Par contre, pour toute autre surface, ce n’est pas le cas (le plongement d’un arbre n’est pas unepolygonisation si et seulement si la surface privée d’un point a un groupe fondamental trivial, i.e. siet seulement si la surface n’est pas une sphère).

Même lorsque la surface n’est pas compacte ceci reste vrai : dans R2, la composante connexequi “contient” le point à l’∞ n’est jamais simplement connexe.

Exemple 1.8.10. Voici les graphes correspondant à trois solides platoniques (dans l’ordre, le té-traèdre , le cube et l’octaèdre).

tt t

t ttTTT�

��

���������T

TTTTTTTT

eeeeLLLLL�����%%%%�����XXX

XX

xx

x

x x

xxxxxx

x��

@@

��

@@

TTT���

bbbb

b

"""""

��

3

1

4

2

L’observateur attentif qu’est le lecteur aura sûrement perçu qu’il s’agit de K4, Q3 et L(K4). L’auteurvoudrait surtout insister que dans le tétraèdre il y a bien quatre faces. Trois sont évidentes 1241,1341 et 2342. Il ne faut pas oublier que 1231 en est aussi une puisque effectivement, il n’y a riendans la partie “en-dehors”. De la même manière, un cycle plongé comme à l’exemple 1.1.3 auradeux faces et autant de sommets que d’arêtes. Ceci amène à la remarque importante qu’une face necorrespond pas toujours à un cycle : un arbre aurait une face et aucun cycle, un n-cycle deux faceset un cycle, le tétraèdre autant de faces que de 3-cycles. ♣

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

Ainsi, le [—ajouter ici tous les superlatifs mélioratifs possibles—] théorème suivant a bien saplace ici.

Théorème 1.8.11 (Euler 1758)Soit G un graphe générique fini connexe et planaire. Soit f(G) le nombre de faces de G dans unde ses plongements (dans S2 ou R2). Alors X(G)− e(G)+ f(G) = 2.

DÉMONSTRATION : Par induction sur e(G)−X(G). D’abord e(G)−X(G)≥−1 car G est connexe.Si e(G)−X(G) = −1 alors G est un arbre, et l’affirmation est vraie. En effet, pour tout arbre T ,f(T ) = 1 et e(T ) =X(G)−1. Supposons que c’est vrai pour G tel que e(G)−X(G)< ` et où `≥ 0.Soit G tel que X(G)− e(G) = ` ≥ 0. Alors G possède un cycle H, qui est envoyé sur une courbefermée γ(H). Il est possible de retirer une arête a de H sans déconnecter G. De plus, cette opérationréduit le nombre de faces de 1 (car l’arête se trouve exactement sur deux faces). Ainsi,

X(G)− e(G)+ f(G) = X(G−a)− e(G−a)+ f(G−a) = 2

où la dernière égalité est obtenue par induction (car G− a est connexe et X(G− a)− e(G− a) =`−1). �

Ce qui est foncièrement superbe dans ce théorème est que la notion de face peut aussi être faite pourn’importe quelle surface et que la valeur de X− e+ f ne dépend alors que de la surface, et presquepas du graphe. “presque” parce que, par exemple, un arbre se plonge facilement dans n’importequoi (mais alors les faces ne sont pas bien définies). En un certain sens, il faut éviter les cas troptriviaux (qui se ramènent à une surface plus simple, voir aussi l’exercice 85. Le résultat suivant estalors obtenu :

Théorème 1.8.12Soit G un graphe [multiple fini] connexe et γ un plongement dans Σ une surface. Alors

2≥ X(G)− e(G)+ fγ(G)≥ χE(Σ)

où χE(Σ) est la caractéristique d’Euler de Σ. Si de plus G polygonalise Σ, alors l’inégalité dedroite est en fait une égalité.

La démonstration de ce théorème n’est pas non plus très compliquée mais demande un peu plusde détails sur la connaissance de la classification des surfaces. Il est bon de remarquer que pourla sphère, χE(S2) = 2 ainsi le résultat ci-dessus redonne bien la formule d’Euler pour le plan. Deplus, l’égalité est automatique (algébriquement) par l’encadrement des deux côtés par 2. Ceci estcohérent avec le fait qu’un plongement dans la sphère est automatiquement une polygonisation.

Un exercice qui mérite d’être mentionné (car il est utile pour l’étude des graphes se plongeantdans des surfaces) est le lemme des poignées de mains, pour les faces. Mais avant il faut parler dudegré d’une face.

Définition 1.8.13. Soit G un graphe générique non-orienté connexe plongé dans une surface. Ledegré d’une face, noté df est intuitivement le nombre d’arêtes qui bordent la face (en comptant

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1.8 - Graphes planaires

double celle qui sont à l’intérieur). Plus précisément, c’est la longueur de la tournée la plus courtepossible qu’il faut pour passer par tous les sommets qui sont au bord de la face. (Cette notion dedegré est proche du degré topologique plutôt que du degré algébrique.)

Un graphe planaire est dit `-face-régulier si toutes les faces sont de même degré. Il est dit(`1, `2)-face-semi-régulier s’il existe une partition Fac(G) = P1tP2 telle que, pour i ∈ 2, f ∈ Pi⇒df( f ) = `i. F

Par exemple, si Cn est un n-cycle, il y a deux faces de degré n. Si G est obtenu en ajoutant unsommet de degré 1 (relié à n’importe quel autre sommet précédent) alors une face aura degré n maisl’autre degré n+2 (car il faut aussi passer par ce sommet de degré, ce qui ajoute une longueur 2, unpour l’aller et un pour le retour).

EXERCICE 79: [Le lemme de poignées de mains, version face ; c’àd. le lemme des bisous] Montrerque (si G polygonalise Σ, ce qui est automatique si Σ = S2) ∑

f∈Fac(G)df( f ) = 2e(G).

Le théorème d’Euler permet aussi de montrer la non-planarité de K3,3 (et de K5) de manièrealgébrique.

Proposition 1.8.14K3,3 n’est pas planaire.

DÉMONSTRATION : Par contradiction. Étant planaire, il posséderait des faces qui seraient toutesdéfinies par des n-cycles (où n ≥ 4, comme K3,3 est biparti). Soit f = f(K3,3), soit e = e(K3,3) = 9et soit v = X(K3,3) = 6. En faisant la somme sur chaque face du nombre d’arêtes qui la bordent,les arêtes sont comptées deux fois, ainsi 4 f ≤ 2e (cf. le lemme des bisous, exercice 79). Or par lethéorème d’Euler 1.8.11, 0 = 4v−4e+4 f −8≤ 4n−2e−8 d’où e≤ 2n−4 une contradiction. �

Ceci introduit agréablement la notion de saturation (qui peut simplifier quelques démonstrations àvenir).

Définition 1.8.15. Un graphe générique non-orienté G plongé par γ dans un espace topologique Zest dit saturé pour γ si pour toute paire x,y∈ Som(G) telle que {x,y} /∈Arê(G), il n’est pas possibled’étendre γ à un plongement de G+{x,y} dans Z.

Si G est saturé et polygonalise, alors G (ou plutôt γ) est une triangulation de Σ. F

EXERCICE 80: Montrer que si un graphe [fini simple sans lacet non-orienté] plongé dans S2 estsaturé alors toutes les faces sont bordées par un 3-cycle (d’où la terminologie triangulation ; lasphère est automatiquement polygonalisée par un graphe plongé). En conclure que 3f(G) = 2e(G),puis, que, pour tout graphe planaire H (pas nécessairement saturé), e(H) ≤ 3X(H)− 6. En parti-culier, montrer que K5 ne peut être un graphe planaire.

Bien qu’il serait possible de se servir de l’exercice précédent, une suite d’égalité bien menéemontre qu’un graphe planaire a degré minimal au plus 5. Soit G un graphe planaire X(G)− e(G)+

f(G) = 2. De plus comme tous les cycles sont de longueur au moins 3, le lemme des poignées demains (version face) donne que 3f(G)≤ ∑ f∈Fac(G) df( f ) = 2e. D’autre part, si δ(G)> 5, il apparaît

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

que 6X(G)≤ 2e(G). Ainsi

2 = X(G)− e(G)+ f(G)≤ (13 −1+ 2

3)e(G)≤ 0 ...

...une contradiction. Ceci démontre

Lemme 1.8.16Soit G un graphe [simple fini] planaire, alors δ(G)≤ 5.

L’exemple 1.8.10 montre quelques graphes où δ(G) < 5. Il existe un graphe planaire saturé 5-régulier, c’est le graphe de l’icosaèdre. Des simples manipulations comme ci-dessus montrent qu’ilaura 12 sommets, 30 arêtes et 20 faces. L’exercice 84 traite un peu plus des graphes “platoniques”.

Un problème qu’il est impossible de contourner en parlant de graphe planaire est celui de lacoloration. Ce sera le sujet de la prochaine section. Pour la route, trois représentations de l’icosaèdre(les deux premières planaires, la troisième est une “vu de côté”).

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En fait, le lemme 1.8.16 ne se restreint pas au plan (ou à la sphère), comme s’en est aperçuHeawood :

EXERCICE 81: Soit X une surface de caractéristique d’Euler χE(Σ) = k et G un graphe plongédans Σ. Le théorème d’Euler donne que X(G)− e(G)+ f(G)≥ k.

a- En utilisant cette inégalité et que 3f(G)≤ 2e(G), montrer que e(G)≤ 3X(G)−3k.

b- En déduire, via le lemme des poignées de mains, δ(G) ≤ 6− 6kX(G) . En particulier, si k = 0,

δ(G)≤ 6 si k > 0, δ(G)≤ 5.

Une notion parfois très utile est celle du dual d’un graphe plongé.

Définition 1.8.17. Soit G un graphe multiple avec lacet connexe et plongé par γ dans une surfaceΣ. Soit Fac(G) l’ensemble des faces de G. Le graphe dual plongé ou dual [tout court] de G, noté G∗

est défini comme un graphe lui aussi plongé (et le plongement sera noté γ∗) dans Σ qui se déterminecomme suit. Tout d’abord, il existe trois bijections

Fac(G) → Som(G∗), Arê(G) → Arê(G∗), Som(G) → Fac(G∗)f 7→ x∗( f ) , e 7→ e∗ , x 7→ f ∗(x)

de telle sorte que— ∀ f ∈ Fac(G),x∗( f ) ∈ f ;

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1.8 - Graphes planaires

— Soit e l’intérieur d’une arête plongée (i.e. l’arête sans ses extrémités γ(e, ]0,1[)). Alors∀e∈Arê(G), |e∩ e∗| = 1 = |γ∗(e∗, [0,1])∩ γ(G)| = |γ(e, [0,1])∩ γ∗(G∗)| qui plus est cette inter-section est transverse (i.e. il est possible de faire en sorte que les deux arêtes soient desgéodésiques lisses près du croisement, e.g. dans le plan, elles sont des segments [non-brisés]au moment du croisement) ;

— ∀x ∈ Som(G),x ∈ f ∗(x).

F

Il est important d’admettre les lacets et les arêtes multiples dans la définition ci-dessus. Parexemple, K∗2 = B1 et B∗1 = K2. Le dual d’un arbre avec k arêtes est Bk, mais la manière de dessinerce bouquet en k cercles dépend de la structure de l’arbre...

Exemple 1.8.18. Le dual de la 3-chaîne est un bouquet de 3 cercles, mais où les lacets sont em-boîtés l’un dans l’autre (i.e. le cercle du milieu sépare les deux autres cercles dans des composantesconnexes différentes), tandis que le dual de K1,3 (i.e. la 3-étoile) est un bouquet de 3 cercles desorte que, après le retrait de n’importe quel cercle, les deux autres soient toujours dans la mêmecomposante connexe. ♣

Remarque 1.8.19. Pour le lemme des bisous comme pour les duaux, les choses ne se passentréellement bien que si G polygonalise Σ. Par exemple, il y a deux duaux de K1,3 qui ne sont pas lemême graphe plongé dans R2. Par contre, dans S2 ces deux graphes duaux seront les mêmes. ♠

EXERCICE 82: Cet exercice concerne quelques propriétés du dual d’un graphe. Afin de simplifierles choses, les graphes seront supposés plongés dans S2.

a- Montrer que le rebond est auto-dual.

b- Montrer que G∗ est connexe.

c- Montrer que (G∗)∗=G (pour faciliter la vie, supposer que G est sans isthme [i.e. une arête etel que G−e n’est plus connexe, i.e. κe(G)> 1, i.e. toute arête est contenue dans un cycle]).

d- Montrer que le degré d’une face dans G est le degré [topologique] de son sommet dansG∗. En déduire que le dual du graphe [topologiquement !] k-régulier et `-face-régulier est[topologiquement] `-régulier et k-face-régulier.

EXERCICE 83: Montrer que le graphe biparti complet K2,n est planaire pour tout n ∈ Z>0. [Indice :

disposer les n points sur un cercle.]

EXERCICE 84: Soit G un graphe multiple planaire connexe.

a- Si de plus G est k-régulier et `-face-régulier, montrer que (2` +

2k − 1)e(G) = 2. [Indice : les

lemmes des poignées de mains et des bisous]

b- En déduire que, si k> 2 et `> 2, les seules valeurs possibles sont (k, `) sont (3,3),(3,4),(4,3),(5,3)et (3,5).

c- Trouver le solide platonique correspondant à chaque paire (k, `).

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

d- Si k = 2 il n’y a pas de contraintes sur ` et `= 2 il n’y a pas de contraintes sur k. Si k = 2,G est un cycle. Décrire les graphes (multiples) 2-face-réguliers.

Les listes de graphes possibles restent encore raisonnablement petites si le graphe planaire est`-face-régulier et (k1,k2)-semi-régulier ou (`1, `2)-face-semi-régulier et k-régulier. Un multitude depossibilité s’offre à celui qui veut l’élargir encore plus. Par exemple, le polyèdre sur un ballon defootball appartient à une série de polyèdres dits “tronqués” ; pour le ballon lui-même c’est un graphe3-régulier dont toutes les faces sont soit de degré 6 (et ont alors 3 voisins de degré 6 et 3 de degré 5)soit de degré 5 (et alors toutes les faces voisines sont de degré 6). Ainsi, les polyèdres tronqués sontles graphes k-réguliers possédant un ensemble de faces non-voisines de degré `1, les autres facesétant de degré pair `2 et partagent leur voisin équitablement entre les faces de chaque type.

Trois représentations du dodécaèdre (une planaire, une “vue de face” et une représentation parun cycle hamiltonien) :

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EXERCICE 85: Soit T le tore plat, i.e. le quotient de R2 par Z2 (ou plus généralement par deuxtranslations indépendantes). Autrement dit, c’est le carré [0,1]2 où chaque paire de côtés opposésest identifiée ensemble (un promeneur sortant par le haut reviendrait en bas, et, en sortant par ladroite, il reviendrait à gauche). Sa caractéristique d’Euler est 0, autrement dit si un graphe connexeest une polygonisation (i.e. il se plonge dans le tore de sorte que le complément soit une réunion decomposantes simplement connexes), alors 0 = X(G)− e(G)+ f(G).

a- Montrer que si G est connexe, k-régulier et `-face-régulier (et que sa caractéristique estnulle), alors 2

k +2` = 1.

b- En déduire que les valeurs possibles de k et ` sont (3,6),(4,4) et (6,3).

c- Un pavage régulier du plan correspond à un graphe sur un tore (il suffit de recopier letore morceau par morceau dans le plan). Identifier parmi les valeurs possibles le pavage entriangles, hexagones et parallélépipèdes.

d- Montrer que K7 se plonge dans le tore. [Indice : Découper un bout du pavage en triangles de sorte à

n’avoir que 7 sommets, six d’entre eux bordent 4 triangles dont seuls deux sont voisins.]

Pour information, les autres paires (k, `) correspondent à des pavages dits hyperboliques (“hy-perbolic tesselations” en anglais). Ceci donne lieu à plein d’autres jolies formes qui peuvent fairepenser entre autres au corail. Le nom d’hyperbolique vient du fait que ces autres surfaces s’ob-tiennent comme un quotient du plan hyperbolique par un groupe de symétrie (comme le tore est

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1.9 - Cliques et coloration

le quotient du plan R2 par Z2), autrement dit ils correspondent à des graphes k-réguliers et `-face-régulier sur des surfaces de caractéristique < 0.

EXERCICE 86: Le plan projectif est le disque (ou la boule de rayon 1 dans le plan) tel que deuxpoints du bord sont identifiés s’ils sont antipodaux (autrement dit, un balle qui serait lancée versle côté ressortirait au point opposé. Montrer que K6 se plonge dans le plan projectif. Qui plus est,montrer que le dual de ce graphe (cf. définition 1.8.17 et exercice 82) est le graphe de Petersen (i.e.J(5,2,0)).

L’isomorphe entre le dual de K6 et J(5,2,0) est facile à réaliser par dessin, mais plus subtilà réaliser abstraitement. En effet, tout ensemble de trois points dans K6 donne un 3-cycle, maiscertaines de ces courbes fermées ne déterminent pas des faces (puisque RP2 est de genre 1). De fait,il y a 20 =

(63

)3-cycles dans K6 et seulement 10 faces dans le plongement.

EXERCICE 87: Montrer (un dessin suffira) que le graphe des arêtes L(G) d’un graphe 3-régulierplanaire G est planaire. Montrer que les faces de L(G) admettent une bipartition et que si G est`-face-régulier alors L(G) est (3, `)-face-semi-régulier (il est aussi 4-[sommet-]régulier).

EXERCICE 88: Il existe une molécule chimique d’un type particulier (“fullerène”) qui corresponde(quand elle existe) à un graphe planaire 3-régulier, telle que toutes les faces ont 5 ou 6 faces voi-sines (ce sont des pentagones ou des hexagones). Montrer qu’un tel graphe a exactement 12 facespentagonales.

EXERCICE 89: Soit G un graphe [simple sans lacet] qui est une polygonisation d’une surface Σ.Montrer que si G est saturé pour Σ alors toutes les faces sont bordées de 3-cycles (de nouveau, cecijustifie le mot triangulisation). En déduire que, pour tout n ∈ Z>0, K3n+2 n’est jamais la polygoni-sation d’une surface.

EXERCICE 90: Soit G un graphe [simple sans lacet] connexe qui possède au moins un cycle (etdonc au moins trois sommets). Soit g = g(G) ≥ 3 le galbe de G, et supposons que G se plongedans une surface de caractéristique k. Montrer que e(G) ≤ g

g−2(X(G)− k). Montrer que l’égalitéest atteinte dans le cas d’un cycle (prendre la sphère). [Indice : le galbe est une borne inférieure au degré des

faces.]

1.9 Cliques et coloration

La coloration est un problème qui est venu d’une remarque anodine. Une carte peut toujours secolorier avec quatre couleurs, de sorte que deux régions connexes qui ont une frontière communesn’aient pas la même couleur. Bien que cette formulation est simpliste, la question (premièrementénoncée selon l’histoire qui s’écrit dans les livres par Francis Guthrie un botaniste et mathématicienbritannique en 1852) a pris plus de 120 ans avant d’être résolue.

Étant donné un partage de la sphère ou du plan en régions (assez régulières), il est possibled’associer un graphe (dans le goût du graphe dual à l’exercice 82). En effet, chaque région est unsommet et deux régions sont reliées ensemble si elles ont un bout de frontière commun. Par “boutde frontière” s’entend tout ce qui est plus grand qu’un point. Ainsi la question, dans la versionéthérée du penseur en quête d’abstraction, devient : étant donné un graphe est-il possible de peindre

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

ses sommets avec un certain nombre de couleurs de sorte que deux sommets voisins n’aient pas lamême couleur ?

Définition 1.9.1. Soit G un graphe générique sans lacet et Y un ensemble. Une coloration par Yde G est une application de c : Som(G)→ Y telle que ∀x ∈ Som(G), ∀(x,y) ∈ Flè(G), c(y) 6= c(x).Lorsque Y = n, le terme coloration par n couleurs sera employé. Le plus petit cardinal d’un ensembleY pour lequel il existe une coloration de G est le nombre chromatique de G, noté χ(G). F

Exemple 1.9.2. Il est assez facile de voir que χ(Kn) = n (mais comme K5 n’est pas planaire, çan’aide pas). Si un graphe a une arête, alors χ(G) ≥ 2. Tous les graphes bipartis (qui ont au moinsune arête) ont, par équivalence des définitions, χ(G) = 2. Plus généralement, une coloration estéquivalente à une multipartition c’àd. une partition de Som(G) en k ensembles de sorte que legraphe induit sur chaque ensemble est vide. En effet, étant donné une coloration c, le graphe induitsur chaque préimage c−1(y) est vide.

À propos, la notation Kn1,n2,...,nk désigne le graphe k-multiparti complet ; c’est le raccord succes-sif de graphes triviaux : (Tn1 ?Tn2)? . . . ?Tnk . Parfois, lorsque toutes les composantes de la partitionont le même cardinal, la notation Kn;k est utilisée pour Tn ?Tn ? . . . ?Tn. ♣

En fait, la dernière remarque est un bon point de départ pour une obstruction à la coloration. Eneffet, pour tout graphe G, si H est un sous-graphe de G alors χ(H)≤ χ(G) (pour les mêmes raisonsque le sous-graphe d’un graphe biparti est biparti).

Définition 1.9.3. Soit G un graphe multiple avec lacet. Une clique dans G est un sous-ensemblede sommets Y ⊂ Som(G) tel que le graphe induit sur Y est un graphe complet. La taille de la plusgrande clique dans G est notée ω(G). Une n-clique est un Kn induit dans G. F

Ainsi ω(G) ≤ χ(G). Pour trouver un cas où l’inégalité est stricte, il suffit de regarder un cycleimpair C2n+1 (car χ(C2n+1) = 3 ou alors une roue impaire W2n+1 (car χ(W2n+1) = 4). En effet,χ(G) = 2 si et seulement si G est biparti (ergo χ(C2n+1)≥ 3 et, d’autre part, il est facile de trouverune coloration d’un cycle impair en 3 couleurs. Ensuite,

EXERCICE 91: Si G un graphe tel que χ(G) = k alors le raccord de G avec le graphe sur un sommeta un nombre chromatique 1 plus grand : χ(G?K1) = k+1. Plus généralement, χ(G?K`) = k+ `.

Voici le résultat le plus simple en ce qui concerne les coloriages :

Théorème 1.9.4Soit G un graphe et soit k = max{δ(H) |H est un sous-graphe induit de G}. Alors χ(G)≤ k+1

DÉMONSTRATION : Soit n = X(G). Il s’agit d’une application un peu plus rusée de l’algorithmegourmand de coloriage. Cet algorithme consiste à donner un ordre aux sommets (x1,x2, . . . ,xn) puisà les colorier avec des entiers. D’abord, l’étape 1 est de donner à x1 la couleur 1. Puis à l’étape i, xi

se voit attribuer la plus petite couleur possible. Cet algorithme peut-être très mauvais (cf. exercice93) ou très bon (cf. exercice 94) selon l’ordre des sommets pris.

L’idée est de donner un ordre des sommets qui soit pas trop mauvais. Soit xn le sommet réalisantle degré minimum dans G, xn = argmindG(x) et par hypothèse d(xn) ≤ k. Ensuite, pour ` < n,

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1.9 - Cliques et coloration

x` = argmindGr{x`+1,x`+2,...,xn}(x) et d(x`)≤ k. Ainsi, dans l’ordre x1,x2, . . . ,xn chaque sommet auraau plus k+1 voisins déjà coloriés, d’où le résultat. �

Pour la culture, voici un théorème qui donne une borne supérieure simple et efficace.

Théorème 1.9.5 (Brooks 1941)Soit G un graphe connexe. Si G n’est ni un graphe complet, ni un cycle impair, alors χ(G) ≤

∆(G).

En fait, le point difficile dans la démonstration de ce théorème, c’est de régler le cas des graphesréguliers. En effet, soit G un graphe qui n’est pas ∆(G)-régulier, alors le théorème 1.9.4 donnedirectement que χ(G)≤ ∆(G).

Mais le coloriage reste un art subtil. Le penseur mal averti pourrait croire qu’un graphe denombre chromatique χ assez grand contient toujours certains types de graphes. Ce n’est malheureu-sement pas vrai :

Théorème 1.9.6 (Erdos 1959)Il existe des graphes de galbe et de nombre chromatique arbitrairement grand, i.e. ∃Gk tels queg(Gk)≥ k et χ(Gk)≥ k.

EXERCICE 92: Soit G un graphe. Montrer que χ(G)≤ 12 +√

2e(G)+ 14 .

EXERCICE 93: Trouver une famille de graphes Gk et un ordre des sommets de sorte que l’algo-rithme gourmand nécessite χ(Gk)+ k couleurs pour colorier Gk.

EXERCICE 94: Montrer que pour tout graphe G, il existe un ordre des sommets de sorte que l’al-gorithme gourmand donne un coloriage en χ(G) couleurs.

Mais revenons, à nos cartes à colorier. En 1879, Alfred Kempe pensait avoir résolu le problème, maisil s’est avéré une petite erreur dans la démonstration... erreur qui a pris 11 ans à être découverte. Iln’en reste pas moins qu’il a fait le plus qui est à l’heure actuelle connu sans investir une quantitédéraisonnable d’efforts (même si le résultat suivant est souvent attribué à Heawood qui a trouvél’erreur ; Heawood est aussi connu pour son travail sur la version de ce théorème sur les autressurfaces, cf. exercice 95).

Théorème 1.9.7 (Kempe 1879)Soit G un graphe planaire alors χ(G)≤ 5.

DÉMONSTRATION : La démonstration se fait par induction sur le nombre de sommets. Clairement,le résultat n’est pas très difficile pour un graphe de 5 sommets ou moins. Supposons donc quel’affirmation est vraie lorsque X(G) < k où k ≥ 5 et soit G un graphe tel que X(G) = k. De plus,toute arête supplémentaire ne fait que rendre la tâche plus difficile, ainsi sans perdre de généralitéle graphe est saturé. Alors par le lemme 1.8.16, il existe un sommet x ∈ Som(G) de degré au plus 5.Par hypothèse d’induction G−x admet une coloration c : Som(G)r{x}→Y en au plus 5 couleurs.Or ΓG(x)≤ 5, et clairement si |c(Γ(x))|< 5, alors il suffit d’attribuer à x la cinquième couleur. Ainsisupposons que les voisins de x ont 5 couleurs différentes dans c et Y = 5.

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

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Soit, pour i et j ∈ 5, Gi j le graphe induit sur c−1({i, j}). Il est possible de faire une permutationdes deux couleurs dans chaque composante connexe Gi j, de sorte à obtenir une nouvelle colorationen cinq couleurs. Ainsi, le voisin de x colorié par j doit être dans la même composante connexe deG jk que le voisin colorié par k (où 5 3 k 6= j). Sinon, il suffirait de permuter les deux couleurs dansla composante connexe pour n’en avoir plus que 4 autour de x. Seulement voilà, supposons que lescouleurs portées par les voisins de x sont (en sens horaire) 1,2, 3, 4 et 5. Alors dans G13, les voisinscoloriés par 1 et 3 sont dans la même composante connexe ; idem pour 1 et 4 ; idem pour 2 et 5... orvoilà, il est impossible d’avoir une chaîne coloriée par {1,3}, une par {1,4} et une par {2,5} pourdes raisons de planarité. �

Il est comparativement facile de trouver le nombre chromatique d’une surface Σ autre que la sphère,c’àd. le plus grand nombre de couleurs nécessaires pour obtenir une coloration d’un graphe quise plonge dans Σ (résultats dus à Heawood vers 1890). La démonstration du théorème des quatrecouleurs (sur la sphère) est une longue histoire que le lecteur est invité à aller découvrir de lui-même ; ironiquement, l’argument se base encore et toujours sur les idées de la démonstration deKempe, très largement améliorées par Heesch. Une autre démonstration erronée, due à P. G. Tait en1890, est discutée en détail dans Bondy & Murty.

EXERCICE 95: Le but de cet exercice est de donner la borne supérieure sur le nombre de couleursd’un graphe connexe qui se plonge dans une surface Σ de caractéristique k ≤ 1 (borne due à Hea-wood en 1890). Soit χ le nombre chromatique de G. Le but est de montrer qu’il existe une fonctionexplicite de k, h = h(k), qui borne χ supérieurement. Soit H un sous-graphe couvrant de G minimalparmi ceux de nombre chromatique χ. L’idée de départ est que si H a n sommets et n ≤ h, alors ily un coloriage en h couleurs. Par contre, si n≥ h+1 alors l faut que δ(H)≤ h−1 (et le théorème1.9.4 donne la conclusion).

a- Montrer que δ(H)≥ χ−1.

b- Supposons que n≥ h+1, utiliser l’exercice 81 pour montrer que δ(H)≤ 6−6k/(h+1) sik ≤ 0.

c- (Toujours pour k ≤ 0). S’il advenait que δ(H) ≥ h, montrer qu’il y aurait alors que h2−5h+6(k−1)≤ 0, c’est à dire que h≤ 1

2(5+√

49−24k).

d- (Toujours pour k≤ 0). Conclure que h doit être le plus petit nombre qui ne satisfait pas cetteinégalité, soit

h(k) =⌊

7+√

49−24k)2

53

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1.9 - Cliques et coloration

e- En mettant simplement k= 2 dans l’équation, il apparaît magiquement que h(2)= 4. Qu’est-ce qui, dans la démarche précédente, ne marche pas pour k = 2 ?

f- L’exercice 86 donne déjà que si k = 1, h ≥ 6. Montrer que cela suffit pour poursuivre ladémonstration ci-dessus dans le cas k = 1.

Le nombre ci-dessus est, et c’est assez surprenant, optimal (bien qu’il faille se fatiguer un peuplus pour le montrer), c’àd. que dans chaque surface de caractéristique k, à l’exception de la bou-teille de Klein, il y a un graphe dont le nombre chromatique est le h(k) exprimé ci-dessus. Lesexercices 85 et 86 montrent que cette borne est atteinte pour le plan projectif (k = 1) et le tore(k = 0). Un théorème supplémentaire assure que si le plus grand nombre chromatique d’un graphese plongeant dans Σ est s alors il peut être réalisé par le plongement d’un graphe complet Ks. Ainsi,montrer que la bouteille de Klein n’a pas de graphe plongé G avec χ(G) = 7, il faut montrer queK7 ne peut trianguler que le tore. Pour toutes les autres surfaces Σ, il faut trouver un plongement deKχE (SR) dans Σ, ce qui n’est pas particulièrement aisé.

Il est aussi très amusant de voir que h(2) = 4, ce qui est aussi le plus grand nombre chromatiqued’un graphe planaire. Malheureusement, la vraie démonstration reste foncièrement compliquée. Enfait, les arguments sur le nombre chromatique des graphes planaires n’ont que très peu de choses encommun avec ceux utilisés pour les surfaces.

Il est bien entendu possible de parler de coloration pour des arêtes, i.e. trouver une fonctionc : Arê(G)→ Y telle que si e1 6= e2 sont deux arêtes telles que b(e1)∩ b(e2) 6= ∅ alors c(e1) 6=c(e2). Sous des hypothèses relativement faibles sur G (connexe), c’est équivalent au coloriage deL(G). Comme déjà mentionné à l’exercice 48, il y aura une clique dans L(G) de taille ∆(G), d’oùχ(L(G))≥ ∆(G). Konig et Vizing ont démontré que c’est, à peu de chose, le pire qui puisse arriver.Théorème 1.9.8 (Konig 1916)

Soit G un graphe biparti. Alors il existe une coloration des arêtes en exactement ∆(G) couleurs.

EXERCICE 96: Démontrer ce théorème. [Indice : il y a au moins trois méthodes. La plus simple est de montrer

que G est un sous-graphe d’un graphe ∆(G)-régulier biparti puis d’utiliser l’exercice 103. La seconde utilise le théorème

de Menger 1.6.7 comme dans la démonstration du théorème de Hall 1.10.2 en faisant attention aux arêtes qui sont

choisies. La troisième est plus élémentaire (en utilisant le théorème d’Euler 1.3.11 et la caractérisation des graphes

bipartis 1.5.5), voir Bondy & Murty (section 6.1).]

En 1949, Shannon montre que pour un graphe multiple [sans lacet], il existe toujours une colorationdes arêtes en au plus 3

2 ∆(G) couleurs. Ceci a motivé Vizing à donner l’amélioration (lorsqu’il n’y apas trop d’arêtes entre deux sommets) suivante :Théorème 1.9.9 (Vizing 1964)

Soit G un graphe multiple [fini non-orienté sans lacet]. Soit h le plus grand nombre d’arêtesentre deux sommets [si G est simple, h = 1]. Alors il existe une coloration des arêtes en au plus∆(G)+h couleurs (et au moins ∆(G)).

Le lecteur motivé est invité à aller lire les démonstrations de son propre chef. Qui plus est, ellefournit un algorithme explicite pour trouver cette coloration. Pour la culture, Petersen (qui a trouvél’erreur dans la démonstration de Tait en 1891) en a par contre déduit que la conjecture (maintenant

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

théorème) des 4 couleurs est équivalente à demander à ce que tout graphe 3-régulier 2-connexeadmet un 3-arête-coloriage. Le temps et la quantité de papier étant limité, ces notes poursuivent leurcourse effrénée vers d’autres sujets non moins amusants.

Par exemple, un graphe G est dit parfait si, pour tout sous-graphe induit H dans G, ω(H) =

χ(H). Par définition, si G est parfait alors tous ses sous-graphes induits sont parfaits. Il y a beaucoupde théorèmes sur les graphes parfaits (e.g. un graphe est parfait si et seulement si son complémen-taire est un graphe parfait). Un graphe G est dit critique si tous ses sous-graphes induits propres(c’àd. sur strictement moins de sommets) sont parfaits, mais que G n’est pas parfait. Si tous lesgraphes critiques étaient connus, il y aurait un critère rappelant le théorème de Kuratowski quipermettrait que caractériser les graphes parfaits comme ceux qui ne contiennent pas ces graphescritiques. La conjecture de Claude Berge (1960) est maintenant un théorème :Théorème 1.9.10 (Chudnovsky, Robertson, Seymour et Thomas 2002)

Les seuls graphes critiques sont les cycles de longueur 2n+ 1 (où n ∈ Z>0) et leurs complé-mentaires.

La démonstration en est par contre assez longue et technique.

EXERCICE 97: Déterminer tous les graphes 3-critiques.

EXERCICE 98: Montrer que les cycles impairs (de longueur au moins 5) sont critiques. Montrerque le complémentaire du 5-cycle est critique.

EXERCICE 99: Un carré latin est une matrice n× n tel que chaque élément de n apparaît exac-tement une fois dans chaque ligne et dans chaque colonne [voir ci-dessous à gauche pour n = 3].Décrire ce problème en terme de coloriage d’un graphe (qui dépend de n).

Un carré gréco-latin (ou eulérien) est matrice n×n dont les entrées sont des paires ordonnées(i, j) ∈ n× n de sorte que chaque élément de n apparaît exactement une fois dans chaque ligneet dans chaque colonne, en première et en seconde position, et chaque élément de n× n apparaîtexactement une fois dans la matrice [voir ci-dessous à droite pour n = 3] . Ce problème peut-ilaussi se décrire par le coloriage d’un graphe ?

1 2 3

2 3 1

3 1 2

11 22 33

23 31 12

32 13 21

EXERCICE 100: Soit G un graphe planaire sans 3-cycle. Montrer que χ(G)≤ 4. (En fait, un théo-rème [vraiment difficile] de Grötzsch montre que χ(G)≤ 3)

EXERCICE 101: Le but de cet exercice est de définir le polynôme chromatique. Soit G un graphemultiple et PG(k) le nombre de coloriages de G par k, i.e. le nombre de fonctions Som(G)→ k tellesque les voisins ont des valeurs distinctes. Le but de cet exercice est de montrer que que PG(k) est unpolynôme de degré n = X(G) (en k) et d’établir certains des coefficients.

a- Montrer que si e ∈ Arê(G) alors PG−e(k) = PG(k)+PG/e(k).

b- Montrer (par induction sur e(G), commencer par le graphe vide) que PG(k) est un polynômede degré n et que le terme en kn vaut 1

c- Sous l’hypothèse supplémentaire que G est simple, montrer que le terme en kn−1 est −e(G).

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1.10 - Indépendance et mariage

1.10 Indépendance et mariage

Si la clique a joué un rôle important dans la précédente section, la présente est vouée à des sujetsplus délicats, tel l’indépendance, la stabilité et le mariage.

Définition 1.10.1. Soit G un graphe multiple. Un sous-ensemble Y ⊂ Som(G) est dit indépendant(ou stable) le graphe induit sur Y est vide. La stabilité de G, notée α(G), est le plus grand cardinald’un tel ensemble.

Un mariage dans G est un sous-ensemble d’arêtes indépendantes, i.e. un sous-ensemble M ⊂Arê(G) tel que si e1 6= e2 sont deux arêtes de M alors b(e1)∩b(e2) =∅. Un mariage est dit parfaitpour A⊂ Som(G) si tous les sommets de A se trouvent à l’extrémité d’une des arêtes du mariage. Ilest parfait (tout court) s’il est parfait pour Som(G). F

Il arrive parfois que le terme couplage soit employé au lieu de mariage ; en anglais, la termi-nologie varie entre “matching”, “pairing” et probablement quelques autres. “1-factor” est employépour un mariage parfait.

Il n’est pas très difficile de réaliser que α(G) = ω(G). Par contre, il est plus difficile de savoirquand il existe un mariage parfait. Dans la démonstration suivante, l’abréviation Γ(Y ) = ∪y∈Y Γ(y)sera utilisée.

Théorème 1.10.2 (Hall 1935)Soit G un graphe et Som(G) = P1tP2 une bipartition de G. Alors il existe un mariage parfait

pour P1 dans G si et seulement si ∀S⊂ P1, |Γ(S)| ≥ |S|.

DÉMONSTRATION : Il est évident que cette condition est nécessaire (s’il existe un mariage parfaitΓ(S) contient au moins un sommet à l’autre bout de chaque arête du mariage). Ce qui est difficilec’est de voir qu’elle est suffisante.

Première méthode : Par la contraposée. La conclusion sera obtenue en appliquant le théorèmede Menger 1.6.7 à P1 et P2. Supposons que G n’a pas de mariage parfait pour P1. Soit G′ obtenu deG en rajoutant un sommet x1 et le reliant à tous les sommets de P1 et un sommet x2 relié à tous lessommets de P2. Alors le nombre de chaînes disjointes entre x1 et x2 est égal au nombre de sommetsde G′ qu’il faut retirer pour que ces deux sommets ne soient plus connexes. Cependant ces chaînessont en bijections avec les mariage de G. Ainsi, s’il n’y a pas de mariage pour P1, il existe T1 ⊂ P1

et T2 ⊂ P2 tels que |T1|+ |T2|< |P1| et qu’il n’y a pas d’arêtes entre P1 rT1 et P2 rT2. Alors

|Γ(P1 rT1)| ≤ |T2|< |P1|− |T1|= |P1 rT1|.

Ce qui conclut la démonstration.

Deuxième méthode : Par contradiction. Soit H un sous-graphe couvrant de G qui est minimal(selon l’ordre donné par l’inclusion des arêtes) parmi les graphes qui satisfont (MH) :“∀S ⊂ P1,|ΓH(S)| ≥ |S|”. Il faut alors montrer que dH(x) = 1, pour tout x ∈ P1. Clairement, dH(x) ≥ 1 sinon(MH) est en défaut pour S = {x}. Supposons que x a deux voisins y1 et y2 dans H. Par minimalité,

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

H−{x,y1} et H−{x,y2} ne satisfont pas (MH). Ainsi, pour i ∈ 2, il existe Xi ⊂ P1 contenant x telque |Yi|< |Xi| où Yi = ΓH−{x,yi}(Xi). Mais comme b1 ∈ Y2 et b2 ∈ Y1,

ΓH(X1∩X2 r{x}) ≤ |Y1∩Y2| = |Y1|+ |Y2|− |Y1∪Y2|= |Y1|+ |Y2|− |Γ(X1∪X2)| ≤ |X1|+ |X2|− |X1∪X2|−2= |X1∩X2 r{x}|−1

Ainsi, H ne satisfait pas non plus la condition (MH). Ainsi dH(x) = 1 ce qui conclut la démonstra-tion. �

Le théorème précédent marche particulièrement bien dans le cas des graphes bipartis :

EXERCICE 102: Montrer que dans un graphe k-régulier biparti, le cardinal des Pi (où i ∈ 2 etP1tP2 = Som(G)) sont égaux

EXERCICE 103: Montrer que si G est un graphe k-régulier biparti, alors il existe une partition deArê(G) = E1t . . .tEk telle que chaque Ei est un mariage parfait sur G. [Indice : utiliser l’exercice 102.]

EXERCICE 104: Soit X un ensemble et A1, . . . ,Ak des sous-ensembles de X. Montrer qu’il est pos-sible de trouver x1, . . . ,xk tels que xi ∈ Ai et i 6= j⇒ xi 6= x j si et seulement si, ∀F ⊂ k,

|∪i∈F Ai| ≥ |F |.

Une couverture nodale d’un graphe est un ensemble Y ⊂ Som(G) tel que ∀e ∈ Arê(G),b(e)∩Y 6=∅.

Théorème 1.10.3 (Konig 1931)Soit G un graphe biparti. Alors le nombre maximal d’arêtes dans un mariage de cardinal maxi-mal est égal au nombre minimal de sommets dans une couverture nodale.

Il s’agit en fait d’une incarnation du théorème de “flot-max/coupe-min” (tout comme le théorèmede Menger d’ailleurs).

EXERCICE 105: Déduire le théorème de Konig du théorème de Menger 1.6.7, puis déduire le théo-rème de Hall du théorème de Konig.

Pour information, il existe aussi un critère pour les graphes génériques, c’est le théorème deTutte et la formule de Tutte-Berge. Soit Y ⊂ Som(G), et ncimp(Y ) le nombre de composantesconnexes ayant un nombre impair de sommets dans le graphe induit sur Y .

Théorème 1.10.4 (Tutte et Berge)Il existe un mariage parfait dans un graphe G si et seulement si pour tout sous-ensemble Y de

X = Som(G), ncimp(X rY ) ≤ |Y |. Plus précisément, la taille du mariage maximal dans G est12 minY⊆X (|Y |−ncimp(X rY )+ |X |) .

Il est néanmoins de bon ton d’introduire un peu de terminologie. Un k-facteur d’un graphe G estun sous-graphe couvrant de G qui est k-régulier. Ainsi un 1-facteur est un mariage parfait. Un 2-facteur est un sous-graphe dont toutes les composantes connexes sont des cycles. Voici en exerciceun théorème de Petersen datant de 1891, la démonstration originale est assez difficile.

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1.10 - Indépendance et mariage

EXERCICE 106: Soit G un graphe 2k-régulier. L’objectif est de montrer que G a k 2-facteurs dontl’ensemble des arêtes forme une partition de G.

a- Utiliser l’existence d’un cycle eulérien pour donner une orientation au graphe.

b- Séparer chaque sommet x en deux sommets x− et x+ l’un prenant toutes les flèches entranteset l’autre toutes les flèches sortantes. Puis oublier l’orientation pour obtenir un graphe bi-parti. Utiliser l’exercice 103 pour trouver une partition de l’ensemble des arêtes en mariagesparfaits.

c- Montrer qu’en revenant au graphe initial ces partitions forment des sous-graphes couvrants2-réguliers.

Un autre résultat qui serait autrement difficile à obtenir concerne les 1-facteurs orientés, c’àd. lessous-graphes couvrants qui sont un graphe orienté tel que d+(x) = d−(x) = 1. Un tel sous-graphe Hest équivalent à une bijection σ : Som(G)→ Som(G) telle que σ(x) ∈ Γ(x). Pour passer du grapheà la bijection, associer au sommet x le sommet y qui est à l’autre bout de la flèche sortante de x dansH. Pour passer de la bijection au graphe, regarder la décomposition en cycles de la bijection.

EXERCICE 107: Montrer que G possède un 1-facteur orienté si et seulement si ∀S ⊂ Som(G),|Γ(S)| ≥ |S|. [Indice : interpréter le 1-facteur orienté comme une bijection (∀x choisir un représentant dans Γ(x)), et

utiliser l’exercice 104.]

EXERCICE 108: Déterminer la stabilité α du graphe de Petersen J(5,2,0). Soit G un graphe deJohnson J(n,k,0), montrer que α(G)≥

(n−1k−1

)et ω(G) = bn

k c. [Il est possible de montrer que α(J(n,k,0)) =(n−1k−1)

mais ce n’est pas si simple.]

EXERCICE 109: Soit G un graphe. Montrer que si G ne contient pas de 3-cycles, alors α(G)≥∆(G)

et en déduire que e(G)≤ 12X(G)α(G).

EXERCICE 110: Soit G un graphe multiple. Montrer que α(Gr ({x}∪Γ(x)))≤ α(G)−1.

EXERCICE 111: Soit G un graphe. Montrer que χ(G)≥max{ω(G),X(G)/α(G)}.EXERCICE 112: Trouver un graphe G tel que α(Gr{x}) = α(G), ∀x ∈ X.

EXERCICE 113: Soit G un graphe. Pour X un sous-ensemble de Som(G), soit α(A) la stabilité dugraphe induit par A dans G. Montrer que max(α(A),α(A′)) ≤ α(A∪A′) ≤ α(A)+α(A′). Donnerun exemple où les inégalités sont strictes.

EXERCICE 114: Soit G un graphe de stabilité a = α(G)≥ 2. Supposons de plus que G a au moinsa sommets de degré X(G)−1. Le but de cet exercice est de montrer que tout graphe qui satisfait cesconditions est hamiltonien. La démonstration suggérée se fera par contradiction. Soit C un cycle delongueur maximale, soit x /∈ Som(C) et soit A l’ensemble des sommets de degré X(G)−1.

a- Montrer que tout sommet A appartient à C.

b- Toujours en utilisant la maximalité de C, montrer que deux sommets de A ne peuvent pas nepeuvent pas être voisins dans C.

c- Écrire C = x1x2 . . .xnxn+1 (où xn+1 = x1) et soit I ⊂ n tel que xi ∈ A⇔ i ∈ I. Montrer que sii, j ∈ I alors xi+1 n’est pas voisin de x j+1.

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

d- Montrer que x /∈ Som(C) ne peut pas non plus être voisin de xi+1 si i ∈ I.

e- Conclure par contradiction en trouvant un ensemble stable de cardinal a+1 = α(G)+1.

f- Donner un exemple d’un tel graphe.

EXERCICE 115: Montrer que si G est un graphe, alors α(G) ≤ X(G)− δ(G). Trouver un graphetel que α(G) = X(G)−δ(G).

EXERCICE 116: Soit Wn la roue d’ordre n+1 : le raccord de Cn avec V1.

a- Calculer la connectivité de Wn et sa stabilité α(Wn) (cardinal maximum d’un ensemble desommets non adjacents ).

b- Montrer que Wn a 2 arbres couvrants arête-disjoints.

c- Déterminer le diamètre de Wn. Montrer que Wn possède des arbres couvrants de diamètre n.

EXERCICE 117 (Les nombres de Ramsey): Soit r(a,b) le plus petit entier tel que pour tout grapheG tel que X(G)≥ r(a,b) soit α(G)≥ a soit ω(G)≥ b. Par exemple, r(a,1) = r(1,b) = 1. Montrerque

a- ∀n≥ 2, r(n,2) = n.

b- r(a,b) = r(b,a).

c- Si a,b≥ 2, r(a−1,b)+ r(a,b−1)≥ r(a,b). [Argumenter par cas]

d- Conclure que r(a,b)≤(a+b−2

a−1

). [En particulier, ils sont finis pour tout a,b ∈ Z>0.] [Indice :

Par induction.]

e- Conclure grâce aux propriétés précédentes que 6≥ r(3,3), puis trouver un graphe G d’ordre5 tel que α(G)< 3 et ω(G)< 3. En conclure que r(3,3) = 6.

f- En utilisant les propriétés précédentes montrer que 10 ≥ r(4,3), et finalement déduire que20≥ r(4,4).

1.A Graphes de Johnson et des arêtes

Cette section a pour but de donner des exemples de graphes qui possèdent beaucoup de sy-métries. Les graphes de Johnson sont des graphes (occasionnellement avec lacet, mais toujourssimples finis et non-orientés) décrits par 3 paramètres, trois entiers n,k, et ` tels que 0≤ `≤ k ≤ n.Le graphe correspondant à ces paramètres s’écrit J(n,k, `). Son ensemble de sommets X est l’en-semble des sous-ensembles de n dont le cardinal est k. Sa matrice d’adjacence (ou son ensembled’arêtes) se définit comme suit : deux sous-ensembles A et B sont adjacents si et seulement si|A∩B|= `. Il est aisé de vérifier que ceci décrit bien un graphe sans lacet sauf lorsque k = `.

Proposition 1.A.1Voici quelques propriétés de base des graphes de Johnson.

(a) Le nombre de sommets de J(n,k, `) est(n

k

).

(b) J(n,k, `) est un graphe régulier. Les sommets sont tous de degré(k`

)(n−kk−`).

(c) J(n,k, `) est isomorphe à J(n,n− k,n−2k+ `).

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1.A - Graphes de Johnson et des arêtes

DÉMONSTRATION : Pour (a), il ne s’agit que du nombre de sous-ensembles à k éléments de n,c’est

(nk

). Pour (b), soit A un sous-ensemble à k éléments fixés. Pour construire un sous-ensemble

B adjacent à A, il y a(k`

)façon de choisir ses éléments communs et

(n−kk−`)

façons de choisir leséléments de B qui ne sont pas dans A.

Reste à montrer (c). Remarquons d’abord que `≤ k ≤ n⇒ n−2k+ `≤ n−k ≤ n, ainsi (n,n−k,n−2k+ i) sont des paramètres valides pour un graphe de Johnson. L’isomorphisme est donné par

f : J(n,k, `) → J(n,n− k,n−2k+ `)

A 7→ A

Il est évident que c’est une bijection entre les sous-ensembles à k éléments et ceux à n−k éléments.Reste à vérifier que l’image d’une arête de J(n,k, `) par f est bien une arête de J(n,n−k,n−2k+`),et que f est surjective. Pour la première de ces vérifications, si A et B de cardinal k ont ` élémentscommuns, alors |A|= |B|= k, |A∩B|= ` et |A|= |B|= n− k. De la sorte,

|A∩B|= |A∪B|= n−|A∪B|= n− (|A|+ |B|− |A∩B|) = n−2k+ `.

Pour la seconde, étant donnés deux sommets de J(n,n− k,n− 2k+ `), il s’écrivent comme A et B(puisque f est bijective). Par conséquent, |A| = |B| = n− k, |A∩B| = n− 2k+ ` et |A| = |B| = k,alors

|A∩B|= |A∪B|= n−|A∪B|= n− (|A|+ |B|− |A∩B|) = `

L’appellation graphe de Johnson est parfois restreinte à J(n,k,k− 1) pour n > 2k. Les graphes deKneser (parfois aussi “odd graphs” en anglais) sont les graphes J(n,k,0). Les graphes de Johnsonsont en général durs à réaliser, mais possèdent beaucoup de symétries. Examinons quelques cas :

— Lorsque k = `, tout sommet n’est relié qu’à lui-même, il s’agit donc du graphe à(n

k

)sommets

uniquement reliés à eux-mêmes (i.e. de l’union de(n

k

)1−bouquets).

— Lorsque k = 1 et `= 0, il s’agit du graphe complet sur n sommets ; J(n,1,0)' Kn.— Lorsque n = 2k et ` = 0, chaque sommet n’est relié qu’à son complémentaire, il s’agit de

l’union de(2r−1

r−1)

K2.— Lorsque n ≥ 3 et ` < k = n−1, le graphe (d’ordre n) est soit complet (` = n−2) soit sans

arêtes (` < n−2).— J(5,2,0) est le graphe de Petersen :

u u

uu

u uuuuu

uuuu u

uuuu

uXXXZZZZBBBBB���������

�� T

T

��

�����BBBBBB �

�����ZZZZZ !!!

���EEEElll ,

,,����TTTaa

a

��������HHHH

��������T

TTTTTTT

12

344535

13

23

14

25

24

15

1234

25

14

2315

24

13

45

EXERCICE 118: Montrer que le complémentaire du graphe de Johnson J(n,2,0) est le graphe deJohnson J(n,2,1). [Indice : deux ensembles de cardinal 2 ont une intersection de cardinal 2, ils sont égaux.]

60

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

L’exemple suivant fait le pont entre le graphe de Johnson et le graphe des arêtes.

Exemple 1.A.2. Le graphe des arêtes du graphe complet, parfois appelé graphe triangulaire ∆p =

L(Kp). Grâce à la description ci-dessus, les arêtes du graphe complet Kp contiennent toutes les pairesd’éléments de p, qui sont reliées entre elles pourvu qu’elles aient un élément commun. D’autre part,les sommets du graphe de Johnson J(p,2,1) correspondent aux sous-ensembles à deux élémentsde p ; ils sont adjacents lorsqu’ils ont exactement un élément commun. Ces deux descriptions coïn-cident, et ainsi ∆p est isomorphe à J(p,2,1). ♣

Quelques simples propriétés des graphes des arêtes :

Proposition 1.A.3Soit G un graphe multiple avec lacet, X = Som(G), E = Arê(G), X ′ = Som(L(G)) (en fait,X ′ = E) et E ′ = Arê(L(G)). Alors

(a) L(G) est un graphe [simple sans lacet].

(b) Si δ(G)> 0 alors G est connexe⇔ L(G) est connexe.

(c) Soit dL le degré dans L(G), alors pour e = {a,b} ∈ E = X ′, dL(e) = d(a)+d(b)−2.

(d) Le nombre de sommets de L(G) est |E|= 12 ∑

x∈Xd(x).

(e) Le nombre d’arêtes de L(G) est 12 ∑

x∈Xd(x)

(d(x)−1

).

DÉMONSTRATION : (a) est une conséquence de la définition (il n’est question que d’avoir ou pasdes extrémités communes, et non du nombre d’extrémités communes). (b) est l’exercice 50. (c) estdirect à partir de la définition, tout comme (d). (e) est laissée en exercice (utiliser (c) et jouer avecles sommes, ou le théorème ci-après). �

En particulier, lorsque G est k-régulier, L(G) est (2k−2)-régulier (à chaque extrémité d’une arête ily a k−1 autres arêtes).

Théorème 1.A.4 (Krausz)Soit L un graphe [simple sans lacet], X ′ = Som(L) et E ′ = Arê(L). L est le graphe des arêtes

d’un graphe G (simple) si et seulement si il existe une famille de sous-ensembles X ′i ⊂ X ′ oùi ∈ {1,2, . . . ,k} qui satisfait

(a) i 6= j⇒ |X ′i ∩X ′j| ≤ 1,

(b) ∀x′ ∈ X ′, |{i|x′ ∈ X ′i }|= 2 ( i.e. tout sommet x′ appartient à exactement 2 des X ′i ),

(c) ∀e′ ∈ E ′, il est un indice i tel que e′ est contenue dans un graphe induit par X ′i ( i.e. toutearête appartient à un graphe induit par un des X ′i ),

(d) et le graphe induit sur chacun des X ′i est un graphe complet.

Notons que (a)⇒∪X ′i = X ′ (i.e. les X ′i recouvrent les sommets de L).

61

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1.B - Notations

DÉMONSTRATION : La démonstration s’articule essentiellement autour d’une remarque : si G estun graphe et x un sommet de degré k, alors dans L(G), les arêtes en x forment un graphe completsur k sommets dans L(G). Effectivement, les k arêtes incidentes en x sont toutes voisines entre elles,ainsi dans L(G) elles sont toutes voisines, et le graphe qu’elles induisent est complet.

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En passant à L(G)

(⇒) Supposons que L= (X ′,E ′) est le graphe des arêtes d’un graphe simple G= (X ,E) d’ordre n, etsoit x1, . . . ,xn une numérotation des sommets de G. Soit X ′i l’ensemble des sommets de L formé parles arêtes incidentes en xi. Alors, pour i 6= j, |X ′i ∩X ′j| est le nombre d’arêtes entre xi et x j, c’est doncégal à 0 ou 1 (ce qui montre (a)). De plus, chaque sommet de L est une arête de G, elle a donc deuxextrémités, autrement dit x′ appartient à deux ensembles X ′i (ce qui montre (b)). Par la remarque, legraphe induit sur chaque X ′i est complet (ce qui montre (d)). Regardons une arête f ∈ E ′ dans L etsoit a,b ∈ E = X ′ ses extrémités. Alors, elles ont un sommet commun disons xi et il s’en suit que fest dans le graphe induit par X ′i (ce qui montre (c)).

(⇐) Supposons qu’il y a des ensembles X ′i qui satisfont ces propriétés. Soit G défini commesuit : ses sommets sont des points xi. Lorsque i 6= j, le nombre d’arêtes entre xi et x j est |X ′i ∩X ′j| ;grâce à (a) il y en a 0 ou 1, ainsi G est un graphe simple. En utilisant (b), le degré de chaque xi

est |X ′i |. L(G) est visiblement un graphe partiel de L, grâce à (d). Finalement, (c) assure que L(G)

contient toutes les arêtes de L. �

La condition (a) peut être retirée si les graphes qui ne sont pas simples sont admis, tandis quela condition (b) peut être modifiée (changer “= 2” par “= 1 ou 2”) pour tenir compte des graphesqui ont des boucles.

Voici quelques résultats supplémentaires sur les graphes des arêtes :— Si les degrés des sommets de G ont tous la même parité (tous les sommets sont de degrés

pairs ou impairs), alors L(G) est toujours de degré pair.— Un graphe induit sur un graphe des arêtes est encore un graphe des arêtes.— Si G est un graphe et que L(G) est k-régulier, G n’est pas nécessairement régulier. En re-

vanche, si G n’est pas régulier, il est (`1, `2)-semi-régulier, c’àd. il existe une bipartition deG en X1 et X2 telle que x ∈ Xi⇒ d(x) = `i (ici i ∈ 2). Voir exercice 50.

1.B Notations

Cette section se veut simplement faire un petit résumé des notations que le lecteur rencontrera leplus souvent dans la littérature. Tout d’abord, un petit lexique anglais-français (certains des termesproviennent du chapitre suivant) qui explique certaines des notations. À noter que certaines traduc-tions évidentes sont omises (arbre = tree, ...)

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Chapitre 1 - NOTIONS FONDAMENTALES

Français Anglais Français Anglais

sommet vertex graphe des arêtes line grapharête edge polygonisation 2-cell embedding

flèche* arc séparateur* separator ou [vertex] cut-setordre order couvrant spanningtaille size recouvrement coveringdegré degree, valency couverture nodale vertex covergalbe* girth rétraction retract

raccord* join sommet-transitif vertex-transitivemariage matching déconnectant* [edge] cut-set...parti ...partite sommet de coupe cut-vertex

isthme* bridge classe [latérale] [à gauche] [left-]cosetbord boundary mariage parfait 1-factor

tournée tour e-atome edge atom

La plupart des mots en “-ité”, “-tion” restent presque identique (“-ity”,“-tion”). La “simpli-fication”, et “en oubliant l’orientation” sont des inventions du cru (à utilité restreinte). Les motsci-dessus marqués par un * (qui sont par contre fréquents, en anglais, dans la littérature) sont proba-blement un exotisme du texte présent. L’auteur doit admettre ne pas connaître les mots usuels pourraccord, flèches et polygonisation (ce dernier est peut-être “plongement en 2-simplexes”). Décon-nectant et séparateur sont normalement confondus, et, comme en anglais, les auteurs précisent alorss’il s’agit de sommets ou d’arêtes. Isthme existe dans certains textes, mais “pont” lui est parfoispréféré. Par contre, le mot pour “galbe” est souvent la traduction directe “tour de taille” (légèrementmalcommode et accusée de machiste).

G est d’habitude un graphe. L’ensemble des sommets est noté V ou V (G) ou X ou X(G) oumême G (tout court). Le cardinal de cet ensemble est noté v ou x ou n (ou directement en utilisantles symboles | · | sur les ensembles précédents). Le terme “nodes” est parfois encore en usage enanglais, mais son équivalent français “nœuds” a, pour cause de mauvaises connotations, perdu enpopularité (sauf dans certaines expression comme “couverture nodale”). L’ensemble des arêtes (ouindistinctement des flèches) est d’habitude noté E ou E(G) et son cardinal e(G) ou m. Certainsauteurs utilisent A(G) pour l’ensemble des flèches, mais il est aussi souvent utilisé pour la matriced’adjacence, et, beaucoup plus rarement pour la stabilité (dont la notation reste presque toujoursα(G)). D’autres auteurs utilisent ~E ou E pour insister qu’il s’agit (respectivement) de flèches oud’arêtes. Ainsi, il est relativement fréquent de voir G = (V,E) ou G(V,E).

L’ensemble des voisins d’un sommet ou d’un sous-ensemble de sommets est noté le plus souventΓ, mais il n’est pas rare de voir N. L(G) est parfois aussi employé pour le laplacien (plutôt que legraphe des arêtes). Le laplacien est aussi parfois écrit avec ∆ ou K et la matrice d’incidence avec ∇

ou R.

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1.B - Notations

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Chapitre 2

Graphes et algèbre

Les graphes entretiennent une relation très proche avec des notions algébriques. Certaines sontplutôt d’intérêt mathématique (ce sera le cas des deux premières sections) mais d’autres ont desapplications évidentes (e.g. l’algorithme PageRank de Google, pour ce qui est de l’informatique).Ce chapitre commence par donner deux assez vastes familles de graphes (de Cayley et de Schreier),puis d’étudier le lien entre les groupes et les graphes, avec une application à la théorie des groupes.

2.1 Graphe de Cayley et de Schreier

Étant donné un groupe, existe une manière naturelle de lui associer un graphe générique.

Définition 2.1.1. Soit (Z, ·) un groupe dénombrable. Soit S ⊂ Z un sous-ensemble fini 1 de ceséléments. Alors le graphe de Cayley, Cay(Z,S) est le graphe générique dont les sommets sont Zet dont la matrice d’adjacence A est déterminée par Art = |{s ∈ S | s · r = t}|. Ce graphe génériquepossède un S-étiquetage naturel, en effet, à chaque flèche de r vers t correspond un s ∈ S tel ques ·r = t. Lorsque le graphe générique est considéré de pair avec son étiquetage, le terme diagrammede Cayley est de mise. F

Exemple 2.1.2. Soit n ≥ 2 et soit Zn = Z/nZ. Le diagramme de Cayley de Z = (Zn,+) pourS = {1} est le n-circuit où toutes les flèches sont étiquetées par 1. Si n > 2, le graphe de Cayley deZ = (Zn,+) pour S = {1,−1} est le n-cycle. Voici quelques exemples supplémentaires : à gauchele diagramme du quatre-groupe de Klein pour n’importe quelle paire a et b d’éléments distincts ; àdroite le diagramme du groupe S3 pour S = {a,b} où a = (12) et b = (123) ;

LL

LL

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1. Il serait possible de regarder des sous-ensembles dénombrables, voire non-dénombrables, mais les utilités sont plusrestreintes.

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2.1 - Graphe de Cayley et de Schreier

Le graphe de Cayley de (Z,+) pour S = {1} est le ∞-circuit et pour S = {−1,1} le ∞-cycle. Legraphe de Cayley du produit libre Z2 ∗Z2 (où S est formé de chaque générateur d’un Z2) est aussile ∞-cycle. Les diagrammes Cay(Z,{−1,1}) et Cay

(Z2 ∗Z2,{a,b}

)ne sont pas les mêmes. ♣

Ainsi deux groupes peuvent très bien avoir un graphe de Cayley identique sans pour autant êtreisomorphes.

EXERCICE 119: Soit G = Cay(Z,S).

a- Montrer que G est fortement connexe si et seulement si S est générateur.

b- Montrer que G est faiblement connexe si et seulement si S∪S−1 est générateur.

c- Montrer que G est antisymétrique si et seulement si ∀s ∈ S, s−1 /∈ S. En particulier, necontient aucun s tel que s2 = eZ .

d- Montrer que G est non-orienté si et seulement si ∀s ∈ S, s−1 ∈ S.

e- Montrer que G est sans lacet si et seulement si eZ /∈ S.

f- Quel est le degré entrant et sortant d’un sommet de G ?

g- Lorsque G est non-orienté, quel est le degré algébrique et topologique d’un sommet de G ?

Question : existe-t-il deux graphes de Cayley avec S est minimal (inclusion) parmi S∪ S−1

générateurs qui sont isomorphes sans que les groupes soient isomorphes ?Il existe une idée plus générale que celle du graphe de Cayley, c’est celle du graphe de Schreier.

Étant donné un ensemble X et une action de G sur X il est possible de décorer un graphe en regardantcomment les éléments de G agissent sur ceux de X .

Définition 2.1.3. Soit Z un groupe dénombrable agissant (à gauche) sur X un ensemble dénom-brable et S ⊂ Z un sous-ensemble fini. Le graphe de Schreier, noté Sch(X ,S), est le graphe gé-nérique dont les sommets sont X , et Axy = |{s ∈ S | s · x = y}|. Le diagramme de Schreier est cegraphe de pair avec un S-étiquetage naturel qui à chaque flèche f ∈ Flè(Sch(X ,S)) de x à y associeun s ∈ S tel que s · x = y. F

EXERCICE 120: Soit G = Sch(X ,S) pour une action de Z sur X. Soit 〈S〉 l’ensemble des élémentsengendrés par S et soit Z′ le sous-groupe

⟨S∪S−1

⟩.

a- Montrer que les composantes faiblement connexes de G sont les Z′ orbites.

b- Montrer que G est fortement connexe si et seulement si Z agit transitivement et S est géné-rateur de Z.

c- Montrer que G est sans lacet si et seulement si ∀x ∈ X ,Stabx∩S =∅.

d- Quel est le degré entrant et sortant d’un sommet de G ?

Contrairement au cas des graphes de Cayley il est possible que le graphe soit non-orienté mêmesi l’ensemble S ne satisfait pas S = S−1 (voir exercice 125).

D’autre part, il existe une correspondance entre les orbites pour une action et les sous-groupesde G, cf. lemme A.5.7. De ce fait un graphe de Schreier connexe n’est rien d’autre que le graphede l’action de Z sur les classes à gauche d’un sous-groupe. De manière intéressante, si S est un

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

ensemble générateur de Z, et Z′ < Z, alors l’ensemble générateur peut se lire depuis le diagrammede Schreier Sch(Z/Z′,S) où l’action est celle par multiplication à gauche sur les classes à gauche.Le plus simple est de donner un exemple.

Exemple 2.1.4. Soit V4 le 4-groupe de Klein. C’est un sous-groupe de S4 dont les éléments sontV4 = {e,(12)(34),(13)(24),(14)(23)}. Par le lemme A.5.5 |S4/V4| = 6. Soit S = {(12),(1234)} ;c’est un ensemble générateur de S4. Maintenant, il suffit de faire quelques calculs :ww

w wwwTTTT

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ab

(12)

(134) (23)

(234)

(13)e

où a = (12), b = (1234) et les sommets sont décrit par un représentant de la classe, c’àd. lesommet (13) est la classe [(13)]RV4

= (13)V4 = {(1234),(13),(1432),(24)}. Dans cet exemple,toute action répétée des deux éléments de s est l’identité, d’où l’absence de flèches dans le dessin.

Remarque 2.1.5. Il sera aussi ultérieurement utile de voir que les générateurs (et les éléments)d’un sous-groupe se lisent directement dans le diagramme de Schreier. Effectivement, soit Sch(X ,S)un diagramme de Schreier (Z ⊃ S le groupe et w l’étiquetage par S des flèches). Alors les élémentsde Stabx se construisent comme suit. À une tournée P (qui commence et termine en x = x1 = xn+1),disons P = x1x2 . . .xnxn+1 est associé l’élément w∗(P) = w(xn,xn+1)w(xn−1,xn) · · ·w(x1,x2). AlorsStabx = {w∗(P) | P est une tournée basée en x}.

En particulier, ceci est une façon (plus compliquée mais moins algébrique) de retrouver queStab(z · x) = γz−1(Stabx). ♠

Les orbites sont les composantes connexes du graphe et que ceci revient à regarder l’actionnaturelle sur les classes à gauche du stabilisateur. Ainsi, par la remarque ci-dessus, étant donné undiagramme de Schreier, en regardant les tournées basées en un sommet, il est possible de retrouverles éléments du sous-groupe correspondant (en tant que mots sur les éléments de S).

Il y a une catégorie étonnante de graphe qui peuvent être perçus comme des graphes de Schreier.

Théorème 2.1.6Tout graphe générique fini non-orienté connexe et topologiquement 2k-régulier possède un

étiquetage par le groupe libre sur k éléments Fk qui le transforme en un graphe de Schreier(pour l’action de Fk sur un de ses sous-groupes).

Au lecteur qui se perdrait dans les méandres de la démonstration, l’exemple ci-après est probable-ment plus parlant. La première référence explicite à ce résultat est un article de J. L. Gross de 1977.Ceci dit, le résultat tient essentiellement à un théorème de Petersen datant de 1891 (voir l’exercice106).

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2.1 - Graphe de Cayley et de Schreier

DÉMONSTRATION : Cette démonstration simple utilise deux résultats classiques : les tournées eulé-riennes (théorème 1.3.11) et le théorème sur les mariages parfaits (théorème de Hall 1.10.2). En ef-fet, il existe une tournée eulérienne, disons x1x2 . . .xmxm+1 où xm+1 = x1. Tout d’abord, cette tournéedéfinit une orientation H de G comme suit : (Adj(H))xy = |{i ∈ m | (x.y) = (xi,xi+1)}| (autrementchaque arête est transformée en une flèche qui va dans le sens de la tournée). Alors dans H, d+

H (x) =d−H (x) = k. Soit X = Som(H)×{−1,1} l’union disjointe de deux copies de Som(H). Un troisièmegraphe générique M est alors défini sur X comme suit : si (x,ε) et (y,δ) ∈ Som(H)×{−1,1}, alors

(Adj(M))(x,ε)(y,δ) =

0 si ε = δ;|{ f ∈ Flè(H) | s( f ) = x et c( f ) = y}| si ε = 1 et δ =−1;|{ f ∈ Flè(H) | s( f ) = y et c( f ) = x}| si ε =−1 et δ = 1.

Ce graphe est fini, non-orienté, sans lacet, biparti et k régulier. Par le théorème de Hall 1.10.2 (etl’exercice 103) il existe k mariages parfaits disjoints sur ses arêtes, autrement dit, il est possibled’étiqueter les arêtes par k éléments de sorte qu’aucun ensemble d’arêtes portant la même étiquetten’ait les mêmes extrémités. Maintenant, il suffit donner une orientation M′ à M, disons de sorte quetoutes les flèches aillent d’un sommet (x,+1) vers un sommet (x,−1). Puis de fusionner les deuxensembles disjoints de X en Som(H) = Som(G) (i.e. projeter Som(H)×{−1,1}→ Som(H)). Cecidonne un étiquetage sur k éléments, disons {a1,a2, . . . ,ak} des flèches de H de sorte que, à chaquesommet il y ait, pour chaque ai soit exactement un lacet étiqueté par ai (et aucune autre flèche) soitexactement une flèche sortante et une flèche rentrant étiquetée par ai (et aucun lacet). �

Exemple 2.1.7. Soit G le graphe représenté ci-dessous (en haut à gauche dans le dessin). Unetournée eulérienne donne une orientation (en haut à droite). Puis il y a duplication des sommetset application du théorème de Hall 1.10.2 pour identifier deux types de flèches (en bas à gauche).Finalement, les sommets sont fusionnés et l’étiquetage a lieu.

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Le diagramme de Schreier obtenu dépend d’un certain nombre de choix. Par défaut, le groupeest F2, mais il n’est pas impossible de trouver un autre groupe (sur deux générateurs) qui feraitaussi l’affaire.

Une manière simple de trouver les générateurs du sous-groupe que ceci représente est de trouverune “base” pour les circuits. La méthode est la suivante, prendre un arbre couvrant. Toute arête quin’appartient pas à l’arbre représente un circuit :

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

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xT

ab

x

Par exemple, prenons T comme ci-haut et x comme sommet de base. Comme e(T ) = 4 et e(G) =

10, il y a e(G)−e(T ) = e(G)−X(G)+1 = 6 circuits qui les engendrent tous. Pour chaque arête quin’est pas dans T , les 6 circuits suivants apparaissent : a4, ba, ab−1a, a−2b, ab2a2 et abab−1a−1. Tousles autres circuits s’exprimeront tous comme une concaténation de ces circuits (et de leur inverse),par exemple, b5 = (ba)(ab−1a)−1(ab2a2)(a−2b) (il y a quatre mot, car le circuit passe 4 fois parune arête qui n’appartient pas à T ). ♣

Ceci se formalise comme suit :

Lemme 2.1.8Soit Z < Fk et G le diagramme de Schreier Sch(Fk/Z,{a1,a2, . . .ak}). Soit T un arbre [non-orienté] dans [le graphe obtenu en oubliant l’orientation de] G. Alors, les générateurs de Zcorrespondent aux circuits basés au sommet correspondant à Z qui ne passe qu’une seule foispar une flèche de G−T (et leur inverse).

DÉMONSTRATION : L’idée est d’abrod de trouver le groupe fondamental de G en tant qu’espacetopologique (où les arêtes sont vues comme des images homéomorphes d’intervalles reliant lespoints [les sommets]). Pour ce faire, il suffit de prendre un arbre T dans G (qui sera contractile).Après contraction de l’arbre G n’est plus qu’un bouquet de Arê(G)−Som(G)+1 cercles, ainsi leπ1(G) est le groupe libre sur Arê(G)−Som(G)+ 1, chaque générateur correspondant à une arêtequi n’appartient pas à T . Toute tournée est un élément du π1(G), et elle s’exprime alors uniquementvia cette rétraction. �

Le résultat suivant apparaît alors facilement :

Théorème 2.1.9 (Nielsen et Schreier)Soit Fk un groupe libre de rang k et Z <Fk d’indice n, alors Z est isomorphe à un groupe librede rang nk−n+1.

DÉMONSTRATION : En effet, si n= [Fk,Z] est l’indice de Z dans Fk alors G=Sch(Fk/Z,{a1,a2, . . .ak})a nk flèches et n sommets. Autrement dit, il a nk−n+1 = n(k−1)+1 générateurs. �

Ce dernier résultat s’exprime souvent comme une caractéristique [d’Euler, reliée à celle des surfacesmais ceci consisterait un détour trop grand ici]. Pour les graphes, elle est définie par χE(G) =

X(G)− e(G). Le graphe de Schreier ci-dessus est un recouvrement du bouquet de k cercles Bk, etχE(Bn) = 1− k. Maintenant, χE(G) = n− nk = n(1− k). Autrement dit, la caractéristique d’Eulerest multiplicative par recouvrement (c’est vrai aussi pour les surfaces !). C’est le contenu du lemme2.3.6.

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2.1 - Graphe de Cayley et de Schreier

Une terminologie un peu rare est celle de “graphes de classe 1” : il s’agit des graphes telsque le nombre de couleurs nécessaires pour colorier les arêtes est égal au degré maximal. Ceci estautomatique si G est biparti par le théorème de Konig 1.9.8 ; des travaux de Vizing montrent quec’est aussi automatique pour les graphes planaires de degré maximal supérieur à 7.

EXERCICE 121: Soit G un graphe k-régulier tel que les arêtes admettent un coloriage par k cou-leurs. Montrer que G est un graphe de Schreier pour Fk. [Indice : en fait de F

(2)k , le groupe obtenu en

faisant k fois le produit libre de Z2 avec lui-même.]

EXERCICE 122: Trouver un diagramme de Schreier pour les graphes ci-dessous. Pour un des dia-grammes obtenus, décrire les générateurs du sous-groupe (de F2) donné par le stabilisateur d’unsommet.

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Par contre, la plupart des graphes ne sont pas des graphes de Cayley.

Exemple 2.1.10. L’exemple le plus simple est le graphe de Petersen, qui n’est pas un graphe deCayley. En effet, les seuls groupes d’ordre 10 sont D5 (le groupe diédral) et Z10. Pour que le graphede Cayley soit non-orienté et 3-régulier, l’ensemble S doit être formé d’un élément d’ordre 2 etd’une paire s,s−1 (car il n’y a pas trois éléments d’ordre 2 distincts). De plus, comme le graphe estconnexe, S doit être générateur.

Dans le groupe diédral, D5 = 〈a,b | a2 = b5 = 1,aba= b−1〉 l’élément d’ordre 2 est fixé. D’autrepart, si s = b j pour un j ∈ 4 cela ne change rien : l’application qui envoie b sur b j (et garde a fixé)est un automorphisme de D5. Le diagramme de Cayley (où l’élément d’ordre 2 est représenté parun pointillé, et un seul élément du couple b,b−1 est représenté par les flèches) se trouve ci-dessousà gauche. Dans Z10, le seul élément d’ordre 2 est 5. Le graphe sera connexe indépendamment duchoix de s. La multiplication par 1,3,7 et 9 sont des automorphismes de Z10, ainsi seuls deux choixsont potentiellement différents s = 1 (ci-dessous, au milieu) et s = 2 (ci-dessous, à droite). Voicidonc les 3 diagrammes de Cayley connexes sur 10 sommets :

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L’exercice 6 montre que ces graphes (en oubliant la décoration qui voulait mettre en valeur ladifférence entre D5 et Cay(Z10,{2,5,8})) ne sont pas isomorphes au graphe de Petersen. Pour ceux

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

qui aurait omis cet exercice le diamètre du graphe de Petersen est 2, tandis que ci-dessus les graphesont tous diamètre 3. Pour la route, Cay(Z10,{1,5,9}) n’est pas planaire (il suffit de trouver un K3,3

comme mineur topologique). Pour une caractérisation des graphes qui sont des graphes de Cayleyvoir le corollaire 2.3.12. ♣

Par contre, il est possible de trouver un graphe de Schreier qui correspond au graphe de Peter-sen :

u

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uuuuuuu

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BBBBB

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où l’action est (par défaut) celle de F2. L’action de b−1 est l’inverse de celle de b et celle dea est inverse à elle-même. Une caractéristation des graphes qui sont des graphes de Cayley seradonnée par le corollaire 2.3.12 (dû à Sabidussi).

Il est plus difficile de trouver un graphe régulier qui n’est pas un graphe de Schreier. Par lethéorème 2.1.6, il faut qu’il soit (2k+ 1)-régulier. Ensuite, il n’est pas trop difficile de voir qu’untel graphe est un graphe de Schreier si et seulement si il possède un 1-facteur. Il existe un graphe3-régulier (et 1-arête-connexe) sur 16 sommets qui n’a pas de 1-facteur. Par contre, un résultat quiremonte (aussi) à Petersen dit que les graphes 3-régulier qui sont 2-arête-connexe (i.e. sans isthme)ont des 1-facteurs (depuis cela a été généralisé par Plésnik : tout graphe 2k+1-régulier qui est 2k-arête connexe possède un 1-facteur). Le plus petit graphe 3-arête-connexe qui n’est pas un graphede Schreier est un graphe 5-régulier sur 38 sommets.

EXERCICE 123: Trouver un diagramme de Schreier pour les graphes ci-dessous. Pour un des dia-grammes obtenus, décrire les générateurs du sous-groupe (de F2) donné par le stabilisateur d’unsommet.

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�����BBBBBB �

�����ZZZZZ

���������BBBBBBBBBZ

ZZZZZZZ �

�������

EXERCICE 124: Étant donné un sous-groupe Z′< Z, un transversal de Z′ est un ensemble de repré-sentants, i.e. un ensemble tel que chaque élément appartient au plus à une classe latérale gauche deZ′. Utiliser l’exercice 104 pour montrer qu’il est toujours possible de trouver un transversal. Sousquelles conditions le transversal est-il (lui aussi) un sous-groupe de Z ?

EXERCICE 125: Soit D4 le groupe dihédral à 8 éléments ; c’est le groupe des symétries du carré(voir exemple 2.2.4). Il existe deux présentations : D4 = 〈a,b | a4 = b2 = 1,bab = a3〉 et D4 = 〈c,b |c2 = b2 = (cb)4 = 1〉. Le but est de dessiner le graphe de Schreier de l’action de S4 sur les classesà gauche S4/D4 pour les générateurs (de S4) (12) et (1234) : Sch

(S4/D4,{(12),(1234)}

)71

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2.1 - Graphe de Cayley et de Schreier

a- Se convaincre que a 7→ (1234), b 7→ (12)(34) et c 7→ (13) réalise un plongement de D4 dansS4. [Indice : prendre le carré, et numéroter ses sommets de 1 à 4 dans le sens horaire (ou anti-horaire, ce n’est

pas important) ; a est alors la rotation, c la réflexion par un axe qui passe par les sommets 2 et 4, et b est un

autre réflexion par un axe qui coupe deux côtés opposés du carré.]

b- Déterminer le nombre de sommets et le degré entrant et sortant de chaque sommet.

c- Calculer le[s] voisin[s] du sommet correspondant à l’élément neutre.

d- Étant donné qu’il n’y a que trois sommets, il devrait déjà être possible de trouver le reste dugraphe sans faire trop de calculs.

EXERCICE 126: Soit A5 le sous-groupe normal de S5 donné par le noyau de l’application signe(c’est le seul sous-groupe normal propre non-trivial de S5). Voici une présentation A5 = 〈a,b |a3 = b2 = (ab)5 = 1〉 et elle se réalise comme un plongement dans S5 en posant a = (235) etb = (15)(34). Choisir Z′ un sous-groupe propre non-trivial de A5 et faire le graphe de Schreier deA5/Z′ avec S = {a,b}. [Il est pratique de prendre un sous-groupe le plus grand possible pour éviterd’avoir beaucoup de sommets. D’autre part, les courageux peuvent faire les calculs directement]

EXERCICE 127: Soit Z le produit semi-direct Z1 oφ Z2 où Z1 = Z3×Z3, Z2 = Z2 et φ est définiepar φ0 = Id et φ1(a,b) = (b,a). Un élément de Z s’écrit (a,b,c) où a,b ∈ Z3 et c ∈ Z2. L’ensembleS = {(0,0,1),(0,1,0)} est générateur pour ce groupe. Donner le graphe de Cayley Cay(Z,S).

Soit Z′ le sous-groupe engendré par (1,0,0), dessiner Sch(Z/Z′,S).

EXERCICE 128: Soit Z′ C Z un sous-groupe normal, soit S ⊂ Z est un ensemble générateur etsoit S′ ⊂ S un sous-ensemble de S choisi de sorte que ∀s ∈ S il existe un unique s′ ∈ S′ satisfai-sant sZ′ = s′Z′ (S′ est un ensemble de représentants de S dans Z/Z′. Montrer que Sch(Z/Z′,S′) =Cay(Z/Z′,S′).

Une notion amusante de théorie des groupes est celles des “bouts” d’un groupe.

Définition 2.1.11. Soit G un graphe générique non-orienté. Soit Fn ⊂ Som(G) (où n ∈ Z>0) unesuite croissante de sous-ensembles de sommets telle que le graphe induit sur Fn ∪n∈Z>0Fn = Som(G).Soit Bn = {H sous graphe de G | H est une composante connexe de GrFn avec X(H) = ∞} etB0 = {G}. Soit T un arbre enraciné défini comme suit : les sommets sont l’union (formelle/disjointe)Som(T ) = tn∈Z≥0Bn, la racine est G, si H ∈ Bk et H ′ ∈ Bk+1 alors (H ′,H) ∈ Flè(T ) si Som(H)∩Som(H ′) 6=∅. Un bout de G (pour la suite Fn) est un chemin dans T de longueur infinie. F

Par définition, un graphe fini ne peut pas avoir de bouts (T se réduit à un seul sommet).

Cette définition peut être légèrement simplifiée : si la condition ∪n∈Z>0Fn = Som(G) est vraie,il n’est pas nécessaire de se restreindre aux composantes connexes infinies. En effet, toute com-posante connexe finie est éventuellement entièrement incluse dans l’un des Fn. Autrement dit, toutchemin dans l’arbre orienté T passant par un sommet qui représente une composante connexe finiese termine en un nombre fini d’étapes. Ainsi, soit cfc f in(GrF) les composantes connexes finiesdu graphe [générique non-orienté] GrF . Alors les bouts pour la suite Fn sont identiques aux boutspour la suite

(∪H∈cfc f in(GrFn)

H)∪Fn.

72

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

Un avantage de se restreindre dès le départ aux composantes connexes infinies, et qu’automati-quement, tout sommet de T (sauf B0 = G lorsque le graphe est fini) est tel que d+(x) ≥ 1, car unecomposante connexe infinie ne peut disparaître en enlevant un nombre fini de sommets. En particu-lier, le nombre de composantes connexes infinies de GrFn est toujours croissant et le nombre debouts est le supremum (lorsque n varie) de ces nombres.

D’autre part, sans la condition ∪n∈Z>0Fn = Som(G), il est relativement facile de trouver ungraphe dont l’ensemble des bouts varie grandement selon le choix de la suite. Pour la culture, ilest possible de définir ces bouts pour un ensemble topologique générique (remplacer les Fn par desensembles compacts dont l’union des intérieurs recouvre l’espace).

Lemme 2.1.12Les bouts de G ne dépendent pas du choix de la suite Fn.

DÉMONSTRATION : Pour une suite donnée Fn, il est assez facile de voir que, pour toute suite d’en-tiers {ni}i∈Z>0, les bouts de Fni sont identiques à ceux de Fn. Étant donné deux suites Fn et F ′n, il estpossible de trouver deux fonctions j, j′ : Z>0→ Z>0 telles que Fn ⊂ F ′j(n) et F ′n ⊂ Fj′(n). Soit définieFa

n , une suite qui prend un élément alternativement dans chaque suite, par— Fa

1 = F1 ;— Fa

2k = F ′j(nk)si F2k−1 = Fnk ;

— et Fa2k+1 = Fj′(nk) si F2k = F ′nk

;Alors tout bout pour la suite Fn et tout bout de la suite F ′n donne un bout pour la suite Fa

n et vice-versa. �

Lemme 2.1.13Soit G un graphe de Cayley connexe. S’il existe un ensemble fini F ⊂ Som(G) tel que le nombrede composantes connexes (de cardinal infini) de G est n alors il existe un ensemble F ′ ) F telque GrF ′ a au moins n(n−1) bouts. Plus précisément, chaque composante connexe infinie deGrF se divise en n−1 composante connexe dans GrF ′

DÉMONSTRATION : comme le graphe de Cayley est identique vu depuis n’importe quel sommet,chaque composante connexe de GrF se redécompose en lui retirant une translation de F en n−1composantes connexe. �

Théorème 2.1.14 (Hopf, 1943)Soit Z un groupe et S un ensemble générateur et soit G = Cay(G,S). Alors G a soit 0, 1, 2 ou

une infinité de bouts.

DÉMONSTRATION : Il est assez facile de faire les remarques suivantes :— un graphe fini a 0 bout (Bn = ∅ pour n > 0 car il n’y au plus qu’un nombre fini desommets, T est un point et n’a donc pas de chemins infinis) ;

— inversement, un graphe qui a 0 bout est forcément fini ;— Cay

(Z2,{(±1,0),(0,±1)}

)a 1 bout (tout ensemble fini est contenu dans une boule assez

grande) ;

73

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2.2 - Automorphismes de graphe

— Cay(Z,{1,−1}

)a 2 bouts (le retrait de n’importe quel ensemble infini ne laisse que deux

bouts).— le graphe de Cayley G=Cay

(F2,{a±1,b±1}

)du groupe libre sur deux générateurs F2 =

〈a,b〉 a une infinité de bouts. Plus précisément, si Fn est l’ensemble des mots en a±1 et b±1

de longueur au plus n, alors le nombre de composantes connexes infinies de GrFn est 3n4,ainsi le nombre de bouts (qui est le supremum de cette suite) est +∞.

Il ne reste plus qu’à exclure les graphes de Cayley avec k bouts où k ∈Z>2. Par le lemme précédent,si un graphe de Cayley a plus de 3 bouts alors il existe un ensemble fini qui laisse trois composantesinfinies dans le graphe. Par le lemme 2.1.13, il existe un ensemble avec 6 telles composantes. Puis,de nouveau grâce à ce lemme, un autre avec 30... Bref, en itérant le lemme précédent, une suited’ensembles finis Fn tels que le nombre de composantes connexes infinies de GrFn est au moins22n−13 est obtenue. Le supremum de cette suite (qui est le nombre de bouts de G) est alors infini. �

Pour la remarque, il est assez rare qu’un graphe (infini) ait 2 ou une infinité de bouts ; le cas “géné-rique” pour les graphes infinis est d’avoir 1 bout (encore faudrait-il s’entendre sur ce que veut dire“générique”, voir plus bas). Ce dernier exercice vient compléter agréablement le tableau :

EXERCICE 129: Montrer que le nombre de bouts d’un groupe Z est le même pour tout ensemblegénérateur fini S . [Indice : montrer d’abord qu’il suffit de savoir que si S⊂ S′ sont tous deux générateurs ]

Théorème 2.1.15 (Stallings 1971)Soit Z un groupe, alors Z a

— 0 bout si et seulement s’il est fini ;— 2 bouts si et seulement si Z est un sous-groupe d’indice fini dans Z ;— une ∞ de bouts si et seulement si c’est un produit [libre] amalgamé (non-trivial) ou une

extension HNN ;— 1 bout dans tous les autres cas.

Voici une définition alternative des bouts, qui est plus élégante, mais plus difficile à travailler.Rappelons que P (V ) est l’ensemble des sous-ensembles de V et P f in(V ) est l’ensemble des sous-ensembles finis de V .

Définition 2.1.16. Soit X = Som(G). Un bout d’un graphe est une fonction ξ : P f in(X)→ P (X)

telle que

— pour tout F ∈ P f in(X), ξ(F) est une composante connexe infinie ;— ∀F,F ′ ∈ P f in(X), ξ(F)∩ξ(F ′) 6=∅.

F

EXERCICE 130: Montrer que les deux définitions 2.1.11 et 2.1.16 sont équivalentes.

2.2 Automorphismes de graphe

S’il est une manière naturelle d’associer un graphe à un groupe, l’inverse est aussi vrai : toutgraphe possède un groupe de symétries, même si “génériquement” ce groupe est trivial.

74

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

Définition 2.2.1. Soit G1 et G2 deux graphes et soient Ui = Arê(Gi) et Xi = Som(Gi). Un mor-phisme f du graphe G1 vers G2 est une fonction f : X1 → X2 telle que l’application f induite surles arêtes par f ({a,b}) = { f (a), f (b)} ∈P2(X2) soit d’image contenue dans U2, i.e. f (U1) ⊂U2.Lorsque f est bijective et que f (U1) =U2 est surjective, f est dit un isomorphisme. F

La relation donnée par G1RG G2⇔G1 et G2 sont isomorphes est une relation d’équivalence. Eneffet, lorsque f est injective, f est injective ( f{a,b} = f{c,d} ⇒ f (a) = f (c) et f (b) = f (d) ouf (b) = f (c) et f (a) = f (d) ). Demander que f est bijective et f surjective, revient donc à demanderque f et f soient bijectives. Ainsi, deux graphes G1 et G2 sont isomorphes par f si et seulementsi f est bijective et {a,b} ∈ Arê(G1)⇔ { f (a), f (b)} ∈ Arê(G2). Autrement dit, en changeant lesnoms des sommets, G1 et G2 sont le même graphe, les relations de voisinages étant les mêmes. RG

a vraiment pour sens de dire que deux graphes sont les mêmes. Les graphes dans la même classed’équivalence auront exactement les mêmes propriétés.

EXERCICE 131: Montrer que les définitions 2.2.1 et 1.1.11, sont équivalentes.

Un isomorphisme d’un graphe avec lui-même est appelé un automorphisme, ou plus commu-nément une symétrie, du graphe. Les automorphismes forment un groupe, noté Aut(G). Les graphespossédant des groupes d’automorphismes non-triviaux ont aussi des propriétés intéressantes ; le livrede Godsil & Royle “Algebraic Graph Theory” contient plus de détails sur ce sujet. Seuls quelquesrésultats seront présentés ici.

Tout d’abord, quelques propriétés de base du groupe des automorphisme sont laissées en exer-cice.

EXERCICE 132: Soit G un graphe générique et soit σ ∈ SSom(G) un automorphisme de G.

a- Montrer que dist(x,y) = dist(σ(x),σ(y))

b- Montrer que σ ∈ Aut(G), i.e. que σ est un automorphisme du complémentaire de G. Endéduire que le groupe d’automorphisme de G est égal à celui de son complémentaire.

Certains graphes possèdent beaucoup de symétrie et se méritent ainsi un nom à part.

Définition 2.2.2. Un graphe G est dit sommet-transitif si l’action de Aut(G) sur Som(G) esttransitive, i.e. si ∀x,y ∈ Som(G),∃α ∈ Aut(G) tel que α(x) = y. F

Il existe aussi une définition de arête-transitif, mais ce court texte peut se permettre autant dedétours aussi charmants soient-ils. Afin d’exciter néanmoins la curiosité du lecteur, il sera mentionnéque si un graphe G sans sommets isolé est arête-transitif mais pas sommet-transitif, alors les orbitesde Aut(G) forment une bipartition de Som(G) (ce résultat n’est d’ailleurs pas très difficile).

EXERCICE 133: Montrer que si G est sommet-transitif, alors δ(G) = ∆(G), i.e. que le graphe estk-régulier (où k est cette valeur commune).

Proposition 2.2.3Les graphes de Cayley et de Johnson sont sommet-transitif.

DÉMONSTRATION : Soit G = Cay(Z,S) le graphe générique dont les sommets sont Z et dont lamatrice d’adjacence A est déterminée par (A)rt = |{s ∈ S | sr = t}| ou autrement dit |{s ∈ S | s =

75

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2.2 - Automorphismes de graphe

tr−1}|. Il suffit de considérer l’action à gauche par multiplication à droite de l’inverse, i.e. az(z′) =z · z′ = z′z−1. Vérifier que az est bijective (ergo, un élément de SZ) découle des propriétés du groupe.Il faut vérifier que l’action induite sur les arêtes est surjective. Or n’importe quel z ∈ Z, une arête(a,b)∈ Flè(G) est envoyée vers (az−1,bz−1). Cependant, s= ba−1 = (bz−1)(az−1)−1. Ainsi (a,b)∈Flè(G)⇔ (az−1,bz−1) ∈ Flè(G).

Pour montrer que les graphes de Johnson sont sommet-transitif, il suffit de remarquer que toutepartition P1,P2, . . . ,Pm de n peut-être envoyée vers une autre partition P′1, . . . ,P

′m de n pourvu que,

quitte à réordonner un peu les sous-ensembles, |Pj| = |P′j|. Dans le graphe de Johnson J(n,k, `),une arête entre deux sommets a et b correspond à une partition à 4 ensembles : (a∩b), ar (a∩b),br (a∩ b) et nr (a∪ b). Ainsi n’importe quel sommet peut-être envoyé sur un autre, et mêmen’importe quelle arête sur n’importe quelle arête. �

En étant un peu plus attentif, le lecteur remarquera que az ◦aζ = azζ. Ainsi, il existe un monomor-phisme de Z dans Aut(Cay(Z,S)) dont l’image est contenu dans les automorphismes du diagramme(c’àd. qu’ils préservent en plus l’étiquetage). Il est aussi valable de noter que les automorphismesappartenant à cette image n’ont aucun point fixe.

Exemple 2.2.4. Pour voir que le monomorphisme n’est pas toujours un isomorphisme, prendreG = Cay(Z4,{1,3}) : w

w w

w

PPP���""���BBBTT

PPP���""

���BBBTT

TT ""

TT""

333

311

1

1

4 3

21

Les automorphismes provenant de Z4 ↪→ Aut(G) sont les rotations. En tant que permutationde {1,2,3,4} elles s’écrivent : l’identité, (1234),(13)(24) et (1432). Or il existe quatre automor-phismes supplémentaires qui ne préservent pas l’étiquetage et ont parfois des points fixes : (12)(34),(14)(23), (24), et (13) (les deux derniers ont même des points fixes). ♣

EXERCICE 134: Soit V4 le 4-groupe de Klein et soit S = {a,b} un ensemble générateur minimal.Montrer que l’image du monomorphisme ne donne pas tous les automorphismes. [Indice : regarder

ceux qui ne préservent pas l’étiquetage.]

Comme le graphe de Petersen n’est pas un graphe de Cayley (voir exemple 2.1.10), un graphesommet transitif n’est pas nécessairement un graphe de Cayley. Cependant, il y a encore quelquesquestions ouvertes sur le sujet. Par exemple, est-ce que tous les graphes de Cayley (mis à partK2 = Cay(Z2,{1})) sont hamiltoniens. Pour les graphes sommet-transitif, il y a quelques contre-exemples de connus. Le graphe Petersen en est un (voir exercice 169) ; un autre est un graphe deCoxeter (sur 28 sommets, voir 2.4.8). À partir de ces deux graphes, il est possible d’en fabriquerdeux autres. En effet, dans un graphe 3-régulier, il est possible de remplacer chaque sommet par un3-cycle. Cette procédure est la même que de remplacer chaque sommet par un triangle.

EXERCICE 135: Soit G un graphe 3-régulier. Montrer que G est hamiltonien si et seulement siL(Sub(G)) est hamiltonien.

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

Une itération de la construction subdivision-graphe des arêtes, ne donne malheureusement pastoujours un graphe sommet-transitif. Pis, seul ces 5 graphes (K2, Petersen, Coxeter, et L ◦ Subappliqué à ces deux derniers) sont connus parmi les graphes sommet-transitifs qui n’ont pas decycle hamiltonien. La conjecture selon laquelle seuls ces cinq graphes sommet-transitifs sont non-hamiltonien tient donc toujours.

Avant de clore cette section, il est bon de noter que la transitivité sur les sommets a une forteimplication au niveau de la connectivité.

Définition 2.2.5. Soit G un graphe générique non-orienté soit A,B⊂ Som(G). Alors Arê(A,B) ={e ∈ Arê(G) | |b(e)∩A|= |b(e)∩B|= 1} sont les arêtes reliant A et B.

Soit G un graphe générique non-orienté soit S⊂ Som(G). Alors le bord de S est l’ensemble

∂S = Arê(S,Sc) = {e ∈ Arê(G) | b(e)∩S 6=∅ et b(e)∩ (Som(G)rS) 6=∅}.

Soit G un graphe connexe. Un x↔y-déconnectant est un sous-ensemble E ⊂ Arê(G) tel que x et yne sont plus dans la même composante connexe de G−E. F

Il est assez facile de voir que si x ∈ S ⊂ Som(G) et y /∈ S, alors ∂S est un x↔y-déconnectant, eten particulier |S|= κe(G). Dans un graphe générique [orienté], il serait aussi possible de définir unbord sortant et un bord entrant. De nouveau, citons d’abord quelques propriétés élémentaires.

Proposition 2.2.6Soit A1 et A2 deux sous-ensembles de Som(G).

(a) |∂(A1∪A2)|+ |∂(A1∩A2)| ≤ |∂A1|+ |∂A2|.

(b) Si Ai est un sous-ensemble propre ( i.e. strictement inclu) et non-vide, |∂Ai| ≥ κe(G).

EXERCICE 136: Faire la démonstration. [Indice : Pour (a), regarder le nombre d’arêtes entre BrA et ArB.]

Comme ∂S = ∂(Som(G)r S), il est souvent intéressant de se restreindre au plus petit des deuxensembles. D’où

Définition 2.2.7. Un e-atome d’un graphe générique non-orienté G est un ensemble S⊂ Som(G)

minimal sous l’inclusion tel que |∂S|= κe(G) et |S| ≤ |Sc|. F

EXERCICE 137: Montrer qu’il existe toujours un e-atome dans un graphe G d’ordre X(G)≥ 2, i.e.montrer qu’il existe toujours un S⊂ Som(G) et deux sommets x,y∈ Som(G) tels que ∂S=Arê(S,Sc)est un x↔y-déconnectant et |∂S| = κe(G). [Indice : prendre un ensemble d’arêtes minimal qui déconnecte le

graphe et regarder une composante connexe après déconnexion.]

Un sujet similaire est repris dans la section Cycle et coupes 2.6.

Lemme 2.2.8Deux e-atomes sont disjoints (en tant qu’ensemble de sommets).

DÉMONSTRATION : Soit A1 et A2 deux e-atomes et soit X = Som(G). Puisque |Ai| ≤ 12 |X |, si A1∪

A2 = X alors A1∩A2 =∅. Ainsi, il suffit de poursuivre la démonstration en supposant que A1∪A2 6=

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2.2 - Automorphismes de graphe

X . Dans ce cas, par la proposition 2.2.6.(a), |∂(A1∪A2)|+ |∂(A1∩A2)| ≤ 2κe(G). Or si A1∩A2 6=∅,la proposition 2.2.6.(b) implique que |∂(A1 ∪ A2)| = |∂(A1 ∩ A2)| = κe(G). Ainsi A1 = A2 sinonA1∩A2 serait un e-atome de cardinal strictement inférieur. �

Les graphes sommet-transitifs sont très stables au niveau de la connexité. Le cas de la connectivitédes arêtes est le plus simple.

Théorème 2.2.9Soit G un graphe sommet-transitif et soit k = δ(G) = ∆(G), alors κe(G) = k.

DÉMONSTRATION : Tout d’abord, si k = 1, G = K2 et il n’y a rien à montrer. Soit A un e-atome deG. Si A = {x} alors |∂A| = d(x) et il n’y a rien à montrer. Inversement, tout sommet se déconnectepar ses k arêtes. Ainsi, il suffit de faire la démonstration en supposant que |A| ≥ 2. Par le lemmeprécédent, l’action de Aut(G) sur l’ensemble A a une orbite qui forme une partition de G, plusprécisément, chaque automorphisme envoie soit A sur lui-même soit sur un ensemble disjoint. [Untel ensemble s’appelle bloc d’imprimitivité.]

Ainsi, soit Z = StabensAut(G)A le sous-groupe qui préserve A. Comme Aut(G) est transitif sur

Som(G), Z est transitif sur [le graphe induit sur] A. Or un graphe sommet-transitif est régulier,et donc le graphe induit sur A est `-régulier (`≤ k).

Chaque sommet de A a exactement k− ` arêtes qui le relient à son complémentaire, d’où |∂A|=(k−`)|A|. Comme G est connexe, ` < k. Si |∂A|< k il apparaîtrait que (k−`)|A|< k⇒ k(|A|−1)<`|A| si |A| 6= 1, alors k

` < |A||A|−1 . Pour avoir une fraction strictement comprise entre 1 et t n

n−1 =

1+ 1n−1 , il faut que le dénominateur soit strictement plus grand que n− 1. Or ` ≤ |A| − 1 car un

graphe est au plus X−1 régulier. Ainsi |∂A| ≥ k, ceci clot la démonstration. �

Il est possible de combiner ce résultat avec un exercice relativement élémentaire :

EXERCICE 138: Soit G un graphe qui est k-régulier, `-arête-connexe et s-connexe (avec forcéments ≤ ` ≤ k, par l’exercice 57). Montrer que sb k

2c ≥ `. En conclure que, pour n ∈ Z>0, si un graphesommet transitif est 2n-régulier il est 2-connexe et s’il est (2n+1)-régulier il est 3-connexe.[Indice : montrer que X(G)≥ k+1 avec égalité pour un graphe complet, puis que s’il est possible d’enlever s sommets

alors, en regardant comment les arêtes de ce sommet relient les [au moins] deux composantes connexes, il est possible

de trouver sb k2c arêtes qui déconnectent le graphe.]

Voici un raffinement (dont la démonstration est bien plus difficile) de l’exercice précédent.

Théorème 2.2.10

Soit G un graphe connexe sommet-transitif et soit k = δ(G) = ∆(G), alors κ(G)≥ 23(k+1).

Des méthodes similaires sous des contraintes plus strictes donnent un résultat plus fort :

Théorème 2.2.11Soit G = Cay(Z,S) où S est minimal parmi les ensembles générateurs symétriques de Z quidonne lieu à un graphe de Cayley non-orienté. Alors δ(G) = ∆(G) = κ(G).

Un graphe est dit k-arc-transitif si le groupe d’automorphisme agit transitivement sur les cheminsde longueur k (attention, c’est plus contraignant que sur les chaînes).

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

Théorème 2.2.12 (Tutte)Soit G un graphe s-arc-transitif tel que δ(G) ≥ 3. Alors son galbe g(G) est ≥ 2s− 2. Dans le

cas d’égalité le graphe est biparti et de diamètre s−1.

EXERCICE 139: Soit Z un groupe. Montrer que si α ∈ Aut(Z) alors Cay(Z,S) est isomorphe àCay(Z,α(S)).

2.3 Recouvrement de graphe

La section précédente s’est beaucoup attardée sur les cas des automorphismes sans trop prêterattention aux morphismes. Ceux-ci sont déjà apparus sous un autre nom.

EXERCICE 140: Montrer qu’un graphe G possède un morphisme vers Kn si et seulement si il admetune n-coloration.

Définition 2.3.1. Une rétraction est un morphisme f d’un graphe G sur un de ses sous-graphesH, de sorte que la restriction de f à Som(H) soit l’identité. F

Exemple 2.3.2. Le n-prisme est un graphe (de Cayley) obtenu comme suit. Deux n-cycles sont ins-crits sur deux cercles de rayon 1 et 2, puis une arête est ajoutée lorsque entre deux sommets sont surla même demi-droite (partant de l’origine). Autrement dit, c’est le graphe de Cayley Cay(Dn,{a,b})du groupe diédral Dn = 〈a,b | a2 = bn = 1,aba = b−1〉. Lorsque n est impair, c’est aussi le graphede Cayley Cay(Z2n,{2,n}). Il existe rétraction du n-prisme sur le n-cycle, qui s’exprime le plussimplement par un dessin :

www www wwww

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TTTTT

TTTTT %%%%%

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HHHH

HH

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���BBBB �

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SSS

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BBBB �

���ZZZ

Il existe aussi un autre morphisme des n-prisme vers le graphe des haltères G = B1 ?B1. SiSom(G) = {a,b}, alors il suffit d’envoyer tous les sommets du cycle “intérieur” vers a et tous ceuxdu cycle “extérieur” vers b. Ce morphisme marche aussi pour le graphe de Petersen. ♣

EXERCICE 141: Soit φ : Z→ Z′ un homomorphisme. Sous quelles conditions φ donne-t-il un mor-phisme Cay(Z,S)→ Cay(Z′,S′) ?

Les rétractions sont présentées ici pour mettre en exergue que la différence entre graphe deCayley et graphe sommet-transitif reste relativement mince.

Théorème 2.3.3Soit G un graphe sommet-transitif. Alors il existe une rétraction d’un graphe de Cayley sur G.

79

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2.3 - Recouvrement de graphe

DÉMONSTRATION : Soit A = {z ∈ Aut(G) | z · x ∈ Γ(x)}. A est une union de classes à gauche deZx = StabAut(G)x. A∩Zx =∅ comme les lacets sont exclus. Qui plus est

z · x ∈ Γ(ζ · x)⇔ ζ−1z · x ∈ Γ(x)⇔ ζ

−1z ∈ A.

Et même, ∀ζ,ζ′ ∈ Zx et ∀z ∈ A, x = ζ · x ∈ Γ(zζ · x) = Γ(ζ′zζ · x). Ainsi ZxAZx ⊂ A, mais commeeAut(G) ∈ Zx, A ⊂ ZxAZx, ergo A = ZxAZx. Soit Z′ le sous-groupe de Aut(G) engendré par les élé-ments de A, alors Z′ agit transitivement sur les sommets de G (le lecteur s’en convaincra avecinduction relativement simple sur le diamètre de G).

Soit H = Cay(Z′,A). Il y a une partition des sommets de ce graphe en classes à droite de Zx

(comme ZxA = A). Soient {ai}i∈k des représentants pour les classes à droite. Tout élément de Z′

peut s’exprimer sous la forme zai où z ∈ Zx. Ainsi z′a j est voisin de zai si et seulement si A 3z′a j(zai)

−1 = z′(a ja−1i )z−1⇔ a ja−1

i ∈ A. Autrement dit, soit tous les sommets des classes [à droite]sont reliés, soit ils sont tous séparés. Par contre, à l’intérieur d’une classe, aucun sommet n’est relié.Soit H ′ le graphe induit sur les représentants {ai}i∈k.

Par construction, ce graphe H ′ est isomorphe à G. La rétraction de H sur H ′ est obtenue enenvoyant tous les éléments de la classe vers le représentant. �

Retournons du côté des recouvrements.

Définition 2.3.4. Soit G et H deux graphes génériques non-orientés. Un recouvrement fort G deH est un morphisme f : G→ H tel que

— f : Som(G)→ Som(H) est surjectif et l’application f : Arê(G)→ Arê(H) est aussi sur-jective ;

— ∀x ∈ Som(G), f restreinte à {x}∪Γ(x) est bijective (sur son image).

Un recouvrement faible G de H est un morphisme f : G→ H tel que

— f : Som(G)→ Som(H) est surjectif et l’application f : Arê(G)→ Arê(H) est aussi sur-jective ;

— ∀x ∈ Som(G), dtop(x) = dtop(

f (x)).

F

Il est important que la condition soit sur dtop ! Pour des graphes orientés, il faut demander,pour le recouvrement fort orienté des isomorphismes sur x∪Γ±(x) et, pour le recouvrement faibleorienté, que d±(x) = d±

(f (x)

).

Exemple 2.3.5. Il existe un recouvrement du n-cycle par le (kn)-cycle. Le plus simple est d’iden-tifier Cn = Cay(Zn,{1,n−1}). Il existe ensuite un homomorphisme (de groupe) Zkn→ Zn commesuit : à i ∈ Zkn est envoyé vers le reste de la division de i par n. Pour un exemple légèrement moinssimple :

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

www w wwww

���

@@@ �

��

@@@

LLLLLL

LLLLLL

wwww�

����

(a,0)

(b,0)

(c,1)

(d,1)(a,1)

(b,1)

(c,0)

(d,0)a

bc

d

Le graphe de droite est un recouvrement du graphe de gauche ; il est donné par la projection surla première coordonnée. ♣

Le premier résultat important est

Lemme 2.3.6Soit G et H des graphes connexes multiples avec lacet. Soit f : G → H un recouvrement

faible de graphe. Il existe un entier k ∈ Z>0 tel que pour tout H ′ sous-graphe de H, si G′ =f−1(H ′) est le graphe dont les sommets sont f−1(Som(H ′)) et les arêtes f−1(Arê(H ′)), alorsk = |Som(G′)|/|Som(H ′)| et, si de plus |Arê(H ′)| 6= 0, k = |Arê(G′)|/|Arê(H ′)|.

Les recouvrements forts étant tous des recouvrements faibles, le lemme ci-dessus est aussi valablepour les recouvrements forts. L’entier k de ce lemme est appelé l’indice du recouvrement.

DÉMONSTRATION : Si H est sans arête, il n’y a rien à montrer. Si H a une arête, il y a deux caspossibles :a- H = K2 ; le graphe où tous les sommets sont de degré 1 ; le seul recouvrement connexe possibleest K2.b- H = B1 ; le lacet ou le bouquet sur un cercle ; un graphe G qui le recouvre est topologiquement2-régulier. C’est donc une réunion disjointe de n-cycles [n≥ 1] (possiblement le rebond ou le lacet)et le nombre d’arêtes est alors égal au nombre de sommets (et à k). Comme G est connexe, il s’agitd’un seul de ces n-cycles et k sera égal à n.

La démonstration peut ensuite se poursuivre par induction sur le nombre d’arêtes de H. Soit Hun graphe tel que |Arê(H)| > 1. Soit e = {x1,x2}. Soit H1 et H2 des sous-graphes tels que l’unionest H− e et que xi ∈ Som(Hi). Alors f−1(Hi) (où i = 1,2) sont aussi des recouvrements faibles deHi. Par induction, soit ki les indices de ces recouvrements faibles.

Soit H3 le plus petit sous-graphe contenant e (i.e. c’est un K2 ou un B1) et soit k3 l’indice durecouvrement de H3 par f−1(H3). Alors k3 = | f−1(x1)|= k1 et k3 = | f−1(x2)|= k2. Ainsi tous cesnombres sont égaux au même entier. Ceci termine la démonstration. �

En fait, il s’applique aussi aux graphes dénombrables : il suffit de regarder une suite croissanteFn ⊂ Som(H) de sous-ensembles finis tels que ∪nFn = Som(H). Alors, si l’indice est fini pour ungraphe induit sur un des Fn, ce même indice est le nombre de préimages de toute arête ou toutsommet.

EXERCICE 142: Soient G et H des graphes génériques [orientés], soit f : G→H un recouvrementfaible (en tant que graphes orientés) et supposons que H est faiblement connexe. Montrer qu’il

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2.3 - Recouvrement de graphe

existe k ∈ Z>0 tel que pour tout H ′ sous-graphe de H, si G′ = f−1(H ′) est le graphe dont lessommets sont f−1(Som(H ′)) et les flèches ~f−1(Arê(H ′)), alors k = |Som(G′)|/|Som(H ′)| et, si deplus |Flè(H ′) 6= 0, k = |Flè(G′)|/|Flè(H ′). [Indice : vérifier pour les graphes avec 0 ou 1 flèche puis continuer

par induction.]

EXERCICE 143: Montrer que si f : G→ H est un recouvrement fort de graphes génériques non-orientés [et H est sans lacet], alors ∀x ∈ Som(H), f−1(x) est un ensemble indépendant dans G.Montrer que si {x,y} ⊂P2(H) alors f−1({x,y}) est soit un graphe vide soit un graphe 1-régulier.

EXERCICE 144: Montrer que si f : G→ H est un recouvrement fort et H un arbre, alors G est uneforêt.

EXERCICE 145: Montrer que si f : G→ H est un recouvrement [fort ou faible] et G′ une compo-sante connexe de G alors f|G′ : G′→ H est un recouvrement [fort ou faible] de H. En déduire quel’indice de f est la somme des indices sur chaque composante connexe de G, ncc(G).

EXERCICE 146: Soit Qn le cube de dimension n (cf. exercice 76 ; sinon Qn est le graphe de Cayleyde la nème puissance cartésienne de Z2, noté (Z2)

n, pour les générateurs (1,0, . . . ,0), (0,1, . . . ,0),. . . , et (0,0, . . . ,1)).

a- Montrer que DiamQn = n.

b- Montrer que Qn possède une application antipodale, i.e. α ∈ SSom(Qn) tel que, pour toutx ∈ Som(Qn), d(x,α(x)) = DiamG.

c- Montrer qu’il existe un recouvrement fort f : Q3→ K4. [Indice : utiliser l’application antipodale.]

La théorie des recouvrements [fort et surtout faible] de graphes s’aborde de manière la plusamusante par les “voltages” (voir Gross & Tucker, “Topological graph theory” pour plus de détails).

Définition 2.3.7. Soit G un graphe générique et Z un groupe. Un Z-voltage sur G est un Z-étiquetage w : Flè(G)→ Z Le graphe dérivé d’un Z-voltage w sur G, noté Gw, est le graphe Htel que Som(H) = Som(G)×Z et B = Adj(H) est définie par (B)(x,z)(ξ,ζ) = |{~e ∈ Flè(G) | s(~e) =x,c(~e) = ξ,w(x,ξ)z = ζ}. Lorsque le graphe G n’est pas orienté, il est (sauf mention contraire) de-mandé que l’étiquetage soit symétrique, c’àd. que si ~e et ~e′ sont les deux flèches représentant unearête qui n’est pas un lacet, alors w(~e) = w(~e′)−1 F

Exemple 2.3.8. Dans cet exemple, le graphe de l’haltère est muni un Z5-voltage (comme les seulsflèches qui ont un voltage qui n’est pas l’identité sont des lacets, il est inutile de mentionner ladirection). Le graphe dérivé obtenu est le graphe de Petersen. Comme il sera d’ailleurs souvent faitplus tard, la notation az pour (a,z) est en vigueur dans le dessin ci-dessous.

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

w w

ww

w w

www

wXXXX

ZZZZZZBBBBBBB�������������

��� T

TT

���

�������BBBBBBBB �

�������ZZZZZZZ

w w"!#

"!#

a1 a2

a3

a4

a5

b1 b2

b3

b4

b5

ba1 0 2

EXERCICE 147: Soit S ⊂ Z Montrer que Cay(G,S) est obtenu du bouquet de |S|= n cercles Bn enprenant le voltage qui associe à chaque lacet un élément de S.

Il existe un morphisme naturel, noté πw du graphe dérivé vers le graphe de base, simplementdonné par la projection Som(G)×Z→ Som(G). Ce morphisme est en fait un recouvrement faible(mais pas nécessairement un recouvrement fort, voir l’exemple précédent). Qui plus est, remarquerque dtop

G (x) = dtopGw (x) suffit pour montrer que ce morphisme est un recouvrement faible.

Lemme 2.3.9Soit P une marche sur G de x à y. Pour tout Z-voltage w et pour tout z ∈ Z il existe une uniquemarche Q dans le graphe dérivé Gw telle que πw(Q) = P et Q commence en (x,z) et se termineen(y,w∗(P)z

).

DÉMONSTRATION : En effet, étant donné P = x1x2 . . .xn, (x1,z) est relié à(x2,w(x1,x2)z

). Par

induction, il apparaît facilement que ce procédé se terminera en(y,w∗(P)z

). �

EXERCICE 148: Soit P = x1x2 . . .xn+1 (où xn+1 = x1) une tournée (de longueur n) dans un grapheG muni d’un Z-voltage où Z est un groupe fini. Il est possible de définir w∗(P) si l’indice de départi de la tournée est fixé, simplement en la regardant comme la marche xixi+1 . . .xnx1 . . .xi−1xi. Soitw∗(P, i) cette valeur pour cet indice choisi.

1. Montrer que w∗(P, i) et w∗(P, i′) sont conjugués.

2. En déduire que l’ordre de w∗(P, i) ne dépend pas de i.

3. Soit m l’ordre de w∗(P, i). Montrer que π−1w (P) correspond à |Z|/m tournées de longueur

km.

4. Dans le cas d’un groupe infini, montrer que si Z′ est le groupe engendré par w∗(P, i), alorsπ−1

w (P) correspond à [Z : Z′] tournées de longueur k[Z : Z′] (un tournée infinie est une ap-plication Z→ Som(Gw) qui correspond à une marche sur chaque intervalle fini de Z).

Une action est libre si et seulement si tout stabilisateur ne contient que l’élément neutre. Dans legraphe dérivé d’un voltage, il y a une action naturelle du groupe sur le graphe : étant donné w unZ-voltage sur G, z′ ∈ Z agit sur le sommet (x,z) de Gw par z′ · (x,z) = (x,z′z). Cette action est libre :si z 6= eZ alors z n’a pas de point fixe.

Voici un exemple qui illustre bien que ce qui se passe sur les sommets ne se passe pas nécessai-rement sur les arêtes.

83

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2.4 - Spectre des graphes

Exemple 2.3.10. Les automorphismes de Kn sont Sn. Lorsque n= 4 seuls les éléments d’ordre 4 nefixent aucun sommet. Cependant, si σ est un tel élément, σ2 fixe deux arêtes. Ainsi, tout sous-groupedes automorphismes de K4 n’a pas une action libre sur les arêtes. ♣

Théorème 2.3.11Si G est un graphe générique non-orienté connexe et Z < Aut(G) agit librement sur Som(G)

alors il existe un graphe H tel que G est le graphe dérivé d’un Z-voltage sur H.

DÉMONSTRATION : La démonstration est essentiellement de construire un quotient de G par Z.Soit Som(G) = tx∈X Zx une partition de Som(G) en Z-orbites (ici X ⊂ Som(G)). Comme Z agitlibrement (i.e. les stabilisateurs sont tous triviaux), chaque orbite peut-être identifiée à Z. La pre-mière étape est de bien choisir l’ensemble de représentants X . Soit x0 ∈ X , alors Γ(x0)rZx 6= ∅sauf si Zx = Som(G). Sinon, il est possible de prendre des représentants des autres orbites de Zdans Γ(x0)rZx. En continuant comme ceci, il est possible de supposer que le graphe induit sur Xest connexe. Ainsi, soit H le graphe induit sur X . Les arêtes de H ont toutes un voltage trivial. Six ∈ X est relié à un autre sommet de Zx disons z0x alors il faut ajouter un lacet~e à x (dans H) et luiattribuer le voltage w(~e) = z0. Une vérification directe donne que G = Hw. �

En particulier, la caractérisation des graphes de Cayley apparaît.

Corollaire 2.3.12 (Sabidussi 1958)Un graphe G est un graphe de Cayley si et seulement si il existe un sous-groupe de Aut(G) quiagit librement et transitivement sur Som(G).

DÉMONSTRATION : Si l’action est transitive, dans le théorème précédent X ne consiste qu’en unpoint. Le quotient est donc un bouquet de cercles. Or, un voltage sur un bouquet de cercles est ungraphe de Cayley (voir exercice 147). �

Le principal à retenir sur les voltages est surtout la manière de construire un recouvrement d’ungraphe : étant donné G un graphe connexe,

— Choisir un groupe Z tel que |Z| sera l’indice du recouvrement désiré (il sera important que Zpuisse être engendré par −χE(G)+1 = Arê(G)−Som(G)+1 éléments et leurs inverses) ;

— Prendre un arbre couvrant T , poser w(x,y) = eZ si {x,y} ∈ Arê(T ) ;— Pour chaque {x,y} ∈ Arê(G)rArê(T ) attribuer w(x,y) = s de sorte que l’ensemble des

valeurs de w engendre Z ;— Fabriquer Gw.

2.4 Spectre des graphes

Tout d’abord, le spectre d’un graphe est le spectre de sa matrice d’adjacence. Parfois, le termespectre de Markov est employé pour contraster avec celui du laplacien. Normalement pour parler despectre de Markov, soit les lignes sont divisées par le degré du sommet correspondant, soit c’est la

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

matrice deg(G)−1/2Adj(G)deg(G)−1/2 (où deg(G) est la matrice des degrés) qui est considérée. Parabus de langage, les termes espace/vecteurs/valeurs propres d’un graphes font références à ceux desa matrice d’adjacence.

Pourquoi devrait-on s’intéresser au spectre d’un graphe ? La réponse mathématique naïve pour-rait être la suivante :

Lemme 2.4.1Soit G1 et G2 deux graphes génériques finis dont les valeurs propres et les espaces propres sontles mêmes, alors ils sont isomorphes.

Effectivement, si c’est le cas leur matrice d’adjacence sont identiques à un changement de base près,pour des matrices dont les entrées sont des 0 ou 1 cela revient à une permutation près (i.e. changerl’ordre des sommets).

Cependant, il y en a bien d’autres raisons. Tout d’abord les problèmes du laplacien sont relative-ment reliés aux résultats correspondants sur les graphes. Surtout, les graphes étant des objets finis,il est souvent plus facile de jouer avec un graphe qu’avec un opérateur différentielle (quoique...).Un autre point à l’intérieur des mathématiques est fait avec les chaînes de Markov : le comporte-ment asymptotique d’une marche aléatoire sur un graphe est relié aux valeurs propres de la matriced’adjacence.

Les chimistes (qui ont fourni au tout début beaucoup de motivations) s’y intéressent via le pro-blème des dimères. Celui se résume très brièvement comme la recherche d’un mariage de taillemaximale sur un graphe donné. Ceci se réduit à étudier un objet dit le “permutant” de la matriced’adjacence. Celui-ci étant malheureusement plus difficile à étudier que le déterminant, quelquestentatives ont été faites pour résoudre néanmoins ce “problème des dimères” via le polynôme ca-ractéristique de la matrice d’adjacence. De plus, certaines équations orbitales sur les molécules chi-miques sont approximées par des questions de spectre (de Markov) sur les graphes qui représententces molécules.

Un des succès publics des matrices d’adjacence est l’algorithme PageRank de Google (qui avalu à la compagnie son succès). La méthode est pourtant simple : il s’agit de considérer la matriced’adjacence d’un graphe où les sommets sont les pages ouebbes (qui contiennent certains liens) etles flèches les hyperliens, de renormaliser les lignes pour que la somme des coefficients soit 1 (i.e.regarder la marche aléatoire simple sur le graphe). Pour les pages qui ne pointent vers rien, la ligneest remplacée par une ligne constante (normalisée pour que la somme soit 1), c’àd. la prochaineétape se fera au hasard sur le ouebbe. Le théorème de Perron-Frobenius assure alors que l’itérationsur n’importe quel vecteur (et renormalisation pour avoir norme `2 égale à 1) de cette matrice tendravers le vecteur propre de plus grande valeur propre. Ce vecteur peut être vu comme une fonction dessommets vers R, et c’est ce vecteur qui donne le classement (plus la valeur est grande mieux la pageest cotée). Il y a bien sûr quelques ingrédients supplémentaires dans la soupe (i.e. la publicité,...).

Le spectre peut aussi s’appliquer au problème du commis-voyageur, le théorème sera cité pourla culture seulement :

Théorème 2.4.2

Soit G un graphe. Soit n = X(G) et hn = 4sin2(π

n ). Soit H un 2-facteur de G. Soit Q la ma-

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2.4 - Spectre des graphes

trice Lap(H)+αJn−βIdn où 0 < β ≤ hn et α > hn/n. Alors Q est semi-définie-positive si etseulement si H est un cycle hamiltonien.

Finalement, bien que cela concerne à proprement parler le spectre du laplacien, un problèmebien compréhensible sur les réseaux peut aussi s’étudier par le spectre. En effet, étant donné dessommets (ordinateurs/processeurs/cellules), la question est de les relier ensemble de sorte que :très peu de liens soient construits (parce que ça coûte cher) mais que néanmoins qu’entre toutepaire de sommets il y ait beaucoup de chemins possibles. Cette question est celle des expan-seurs/superconcentrateurs. Elle s’interprète (pour les graphes connexes réguliers) par une conditionsur la deuxième plus grande valeur propre de la matrice d’adjacence.

Lorsque G est un graphe générique fini, le raccourci PoC(G,µ) = PoC(Adj(G),µ) sera trèssouvent utilisé. Les vecteurs propres peuvent se “dessiner” sur un graphe de la façon suivante.Associer à chaque sommet une valeur est essentiellement décrire un vecteur v à l’identification parτ près ; appelons vx la valeur au sommet x. v sera un vecteur propre de la matrice d’adjacence Adj(G)

si pour tout sommet x la somme de la valeur du vecteur sur les voisins de x est µvx, i.e. ∑y∈N(x)

vy = µvx.

Voici deux vecteurs propres, le premier (de valeur propre 1) sur le graphe de Petersen et le second(de valeur propre 0) sur le 4-cycle.

u u

uu

u uuuuu u

u u

uXXX

ZZZZBBBBB���������

�� T

T

��

�����BBBBBB �

�����ZZZZZ

0

01

1

−1 −1 −11

0

0

0

0 −1

1

Un vecteur propre sera souvent interprété comme une fonction de Som(G) vers R.La différence entre multiplicité géométrique et multiplicité algébrique complique souvent les

choses et nécessite l’introduction des vecteurs propres généralisés. Il est des cas où ce n’est pasnécessaire.

2.4.i Premiers calculs : les graphes circulants

Le spectre de certains graphes se calcule sans difficulté à la main. C’est le cas des graphescirculants, dont le premier représentant est le circuit.

Exemple 2.4.3. Soit ~Cn le circuit d’ordre n (le graphe orienté où les n sommets sont disposés surun cercle et relié à leur successeur dans le sens horaire), sa matrice d’adjacence est

A(~Cn) =

0 1 0 ··· 0 00 0 1 ··· 0 00 0 0 ··· 0 0...

......

......

0 0 0 ··· 0 11 0 0 ··· 0 0

et µId−A(~Cn) =

µ −1 0 ··· 0 00 µ −1 ··· 0 00 0 µ ··· 0 0...

......

......

0 0 0 ··· µ −1−1 0 0 ··· 0 µ

Le calcul du déterminant de µId−Adj(~Cn) commence avec la formule en termes des cofacteursappliquée à la première colonne. Le cofacteur du coefficient en haut à gauche est le déterminant

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

d’un matrice diagonale, tout comme celui du coefficient en bas à gauche. Il apparaît que Det(µId−Adj(~Cn)) = µn−1. Les valeurs propres sont donc µk = e2πik/n où k ∈ n et i =

√−1. Elles sont toutes

distinctes, ainsi, exceptionnellement pour une matrice non-symétrique, il y a n vecteurs propreslinéairement indépendants. ♣

Exemple 2.4.4. Soit Cn le cycle d’ordre n (le graphe non-orienté où les n sommets sont disposéssur un cercle et reliés à leur successeur et leur antécédent). Pour rappel, le spectre du circuit permetd’obtenir celui du cycle : la matrice cycle d’ordre n s’obtient de celle du circuit en rajoutant un arcdans le sens inverse. Or A(~Cn)

k compte le nombre de marches de longueur k (tant que k < n toutesles marches sont des chemins). Un chemin de longueur n− 1 dans ~Cn relie chaque sommet à sonprédécesseur, d’où A(Cn) = A(~Cn)+A(~Cn)

n−1. Comme A(~Cn)n−1 partage les vecteurs propres de

A(~Cn) il en va de même pour A(Cn) :

A(Cn)vk=A(~Cn)vk +A(~Cn)n−1vk=(µk +µn−1

k )vk = (e2πik/n + e2πik(n−1)/n)vk

=(e2πik/n + e−2πik/n)vk =2cos(2πk/n)vi

Ainsi Spec(Cn) est l’ensemble des 2cos(2πk/n). Lorsque n est pair ces valeurs propres sont toutesde multiplicité 2, excepté −2 et 2 qui sont de multiplicité 1. Si n est impair, elles sont toutes demultiplicité 2 sauf la valeur propre 2 (de multiplicité 1). ♣

Les graphes circulants Cn,S, où S⊂{1,2, . . . ,n−1}, est une famille de graphes orientés donnéepar les graphes de Cayley de Zn : Cn,S = Cay(Zn,S).

En plus de mots, l’ensemble des sommets est X = {0,1, . . . ,n−1}, et (i, j) ∈ Flè(G)⇔∃s ∈ S,tel que le reste de la division de i+ s par n est j (quand i+ s < n il s’agit simplement que i+ s = jet si i+ s ≥ n il faut que i+ s− n = j). Le circuit de longueur n est peut-être vu comme le grapheCn,S où S = {1}. Le cycle (en tant que graphe orienté où chaque arête est remplacée par deux arcsde directions opposées) est le graphe Cn,S pour S = {1,n−1}.

La plupart du temps, notre intérêt sera restreint aux cas où ces graphes sont non-orientés (ce quin’est pas automatique). Une conséquence facile de considération plus générale sur les graphes deCayley est :

Lemme 2.4.5Si i ∈ S⇒ n− i ∈ S, alors Cn,S est symétrique.

Exemple 2.4.6. Si S = {1}, alors Cn,S = ~Cn est le circuit d’ordre n. ♣

uuu

uuu

""""bbbb

""""b

bbb

TTTTTTT�

������

�������T

TTTTTT

u u uu uu u u

PPPP

LLLL��������aaaa

BBBB��������

@@@@@@@�

������

0

1

2

3

4

5

01

6

7

54

2

3

G1

G2

87

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2.4 - Spectre des graphes

Exemple 2.4.7. Si n = 13 et S = {1,5,8,12}, alors Cn,S s’obtient aussi du circuit par rajoutssuccessifs d’arêtes : au circuit, une flèche qui relie un sommet à son 5ème, 8ème et 12ème successeur estajoutée, c’àd. le sommet à distance 5,8 ou 12. Ainsi A(Cn,S) = A(~Cn)+A(~Cn)

5 +A(~Cn)8 +A(~Cn)

12.Les vecteurs propres de Cn,S sont donc les mêmes que ceux de ~Cn et les valeurs propres sont

e2πik/13 + e2πi5k/13 + e2πi8k/13 + e2πi12k/13 = e2πik/13 + e10πik/13 + e−10πik/13 + e−2πik/13

= 2[cos(2πk/n)+ cos(10πk/n)]♣

À partir de ces exemples, le cas général se devine assez bien.

EXERCICE 149: Déterminer le spectre de Cn,S. Montrer que si S = n−1, alors Cn,S est le graphecomplet Kn. En déduire, le spectre de Kn.

En fait, il n’est pas bien difficile de déterminer le spectre d’un graphe de Cayley pourvu que legroupe soit abélien.

EXERCICE 150: Soit Z un groupe abélien fini et soit φ : Z→ S1 un homomorphisme de groupe (iciS1 est identifié aux éléments de C de norme 1).

1. Montrer que φ est un vecteur propre de n’importe quel graphe de Cayley Cay(Z,S) et donnersa valeur propre.

2. Montrer qu’il est bien possible de trouver |Z| homomorphismes φ linéairement indépendants[Indice : utiliser que Z est un produit direct de Zns et faire le produit scalaire des φ].

3. En déduire, le spectre de tout graphe de Cayley d’un groupe abélien fini.

Il est possible, bien que difficile de déterminer le spectre des graphes de Cayley (finis !) pourles groupes non-abéliens. Ceci demande des connaissances en théorie des représentations qui n’ontpas été requises du lecteur au début de ce cours, et ne seront ainsi pas détaillées ici. En pratique, ladécomposition en représentations irréductible reste une chose assez difficile (saluons aux passagesde récents travaux de Michel Lasalle qui ont enfin permis d’établir les caractères des représentationsirréductibles des groupes de permutations et donc de faire un grand pas en avant pour ce problèmepour tous les groupes fini).

Pour les graphes infinis, le spectre doit être défini avec un peu plus d’attention (en tant qu’opéra-teur borné de `2(Som(G))→ `2(Som(G). Dans le cas des graphes de Cayley non-abéliens (infinis),la question est largement ouverte.

Remarque 2.4.8. Le graphe de Coxeter est essentiellement construit à base de graphes circulants.Tout d’abord l’union disjointe de C7,{1,6}, C7,{2,5}, C7,{3,4} et de C7,∅ est faite. Ensuite, les sommetsdu circulant vide C7,∅ sont reliés aux sommets (correspondant au même élément) dans les troisautres graphes circulants.

88

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

Le lecteur curieux peut combiner quelques résultats généraux sur les sommes/produits/unions/raccords(voir Cvektovic & Rowlinson & Simic §2.5 ou Cvektovic & Doobs & Sachs §2.5-2.6) de graphesavec la description ci-dessus pour obtenir le spectre du graphe de Coxeter. ♠

Un lemme utile, que le lecteur verra comme une conséquence de la formule A.3.10 est

Lemme 2.4.9

Soit PoC(A,µ) le polynôme caractéristique de la matrice A indicée par S. Alors ddµ PoC(A,µ) =

∑x∈S

PoC(A|Sr{x},µ)

En particulier,

Corollaire 2.4.10Si G est un graphe sommet-transitif, alors PoC(G,µ)′ = X(G)PoC(Gr x,µ) pour tout sommetx ∈ Som(G).

DÉMONSTRATION : S’il est sommet-transitif, le retrait de n’importe quel sommet donne le mêmegraphe. Ainsi, le lemme précédent donne la conclusion. �

En particulier, ceci permet de retrouver le spectre de la n-chaîne en la voyant comme un n+ 1-cycle auquel un sommet aurait été retiré. Pour bien faire, il faut alors [re]connaître les polynômesde Chebyshev [du premier genre pour le cycle, du second pour la chaîne]. Voici une méthode plusartificielle, mais plus élémentaire :

Exemple 2.4.11. Soit C2n+2 = Cay(Z2n+2,{±1}) le (2n+ 2)-cycle. Alors les vecteurs propress’écrivent comme des fonctions de {0,1, . . .2n+ 1} dans C définies par fk( j) = eπk j/(n+1). Soitgk( j) = fk( j)− f−k( j). Comme fk et f−k ont la même valeur propre (2cos

(πk/(n+1)

), g est aussi

un vecteur propre de même valeur propre. De plus, gk(0) = gk(n) = 0 pour tout k ∈Z. En particulier,ceci montre que restreindre gk à {1,2, . . .n} donne un vecteur propre de Chn−1 (qui a n sommets).Comme il y bien n tels vecteurs linéairement indépendants, les valeurs et les vecteurs propres sonttrouvés. ♣

2.4.ii Polynôme caractéristique et décomposition en circuits

Les sous-graphes induits s’expriment particulièrement bien en terme de matrice d’adjacence.

Remarque 2.4.12. Pour alléger la notation, Som(G) sera toujours supposé comme étant n pourn ∈ Z>0. ♠

Ainsi, la formule A.3.10 (qui exprime le déterminant en fonction de ses cofacteurs) a plusieursconséquences intéressantes :

Proposition 2.4.13

Soit G un graphe [non-orienté sans lacet], écrivons PoC(A(G),µ) =n∑

i=1ciµn−i où n = X(G).

Alors c1 = 0, c2 = −e(G) et −c3 est deux fois le nombre de triangles ( i.e. 3-cycles). En parti-

89

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2.4 - Spectre des graphes

culier, comme c1 =−∑miµi = 0, il y a toujours des valeurs propres ≤ 0.

DÉMONSTRATION : Lorsque |S| = 1, l’expression A|S est le ième coefficient de la diagonale où S =

{i}. −c1 est, en fait, la trace de la matrice. Comme les graphes sont supposés sans boucles, cescoefficients sont tous 0, et leur somme aussi.

Lorsque |S|= 2, c’àd. S = {i, j}, A|S est la matrice nulle si les sommets i et j ne sont pas reliés,et A|S =

(0 11 0

)s’ils sont adjacents. Chaque arête fait donc une contribution de −1 à c2.

Finalement, lorsque |S|= 3, il y a six mineures possibles :∣∣∣∣∣∣∣0 0 00 0 00 0 0

∣∣∣∣∣∣∣ ,∣∣∣∣∣∣∣

0 1 01 0 00 0 0

∣∣∣∣∣∣∣ ,∣∣∣∣∣∣∣

0 0 00 0 10 1 0

∣∣∣∣∣∣∣ ,∣∣∣∣∣∣∣

0 1 01 0 10 1 0

∣∣∣∣∣∣∣ ,∣∣∣∣∣∣∣

0 1 11 0 01 0 0

∣∣∣∣∣∣∣ et

∣∣∣∣∣∣∣0 1 11 0 11 1 0

∣∣∣∣∣∣∣Seulement le dernier a un déterminant non-nul ; il vaut 2. Comme il correspond à la présence d’untriangle, la conclusion s’effectue grâce à la formule A.3.10. �

Exemple 2.4.14. Soit Kn,m le graphe biparti complet (c’àd. n sommets non-adjacents tous reliés àm sommets non-adjacents). Sa matrice d’adjacence prend la forme Adj(Kn,m) =

(0 Jn,m

Jm,n 0

), où Jm,n

est la matrice m× n dont toutes les entrées sont égales à 1. Son rang est 2, et comme la sommedes valeurs propres donne 0, ses deux valeurs propres non-nulles sont opposées : disons c et −c. Lepolynôme caractéristique s’écrit donc comme PoC(Kn,m,µ)= µN−c2µN−2, où N = n+m. Or−c2 estle nombre d’arêtes, soit mn. Le spectre est donc SpecAdj(Kn,m) = (

√mn(1),0(N−2),−

√mn(1)). ♣

Les arguments de la proposition 2.4.13 s’étendent à des ensembles de plus grand cardinal, et ilspermettent parfois de calculer plus rapidement PoC(G,µ) que de passer directement par le calcul dudéterminant.Théorème 2.4.15 (Harary 1962)

Soit H l’ensemble des sous-graphes couvrants de G tels que chaque composante connexeest un k-cycle (où k ≥ 3) ou une arête. Soit ncc(H) le nombre de composantes connexes deH et ncy(H) le nombre de composantes connexes qui sont des cycles. Alors DetAdj(G) =

∑H∈H

(−1)X(G)−ncc(H)2ncy(H)

Sans trop de mal, ceci donne un corollaire intéressant :Corollaire 2.4.16 (Sachs 1967)

Soit G un graphe non-orienté, écrivons PoC(AdjG,µ) =n∑

i=1ciµn−i où n = X(G). Soit Hi l’en-

semble des sous-graphes à i sommets dont les composantes connexes sont des cycles ou desarêtes. Alors,

ci = ∑H∈Hi

(−1)ncc(H)2ncy(H).

DÉMONSTRATION : Grâce à la formule A.3.10, les coefficients s’expriment en fonction des mi-neures. Effectivement, la sous-matrice principale A|S n’est rien d’autre que la matrice de grapheinduit par S, cf. remarque 2.4.12. Le théorème 2.4.15 permet de calculer les mineures. �

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

La démonstration du théorème 2.4.15 requiert de se pencher un peu plus sur les permutations.Lorsque σ n’est pas l’identité, une écriture très commode pour σ est sa décomposition en orbites(ou cycles).

DÉMONSTRATION DU THÉORÈME 2.4.15 : La formule du déterminant est

DetA = ∑σ∈Sn

sgn(σ)∏i∈n

ai,σ(i).

Comme A est une matrice remplie de 0 et de 1, les seules contributions non-nulles sont les produitsde 1. Il faut donc que les sommets associés à i et σ(i) soient adjacents pour tout i. En écrivant σ

en orbites, cela correspond au fait que les points dans les orbites de σ sont aussi dans des cycles deG. Une permutation qui donne une contribution non-nulle donne lieu à un sous-graphe couvrant Hσ

dont les composantes sont des cycles ou des arêtes.

Reste à en déterminer le signe et le nombre (σ 7→ Hσ n’est pas injective). Pour le signe, ilest possible de procéder en cas : si X(G) est pair, le nombre d’orbites impairs est pair, doncsgn(σ) = (−1)X(G)−ncc(Hσ) ; si X(G) est impair, le nombre d’orbites impairs est impair, et, de nou-veau, sgn(σ) = (−1)X(G)−ncc(Hσ).

Pour le nombre, chaque cycle de G de longueur supérieure à 3 peut s’écrire comme deux orbitesdifférents puisqu’il y a deux sens de parcours possibles. Le nombre de permutations σ qui donnelieu au même Hσ est donc 2ncy(σ). �

Exemple 2.4.17. Il existe des graphes de même spectre qui ne sont pas isomorphes. Effectivement,pour que deux matrices symétriques soient identiques il faut que leurs valeurs propres et les espacespropres associés soient les mêmes. G1 et G2 ci-dessous sont deux graphes non-isomorphes dont lespolynômes caractéristiques sont identiques.

u u

u uu uu

uuu

G2

G1

Ils ont tous les deux le même nombre d’arêtes, et ils sont sans triangles. Pour G1 comme pourG2 le H5 est vide. Le H4 est vide pour G2, cependant dans G1 il y a un cycle d’ordre 4 et deux pairesd’arêtes (les arêtes opposées dans ce cycle). Comme les deux paires d’arêtes contribuent pour +1chacune et le cycle pour −2, le coefficient c4 est tout de même nul dans PoC(G2,µ). Les deuxgraphes ont donc µ5−4µ3 comme polynôme caractéristique. ♣

2.4.iii Encadrement des valeurs propres

Soit G un graphe, µMax(G) sera la valeur propre maximale de Adj(G) et µmin(G) la valeur propreminimale de Adj(G). Il sera dorénavant relativement fréquent d’écrire un vecteur propre de Adj(G)

comme une fonction de Som(G) à valeur dans C. Ainsi, v∈CSom(G) et pour un graphe générique (dedegré maximal fini)

(Adj(G)v

)(x) = ∑

y∈Γ−(x)(AdjG)yxv(y). Lorsque G est simple non-orienté cette

91

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2.4 - Spectre des graphes

dernière expression est ∑y∈Γ(x)

v(y). Aussi, quand le graphe est non-orienté, il est toujours possible de

prendre R au lieu de C.La fonction 1 est la fonction constante dont toutes les valeurs sont 1 ou la matrice J|Som(G)|,1. Le

degré moyen de G est défini par d(G) =1

X(G)∑

x∈Xdalg(x), lorsque G est sans lacet ceci est égal à

2e(G)

X(G). Un calcul simple et évident convaincra le lecteur que δ(G)≤ d(G).

Proposition 2.4.18

Pour tout graphe G générique fini, et µ une valeur propre |µ| ≤ ∆alg(G).Si, de plus, G est non-orienté, d(G) ≤ µMax(G). Par surcroît, toujours pour un graphe non-

orienté, µMax(G) = d(G) si et seulement si le graphe est µMax(G)-régulier.

DÉMONSTRATION : Soit v un vecteur propre de A = Adj(G) de valeur propre µ et soit x tel que|v(x)|= max

y∈Som(G)|v(y)|. Alors

|µv(x)|=∣∣∣∣(Av

)(x)∣∣∣∣= ∣∣∣∣ ∑

y∈Γ(x)v(y)

∣∣∣∣≤ d(x)∣∣v(x)∣∣≤ ∆(G)|v(x)|.

La borne inférieure requiert le théorème d’inertie A.3.9 (d’où l’hypothèse que la matrice d’adja-cence soit symétrique). En l’appliquant au vecteur unité v′ = 1√

n1 dont toutes les coordonnées sontégales à 1/

√n, où n=X(G), et en se rappelant que les sommes des coefficients de la matrice Adj(G)

est~e(G), il apparaîtµMax(G)≥ v′TAv′ = 1

n∑i, j(A)i j = d(G).

Finalement, si effectivement µMax(G) = d(G) alors le vecteur u dont toutes les coordonnéessont 1 est une valeur propre, or la ième composante de Au est exactement le degré du ième sommet.Ainsi, le graphe doit être (algébriquement) régulier. D’autre part, lorsque le graphe est k-régulier,∆(G) = k = d(G), ainsi µMax(G) = k (et un vecteur propre associé est le vecteur constant). �

Au théorème 2.4.30, il apparaîtra que G est aussi régulier si (et seulement si) µMax(G) = ∆(G).Le degré du polynôme minimal est la dimension de l’espace vectoriel engendré par les puis-

sances de A (A0 = Id, A1 = A,A2, . . . en fait, c’est une algèbre puisqu’il y a une notion de produit).Comme corollaire simple mais surprenant :Proposition 2.4.19

Adj(G) a au moins DiamG+1 valeurs propres distinctes.

DÉMONSTRATION : Soient x et y des sommets qui réalisent le diamètre, i.e. DiamG= dist(x,y)=: d.Soit P une chaîne de longueur d entre x et y, c’àd. P= s0s1 . . .sd . Pour chaque i∈ d il y une chaîne delongueur i qui relie s0 et si. Ainsi Ai a un coefficient non-nul dans la colonne du sommet s0 et la lignedu sommet si tandis que pour A0,A1,A2, . . . , et Ai−1 il est nul. Autrement dit, Ai est linéairementindépendant de {A0,A1,A2, . . . ,Ai−1}. Prendre i = d permet de conclure que le degré du polynômeminimal est au moins d+1. Comme le degré du polynôme minimal est le nombre de valeurs propresdistinctes, la conclusion est atteinte. �

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

La proposition précédente s’applique aussi aux graphes orientés, pourvu que le diamètre soit définide manière approprié (i.e. max

x,y∈Som(G)min

P=xs1...s`−1y ` où P est une marche/un chemin).

2.4.iv Bipartition

Une autre conséquence simple et étonnante est que les graphes bipartis se caractérisent complè-tement par la distribution de leurs valeurs propres :

Lemme 2.4.20Si G est biparti et µ une valeur propre de Adj(G) de multiplicité m, alors−µ est aussi une valeurpropre de même multiplicité.

DÉMONSTRATION (à saveur matricielle) : Ajouter des sommets isolés (de degrés 0) à G, correspondà ajouter des lignes et colonnes de 0 dans Adj(G). Cette opération ne change pas le rang de la matriced’adjacence, ça ne fait qu’augmenter la multiplicité de la valeur propre 0. “SPDG” il est possible desupposer que les deux ensembles de la bipartition, disons X1 et X2, sont de même cardinal.

Comme G est biparti sa matrice d’adjacence s’écrit Adj(G) =( 0 B

BT 0

), où B est carré (puisque

|X1| = |X2|). Soit v =(x

y)

un vecteur propre (décomposé en fonction de la bipartition) de valeurpropre µ. Par définition,

µv =

(0 B

BT 0

)(xy

)=

(ByBTx

),

d’où By = µx et BTx = µy. Soit v′ =( x−y), un calcul direct donne

Adj(G)v′ =

(0 B

BT 0

)(x−y

)=

(−ByBTx

)=−µ

(x−y

).

Autrement dit v′ est un vecteur propre de valeur propre −µ. Ainsi à tout ensemble de j vecteurspropres de valeur propre µ correspond un ensemble de j vecteurs propres de valeur propre =−µ. �

DÉMONSTRATION (à saveur fonctionnelle) : Comme G est biparti, si v est un vecteur propre devaleur propre µ, A = Adj(G) est l’opérateur d’adjacence. Soit P1tP2 = Som(G) la bipartition dessommets et soit v′ défini comme suit :

v′(x) =

{−v(x) si x ∈ P1

v(x) si x ∈ P2.

Si x ∈ Pi, (Av′)(x) = ∑

y∈Γ(x)(A)xyv′(y) = ∑

y∈Γ(x)(A)xyv(y)(−1)i+1

=(Av)(x)(−1)i+1 = (−1)2i+1µv′(x) =−µv′(x)

En étirant un peu la démonstration précédente, il est aussi possible de parvenir à des conclusionssur les graphes non-orientés. Mais dans ce cas, une valeur propre de multiplicité m n’a pas toujoursm vecteurs propres (ce qui rend les choses légèrement plus compliquées).

93

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2.4 - Spectre des graphes

Théorème 2.4.21Soit G un graphe, µi les valeurs propres de son graphe. Les assertions suivantes sont équiva-

lentes.

(a) G est biparti.

(b) Les valeurs propres de G se trient en paires µi,µ j de même multiplicité telles que µi =

−µ j.

(c) PoC(G,µ) = P(µ2)µε où P est un polynôme unitaire de degré n−ε

2 et ε = 0 ou 1.

(d)k∑

i=1miµ2t−1

i = 0 pour tout entier t ≥ 1.

DÉMONSTRATION : Par le lemme 2.4.20, (a)⇒ (b).(b)⇔ (c) provient du fait que (µ− µi)(µ− µ j) = µ2− c si et seulement si µi = −µ j. Comme

PoC(Adj(G),µ) est un produit de facteurs linéaires (en µ), les valeurs propres viennent en paires siet seulement si le polynôme se factorise en facteurs linéaires en µ2.

(b)⇒ (d) Si les valeurs viennent en paires opposées, leurs puissances impaires viennent aussien paires opposées. La somme est donc nulle.

(d)⇒ (a) Soit A = Adj(G). Pour le voir, il faut remarquer les valeurs propres de A2t−1 sontµ2t−1

i . De plus, la formule A.3.10 dit que le coefficient −c1 est la trace de la matrice. C’est aussiaussi la somme de ses valeurs propres (comme le montre le développement du produit des µ−µi).

Conséquemment, trA2t−1 =−k∑

i=1miµ2t−1

i . Or les coefficients dans Ai donnent le nombre de marches

de longueur i entre les sommets (cf. exercice 30). Comme les coefficient de Ai sont tous positifs, latrA2t−1 = 0 implique que tous les éléments de la diagonale sont nuls dans A2t−1. Il n’y a donc aucuncycle impair. Ceci implique que G est biparti (cf. théorème 1.5.5). �

2.4.v Coloriage

Passons à quelques résultats plus amusants, c’àd. un lien avec le coloriage. Le théorème desentrelacements donne que

Corollaire 2.4.22Soit G un graphe, soit H un sous-graphe induit de G,

µmin(G)≤ µmin(H)≤ µMax(H)≤ µMax(G).

DÉMONSTRATION : La matrice d’un sous-graphe induit une mineure principale. Le théorème A.3.12(ou le théorème des entrelacements A.3.11) donne immédiatement la conclusion. �

Ceci permet de trouver facilement une borne supérieure au nombre chromatique en fonction deµMax(G).

EXERCICE 151: soit G un graphe (pas nécessairement régulier). Montrer que χ(G)≤ 1+µMax(G).[Indice : Utiliser le théorème des entrelacements A.3.11, la proposition 2.4.18 et le le théorème 1.9.4.]

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

En fait, il est même possible d’obtenir un encadrement. Tout d’abord, il est plus simple de passerpar un lemme d’algèbre linéaire.

Lemme 2.4.23

Soit M une matrice n× n symétrique, et écrivons M =(

P QQT R

)où P et R sont des matrices

symétriques carrées (et Q est une matrice). Alors µmin(M)+µMax(M)≤ µMax(P)+µMax(R).

DÉMONSTRATION : Soit µ = µminM, S =(

P−µId 0QT 0

)et T =

(0 Q0 R−µId

), alors S+T = M− µId. De

plus, les valeurs propres de S et T sont réelles et ≥ 0 : elles correspondent aux valeurs de P− µIdet R− µId respectivement, plus un certain nombre de valeurs propres nulles. En fait, les vecteurspropres s’écrivent même en fonction de ceux de P. En regardant les formes quadratiques vTSv etvTT v, µMax(S+T )≤ µMax(S)+µMax(T ). Ainsi

µMax(M)−µ = µMax(S+T ) ≤ µMax(S)+µMax(T )= µMax(P−µId)+µMax(R−µId) = µMax(P)+µMax(R)−2µ.

Ce qui conclut la démonstration. �

Voici un corollaire relativement simple en utilisant l’induction.

Corollaire 2.4.24

Soit M une matrice n×n et Mi des matrices ni×ni (où i ∈ ` et ∑i ni = n) telles que les Mi sontdes blocs diagonaux dans M. Alors

(`−1)µmin(M)+µMax(M)≤∑i∈l

µMax(Mi).

Et enfin, la borne promise sur le nombre chromatique :

Théorème 2.4.25 (Hofmann 1970)Soit G un graphe qui possède au moins une arête. Alors χ(G)≥ 1−µMax(G)/µmin(G). [Rappel :si le graphe a au moins une arête, µmin(G)< 0.]

DÉMONSTRATION : Soit f : Som(G)→ ` une coloration de G. Il faut considérer une numérotationdes sommets de sorte que les n1 premiers correspondent à la première couleur, puis les n2 suivantsà la deuxième couleur, etc... Alors, par le corollaire précédent

(`−1)µmin(G)+µMax(G)≤ 0

car la matrice d’adjacence aura des blocs diagonaux remplis de 0. En prenant ` comme le plus petitnombre de couleurs et en manipulant cette inégalité (sans oublier que µmin(G)< 0), la borne désiréeest obtenue. �

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2.4 - Spectre des graphes

2.4.vi Stabilité

Même la stabilité peut se minorer à l’aide des valeurs propres. Soit une partition de Som(G) =

X1 tX2 (qui n’est pas nécessairement une bipartition), la matrice d’adjacence A = Adj(G) de Gs’écrit en fonction de cette partition comme

(A1,1 A1,2

AT1,2 A2,2

), où Ai, j est de taille |Xi| ×

∣∣X j∣∣. Soit pour

toute matrice C = (ci j) la somme de ses coefficients s(C) = ∑i, j

ci j = (1, . . . ,1)C(1, . . . ,1)T. Soit enfin

D =(

d1,1 d1,2d2,1 d2,2

)défini par di, j = s(Ai, j)/

∣∣X j∣∣. En particulier, di,i est le degré moyen du graphe induit

par Xi. Notez que D n’est pas symétrique si |X1| 6= |X2|.Lemme 2.4.26

∀v ∈ R2,µmin(G)‖v‖2 ≤ vTDv ≤ µMax(G)‖v‖2. De plus, si D possède des valeurs propresréelles, disons ν1(D)≥ ν2(D), alors

µmin(G)≤ ν2(D)≤ ν1(D)≤ µMax(G)

En particulier, si ces valeurs propres sont de signes opposées, alors |ν2(D)|ν1(D)≤ |µmin(G)|µMax(G).

DÉMONSTRATION : Pour la première inégalité, il s’agit d’algèbre linéaire qui utilise le théorèmeA.3.9 : si v = (x,y)T poser u le vecteur dont les |X1| premières coordonnées sont x/

√|X1|, et les

autres y/√|X2|, et constater que vTDv = uTAu et uTu = vTv. La seconde en découle (pourvu que D

possède des valeurs propres réelles, comme D n’est pas symétrique ce n’est pas toujours le cas) enutilisant les vecteurs propres de D dans la première. La dernière est une simple conséquence de laseconde. �

Théorème 2.4.27

Soit G un graphe, soit A un ensemble maximal indépendant (|A|=α(G)), soit dA =1|A| ∑x∈A d(x)

le degré moyen sur A. Alors

α(G)≤ X(G) |µmin(G)|µMax(G)

d2A + |µmin(G)|µMax(G)

.

En particulier, si G est k-régulier, α(G)≤ X(G) |µmin(G)|k+ |µmin(G)| .

DÉMONSTRATION : Soit n = X(G). Pour la partition formée par un ensemble stable (c’àd. non-adjacent) maximal et son complémentaire, la matrice obtenue est D =

(0 dAα/(n−α)

dA d2,2

). Le polynôme

caractéristique de D est µ2−d2,2µ− d2Aα(G)

n−α(G) a deux racines réelles. De plus, ν1(D)ν2(D) = DetD =

−d2Aα(G)

n−α(G) < 0. Les valeurs propres sont ainsi de signes opposés, et d’après la proposition précédente

il apparaît : d2Aα(G)

n−α(G) ≤ |µmin(G)|µMax(G). Reste à isoler α(G) pour conclure. �

2.4.vii Automorphismes

Finalement un lien avec les automorphismes. Soit P une matrice représentant un isomorphisme(vu comme une permutation des sommets) du graphe générique fini G. Alors PAdj(G) = Adj(G)P,

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

et ainsi, pour tout vecteur propre v de valeur propre µ,

Adj(G)Pv = PAdj(G)v = µPv.

Autrement dit, les espaces propres de Adj(G) sont invariants sous P. Si l’espace engendré par vn’est pas invariant sous P, il s’ensuit que la valeur est de multiplicité supérieure à 1. Ainsi, commeP est de norme 1, v est dans l’espace engendré (sur R) de Pv si et seulement si Pv =±v.

Lemme 2.4.28Soit µ une valeur propre simple de Adj(G) et v le vecteur propre associé. Soit Pσ la matricereprésentant l’automorphisme σ de G. Alors Pσv =±v.

Ceci a une conséquence amusante :

Théorème 2.4.29Soit G un graphe [orienté] qui possède un automorphisme d’ordre supérieur à 2 ( i.e. σ∈Aut(G)

tel que σ2 6= eAut(G)). Alors G a une valeur propre multiple.

DÉMONSTRATION : Supposons que toutes les valeurs propres sont simples alors les vecteurs propresforment une base de RX(G). Or par le lemme précédent, si v est un vecteur propre, P2

σv = v. Ainsi,P2

σ = Id ce qui contredit le fait que σ n’est pas d’ordre 2. �

EXERCICE 152: Soit G un graphe sommet-transitif et soit k le degré d’un sommet (et donc de tousles sommets). Soit v : Som(G)→C un vecteur propre (vu comme une fonction des sommets à valeurdans C), et supposons que sa valeur propre µ est de multiplicité simple.

a- Montrer que x 7→ v(x) est déterminée par un signe. En particulier, qu’il est possible desupposer que v(x) =±1.

b- Montrer que si X(G) est impair alors µ = k. [Indice : si µ 6= k, utiliser que v est orthogonal à la

fonction constante (et la parité) pour trouver une contradiction.]

c- Montrer que si X(G) est pair alors il existe un entier r, 0≤ r ≤ k tel que µ = 2r−k. [Indice :

prendre r = |{y ∈ Γ(x) | v(y) = v(x)}| et regarder la valeur de λv = Adj(G)v en x.]

2.4.viii Régularité

Les valeurs propres témoignent aussi de la régularité :

Théorème 2.4.30Soit G un graphe.

a- Adj(G) admet ∆(G) comme valeur propre si et seulement si une composante connexede G est ∆(G)-régulière, i.e. si cette composante est régulière et tous ses sommets ontdegré maximal.

b- Pour chaque composante connexe k-régulière, il y a un unique vecteur propre de valeurpropre k associé (à cette composante !). Ce vecteur est le vecteur qui vaut 1 sur chaquesommet de la composante connexe et 0 ailleurs.

97

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2.4 - Spectre des graphes

En particulier, la multiplicité de la valeur propre ∆(G) est égal au nombre de composantesconnexes ∆(G)-régulières.

DÉMONSTRATION : Si G est k-régulier et 1 = (1,1, . . . ,1)T le vecteur dont tous les coefficientsvalent 1, alors Adj(G)1 est le vecteur donné par la somme des lignes de A, soit A1 = k1. Ainsi, siG pour chaque composante connexe k-régulière de G, le vecteur qui vaut 1 pour chaque sommet decette composante et 0 ailleurs est un vecteur propre de valeur propre k.

Soit maintenant v un vecteur propre de A := Adj(G), et soit v(x) sa valeur la plus grande envaleur absolue parmi celles appartenant à une composante connexe H de G. Alors, comme pour ladémonstration de la proposition 2.4.18

|µ| |v(x)|=∣∣(Av

)(x)∣∣= ∣∣∣ ∑

y∈Γ(x)v(y)

∣∣∣≤ d(x)|v(x)| ≤ ∆(G)|v(x)|.

L’égalité n’est vérifiée que si d(x) = ∆(G) et v(y) = v(x) pour tout y ∈ Γ(x) (sans les valeurs abso-lues : deux sommets voisins dont les angles [en tant qu’éléments de C] sont différents se compensenten appliquant A au lieu de s’additionner). Cependant si, pour y ∈ Γ(x) les v(y) sont de même va-leur, alors l’argument peut être itéré sur ces sommets. De cette manière, il apparaît que tous lessommets de la composante connexe de x (c’àd. H) sont de degrés ∆(G). Ainsi, un vecteur propre avaleur propre ∆(G) seulement si chaque composante où il est non-nul est ∆(G)-régulière. Commecette constante peut-être choisie indépendamment sur chaque composante, la conclusion est obte-nue. �

La proposition suivante sera laissée en exercice.

Proposition 2.4.31−∆(G) est une valeur propre de Adj(G) si et seulement si G est ∆(G)-régulier et biparti.

EXERCICE 153: Afin de montrer cette proposition, montrer (comme au théorème 2.4.30) que siun vecteur a une telle valeur propre alors |vi| est constant, et qu’il doit changer de signe si deuxsommets sont voisins. En déduire une bipartition et la régularité.

Lorsque G est connexe et k-régulier, k est une valeur propre. G est lui aussi régulier, puisque chaquesommet est de degré |X |−k−1. En fait, toutes les valeurs propres de G s’expriment à partir de cellede G.

Lemme 2.4.32

PoC(Adj(G),µ) = (−1)nDet[(−µ−1)Id−Adj(G)+ J] où n = X(G).

DÉMONSTRATION : Il suffit de remarquer que Adj(G)= J−Id−Adj(G). Puis Det(µId−Adj(G))=

Det((µ+1)Id+Adj(G)− J) = (−1)nDet((−µ−1)Id−Adj(G)+ J). �

Théorème 2.4.33

Si G est k-régulier, alors les vecteurs propres de Adj(G) et Adj(G) peuvent être choisis pourêtre les mêmes. De plus, le vecteur dont tous les coefficients sont 1 a valeurs propres k dans

98

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

G et X(G)− k− 1 dans G. Si v est un autre vecteur propre de Adj(G) (orthogonal au vecteurconstant) et µ est sa valeur propre, alors v a pour valeur propre −1−µ pour Adj(G).

DÉMONSTRATION : Le vecteur 1T = (1,1, . . . ,1)T est un vecteur propre des graphes réguliers et quesa valeur propre est la régularité (cf. théorème 2.4.30). Si v est un autre vecteur propre de Adj(G)

et µ sa valeur propre, par orthogonalité (1,1, . . . ,1) · v = ∑vi = 0. En particulier, Jv = 0. AinsiAdj(G)v = (J− Id−Adj(G))v = −v− µv = (−1− µ)v, autrement dit v est un vecteur propre devaleur propre −1−µ. �

Ceci donne une autre borne inférieure pour la valeur de µmin(G) lorsque G est k-régulier :

EXERCICE 154: Si G est k-régulier montrer que µmin(G) ≥ min(k−X(G),−k) et µ2(G) ≥ −1.[Indice : regarder le spectre de G.]

Exemple 2.4.34. Le spectre de Kn peut être de nouveau calculé maintenant : Adj(Kn) est la matricenulle donc toutes ses valeurs propres sont toutes nulles, puisque Kn = Kn le théorème 2.4.33 donnedirectement le résultat. L’exercice est même ici suffisant : la plus grande valeur propre de Kn estn− 1, et les autres sont bornées supérieurement par −1, comme la somme des valeurs propres estnulle, les n−1 autres valeurs propres doivent être égales à cette borne supérieure. ♣

2.4.ix Graphe des arêtes

Pour étudier le graphe des arêtes, il faut introduire la matrice d’incidence non-signée de G,notée B(G). B(G) est une matrice X(G)× e(G) définie par

(B)x,e =

{1 si x est une extrémité de e0 sinon

Pour rappel, le graphes des arêtes L(G) d’un graphe [simple sans lacet] G est défini par Som(L(G))=

Arê(G) =: E et

Arê(L(G)) ={{a,b} ∈ E×E|a et b ont exactement une extrémité commune}.

Lemme 2.4.35

B(G)TB(G) = Adj(L(G))+2Idm. Si G est k-régulier, B(G)B(G)T = Adj(G)+ kIdn.

DÉMONSTRATION : Soit e(G) = m et identifions temporairement i et j à deux arêtes (i, j ∈ m), un

calcul direct donne que (B(G)TB(G))i j =n∑

l=1(B(G))li(B(G))l j, autrement dit le nombre de sommets

communs aux arêtes i et j.Soit X(G)= n et si i et j représentent deux sommets d’un graphe k-régulier (i, j∈ n), (B(G)B(G)T)i j =

m∑

l=1(B(G))il(B(G)) jl est le nombre d’arêtes entre i et j si i 6= j et le degré de i = j sinon. �

Proposition 2.4.36µmin(L(G))≥−2. Si G, et e(G)> X(G) alors µmin(L(G)) =−2.

99

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2.4 - Spectre des graphes

DÉMONSTRATION : La matrice B(G)TB(G) est définie semi-positive puisque vTB(G)TB(G)v =

‖B(G)v‖2≥ 0 ; ses valeurs propres sont toutes positives ou nulles. Comme A(L(G))=B(G)TB(G)−2Idm ses valeurs propres ne peuvent êtres inférieures à−2. Si m= e(G)>X(G) = n, alors la matriceB(G) possède nécessairement un noyau, c’àd. un vecteur v tel que B(G)v = 0. Ce même vecteur estun vecteur propre de valeur propre −2 pour A(L(G)). �

Cette condition n’est malheureusement pas suffisante pour classifier les graphes des arêtes, cepen-dant les graphes possédant la propriété que µmin(G) ≥ −2 sont maintenant tous connus (d’aucunsles appellent graphes des arêtes généralisés).

Lorsque G est k-régulier, L(G) est (2k−2)-régulier (à chaque extrémité d’une arête il y a k−1autres arêtes) ; ceci donne un lien entre les valeurs propres maximales. Cependant les formules dulemme 2.4.35 permettent de montrer que la régularité contraint beaucoup plus les valeurs propres.Effectivement :Théorème 2.4.37 (Sachs 1967)

Si G est k-régulier d’ordre X(G) = n, et possède (conséquemment) e(G) = m = 12 nk arêtes,

alorsPoC(L(G),µ) = (µ+2)m−nPoC(G,µ+2− k)

DÉMONSTRATION : Les notations suivantes sont adoptées : A := A(G), L = A(L(G)) et B = B(G).Ensuite deux matrices (n+m)× (n+m) auxiliaires sont introduites :

U =

(µIdn −B

0 Idm

)et V =

(Idn BBT µIdm

)Alors

UV =

(µIdn−BBT 0

BT µIdm

)et VU =

(µIdn 0µBT µIdm−BTB

)Puisque Det(UV ) = Det(VU), ceci donne µmDet(µIdn−BBT) = µnDet(µIdm−BTB). D’où

PoC(L(G),µ) = Det(µIdm−L) = Det((µ+2)Idm−BTB)= (µ+2)m−nDet((µ+2)Idn−BBT) = (µ+2)m−nDet((µ+2− k)Idn−A)= (µ+2)m−nPoC(G,µ+2− k)

Corollaire 2.4.38

Soit k∈Z>1. Soit G un graphe connexe k-régulier d’ordre X(G) = n et de taille e(G) =m= 12 nk.

Soit Spec(G) = (k(1),µ(m2)2 , . . . ,µ(mn)

n ) alors SpecL(G) = ((2k− 2)(1),(k− 2+ µ2)(m2), . . . ,(k−

2+µn)(mn),−2(n[

k2−1])), où mi est la multiplicité de µi.

Le cas du graphe connexe 1-régulier (c’est une arête) est exclu puisque son graphe des arêtes est legraphe d’ordre 1 sans arêtes ; la matrice d’adjacence est (0) et le spectre est identiquement nul. Re-marquons d’autre part que le corollaire indique qu’un graphe connexe 2-régulier a le même spectreque son graphe des arêtes. Ceci est cohérent puisqu’un graphe connexe 2-régulier est un cycle, etqu’il est ainsi isomorphe à son graphe des arêtes.

100

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

2.4.x Exercices

EXERCICE 155: Un k-mariage est un ensemble de k arêtes qui n’ont pas d’extrémités communes.Un mariage parfait est un 1

2X(G)-mariage (il faut donc que X(G) soit pair. Soit G un arbre d’ordreX(G) = 2p.

a- Montrer que si µ2p+a1µ2p−2+ . . .+ap−1µ2+ap est le polynôme caractéristique de G, alors(−1)kak est le nombre de k-mariages de G.

b- En déduire que detAdj(G) est le nombre de mariages parfaits de G.

EXERCICE 156: Soit PoC(G,µ) = ∑i=1

ciµn−i. Montrer que si k est le premier entier tel que c2k+1 6= 0

alors la longueur du plus petit cycle de longueur impair de G est 2k+1 et le nombre de tels cyclesest −1

2 c2k+1.

EXERCICE 157: Soit G un graphe k-régulier d’ordre X(G) = n, et soit PoC(G,µ) =n∑

i=1ciµn−i. Soit

ncyi(G) le nombre de cycles de G de longueur i.

a- Montrer que ncy4(G) = 14(c

22 +2kc2− c2−2c4)

b- Montrer que ncy5(G) = 12(c2c3 +3kc3−3c3− c5).

EXERCICE 158: Soit G un graphe k-régulier d’ordre X(G) = n, et soit PoC(G,µ) =n∑

i=1ciµn−i. Le

galbe de G est la longueur du plus court cycle de G.

a- Déterminer le nombre de `-mariages de G lorsque ` < k. [Indice : voir l’exercice 155.]

b- Trouver comment déterminer le galbe de G à partir de son polynôme caractéristique.

EXERCICE 159: Soit G un graphe d’ordre X(G) = n, et µ1 ≥ µ2 ≥ . . .≥ µn sont les valeurs propresde Adj(G).

a- Montrer que le nombre de tournées de longueur k si G est un graphe orienté est égal à

∑ni=1 µk

i .

b- Montrer que pour G = (X ,E) non-orienté ∑µ2i = 2 |E|, et que ∑µ3

i est 6 fois le nombre detriangles (3-cycles).

c- Monter que le nombre de cycles de longueur k est inférieur ou égal à 12k ∑

ni=1 µk

i .

d- Si Dk = ∑x∈X

d(x)k, montrer que le nombre de 4-cycles est 18

(∑µ4

i −2D2 +D1).

EXERCICE 160: Soit G un graphe, et soit m = |E| et n = |X |. Sachant que ∑µi = 0 et ∑µ2i = 2m (cf.

exercice 159) montrer que µMax(G)≤√

2m(n−1)/n. [Indice : Utiliser l’inégalité de Cauchy-Schwartz.]

EXERCICE 161: Montrer que les deux graphes ci-dessous sont co-spectraux (i.e. ils ont le mêmepolynôme caractéristique). u

uu u uu

@@@

������uu uu uu@

@@ �

��G1 G2

EXERCICE 162: Montrer que les deux graphes ci-dessous sont co-spectraux (i.e. ils ont le mêmepolynôme caractéristique).

101

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2.4 - Spectre des graphes

uuu u

uuu TTT�

��TTT �

��

������

TTTTTT

u uuu u

u u���BBBB �

���ZZZ

��� LLLcccbb

###""

EXERCICE 163: Soit G un graphe et n = X(G).

a- Montrer que si Jn,n s’écrit comme une combinaison linéaire de Id, A(G), A(G)2, . . . , A(G)n−1,alors G est connexe et régulier. [Indice : Noter que Jn,nA = AJn,n, interpréter les coefficients comme les

degrés.]

b- Montrer que pour un graphe G d’ordre n connexe et régulier alors Jn,n (la matrice dont tousles coefficients valent 1) s’écrit comme une combinaison linéaire de Id, A(G), A(G)2, . . . ,

A(G)n−1. [Indice : Écrire le polynôme minimal comme (µ−k)q(µ), montrer que q(A) = cJn,n pour un c ∈R.]

EXERCICE 164: Le but de cet exercice est de calculer le spectre de Kn de deux façons.

a- Écrire la matrice d’adjacence Adj(Kn) en fonction de la matrice identité Id et de la matriceJn,n dont tous les coefficients sont des 1. Calculer le spectre de Jn,n et en déduire celui deAdj(Kn).

b- Observer que Kn est le graphe sans arête, ou 0-régulier. Calculer le spectre de A(Kn), endéduire celui de Kn.

EXERCICE 165: À l’exercice 149, le spectre des graphes circulants est déterminé. Comparer (pourquelques cas de votre choix) la stabilité de ces graphes avec la borne obtenue par le théorème2.4.27.

EXERCICE 166: Montrer que, comptées avec multiplicité, G a au moins α(G) valeurs propres ≥ 0et α(G) valeurs propres≤ 0. [Indice : regarder le graphe induit sur un ensemble indépendant et utiliser le théorème

des entrelacements A.3.11.]

EXERCICE 167: Le graphe triangulaire (ou le graphe de Johnson J(n,2,1)) est le graphe des arêtesdu graphe complet Kn. Par exemple L(K3)=K3, et L(K4) est l’octaèdre. Déduire son spectre de celuide Kn.

EXERCICE 168: Une des descriptions possibles du graphe de Petersen est de dire que c’est lecomplément du graphe des arêtes de K5. Trouver son spectre.

EXERCICE 169: L’objectif de cet exercice est de montrer que le graphe de Petersen n’a pas decycle hamiltonien. [En particulier, si les calculs vous paraissent trop longs, n’hésitez pas à prendreG = J(5,2,0) et n = X(G) = 10,]

a- Montrer que si un graphe G possède un n-cycle alors il existe un n-cycle induit dans L(G).

b- Sous l’hypothèse supplémentaire que G est régulier, utiliser le théorème des entrelacementspour trouver des bornes sur les valeurs propres de G à partir de celles du n-cycle, de X(G)

et e(G)).

c- Regarder le spectre du graphe de Petersen (cf. exercice précédent) et en déduire qu’il nepeut pas y avoir de cycles hamiltoniens.

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

EXERCICE 170: Le graphe de la soirée cocktail SC(n) est le graphe obtenu de K2n en lui retirantun ensemble M d’arêtes qui est un mariage parfait (i.e. c’est un sous-ensemble de cardinal n tel quepour ei,e j ∈M, i 6= j⇒ ei et e j n’ont pas d’extrémités communes). Quel est son spectre ? [Indice :

Regarder le complémentaire.]

2.5 Le spectre du laplacien

Le laplacien combinatoire était déjà apparu il y a fort longtemps pour calculer le nombred’arbres couvrants (cf. Théorème Arbre-Matrice 1.4.4). Pour la note, l’adjectif combinatoire est làpour le distinguer du laplacien normalisé Lap(G) = Deg(G)−1/2Lap(G)Deg(G)−1/2. Comme cettesection le montrera, il possède aussi des liens (ne serait que par son spectre) avec les propriétés dugraphe. Les valeurs propres de Lap(G) = Deg(G)−Adj(G) seront notées λ1 ≤ λ2 ≤ ... ≤ λX(G).Même si celles de la matrice d’adjacence sont numérotées en ordre décroissant, une petite remarquefait qu’il est plus commode de noter celles du laplacien en ordre croissant. En effet, lorsque G estk-régulier, Deg(G) = kId est ainsi λi = k− µi. Il n’y a donc aucune différence fondamentale entreces deux spectres d’un graphe régulier.

Par contre, le spectre du laplacien possède quelques propriétés intéressantes. Par exemple, lelemme 1.4.14 montre que le nombre de composantes connexes est complètement déterminé par lespectre du laplacien (ce qui n’est vrai pour la matrice d’adjacence que si le graphe est régulier). Enparticulier, λ1 est toujours 0, et si le graphe est connexe, la valeur propre 0 a toujours pour espacepropre les vecteurs constants. Il sera commun d’écrire λMax pour λn. Comme la plus petite valeurpropre est 0 c’est souvent λ2 qui sera importante de l’autre côté du spectre.

Voici une autre remarque :

Lemme 2.5.1

Si G est un graphe d’ordre X(G) = n et de valeurs propres 0 = λ1 ≤ λ2 ≤ . . . ≤ λn. Alors G apour valeurs propres 0≤ n−λn ≤ n−λn−1 ≤ . . .≤ n−λ2.

DÉMONSTRATION : Le vecteur constant est toujours dans le noyau. Si v est un autre vecteur proprealors v ·1 = 0 comme les vecteurs propres peuvent être choisis orthogonaux. Or

Lap(G) = Deg(G)−Adj(G) = (n−1)Id−Deg(G)−(J− Id−Adj(G)

)= nId− J−Lap(G)

Ainsi Lap((G))v = (n−λ)v car Jv = 0. �

EXERCICE 171: Montrer que λMax(G)≤ 2∆(G).

La bipartition ne peut malheureusement pas être lue grâce au spectre du laplacien (sauf si le grapheest régulier évidemment). Il existe des graphes avec le même spectre pour le laplacien mais l’un estbiparti et l’autre pas.

Exemple 2.5.2. Le spectre du laplacien de Chn est 2− ζ− ζ−1 où ζ2n+2 = 1. En effet, si C2n+2

est coupé en deux par un trait qui croise deux arêtes, alors n+1 de ses vecteurs propres auront lesmêmes valeurs sous la réflexion par ce trait. Ce seront les vecteurs propres pour Chn. ♣

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2.5 - Le spectre du laplacien

Le théorème d’inertie A.3.9 donne une caractérisation intéressante de la seconde plus petitevaleur propre. En effet, si v est orthogonal au vecteur constant, ce théorème assure que λ2(G) est laplus petite valeur de la forme quadratique vTLap(G)v sous la contrainte ‖v‖2 = vTv = 1.

Remarque 2.5.3. Autrement dit, les quotients [dits] de Rayleigh apparaissent :

λ2(G) = infv6=0

{vTLap(G)v

vTv

∣∣∣∣v ·1 = 0}

= infv6=0

{∑{x,y}∈Arê(G)(vx−vy)

2)

∑x∈Som(G) v2x

∣∣∣∣v ·1 = 0}

= 2X(G) infv/∈R1

∑{x,y}∈Arê(G)(vx−vy)2)

∑x,y∈Som(G)(vx−vy)2

[En fait, l’inf est un min comme il est atteint. Mais cette caractérisation reste vraie pour les graphesinfinis, et là le inf est nécessaire.] La seconde équation est une réécriture au long, en écrivant lelaplacien comme RRT où R est la matrice d’incidence. La dernière équation est obtenue suite detransformations algébriques habituelles : si v ·1 = ∑y∈Som(G) v(y) = 0,

∑x,y∈Som(G)

(vx−vy)2 = ∑

x∈Som(G)

(v(x)2

∑y∈Som(G)

1−2v(x) ∑y∈Som(G)

v(y)+ ∑y∈Som(G)

v(y)2)

= X(G) ∑x∈Som(G)

v(x)2− ∑y∈Som(G)

v(y)2∑

x∈Som(G)1

= 2X(G) ∑x∈Som(G)

v2x .

Par contre cette somme a priori plus compliquée donne la même valeur si v est remplacé par v+r1.Ainsi, elle a l’avantage qu’il est même possible de faire le inf sur tous les v tels que v 6= r1 oùr ∈ R. ♠

EXERCICE 172: Montrer que si H et H ′ sont deux sous graphes couvrants de G, tels que Arê(H)tArê(H ′) est une partition de Arê(G), alors λ2(H) ≤ λ2(H) + λ2(H ′) ≤ λ2(G). [Indice : utiliser la

remarque 2.5.3.]

Ceci a pour conséquence amusante que la connectivité est reliée à cette valeur propre (pour lesgraphes qui ne sont pas complets)Proposition 2.5.4

Soit G un graphe connexe et D un ensemble tel que GrD n’est plus connexe. Alors λ2(G) ≤|D|.

DÉMONSTRATION : En effet soit G′ le graphe obtenu de G en rajoutant toutes les arêtes possiblesentre Som(G)rD et D. Clairement, D reste un séparateur pour G′ et λ2(G′) ≥ λ2(G) (cf. exercice172). Soit Xi ⊂ Som(G′)rD (où i ∈ `) la partition en composantes connexes de G′rD. Soit {ai}i∈`des réels tels que ∑i∈` ai|Xi|= 0. Soit enfin v : Som(G′)→ R défini comme suit :

v(x) =

{0 si x ∈ D;ai si x ∈ Xi.

Alors(Lap(G′)v

)(y)=∑i∈` ai|Xi|= 0 si y∈D, et si y∈Xi,

(Lap(G′)v

)(y)=

(Lap(Xi)v+|D|Idv

)(y)=

|D|v(y). Ainsi |D| est une valeur propre (positive) de G′, d’où |D| ≥ λ2(G′). �

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

La proposition précédente vaut parfois à λ2 le nom de “connectivité algébrique”. Les pédants re-marqueront certainement que l’hypothèse de connexité de G est superflue.

EXERCICE 173: Montrer (en vous servant, pour la plupart, des résultats sur le spectre de la matriced’adjacence) que

a- λ2(Chn−1) = 2(1− cos π

n ) = 4sin2 π

2n ;

b- λ2(Cn) = 2(1− cos 2π

n ) = 4sin2 π

n ;

c- λ2(Qn) = 2 ;

d- λ2(Kn) = n (si n ∈ Z>1) ;

e- λ2(Km,n) = min(m,n).

EXERCICE 174: Donner une condition (relativement) simple qui assure que l’inégalité du théorème2.5.4 est stricte. Trouver un cas où il y a égalité. [Indice : pour l’exemple, regarder dans la liste de l’exercice

173.]

Un résultat de Fiedler (1972) [à vérifier] donne aussi que λ2(G)≥ 2κe(G)(1−cos π

n )> κe(G)π2

n2 ).En prenant pour v la fonction caractéristique d’un ensemble S, il apparaît immédiatement queλ2(G)≤ |∂S|

|S| . Ceci (et bien des travaux) motive la définition suivante :

Définition 2.5.5. Soit G un graphe dénombrable. La constante isopérimétrique (ou constante deCheeger, ou constante d’expansion, ou constante de conductance) d’un graphe G est

h(G) = infS⊂Som(G)

{|∂S||S|

∣∣∣∣0 < |S| ≤ X(G)

2

}F

Lorsque le graphe est fini, l’inf est un min. Le nom de Cheeger vient de l’étude du laplacien surles variétés où une constante similaire donne une borne inférieure sur la plus petite valeur proprenon-nulle du laplacien (différentiel). La borne supérieure a été trouvée par Buser. En théorie desgraphes, ces bornes sont du respectivement à Alon & Milman et Dodziuk.

Théorème 2.5.6

Soit G un graphe d’ordre X(G)≥ 2, soit ∅ 6= S⊂ Som(G) et soit S = Som(G)rS. Alors

λ2(G)|S| |S|X(G)

≤ |∂S| ≤ λMax(G)|S| |S|X(G)

.

DÉMONSTRATION : En utilisant la troisième égalité dans la remarque 2.5.3 (il n’est pas néces-saire que v soit orthogonale pour cette version) à v la fonction caractéristique de S, il apparaît que

∑{x,y}∈Arê(G)

(v(x)−v(y)

)2= |∂S| et que ∑

x,y∈Som(G)

(v(x)−v(y)

)2= 2|S| |S|.

Pour obtenir la conclusion sur λMax il suffit de réaliser le même quotient que pour λ2 :

λMax(G) = supv6=0

∑{x,y}∈Arê(G)(vx−vy)2)

∑x,y∈Som(G) v2x

= 2X(G)supv 6=0

{∑{x,y}∈Arê(G)(vx−vy)

2)

∑x,y∈Som(G)(vx−vy)2

∣∣∣∣v /∈ R1

}.

105

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2.5 - Le spectre du laplacien

La condition v ·1 = 0 n’est pas nécessaire dans la première égalité, mais peut s’ajouter pour obtenirla seconde. �

EXERCICE 175: Démontrer la borne en prenant v(x) = X(G)−|S| si x ∈ S et −|S| si x /∈ S (c’estun vecteur orthogonal à 1).Corollaire 2.5.7

Soit G un graphe d’ordre X(G)≥ 2, alors 2h(G)≥ λ2(G).

DÉMONSTRATION : Soit S tel que |S| ≤ X(G)2 et S réalise la constante h pour G, alors par le théorème

2.5.6, donne que h(G)≥ λ2(G)|S|/X(G). Or |S| ≥ X(G)/2, d’où la conclusion. �

Voici une version “forte” de la borne supérieure pour la constante isopérimétrique. Attention dansl’énoncé et la démonstration ∆ est un raccourci pour ∆(G) le degré maximal de G et non lelaplacien sur G.Théorème 2.5.8

Soit G un graphe autre que K1,K2 ou K3. Alors

h(G)≤√

λ2(G)(2∆(G)−λ2(G)

)d’où λ2(G)≥ ∆(G)−

√∆(G)2−h(G)2.

DÉMONSTRATION : Si G=Kn avec n≥ 4, cette inégalité se vérifie “à la main” (on connaît le spectrede Kn et la constante h est aussi facile à estimer). De plus, par la proposition 2.5.4, λ2(G)≤ κ(G)≤δ(G). Si jamais, λ2 = δ, alors √

λ2(2∆−λ2

)≥√

δ∆≥ δ≥ h.

La dernière inégalité est obtenu en prenant S = {x} dans le rapport |∂S||S| où x est le sommet de degré

minimal. Ainsi, la démonstration peut se poursuivre avec l’hypothèse supplémentaire que λ2 < δ (etG n’est pas complet).

Soit v un vecteur propre de valeur propre λ2. Soit S = {x∈ Som(G) | v(x)> 0}. Quitte à prendre−v au lieu de v, il est possible de supposer que |S| ≤ 1

2X(G). Soit w le vecteur qui est la partiepositive de v :

w(x) =

{v(x) si v(x)≥ 00 si v(x)≤ 0

En notant Arê(S) les arêtes intérieures à S et la convention que {x,y} ∈ ∂S si x ∈ S et y ∈ Sc, ils’ensuit que

λ2 ∑x∈S

v(x)2=∑x∈S

(d(x)v(x)− ∑

y∈Γ(x)v(y)

)v(x) = ∑

x∈S∑

y∈Γ(x)(v(x)−v(y))v(x)

= ∑{x,y}∈Arê(S)

[(v(x)−v(y))v(x)− (v(y)−v(x))v(y)

]+ ∑{x,y}∈∂S

(v(x)−v(y))v(x)

= ∑{x,y}∈Arê(G)

[v(x)−v(y)]2 + ∑{x,y}∈∂S

v(x)2− ∑{x,y}∈∂S

v(y)v(x)

= ∑{x,y}∈Arê(G)

[w(x)−w(y)]2− ∑{x,y}∈∂S

v(y)v(x) (?)

106

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

La première égalité utilise λ2v(x) = d(x)v(x)−∑y∈Γ(x) v(y). La seconde égalité utilise ∑y∈Γ(x) 1 =

d(x). La troisième égalité utilise ∑x∈S ∑y∈Γ(x) a(x,y) = ∑{x,y}∈Arê(S) a(x,y)+∑{x,y}∈Arê(S) a(y,x)+

∑{x,y}∈∂S a(x,y). La quatrième inégalité est un regroupement des termes de la première somme etune distribution des termes de la seconde. La cinquième égalité utilise que w est la partie positivede v. De manière similaire, il apparaît que

(2∆−λ2)∑x∈S

v(x)2 ≥∑x∈S

(d(x)v(x)+ ∑

y∈Γ(x)v(y)

)v(x)

= . . .

= ∑{x,y}∈Arê(G)

[w(x)+w(y)]2 + ∑{x,y}∈∂S

v(y)v(x) (??)

L’inégalité de départ utilise que v(x) est positive sur S et ainsi

(2∆−λ2)v(x) = 2∆v(x)−d(x)v(x)+∑y∈Γ(x) v(y) = (2∆−d(x))v(x)+∑y∈Γ(x) v(y)≥ ∆v(x)+∑y∈Γ(x) v(y).

Les égalités restantes sont identiques au premier cas. Soit α = ∑{x,y}∈∂S v(y)v(x). Par choix de S,α≤ 0. Les deux estimés (?) et (??) se combinent pour donner

λ2(2∆−λ2)

(∑x∈S

w(x)2)2

≥ ∑{x,y}∈Arê(G)

[w(x)+w(y)]2 ∑{x,y}∈Arê(G)

[w(x)−w(y)]2

−α

(4 ∑{x,y}∈Arê(S)

v(y)v(x)+α

)Il faut encore un peut travailler sur le terme

4 ∑{x,y}∈Arê(S)

v(y)v(x)+α = 2∑{x,y}∈Arê(S) v(y)v(x)+∑x∈Som(G) v(x)∑y∈Γ(x) v(y)

= 2∑{x,y}∈Arê(S) v(y)v(x)+∑x∈Som(G)(d(x)−λ2)v(x)2 ≥ 0.

Ceci donne donc

λ2(2∆−λ2)

(∑x∈S

w(x)2)2

≥ ∑{x,y}∈Arê(G)

[w(x)+w(y)]2 ∑{x,y}∈Arê(G)

[w(x)−w(y)]2

Soit maintenant β = ∑{x,y}∈Arê(S)

|w(y)2−w(x)2|. En utilisant l’inégalité de Cauchy-Schwartz,

λ2(2∆−λ2)

(∑x∈S

w(x)2)2

≥ β2.

Il reste à montrer que

β≥ h ∑x∈S

w(x)2

Pour ce faire, soit 0 = t0 < t1 < .. . < tm les différentes valeurs prises par w. Soit Xk = {x∈ Som(G) |w(x)≥ tk} les strates (où k ∈ m) et posons Vm+1 =∅. Pour tout k ∈ m, |Xk| ≤ |S| ≤ X(G)/2. Ainsi,

107

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2.5 - Le spectre du laplacien

|∂Xk| ≥ h|Xk|. Il est possible de réécrire

β =m

∑k=1

∑{x,y}∈Arê(S) et w(y)<w(x)=tk

w(x)2−w(y)2 ≥m

∑k=1|∂Xk|(t2

k − t2k−1)

= hm

∑k=1|Xk|(t2

k − t2k−1) = h

m

∑k=0

t2k (|Xk|− |Xk+1|)

= hm

∑x∈Som(G)

w(x)2 = hm

∑x∈S

w(x)2.

Ce qui conclut la démonstration. �

L’écriture habituelle du corollaire 2.5.7 et du théorème 2.5.8 est

Corollaire 2.5.9Soit G un graphe autre que K1,K2 ou K3. Alors

2h(G)≥ λ2(G)≥ h(G)2

2∆(G).

DÉMONSTRATION: En utilisant la formule de Taylor(-Lagrange), 1−√

1− ε≥ ε/2 pour tout ε≤ 1.

Puisque h≤ δ≤ ∆, il s’ensuit que ∆(G)−√

∆(G)2−h(G)2 ≥ h(G)2

2∆(G). �

EXERCICE 176: Montrer que ∑i∈X(G) λi = 2e(G). En déduire que (1−X(G)−1)λ2(G) ≤ d(G) ≤(1−X(G)−1)λMax(G).

EXERCICE 177: Soit G un graphe. Montrer qu’il existe un ensemble S de cardinal ≤ X(G)/2 quiréalise la constante isopérimétrique h et tel que le graphe induit sur S et Som(G)rS sont connexes.

EXERCICE 178: Montrer que (lorsque les graphes sont d’ordre ≥ 2)

a- h(Chn−1) = bn2c−1 ;

b- h(Cn) = 2bn2c−1 ;

c- h(Qn) = 1 ;

d- h(Kn) = dn2e ;

e- h(Km,n) = dmn2 eb

m+n2 c

−1.

EXERCICE 179: Soit G un graphe. Montrer que h(G)≥ 2κe(G)/X(G).

EXERCICE 180: Le problème de la coupe-max cM(G) = max∅6=S⊂Som(G)

|∂S| et de largeur de biparti-

tion lb(G) = minS⊂Som(G)

{|∂S| | |S| = bX(G)2 c} sont tous les deux NP-dur (c’àd. très durs à résoudre).

Montrer que

a- cM(G)≤ X(G)4 λMax(G)

b- lb(G)≥ X(G)4 λ2(G) si X(G) est pair et X(G)2−1

4X(G) λ2(G) s’il est impair.

EXERCICE 181: Soit G un graphe biparti.

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

a- Montrer qu’il existe une orientation H de sorte que la matrice d’incidence (signée) de H,R = Inc(H), soit telle que RTR = Adj(L(G))+2Id.

b- S’en servir pour exprimer les valeurs propres de Lap(G) et celles de Adj(L(G)).

c- Exprimer les valeurs propres de Lap(Chn−1) en fonctions de celles de Adj(Chn).

d- Les valeurs propres de Adj(Chn) se calculent aussi par l’astuce suivante : trouver n+ 1vecteurs propres de C2n+4 qui prennent une valeur nulle sur deux sommets opposés, et endéduire qu’ils sont des vecteurs propres pour le n+1 chemin (une composante connexe deC2n+4 après la suppression de deux sommets opposés.

EXERCICE 182: Soit G un graphe k-régulier, S un ensemble indépendant de cardinal α et soit n =

X(G). Soit χS la fonction caractéristique de S, χS(x) = 0 si x /∈ S et 1 sinon. Soit v(x) = χS(x)−α/n.

a- Montrer que v · v = α−α2/n.

b- Montrer que(Lap(G)v

)· v = kα.

c- Utiliser que λnv · v≥(Lap(G)v

)· v pour donner une borne sur λn.

d- Un graphe k-régulier a un coloriage par au plus k+1 couleurs. En déduire que λn ≥ k+1.

e- Trouver une autre façon de parvenir à cette borne.

EXERCICE 183: Un graphe k-régulier G d’ordre n = X(G) est appelé un (n,k,c)-expanseur si,∀S⊂ Som(G), |∂S| ≥ c(1− |S|n )|S|. Montrer que tout graphe k-régulier d’ordre n est un (n,k, h(G)

k )-expanseur.

2.5.i Représentations

Une des utilités du laplacien est qu’il donne de l’information sur les représentations (i.e. com-ment dessiner) des graphes.

Définition 2.5.10. Soit G un graphe. Une représentation [finie] de G est une application ρ :Som(G)→ Rm. De plus, elles seront toujours supposées balancées, i.e. ∑x∈Som(G) ρ(x) = 0, et derang maximal, i.e. l’image n’est pas contenue dans un hyperplan de Rm. F

Si ρ est perçue comme une application linéaire (de C0(G)→Rm, définie en envoyant la fonctionex qui ne vaut 1 qu’au sommet x vers ρ(x)) alors les deux dernières hypothèses se réécrivent commesuit : le vecteur 1 appartient au noyau et l’application est surjective. Au niveau de la matrice M decette application (de taille m×X(G)), ceci signifie que M1 = 0 et les lignes de M sont linéairementindépendantes.

Étant donné une représentation, il est possible de lui attribuer une énergie. Étant donné un éti-quetage w : ArêG→ R>0 (vu comme un poids donné à chaque arête, ou, plus précisément, uneconstante de répulsion en voyant les arêtes comme des ressorts), l’énergie est

E(ρ) = ∑{u,v}∈ArêG

w(u,v)‖ρ(u)−ρ(v)‖2

109

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2.6 - Cycles et coupes

Soit R la matrice d’incidence (orientée, de taille X(G)× e(G)), M la matrice de la représentation(de taille m×X(G) et W la matrice diagonale de taille e(G)× e(G) dont les entrées sont les w(u,v),alors

E(ρ) = Tr(W (MR)TMR

)= Tr

(M(RWRT)MT)

Ainsi, il est relativement naturel d’introduire un laplacien pondéré L=RWRT. Le lecteur se convain-cra sans trop de mal que, comme au lemme 1.4.14, le noyau de ce laplacien est, si le graphe estconnexe, exactement les fonctions constantes. Une représentation sera dite orthogonale si la ma-trice de ρ est orthogonale (i.e. MMT = Idm).

Proposition 2.5.11

Soit L = RWRT le laplacien pondéré et 0 = λ1 < λ2 ≤ λ3 ≤ . . . ≤ λX(G) ses valeurs propres.Alors l’énergie minimale d’une représentation orthogonale dans Rm est ∑i∈m−1 λi+1.

DÉMONSTRATION : Il s’agit tout simplement d’une application des quotients de Rayleigh, i.e. siv est orthogonal aux k premiers vecteurs propres vTLv ≥ λk+1‖v‖2. Comme la représentation estsupposée balancée, les vecteurs sont orthogonaux aux fonctions constantes (le vecteur propre de λ1.Ainsi Tr(MLMT)≥ ∑i∈m−1 λi+1. D’autre part, en prenant la représentation par les vecteurs propresde λ2 à λm l’égalité est obtenue. �

2.6 Cycles et coupes

Dans cette section, un corps K sera fixé 2. Ce dernier sera généralement F2, Z ou R (plus ra-rement Q ou C). D’autre part, étant donné un graphe G, une orientation de ce graphe, notée ~G,sera toujours considérée. Autrement dit, les arêtes ont une direction favorite. Quoiqu’il en soit, lanotation Flè(G) pour Flè(~G) sera en vigueur. Les cycles et les circuits dans le graphe non-orienté Gauront néanmoins leur importance, et ils feront référence à un ensemble d’arêtes qui peut former uncycle (même si l’orientation choisie le proscrit).

Ceci étant fait, il est possible d’associer à un graphe des espaces vectoriels naturels C0 =

C0(G;K) et C1 = C1(G;K). Chacun d’entre eux est l’espace vectoriel engendré par les sommesformelles respectivement de sommets et d’arêtes : s ∈ C0 s’écrit s = ∑

x∈Som(G)sxx où sx ∈ K (et si

Som(G) est infini, alors il faut ajouter que sx 6= 0 pour un nombre fini de x ∈ Som(G)). De manièrepédante, C0 et C1 sont des espaces de fonctions (il faut ajouter “à support fini” lorsque le graphe estinfini) respectivement de Som(G)→ K et de Flè(G)→ K.

La raison qui pousse à garder R comme incarnation potentielle du corps K est qu’il est parfoiscommode de considérer les cycles avec une orientation. Quant au choix K =F2, il a l’avantage qu’unélément de cet espace vectoriel est en correspondance avec un sous-ensemble : à a ∈ C1(G;F2)

correspond l’ensemble Xa = {e ∈ Flè(G) | a(e) = 1}, i.e. Xa est le support de a. Inversement, étantdonné S⊂ Flè(G) il est possible de lui associer une fonction χS qui vaut 1 sur S et 0 sur Sc. De plus,

2. Dans les sous-section ultérieures, il sera possible de relâcher ceci à un anneau ou un groupe abélien.

110

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

ces identifications sont compatibles : XχS = S et χXa = a. Le tout se fait de manière identique pourC0(G;F2).

Quel que soit le K, il y a une base standard donnée par les éléments de Som(G) et de Flè(G)

(i.e. les fonctions qui ne valent 1 qu’en un point et 0 partout ailleurs). Ces bases standards sontaccompagnées d’un produit scalaire standard :⟨

s,s′⟩= ∑

x∈Som(G)

sxs′x.

En particulier, lorsque K = F2, 〈a,a′〉 = 0 si et seulement si les ensembles Ea ont un nombre paird’arêtes communes. En fait, Xa+a′ = (Xa∪Xa′)r (Xa∩Xa′), c’àd. la différence symétrique de Xa etXa′ . La notation usuelle pour la différence symétrique est Xa4Xa′ .

Définition 2.6.1. L’espace des cycles Z ⊂ C1 est l’espace engendré par les fonctions suivantes :soit C un cycle de G et ~C une orientation de ce cycle (pas nécessairement compatible avec l’orien-tation ~G de G !),

z~C(~e) =

1 si~e est dans le même sens que ~C;−1 si~e est dans le sens contraire à ~C;0 sinon.

L’espace des coupes (ou parfois, espace des bords) est l’espace B engendré par les fonctions sui-vantes : soit S⊂ Som(G),

bS(~e) =

1 si~e relie S à Sc;−1 si~e relie Sc à S;0 sinon.

Un cycle C = x1x2 . . .xnxn+1 (où xn+1 = x1) dans un graphe G a un raccourci s’il existe deux som-mets xi,x j ∈ Som(C) reliés par une chaîne Q = xiy2y3 . . .ynx j arête-disjointe du cycle de sorte queles cycles C1 = x1x2xiy2y3 . . .ynx jx j+1 . . .xnxn+1 et C2 = xixi+1 . . .x j−1x jynyn−1 . . .y2xi sont tels quele maximum de leur longueur est inférieure ou égale à la longueur de C et le minimum de leurlongueur est strictement inférieur à celle de C.

Un cycle est induit si le graphe induit sur ses sommets est aussi un cycle. Un cycle est dit sansraccourci s’il n’y a pas de raccourci. F

Quelques remarques sur ces définitions :

— Un cycle sans raccourci est toujours un cycle induit (sauf si le graphe est multiple).— Lorsque K = F2, l’espace des cycles Z correspond à l’espace engendré par les fonctions

caractéristiques des (ensembles des arêtes des) cycles χArê(C).— Lorsque K = F2, l’espace des coupes correspond à l’espace engendré par les fonctions ca-

ractéristiques des bords (sous-ensembles de Arê(G) de la forme ∂S où S⊂ Som(G)), χ∂S.

Lemme 2.6.2L’espace des cycles est engendré par les cycles sans raccourcis (et a fortiori par les cyclesinduits).

111

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2.6 - Cycles et coupes

DÉMONSTRATION : Étant donné un cycle qui a un raccourci, il est clairement possible de l’obtenirà partir des deux cycles donnés par un raccourci (en choisissant l’orientation correctement). �

Proposition 2.6.3Soit S⊂ Flè(G) et K = F2. LASSE :

a- χS ∈Z .

b- S est la réunion disjointe d’ensembles des arêtes de cycles dans G

c- Tous les sommets du sous graphe formé par S sont de degrés pairs.

DÉMONSTRATION : Comme les cycles sont de degrés pairs, prendre des différences symétriquespréservent cette propriété ; ceci explique (a)⇒ (c). Le théorème de Veblen 1.3.4 donne (c)⇒ (a).Finalement, (b)⇒ (a) est une conséquence directe de la définition. �

Un type de coupe particulièrement élémentaire est donnée par χ∂{x} = b{x}, où x ∈ Som(G), c’àd.par l’ensemble des arêtes incidentes en un sommet.

Lemme 2.6.4L’espace des coupes B est engendré par les bords b{x} et, si de plus K = F2, les éléments de cetespace sont en correspondance avec les bords ou l’ensemble vide.

DÉMONSTRATION : Pour montrer que les b{x} sont générateurs, il suffit de remarquer que toutearête appartient à exactement deux tels ensembles. De plus, à chaque fois, elle sera comptée avecun signe différent. Ainsi, il apparaît que bS = ∑x∈S b{x}.

Lorsque K = F2, χ∂S = bS par définition. La difficulté est de montrer qu’une combinaison debords est un bord. Pour montrer qu’un élément correspond à un bord ou ∅, il suffit de prendredeux bords B = ∂S et B′ = ∂S′ et de montrer que leur somme est aussi un bord (ou ∅). CommeχB +χB = 0 = χ∅ et χB +χ∅ = χB, il est possible de supposer que B et B′ sont des bords distinctset non-vides. Soit S et S′ tels que B = ∂S et B′ = ∂S′. Alors χB + χB′ = χB4B′ . Il reste à observerque B4B′ est formé des arêtes entre T := (S∩ S′)∪ (Sc ∩ S′c) et (S∩ S′c)∪ (Sc ∩ S′) = T c ! AinsiχB4B′ = χ∂T = bT , i.e. c’est un bord. �

Un argument important d’algèbre linéaire montre que, si K est un corps, tout sous-espace F de C1,dimF +dimF⊥ = e(G) = dimC1. Il y a cependant une subtilité lorsque K n’est pas de caractéris-tique 0 (i.e. il existe un entier n tel que n ·1 = 0). Par exemple, lorsque K = F2, l’espace des vecteursorthogonaux au vecteur v = (0,1,0,1)T ∈ F4

2 a pour base les vecteurs (1,0,0,0)T, (0,0,1,0)T et(0,1,0,1)T. Autrement dit, v est orthogonal à lui-même...

EXERCICE 184: Montrer que, pour tout sous-espace F de C1, dimF +dimF⊥ = e(G) = dimC1.

Ceci permet de simplifier la démonstration du lemme suivant.

Lemme 2.6.5

B⊥ = Z et Z ⊥ = B.

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

DÉMONSTRATION : Il est assez évident que Z ⊂B⊥ et B ⊂Z ⊥. En effet, il suffit de montrer que〈z~C | bS〉 = 0 pour tout cycle C et ensemble S. Le parcours (orienté) d’un cycle aura toujours uneintersection paire avec le bord, et le choix des signes (indépendamment du choix de l’orientation ~G)se compenseront : en parcourant un circuit, il y a autant d’entrées que de sorties d’un ensemble fixé.

Supposons que f est telle que f ∈B⊥. Par définition,⟨

f ,b{x}⟩= 0 pour tout sommet x. Lorsque

K = F2, il est possible d’utiliser directement la proposition 2.6.3 pour montrer que B⊥ = Z :Ainsi, supposons que f prend valeur dans K = Z. Un graphe orienté multiple H associé à f est

construit comme suit. Les sommets de H sont les sommets de G. Si (x,y) =~e∈ Flè(G) et f (x,y) 6= 0des flèches seront aussi mises entre x et y avec deux cas possibles. Si f (x,y) = n > 0, n flèches dex à y sont tracées. Si f (x,y) = −n < 0, n flèches de y à x sont tracées. La condition

⟨f ,b{x}

⟩= 0

s’interprète sur H en disant que, en chaque sommet, le degré entrant est égal au degré sortant. Enutilisant le théorème de Veblen (version orientée 3) sur H, une partition de l’ensemble des flèchesen circuits : Flè(H) = tFlè(~Ci). Cette partition donne une écriture de f qui le place clairement dansZ : f ∑i z~Ci

.Comme dimB⊥+dimB = e(G) = dimZ ⊥+dimZ et que B⊥ = Z , il s’ensuit que dimB =

dimZ ⊥. Cependant, B ⊂Z ⊥ et par conséquent Z ⊥ = B. Ceci conclut la démonstration. �

La démonstration ne marche pas sur un graphe infini : il existe des fonctions qui sont orthogonalesaux coupes et aux cycles (finiement supportés). Il est possible de conclure sans utiliser ce petitrappel d’algèbre linéaire :EXERCICE 185: Montrer que Z ⊥ ⊂B sans utiliser l’argument de dimension. [Indice : La condition〈 f | z~C〉= 0 permet d’écrire f comme le gradient d’une fonction.]

Définition 2.6.6. Soit donné un graphe G et un arbre T . Un cycle est dit cycle fondamental dee ∈ Arê(G− T ) (par rapport à T ), s’il est formé par l’arête e et de la chaîne dans T qui relie lesdeux extrémités de e. Une coupe est dite coupe fondamentale de e ∈ Arê(T ) (par rapport à T ), sielle formée de e et de toutes les arêtes (⊂ Arê(G−T )) qui relient les deux composantes connexesde T − e. F

Il est assez simple de vérifier que les cycles et les coupes fondamentaux forment une base deleur espace respectif. En particulier,

Lemme 2.6.7dimZ = e(G)−X(G)+1 et dimB = X(G)−1.

DÉMONSTRATION : Il s’agit de compter les arêtes qui appartiennent à T et celles qui n’y appar-tiennent pas. �

Au début de ce cours, le laplacien avait été introduit pour étudier le nombre d’arbres couvrants. Ilavait été introduit par le biais de la matrice d’incidence (signée) ou matrice gradient.

Lemme 2.6.8

L’image de la matrice RT est B et le noyau de R est Z .

3. En fait, la démonstration pour Z n’est qu’une version orientée de la version pour F2.

113

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2.6 - Cycles et coupes

DÉMONSTRATION : La seconde assertion avait déjà été vérifiée pour les cycles (et comme ils en-gendrent l’espace des cycles, le tout s’ensuit). La première se vérifie directement en prenant la basestandard de C0 (les fonctions qui valent 1 sur un sommet et 0 ailleurs) et en constatant que l’imaged’un tel vecteur est b∂{x}. �

Ceci motive à introduire une autre matrice. De la même façon qu’un gradient a déjà été introduit,celle-ci peut-être assimilée à un rotationnel. Soit N(G) = e(G)−X(G)+1 le nombre cyclomatique(parfois aussi la nullité ou encore le corang), par le lemme 2.6.7 c’est plus petit nombre de cyclesnécessaire pour engendrer Z .

Définition 2.6.9. Soit donné un ensemble {~Ci}i∈` de cycles (orientés) qui engendrent Z (où,conséquemment, `≥N(G)). La matrice de ceinture ou matrice rotationnelle est la matrice de taillee(G)× ` définie par R′ei = z~Ci

(e), i.e.

R′ei =

−1 si~e est dans le même sens que ~Ci;1 si~e est dans le sens contraire de ~Ci;0 sinon.

F

Pour la définition précédente, il est possible, mais pas vraiment nécessaire de prendre une base.La plupart du temps, il est même plus commode de prendre une matrice plus grande, e.g. en regar-dant tous les circuits sans raccourcis ou tous les circuits induits. En effet, les cycles fondamentauxpour un arbre donné peuvent être de taille très grande, tandis que les cycles sans raccourcis onttendance à rester de petite taille (ce n’est bien sûr qu’une tendance, il se pourrait très bien que lesdeux coïncident). De ce fait, R′T aura tendance à avoir une norme trop grande si les cycles sont tropgrands et R′ aura une grande norme si les arêtes appartiennent à trop de cycles.

Lemme 2.6.10

L’image de RT est le noyau de R′T et est égal à B) : B = KerR′T = ImRT.

DÉMONSTRATION : Le plus simple est de vérifier que ImRT = KerR′T. Pour ce faire, il suffit deconstruire à partir de f ∈ KerR′T ⊂ C1 de rotationnel nul, une fonction g ∈ C0 telle que RTg = f .Soit T un arbre couvrant de G, et soit x0 une racine (un sommet quelconque). Alors il suffit de poserg(x0) = 0 puis g(x) = f (~P) où ~P est le chemin de x0 à x et f (~P) la somme de f sur les flèches sous-jacentes (en tenant compte du signe pour l’orientation). Pour montrer que le gradient de g donnebien f , il suffit de constater que si~e = (x,y) /∈ T , RTg(x,y) = g(y)−g(x) = f (~P′) où ~P′ est le cheminde x à y dans T . Comme f est de rotationnel nul ceci donne bien f (~e). �

Les matrices R et R′ permettent de définir deux objets très utiles sur les graphes : les flots et lescourants. Les flots constituent ce chapitre. Les courants seront abordés à la section 3.1.

EXERCICE 186: Montrer que l’image de R′ est le noyau de R et est égal à Z : Z = KerRT = ImR′.

Avant de clore cette section, il faut faire une mise en garde sérieuse. Malgré les lemmes 2.6.5 et2.6.7, il est faux que Z +B = C1. En effet, la démonstration a utilisé que, pour un sous-espace F

de C1, dimF⊥+dimF = e(G) = dimC1, mais il est faux que F⊥+F = C1 ! Heureusement, ceci

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

ne se passe que lorsque l’anneau n’est pas de caractéristique 0, i.e. lorsqu’il existe un entier n telque n ·1 = 0. Ce genre de surprise donne lieu à un phénomène qu’aucuns se sont amusés à nommer.

Définition 2.6.11. Un bicycle est un élément de C1(G,K) qui appartient à l’espace des cycles etdes coupes. Lorsque K = F2 ceci représente aussi un ensemble d’arêtes qui est en même temps unbord et un cycle. F

Exemple 2.6.12. Voici un exemple d’un bicycle (pour F2) dans le graphe de Petersen ; comme surF2 il y a correspondance entre les fonctions et les sous-ensembles des arêtes il est représenté parles arêtes qui sont en trait complet. En tant que coupe, il correspond aux bord de l’ensemble dessommets formé par les quatre sommet “blancs” (non-remplis).

h

uuu huhuuhPPQQQQTT��������

������BBBBBB

Une fonction harmonique est un élément du noyau du laplacien, i.e. un élément de KerRRT.Le lemme 1.4.14 les a rendues fort inintéressantes... cependant, une lecture attentive révèle que celemme ne marche que sur un corps de caractéristique 0. En effet, il a été utilisé de manière crucialque, si les ai sont≥ 0, alors la somme ∑ai vaut 0 si et seulement si les ai sont tous 0. Ceci n’est plusvrai en caractéristique positive. Rappel : C0(G;K) est l’ensemble des fonctions f : Som(G)→ K.

Lemme 2.6.13Soit G un graphe connexe. L’espace des bicycles est donné par les gradients des fonctions deC0(G;K) qui sont harmoniques. Autrement dit, l’espace des bicycles est RTKerRRT. En particu-lier, la dimension de l’espace des bicycles est n−1−RangKLap(G).

DÉMONSTRATION : Par le lemme 2.6.8, un bicycle est un élément de ImRT qui appartient aussi aunoyau de R. Autrement dit, c’est l’image de KerRRT par RT. Ainsi la dimension de cet espace estdimKerRRT−KerRT. Or KerRT sont les fonctions constantes (le graphe étant connexe) et RRT =

Lap(G). Le théorème du rang donne que dimKerLap(G) = X(G)−RangKLap(G) et permet deconclure. �

Et comme le rang du laplacien est n− 1 en caractéristique 0 (car KerRRT se réduit aux fonctionsconstantes, cf. lemme 1.4.14)...

Corollaire 2.6.14Il n’y a pas de bicycles si K est de caractéristique 0.

EXERCICE 187: Trouver un graphe qui possède un bicycle sur Zk pour un k ∈ Z>2 de votre choix.

Pour note finale, en prenant K = F2 les arêtes d’un graphe peuvent alors se répartir en trois types :

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2.6 - Cycles et coupes

— les e qui appartiennent à un bicycle propre (i.e. autre que Arê(G)) ;— les e qui sont dans un graphe H dont tous les degrés sont pairs et tel que H−e est une coupe ;— les e qui appartiennent à une coupe H de sorte que H− e est un sous-graphe dont tous les

degrés sont pairs.

EXERCICE 188: Trouver un sous-ensemble S ⊂ Som(G) tel que, pour x ∈ S, les b{x} forment unebase de B.

EXERCICE 189: Soit E ⊂ Flè(G) et K = Z. Il est possible d’interpréter f ∈ C1(G;Z) comme uneréunion disjointe de marches sur G, la fonction f indiquant le nombre de fois qu’une marche passe(avec un signe pour compter la direction) par une arête donnée. Montrer que si f appartient à Z ,alors f peut-être donné par une tournée. Montrer que si f est telle que, ∀x ∈ Som(G),

⟨f ,b{x}

⟩= 0

alors f ∈Z .

EXERCICE 190: Trouver un bicycle (K = F2) dans le cube.

EXERCICE 191: Soit G un graphe biparti dont les sommets sont de degrés pairs. Montrer que G aun bicycle (K = F2).

2.6.i Dual abstrait

Pour cette sous-section, il sera supposé que K = F2. En particulier, une coupe peut-être interpré-tée comme un ensemble d’arête. Si cet ensemble est non-vide, il représente même un déconnectant,c’àd. un D⊂ Arê(G) tel que G−D a strictement plus de composantes connexes que G. Une coupeminimale [non-vide] est appelée un lien. La minimalité est ici à comprendre pour l’ordre partieldonné par l’inclusion. Autrement dit, si G est un graphe connexe, un lien est un ensemble d’arête Snon-vide tel que G−S n’est pas connexe et si S′ ⊂ S alors S′ n’est pas une coupe. Intuitivement, lesliens sont à B ce que les cycles sont à Z . Si un graphe n’est pas connexe, le lecteur se convaincrafacilement qu’un lien est forcément contenu dans une des composantes connexes.

Lemme 2.6.15Toute coupe est une union disjointe de liens.

EXERCICE 192: Faire la démonstration. D’abord supposer que G est connexe. Ensuite, étant donnéune coupe D = ∂S, décomposer D en l’union des bords des composantes connexes de GrS. Que sepasse-t-il si G n’est pas connexe ?

Proposition 2.6.16Soit G un graphe plongé (via γ) dans une surface Σ. Soit E ⊂Arê(G) un sous-ensemble d’arêteset E∗ l’ensemble d’arêtes correspondant dans le dual. E∗ est un lien ( i.e. coupe minimale) deG∗ si et seulement si E est un cycle de G tel que Σr γ(E) a deux composantes connexes.

DÉMONSTRATION : (⇐) Si E est un tel cycle, alors soit S∗ ⊂ Som(G∗) les sommets de G∗ qui sontdans une composante connexe de Σr γ(E). Alors ∂S∗ est un lien (i.e. une coupe minimale).

(⇒) Étant donné une coupe minimale, alors la réunion des faces dans Σ forme une composanteconnexe dont le bord est une courbe qui déconnecte Σ et qui pourra être représenté par le cycledemandé. �

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

Ceci motive une définition plus abstraite d’un graphe dual. Effectivement, dans la proposition pré-cédente, il semblerait qu’il suffise d’une identification judicieuse entre des sous-espaces de C1 pourtrouver le dual.

Définition 2.6.17. Un graphe G∗ est un dual abstrait de G s’il y a une bijection entre Arê(G) etArê(G∗) telle que les liens de G sont envoyés vers un sous-ensemble F des cycles de G∗ et toutearête appartient à au moins un cycle de F . Il est dit dual abstrait total si F est l’ensemble de tous lescycles. F

Ainsi, par le lemme 2.6.15, les cycles de G vont engendrés l’espace des coupes du dual abstraitG∗.Corollaire 2.6.18

Si G∗ est un dual abstrait de G alors Z (G) = B(G∗)

Il est assez surprenant de savoir que les duaux abstraits n’ont strictement rien d’abstrait :Théorème 2.6.19 (Whitney, 1933)

Un graphe G est planaire si et seulement si il possède un dual abstrait total.

2.6.ii Flots et réseaux

Intuitivement, un flot représente comment un débit de données/fluide qui se promène à traversles sommets du graphe. Une question naturelle est alors de savoir comment transporter ce fluide demanière optimale si des contraintes sont données sur la capacité des arêtes. Une contrainte cependantnaturelle, est que (en dehors éventuellement des points d’arrivés et de départ), la somme des flotsentrants est égale à la somme des flots sortants. C’est exactement la condition 〈 f ,b{x}〉= 0 si x n’estpas un de ces points d’arrivée ou de départ.

Définition 2.6.20. Un réseau est la donnée d’un triplet (G,c,P) où— G est un graphe (et, implicitement, ~G est une orientation de ses arêtes) ;— d’un ensemble P⊂ Som(G), dit de puits (ou de sources ou de générateurs) ;— et d’une fonction de capacité c : Flè(~G)→ R>0.

Un flot dans un réseau est une fonction f ∈ C1(G) telle que— ∀x ∈ Som(G)rP, il apparaît que

⟨f ,b∂{x}

⟩= 0 ;

— et | f (~e)| ≤ c(~e),∀~e ∈ Flè(G).Un flot libre (ou une circulation) sur un graphe G est une fonction f ∈ KerR = Z ⊂ C1. F

Dans la définition ci-haut, la capacité est automatiquement symétrique. En particulier, il estpossible de parler indifféremment de la capacité de la flèche ~e ou de l’arête e. Grâce au lemme2.6.5, il apparaît que si f est un flot libre

f (∂X) = 0 et f (∂{x}) = 0.

D’où le nom “flot libre”. La seconde condition est en fait la définition d’un flot (et par le lemme2.6.5, implique que f ∈Z ). En particulier, si~e est un isthme (i.e. G−~e n’est plus connexe), alorsf (~e) = 0.

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2.6 - Cycles et coupes

Les quantités importantes dans un réseau sont : (a) savoir le flot qui rentre ou qui sort d’unensemble, (b) savoir le lien avec la capacité de toutes les arêtes qui relient cet ensemble à soncomplémentaire.

Définition 2.6.21. Soit (G,c,P) un réseau. Soit X ⊂ Som(G). Si f : Flè(~G)→ R, soit f (∂X) =

〈 f ,bX〉. Le flot maximal estfmax = sup

f un flotmin

X⊂Som(G)f (∂X)

Si c est la capacité d’un réseau, c(∂X) = ∑e∈∂X c(~e). La coupe minimale 4 est

cmin = minX⊂Som(G)

c(∂X) F

Lemme 2.6.22

Soit f un flot sur un réseau, alors ∀S⊂ Som(G), | f (∂S)|=∣∣∣ ∑s∈S∩P

f (∂{s})∣∣∣≤ c(∂S)

DÉMONSTRATION : La première égalité est une simple utilisation de bS = ∑s∈S

b{s} :

f (∂S) = ∑s∈S〈 f ,b{s}〉= ∑

s∈S∩P〈 f ,b{s}〉−0 = ∑

s∈S∩Pf (s,Som(G)).

L’inégalité s’obtient directement en utilisant l’inégalité du triangle : | f (∂S)| ≤ ∑e∈∂S| f (~e)| ≤ ∑

e∈∂Sc(~e).

Ainsi, la capacité d’une coupe borne supérieurement le flot.Dans la vaste majorité des cas, P = {x0,x1}, c’àd. il n’y a qu’une source et un puits pour le

flot. Alors, f (∂S) est non-nulle si et seulement si x0 et x1 ne sont pas dans le même ensemble dela partition {S,Sc}. Dans ce cas particulier, un petit calcul montre que | f (∂S)| = | f (∂{x0})|. Ainsi,toujours si P = {x0,x1},

fmax = supf un flot

| f (∂{x0})|

Théorème 2.6.23 (Ford & Fulkerson, 1956)Soit donné un réseau (G,c,{x0,x1}) tel que c est à valeur dans Z>0 alors ftot = cmin.

DÉMONSTRATION : La preuve faite ici sera paresseuse. Étant donné c chaque arête est démultipliéede sorte que~e soit remplacé par c(~e) flèches identiques ; ceci forme le graphe G′. Ensuite en oubliantl’orientation, il apparaît que κe(G′) = cmin. Par le théorème de Menger (pour les arêtes), il y a κe(G′)chaînes arête-disjointes. En les orientant de x0 vers x1, le flot f qui réalise cmin apparaît. �

En particulier, le résultat passe sans trop de soucis aux cas suivants : (a) sur Q en multipliant par leplus petit dénominateur de la fonction capacité, en trouvant le flot (entier) puis en re-divisant par cedénominateur (b) sur R, par densité. Pour les graphes infinis par contre, les choses sont plus subtiles.

4. La terminologie est un peu limitée ici : il ne faut pas confondre avec une coupe minimale pour l’inclusion. Si lacapacité des arêtes était toujours 1, la coupe minimale dont il est ici sujet serait une coupe de cardinal minimal.

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

2.6.iii Z-flots

Tout ce qui a été sur les flots peut fonctionner en regardant des flots qui prennent valeurs dansun groupe abélien Z (avec la notation additive). En effet,

⟨f ,b∂{x}

⟩n’a absolument pas besoin de la

structure d’anneau (comme b∂{x} ne prend que ±1 comme valeurs).

Définition 2.6.24. Un Z-flot dans un graphe est un flot libre à valeur dans Z sous la contraintesupplémentaire que f ne prend jamais la valeur eZ . F

Sans cette contrainte, la question est triviale du moins pour Z =Zk, car tout élément de C1(G,Zk)

serait une solution. Avec cette contrainte, il n’est pas dit qu’un tel flot existe tout court. Voici deuxsympathiques théorèmes de Tutte sur le sujet :

Théorème 2.6.25 (Tutte, 1954)Soit G un graphe multiple [non-orienté sans lacet], alors il existe un polynôme P tel que le

nombre de Z-flots distincts est max(P(|Z| − 1),0). En particulier, (même si le graphe a deslacets) l’existence d’un tel flot ne dépend pas de la structure du groupe abélien mais seulementde son ordre.

Théorème 2.6.26 (Tutte, 1950)Soit G un graphe multiple (avec ou sans lacet) [non-orienté]. Il existe un Zk-flots si et seulementsi il existe un flot libre f ∈Z (Z) tel que, ∀~e ∈ Flè(G),0 < | f (~e)|< k.

Le lecteur est invité à aller regarder dans le livre de Diestel à la §6.3 pour les preuves de ces deuxthéorèmes (qui s’étendent sur 5 pages environs). Il sera seulement mentionné que le premier sedémontre de manière analogue à l’existence du polynôme chromatique (en reliant ce polynômepour G, G− e et G/e). D’ailleurs, il y a un polynôme (à deux variables) qui combine ces deuxpolynômes ; il porte le nom de polynôme de Tutte. En combinant ces deux résultats, il est suffisantde se concentrer sur les Zk-flots pour avoir les flots sur tous les groupes abéliens finis. Il est parfoisplus commode de considérer d’autres groupes.

Voici un exercice qui donne une toute petite idée de ce qui se passe quand k = 2 :

EXERCICE 193: Soit G un graphe multiple avec lacet. Montrer (sans utiliser le théorème 2.6.26)ce “LASSE” :

— G a un Z2-flot ;— tous les sommets sont de degrés (topologiques) pairs ;— G a un flot libre tel que ∀~e, f (~e) =±1.

Proposition 2.6.27Un graphe 3-régulier possède un Z3-flot si et seulement si il est biparti.

DÉMONSTRATION : Pour (⇒), i.e. G a un Z3-flot, il en découlera que G n’a pas de cycle impair. Eneffet, si ~C = x0x1 . . .xnxn+1 (où xn+1 = x0) est un circuit (un cycle considéré avec son orientation).Sans perdre de généralité, il sera supposé que les arêtes ont la même orientation que le cycle. Alorsles valeurs sur les flèches de ~C sont nécessairement en alternance de +1 et de −1 (si elles prennent

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2.6 - Cycles et coupes

les mêmes valeurs à un sommet, la troisième flèche qui arrive à ce sommet devrait avoir flot nul).Ainsi, C est biparti et, conséquemment, de longueur paire.

Pour (⇐), i.e. G est biparti ; Som(G) = P1 tP2. Sans perdre de généralité, il est possible desupposer que toutes les arêtes ont l’orientation qui va de P1 à P2. Dans ce cas, donner flot 1 à toutesles flèches est clairement un Z3-flot. �

Proposition 2.6.28Un graphe 3-régulier possède un Z4-flot si et seulement si il admet un 3-arête-coloriage.

DÉMONSTRATION : L’idée est en réalité d’utiliser le théorème 2.6.25 et de trouver des Z2×Z2-flots. Soit Z =Z2×Z2. En effet, ce dernier groupe a trois éléments non-nuls tous d’ordre deux, dontla somme est nulle.

Pour (⇐), remplacer chaque couleur par un élément non-nuls de Z. Comme la somme de ceséléments est nulle, et que le graphe est 3-régulier, la conclusion est évidente.

Pour (⇒), comme tout a 6= e dans Z est tel que a = −a, l’orientation est sans importance. Lescouleurs sont ainsi attribuées en prenant une bijection quelconque entre Z r {eZ} et les trois cou-leurs. Si deux couleurs identiques arrivent à un sommet, alors la somme des éléments correspondantest nulle. Ceci force le flot à être nul sur la troisième arête incidente en ce sommet. �

EXERCICE 194: Montrer qu’un graphe G a un Z2×Z2-flot si et seulement si il existe deux graphesH1 et H2 sur les mêmes sommets (i.e. Som(G) = Som(H1) = Som(H2)) tels que les degrés (dans lesHi) sont tous pairs et G est l’union (pas nécessairement disjointe !) des arêtes de H1 et H2.

Définition 2.6.29. Le nombre fluent φ(G) est le plus petit k tel qu’il existe un Zk-flot, et +∞ s’iln’existe pas de Zk-flot pour tout k. F

EXERCICE 195: Montrer que si G a un isthme (i.e. une arête e telle que G− e n’est pas connexe)alors φ(G) = ∞ et même que G n’a pas de Z-flot. En déduire que tout graphe 3-régulier dont lesarêtes admettent un coloriage en 3-couleurs est 2-arête-connexe.

EXERCICE 196: Le but de cet exercice est de calculer quelques flots.

a- Montrer que φ(K4) = 4.

b- Montrer que φ(K2n+1) = 2 (où n ∈ Z>0).

EXERCICE 197: Utiliser le théorème 2.6.26 pour montrer que si G1 et G2 sont deux graphes surles mêmes sommets, alors φ(G1∪G2) = max(φ(G1),φ(G2))

EXERCICE 198: Le but de cet exercice est de montrer que, pour n > 2, φ(K2n) = 3.

a- Pourquoi ce nombre est-il > 2 ?

b- Utiliser l’exercice 197 et décomposer K6 en l’union de K3tK3 et de K3,3 pour montrer queφ(K6) = 3.

c- La démonstration se poursuit par induction : décomposer K2n en K2n−2 et du raccord K2 ?

K2n−2.

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

EXERCICE 199: Un résultat de théorie des graphes montre que tout graphe 4-arête-connexe a deuxarbres couvrants arête-disjoints. Le but de cet exercice est de réaliser un Z4-flot sur un graphe 4-arête-connexe en utilisant ce résultat. Soit T1 et T2 ces deux arbres arête-disjoints. Construire pourchaque e /∈ Ti un cycle Ce,i et soit fe,i la fonction de valeur ±i sur les arêtes de ce cycle.

a- Soit f1 = ∑e/∈T1 fe,1. Montrer que f est non-nulle sur toute arête /∈ T1.

b- Soit E = {~e ∈ Flè(G) | f (~e) = 0} et f2 = ∑e∈E fe,2. Montrer que f1 + f2 est un Z4-flot.

2.6.iv Flot, coloriage et dualité

L’objectif de cette sous-section est de donner plus de détails sur une interaction entre les flots etle coloriage (les québécois apprécieront ici tous les jeux de mots potentiels). Il est possible à partirdu flot sur un graphe de définir un flot sur son dual, à la condition (non-triviale) que ce dernier soit undual sur une surface orientable. Le contenu du lemme suivant est de dire que le choix d’orientationde G peut passer au dual, lorsque ce dernier est fait dans une surface orientable.

Lemme 2.6.30

Soit G un graphe plongé dans une surface orientable. Pour tout choix d’orientation ~G de G, il ya un choix d’orientation ~G∗ de G∗ de sorte que l’application Flè(G)→ Flè(G∗) de dualité (notée~e 7→~e∗) est telle que pour tout cycle C dans G (et ~C une orientation de ce cycle), si S⊂ Som(G∗)correspond à la composante connexe à l’intérieur de ~C alors bS(~e∗) = z~C(~e)

Rappelons que si une composante connexe S d’une surface est orientable, son bord (s’il est suffisam-ment lisse) possède aussi une orientation naturelle : le bord est parcouru de sorte que l’intérieur de Sreste sur la gauche. Ceci étant dit, la démonstration est relativement intuitive : il faut tourner toutesles arêtes de manière cohérente de 90 degrés (vers la droite). Bien sûr, ceci a du sens seulement sila surface est orientable).

EXERCICE 200: Montrer que le lemme ci-dessus est faux pour le graphe de Petersen vu commedual de K5 dans RP1.

Ainsi étant donné un f ∈ C1(G;Z), il est possible de construire g∈ C1(G∗;Z) sur G∗ par g(~e∗) =f (~e). Cette construction n’est possible que grâce au choix cohérent d’orientation.

Lemme 2.6.31Soit f et g comme ci-dessus. Alors g est un flot ( i.e. g ∈Z ⊂ C1(G∗;Z)) si et seulement si f

est une coupe ( i.e. f ∈B ⊂ C1(G;Z)).

DÉMONSTRATION : Par définition de G et choix des orientations, bX = z~C si X est encerclé par uncycle C. Lorsque Z n’est qu’un groupe abélien être dans B est défini par la 〈 f | z~C〉 = 0 (∀C cyclede G) et être dans Z par 〈g | bS〉 = 0 (∀S ⊂ Som(G∗)). Avec le choix d’orientation “naturel” (i.e.du lemme 2.6.30), ces conditions sont identiques par dualité. Ainsi, B ⊂ C1(G;Z) est envoyé pardualité sur Z ⊂ C1(G∗;Z) et vice-versa. �

Rappelons que si G n’a pas d’arête, cela n’a pas de sens de parler du

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2.6 - Cycles et coupes

Théorème 2.6.32 (Tutte, 1954)Soit G un graphe planaire [multiple avec lacet] avec au moins une arête et G∗ son dual [dans leplan]. Alors χ(G) = φ(G∗).

DÉMONSTRATION : Il vaut mieux commencer par quatre réductions :

(i) Si G possède plusieurs composantes connexes, l’argument peut se produire indépendammentsur chacune. [Les composantes connexes sans arêtes sont sans importance pour la coloration etelles disparaissent dans le dual.] En effet, si G1 et G2 sont deux composantes connexes (avec desarêtes), le dual de G1 tG2 est obtenue des duaux G∗1 et G∗2 en fusionnant un sommet. D’une part,χ(G1 tG2) = max

(χ(G1),χ(G2)

). Si χ(Gi) = φ(Gi), alors il est facile de construire un flot sur

(G1 tG2)∗ en prenant le flot sur chaque G∗i (il est nécessaire de se servir de 2.6.25 ou de 2.6.26).

Dans la suite, G sera donc connexe.

(ii) Si G a un lacet alors G∗ a un isthme (c’est ici que la planarité est importante), ainsi, parconvention χ(G) = ∞ = φ(G∗). Il est dorénavant possible de supposer que G est connexe et sanslacet.

(iii) Si G est d’ordre 1 ou 2, il n’y a pas grand chose à montrer. En effet, si X(G) = 1, il s’agitd’un bouquet de cercle : les arêtes sont toutes des lacets, et ce cas est traité au point précédent.Si X(G) = 2 (et qu’il n’y a pas de lacet), il s’agit de deux sommets reliés par un certains nombred’arêtes, ainsi χ(G) = 2. Le dual est un cycle, d’où φ(G∗) = 2. Il suffit de continuer avec G connexe,sans lacet et X(G)≥ 3.

(iv) Ensuite, il est aussi possible de faire une induction sur le nombre d’isthmes de G (i.e. unearête e telle que G−e n’est plus connexe). En effet, si e est un isthme, alors e∗ est un lacet et le dualde G∗− e∗ est G/e, ainsi

χ(G) = χ(G/e) = φ(G∗− e∗) = φ(G∗).

[Il a fallu utiliser que e n’est pas la seule arête de G car X(G)≥ 3 et G est connexe.]

Ces réductions étant faites, il suffit de traiter le cas du graphe connexe sans isthme ni lacet.Reste à montrer qu’un tel graphe admet une k-coloration si et seulement si son dual a un Zk-flot (ungraphe fini admet toujours une k-coloration pour un certain k). Soient choisies des orientations deG et G∗.

(⇐) Étant donné un Zk-flot g ∈Z ⊂ C1(G) sur G∗ et soit f ∈B l’élément correspondant dansC1(G). À partir de f sera construit un coloriage c : Som(G)→ Zk. Soit T un arbre couvrant de G etsoit x0 une racine (choisie arbitrairement). Alors à x ∈ Som(G) est attribué la couleur c(x) = f (~P)où ~P est le chemin de x0 à x (et c(x0) = 0). Pour montrer que ceci est bien un coloriage, il fautvérifier que si e = {x,y} est une arête alors x et y n’ont pas la même couleur. Il y a deux cas :· Si {x,y} est une arête de l’arbre, alors la différence entre la couleur de x et celle de y est

c(y)− c(x) = f (~e) 6= 0 où~e = (x,y).· Si {x,y} n’est pas une arête de l’arbre, soit ~Pa→b le chemin (orienté) de a à b dans T . Alors,

comme f est nul sur tout circuit

c(y)−c(x) = f (~Px0→y)− f (~Px0→x) = f (~Px0→y)+ f (~Px→x0) = f (~Px→y) = f (~C)− f (y,x) = f (x,y) 6= 0

122

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Chapitre 2 - GRAPHES ET ALGÈBRE

où C est le cycle fondamental associé à {x,y} et T .(⇒) Supposons maintenant que G a un k-coloriage c (et que les couleurs sont les éléments de

Zk). Soit f (~e) = c(c(~e))− c(s(~e)). De manière évidente f (~C) = 0 pour tout circuit ~C. Ainsi par lelemme 2.6.31, G∗ a un flot g défini par la dualité. �

Le graphe de Petersen (qui est le dual de K5, un graphe qui possède pourtant un 2-flot, dans le planprojectif) a un rôle primordial dans la plupart des travaux sur les flots.

EXERCICE 201: Argumenter que le graphe de Petersen n’a pas de Z2-flot ni de Z3-flot ni de Z4-flot.[Indice : utiliser les propositions 2.6.28 et 2.6.27.] Trouver un Z5-flot sur le graphe de Petersen.

Afin de terminer en beauté cette section, voici trois conjectures de Tutte :— Conjecture du 5-flot (1954) Tout graphe G qui est 2-arête-connexe (i.e. sans isthme) possède

un Z5-flot.— Conjecture du 4-flot (1966) Tout graphe G qui est 2-arête-connexe et n’a pas le graphe de

Petersen comme mineur possède un Z4-flot. [Une démonstration de Robertson, Sanders,Seymour, et Thomas (2001) semblerait admise... ?]

— Conjecture du 3-flot (1972) Tout graphe G qui n’a pas de coupe de (exactement) 1 ou (exac-tement) 3 arêtes possède un Z3-flot.

Les deux dernières conjectures sont non-optimales : il est possible de trouver des graphes qui ont legraphe de Petersen comme mineur (K11) et un Z4-flot (en fait, même un Z2-flot), et aussi des graphesqui ont une coupe de 3 arêtes et qui ont un Z3-flot. Inutile de dire que ces conjectures sont difficiles.Nombreux travaux montrent qu’elles sont presque vraies ou presque fausses (selon le résultat et lepoint de vue).

Par exemple, Seymour (1981) a montré que tout graphe G 2-arête-connexe a un Z6-flot. Kochola montré qu’il est suffisant de considérer les graphes 5-arête-connexes pour la conjecture du 3-flot, et Zhang qu’elle est vraie pour les graphes 6-arête-connexes. Finalement, par dualité, toutesces conjectures tiennent la route pour des graphes planaires : le Z5-flot devient le théorème des5 couleurs (cf. théorème 1.9.7), le Z4-flot celui des 4 couleurs (le graphe de Petersen n’étant pasplanaire), le Z3-flot le théorème de Grötzsch (cf. exercice 100).

Les graphes 2-arête-connexes 3-réguliers qui ne possèdent pas de 4-flot sont appelés des snarks.En fait, les snarks forment la partie difficile de plusieurs résultats :

— le théorème des 4-couleurs est équivalent au fait que les snarks ne sont pas planaires ;— la conjecture du Z5-flot peut se réduire au cas des snarks.

Il est malheureusement connu depuis fort longtemps que la chasse au snark est très difficile.

EXERCICE 202: Trouver un graphe dont toute coupe minimale est de 3 arêtes et qui possède unZ3-flot.

EXERCICE 203: Montrer que si ψ : Z → Z′ est un homomorphisme de groupe et f un flot libre àvaleurs dans Z alors φ ◦ f est un flot libre à valeurs dans Z′. Sous quelle condition φ ◦ f est-il unZ′-flot ?

EXERCICE 204: Monter que si e est une arête d’un graphe G, alors φ(G/e)≤ φ(G).

EXERCICE 205: Montrer que si G est sans isthme (i.e. 2-arête-connexe) alors φ(G) < ∞. Montrerde plus que si G est une union de k arbres de sorte qu’aucune arête ne soit contenue dans tous

123

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2.6 - Cycles et coupes

ces arbres alors φ(G) ≤ 2k. [Indice : regarder G comme une union de cycles ; combiner des Z2-flots sur certains

sous-graphes.]

EXERCICE 206: Soit G un graphe sans isthme, montrer que φ(G)≤ e(G)+X(G)−2. [Indice : prendre

un arbre maximal, et envoyer un peu de flot à travers toutes les arêtes qui ne sont pas dans l’arbre.]

EXERCICE 207: Montrer que tout graphe hamiltonien a un Z4-flot. [Indice : décrire G comme une union

de cycles.]

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Chapitre 3

Courants et probabilités

Afin de conclure en beauté, il est de bon ton d’au moins esquisser un sujet qui n’a essentielle-ment pas été abordé jusqu’à maintenant. Nous commencerons cette escapade par un sujet qui n’asuperficiellement rien à voir (mais que le lecteur aura certainement déjà rencontré plus tôt dans sonéducation) : les courants électriques. Le lien entre ces deux phénomènes provient de l’intuition sui-vante : un électron ne sait pas vraiment où il doit aller dans un réseau électrique, ainsi il se déplaceplus ou moins au hasard.

3.1 Courants électriques

Définition 3.1.1. Un réseau électrique est un triplet (G,r,P) où G est un graphe multiple [non-orienté sans lacet], r une fonction r : Arê(G)→ R≥0 qui donne la résistance d’une arête et P ⊂Som(G) est l’ensemble des puits (aussi appelés sources ou générateurs). F

Contrairement au réseau vus à la section 2.6, la résistance n’indique pas un maximum de courantqui peut passer à travers une arête, mais simplement la difficulté qu’aurait le courant à passer parcette arête. 1

Définition 3.1.2. Un courant électrique est une fonction g : Flè(G)→ R telle que· g(x,y) =−g(y,x)· si x /∈ P, ∑y∼x g(x,y) = 0 [LCK]· si x1x2 . . .xnxn+1 est un circuit dans G (i.e. xn +1 = x1), ∑

ni=1 r(xi,xi+1)g(xi,xi+1) = 0. [LPK]

Les abréviations LCK et LPK sont “Loi des courants de Kirchhoff” et “Loi des potentiels de Kirch-hoff”. F

Le lecteur remarquera que, si r ≡ 1, LPK est identique à dire que g est un bord. D’autre part,LCK dit que 〈g | b{x}〉 = 0 si x /∈ P (autrement dit que g satisfait la condition de cycle sauf auxpuits).

1. De nouveau, le graphe de base est supposé non-orienté, mais pour des raisons de notation, il est plus commode dedéfinir g sur les flèches (deux flèches pour chaque arête).

125

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3.1 - Courants électriques

Comme r ·g est un bord, il est possible de “l’intégrer” (i.e. de le voir comme un gradient). Ainsi,le potentiel de g est la fonction p : Som(G)→ R telle que la loi d’Ohm est vérifiée

−∇p :=−RT p = r ·g

Le signe − est une convention des physiciens. Même si le potentiel pourrait paraître un artificequi ne correspond pas une réalité, il est absolument indispensable pour les calculs. Soulignons quer(x,y) = r(y,x) mais g(x,y) =−g(y,x).

Pour l’instant, il n’est absolument pas clair qu’un courant électrique puisse exister. En fait, siP =∅, des résultats postérieurs montrent qu’il n’y a pas de courants non-triviaux (sur R, B =Z ⊥).Il a même déjà été montré que :

EXERCICE 208: Si il y a un seul puits (i.e. |P|= 1) il n’y a pas de courants électriques non-triviaux.[Indice : montrer que la LCK est aussi vérifiée à l’unique sommet de P.]

Lemme 3.1.3 (Principe de superposition)Si g1 et g2 sont deux courants électriques alors, ∀λ,µ ∈ R, λg1 +µg2 est un courant électrique.

DÉMONSTRATION: Les équations que doivent satisfaire un courant sont linéaires et homogènes.�

Ce lemme anodin est extrêmement utile ! En effet, ceci permet en particulier de résoudre seulementle cas où |P| = 2 pour pouvoir résoudre tous les cas possibles. Ainsi, il sera dorénavant supposerque P = {s, t}. De plus, quitte à regarder −g plutôt que g, il est possible de supposer que

∑y∼s

g(s,y)> 0 et ∑y∼t

g(t,y)< 0.

Autrement dit, que le courant “entre” en s et “sors” par t. Pour donner un sens plus précis aux [débutsde] phrases “le courant entre/sort par ...” et aux groupes nominaux “courant entrant/sortant”. Pource faire, il faut comprendre que si la LCK n’est pas vrai en s (ou t), cela veut dire

∑y∈Γ(s)

g(s,y) 6= 0.

En fait, si |P|= 2, l’exercice 208 montre que cette somme est nécessairement 6= 0 (sinon le courantest trivial). Si la somme est > 0 (resp. < 0), une interprétation possible est que, en tout, il y plus decourant qui sort (resp. entre) en s qu’il n’y en a qui entre (resp. sort) de s. Ce courant en excès (resp.en défaut) vient intuitivement d’ailleurs 2 (resp. va intuitivement ailleurs).

Il sera ainsi commun de dire qu’il y a un courant [de r unités] entrant en s si ∑y∈Γ(s) g(s,y) =r > 0. Inversement, il y a un courant [de r unités] sortant en t si ∑y∈Γ(t) g(y, t) = r > 0.

EXERCICE 209: Montrer que si |P|= 2, il y a (quitte à renormaliser par une constante) au plus uncourant possible dans le réseau.

2. Dans la vie réelle, il vient d’une pile, d’une batterie ou d’une prise de courant.

126

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Chapitre 3 - COURANTS ET PROBABILITÉS

Normalement, il serait nécessaire de montrer qu’un courant existe (dans le cas |P| = 2) avantde continuer. Ceci est une évidence intuitive, si l’interprétation physique des lois de Kirchhoff estacceptée. La démonstration n’est pas si simple, ainsi, il est préférable de faire quelques petits calculsavant de s’y attaquer. Dans la démonstrations des quelques lemmes qui suivent, l’existence d’uncourant sera toujours supposée.

Ci-dessous sont représentée des situations classiques, le premier est deux résistances “en série” ;le deuxième deux résistances “en parallèle” ; le troisième est la situation la plus simple possible(deux sommets et une seule arête).w

ww@@

w

w@@

w@@

w@@s

t

r1

r2

s

t

r

t

s

r1 r2

Le lemme suivant (que le lecteur connaît probablement depuis ses études pré-universitaires) ditque la solution des deux premiers cas se ramène à celle du troisième.Lemme 3.1.4 (Résistances en série et en parallèle)

Deux résistance r1 et r2 en série sont équivalente à une résistance r = r1 + r2. Deux résistancesr1 et r2 en parallèle sont équivalentes à une résistance r telle que 1

r =1r1+ 1

r2.

DÉMONSTRATION: En série : Disons qu’une unité de courant passe à travers le cas “en série”.Alors il y a un potentiel p associé. Si x est le sommet intermédiaire, la loi des courants de Kirchhoffdit que le courant est de 1 à travers chaque arête. De là,

p(s)− p(x) = r1 et p(x)− p(t) = r2 d’où p(s)− p(t) = r1 + r2

Ainsi la situation est identique à la troisième, mais avec une résistance r = r1 + r2.En parallèle : Si un courant de 1 entre en s et sort en t, par KCL, si le courant à travers l’arête

de résistance ri est gi, g1 + g2 = 1. Ainsi, si p est le potentiel associé,(

p(s)− p(t))( 1

r1+ 1

r2

)= 1.

Par contre, dans le troisième circuit,(

p(s)− p(t))1

r = 1, d’où la conclusion. �

Voici un deuxième truc pratique pour les calculsLemme 3.1.5 (Lemme des courts-circuits)

Soit (G,r,{s, t}) un réseau électrique, g un courant électrique dans ce réseau et p le potentiel deg. Soit X ⊂ Som(G) tels que p est constante sur X . Alors le graphe obtenu de G en identifianttous les sommets x ∈ X en un seul sommet x′ (et en retirant toutes les arêtes entre ces sommets)admet aussi g comme courant électrique.

DÉMONSTRATION: Un calcul assez direct montre que le potentiel donnera toujours lieu à un cou-rant. En effet, comme les sommets de S ont le même potentiel il n’y a pas de courant entre eux(ainsi il est possible d’enlever/d’ignorer les arêtes entre ces sommets). Ensuite, après identificationle courant entrant est toujours égal au courant sortant : le courant entrant en x′ est la somme descourants entrants aux sommets de X . �

127

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3.1 - Courants électriques

Dans le lemme précédent, il n’est pas exclu que X contiennent s ou t. [Il ne peut pour des raisonsintuitivement évidentes pas contenir les deux, mais cette démonstration est remise à plus tard.] Unexemple classique est de calculer la résistance d’un cube.

Exemple 3.1.6. Prenons le réseau électrique où G est le graphe du cube où toutes les arêtes ontrésistance 1. Soit s et t deux sommets du cube qui sont à distance maximal (opposés). Alors il y aune symétrie qui consiste à faire tourner le cube de 120◦ autour de l’axe qui rejoint s et t. Ainsi,[si le courant existe,] la fonction de potentiel est la même sur deux groupes de trois sommet : lesvoisins de s et les voisins de t. Ainsi, il est possible d’identifier tous ces sommets ensemble pourobtenir un graphe extrêmement simple : il y a 4 sommets s, s′ (obtenu par identification des voisinsde s), t ′ (obtenu par identification des voisins de t) et t. Il y a 3 arêtes entre s et s′, 6 entre s′ et t ′, 3entre t ′ et t.

Par la règle de la résistance en parallèle, le graphe se réduit à une chaîne avec 4 sommets et lesrésistances : r(s,s′) = 1/3, r(s′, t ′) = 1/6 et r(t, t ′) = 1/3. Puis par la règle de la résistance en série,le tout se ramène à une unique résistance de 1/3+1/6+1/3 = 5/6. ♣

Voici une dernière astuce de calcul qui intervient très souvent. Pour la remarque, le complémen-taire de l’étoile à trois branches É3 est l’union disjointe K3tK1.

Lemme 3.1.7 (La transformation étoile-delta)

Soit É3 le graphe de l’étoile (à 3 branches) et K3 le graphe du triangle. Soit Som(K3) =

{a1,a2,a3} et Som(É3) = {a1,a2,a3,v}. Notons les résistances données par r(ai,v) = ri surÉ3 et r(ai,a j) = r′k sur K3 (où i, j,k sont distincts).

Si G est un graphe avec un sommet v de degré 3, alors le É3 formé par v et ses voisinspeut-être remplacé par un K3 avec pour résistances r′k =

r1r2+r2r3+r3r1rk

.Inversement, si G possède un K3 comme sous-graphe induit, il est possible de le remplacer

par un É3 (en ajoutant un sommet donc) avec pour résistances rk =r′ir′j

r1+r2+r3(où i, j,k sont

distincts).

EXERCICE 210: Démontrer ce lemme. Pour ce faire, supposer p(ai) = pi connus. Montrer que lescalculer les courants sortant (ou entrant) en chaque ai.

EXERCICE 211: Montrer qu’il existe une transformation étoile-delta pour Kn et Én, i.e. trouver lesvaleurs des résistances correspondantes dans Én en sachant que le courant peut entrer sortir quesur les sommets de Kn. [Les cas n ∈ {1,2} sont particulièrement faciles.]

Après tous ces atermoiements, il est temps de s’attaquer au théorème de Kirchhoff :

Théorème 3.1.8 (Kirchhoff, 1847)Soit (G,r,{s, t}) un réseau électrique tel que r ≡ 1. Alors, il existe un unique courant g de

sorte que le courant entrant en s est 1 (et donc que le courant sortant en t est 1). De plus, g estdéterminé comme suit. Soit N(s,a,b, t) le nombre d’arbres couvrants T tels que l’unique cheminde s à t dans T passe par a avant de passer par b. Soit N le nombre total d’arbres couvrants. Alors

g(a,b) =N(s,a,b, t)−N(s,b,a, t)

N

128

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Chapitre 3 - COURANTS ET PROBABILITÉS

DÉMONSTRATION: Si g existe, il est unique par l’exercice 209. Pour simplifier l’argument, unerenormalisation est de bon goût : il est plus facile de montrer l’existence d’un courant avec N unitésde courants entrantes en s et sortantes en t. Pour chaque arbre couvrant T ⊂ G, soit gT défini parenvoi d’une unité de courant de s à t mais en utilisant seulement les arêtes de l’arbre T :

gT (x,y) =

+1 si x est avant y dans le chemin de s à t dans T−1 si y est avant x dans le chemin de s à t dans T0 si y ou x n’est pas dans le chemin de s à t dans T

Chaque gT satisfait la LCK. Ainsi, g=∑T gT le fera aussi par linéarité. De plus, en faisant la somme,la formule annoncée pour la valeur de g(a,b) est retrouvée (au facteur N près). Il faut cependantmontrer que g satisfait la LPK.

Pour ce faire, définissons un bosquet comme une forêt couvrante avec deux composantes connexesFs et Ft de sorte que l’une Fs contienne s et l’autre Ft contienne t. Ainsi il est possible de réécrire :N(s,a,b, t) = le nombre de bosquets avec a ∈ Fs et b ∈ Ft . En faisant la somme de g le long desarêtes d’un circuit, la contribution du bosquet Fs∪Ft au courant le long du cycle est exactement lenombre d’arêtes du cycle allant de Fs à Ft moins le nombre d’arêtes allant de Ft à Fs, ce qui donneforcément 0. Ainsi g est bien un courant électrique. �

Il est assez facile de voir que cette démonstration s’étend au cas d’une résistance qui n’est pastoujours la même. Pour ce faire, il faut faire une définition supplémentaire. Le poids d’un arbre estla somme de la résistance de toute ses arêtes : r(T ) = ∑e∈Arê(T ) r(e). Il suffit alors de remplacerN(s,a,b, t) par R(s,a,b, t) = la somme des r(T ) sur tous les arbres T tels que a apparaît avant b surle chemin de s à t dans T . De la même manière, N est remplacée par R = ∑T r(T ) où la somme estsur tous les arbres couvrants.

3.2 La quadrature du carré

L’objectif de cette section est d’illustrer l’application des courants électriques à un problèmed’apparence simple, mais non-trivial. La question remonte au moins au début du 20ème siècle. D’unepart, en 1902, Dudeney propose (dans le magasine anglais “The strand”) une énigme nommée “LadyIsabel’s Casket”. Cette énigme consiste à diviser un carré de côté entier (80) par plusieurs carrés(tous distincts) et un rectangle de côté 40× 1. Cependant, ce genre de question devait déjà traînerdans les esprits car en 1903, le mathématicien allemand M. Dehn montre que si un rectangle se pavepar des carrés qui sont tous distincts, le rapport des côtés du grand rectangle est rationnel.

Définition 3.2.1. Un rectangle R admet un pavage “parfait” en carrés s’il est possible de trouverdes carrés {Ri}n

i=1 tous distincts de sorte que les Ri pave R. F

Il est important de demander un nombre fini de carré. Il assez facile de trouver des rectanglesoù ce nombre est infini (et dont le rapport des côtés n’est pas rationnel) 3

3. Regarder un rectangle dont un côté est de longueur 1 et l’autre de longueur c =1+√

52

(le nombre d’or). Couper

un premier carré de côté 1. Reste le même rectangle à une proportion de c−1 près. En itérant, une infinité de carrés (decôtés c−i où i≥ 0) donne un pavage de ce rectangle.

129

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3.2 - La quadrature du carré

La question qui a tracassé plusieurs est : existe-t-il un pavage parfait d’un carré ? La réponse estoui, mais il n’est pas facile à trouver. En 1925, W. Morón trouve un petit rectangle (qui s’adonne àêtre le plus petit) qui a un pavage parfait en carrés. Le voici :

18 15

14 10 9

874

Il est de côtés 33×32, ce qui n’est “pas loin” d’être un carré. Pour faire le lien avec la sectionprécédente, il suffit de s’imaginer que le grand rectangle est fait d’une feuille d’un matériel de faibleconductivité 4. Sur deux côtés opposés (en haut et en bas), une tige en un matériel très conducteur 5

est posée. En mettant un potentiel de h volts sur la tige conductrice “en-haut” et 0 sur celle d’en-bas,un courant uniforme vertical se produira. De plus, le potentiel sur la plaque ne dépendra que de lahauteur.

Du coup, si des coupes verticales dans cette plaque sont faites, rien n’est changé. Mais aussi,si une coupe horizontale est faite et qu’une tige du matériel très conducteur y est inséré, cela nechange rien non plus : le courant est entièrement vertical, les points à même hauteur ont le mêmepotentiel et peuvent ainsi être identifiés en un seul.

Étant donné un pavage parfait d’un rectangle (comme par exemple celui de Morón ci-dessus), ilest ainsi possible de faire des coupes dans notre plaque de graphite (en ajoutant une tige d’argent, sila coupe est horizontale) qui correspondent au pavage en carrés. Vu la grande différence de conduc-tance, insérer ces tiges d’argent revient à faire un court-circuit. Il est alors possible d’imaginer quechaque tige horizontale est un point et que les plaques de graphites forme un arête entre ces points :

tb

ts

tatdtctt

ts

tb tatdtctt

������\\\\\EEE����J

JJJJaaaa,

,,

hhh����

Reste à trouver la résistance. Un argument de dimension dit que la résistance est inversementproportionnelle à la largeur (horizontale) de la plaque. Elle est aussi proportionnelle à la hauteur dela plaque. Ainsi, les plaques carrées devraient toutes avoir la même résistance. Dernier ingrédient :

4. Les métaux qui remplira ce rôle sont (en ordre décroissant de conductivité) l’étain, le plomb, les aciers, les alliagesfer-chrome ou nickel-chrome,... Le non-métal le plus connu (et bon marché) est le carbone (en particulier, sous forme degraphite).

5. e.g. en ordre décroissant de conductivité : l’argent, le cuivre ou l’or.

130

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Chapitre 3 - COURANTS ET PROBABILITÉS

la taille du carré est proportionnelle au courant qui le traverse. C’est une conséquence du fait quele potentiel ne dépend que de la hauteur, comme la résistance est la même sur tous les carrés, lecourant est proportionnel à la hauteur.

Ainsi, la question de trouver un pavage parfait d’un rectangle en carrés peut se réduire à cellede trouver un courant électrique dans un graphe (planaire), de sorte à ce que les courants soient tousdifférents. Nous sommes encore loin de savoir beaucoup de résoudre complètement le problème,mais ceci donne un démonstration facile du théorème de Dehn :

Corollaire 3.2.2 (Dehn, 1903)Si R est un rectangle qui est pavé parfaitement par des carrés, le rapport de ces côtés est ration-nel.

DÉMONSTRATION: En effet, si une unité de courant rentre dans le graphe associé, les courants dansles arêtes sont (par le théorème 3.1.8) tous rationnels. �

La méthode des courants décrite ici a permis de trouver le premier carré qui a un pavage parfait encarrés (il est de côté 112 et se divise en 21 carrés ; trouvé par Duijvestijn). La difficulté est de faireen sorte que tous les courants soient distincts. Tout graphe planaire correspond à un découpage d’unrectangle en carrés (par la correspondance décrite ci-haut) pourvu qu’il vérifie une condition : lechoix des sommets s et t est tel que le courant n’est nul dans aucune arête.

Un théorème (difficile) de Sprague montre que tout rectangle dont le rapport des côtés est ra-tionnel possède un pavage parfait.

Nous terminerons sur ce joli théorème dans la même saveur :

Théorème 3.2.3Si R est un rectangle qui admet un pavage par d’autres rectangles Ri de sorte que chaque Ri

possède un côté entier. Alors R a un côté entier.

DÉMONSTRATION (SIMPLE ET EFFICACE) : Tout d’abord, le plan peut être découpé en un échiquier(parallèle aux axes) dont les carrés ont des côtés de longueur 1/2. Si R est dessiné dans le plan (avecses côtés parallèle aux axes) et avec un de ses coins en l’origine. R aura alors un côté entier si etseulement si il contient autant de “blanc” que de “noir”. Par contre, indépendamment d’où sont lescoins, si un rectangle a un côté entier, il contient autant de “blanc” que de “noir”. Comme les Ri onttous un côté entier, et qu’ils pavent R, la conclusion apparaît. �

DÉMONSTRATION (GÉNÉRALISABLE) : Soit φε : R→ R la fonction définie par :

φε(x) =

{x si x ∈ Zx+ ε si x /∈ Z

Étant donnée (x,y) ∈ R2, soit φε(x,y) =(φε(x),φε(y)

). Si R′ est un rectangle sur les sommets

(zi)4i=1 alors φε(R′) est le rectangle (potentiellement réduit à un ligne un ou un point) de sommets(

φε(zi))4

i=1.Soit R placé de sorte qu’un sommet soit en l’origine. Alors l’aire de φε(R) est la somme des aires

des φε(Ri). Or, l’aire de certains des φε(Ri) croît au plus linéairement en ε (si a,b sont les côtés, c’est

131

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3.3 - Marches aléatoires sur les graphes finis

≤ ab+εmax(a,b). Par contre, si R n’a pas de côté entiers, l’aire de φε(R) croît quadratiquement enε (si a,b sont les côtés, alors ab+(a+b)ε+ ε2), une contradiction. �

EXERCICE 212: Généraliser cette seconde démonstration en dimension supérieure : si P est unpavé qui admet un pavage en des pavés Pi de sorte que chaque Pi a au moins k côtés entiers, alorsP a au moins k côtés entiers.

Une question toujours ouvert est de savoir s’il est possible de paver le plan avec des carrés de côtéentiers et de sorte que chaque entier apparaisse exactement une fois.

EXERCICE 213: Trouver la taille des carrés dans ce pavage :

[Il s’agit du plus petit carré qui admet un pavage parfait en carrés, dû à Duijvestijn]

3.3 Marches aléatoires sur les graphes finis

G sera un graphe non-orienté simple sans lacet, même si les résultats présentés ici s’étendentsans trop de difficultés aux cas “avec lacet” et “multiple”.

Une marche aléatoire simple (raccourci en “MAS”, SRW en anglais) [commençant en x] surun graphe est une suite de variables aléatoires {Xn}n≥0 construites comme suit. Habituellement, unsommet de départ X0 = x est fixé. La variable Xi+1 est construite en quittant le sommet par une arête

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Chapitre 3 - COURANTS ET PROBABILITÉS

choisie uniformément au hasard. Comme le cadre de la discussion est celui des graphes simples etsans lacet,

P(X1 = y) =

{1/d(x) si y ∈ Γ(x);0 sinon.

X2 est ensuite obtenu de X1 en prenant un voisin au hasard. Pour relier cette construction à ce qui adéjà été discuté à la section 2.4, il est possible de voir les variables aléatoires Xi comme une fonctionv : Som(G)→ [0,1] par v(x) = P(Xi = x). Étant des probabilité, ces fonctions ont la particularitéque ∑x∈Som(G) v(x) = 1.

Soit K la matrice d’adjacence de G normalisé par le degré :

K = deg(G)−1Adj(G) = Id−deg(G)−1Lap(G) ou (K)xy =1

dalg(x)Adj(G)xy

Cet opérateur est celui de la MAS. Autrement dit, étant donné une probabilité de présence d’uneparticule v : Som(G)→ [0,1] (habituellement, au début v vaut 1 en un sommet et 0 ailleurs), Kv serala probabilité de présence après que la particule ait choisi uniformément au hasard de se déplacerle long d’une arête. Puis, Knv sera la probabilité de présence de cette particule après n déplacementuniformément au hasard.

Ainsi, les sections 2.4 et 2.5 regorgent de résultats sur la MAS. Comme il sera montré plustard, les propriétés de K sont plus proches de celles de Lap(G) que de Adj(G). Voici une premièrepropriété utile de K :

EXERCICE 214: Soit G un graphe connexe et v : Som(G)→R tel que Kv = v, montrer que v prendla même valeur sur tous les sommets.

Une autre marche aléatoire qui est communément étudiée est la marche aléatoire paresseuse(“MAP”, LRW en anglais). Celle-ci est définit en disant qu’à chaque étape, il y a une chance surdeux que la particule ne bouge pas (et une chance sur deux qu’elle bouge de manière uniforme).Ainsi, sa matrice (ou son opérateur) est :

K = 12(Id+K)

Il y a deux avantages notables, le premier est que le spectre est positif :

EXERCICE 215: Montrer que le spectre de K est contenu dans [−1,1]. En déduire que celui de Kest contenu dans [0,1].

Le second est que des problèmes sont évités dans les graphes bipartis. En effet, dans un graphebiparti, si v vaut 1 sur un sommet x ∈ P1 et 0 sur tous les autres, K2nv est à support sur P1 (i.e.vaut 0 sur tout P2) et K2n+1v est à support sur P2 (i.e. vaut 0 sur tout P1). Autrement dit, sur ungraphe biparti, K n’est pas mélangeant. Comme le lecteur ne tardera pas à découvrir, K, lui, mélangetoujours bien.

Il serait possible de mettre des poids sur les arêtes. Les définitions changent assez peu (à ceciprès qu’il faut incorporer le poids des arêtes dans la définition de degré). L’intérêt principal de ceciest qu’une chaîne de Markov finies et réversible est équivalente à un MAS sur graphe fini (avec unpoids sur les arêtes).

133

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3.3 - Marches aléatoires sur les graphes finis

Pour faire le lien entre les marches aléatoires (et justifier la présence des courants électriquesdans ce chapitre) il faut introduire la notion de fonction harmonique

Définition 3.3.1. Soit G un graphe fini et P⊂ Som(G). Une fonction v : Som(G)→R est harmo-nique avec bord P si Kv(x) = v(x) pour tout x /∈ P. F

Une autre façon de présenter cette propriété est de parler de “valeur moyenne” : Kv(x) = v(x)veut dire que la valeur de v sur x est la valeur moyenne de v sur les voisins de x.Proposition 3.3.2

Soit (G,r,P) un réseau électrique avec r ≡ 1, alors p est le potentiel d’un courant électrique surce réseau si et seulement si p est une fonction harmonique avec bord P.

DÉMONSTRATION: Soit L = Lap(G) la matrice du laplacien et D = deg(G) la matrice des degrés.Par définition (ou la loi d’Ohm), g(x,y) = p(x)− p(y) est le gradient du potentiel (à signe près).Ainsi, g satisfait forcément la LPK. Pour savoir s’il satisfait la LCK, il faut calculer

∑y∈Γ(x)

g(x,y) = ∑y∈Γ(x)

(p(x)− p(y)) = d(x)p(x)− ∑y∈Γ(x)

p(y) = (Lp)(x)

et trouver 0. D’autre part, K = Id−D−1L. Ainsi, pour un x ∈ Som(G),

(K p)(x) = p(x) ⇐⇒ p(x)− (D−1Lp)(x) = p(x) ⇐⇒(D−1Lp

)(x) = 0

⇐⇒(Lp)(x) = 0 ⇐⇒ g satisfait la LCK en x.

Lorsque r n’est pas toujours égal à 1, la démonstration est essentiellement la même.Proposition 3.3.3

Soit (G,r,P) un réseau électrique avec r ≡ 1 et P = {s, t}. Alors

p(x) = P(une MAS qui commence en x passe par s avant de passer par t)

est une fonction harmonique avec bord {s, t} qui donne lieu à un courant non-trivial.

DÉMONSTRATION: Il faut vérifier qu’en un autre sommet que s ou t, la probabilité de l’événementest la moyenne des probabilité sur les sommets voisins. Pour ce faire il suffit de voir que depuis x,il y a exactement d(x) possibilités pour la première étape de MAS, chacune correspondant à bougervers y ∈ Γ(x). Ainsi, p(x) = 1

d(x) ∑y∈Γ(x) p(y).Le potentiel est clairement de 0 sur t et de 1 sur s. Par conséquent, le gradient de p n’est pas

toujours 0 (sinon p serait constant) et le courant n’est pas trivial ; ceci termine la démonstration. �

Il n’est pas si clair de savoir quel est le courant qui traverse le réseau pour ce potentiel. Il est possiblede l’interpréter en termes d’autres propriétés de la MAS.

Pour rappel, la suite de variable aléatoires de la MAS est construite comme suit : X0 = unx ∈ Som(G), et Xn est la variable aléatoire de la position du “marcheur” après n étapes. Autrementdit, si v = δx (la fonction qui vaut 1 en x et 0 ailleurs), P(Xn = y | X0 = x) = Knv(y).

Il sera souvent pratique de prendre les probabilités de certains événement en sachant le point dedépart de la MAS. Soit Px et Ex les probabilités et espérances correspondant à X0 = x.

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Chapitre 3 - COURANTS ET PROBABILITÉS

Définition 3.3.4. Soit S ⊂ Som(G), le temps d’atteinte (hitting time en anglais) associés au Xn

sont les variables aléatoires

τS = min{t ≥ 0 | Xt ∈ S} et τ+S = min{t ≥ 1 | Xt ∈ S}

La probabilité de fuite (escape probability en anglais) de s à t est la probabilité d’atteindre t avantde retourner à s :

Pf ui(s→ t) = Ps(Xτ+{s,t}

= t).

Le temps de séjour (sojourn time en anglais) en x pour une marche allant de s à t est l’espérancedu nombre de visite de x avant d’atteindre t en partant de s :

Sx(s→ t) = Es(|{i < τ{t} | Xi = x}|) F

Ainsi, le potentiel de la proposition 3.3.3 s’écrit p(x) = Px(Xτ{s,t} = s). Il y a des relations amu-santes entre ces diverses quantités, et parler de courant électrique est une manière assez simple deles démontrer.

Proposition 3.3.5Le courant correspondant au voltage d’une unité ( i.e. de la proposition 3.3.3) est d(s)Pf ui(s→ t).

DÉMONSTRATION: Rappelons que le potentiel est p(x)=Px(Xτ{s,t} = s). Pour calculer la probabilitéde fuite, la première étape est assez clair : la marche ira sur un des voisins de s. Cette probabilité seréécrit donc

Pf ui(s→ t) =1

d(s) ∑y∈Γ(s)

Py(Xτ{s,t} = t) = 1− 1d(s) ∑

y∈Γ(s)Py(Xτ{s,t} = s) = 1− 1

d(s) ∑y∈Γ(s)

p(y)

D’autre part, le courant qui rentre en s est égal à

∑y∈Γ(s)

(p(s)− p(y)

)= ∑

y∈Γ(s)

(1− p(y)

)= d(s)

(1− 1

d(s) ∑y∈Γ(s)

p(y))= d(s)Pf ui(s→ t) �

EXERCICE 216: Déduire de la proposition précédente quePf ui(s→ t)Pf ui(t→ s)

=d(t)d(s)

.

Il existe une autre façon de voir les courants.

Proposition 3.3.6Supposons qu’un courant d’une unité entre en s dans le réseau (G,r≡ 1,{s, t}) et que le voltageen t est 0, alors le voltage en x est p(x) = Sx(s→ t)/d(x).

DÉMONSTRATION: De nouveau, il faut montrer que g = −∇p est un courant, c’àd. que la LCKtient pour x /∈ {s, t} :

∑y∈Γ(x)

g(x,y) = ∑y∈Γ(x)

(p(x)− p(y)

)= d(x)p(x)− ∑

y∈Γ(x)p(y) = Sx(s→ t)− ∑

y∈Γ(x)

Sy(s→ t)d(y)

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3.3 - Marches aléatoires sur les graphes finis

Cependant, chaque visite du sommet x /∈ {s, t} arrive par un de ses voisins :

Sx(s→ t) = ∑y∈Γ(x)

Sy(s→ t)d(y)

.

Reste à vérifier que le courant entrant en s est bien de 1. Pour se faire il faut interpréter un peu lecourant à travers une arête :

g(x,y) = p(x)− p(y) = Sx(s→ t) 1d(x) −Sy(s→ t) 1

d(y) .

Comme 1d(x) est la probabilité d’aller de x à y, la quantité ci-dessus est l’espérance du nombre de

passages de x à y moins l’espérance du nombre de passages de y à x. Comme la marche se termineen t, il y aura forcément un passage de plus qui s’éloigne de s, ainsi ∑y∈Γ(s) g(s,y) = 1. Autrementdit, il y a bien une unité de courant entrante. �

En mettant les deux dernières propositions ensemble, une conséquence amusante est obtenue :

Corollaire 3.3.7Pf ui(s→ t) = 1/Ss(s→ t).

DÉMONSTRATION: Exercice. �

Avant de passer de passer à d’autres propriétés utiles des MAS, et de s’en tenir à une présentationsuccincte, supposons dorénavant que G est un graphe k-régulier. Alors, si les valeurs propres de Ksont notées µ′i(G) (en ordre décroissant) il est assez facile de voir que kµ′i = µi où µi sont les valeurspropres de Adj(G) (car le graphe est régulier).

Une quantité amusante et habituelle est le temps de mélange. Elle provient de la question sui-vante : étant donné π la distribution de probabilité uniforme sur G, i.e. ∀x∈ Som(G),π(x)=X(G)−1,combien de temps faut-il attendre pour que la particule initialement lancée en un sommet ait, à peude choses près, autant de chances de se retrouver n’importe où. Il y a plusieurs définitions possible.Celle qui est prise ici convient bien au résultat simple qu’il est possible d’obtenir à partir du travaildéjà accompli.

Définition 3.3.8. Le temps de mélange est la fonction ε 7→ `ε ∈ Z>1 de sorte que

`ε = min{` ∈ Z>0 | ‖π−K`

δx‖2 < ε}

où π est la probabilité uniforme (le vecteur qui vaut 1/n partout, où n =X(G)) et δx est la masse deDirac en x (vecteur qui vaut 1 en x et 0 partout ailleurs.). F

Proposition 3.3.9Soit ρ(G) := max(µ′2, |µ′n|). Alors, pour tout x ∈ Som(G), ‖π−Ktδx‖2 ≤ ρ(G)t . En particulier,

si ρ(G)< 1 alors `ε ≤ lnε

ln ρ(G) .

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Chapitre 3 - COURANTS ET PROBABILITÉS

DÉMONSTRATION: Soit vi les vecteurs propres de valeur propres µ′i de K. Ces vecteurs sont lesmêmes que pour µi de Adj(G), en particulier, le vecteur propre de 1 = µ′1(G) (renormalisé pour êtrede norme 1) est 1√

X(G)1 et la distribution de probabilité uniforme est v1 =

1X(G)1. Soit n = X(G).

Pour t ∈ Z>0,

‖π−Ktδx‖22 = ‖ 1√

n v1−Kt∑i〈vi,δx〉vi‖2

2 = ‖ 1√n v1− 1√

n Ktv1−Kt∑

ni=2〈vi,δx〉vi‖

= ‖∑ni=2〈vi,δx〉µt

ivi‖22 = ∑

ni=2〈vi,δx〉2µ2t

i

≤ ρ(G)2t

où ˜ρ(G) := maxi6=1|µ′i| et la dernière inégalité est obtenue en remarquant que ∑

ni=1〈vi,δx〉2 = ‖δx‖2 = 1

(et, en particulier, si la somme est faite sur moins de terme, elle n’en sera que plus petite). Commeles valeurs propres sont rangées en ordre décroissant, max

i6=1|µ′i| = max(µ′2, |µ′n|) où n = X(G) et µ′n

est la plus petite valeur propre (forcément négative). �

Le lecteur remarquera que la démonstration précédente faite en regardant la MAP K, donne

‖π− Ktδx‖2 ≤

(1+µ′22

)t

puisque, si µ′i sont les valeurs propres de K, alors les valeurs propres de K sont(1+µ′i

2

). Comme elles

seront toutes ≥ 0, la plus grande en valeur absolue est la plus grande (tout court).

Avant de terminer cette section, voici une indication sur les changements à opérer pour unemarche aléatoire “moins simple” ou un réseau électrique dont les résistances ne sont pas touteségales. Chaque arête a un poids qui est inversement proportionnel à sa résistance (la conducti-vité). Soit c : Arê(G)→ R>0 défini par c(e) = 1/r(e). Soit C : Som(G)→ R>0 défini par C(x) =

∑y∈Γ(x) c(x,y) (ceci remplace le degré de x). La MAS (avec ces poids) est alors comme suit : depuis xla probabilité d’aller en y est c(x,y)/C(x). L’opérateur K s’écrit aussi comme un produit de matrice :K = D−1A où (A)xy = c(x,y) et D est une matrice diagonale avec comme entrée correspondant à x,C(x).

3.4 Marches aléatoires sur les graphe infinis

Lorsque le graphe est infini, il est toujours assez simple de discuter de ce qu’est une MAS[marche aléatoire simple] (la définition en terme des Xn ne change pas). Par contre l’objet K quin’était une simple matrice devient un opérateur (de `p(Som(G)) sur `p(Som(G)) ; ce sera l’objetd’une discussion ultérieure). Avant de passer au côté analytique de la théorie, certaines propriétéss’expriment très bien en des termes plus intuitifs.

Une des premières questions qui se posent, c’est de savoir si un marcher aléatoire fini par re-tourner à son point de départ. Sur un graphe fini, c’est une évidence intuitive. La proposition 3.3.9,montre même beaucoup plus (s’il le graphe n’est pas biparti). Si le graphe est biparti, cela reste unexercice simple.

Pour rappel, la notation Po(...) est P(... | la MAS commence en X0 = o).

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3.4 - Marches aléatoires sur les graphe infinis

Définition 3.4.1. Un graphe infini G est récurrent si la probabilité que le sommet de départ soitvisité un nombre infini de fois est 1 :

Po(|{n | Xn = o}|= ∞) = 1

Sinon, la MAS est dite transiente. F

Le théorème principal qui sera démontrer ici est dû à Pólya :

Théorème 3.4.2 (Pólya, 1920)

Soit G un graphe de Cayley de Zd pour S = {±ei ; où i ∈ d}. 6G est transient si et seulement sid ≥ 3. Autrement dit, G est récurrent si et seulement si d = 1 ou 2.

Il est possible d’améliorer ce théorème en montrant qu’il est vrai pour tout ensemble générateur[fini] et symétrique.

Avant de se lancer dans la démonstration, il est de bon goût de faire un petit calcul dans le casle plus simple.

Lemme 3.4.3Soit G le graphe de la ligne, i.e. C∞ ou Cay(Z,{±1}). Alors, pour une MAS commençant en

0, P0(X2n = 0) =1

22n

(2nn

). Lorsque n est assez grand ceci est asymptotiquement (πn)−1/2. En

particulier, l’espérance du nombre de visite de 0 est infinie.

DÉMONSTRATION: Il s’agit d’un calcul assez directe : à chaque étape il y a une chance sur deuxd’ajouter un et une chance sur deux de soustraire un. Le nombre d’ajouts de 1 après n étapes (ap-pelons le Yn) suit une loi binomiale B(n,1/2). Comme le nombre de retraits de 1 est n−Yn, pour seretrouver en 0 après n étapes, il faut que Yn = n/2. Clairement ceci est impossible si n est impair (etdonc P0(X2n+1 = 0) = 0). Si n est pair, c’est 1

22n

(2nn

).

Pour conclure il faut rappeler la formule de Stirling : l’asymptotique exacte de n! est√

2πn(n

e

)n.Par asymptotique exacte, il faut comprendre que le rapport de ces deux quantités tends vers 1 pourn assez grand 7. Ainsi,

122n

(2nn

)=

122n

(2n)!(n!)2 =

122n

(2n)!(n!)2 '

122n

√4πn · (2n)2ne−2n

2πn ·n2ne−2n =1

22n22n√

πn=

1√πn

. �

Le lemme précédent n’implique pas clairement la récurrence. Voici un outil qui sera utile pourconclure

Lemme 3.4.4Soit Z la variable du nombre de retour en o. L’espérance de Z est infinie si et seulement si la

marche est récurrente.

6. La notation de ei correspond à celle dans Rd : ce vecteur vaut 0 sur toutes les coordonnées sauf la ième où il prendla valeur 1.

7. Il est même possible d’estimer l’erreur... mais ce ne sera pas nécessaire ici. Pour information, le premier termed’erreur est de l’ordre de 1

12n .

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Chapitre 3 - COURANTS ET PROBABILITÉS

DÉMONSTRATION: Dans cette démonstration, le temps d’atteinte fera une apparition. Rappelonsque τ

+S est la variable aléatoire de l’entier n > 1 tel que Xn ∈ S. Dans un graphe infini, il est possible

que ceci soit ∞. Un petit abus de notation sera fait en utilisant τ+o pour τ+{o}.

Tout d’abord, si Po(τ+o < ∞) = 1, il est clair que la marche est récurrente. De plus, toujours si

Po(τ+o < ∞) = 1, l’espérance du nombre de visite en o est ∞.

Pour la suite, il sera utile de noter Z la variable aléatoire Z = |{n | Xn = o et n > 0}|, i.e. lenombre de retours en o. Si Po(τ

+o < ∞) = q < 1. Alors

Po(Z = k) = Po(la marche retourne k fois en o) = Po(|{n | Xn = o}|= k) = qk(1−q).

Ceci montre que le graphe n’est pas récurrent. En fait, avec un brin de calcul en plus :

Po(Z < ∞) = ∑k≥0

qk(1−q) = 1.

Ce qui est une négation (en apparence seulement) encore plus forte de la récurrence.D’autre part,

Eo(Z) = ∑k≥0

kPo(|{n | Xn = o}|= k) = (1−q)q ∑k≥1

kqk−1 =q

1−q<+∞.

Au cas où le lecteur ne l’aurait jamais vu avant, l’astuce utilisée pour calculer la somme est que

∑k≥0

qk =1

1−q=⇒ d

dq ∑k≥0

qk =ddq

11−q

=⇒ ∑k≥1

kqk−1 =1

(1−q)2 .

Au final, ceci montre que

G est récurrent ⇐⇒ P(τ+o < ∞) = 1 ⇐⇒ Eo(Z) = ∞. �

Corollaire 3.4.5La MAS sur la ligne (G =C∞ = Cay(Z,{±1})) est récurrente.

DÉMONSTRATION: En effet, par le lemme 3.4.3, l’espérance du nombre de retour en 0 est au moins

∑n≥1 n−1/2 qui est une série divergente. Ainsi, par le lemme 3.4.4, la marche est récurrente. �

Pour passer au cas plus général de Zd , il y a une foule de possibilités. Seules deux seront présentéesici. La première utilise l’analyse de Fourier.

Théorème 3.4.6

Soit G le graphe de Cayley de Zd , avec les générateurs “canoniques” ( i.e. les vecteurs ±ei ;ei vaut 0 sur toutes les coordonnées sauf la ième où il prend la valeur 1). Soit X0 = 0. Alorsl’espérance du nombre de visite en 0 (pour une MAS) est finie si et seulement si d ≥ 3. Parconséquent, la marche est récurrente si et seulement si d = 1 ou 2.

DÉMONSTRATION: Les deux ingrédients cruciaux qui font intervenir l’analyse de Fourier sont lessuivants

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3.4 - Marches aléatoires sur les graphe infinis

(i) Soit µ est la fonction caractéristique de l’ensemble générateur S renormalisé pour que la sommede ses valeurs donne 1. Soit µ∗n, où n≥ 1, la convolution de µ avec elle-même n fois (par convention,µ∗0 = δ0). Pour rappel

f ∗g(k) = ∑n∈Zd

f (k−n)g(k).

Il faut faire une première sous-démonstration (par induction) pour montrer que P0(Xn = x) = µ∗n(x).(ii) Le dual de Zd est le tore de dimension d, i.e. le produit cartésien du cercle d fois avec lui-même :(S1)d =: Td . La transformée de Fourier de f : Zd → R est donnée par

f (θ) = ∑k∈Zd

f (k)e2πık·θ

où θ = (θ1,θ2, . . . ,θd)T est un vecteur avec entrées dans [0,1[ et ı =

√−1. Une formule cruciale

d’analyse de Fourier estf ∗g(θ) = f (θ)g(θ).

(iii) Ceci permet de calculer très facilement la valeur de µ∗n(0). En effet, si fn = µ∗n alors fn(θ) =(µ(θ)

)n. Mais

µ(θ) =1d

d

∑i=1

cosθi, d’où fn(0) =∫Td

(1d

d

∑i=1

cosθi

)n

Par le lemme 3.4.4, c’est l’espérance du nombre de visite en 0 qu’il faut pour conclure la démons-tration :

∑n≥1

fn(0) =∫Td

∑n≥1

(1d

d

∑i=1

cosθi

)n

dθ =∫Td

1− 1d ∑

di=1 cosθi

Le seul éventuel problème dans cette intégrale provient d’une singularité en θi = 0 (∀i). En faisantun développement de Taylor, cosθi ' 1−θ2

i /2, la convergence de cette intégrale est déterminée parla convergence de ∫

Bε(0)

2dθ

∑di=1 θ2

i.

Un changement de variable en coordonnées polaires (d-dimensionnelles) montrent que cette inté-grale converge si et seulement si d ≥ 3. Il est assez clair que c’est la partie qui fera problème. Enintégrant 1

r2 , il y a un terme en rd−1 provenant du changement de variables. La démonstration seramène à : ∫

ε

r=0rd−3dr < ∞ ⇐⇒ d > 2. �

Des calculs plus pointilleux et attentifs que ceux effectuées lors de la démonstration précédente per-mettent de dire que P0(Xn = 0)� n−d/2. Une autre approche possible est d’utiliser l’approximationde la distribution multinomiale par une distribution normal multivariée.

Théorème 3.4.7

Soit G le graphe de Cayley de Zd , avec les générateurs “canoniques” ( i.e. les vecteurs ±ei ; ei

vaut 0 sur toutes les coordonnées sauf la ième où il prend la valeur 1). Soit X0 = 0. Alors, si les

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Chapitre 3 - COURANTS ET PROBABILITÉS

Xn sont données par une MAP,

P0(X2n = 0)�(

2dπn

)d/2

DÉMONSTRATION: Dans une MAP, il y a 2d + 1 possibilités à chaque étape : rester sur placeavec probabilité 1

2 ou bouger dans une des 2d directions avec probabilité 14d . Après n étapes, la

distribution est obtenue à partir d’une loi multinomiale. En effet, si k±i est le nombre de mouvementdans la direction ±ei et ` le nombre de “pause”, la probabilité d’avoir effectués ces mouvements est

M (k+,k−, `;d,n) =(

n!k+1 !k+2 ! · · ·k+d !k−1 !k−2 ! · · ·k−d !`!

)1

(4d)n−`12`,

où `+∑i k+i +∑i k−i = n.Pour trouver l’approximation par une loi normale multivariée, il faut connaître le vecteur des

moyennes µ et la matrice des variances V . Mais avant il faut réduire une variable : si les k+i et lesk−i sont connus, alors le nombre de pauses est lui aussi connu (car n est fixé). La densité de la loinormale multivariée (de dimension 2d) est

f (x) = (2π)−d |DetV |−1/2e−12 (x−µ)TV−1(x−µ)

Si le nombre de pauses dans la loi multinomiale est oublié, le vecteur des moyennes de nos variables(avec les paramètres donnés ; avec n étapes) est n

4d 1 (de longueur 2d). La matrice des variances estV =− n

16d2 J+ n4d Id où J est la matrice remplie de 1 (de taille 2d×2d). Les valeurs propres de J sont

0 (de multiplicité 2d−1) et 2d. Ainsi celle de V sont n4d (de multiplicité 2d−1) et n

8d .Il faut alors intégrer la densité f correspondante sur le domaine D= {x∈R2d | |xi−xd+i|< 1/2}

(l’approximation de k+i − k−i 1 = 0 est un épaississement à une intervalle de longueur 1). Il vautmieux passer par un changement de variable : z donné par zi =

1√2(xi− xd+i), z2d = 1√

2d ∑xi et lesautres composantes étant donné en complétant le changement de base orthogonalement. Les zi sontalors des vecteurs propres de V . En outre, z2d peut varier dans tout R. Ceci permet de négliger lamoyenne (en faisant choisi de sorte∫

D′f (x) =

∫D′(2π)−d

√2(

n4d

)−d

exp[− 4d

n z22d− ∑

i 6=2d

2dn z2

i

]dz.

où D′ = {z ∈ R2d | |zi| < 1/2 pour 0 ≤ i ≤ d}. Ensuite, un changement de variable yi = (4dn )1/2zi

si i 6= 2d, y2d = (8dn )1/2z2d est effectué. L’intégrale de densité est alors (il était possible de s’en

douter) : ∫D′′(2π)−dexp

[12 ∑

iy2

i

]dy

où D′′ = {y ∈R2d | |yi|<√

dn pour 0≤ i≤ d}. Soit I = {y ∈R | |y|<

√dn}. L’intégrale (qui donne

la probabilité de retour en 0 après n étapes) vaut(∫∞

−∞

(2π)−1/2e−12 y2)d(∫

I(2π)−1/2e−

12 y2)d

141

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3.5 - Arbres aléatoires uniformes

La première des deux intégrales vaut 1, et il n’est pas difficile de se convaincre que la seconde vautenvirons 2(2π)−1/2

√dn pour n assez grand 8. Ainsi, l’asymptotique obtenue est

(2dπn

)d/2

. �

Lorsque d = 1, une comparaison avec le lemme 3.4.3 donne

PMAS(X2n = 0)� 1√πn

et PMAP(X2n = 0)� 1√πn

.

Évidemment, le théorème 3.4.7 implique le théorème 3.4.6 grâce au lemme 3.4.4 (et modulo unargument assez intuitif qui dit que la MAS est récurrente si et seulement si la MAP l’est).

EXERCICE 217: Soit Tk est l’arbre infini k-régulier (avec k > 2). Montrer que Tk est transient.[Indice : se ramener à une marche sur Z qui est biaisée : elle a plus de chance d’aller d’un côté que de l’autre.

EXERCICE 218: Montrer que, dans Tk, E0(dist(Xn,0)

)� n (où � veut dire un comportement

asymptotique à une constante multiplicative près).

EXERCICE 219: Soit Tf un arbre infini tel que le degré des sommets à distance n d’un sommet ofixé est f (n)+1. Tenter de trouver une condition faible sur f (n) pour que cet arbre soit transient.

EXERCICE 220: Utiliser le théorème central limite pour montrer que, dans Zd , E0(dist(Xn,0)

)�

√n (où � veut dire un comportement asymptotique à une constante multiplicative près).

EXERCICE 221: Montrer que la récurrence ne dépend pas du choix de o : si le graphe est récurrent,tous les sommets seront [presque sûrement] visités un nombre infini de fois...

3.5 Arbres aléatoires uniformes

Dans les sections précédentes, la variable aléatoire qui était au centre de l’intérêt était un sommetdu graphe. Mais rien n’empêche de prendre une variable aléatoire qui est un sous-graphe. Un casqui s’est avéré très intéressant pour les informaticiens est celui de l’arbre aléatoire. En fonction dela distribution recherchée, les propriétés de ces arbres aléatoires sont reliés à d’autres phénomènes.Seront esquissés ici deux cas : la distribution uniforme et la MAS, la distribution “minimale” et lapercolation.

Définition 3.5.1. Soit G un graphe [non-orienté] multiple avec lacet. L’arbre couvrant uniformealéatoire est la variable aléatoire Tuni de sorte que, si T est un arbre couvrant P(Tuni = T ) = 1/N oùN est le nombre d’arbres couvrants de G. F

Comme le théorème Arbre-Matrice 1.4.4 le montre, N est généralement très grand. Il paraîtainsi a priori impossible de simuler cette variable aléatoire de manière satisfaisante. Heureusement,il existe un algorithme très efficace pour ce faire.

Étant donné un sous-graphe (non-couvrant) H. Soit x /∈ Som(H). La H-chaîne aléatoire à cycleseffacés commençant en x est la chaîne obtenue en prenant une marche aléatoire qui commence en

8. Il suffit d’écrire e−12 y2' 1− y2/2, d’où

∫ε

−εe−

12 y2' 2ε− ε3/3

142

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Chapitre 3 - COURANTS ET PROBABILITÉS

x et en l’arrêtant lorsqu’elle atteint un sommet de H. Afin d’obtenir une chaîne, tous les cycles (ourebonds) accomplis pendant la marche aléatoire sont ignorés (ou effacés) et l’orientation est ignorée.

Par exemple, si la marche aléatoire donne une marche x0x1 . . .xn avec x0 = x et xn ∈ H, alorsil faut d’abord regarder si il existe i et j tels que xi = x j. Si c’est le cas cette marche est réduite àx0x1 . . .xi−1xix j+1 . . .xn. Ce procédé est itéré jusqu’à obtenir un chemin, puis l’orientation est oubliéepour avoir une chaîne.

Théorème 3.5.2 (Wilson, 1996)Soit o un sommet fixé. Soit {Ti}n

i=1 la famille d’arbre construite comme suit. T1 est composéd’un unique sommet : o. Si Ti n’est pas un arbre couvrant, Ti+1 est obtenu de Ti en y ajoutant uneTi-chaîne aléatoire à cycles effacés commençant en sommet au hasard dans Som(G)rSom(Ti).Alors, pour un certain n ≤ X(G), Tn est un arbre couvrant. De plus, si T est un arbre fixé, ceprocédé donne T avec probabilité 1/N où N = τ(G) est le nombre d’arbre couvrants de G.

IDÉE DE LA DÉMONSTRATION: Il est évident qu’un arbre couvrant est obtenu au final, car X(Ti)≥ i(au moins un sommet est ajouté à chaque étape). Il faut ensuite se convaincre que (comme l’arbrefinal est couvrant) la probabilité qu’un cycle soit effectué au cours des marches aléatoire ne dé-pend pas de l’arbre final obtenu. Ainsi, la probabilité que les marches aléatoires aient fait les choixd’arêtes qu’elles ont fait (et que les cycles C1, . . . ,Ci furent effacés) est(

∏x∈Som(G)r{o}

1d(x)

)(∏x∈Ci

1d(x)

).

Il faut ensuite sommer sur toutes les possibilités de cycles ; mais, comme mentionné précédemment,les cycles effectués ne dépendent pas de l’arbre final. Au final, cette probabilité ne dépend pas del’arbre, ainsi tous les arbres sont obtenus avec la même probabilité, i.e. c’est la distribution uniforme.Il ne s’agit que d’une idée de la démonstration, il y a bien sûr des points non-triviaux qui sont balayéssous le tapis. �

Corollaire 3.5.3Soit g le courant d’une unité dans le réseau électrique (G,r ≡ 1,{s, t}) où s et t sont voisins

dans G. Soit Tuni l’arbre aléatoire uniforme sur G. Alors

P({s, t} ∈ T ) = |g(s, t)|

DÉMONSTRATION: Il s’agit d’une application directe du théorème de Kirchhoff 3.1.8 : dans lanotation de ce théorème, N(s,s, t, t) est exactement le nombre d’arbre qui contiennent l’arête {s, t}(et N(s, t,s, t) = 0). �

Il est possible de généraliser ce résultat. Soit g~e le courant obtenu dans le réseau électrique (G,r ≡1,{s, t}) où une unité de courant entre en s = s(~e) et sort en t = c(~e). Dans le cas k = 2, le résultatsuivant apparaît déjà dans Brooks, Smith, Stone et Tutte (1940).

143

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3.5 - Arbres aléatoires uniformes

Théorème 3.5.4 (Burton & Pemantle, 1993)P(e1,e2, . . .ek ∈ T ) = DetM où (M)i j = g~ei(~e j) est une matrice de taille k× k.

Plusieurs lemmes seront nécessaire à la démonstration de ce théorème. Mais il est probablementplus utile de commencer par une remarque : le déterminant de M ne dépend du choix d’orientationdes arêtes. En effet, la matrice avec~ei = (x,y) est obtenue de la matrice avec~ei = (y,x) en multipliantune ligne et une colonne par −1. Ainsi, le signe du déterminant ne change pas.

Le premier lemme est une nouvelle façon de calculer (plutôt de voir) le courant qui traverse unearête.Lemme 3.5.5

Soit~e = (s, t) ∈ Flè(G) et χ~e la fonction qui vaut toujours 0 sauf χ(s, t) = 1 et χ(t,s) =−1. Soitg la projection orthogonale de χ~e sur B = Im∇. Alors g = g~e.

DÉMONSTRATION: Comme g ∈B (et r ≡ 1), il satisfait la LPK. Il faut montrer que la LCK tientaussi. Pour ce faire, il faut vérifier que pour tout x∈ Som(G)r{s, t}, 〈g,b{x}〉= 0. Mais, de manièrecomplètement générale (dans un espace hilbertien), si v ∈ B et PB est la projection orthogonale surB, alors 〈PBw,v〉= 〈w,v〉. Or, ici, g = PBχ~e, d’où

〈g,b{x}〉= 〈PBχ~e,b{x}〉= 〈χ~e,b{x}〉= 0

Car b{x} est supportée sur les arêtes incidentes en x et χ~e sur une arête différente (x /∈ {s, t}). Lemême argument (avec x = s puis x = t) donne que le courant entrant et sortant est tel qu’annoncé.

Le second lemme est une amélioration du premier, il sert à calculer le courant dans un grapheobtenu par un contraction de certaines arêtes. Cette question est naturelle : les arbre couvrants de Gqui contiennent l’arête e sont en bijection avec les arbres couvrants de G/e.Lemme 3.5.6

Soit F une forêt dans G. Soit H = G/F le graphe obtenu par la contraction de toutes les arêtesdans F et soit f : Som(G)→ Som(H) l’application surjective associée. Soit B = Vect〈b f−1(S) |S ⊂ Som(H)〉 les coupes de H vues dans G. Soit Q l’espace vectoriel engendré par les g~e poure ∈ Arê(F). Alors BG = B⊕Q et, conséquemment, PB = P⊥QPBG .

DÉMONSTRATION: Ce qui nous intéresse c’est de trouver une décomposition orthogonale de BG

de sorte que la projection PB puisse s’exprimer en termes de projections sur des espaces définis surle graphe G.

Soit F = Vect〈χ~e | e∈Arê(F)〉, alors Q = PBGF . Étant donné un cycle (ou un lacet) dans H, illui correspond un unique cycle dans G (car F est une forêt). Ainsi, ZH est naturellement identifié àZG. L’orthogonal de B est précisément Z =ZG+F : un élément de B est nul sur F et orthogonalà ZH = ZG.

D’une part ZG ⊂ Z et (donc) B ⊂BG (car la relation d’inclusion est inversée pour les ortho-gonaux), et de l’autre, les deux décompositions orthogonales suivantes sont claires :

RArê(G) = B⊕ Z = BG⊕ZG.

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Chapitre 3 - COURANTS ET PROBABILITÉS

Ainsi, pour trouver la décomposition orthogonale de BG, il faut identifier :

BG∩ Z = PBG(ZG⊕F ) = PBGF = Q.

Ainsi, la décomposition BG = B⊕Q est obtenue. �

La démonstration suivante est tirée de Benjamini, Lyons, Peres et Schramm (1997).

DÉMONSTRATION DU THÉORÈME 3.5.4 : Comme aux lemmes précédents, les courants g~e peuventêtre vus comme des vecteurs (sur les arêtes).

Il faut tout d’abord montrer que le déterminant est 0 si les arêtes forment un cycle. En effet,si certaines arêtes forment un cycle, il est possible de changer l’orientation pour faire en sorteque ~e1~e2 . . .~ei soient les flèches d’un circuit. Soit g = g~e1 + g~e2 + . . .+ g~ei . Alors g est un courantélectrique mais où aucun courant n’entre ni ne sort. Par conséquent, g = 0. En particulier, il y a unerelation linéaire dans les lignes correspondantes de la matrice M. Par conséquent, DetM = 0.

Ensuite,〈g~e,g~e′〉= 〈PBχ~e,PBχ~e′〉= 〈PBχ~e,χ~e′〉= 〈g~e,χ~e′〉= g~e(~e′).

Ainsi, la matrice M est une matrice de Gram, i.e. de la forme (M)i j = 〈vi,v j〉. Son déterminant est lecarré du volume du parallélépipède engendré par les vecteur. Plus précisément, DetM = p2

kDetM|k−1

où M|k−1 est la mineure principale sur les k−1 premières lignes (et colonnes) et pk est la distanceentre vk est le plan engendré par les {vi}k−1

i=1 . Géométriquement, pk est la hauteur (du parallélé-pipède) par rapport à la base engendrée par les vecteurs précédents. En itérant, il apparaît queDetM = ∏

ki=1 p2

i où pi est la hauteur sur la base des i−1 premiers vecteurs (et p1 = ‖v1‖).Reste à montrer que p2

k = P(ek ∈ T | e1, . . .ek−1 ∈ T ). En effet, si ceci était avéré, il seraitpossible de conclure (en itérant) que

DetM=P(ek ∈ T | e1, . . .ek−1 ∈ T )P(ek−1 ∈ T | e1, . . .ek−2 ∈ T ) · · ·P(e2 ∈ T | e1 ∈ T )P(e1 ∈ T )=P(e1,e2, . . .ek ∈ T )

Pour la hauteur p21, c’est le contenu du corollaire 3.5.3 :

‖g~e1‖2 = 〈g~e1 ,g~e1〉= g~e1(~e1) = P(e1 ∈ T )

Avec plusieurs arêtes, il faut comprendre que P(ek ∈ T | e1, . . .ek−1 ∈ T ) est la probabilité P(ek ∈ T ′)où T ′ est l’arbre aléatoire uniforme sur G′ = G/F , la contraction de G par la forêt F dont les arêtessont {e1, . . .ek−1}.

Par le lemme 3.5.6, il apparaît que PBG/F χ~ek = P⊥QPBGχ~ek = P⊥Qg~ek . Comme Q est exactementl’espace engendré par les courants g~ei (pour i ∈ k−1), cette quantité est bel et bien pk. �

Lorsque k = 2, le théorème précédent s’interprète comme un calcul de la covariance entre l’évé-nement e1 ∈ Tuni et e2 ∈ Tuni.

Corollaire 3.5.7Les covariances des variables aléatoires définies par Xi = 1 si ei ∈ Tuni et 0 sinon est négative.

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3.6 - Percolation

Autrement dit, E(X1X2)−E(X1)E(X2)< 0

DÉMONSTRATION: Par définition, E(Xi) = P(ei ∈ Tuni) et E(X1X2) = P(e1 et e2 ∈ Tuni). Par lethéorème 3.5.4,

E(X1X2)−E(X1)E(X2) = P(e1 et e2 ∈ Tuni)−P(e1 ∈ Tuni)P(e2 ∈ Tuni)

= g~e1(~e1)g~e2(~e2)−g~e1(~e2)g~e2(~e1)−g~e1(~e1)g~e2(~e2)

=−g~e1(~e2)g~e2(~e1).

Puis, grâce au lemme 3.5.5, −g~e1(~e2)g~e2(~e1) =−〈χ~e1 ,PBχ~e2〉2 < 0. �

EXERCICE 222: Soit G un graphe planaire et G∗ son dual (la notation e∗ signifie l’arête corres-pondante à e ∈ Arê(G) dans G∗). Pour T un arbre couvrant de G, soit T ∗ définit par Arê(T ∗) ={e∗ ∈ Arê(G∗) | e /∈ T}.

a- Montrer que T ∗ est un arbre couvrant de G.

b- Qu’en est-il si G était un graphe qui polygonalise une surface Σ plutôt qu’un graphe pla-naire ?

c- Soit maintenant G un graphe infini planaire tel que G∗ n’a que des sommets de degrés finis(ce n’est pas automatique !). Montrer que si T a deux bouts, alors T ∗ a deux composantesconnexes.

d- Toujours sous les hypothèses de c-, montrer (néanmoins) que T ∗ est une forêt couvrante.

L’exercice précédent (pour les graphes finis) permet de créer des labyrinthes de manière assezsatisfaisante :1- Étant donné un graphe planaire (par exemple une grille), l’algorithme de Wilson est utilisé pourréaliser un arbre aléatoire.2- Le sommet de G∗ qui correspond à la face non-bornée est remplacé par une courbe qui entourele graphe G. En perçant deux trous dans cette courbe, l’arbre T ∗ donnera un labyrinthe.

3.6 Percolation

3.6.i Les graphes finis

Une autre notion d’arbre aléatoire est reliée à la percolation. Il y a normalement deux typesde percolation : sur les sites (i.e. sommets) et sur les liens (i.e. arêtes). C’est la seconde qui seraeffleurée dans ce petit texte.

Définition 3.6.1. Soit {Ze}e∈Arê(G) des variables aléatoires identiquement et indépendamment dis-tribuées (raccourci par i.i.d. ; il y en a m = e(G)) dont la loi est la loi uniforme sur [0,1]. Soitw : Arê(G)→ [0,1] le poids (aléatoire) sur les arêtes donné par w(e) = Ze. Appelons la variablealéatoire w le poids de percolation.

Soit G un graphe [non-orienté] multiple avec lacet. L’arbre couvrant minimal aléatoire est lavariable aléatoire Tmin est l’arbre de poids minimal pour w.

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Chapitre 3 - COURANTS ET PROBABILITÉS

Le graphe G à percolation [de Bernoulli] p, noté G[p], est le sous-graphe aléatoire de G obtenuen ne gardant que les arêtes e ∈ Arê(G) telles que w(e)< p. F

Il y a un petit point qui demande clarification dans cette définition. En effet, la seule conditionqui assure (en général) que l’arbre de poids minimal soit unique est que w soit injective (e.g. regarderle graphe complet). Cependant, comme le poids des arêtes suit une loi uniforme, la probabilité quedeux arêtes aient le même poids est nulle. Ainsi, avec probabilité pleine (autrement dit, w-presquesûrement 9 ; raccourci w-p.s.) il est possible de définir l’arbre de poids minimal associé au poids depercolation.

Il y a assez peu de résultats de percolation (ou sur l’arbre aléatoire minimal) sur les graphesfinis. La plupart des résultats sont des résultats de types asymptotiques, c’àd. une suite de graphes{Gn} sont donnés et c’est les propriétés du graphe G[pn] (pour une certaine suite de pn) ou l’arbrealéatoire minimal sur Gn qui sont étudiées.

Avant de passer à des résultats à proprement parler sur la mesure de l’arbre uniforme aléatoire,il est de bon ton de revenir (historiquement) en arrière et de regarder le modèle dit de Erdos-Rényi 10

des graphes aléatoires. Il s’agit du graphe aléatoire Kn[p]. Autrement dit, pour n’importe quelle pairede sommets, un arête est présente avec probabilité p.

Théorème 3.6.2 (Erdos)

Soit s ∈ Z>2. Soit r(a,b) le plus petit entier 11tel que pour tout graphe G tel que X(G)≥ r(a,b)soit α(G)≥ a soit ω(G)≥ b. Alors r(s,s)≥ 2s/2.

DÉMONSTRATION: L’idée est de regarder le graphe aléatoire Kn[12 ]. Au lieu de prendre ou laisser un

arête, c’est le langage des colorations qui sera utilisé. Disons qu’une arête est noire (présente) avecprobabilité 1

2 ou blanche (absente) avec probabilité 12 . Étant donné S sommets un sous-ensemble

de sommets avec |S| = s, soit . Y (S) la variable aléatoire qui vaut 1 si le graphe induit sur S estmonochromatique et 0 sinon. Alors E(Y (S)) = 2−(

s2)2, puisqu’il y a

(s2

)arêtes possibles sur ces

sommets.

En particulier, l’espérance du nombre de graphes induits monochromatiques est, par la linéaritéde l’espérance

∑|S|=s

E(Y (S)) =(

ns

)21−(s

2).

Or dans une instance de Kn[12 ] ce nombre est toujours un entier. Ainsi, tant que cette espérance

est ∈ [0,1[, il doit y avoir une coloration pour lequel ce nombre est 0. Par conséquent, pourvu que(ns

)< 2(

s2)−1, il existe un graphe sur n sommets de sorte que toute clique et tout ensemble stable

9. Ici w est perçu comme une mesure (la mesure produit de la mesure de Lebesgue) sur [0,1]|Arê(G)|.10. La définition via la loi sur les arêtes n’est en réalité pas celle de Erdos & Rényi. Ces derniers fixait un nombre

d’arête et les distribuait aléatoirement sur les sommets. La variante présentée ici fut introduite par [ ?]. Cependant lesrésultats principaux sur ces graphes étant dus à Erdos & Rényi (et les deux modèles se comportant de manière trèssimilaire), c’est leur nom qui est resté.)

11. Autrement dit, si G est un graphe de sorte que toute clique et tout ensemble stable soient de cardinal < s alorsX(G)< r(s,s).

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3.6 - Percolation

soient de cardinal < s. En prenant n = 2s/2, il reste à vérifier que cette espérance est bien < 1 :(ns

)21−(s

2) <2ns

s!2s(s−1)/2 =22s2/2

s!2s(s−1)/2 =2

s2+1

s!.

Effectivement, si s≥ 3, ce nombre est bien < 1. �

En utilisant l’exercice 117 puis la formule de Stirling, la borne supérieure pour ces nombres deRamsey “diagonaux” est

r(s,s)≤(

2s−2s−1

)� 4s−1√

(s−1)π.

La question de savoir quelle est la croissance exacte de r(s,s) est ouverte depuis fort longtemps(i.e. trouver limsup

s→∞

lnr(s,s)s ou liminf

s→∞

lnr(s,s)s ) 12. Une autre question ouverte est de trouver une tech-

nique explicite pour construire des graphes qui sont très loin de produire une méthode explicite deconstruction. En effet, trouver une

La démonstration du théorème 1.9.6 est basée sur le même principe : le graphe n’est pasconstruit, mais son existence est assurée par le fait que la probabilité d’en construire un au hasardest > 0.

Tout comme il y a une formule plus ou moins explicite pour calculer la présence d’un arbre dansl’arbre aléatoire uniforme, il y en a une pour l’arbre aléatoire minimal.

Proposition 3.6.3 (Lyons & Peres, 2010)

Soit G un graphe connexe [sans lacet]. Étant donné F ⊂ Arê(G), soit N(F) = e(G)−|E(F,F)|le nombre d’arêtes de G qui ne deviennent pas des lacets dans la contraction G/F . Soit

N′(e1, . . . ,ek) =k−1

∏i=0

N({e1, . . . ,ei})

Soit T = {e1, . . . ,en−1} un arbre couvrant de G (où n = X(G)) alors

P(Tmin = T ) = ∏σ∈Sn−1

N′(eσ(1),eσ(2), . . . ,eσ(n−1))

Avant d’entamer la démonstration, il y a deux remarques importantes à faire. La première est que ladéfinition de N(∅) est le nombre d’arêtes de G qui ne sont pas des lacets 13 (i.e. N(∅) = e(G)). Laseconde est que ek N’intervient PAS dans N′(e1,e2, . . . ,ek).

DÉMONSTRATION: Pour démontrer ce résultat il suffit d’appliquer l’algorithme de Prim (voir lafin de la section 1.7), c’àd. construire l’arbre arête par arête : prendre l’arête de poids minimal, puisà chaque étape ajouter une arête de poids minimal (parmi celles qui ne créent pas de cycles). Uneautre façon d’exprimer cette algorithme est : prendre l’arête de poids minimal parmi celles qui nesont pas un lacet, puis la contracter ; réitérer jusqu’à ce qu’il n’y ait plus qu’un sommet.

12. Il n’est pas difficile d’améliorer très légèrement la borne inférieur du théorème précédent par quelque chose dontl’asymptotique est s2s/2/e

√2. Mais au niveau de la croissance exponentielle, cela ne change rien.

13. Lorsqu’il est question d’arbres, en particulier, d’arbres aléatoires) la présence de lacet peut toujours être négligée.

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Chapitre 3 - COURANTS ET PROBABILITÉS

Afin de mieux tenir en compte la dépendance sur le graphe, la notation N(G;F) = N(F) serautilisée. En particulier, N(G/F ;∅) =N(G;F). Si e n’est pas un lacet, la probabilité qu’elle soit priseen premier (i.e. qu’elle soit de poids minimal) est N(G,∅)−1. De plus, si c’est le cas, la distributionsur les arêtes qui ne sont pas des lacets dans G/e reste uniforme (sur un intervalle plus petit). Ainsi,la probabilité de prendre f en second est N(G/e;∅)−1 = N(G;{e})−1. Ce processus s’itère sansproblème. La probabilité que les arêtes de T soient prises dans l’ordre eσ(1),eσ(2), . . . ,eσ(n−1) estconséquemment de

n−2

∏i=1

N(G/{eσ(1),eσ(2), . . . ,eσ(i−1)};∅) = N′(eσ(1),eσ(2), . . . ,eσ(n−1)).

En prenant la somme sur toutes les permutations, tous les ordres possibles sont pris en compte. Cecidonne bien la probabilité d’obtenir T . �

Un exercice intéressant est de voir que, contrairement à ce que le corollaire 3.5.7 donne pourl’arbre uniforme, la corrélation n’est pas toujours négative pour l’arbre minimal. Un exemple dececi est le graphe G obtenu de K4 en prenant deux arêtes qui n’ont pas d’extrémités communes eten les remplaçant par 3 arêtes (de même extrémité, i.e. elles sont triplées).

Une famille de variables aléatoires intéressantes qui est reliée à Tmin est

X(e) = inf{max

e′∈Pw(e′) | P est une chaîne entre les extrémités de e dans G− e

}.

En effet, l’ensemble (aléatoire) {e | w(e) < X(e)} forme alors un graphe acyclique couvrant (ergoune forêt couvrante). Pour montrer que c’est une fprêt, un lemme préparatoire est nécessaire. Ilcorrespond à une formulation “duale” de ces variables.

Lemme 3.6.4

X(e) = sup{ min

e′∈∂Srew(e′) | S⊂ Som(G) et e ∈ ∂S}.

DÉMONSTRATION: Étant donné P une chaîne qui relie les extrémités de e et ∂S une coupe quicontient e alors P∩ (∂Sr e) 6= ∅ et, en particulier, max

e′∈Pw(e′) ≥ min

e′∈∂Srew(e′). Ceci montre une des

deux inégalités (≥)qui se cachent dans l’égalité annoncée.

Pour montrer l’inégalité inverse, soit x une extrémité de e et S la composante connexe de x dans(G− e)[X(e)] (le graphe aléatoire obtenu de G− e en ne gardant que les arêtes avec w(e)< X(e)).Par définition de S et de X(e), l’autre extrémité de e ne sera pas dans cette composante connexe.Ainsi e ∈ ∂S. Toujours par définition, un chemin qui relie les extrémités de e aura forcément unearête de poids supérieur à X(e). Ceci démontre l’autre inégalité (≤). �

Proposition 3.6.5L’ensemble (aléatoire) {e | w(e)< X(e)} forme un arbre couvrant.

DÉMONSTRATION: La définition de X(e) implique qu’il est w-p.s. acyclique. D’autre part, le lemme3.6.4 montre que c’est w-p.s. un graphe connexe. �

149

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3.6 - Percolation

3.6.ii Les graphes infinis

La percolation sur les graphes vient d’une modélisation élémentaire de certains phénomènesphysiques. La raison qui fait que la plupart des résultats se concentrent sur des phénomènes asymp-totiques provient du fait que la plupart des systèmes contiennent facilement un millième de mol ;un graphe avec 1020 sommets n’est “pas loin” d’être infini. Avant de clore cette section, il seraitdommage de ne pas présenter un résultat.

Définition 3.6.6. Soit G un graphe dénombrable. Soit x,y ∈ Som(G). Alors τp(x,y) est la proba-bilité que x et y soient dans la même composante connexe de G[p]. Cp(x) désigne la composanteconnexe de x dans G[p]. Soit

pT (G) = sup{p ∈ [0,1] | E(|Cp(x)|)<+∞}pc(G) = inf{p ∈ [0,1] | P(|Cp(x)|=+∞)> 0}pu(G) = inf{p ∈ [0,1] | il n’y a (w-p.s.) qu’une seule composante connexe infinie}

F

Un point reste à clarifier dans cette définition : pT ou pc dépendent-ils de x ? Si y est un autresommet à distance d = d(x,y), alors τp(x,y) ≥ pd . Du coup, pc ne peut pas dépendre du point :P(|Cp(y)|=+∞)≥ pdP(|Cp(x)|=+∞). Pour ce qui est de pT , il en va de même : pdE(|Cp(x)|)≤E(|C(y)|).

Si la probabilité que |Cp(x)|= ∞ est positive, alors l’espérance de son cardinal est infinie. Évi-demment, si il y a une seule composante connexe infinie, la probabilité que x soit dedans est positive.Ainsi pT ≤ pc ≤ pu. Les trois “seuils de percolation” sont les objets d’études “de base” en perco-lation (il y en a une foule d’autres !).

Pour commencer, il est assez facile de montrer qu’ils ne sont pas tous = 0 (mais ils peuvent êtretous = 1).

Théorème 3.6.7

Soit G un graphe dénombrable de degré maximal ∆. Alors pu(G)≥ pc(G)≥ pT (G)≥ 1∆−1 .

DÉMONSTRATION: Une borne supérieur évidente pour τp(x,y) est ∑n≥1 pncn(x,y) où cn(x,y) est lenombre de chaînes entre x et y de longueur n. Ainsi, par linéarité de l’espérance

E(|Cp(x)|)≤ ∑y∈Som(G)r{x}

τp(x,y)≤ ∑y∈Som(G)

∑n≥1

pncn(x,y)≤ ∑n≥1

pncn(x),

où cn(x) est le nombre de chaînes ayant une extrémité en x. Grâce à la borne sur le degré, cn(x) ≤∆(∆−1)n−1, d’où, si p(1−∆)< 1, il apparaît que

E(|Cp(x)|)≤ ∑n≥1

pn∆(∆−1)n−1 = p∆ ∑

i≥0[p(∆−1)]i =

p∆

1− p(1−∆).

En particulier, E(|Cp(x)|)< ∞ si p < (∆−1)−1. �

Lorsque ∆ = 2 (par exemple pour C∞), ce théorème confirme l’intuition que pT = pc = pu = 1.Pour un graphe assez simple (e.g. un arbre infini 3-régulier), il n’est pas totalement trivial de

calculer la valeur de ces trois seuils (sauf pu qui est manifestement = 1). Il y a une conjecture à ce

150

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Chapitre 3 - COURANTS ET PROBABILITÉS

sujet. Un graphe G satisfait le profil isopérimétrique ISd (où ∃d ∈ R>1) s’il existe un K ∈ R>0 tel

que ∀F ⊂ Som(G) fini, |F |d−1

d < K|∂F |. La conjecture est que pc < 1 dès que G satisfait un profilisopérimétrique IS1+ε.

S’il était admis de prendre d → ∞ dans les profils isopérimétrique 14, alors cela donnerait lacondition ISω : il existe un K ∈ R>0 tel que ∀F ⊂ Som(G) fini, |F | < K|∂F |. Cette condition estéquivalente à dire que h(G)> 0.

Une des bornes supérieures “simples” sur pc, vient précisément de h(G)> 0.Proposition 3.6.8 (Benjamini & Schramm, 1996)

Si h := h(G)> 0 alors pc < (1+h)−1.

DÉMONSTRATION: Il s’agit d’une estimation de P(|Cp(x)| = n). Pour ce faire, soit donnée uneénumération des arêtes {e1,e2, . . .}. Les arêtes sont examinées dans l’ordre, en regardant d’abord lapremière qui a une extrémité en x. Si elle est présente dans G[p], la composante connexe contient unpoint de plus. Puis, la prochaine arête examinée a (exactement) une extrémité dans la composanteconnexe, etc...

Si cette composante connexe C avait n sommets, le nombre d’arête examinée et présentes dansG[p] serait au moins de n− 1 tandis que le nombre d’arêtes examinées fermées serait au moins de|∂C| ≥ hn. Si le processus de percolation ne contenait que N arêtes (avec N très grand par rapport à(h+1)n)

P(|Cp(x)|= n)≤ P(Une binomiale B(p;N) a hn échecs parmi les (h+1)n premiers jets)

où B(p;n) correspond à N lancers (indépendants) qui ont une probabilité p d’être un succès. Eneffet, si q = 1− p < h

h+1 (i.e. p > (h+1)−1), des estimés “standards” sur la déviation de l’espérance(e.g. Azuma-Hoeffding 15) permettent de voir que cette probabilité est ≤ e−Cn où C = 2[(h+1)p−1]2.

Ainsi (toujours en supposant que p > (h+1)−1), il s’ensuit que pour un np assez grand 16,

P(np ≤ |Cp(x)|< ∞)≤ 1/2.

Pour voir que ceci implique P(|Cp(x)|= ∞)> 0, il faut se permettre de tricher un peu : au momentde tester une dernière arête qui déconnecterai la composante de x, elle sera automatiquement prisesi la composante actuelle n’a pas cardinal > np. La probabilité avec tricherie que x soit dans unecomposante connexe infinie est ≥ 1/2. De la sorte, il apparaît que P(|Cp(x)|= ∞)≥ 1

2 pnp (car avecprobabilité pnp la composante connexe est de taille ≥ np et il n’est pas nécessaire de tricher). �

14. Il existe des graphes (même, des graphes de Cayley) qui satisfont ISd pour tout d > 1, sans toutefois satisfaire lacondition ISω.

15. Si Xi sont des variables aléatoires à valeurs dans [−1,1] avec E(Xi) = 0 et E(∏k Xik ) = 0 pour n’importe quelsindices i1 < i2 < .. . < in alors, ∀L > 0, P(∑n

i=1 Xi > L) ≤ exp(−2L2/n). Ici, chaque Xi est une variable aléatoire quiprend valeur p avec probabilité (1− p) et valeur −(1− p) avec probabilité p. Comme elles sont indépendantes (etd’espérance 0), la condition sur le produit des espérances est vérifiée. Enfin, l’événement qui nous intéresse est réalisélorsque L= hnp−n(1− p) = n[p(h+1)−1] (qui est > 0 lorsque p> (h+1)−1) et 2L2/n=Cn avec C = 2[(h+1)p−1]2.

16. Le calcul de la somme montre que np ≤ − 1C ln[ 1

2 (1− e−C)]. Pour ε := p(h+ 1)− 1 proche de 0, cette bornesupérieure est '− lnε/ε2.

151

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3.6 - Percolation

Au cours de la démonstration, il apparaît que P(|Cp(x)| < ∞) ≤ e−C

1−e−C , d’où P(|Cp(x)| = ∞) ≥1−2e−C

1−e−C . Même si p = 1, cette borne est loin d’être optimale (puisque P(|Cp(x)| = ∞) = 1) : elle ne

donne un nombre positif que si h≤√

12 ln2' 0,5887...

Cette borne simple permet déjà de calculer pc (et pT ) pour les arbres réguliers (voir exercice224). L’argument précédent peut être améliorer pour s’adapter aux graphes finis. Sur un graphe finih(G) est toujours > 0. En faisant attention, il est possible de montrer que la probabilité d’avoir unecomposante connexe avec au moins |Som(G)|/2 sommets est positive lorsque p > (h+1)−1.

La seconde borne simple est pour les graphes planaires.Proposition 3.6.9 (“L’argument de Peierls”)

Soit G un graphe planaire qui vérifie les deux conditions suivantes : [1] les sommets de G∗

(son dual) sont de degrés bornés par ∆∗ et [2] G est tel que pour toute suite d’ensembles finisXi ⊂ Som(G) avec |Xi| → ∞ alors |∂Xi| → ∞. Alors pc(G)≤ 1− (∆∗−1)−1.

DÉMONSTRATION: Par le lemme 2.6.31, une coupe de G correspond à un cycle de G∗. Comme lesarêtes de G et G∗ sont les mêmes, le poids de percolation w sur ces deux graphes peut être identifié.Si la composante connexe de x est finie, alors E = ∂Cp(x) correspond à des arêtes dans G (retiréesdans G[p]). Celles-ci correspondent à des arêtes E∗ dans G∗. Reste à borner la probabilité que E∗

soit retiré.Être retiré dans G∗[p] est de même probabilité à être préservé dans G∗[1− p]. Ainsi,

P(∃ n-cycle dans G∗[1− p] entourant x) ≤ n∆∗(∆∗−1)n−1(1− p)n.

Le terme en n vient du fait que tous les cycles qui entourent x doivent traversé une certaine chaîne(de longueur au plus n) qui part de x et va vers un sommet de Bn(x)rBn−1(x).

Si (1− p) < (∆∗− 1)−1 (i.e. p > 1− (∆∗− 1)−1), cette probabilité décroît exponentiellement.En particulier, comme la somme de ces probabilités converge 17, en ignorant les N premiers termes,le total peut-être aussi petit que voulu. Ainsi, il existe N tel que

P(x soit entouré (dans G∗[1− p]) d’un cycle de longueur ≥ N)< 1/2.

Il reste à montrer qu’un autre sommet dans une boule de rayon r autour de x a une probabilité posi-tive d’être dans une composante connexe infinie. En effet, si X est l’union de toutes les composantesconnexes finies contenues dans Br(x), alors les arêtes de ∂X doivent être retirées dans G[p] et formentun cycle de longueur au moins N(r) dans G∗ (avec N(r)→∞ lorsque r→∞, car le bord d’une suited’ensemble finis est supposé devenir de plus en plus grand). D’où pc ≤ 1− (∆∗−1)−1. �

Il est bon de noter que certains textes contiennent une autre définition de pc. Le lemme suivantsert à montrer l’équivalence de ces deux définitions.Lemme 3.6.10

Soit Ip l’événement “il existe une composante connexe infinie dans G[p]”. Alors P(Ip) = 1 si et

17. Le total est < ∆∗(1− p)/[1− (∆∗−1)(1− p)]2.

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Chapitre 3 - COURANTS ET PROBABILITÉS

seulement si P(|C(x)|= ∞)> 0. En particulier,

pc = inf{p ∈ [0,1] | P(il existe une composante connexe infinie dans G[p]) = 1}.

DÉMONSTRATION: Soit An(x) l’événement “x est relié à Bn(x)rBn−1(x)” où Bn(x) est la boulede rayon n en x. Alors Ip = ∪x∈Som(G) ∩n≥1 An(x). Ceci montre que Ip est w-mesurable. De plus,c’est un événement dit “événement queue” 18 En effet, s’il était connu qu’un nombre fini d’arêtessont retirées dans G[p], cela ne change en rien la probabilité de l’événement. La loi du zéro un deKolmogorov implique que la probabilité de I est 0 ou 1.

Voici un rapide rappel sur cette loi du zéro un. Il s’agit de montrer que Ip est indépendant delui-même. Si cela était avéré P(Ip) = P(Ip∩ Ip) = P(Ip)P(Ip) ; ce qui implique P(Ip) = 0 ou 1. Dansnotre cas, cela provient du fait que même si Ip est indépendant de chaque événement fini, c’est unelimite d’événements finis.

Ainsi, si P(|C(x)|= ∞)> 0 alors P(Ip)> 0 et donc P(Ip) = 1.Pour montrer que P(Ip) = 1 implique que P(|C(x)|= ∞)> 0, il faut essentiellement se rappeler

que la positivité de la seconde probabilité ne dépend pas de x. �

Avant de conclure cette section, il est de bon ton de mentionner quelques conjectures dans le sujet.Un objet d’étude est la probabilité θ(p) := P(|Cp(x)|= ∞) elle-même. Plus particulièrement, est-ceque θ(pc) est 0 ou > 0 ? Ceci est (vraiment) non-trivial car pc est obtenu comme un infimum ; rienne dit que ça pourrait être un minimum. Une conjecture dit que θ(pc) = 0 pour tout les graphesde Cayley 19 tels que pc < 1. Ceci a été vérifié lorsque h(G) > 0 (par Benjamini, Lyons, Peres, &Schramm [1999]). C’est aussi vrai dans Zd si d ≥ 19 ou d = 2 (si d = 1, pc = 1 et il n’y rien àmontrer). Mais le cas des graphes de Cayley avec h(G) = 0 reste complètement ouvert.

EXERCICE 223: Soit G un graphe et φ : G→ G′ un recouvrement (fort). Montrer que pc(G) ≤pc(G′). Il est même possible de montrer que si θH(p) := P(|Cp(x)|= ∞) (où Cp(x) est la composante connexe de x dans

H[p] et H est un graphe) alors θG(p)≥ θG′(p).

EXERCICE 224: Montrer que h(Tk) = k−2. En conclure que pT (Tk) = pc(Tk) = (k−1)−1.

3.7 Limites de graphes et graphes de Ramanujan

Sur un graphe infini, K est un opérateur (linéaire et borné) K : `2(Som(G))→ `2(Som(G)) où

`2(Som(G)) = { f : Som(G)→ R | ∑x∈Som(G)

f (x)2 <+∞}.

Puisque le graphe est non-orienté, cet opérateur est auto-adjoint, et par le théorème spectral, lesvaleurs propres et leurs multiplicités sont remplacées par une mesure spectrale (qui peut même être

18. Ici w est une mesure produit sur un ensemble infini, Arê(G). Un événement queue est un événement qui estindépendant de toute partie finie.

19. Il est connu que pc < 1 pour beaucoup de graphes de Cayley (à l’exception de ceux qui correspondent à des groupesà croissance intermédiaire).

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3.7 - Limites de graphes et graphes de Ramanujan

choisie comme étant une mesure de probabilité) νK . Dans le cas d’un graphe fini, cette mesureest une somme de masses de Dirac 1

X(G) ∑i δµ′i . Cependant, l’auteur est conscient que beaucoupconsidèrent ces choses comme absconses et peu accortes 20.

Limites de graphes

Afin d’éviter toute acrimonie chez le lecteur, une façon un peu plus commode d’attaquer ceproblème sera ici présentée.

Définition 3.7.1. Soit G et H deux graphes dénombrables enracinés (en oG et oH respectivement).Alors la distance de Benjamini-Schram entre H et G est définie comme suit : soit r ∈ Z>0, siBr(oH) est isomorphe (en tant que graphe enraciné) à Br(oG), alors distBS(H,G)≤ 2−r.

Un graphe G est la limite de {Gi}i∈Z>0 si distBS(G,Gi)→ 0. F

Une remarque s’impose : la topologie donnée par la distance de Benjamini-Schram est une sortede topologie faible. Elle est aussi totalement déconnectée (comme un Cantor ; il existe une base dela topologie dont les ensembles sont à la fois fermés et ouverts). En particulier, toute suite admet unesous-suite convergente. Cela provient du fait que le nombre de boules de rayon fini est fini, ainsi, ilest impossible de faire une suite infinie sans répéter un modèle de boule une infinité de fois. Étantdonné un rayon r, il y a forcément une parmi toutes les boules de r qui apparaît une infinité de foisdans la suite. Il est alors possible de restreindre la suite aux éléments qui possèdent cette boule derayon r, puis de répéter avec un rayon plus grand.

Pour tout vecteur unitaire ‖v‖2 = 1 il est possible d’associer la mesure de probabilité πv =

∑ni=1 〈v,vi〉2 δµi . Qui plus est, si G un graphe enraciné en o, la probabilité de partir de la racine o et

d’y revenir au temps t est

〈δo,Ktδo〉 = δo

X(G)

∑i=1〈δo,vi〉µ′ti vi =

X(G)

∑i=1〈δo,vi〉2 µt

i

=∫ 1−1 xtdπδo(x).

La dernière égalité est une réécriture d’une somme finie en tant qu’intégrale (comme les valeurspropres appartiennent à [−1,1]).

Mais dans un graphe infini l’argument devient moins flagrant (du moins, pour le lecteur que lathéorie spectrale rebute). Un phénomène fort utile apparaît :

Lemme 3.7.2Si G est un graphe (enraciné en o) qui une limite de graphes (finis) {Gi} (de racines oi), La

suite de mesures πδoiconverge faiblement vers une mesure qui sera notée πδo et telle que la

probabilité de retour après un temps t en o est∫ 1−1 xtdπδo .

DÉMONSTRATION : Pour n fixé, soit in ∈ Z>0 tel que, ∀i ≥ in, B2n(o) ⊂ G est isomorphe (en tantque graphe enraciné) à B2n(oi)⊂ Gi. Alors la probabilité (dans G) de retourner en o après n étapesest identique à celle de retourner (dans Gi) en oi après n étapes (car la marche ne sort pas de la

20. Cette section est adaptée/inspirée d’un exposé de B. Virág

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Chapitre 3 - COURANTS ET PROBABILITÉS

boule de rayon 2n). Ainsi, pour i, j > in,∫

xndπδo j=

∫xndπδoi

. Comme les polynômes sont denses,ces mesures convergent faiblement. �

Rayon spectral

Une autre propriété utile relie le rayon spectral usuel à des probabilités de retour. Soit ‖ · ‖a et‖·‖b deux normes sur un espace de Hilbert H. Soit ‖K‖ab = sup

v6=0

‖Kv‖b‖v‖a

= sup‖v‖a=1

‖Kv‖b. En particulier,

notre intérêt principal est ‖K‖22 où K : `2(Som(G))→ `2(Som(G)) est un opérateur auto-adjoint etla même norme est prise les deux fois. Le rayon spectral ρ(K) d’un opérateur K est

ρ(K) = ‖K‖22 = sup‖v‖2=1

‖Kv‖2 = supµ∈R{|µ| | µ est dans le support de la mesure spectrale de K}

S’assurer de la dernière égalité n’est pas une trivialité complète. Il faut observer que, comme K estauto-adjoint,

‖Kv‖22 =

⟨v,K2v

⟩=

∫SpecK

x2(Pxv)2dπK .

Ainsi, en choisissant v dans le “haut” du spectre et en prenant la racine, l’égalité apparaît. Soit Kmxy

la probabilité qu’une particule qui commence une marche aléatoire en x arrive en y au temps m, i.e.Km

xy = 〈δy,Kmδx〉.Théorème 3.7.3

Soit G un graphe dénombrable connexe. Le rayon spectral de K est limm→∞

⟨δo,K2mδo

⟩1/2m et nedépend pas du choix de racine.

DÉMONSTRATION : Tout d’abord, la limite (K2moo )

1/2m existe en utilisant l’astuce que si am est unesuite sous-additive de réels bornés inférieurement (e.g. K ≤ am+n ≤ am + an) alors an

n possède unelimite. En effet,

1≥ K2m+2noo ≥ K2m

oo K2noo ⇒ 0≤− lnK2m+2n

oo ≤− lnK2noo − lnK2m

oo ,

c’àd. am = lnK2moo est sup-additive et bornée supérieurement. Ainsi, dès que le reste de la division

de m par d est r, am ≥ md ad +ar, et am

m ≤add + ar

m . Ceci implique non seulement que la limite existe,mais qu’elle est inférieure ou égale à chaque ad

d . De plus, si x ∈ Som(G) et `= dist(x,o),

K2mxx ≥ K`

xoK2(m−`)oo K`

ox.

Ainsi, la limite ne dépend pas de la racine choisie : prendre la racine 2mème puis la limite lorsquem→ ∞ fera disparaître deux termes parasites dans le membre de droite en (en répétant le mêmeargument avec x et o interchangés).

Puisque l’opérateur est auto-adjoint,⟨

f ,K2m f⟩1/2m

= ‖Km f‖1/m2 . Soit f ∈ `2(Som(G)) de norme

1, tel que ‖K f‖ ≥ ρ(G)−ε. En fait, quitte à perdre un peu plus (prendre ε plus grand), f est de sup-port fini. D’où, avec S = supp f ,

(ρ(G)− ε)2m ≤ ‖Km f‖22 =

⟨f ,K2m f

⟩= ∑

x,y∈SK2m

xy f (x) f (y)

≤ |S|2maxx,y∈S

K2mxy ≤ |S|2cSmax

x∈SK2m

xx ,

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3.7 - Limites de graphes et graphes de Ramanujan

où cS est une constante qui ne dépend que de S. La conclusion apparaît en prenant la racine 2mème

et m→ ∞. �

Il est probablement bon de tempérer l’énoncé précédent en disant que si la limite est bien indé-pendante du choix de la racine, la mesure spectrale limite (provenant du lemme 3.7.2) πδo ne l’estpas.

Un corollaire simple est que, si ρ(G)< 1, alors la marche aléatoire sur G est transiente. L’inverseétant clairement faux : dans un graphe de Cayley de Zd , K2n

oo � n−d/2. Ainsi, ρ(G) = 1. Pour d ≥ 3,la marche est pourtant transiente.

Voici un proposition amusante qui relie le rayon spectral aux propriétés du graphes :Proposition 3.7.4

Soit G un graphe k-régulier et soit cn(G,o) le nombre de cycles de longueur n contenant o ∈Som(G). Soit γ(G) = limsupn c2n(G,o)1/2n. Alors kρ(G)≥ γ(G).

DÉMONSTRATION: Par le théorème 3.7.3, ρ(G) = limn→∞

(K2n

oo)1/2n. Mais K2n

oo est la probabilité deretour en o après 2n étapes. Si an est le nombre de tournées qui commencent et se terminent en o,alors an ≥ cn. Ainsi

K2noo =

a2n

k2n ≥c2n

k2n . �

Il est possible de montrer que kρ(G)≥ limsupn cn(G,o)1/n en faisant un peu plus attention (e.g. soiten utilisant une MAP, soit en montrant que ρ(G) = limsupn

(Kn

oo)1/n.

Une autre utilité du rayon spectrale est son lien avec l’isopérimétrie. Dans un graphe infini, laconstante isopérimétrique est définie par

h(G) = inf{|∂S||S|| S⊂ Som(G) et 0 < |S|< ∞}.

Comme pour le cas des graphes finis, il y a un lien important entre h(G) et les valeurs propres.Proposition 3.7.5

Soit G un graphe k-régulier. Alors k(1−ρ(G))≤ h(G).

DÉMONSTRATION: Dans un graphe régulier K = Id− 1k L où L = Lap(G) = ∇∗∇. Soit S⊂ Som(G)

et χS la fonction caractéristique de S (qui vaut 1 sur S et 0 sur son complémentaire), alors

〈∇∗∇χS,χS〉= ∑x∈S

∑y∈Γ(x)rS

1 = |∂S|.

D’autre part,

〈∇∗∇χS,χS〉= 〈LχS,χS〉= 〈k(Id−K)χS,χS〉= k(‖χS‖2−〈KχS,χS〉)

Mais 〈KχS,χS〉 ≤ ρ(G)‖χS‖2 et ‖χS‖2 = |S|, d’où

|∂S|= k(‖χS‖2−〈KχS,χS〉)≥ k(1−ρ(G)

)|S|. �

La proposition précédente est une adaptation du corollaire 2.5.7. Il existe aussi une adaptation de2.5.8.

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Chapitre 3 - COURANTS ET PROBABILITÉS

Graphes de Ramanujan

Lorsque le graphe est fini, il a déjà été montré que ρ(G) = 1. Si G est la limite des graphes Gn

(enracinés en on), alors, par le lemme 3.7.2, liminfρ(Gn) ≥ ρ(G). Ceci n’est pas incroyablementintéressant puisque les graphes finis [k-réguliers] ont tous ρ(Gn) = 1.

En fait, le poids qu’attribue la mesure πδonà 1 est 〈δon ,v1〉2 = 1

X(Gn). Dans la limite faible de ces

mesures, ce n’est pas ρ(Gn) qu’il faut considérer, mais ρ(Gn). D’où liminf ρ(Gn) ≥ ρ(G), ce quiest beaucoup plus contraignant.

D’autre part, l’arbre k-régulier (infini) Tk est un recouvrement de n’importe quel graphe k-régulier. Intuitivement, cela vient tout simplement du fait que, quitte à contracter un arbre maximal,il restera un bouquet de cercles dont le recouvrement est un arbre. Les conditions de recouvrementforceront cet arbre à être k-régulier. Pour une manière légèrement compliquée (mais plus rigoureuse)de le construire explicitement, il suffit (plus ou moins comme d’habitude) de prendre un arbre cou-vrant (ce qui est un peu plus gênant lorsque le graphe est infini, mais des arguments similaires, voireidentiques, fonctionnent), de donner un voltage dans le groupe libre à e(G)−X(G)+1 générateurs(un pour chaque arête ; potentiellement une infinité) et de regarder le graphe dérivé.Corollaire 3.7.6

Soit φ : G′→ G un recouvrement de graphes infinis. Alors ρ(G′)≤ ρ(G).

DÉMONSTRATION : Une marche aléatoire a moins de chance de revenir à son point de départ sur legraphe qui recouvre que sur le graphe de départ. Par le théorème 3.7.3, la conclusion est simple. �

Corollaire 3.7.7Soit G un graphe k-régulier infini. Alors ρ(G)≥ ρ(Tk).

Théorème 3.7.8 (Alon & Boppana)Pour tout ε > 0, il y a un nombre fini de graphes (finis) tels que ρ(G)< ρ(Td)− ε.

DÉMONSTRATION : Par contradiction. S’il existe une infinité de tels graphes alors il y a une suiteGn qui converge vers un graphe G. Ainsi par le théorème 3.7.3 et le corollaire 3.7.7, il apparaît queρ(Tk)− ε > liminf ρ(Gn)≥ ρ(G)≥ ρ(Tk). �

Un graphe fini tel que ρ(G) < ρ(Tk) est appelé graphe de Ramanujan. Un graphe infini tel queρ(G) = ρ(Tk) est aussi appelé un graphe de Ramanujan...

Quelques informations fort utiles sur les graphes peuvent aussi déduites à l’aide de l’observationsuivante :

EXERCICE 225: Soit φ : G′→G un recouvrement [fort] de graphes [finis]. Montrer que, si G et G′

sont tous les deux connexes, ρ(G′)≥ ρ(G). [Indice : si v : Som(G)→ R est un vecteur propre de G, alors v◦φ

est un vecteur propre de G′ de même valeur propre.]

Même si l’exercice précédent semble contredire le corollaire 3.7.6, il n’en est rien : si la bornedans l’exercice ci-haut était aussi ρ(G′) ≤ ρ(G), cela permettrait de construire une quantité infiniede graphe de Ramanujan (finis) à partir d’un seul. D’autre part, l’argument de probabilité de retourest inutile sur un graphe fini, comme la plus grande valeur propre est toujours 1.

157

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3.7 - Limites de graphes et graphes de Ramanujan

EXERCICE 226: Soit G un graphe infini (et o ∈ Som(G)). Soit cr(G;o) = liminfr→∞

ln |Br(o)|r

.Montrer que si G est un graphe de Cayley, cr(G) = cr(Tk) alors G = Tk.

Graphes moyennables

Un graphe infini est dit moyennable si ρ(G) = 1. Essentiellement, grâce à l’interprétation don-née par le théorème 3.7.3, cela signifie que la probabilité qu’une marche retourne à son point dedépart ne décroît pas exponentiellement.

Voici une autre utilité potentielle des limites de graphes 21. La proposition 3.7.5 montre queh(G) = 0⇒ ρ(G) = 1. Le contraire est aussi vrai. Une première étape est nécessaire.Théorème 3.7.9

Soit Tk l’arbre infini k-régulier. Soit Gn le graphe fini construit comme suit. Soit Hn le grapheinduit sur la boule de rayon n dans Tk. Alors Gn est obtenu en ajoutant des arêtes (uniformément)au hasard entre les feuilles (sommets de degrés 1 dans Hn) de manière à obtenir un graphe k-régulier. Alors, il existe un ε > 0 tel que la probabilité que Gn ait un rayon spectral < 1−ε tendsvers 1 lorsque n→ ∞.

IDÉE DE LA DÉMONSTRATION: L’auteur ne connaît pas de démonstration simple de ce fait. L’idéeest de passer par le calcul de h(Gn). En effet, le corollaire 2.5.9 montre que si les h(Gn) sont > ε pourtout n, alors ρ(Gn) < 1− ε′ pour tout n. Il faut alors passer à une estimation (pas particulièrementfacile) de h(Gn). �

Théorème 3.7.10Soit G un graphe infini k-régulier. Alors h(G) = 0 ⇐⇒ ρ(G) = 1.

IDÉE DE LA DÉMONSTRATION: Une des deux implications est le contenu de la proposition 3.7.5.Pour l’autre, la donnée de base est ρ(G) = 1. Soit Hn la suite de graphes finis obtenue en regardant legraphe induit sur une boule de rayon n dans G. Soit Gn obtenu de Hn en “ajoutant” des arbres infinisk-régulier aux sommet de Hn qui ne seraient pas de degré k. Alors, par définition de la distance deBenjamini-Schramm, Gn→ G. Par conséquent, ρ(Gn)→ 1.

En utilisant (une variante du) théorème précédent, il est en fait possible de ramener les Gn à unefamille de graphe fini G′n. Par le corollaire 2.5.9, ces graphes finis auront des ensembles Sn avec |∂Sn|

|Sn|de l’ordre de 1− ρ(Gn) (i.e. tend vers 0). Ces ensembles ne seront pas dans la partie “arborescente”(car c’est un endroit où ce rapport est toujours > ε pour n assez grand). Ainsi, les Sn sont aussiprésents dans G (avec le même bord), et il apparaît que h(G) = 0. �

Spectre d’un arbre

Tout ça est bien sûr très utile, mais ça n’aide absolument pas à savoir ce qu’est le spectre d’unarbre infini. La méthode esquissée ici n’est pas la plus simple.Tout d’abord voici une reformulation

21. L’énoncé suivant est connu (mais l’auteur en ignore la source) et le sur-suivant est aussi connu sa démonstrationest une improvisation de l’auteur. La démonstration classique du second résultat se trouve dans un article de Kesten de1959 et utilise de toutes autres méthodes.

158

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Chapitre 3 - COURANTS ET PROBABILITÉS

du lemme 3.4.3, revisité par les méthodes du théorème 3.4.6.

Proposition 3.7.11Le rayon spectral de C∞ = Cay(Z,{±1}) est 1 ( i.e. il est moyennable). En fait, la mesure spec-trale est à support dans l’intervalle [−1,1] est elle est absolument continue par rapport à lamesure de Lebesgue, avec fonction de densité 2

π

√1− x2. [Les projections spectrales sont aussi

connues.]

Une démonstration qui utilise les marches aléatoires est possible, mais comme elle est identique àcelle de la proposition 3.7.12, elle ne sera pas faite ici.

DÉMONSTRATION : Ici les choses se passent facilement du côté de la théorie des opérateurs. Eneffet, la transformée de Fourier donne une isométrie de `2(Z)→ L2(S1) (où S1 est le cercle, vucomme quotient de R/Z avec la mesure de Lebesgue sur R). À f : Z→ R un élément de `2(Z),cette transformée associe la fonction f (θ) = ∑k∈Z f (k)e2πıθk. Qui plus est, K peut être vu comme laconvolution par la fonction g qui vaut 1 en ±1 et 0 ailleurs, i.e. K f = g∗ f . Ainsi, la transformée deFourier transforme K en un opérateur le plus simple possible : la multiplication par une fonction, iciK f = g∗ f = g f , avec g(θ) = cos(2πθ).

Or le spectre d’un opérateur qui agit par multiplication est tout simple, c’est l’image de la fonc-tion par laquelle il multiplie, soit ici l’intervalle [−1,1]. En fait, il est même possible de déterminer lamesure et les projections spectrales. Étant donné [a,b]⊂ [−1,1], νC∞

[a,b] est la mesure de Lebesguede I[a,b] := {x∈ [0,1] | cos(2πx)∈ [a,b]}⊂ [0,1]. Ceci permet de voir que la mesure spectrale est ab-solument continue par rapport à la mesure de Lebesgue sur [−1,1] est que sa densité est 2

π

√1− x2.

Quant aux projections spectrales, P[a,b] f est donnée comme suit : regarder f , changer sa valeur pour0 aux points qui n’appartiennent pas à I[a,b], puis reprendre la transformée de Fourier. �

D’une certaine façon, le cas de C∞ (qui est aussi l’arbre infini 2-régulier) n’est qu’une mise enbouche. D’une part, toujours grâce à la transformée de Fourier, la mesure (et la projection) spectraledu graphe de Cayley d’un graphe abélien (et, avec quand même beaucoup plus d’efforts, d’un groupecontenant un groupe abélien d’indice fini) est déterminée (ou déterminable). D’autre part, c’est uncas particulier des arbres infinis. Ces graphes peuvent être vus comme des graphes de Cayley : dugroupe Z∗k2 (k produits libres de Z2) ou, si k est pair, du groupe libre sur k

2 générateurs).

Proposition 3.7.12

Soit k > 3. Le rayon spectral de Tk est 2√

k−1/k. En particulier, il n’est pas moyennable. Samesure spectrale est absolument continue par rapport à la mesure de Lebesgue est de densité

k(k−1)π

√4(k−1)− (kx)2.

Ici les choses ne se passent pas vraiment aussi facilement. La démonstration donnée ici élémentairemais donne pas tous les résultats annoncés (ceci n’empêche qu’elle peut être raffinée, cf. le trèschouette article de Kesten 1959).

DÉMONSTRATION :Pour trouver la borne supérieure, il faut coupler (ou relier) une marche aléatoiresur Tk (le “marcheur”) à une marche sur T2 =C∞ (perçu comme Z, le “compteur”). Soit o ∈ Tk une

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3.7 - Limites de graphes et graphes de Ramanujan

racine de l’arbre (i.e. le point de départ de la marche aléatoire). À chaque fois que le marcheuraugmente sa distance à o il augmente son compteur (la marche reliée sur Z) de 1 et inversement. Laseule exception à cette règle est une des arêtes en o. Sur cette arête, le compteur diminue toujours.De la sorte, la probabilité que le compteur augmente est toujours de (k−1)/k et celle qu’il diminuede 1/k. Ainsi, si Xm est la variable aléatoire de la position du marche au temps m et Ym celle ducompteur,

K2moo = P(X2m = o) = P(Y2m ≤ 0)

=0

∑i=−2m

P(Y2m = i) =2m

∑i=m

(2mi

)(1k

)i(k−1k

)2m−i

≤ (m+1)(

2mm

)(1k

)m(k−1k

)m

En prenant la racine 2mème,

ρ = limm→∞

(K2moo )

1/2m ≤ limm→∞

(m+1)1/2m(

2mm

)1/2m√k−1k

= 2√

k−1k

.

Il est relativement facile de trouver une suite de fonctions qui donne une bonne borne inférieureau spectre. En voici une qui fait le travail. Comme d’habnitude, étant donné o ∈ Tk une racine del’arbre, soit

fn(x) =

{(k−1)−d/2 si dist(x,o) = d ≤ n;0 sinon, i.e. dist(x,o)> n.

Alors il faut évaluer〈 fn,K fn〉‖ fn‖2

2. Un premier calcul donne

K fn(x) =

(k−1)−1/2 si x = o, i.e. si dist(x,o) = 0;2k−1(k−1)−(d−1)/2 si dist(x,o) = d < n;k−1(k−1)−(n−1)/2 si dist(x,o) = n;k−1(k−1)−n/2 si dist(x,o) = n+1;0 sinon, i.e. dist(x,o)> n+1.

Puis, en utilisant le fait que la sphère de rayon d en o a |δBn(o)|= k(k−1)d−1 sommets (si d > 0),‖ fn‖2

2 = 1+∑nd=1

k(k−1)d−1

(k−1)d = 1+n kk−1 et

〈 fn,K fn〉=(k−1)−1/2 +

(∑

n−1d=1

2(k−1)d−1

(k−1)d−1/2

)+ (k−1)n−1

(k−1)n−1/2

=(k−1)−1/2(

1+∑n−1d=1 2+1

)=2n(k−1)−1/2.

Les téméraires continuent ces calculs pour trouver

limn→∞

〈 fn,K fn〉‖ fn‖2

2= lim

n→∞

2n(k−1)−1/2

1+n kk−1

=2(k−1)1/2

k.

D’où ρ≥ 2√

k−1k

. �

Une conséquence amusante des propositions 3.7.4 et 3.7.12 est

160

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Chapitre 3 - COURANTS ET PROBABILITÉS

Corollaire 3.7.13

Si G est un graphe de Ramanujan infini et soit γ(G) = limsupan(G,o)1/n où an(G,o) est lenombre de tournées de longueur n contenant o ∈ Som(G), alors γ(G)≤ 2

√k−1.

EXERCICE 227: Montrer que dans tout graphe k-régulier γ(G)≥ 2√

k−1. [Indice : il suffit de le faire

pour un arbre k-régulier.]

Plus de limites de graphes

Le moment est maintenant opportun pour parler de la notion de limite de graphes. Pour cefaire, soit GE k l’ensemble de tous les graphes G enracinés (c’àd. avec une racine o désignée)tels que ∆(G) ≤ k et soit GE r

k ⊂ GE k le sous-ensemble de ces graphes ayant la propriété quemax

y∈Som(G)dist(y,o) = r [dans les deux cas, il est naturel de quotienter par les isomorphismes (préser-

vant la racine) de graphes]. Ensuite, soit H ∈ GE rk, alors soient

Nr(G,H) = |{x ∈ Som(G) | Br(x) est isomorphe en tant quegraphe enraciné ! à H}| et Pr(G,H) =

Nr(G,H)

X(G).

Alors Pr(G, ·) est une probabilité sur GE rk. En particulier, à tout graphe G (fini) peut être associé

une suite de mesures de probabilités {Pr(G, ·)}r∈Z>0 sur GE rk. Ainsi, étant donné un graphe et une

mesure π sur Som(G), il est possible de lui associer une suite de mesure en prenant la combinaisonlinéaire de ces mesures (qui dépendent de la racine) pondérées par π. En fait, étant donné n’importequelle mesure de probabilité π sur GE r

k, alors

Pr(π, ·) = ∑G∈GEk

π(G)Pr(G, ·)

est une (suite de) mesures de probabilités. Il est alors possible de mettre une distance entre deuxgraphes (enracinés), voire même entre deux mesures sur GE k :

|π−π′|= ∑

r∈Z>0

2−r‖Pr(π, ·)−Pr(π′, ·)‖`1(GE r

k).

La question est de savoir quel genre de “graphes” il est possible d’obtenir en prenant la complétionde P (GE k) par rapport cette distance. C’est ce qui s’appelle une limite de graphe (attention : cen’est pas toujours un graphe !). Évidemment, il n’y aura pas que des graphes, mais un des attraits del’argument ci-dessus, c’est qu’étant donné un graphe dénombrable G (enraciné) la suite de mesurePr(G, ·) a aussi un sens. Ainsi, certaines des limites de graphes seront effectivement des graphesinfinis.

161

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3.7 - Limites de graphes et graphes de Ramanujan

162

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Annexe A

Rappels

A.1 Relations d’équivalence et partitions

En sa plus grande généralité une relation est simplement un sous-ensemble d’un ensemble depaires ordonnées X ×Y . Une fonction est donc aussi une relation. Afin d’éviter de trop s’étaler,seules les relations entre éléments d’un même ensemble seront étudiées.

Définition A.1.1. Une relation sur X est un sous-ensemble de X × X . x est dit relié à x′ si(x,x′) ∈ R. La notation courante abrégée est xRx′ pour (x,x′) ∈ R. Une relation est une relationd’équivalence si elle est

— réflexive, i.e. ∀x ∈ X , xRx,— symétrique, i.e. ∀x,x′ ∈ X ,xRx′⇒ x′Rx,— transitive, i.e. ∀x,x′,x′′ ∈ X ,xRx′ et x′Rx′′⇒ xRx′′.

F

Les relations d’équivalences sont souvent notées par les symboles ∼,',≈,∼= ou ≡.

Les relations d’équivalences, comme leur nom l’indique, expriment l’idée que les deux élémentssont du même type ; parfois l’expression “x et y sont équivalents” (sous entendu pour une relationd’équivalence R) est employée lorsque xRy. La relation d’équivalence la plus familière au lecteurest sans doute l’égalité. Un autre exemple, sur les réels, serait de définir une relation R en disant quexRy s’ils sont de même signe ou tous les deux 0.

Exemple A.1.2. Soit R la relation sur R définie comme suit : xRy s’il existe q∈Q tel que x= y+q.

— Réflexivité : puisque x = x+0 et que 0 ∈Q, il apparaît que xRx, ∀x ∈ R.— Symétrie : Si xRy alors, ∃q ∈Q tel que x = y+q⇒ x−q = y. Comme −q ∈Q, yRx.— Transitivité : Si xRy et yRz, il existe deux rationnels q,q′ tels que x = y+q et y = z+q′. Ensubstituant y dans la première équation il apparaît que x= z+q′+q, c’àd. xRz car q+q′ ∈Q.

R est donc une relation d’équivalence. ♣

Exemple A.1.3. Dire que G1RG2 s’il existe un isomorphisme de G1 vers G2 est aussi une relationd’équivalence. ♣

163

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A.2 - Relations d’ordre

Définition A.1.4. Soit R une relation d’équivalence sur un ensemble X . Soit x ∈ X , la classed’équivalence de x (relativement à R), notée [x]R, c’est le sous-ensemble constitué de tous les élé-ments équivalents à x : [x]R := {x′ ∈ X |xRx′}. F

Proposition A.1.5Soit R une relation d’équivalence, alors

— ∀x ∈ X , [x]R 6=∅ ;— ∀x,x′ ∈ X , soit [x]R = [x′]R, soit [x]R∩ [x′]R =∅ ;— Les classes d’équivalence déterminent entièrement R.

DÉMONSTRATION : La première assertion est simple, la réflexivité implique que x ∈ [x]R.Pour la seconde, il y a deux cas : dans le premier xRx′. Dans ce cas, si x′′ ∈ [x]R alors xRx′′.

Or par symétrie, x′Rx, donc par transitivité, x′Rx′′ et ainsi x′′ ∈ [x′]R. La démonstration que [x]R ⊂[x′]R vient d’être faite, mais comme la relation est symétrique, le même raisonnement s’effectueen intervertissant x et x′, ce qui donne [x′]R ⊂ [x]R. Jusqu’ici il a été montré que xRx′ ⇒ [x′]R =

[x]R. Le second cas est que x n’est pas relié à x′. La conclusion s’obtient par contradiction : soitx′′ ∈ [x′]R ∩ [x]R. Alors x′Rx′′ et xRx′′, en utilisant de nouveau la symétrie et la transitivité de R, ilapparaît que x′Rx ce qui contredit l’hypothèse, et clôt la démonstration de la deuxième partie de laproposition.

La dernière découle d’une simple remarque : xRy si et seulement si {x,y} ⊂ [x]R. �

La proposition ci-dessus permet une visualisation très importante des relations d’équivalences : soitA1, . . . ,An des sous-ensembles de X , deux à deux disjoints (i.e. i 6= j⇒ Ai∩A j =∅) et dont l’unionest X (i.e. ∪Ai = X), ils forment ce qui s’appelle une partition de X . La proposition A.1.5 dit quetoute partition donne lieu à une relation d’équivalence et vice-versa.

Exemple A.1.6. Soit R la relation sur les sommets X d’un graphe G définie comme suit : xRy s’ilexiste un chemin de x à y et un chemin de y à x, soit x = y.

— Réflexivité : puisque x = x, xRx fait partie de la définition de R.— Symétrie : de nouveau par définition, x 6= y et xRy veut dire qu’il y a un chemin [x,y] etun chemin [y,x], ce qui est identique au sens de yRx.

— Transitivité : Si xRy et yRz, il existe un chemin P de x à y et un autre Q de y à z, par simplecomposition PQ il y en a un de x à z. Il existe aussi un chemin Q′ de z à y et un autre P′ de yà x, donc de nouveau par composition un chemin Q′P′ de x à z. Ainsi xRz.

R est donc une relation d’équivalence. La classe d’équivalence d’un point x est l’ensemble dessommets vers lesquels et desquels il y a un chemin. Visiblement, le graphe induit par ces sommetsest fortement connexe. La partition associée à R n’est autre que celle donnée par les composantesfortement connexes du graphe. ♣

A.2 Relations d’ordre

Pour les relations d’ordre strict, les définitions s’écrivent de manière plus commode avec lanotation (x,y) ∈ R (plutôt que son abréviation par xRy) à cause de la négation (x,y) /∈ R.

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Chapitre A - RAPPELS

Définition A.2.1. Soit R une relation sur X . R est une relation d’ordre stricte (ou un ordre strict)si elle est

— strictement antiréflexive, i.e. ∀x ∈ X , (x,x) /∈ R ;— antisymétrique, i.e. ∀x,x′ ∈ X ,(x,x′) ∈ R⇒ (x′,x) /∈ R ;— transitive, i.e. ∀x,x′,x′′ ∈ X ,xRx′ et x′Rx′′⇒ xRx′′.

F

Les relations d’ordre strict se noteront souvent par ≺ ou <. Par abus de langage, lorsque xRy lalocution “x est plus petit que y” (pour R) est d’usage.

Définition A.2.2. Soit X un ensemble muni d’une relation d’ordre strict R. Deux éléments distinctsx et x′ sont comparables (au sens de R) si xRx′ ou x′Rx. Un élément maximal est un x tel que si∀y ∈ X ,(x,y) /∈ R. Un maximum est un élément x tel que ∀y ∈ X r {x},yRx. Une relation d’ordrestrict est une relation d’ordre strict totale si tous les éléments sont comparables, c’àd. ∀x,y ∈ X soitxRy soit yRx. F

Un élément minimal et un minimum sont définis de manière analogue au concept maxi-mal/maximum. La nuance entre élément maximal, et maximum vient précisément du fait qu’unordre n’est pas toujours total. Effectivement, rien dans la définition d’une relation d’ordre exige quen’importe quels deux éléments soient comparables. Un élément maximal représente l’idée que rienn’est “mieux” que lui, alors qu’un maximum est “meilleur” que tous les autres.

Exemple A.2.3. Cunégarde veut s’acheter une paire de chaussures. Elle les caractérise par deuxnombres réels positifs : son appréciation a et leur prix p. Il établit la relation R “est clairement unemoins bonne affaire” comme suit : (a1, p1)R(a2, p2) si a1 < a2 et p1 > p2. Dans ce cas-ci, (7,100)ne se compare pas avec (6,80) : au sens de R l’un n’est pas plus grand que l’autre. ♣

Exemple A.2.4. Pour n’importe quel ensemble X , il existe une relation d’ordre strict ( sur P (X)

en disant qu’un ensemble est plus petit qu’un autre s’il est strictement inclus dedans. Dans ce cas,tous les éléments ne sont pas comparables mais il existe néanmoins un maximum, c’est X , et unminimum, c’est ∅. ♣

Exemple A.2.5. Soit X = {1,2, . . . ,9,10}, et R définie comme suit : xRx′ si x divise x′ et x 6= x′.C’est une relation d’ordre strict. Elle possède un minimum puisque 1 divise tous les entiers. Parcontre, il y a plusieurs éléments maximaux : 6,7,8,9 et 10. En effet, tout élément de X que l’und’entre eux divise ne peut être que lui-même. ♣

Exemple A.2.6. Sur les graphes, il existe plusieurs relations d’ordre. Si l’ensemble des sommetsest fixé (les graphes G sont alors des sous-graphes couvrants du graphe complet ; i.e. Arê(G) (P2(X) pour un ensemble X fixé), l’inclusion (stricte) de l’ensemble des arêtes donne aussi unerelation d’ordre. ♣

Les graphes extrémaux (minimaux ou maximaux) pour cette relation (qui par abus de langageest parfois notée ⊂) parmi les graphes satisfaisant certaines propriétés interviennent fréquemmentdans les démonstrations. Par exemple, quel est le graphe maximal (au sens du plus grand nombred’arêtes) parmi les graphes possédant n sommets.

165

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A.2 - Relations d’ordre

Exemple A.2.7. Dans un graphe fixé, il y a aussi un ordre strict sur les chaînes grâce à l’inclusion(sur les sommets parcourus par la chaîne). Dans cette relation, il peut y avoir plusieurs chaînesmaximales qui ne sont pas des maximums. Quant à lui, le terme “chaîne de longueur maximale” estla relation donné sur le nombre de sommets ♣

Exemple A.2.8. Toujours dans un graphe fixé, un ordre strict existe sur les chemins : un cheminC1 est plus petit que C2 s’il existe deux chemins (dont un seul peut-être vide) D et D′ tels que C2 estle fait de parcourir D puis C1 puis D′, i.e. C2 = DC1D′. Comme précédemment, il est possible d’êtremaximal sans être maximum. ♣

Exemple A.2.9. Pour deux graphes génériques G1 = (X1,U1) et G2 = (X2,U2), il y aussi une rela-tion de type inclusion stricte ; intuitivement, elle se décrirait par la possibilité de trouver le graphe G1

dans G2. Plus précisément, G1RG2 s’il y a une injection f : X1→ X2 telle que l’application ~f induitesur les flèches (si u = (x,x′) ∈U1, ~f (u) = ( f (x), f (x′))) est bien définie (c’àd. ∀u ∈U1, ~f (u) ∈U2)et l’une des fonctions f ou ~f n’est pas surjective. ♣

Avant de terminer, il y a un résultat important sur les relations d’ordre :Proposition A.2.10

Si ≺ est une relation d’ordre sur un ensemble X . Si X 6= ∅ et |X | < ∞, alors il existe au moinsun élément minimal et au moins un élément maximal dans X (mais il peut arriver qu’il n’y enait qu’un de chaque et que ce soit le même). Si l’ordre est total, alors il existe un minimum etun maximum.

Il existe aussi des relations d’ordre non-strict.

Définition A.2.11. Soit R une relation sur X . R est une relation d’ordre non-strict (ou un ordrenon-strict) si elle est

— réflexive, i.e. ∀x ∈ X ,xRx— transitive, i.e. ∀x,x′,x′′ ∈ X ,xRx′ et x′Rx′′⇒ xRx′′.

F

L’élément maximal se définit de la même façon, mais il est plus difficile de définir un maximum.L’avantage est qu’il est plus facile de construire un ordre non-strict total.

Exemple A.2.12. Soit G un graphe, alors il existe une relation d’ordre non-strict sur les cyclesde G. Le cycle C est dit plus petit que le cycle C′ s’il contient moins d’arête (ou de sommet, ça nechange rien pour les cycles). Un cycle hamiltonien est alors un cycle maximal (mais il peut y enavoir plusieurs). ♣

A.2.i Une application aux graphes : les scores.

Définition A.2.13. Un morphisme f du graphe G1 vers G2 est une fonction f : Som(G1) →Som(G2) telle que l’application f induite sur les arêtes par f ({a,b}) = { f (a), f (b)} ∈P2(X2)

soit d’image contenue dans Arê(G2), i.e. f (Arê(G1)) ⊂ Arê(G2). Lorsque f est bijective et quef (Arê(G1)) = Arê(G2), f est dite un isomorphisme. F

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Chapitre A - RAPPELS

Cette définition est légèrement différente de la définition 1.1.11 (qui est axée sur la matriced’adjacence). Le lecteur pourra se convaincre qu’elles sont équivalentes.

Pour montrer que deux graphes ne sont pas isomorphes, il est tentant de regarder les degrés dessommets ; c’est le moyen le plus simple, mais il n’est pas suffisant (il existe des graphes réguliersqui ne sont pas isomorphes, voir exercice 6). Cependant, toute suite de degré n’est pas admissiblepour un graphe.

Définition A.2.14. Le score d’un graphe G = (X ,E) est la donnée de la suite de ses degrés :(d(x)

)x∈X . Deux graphes ont le même score s’ils possèdent la même suite de degrés (à ordre près).

F

Théorème A.2.15Soit n> 1 et D=(d1,d2, . . . ,dn). Soit di≤ di+1 pour 1≤ i< n, et soit le score D′=(d′1,d

′2, . . . ,d

′n−1)

défini par

d′i =

{di si 1≤ i < n−dn

di−1 si n−dn ≤ i < n.

Alors D est le score d’un graphe si et seulement si D′ l’est.

DÉMONSTRATION : Une des implications est simple. Soit D′ le score d’un graphe G′ = (X ′,E ′) oùX ′ = {x1,x2, . . . ,xn} avec d(xi) = d′i . Alors soit xn /∈ X ′ un nouveau sommet et soit G = (X ,E) legraphe définit par X = X ∪{xn} et E = E ′∪{{xi,xn})|n−dn ≤ i < n}. Alors G a bien D pour score.

L’autre implication est beaucoup moins évidente. Soit G l’ensemble des graphes de sommets{x1, . . . ,xn} tels que d(xi) = di.Assertion : L’ensemble G contient un graphe G0 dans lequel le sommet vn est exactement adjacentaux sommets xn−dn ,xn−dn+1, . . . , et xn−1.Si cette assertion est admise pour l’instant, le théorème est démontré puisqu’en enlevant xn et sesarêtes de G0, le score D′ apparaît.

Voici la démonstration de l’assertion. Lorsque dn = n−1, xn est forcément relié à tous les autressommets, donc tous les graphes de G ont la propriété requise. Dorénavant, il est possible de supposerque dn < n−1 et ainsi, pour tout G = (X ,E)∈G , soit j(G) le plus grand j ∈ {1,2, . . . ,n−1} tel que{x j,xn} /∈ E. Soit G0 = (X ,E0) un graphe qui atteint le minimum de j, i.e. ∀G ∈ G , j(G0)≤ j(G).La démonstration procède ensuite par l’absurde, en supposant que j(G0) > n−dn−1. Le sommetxn est adjacent à dn sommets et au plus dn− 1 d’entre eux peuvent avoir un degré plus grand quev j. Soit i < j(G0) l’indice tel que xi est adjacent à xn, et comme d(xi)≤ d(x j) il existe un sommet,disons xk, qui est adjacent à x j mais pas à xi. Soit alors G1 = (X ,E1) défini par

E1 = (E0 r{{xi,xn},{x j,xk}})∪{{xi,xk},{x j,xn}}

Ce nouveau graphe appartient toujours à G mais de plus j(G1) ≤ j(G0)−1, ce qui contredit l’hy-pothèse que le graphe G0 atteignait le minimum de j. Ainsi, j(G0)≤ n−dn−1 et comme, d’autrepart, j(G)≥ n−dn−1 (puisque xn est relié à dn sommets), il apparaît que j(G0) = n−dn−1. Parconséquent, dans G0, xn est relié à sommets xn−dn ,xn−dn+1, . . . , et xn−1, ce qui démontre l’asser-tion. �

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A.3 - Matrices, mineures et réduction

A.3 Matrices, mineures et réduction

Une matrice A indicée par X×Y peut-être essentiellement perçue comme une fonction de X×Ydans un anneau R (d’habitude R). La locution matrice carrée ou matrice indicée par X signifie quela matrice est indicée par X ×X . Lorsque X ou Y sont infinis, il s’agit là d’un abus de langage, etl’auteur espère s’en faire pardonner. Il est traditionnel de représenter une matrice comme un tableau,et A(x,y) est notée (A)xy. L’indice x est la ligne et l’indice y la colonne. Une entrée d’une matriceest une valeur de celle en tant que fonction. Une entrée est dite diagonale si elle est de la forme(A)xx pour un x ∈ X .

Lorsque l’anneau R est un corps, un théorème fondamental (mais simple) assure qu’une ap-plication linéaire entre deux espaces vectoriels (de dimension fini) sur R correspondent, une foisqu’une base pour chaque espace vectoriel a été choisie, à une matrice. Une matrice carrée est ainsiperceptible comme un endomorphisme d’un espace vectoriel (une application linéaire dont l’imageest contenue dans le domaine). Étant donnée une matrice et une base des espaces vectoriels, l’appli-cation linéaire peut aussi être reconstruite aussi.

Il sera le plus souvent supposé que (s’ils sont finis) les ensembles qui indicent la matrice pos-sèdent une bijection avec n où n est, par définition, le cardinal de l’ensemble. La taille de la matriceA indicée par X×Y est |X |× |Y |.

Lorsque A est une matrice indicée par X et que Y ⊂ X alors A|Y est la matrice obtenue en negardant que les colonnes et lignes correspondant aux indices dans Y . Il s’agit de la Y -mineureprincipale de A, le terme mineure (tout court) est employé lorsque les colonnes ne correspondentpas aux lignes. Si Y1,Y2⊂X , alors A|Y1×Y2 , la Y1×Y2-mineure de A, est la matrice dont les lignes sontindicées dans Y1 et les colonnes dans Y2. La formule de calcul d’un déterminant, après identificationde X avec n, par expansion le long de la ligne d’indice y s’écrit ainsi :

DetA = ∑x∈X

(−1)y+x(A)yxDetA|(Xr{y})×(Xr{x}),

pourvu que le calcul des déterminants de gauche utilise le même ordre dans l’identification deX privé d’un élément avec n−1.Le terme mineure (tout court) sera souvent employé pour dési-gner les mineures ci-dessus. Un cofacteur d’une matrice cofyxA est le déterminant de la mineureA|(nr{y})×(nr{x}) fois le signe (−1)y+x. La matrice des cofacteurs est la matrice CofA dont les coef-ficients sont les cofacteurs : (CofA)xy = cofyxA. Une identité cruciale est A(CofA) = (DetA)Id.

Définition A.3.1. Pour une matrice A de taille n× n, le polynôme caractéristique de A parPoC(A,µ) = Det(µId−A) = ∏(µ− µi)

mi , µi 6= µ j. Son degré est n. Les racines µi de ce polynômesont les valeurs propres, et leur multiplicité algébrique est leur multiplicité mi en tant que racinesde ce polynôme. Ces données forment le spectre de A et s’écrira SpecA = {µ(m1)

1 ,µ(m2)2 , . . . ,µ(mk)

k }.Un vecteur propre vi pour la valeur propre µi de A est un vecteur tel que Avi = µivi. La multi-

plicité géométrique de µi, notée mi est la dimension de son espace de vecteurs propres. F

Le spectre d’une matrice, étant la solution d’un polynôme, vit ainsi naturellement dans uneextension de l’anneau R (voir exemple A.3.4). La bonne façon de penser à un vecteur propre de

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Chapitre A - RAPPELS

valeur propre µ est de le voir comme un élément de Ker(µIdn−A). La prochaine proposition est unrappel sur les propriétés de base des vecteurs et valeurs propres d’une matrice.

Proposition A.3.2Soit A une matrice carré de taille n×n.

(a) Deux vecteurs propres de valeurs propres différentes sont linéairement indépendants.Lorsque A est symétrique, deux vecteurs propres de valeurs propres différentes sontorthogonaux.

(b) Lorsqu’une matrice A a k vecteurs propres vi linéairement indépendants de valeur propreµi, alors A` a les mêmes vecteurs propres vi mais de valeurs propres µ`i .

(c) A a au plus n vecteurs propres linéairement indépendants. La multiplicité géométriquede la valeur propre 0 est n−RangA.

(d) La multiplicité géométrique d’une valeur propre est au moins 1 : ∀i, mi ≥ 1.

(e) La multiplicité algébrique est supérieure ou égale à la multiplicité géométrique : ∀i,mi≥mi.

DÉMONSTRATION : (a) Soit v1 et v2 deux vecteurs propres de valeurs propres µ1 6= µ2. Si v1 = kv2

pour k un scalaire, alors µ1v1 = Av1 = Akv2 = kAv2 = kµ2v2 = µ2v2 et donc µ1 = µ2. Si par surcroîtA est symétrique, alors µ1vT

1v2 = (Av1)Tv2 = vT

1ATv2 = vT1Av2 = v1Tµ2v2 = µ2vT

1v2. Comme µ1 6= µ2

il faut que vT1v2 = 0.

(b) Soit A (pas forcément symétrique) une telle matrice, soient v1, . . .vk ses vecteurs propres, etsoient µ1, . . . ,µk les valeurs propres associées. Alors Akvi = Ak−1Avi = Ak−1µivi = µiAk−1vi = · · ·=µk

i vi. Ainsi Ak a les mêmes vecteurs propres (puisque, si n vecteur propres linéairement indépendantssont trouvés, alors il n’y a pas d’autres) et leurs valeurs propres sont µk

i

(c) Une matrice a au plus n vecteurs propres linéairement indépendants car un vecteur propreest soit un élément de l’image de A (si sa valeur propre est non-nulle) soit un élément du noyau deA (si elle est nulle). Or la somme de ces deux dimensions est n (c’est le théorème du rang). Il n’estdonc pas possible qu’ils forment un espace de dimension supérieure. De même le théorème du rangimplique que le noyau (qui l’espace propre de la valeur propre 0) est n−RangA.

(d) En effet, si µ est une valeur propre, alors Det(µIdn−A) = 0. Ainsi dimKer(µIdn−A)> 0 etpar conséquent, il existe au moins un vecteur propre.

(e) Il faut vérifier qu’un changement de base transforme une partie de la matrice A en une matricediagonale (i.e. les lignes et colonnes correspondant à certains indices n’ont que des 0 sauf l’entréediagonale). Alors le polynôme caractéristique doit contenir un terme en (µi− x)mi , ce qui impliquel’inégalité affirmée dans l’énoncé. �

En particulier, si une matrice a n valeurs propres distinctes alors il y a n vecteur propres linéairementindépendant. Avant de poursuivre, quelques exemples s’imposent. Le premier est tout simple.

Exemple A.3.3. Soit Idn la matrice identité de taille n, c’àd. la matrice dont toutes les entréessont nulles, à l’exception des entrées diagonales. Quels que soient la base et l’espace vectoriel

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A.3 - Matrices, mineures et réduction

de dimension n considérés, cette matrice correspond à l’application identité. Alors PoC(Idn,µ) =(µ−1)n. La valeur propre 1 est de multiplicité m1 = n et n’importe quelle base de n vecteurs formen vecteurs propres linéairement indépendants, ainsi la multiplicité géométrique de 1 est égale à samultiplicité algébrique, m1 = n. ♣

Le second montre qu’il est nécessaire de passer à une extension algébrique de l’anneau dedépart.

Exemple A.3.4. Soit A =(

0 1−1 0

). Alors PoC(A,µ) = µ2+1, ainsi il y a deux valeurs propres−ı et

ı. Pour trouver le vecteur propre de ı, il suffit de chercher le noyau de (ıId2−A). Il apparaît que( 1±ı)

est de valeur propre ±ı. Comme chaque m j = 1, la multiplicité géométrique est ici nécessairementégale à la multiplicité algébrique.

Finalement, le troisième montre que la multiplicité algébrique n’est pas nécessairement égale àla multiplicité géométrique.

Exemple A.3.5. Soit A =(

0 10 0

). Alors PoC(A,µ) = µ2. Ainsi 0 est valeur propre de multiplicité

algébrique 2. Cependant, le noyau de −A est de dimension 1, ainsi, le seul vecteur propre associéest(10). ♣

Quelque part, le dernier exemple est le pire qui pouvait arriver. C’est en tout cas ce que dit le(difficile mais superbe) théorème de Jordan. Il n’est pas ici présenté dans sa plus grande généralité ;il sera seulement fait référence aux semi-vecteurs propres. v est dit un semi-vecteur propre de Asi soit il est un vecteur propre soit il existe un vecteur w tel que Av = µv+w et w est lui-même unsemi-vecteur propre de A. Dans l’exemple A.3.5,

(01)

est un semi-vecteur propre de valeur propre 0car A

(01)= 0(01)+(10)

et(10)

est un [semi-]vecteur propre de A.

Théorème A.3.6 (Théorème des blocs de Jordan)Soit A une matrice carrée de taille n. Alors il existe n semi-vecteurs propres linéairement indé-

pendants de A.

Ainsi la multiplicité algébrique ne témoigne pas du nombre de vecteurs propres, mais du nombrede semi-vecteurs propres. Le nom de bloc de Jordan, vient du fait qu’il s’énonce le plus souventcomme suit (qui est plus forte que l’énoncé précédent). Étant donné un endomorphisme d’un espacevectoriel fini, il existe une base telle que la matrice A de cet endomorphisme est constitué de blocsautour de la diagonale. Un bloc associé à µ est une matrice carrée de la forme

µ 1 0 0 ... 0 00 µ 1 0 ... 0 00 0 µ 1 ... 0 0...

......

.... . .

......

0 0 0 0 ... µ 10 0 0 0 ... 0 µ

Il y a autant de blocs associés à µ que la multiplicité géométrique de µ (le vecteur propre est celuiqui correspond à la dernière ligne). La somme de la taille des blocs associés à µ est la multiplicité

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Chapitre A - RAPPELS

algébrique de µ. L’avantage d’au moins avoir l’énoncé de ce théorème en tête est que ceci donne unexemple simple mais pourtant complètement générique de ce qu’est un endomorphisme.

Avant de passer à des énoncés plus spécifiques sur les valeurs et vecteurs propres, un petitdétour par les polynômes évalués en une matrice s’impose. Le théorème de Cayley-Hamilton ditque si le polynôme caractéristique est évalué en sa matrice, la matrice nulle apparaît : PoC(A,A) =

∏(A−µi)mi = 0. Lorsque les vecteurs propres sont tous distincts cette démonstration est très simple.

Le polynôme minimal de A, noté PoM(A,x), est le polynôme qui est de degré minimal parmi lespolynômes unitaires p(x) tels que p(A) = 0. (Un polynôme est unitaire si son terme de plus hautdegré est de coefficient 1.) Le polynôme minimal de A doit diviser tout polynôme qui s’annule en A(sinon le reste de la division serait un polynôme de degré inférieur qui s’annule en A).

Proposition A.3.7Si A possède n vecteurs propres linéairement indépendants et k valeurs propres distinctes,

PoM(A,x) =k∏i=1

(x−µi).

DÉMONSTRATION : Tout vecteur v se décompose en une somme des vecteurs propres v j. Comme

les puissances de A commutent,k∏i=1

(A−µi)v j = 0, car v j est associé à une valeur propre, notée µ j,

et (A− µ j)v j = 0. Donc PoM(A,A) = 0. Si le polynôme minimal était de degré inférieur, il seraitconstitué d’un produit partiel des (x− µi). Mais si le facteur (x− µ j) est absent un vecteur propreassocié à µ j ne s’annule pas sur ce polynôme. �

Le prochain théorème sera très utile pour étudier le spectre des graphes [finis non-orientés] multiplesavec lacets. La démonstration est en aussi relativement directe.

Théorème A.3.8 (Théorème spectral)Soit A une matrice symétrique de taille n×n, alors les valeurs propres sont réelles, et la multi-

plicité algébrique et géométrique d’une valeur propre sont identiques, i.e. A possède n vecteurspropres orthogonaux.

DÉMONSTRATION : Il s’agit d’une démonstration par récurrence, elle est ici décrite dans sa formealgorithmique.

Tout d’abord, une matrice A a toujours au moins un vecteur propre. En effet, si A est de taille1× 1 c’est complètement évident. Sinon, il apparaît en appliquant les multiplicateurs de Lagrangepour minimiser R(x) = xTAx avec la contrainte g(x) = xTx−1 = 0. Avant de commencer, il faut fairela vérification (simple) que le gradient de la contrainte ne s’annule pas sur g−1(0). Ensuite, pour xi

la ième coordonnée de x, le calcul donne :

ddxi

(xTAx−µxTx) = ∑j(ai jx j +a jix j)−2µxi = 2(∑

jai jx j)−2µxi.

Poser que les dérivées sont nulles pour tout i revient à demander que 2Ax− 2µx = 0, c’àd. que xest un vecteur propre. Or g−1(0) est compacte. Il existe donc au moins un maximum/minimum, quidoit être atteint par un vecteur propre.

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A.3 - Matrices, mineures et réduction

Il y a (au moins) deux façons de continuer :Méthode 1 : “À fond Lagrange.” De nouveau, l’étude de R est faite mais sous les contraintes g

et g1(x) = v1 · x. Soit µ1 la valeur propre de v1. De nouveau, une vérification rapide montre que laméthode s’applique (sauf si A est de taille 2× 2. Le calcul donne alors 2(Ax− µx)− µ1v1 = 0. Enprenant le produit scalaire avec v1, il apparaît : 2vT

1Ax−µ1‖v1‖2 = 0. Or vT1A = vT

1AT = µ1vT1 car v1

est un vecteur propre de valeur propre 0.Ainsi, il faut que µ1 = 0 et les points critiques sont des vecteur propres orthogonaux à v1. Comme

g−1(0)∩ g−11 (0) est toujours compact, il y a un minimum/maximum qui est un vecteur propre or-

thogonal à v1. En continuant de la sorte, des vecteurs propres mutuellement orthogonaux de A sontobtenus jusqu’à ce que la contrainte ait un sens (c’àd. que n−1 vecteur propres soient trouvés). Enfait, à la dernière étape (lorsque la contrainte n’est plus qu’un cercle) il faut simplement remarquerque soit il y a un minimum et un maximum distinct (les vecteurs propres de valeurs propres dis-tinctes sont automatiquement orthogonaux, proposition A.3.2) soit la fonction est constante (dansquel cas n’importe quelle paire de vecteurs orthogonaux fait l’affaire).

Méthode 2 : “La diagonalisation.” Soit donc v1, ce premier vecteur propre et soit µ1 sa valeurpropre. Soit U1 la matrice dont la première colonne est v1 et les autres colonnes choisies de sorteque UT

1 U1 = Id (c’àd. U est une matrice unitaire). Soit T1 = U−11 AU1. La première colonne de T1

est (µ1,0, . . . ,0). Soit ensuite A1 la matrice (n−1)× (n−1) constituée de T1 privée de sa premièreligne et colonne. Ce processus est répété pour obtenir une matrice (n−1)× (n−1), T2 =U−1

2 A1U2

dont la première colonne est (µ1,0, . . . ,0) et A2 une matrice (n−2)× (n−2).Si U ′k =

( Id 00 Uk

)une matrice n×n obtenue de Uk en complétant par l’identité, alors U ′−1

2 U ′−11 AU ′1U ′2

n’a que des 0 sous la diagonale sur ses deux premières colonnes. En poursuivant, il apparaît queB =U ′−1

n · · ·U ′−11 AU ′1 · · ·U ′n est triangulaire supérieure. De plus, puisque AT = A et U ′Tk =U ′−1

k , ona que BT = B. Donc B est une matrice diagonale et le produit U ′1 · · ·U ′n est la matrice (orthogonalepuisque son adjointe est son inverse) de ses vecteurs propres. �

Une version plus faible et beaucoup plus simple à démontrer (mais non moins utile) du théorèmespectral A.3.8 est :Théorème A.3.9 (Théorème d’inertie)

Soit A une matrice symétrique réelle, la fonction R(x) = xTAx définie pour les vecteurs x denorme 1 ( i.e. ∑x2

i = 1) atteint son minimum et son maximum sur les vecteurs propres de A. Leminimum est la plus petite valeur propre de A et le maximum la plus grande.

DÉMONSTRATION : Avec les multiplicateurs de Lagrange : il faut minimiser R(x) avec la contrainteg(x) = xTx−1 = 0. Pour xi la ième coordonnée de x, le calcul donne : d

dxi(xTAx−µxTx) = ∑ j(ai jx j +

a jix j)−2µxi = 2(∑ j ai jx j)−2µxi. Poser que les dérivées sont nulles pour tout i revient à demanderque 2Ax−2µx = 0, c’àd. que x est un vecteur propre. Ainsi le maximum/minimum doit être atteinten un vecteur propre. �

Lorsque les valeurs propres réelles d’une matrice symétrique n× n sont listées comme µ1 ≥ µ2 ≥. . .≥ µn, il est sous-entendu que certaines peuvent être égales (le nombre de valeurs propres égalesdonne la multiplicité). Mais si elles sont listées comme µ1 > µ2 > .. . > µk, alors elles sont distinctes.

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Chapitre A - RAPPELS

Rappelons aussi que le rang d’une matrice A de taille n× n (par définition, le rang est la di-mension de l’image de A) est égal à n moins la multiplicité (géométrique) de la valeur propre nulle.Lorsqu’il n’y a pas de nuance entre multiplicité géométrique et algébrique (e.g. quand A est symé-trique ou qu’elle possède n vecteurs propres linéairement indépendants), le rang est aussi la sommedes multiplicités des valeurs propres non-nulles. Soit S ⊂ n, A|S la matrice obtenue de A en retiranttoutes ses ièmes colonnes et lignes lorsque i /∈ S. Parfois le terme mineures de A est aussi employépour les déterminants des matrices A|S.

Une formule importante qui découle du développement d’un déterminant par ses cofacteurs est

Remarque A.3.10. Soit PoC(A,µ)=n∑

i=0ciµn−i. Alors c0 = 1 et lorsque i> 0, ci =(−1)i

∑|S|=i

DetA|S.

Théorème A.3.11 (Théorème des entrelacements)Soit A une matrice symétrique réelle n×n de valeurs propres µ1 ≥ µ2 ≥ . . .≥ µn, et A|S une de

ses sous-matrices principales, |S|= m, de valeurs propres µ′1 ≥ µ′2 ≥ . . .≥ µ′m. Alors

µn−m+i ≤ µ′i ≤ µi.

La démonstration suivante présuppose une “évidence” géométrique ; cependant elle ne nécessite quede savoir le théorème d’inertie A.3.9 (ou, alternativement, de savoir qu’une norme sur les matricesexiste : ‖A‖= sup

v 6=0‖Av‖/‖v‖).

DÉMONSTRATION : L’idée est de se ramener à une matrice définie positive. Pour ce faire, il suffitd’ajouter la matrice identité (avec un gros coefficient positif). En effet, si B = A+ cId alors lesvaleurs propres de B sont c+µi. De plus, B|S = A|S + cId, ainsi le décalage du spectre est le mêmesur la mineure principale. Par le théorème d’inertie A.3.9, B est définie positive pourvu que c soitplus grand que la plus petite valeur propre. Donc, il est possible de supposer que A est définiepositive.

L’ensemble EA = {xTAx|xTx = 1} est un ellipsoïde dont les axes principaux sont les vecteurspropres de A (comme A est symétrique il y a bien n vecteurs propres orthogonaux). La longueur del’axe associé au vecteur propre vi de valeur propre µi est µ−1/2

i . Se restreindre à une sous-matricede A correspond à se restreindre à un plan de coordonnées. Dans le nouvel ellipsoïde obtenu, lalongueur des axes principaux est encadrée par celle des axes de EA. �

Ceci dit, en graphes, une version plus simple est d’habitude suffisante.

Théorème A.3.12Soit A une matrice symétrique réelle n×n et A|S une de ses sous-matrices principales.Alors

µmin(A)≤ µmin(A|S)≤ µMax(A|S)≤ µMax(A).

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A.4 - Permutations et orbites

DÉMONSTRATION : Soit A = (ai j), et soit v un vecteur propre pour A|S de valeur propre λ et de

norme 1, i.e. ∀i ∈ S, ∑j∈S

ai jv j = λv j etv∑i∈S

2

i= 1. Alors le vecteur w défini par

wi =

{vi si i ∈ S0 si i /∈ S

est aussi de norme 1 (wTw = vTv = 1). De plus, si i ∈ S,

(Aw)i = ∑j

ai jw j = ∑j∈S

ai jv j = λvi

Ainsi wTAw = ∑i, j∈S

viai jv j = λ. Par le théorème d’inertie A.3.9, µmin(A)≤ λ≤ µMax(A). �

A.4 Permutations et orbites

La démonstration du théorème 2.4.15, et même la simple définition du déterminant, requiert unebonne connaissance des permutations.

Définition A.4.1. Une permutation sur X est une bijection de X vers X . L’ensemble des per-mutations sur X est noté SX . L’ensemble des permutations sur n éléments est noté Sn := {σ : n→n|σ est bijective}. La composition forme une loi de groupe sur ces ensembles, avec pour identité...l’identité Id : i 7→ i. La matrice (indicée par X) associée à une permutation sur X est σ Pσ à σ ∈ SX :pour la base usuelle ex de RX (ici R est un corps quelconque), elle est définie par Pσex = eσ(x). F

Seules les permutations sur un ensemble de la forme N seront considérées. Lorsque σ n’est pasl’identité, une écriture très commode pour σ est sa décomposition en orbites (ou cycles).

Soit i ∈ N. La décomposition provient de l’étude de la suite donnée par (i,σ(i),σ◦σ(i),σ◦σ◦σ(i), . . .). La notation abrégée σ◦n (où pour l’instant n∈Z>0) pour la fonction obtenue en composantn fois σ avec elle-même sera de vigueur. Par convention, σ◦0 = Id. D’autre part, comme σ est unebijection, elle est inversible. Ainsi, la notation s’étend aux entiers négatifs en définissant σ◦(−1) =

σ−1 et σ◦(−n) =(σ−1)◦n. Alors pour tout n,m ∈ Z, σ◦m et σ◦n sont définies et σ◦m ◦σ◦n = σ◦(m+n).

Ceci étant dit, reste à montrer que la suite {σ◦n(i)}n≥0 est constituée de valeurs qui se répètent toutespériodiquement.

La suite (σ◦n(i))n≥0 finit forcément par reprendre une valeur, notée j, car elle est infinie etne peut prendre qu’un nombre fini de valeur. Le nombre d’itérations à regarder est même facileà trouver en utilisant le principe des tiroirs. En effet, la suite {σ◦n}0≤n≤N est constituée de N + 1membres qui prennent au plus N valeurs distinctes. Il y a donc une répétition.

Soit j la première valeur qui réapparaît une deuxième fois. Soit 0 ≤ n < n′ les deux plus petitsentiers tels que j = σ◦n(i) = σ◦n

′(i). Comme σ est une bijection, elle-même et ses itérées sont

inversibles. Ainsi i = σ◦(n′−n)(i) = σ◦−n( j) est bien la première valeur à réapparaître une deuxième

fois (car n′−n< n′ sauf si n= 0). De plus, réitérer par σ◦k permet de voir que σ◦k(i) = σ◦(k+n′−n)(i).Ainsi la suite {σ◦n(i)} est bien périodique, et sa période correspond au plus petit ` tel que i = σ◦`(i).

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Chapitre A - RAPPELS

Soit donc `= n′−n la longueur de l’orbite de i, alors {σ◦n(i)}0≤n≤l−1 ne prend que des valeursdifférentes. Ceci est dû au fait que i est la première valeur à réapparaître. De plus, si k fait partie decette suite, alors pour un n0 ∈ N, σ◦(−n0)(k) = i. Ainsi σ◦n(k) prendra les mêmes valeurs que σ◦n(i)et dans le même ordre, avec un décalage.

De la sorte, il est possible de regarder comment la permutation agit maintenant sur Nr{σ◦n(i)}0≤n≤`−1.En identifiant cet ensemble avec N− ` et en étudiant l’orbite de σ pour un point quelconque, laconstruction s’itère, jusqu’à qu’il ne reste plus rien.

Autrement dit, l’ensemble des orbites distinctes décrit complètement la permutation. De manièreplus mathématique, les paragraphes précédents montrent que

— Soit R la relation définie sur N par xRy⇔∃n∈N tel que σ◦n(x) = y. Alors R est une relationd’équivalence.

— Les classes d’équivalence de cette relation s’ordonnent en une suite par itération de n’im-porte quel élément. Autrement dit, soit x∈N, soit `= |[x]R| et y∈ [x]R alors [x]R = {σ◦k(y)}0≤k<`.

— Ces classes d’équivalences ordonnées déterminent complètement la permutation σ. Les or-bites ainsi ordonnées se notent d’habitude

(yσ(y)σ◦2(y) . . .σ◦`(y)

)Voici quelques exemples pour clarifier un peu les choses.

Exemple A.4.2. La permutation P1 ∈ S5 qui s’écrit en orbites (1)(23)(45) envoie 1 7→ 1, 2 7→ 3,3 7→ 2, 4 7→ 5, et 5 7→ 4. Un petit calcul montre que P1 ◦P1 = Id. Si P2 = (123)(45), elle envoie1 7→ 2, 2 7→ 3, 3 7→ 1, 4 7→ 5, et 5 7→ 4. P2 ◦P2 = (132)(4)(5), et P1 ◦P2 = (13)(2)(4)(5). ♣

Les orbites de taille 1, i.e. les points fixes de σ, sont ignorés dans l’écriture en orbites. Dansl’exemple ci-dessus, la notation qui serait réellement employée : P1 = (23)(45), P2 ◦P2 = (132) etP1 ◦P2 = (13).

Le signe d’une permutation, noté sgn(σ), est (−1)ncypair(σ) où ncypair(σ) est le nombre d’orbitespairs dans la décomposition en orbites de σ Il est aussi possible de définir par sgn(σ) = (−1)t(σ),où t(σ) est le nombre de permutations composée d’un simple échange Pi = (ab) nécessaire pourécrire σ = P1 ◦ P2 ◦ . . . ◦ Pt(σ) (ces deux quantités étant égales et la seconde indépendante de ladécomposition en échange simples...).

Pour justifier l’équivalence des deux définitions, il faut remarquer que (12)◦(23)= (123), (12)◦(23)◦ (34) = (1234), ... Une démonstration peut se faire par induction.

Une opération commune est la conjugaison. Si σ et π sont deux permutations de SX alors laconjugaison de π par σ, notée γσ(π), est le produit σ◦π◦σ−1. Celle-ci s’exprime particulièrementbien dans la décomposition en orbite : si (x1x2 . . .x`) est une orbite de π alors

(σ(x1)σ(x2) . . .σ(x`)

)est une orbite de γσ(π).

Exemple A.4.3. Soit P1 = (1234) et P2 = (135) deux permutations de S5. Alors

γP2(P1) = (135)(1234)(153) = (1)(2543) = (3254). ♣

Afin d’étudier le polynôme caractéristique d’un graphe, il sera plus ou moins implicitement em-ployé qu’à une permutation correspond un graphe. En effet, soit σ∈ SX . Alors Gσ est défini par l’en-semble de sommets X et la matrice d’adjacence (A)xy = 1 si σ(x) = y et 0 sinon. La décomposition

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A.5 - Groupes et actions

en orbite est simplement de dire que ce graphe est composé de composantes faiblement connexes(qui sont aussi fortement connexes lorsque X est fini). Chaque composante est un n-circuit (où lesvaleurs n = 1 doivent être admises pour un lacet et, si X est infini n = ∞ pour le ∞-circuit). Lorsquequ’il n’y a que des composantes finies et que seul un nombre fini d’entre elles sont paires, le signede la permutation est égale au nombre de composantes de cardinal pair. Lorsque X est fini, ceci estautomatique.

A.5 Groupes et actions

Comme les groupes interviennent eux aussi dans ce cours (et pas seulement en tant que permu-tations) il est nécessaire de faire un rappel ; ce rappel se restreindra aux éléments les plus essentielsqui sont requis.

Un groupe est un ensemble Z muni d’une opération binaire m : Z×Z→ Z qui satisfait certainespropriétés. La notation est presque systématiquement raccourcie par m(z,z′) = z ·z′ ou z+z′ ou z? z′

ou z∗ z′ ou zz′ ou ... Les propriétés sont

— Il existe un élément, dit l’élément neutre et noté eZ (ou parfois 1Z), tel que ∀z ∈ Z,eZ · z =z = z · eZ .

— ∀z ∈ Z il existe un élément, appelé l’inverse de z et noté z−1, tel que zz−1 = eZ = z−1z.— L’opération binaire est associative, ∀z1,z2,z3 ∈ Z, z1 · (z2 · z3) = (z1 · z2) · z3.

Le groupe est dit abélien si ∀z,z′ ∈ Z, z · z′ = z′ · z. Pour les groupes abéliens, l’opération binairese note préférablement par z+ z′ ou z⊕ z′, ceci s’appelle la notation additive (et la précédente lanotation multiplicative). Dans la notation additive l’inverse s’écrit −z et l’élément neutre 0Z . Cesnotations se distinguent surtout par une autre abréviation, c’àd. lorsque l’opération est itérée sur unélément. Soit n ∈ Z>0, alors

nz := z+ z+ . . .+ z︸ ︷︷ ︸nfois

et zn := z · z · . . . · z︸ ︷︷ ︸nfois

Qui plus est, la convention étend cette notation à tout n ∈ Z : 0z = eZ et z0 = 1Z = eZ et si n < 0,nz := (−n)(−z) et zn :=

(z−1)−n. La conjugaison est aussi définie dans un groupe, i.e. pour y,z ∈ Z

la conjugaison de z par y, notée γy(z) est le produit yzy−1. Une manière de vérifier que −1 est à saplace est de s’assurer que γx

(γy(z)

)= γxy(z).

Un ensemble S⊂ Z est dit générateur si ∀z∈ Zr{eZ}, il existe un k ∈Z≥0, une suite {si}0<i<k

d’éléments de S et une suite {ni}0<i≤k ⊂Z>0 d’entiers strictement positifs tels que z= sn11 ·s

n22 · · ·s

nkk .

Un groupe tel qu’il existe un ensemble générateur S fini, est dit finiement engendré. L’ensemblegénérateur S est dit symétrique si ∀s ∈ S,s−1 ∈ S.

Exemple A.5.1. (Z,+) est finiement engendré (e.g. par S = {1,−1}). Par contre, (Qr{0},×) nel’est pas (sinon il y aurait un nombre fini de nombre premiers). (Q,+) n’est pas non plus finiementengendré. Tous les groupe finis sont finiement engendrés (il suffit de prendre tous les élémentscomme générateurs). ♣

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Chapitre A - RAPPELS

Il est une manière à premier abord simple (mais non moins subtile) de décrire un groupe. Il s’agitdes présentations. En effet, soit S un ensemble générateur. Alors, il peut y avoir moult manières dedécrire un élément z. En fait, en utilisant l’associativité et l’existence d’inverse, le lecteur se rendrarapidement compte que cela ne dépend pas du tout de l’élément z, mais qu’il suffit de regardertoutes les manières d’écrire l’élément eZ . Ainsi étant donné un ensemble S⊂ Z (pas nécessairementgénérateur) il lui correspond un ensemble R de relations.

Par exemple, si S = {a,b} alors tous les produits d’éléments de S sont essentiellement des motsécris avec les lettres a et b, e.g. aababba et abab et a. Par convention, le mot vide est l’élémentneutre. Les relations sont les mots qui, après application successive de l’application binaire (l’ordrede cette application étant sans importance par associativité) donnent l’élément neutre.

Exemple A.5.2. Pour préciser cet exemple, soi Z = S3 et S = {a,b} où a = (12 et b = (123). Alorsb2 = bb = (132), b3 = eZ = a2, ab = (23) = b2a, ba = (13) = ab2, ... En fait, dès que deux produitssont égaux, une relation est trouvée. Pour l’instant, les relations, au sens des mots qui donnentl’identité, sont b3, a2, baba, et quelques autres. Écrire toutes les relations est automatiquement unprocessus infini (dès qu’il y a un mot autre que le mot vide). En effet, si w est un mot qui est unerelation, ww aussi, et www, et ... Sans compter les inverses w−k. Pire, dès que w est une relation,γv(w) (où v est n’importe quel autre mot) en est une aussi. ♣

Ainsi, il est souvent naturel de se restreindre au plus petit nombre de relations, c’àd. de regarderun ensemble minimal R′ de relations telles que toute autre relation est obtenue par conjugaison,inversion ou multiplication de ces relations. Un groupe est dit de présentation finie s’il existe unensemble fini de générateur S et qu’un ensemble minimal de relation associé R′ est lui aussi fini.

Si Z possède une présentation finie, il est commun d’écrire Z = 〈s ∈ S | r ∈ R〉. Par exemple,S3 = 〈a,b | a2,b3,baba〉. Un certain laxisme est fréquent dans cette notation, e.g. S3 = 〈a,b | a2 =

b3 = 1,aba = b−1〉.Il est une opération dans cet ordre d’idée qui permet d’obtenir un nouveau groupe à partir de

deux anciens, c’est le produit libre. Soit Z1 et Z2 deux groupes, alors le produit libre de Z1 et Z2,noté Z1 ∗Z2, est le groupe dont les éléments sont les mots en Z1 et Z2 où le mot est raccourci parl’opération binaire de chaque groupe (pourvu que les deux éléments successifs appartiennent aumême groupe).

Exemple A.5.3. Soit Z2 le groupe [abélien] a deux éléments (il n’y en a qu’un seul !). AlorsZ2 = 〈a | a2 = 1〉. Soit Z = Z2 ∗Z2 = 〈a,b | a2 = b2 = 1〉. Un élément de Z s’écrit comme une suitequi alterne nécessairement entre a et b. Ainsi, tout élément se caractérise par la lettre initiale et lalongueur du mot. ♣

Si Zi = 〈Si | Ri〉 alors Z1 ∗Z2 = 〈S1 t S2 | R1 tR2〉. De la même manière, Z1×Z2 = 〈S1 t S2 |R1tR2t{s1s2 = s2s1 | si ∈ Si}〉. Le groupe libre à n générateurs, noté Fn, est le groupe donné parles mots sur n lettres et leurs “inverses” : Fn = 〈a1,a2, . . .an,a−1

1 ,a−12 , . . . ,a−1

n |∅〉.Étant donné un groupe Z, un sous-groupe Z′ de Z est un sous-ensemble de Z qui est aussi un

groupe. Pour vérifier qu’un sous-ensemble est un groupe, il faut faire attention à ce que cet ensemblesoit fermé sous l’opération binaire. En fait,

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A.5 - Groupes et actions

Lemme A.5.4

Un ensemble Z′ ⊂ Z est un sous-groupe de Z si et seulement ∀z1,z2 ∈ Z′,z−11 z2 ∈ Z′.

La notation Z < Z′ signifie que Z′ est un sous-groupe de Z. Le lecteur vérifiera aisément que, siZ < Z′, alors ∀z ∈ Z,γz(Z′) < Z. Pour deux éléments z1,z2 ∈ Z et deux sous-ensembles S1,S2 ⊂ Z,les produits terme à terme sont :

z1S1z2 = {z ∈ Z | ∃s ∈ S,z = z1sz2} S1S2 = {z ∈ Z | ∃si ∈ Si,z = s1s2}.

Soit Z′ < Z un sous-groupe. Alors 1Z ∈ Z′ et Z′Z′ = Z′. Il est possible de former une relationd’équivalence (à gauche) sur Z qui dépend de Z′ : xRZ′y si et seulement si xZ = yZ. [Il y a aussila relation par multiplication à droite ; dans ce qui suit, les énoncés s’énoncent tout aussi bien “del’autre côté”.] Sauf lorsqu’une confusion est possible, R = RZ′

La classe d’équivalence de x pour cette relation est le classe à gauche de x. La partition de Zcorrespondante est notée Z/Z′. D’habitude, un élément de chaque classe d’équivalence est choisi,et il est nommé le représentant de la classe d’équivalence.

Lemme A.5.5∀z ∈ Z, |[z]R|= |Z′|. En particulier, si |Z′|< ∞, il y a exactement |Z|/|Z′| classes à gauche.

DÉMONSTRATION : La première étape est de montrer que ∀z0 ∈ Z la multiplication (à gauche) parz0 est une bijection de Z sur Z. C’est une injection : soit z1,z2 ∈ Z,

z0z1 = z0z1⇒ z−10 z0z1 = z−1

0 z0z2⇒ z1 = z2

C’est aussi une surjection : pour z1 ∈ Z, il faut trouver z2 ∈ Z tel que z0z2 = z1 ; une simple manipu-lation donne z2 = z−1

0 z1.Maintenant, si σ est une bijection sur Z c’est aussi une bijection sur Pk(Z) l’ensemble des

sous-ensembles de cardinal k (où k ∈ Z>0∪∞).Or [z]R est une classe d’équivalence pour R. Ce qui a été démontré jusqu’ici c’est que |z′[z]R|=

|[z]R|. Cependant comme il s’agit de classes d’équivalences, soit z′[z]R = [z]R soit z′[z]R∩ [z]R = ∅.Autrement dit, comme |[eZ]R|= |Z′|, il y a |Z|/|Z′| classes d’équivalences de cardinal |Z′|. �

Même si |Z′| = ∞, il peut arriver que la partition Z/Z′ soit finie. La terminologie est que Z′ estd’indice |Z/Z′| (un nombre fini ou infini) dans Z ; l’indice se note directement [Z : Z′].

Un sous-groupe est dit normal si ∀z ∈ Z,γz(Z′) = Z′. La notation usuelle est Z′ C Z. Ceci seréécrit de manière plus accorte comme suit :

Lemme A.5.6Un sous-groupe Z′ < Z est normal si et seulement si pour tout z dans Z, Z′z = zZ′. Soit (Z′, ·) ungroupe et Z′ C Z un sous-groupe normal, alors (Z/Z′, ·) est un groupe.

DÉMONSTRATION : La première affirmation est une simple reformulation de la définition. Pour laseconde, il suffit de vérifier que [x−1]R · [y]R = x−1Z′yZ′ = x−1yZ′Z′ = [x−1y]R. �

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Chapitre A - RAPPELS

En combinant ce lemme avec le lemme A.5.5, le lecteur n’aura aucun mal à voir que le nombred’éléments du groupe quotient Z/Z′ n’est autre que l’indice de Z′ dans Z, [Z : Z′].

Une remarque amusante à ce moment est que si Z admet une présentation finie Z = 〈S | R〉 et queZ′ C Z est finiement engendré (par S′) alors Z/Z′ admet une présentation finie : Z/Z′ = 〈S | RtS′〉

Étant donnés deux groupes Z1 et Z2, un homomorphisme de groupe est une application f :Z1 → Z2 telle que f (zz′) = f (z) f (z′). Le terme épimorphisme est employé lorsque f est surjec-tive, monomorphisme si f est injective et isomorphisme si elle est bijective. Tout comme pour lesespaces vectoriels cette application est essentiellement caractérisée par son image (Im f qui est unsous-groupe de Z2) et son noyau Ker f = {z ∈ Z1 | f (z1) = eZ2} (qui est un sous-groupe normal deZ1). Qui plus est, Im f est isomorphe à Z1/Ker f .

Les automorphismes sont les isomorphismes d’un groupe avec lui-même. Ils forment un groupe,noté Aut(Z) dont l’opération binaire est la composition. L’exemple le plus simple est la conjugai-son γz. En fait, γ : z 7→ γz est un homomorphisme de Z dans Aut(Z). Si le groupe est abélien, cethomomorphisme est trivial (i.e. sont noyau est Z et son image l’identité). Un exemple simple d’au-tomorphisme qui n’est pas une conjugaison est de prendre le produit cartésien d’un groupe abélienZ avec lui-même Z×Z. Alors un automorphisme qui non-trivial est (z,z′) 7→ (z′,z) et comme touteconjugaison est triviale, il est clair que cet automorphisme n’est pas une conjugaison.

Par contre, tout groupe possède un monomorphisme dans un groupe de permutation. Pour leréaliser, il suffit de considérer SZ . Effectivement, mz : Z→ Z définie par y 7→ zy est une permutationde Z. Une vérification simple convaincra le lecteur qui ne craint point l’abstraction que z 7→ mz estbien un monomorphisme.

Les homomorphismes de Z dans un Sn sont parfois appelées représentations par des permuta-tions. Il en existe d’autres, plus célèbres, qui sont les représentations linéaires (mais qui ne serontpas utiles ici).

Les sous-groupes normaux sont plus que dignes d’intérêt. Néanmoins si Z′ < Z n’est pas né-cessairement normal, x[y]R = [xy]R et [y]Rx−1 = yZ′x−1 = yx−1xZ′x−1 = yx−1γx(Z) = [yx−1]Rx où Rx

est la relation associée au sous-groupe γx(Z). Ainsi, les éléments de Z permutent aussi les classesd’équivalences de Z/Z′.

Ceci introduit de manière “naturelle” les actions de groupes.

Soit X un ensemble et (Z, ·) un groupe. Une action [à gauche] est une application a : Z×X→ Xtelle que

— a(z,a(z′,x)

)= a(zz′,x).

— ∀z ∈ Z, a(z, .) : X → X est une bijection.

Autrement dit, c’est un homomorphisme de Z dans SX . La représentation (ou l’action) est dite fidèles’il s’agit d’un monomorphisme. La plupart du temps, a(z,x) est abrégé par z · x. Étant donné uneaction de Z sur X , il existe quelques ensembles qui ont un intérêt particulier (la seconde notation estun raccourci fréquent :

stabilisateur de x : Stabx = Zx = {z ∈ Z | z · x = x}orbite de x : OZx = Zx = {z · x | z ∈ Z}points fixes dez : Fixz = Xz = {x ∈ X | z · x = x}

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A.5 - Groupes et actions

L’action est dite transitive sur un ensemble S ⊂ X si ∀x,y ∈ S,∃z ∈ Z tel que z · x = y. Un sous-ensemble S ⊂ X est dit Z′-invariant (où Z′ < Z) si ∀z ∈ Z′,z ·S = S. Un sous-ensemble Z-invariantsur lequel Z agit transitivement est exactement une orbite de Z.

Une remarque est que Stabx est un sous-groupe de Z, et même que γz′(Stabx) = Stab(z′−1 · x).Lemme A.5.7

Soit x ∈ X et y ∈ Ox alors {z ∈ Z | z · x = y} est une classe à gauche de Z/Stabx. Inversement,si Z′ = Stabx et [z]R est une classe à gauche, alors ∀z′ ∈ [z]R,z′ · x = z · x.

DÉMONSTRATION : Comme Z est transitif sur Ox, il existe z tel que z · x = y. Si z′ ∈ Z est tel quez′ · x = y alors

z′ · x = z · x⇔ z−1z′ · x = x⇔ z−1z′ ∈ Stabx⇔ z′ ∈ zStabx,

ce qui est le contenu de la première affirmation. De fait, la suite d’équivalence ci-dessus impliqueaussi la seconde affirmation. �

Les lemmes A.5.5 et A.5.7 impliquentThéorème A.5.8 (Théorème orbite-stabilisateur)

Soit Z un groupe agissant sur X , alors ∀x ∈ X , |OZx| · |Stabx|= |Z|.

En effet, il suffit d’identifier les éléments de l’orbite aux classes à gauche du stabilisateur. Un autrerésultat classique estThéorème A.5.9 (Le lemme de Burnside)

Soit Z un groupe fini agissant sur un ensemble fini X . Le nombre d’orbites de Z dans X est égalau nombre moyen de points fixes d’un élément de Z.

DÉMONSTRATION : Il suffit de compter le nombre de paires (z,x) ∈ Z×X telles que z · x = x dedeux manières distinctes. Premièrement, pour z fixé il y a |Fixz| éléments de X qui complètent lapaire, soit |Z| · 1

|Z| ∑z∈Z|Fixz|. D’autre part, pour x fixé, il y a |Stabx| éléments de Z qui complètent la

paire, soit, en utilisant le théorème A.5.8,

∑x∈X|Stabx|= ∑

x∈X

|Z||OZx|

= |Z|∑x∈X

1|OZx|

.

En prenant une partition de X en ses orbites, le dernier terme s’avère être |Z| fois le nombre d’orbites.�

Une autre remarque qui sera d’utilité particulière pour les graphes c’est qu’une action sur Xinduit naturellement une action sur les sous-ensembles de cardinal fixée de X , Pk(X), et sur lespuissances cartésiennes de X , Xk. Par exemple, a(z,{x,y}) = {a(z,x),a(z,y)} ou z · (x1,x2,x3) =

(z ·x1,z ·x2,z ·x3). De fait, il faut distinguer deux stabilisateurs associés à un sous-ensemble S⊂ X :StabensS = ZS = {z ∈ Z | zS = S} et StabptS = ZS,∩ = {z ∈ Z | ∀s ∈ S,zs = s}.

Les actions esquissées plus tôt jouent un rôle privilégié. En effet, toute orbite pour une actionde Z est équivalente à l’action de Z sur les classes à gauche d’un certain sous-groupe. Étant donné{z j} j∈J (où J est un ensemble d’indices, fini ou infini) des représentant pour les classes à gauche,alors Z agit sur J par permutation : z · j = j′ où z[z j]R = [zz j]R = [z j′ ]R.

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Chapitre A - RAPPELS

Remarque A.5.10. Le stabilisateur de [1Z]R pour cette action n’est autre que le sous-groupe lui-même. En effet, si zZ′ = Z′, ceci implique, comme z ∈ zZ′ et 1Z ∈ Z′, que z ∈ Z′. ♠

Il existe d’autres actions (légèrement plus exotiques). Pour tout sous-groupe Z′ < Z et pour toutz ∈ Z, γz(Z′) est aussi un sous-groupe de Z. Alors Z agit sur l’ensemble de ses sous-groupes. Pouravoir une action plus petite, il est possible de se limiter à une orbite. Finalement, il existe une action[à gauche] sur toutes les classes à gauche de tous les sous-groupes. En effet, soit [z]R/Z′ une classe àgauche d’un sous-groupe Z′, soit ζ · [z]R/Z′ = [z′]R/γ

ζ(Z′) définie par zZ′ζ = zζ−1γζ(Z′). Une orbite est

contenue dans les classes à gauche d’un sous-groupe et des sous-groupes qui lui sont conjugués.Finalement, une manière importante de construire de nouveaux groupes est le produit semi-

direct. Étant donné deux groupes Z1 et Z2 et un homomorphisme φ : Z2 ↪→Aut(Z1), le produit semi-direct Z1oφ Z2 est défini comme suit. Les éléments sont ceux de Z1×Z2 mais la loi de multiplicationn’est pas la même : si z1 ∈ Z1 et z2 ∈ Z2, et avec la notation φz2 = φ(z2) ∈ Aut(Z1), alors

(z1,z2) · (z′1,z′2) = (z1φz2(z′1),z2z′2).

Même si les deux groupes de départs sont abéliens, il est tout à fait possible d’obtenir un groupenon-abélien par le produit semi-direct. Le lemme du scindage dit que Z est isomorphe au produitsemi-direct Z1 oφ Z2 si et seulement si il existe trois homomorphismes j : Z1 ↪→ Z, π : Z � Z2 etσ : Z2→ Z tels que

Ker j = {eZ1}, Imπ = Z2, Im j = Kerπ, et π◦σ = IdZ2

Dans ce cas φz2(z1) = j−1(σ(z2) j(z1)σ(z2)

−1)

(il est possible d’appliquer j−1 car l’image de Z1

par j est le noyau d’une application, ergo un sous-groupe normal, ainsi sa conjugaison par σ(z2)

appartient toujours à Z1).

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A.5 - Groupes et actions

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Bibliographie

Voici une liste de quelques livres qui pourrait servir au lecteur. (La remarque cite quelle partiesdes notes présentes sont tirées de l’ouvrage.)

Auteur Titre Langue Remarque

Bollobás Modern graph theory EN Surtout Chapitre 1 ; complet.

Bondy Graph theory withEN

Chapitre 1 seulement, développe& Murty applications bien le côté algorithmique

R. Diestel Graph theory ENSurtout chapitre 1 ; très complet ;disponible gratuitement en ligne

Biggs Algebraic graph theory EN Surtout Chapitre 2 ; concis

Cvektovic Spectra of graphs,EN

Sections 2.3-2.5 ; un classique& Doobs theory and qui n’est pas toujours très& Sachs applications clairement expliqué

Cvektovic An introduction toEN

Sections 2.3-2.5 ;& Rowlinson the theory of souvent rapide mais plus& Simic graph spectra pédestre que le précédent

Godsil AlgebraicEN

Chapitre 2, surtout en& Royle graph theory rapport aux groupes

Gross TopologicalEN Section 2.2 surtout

& Tucker graph theory

LubotzkyDiscrete groups,

EN Section 2.5 surtout.expanding graphs,and invariant measures

La plupart des livres sur la théorie des graphes dans la bibliothèque de l’institut de Mathéma-tiques se trouvent dans les cotes D et DI.

Globalement, le chapitre I du présent texte est tiré principalement de : Bollobás et Diestel.Bondy et Murty est un référence, mais porte surtout sur le côté algorithmique. Le chapitre II mélangeun peu toute les autres références.

Pour le chapitre III, l’auteur a pris les trois premières sections (à peu de choses près) dans Bol-lobás [chapitre II et IX]. Les sections 3.4, 3.5 et 3.6 sont un mélange des notes de G. Pete (disponiblesur sa page ouebbe) et d’un article de survol de R. Lyons (sur les arbre aléatoires uniformes). Lasection 3.7 est tirée/adaptée d’un exposé de B. Virág.

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Index

n, ivχ, voir nombre chromatique

F−1, voir image réciproque−, voir différence◦, voir compositiont, voir union de graphesr, voir suppression de sommet?, voir raccord−, voir suppression d’arête, voir ajout d’arête/, voir contraction

abélien, 176action

de groupe, 179fidèle, 179

acyclique, 20ajout

d’arête, 11de flèche, 11

antisymétrique, 4arbre, 18

couvrant, 20enraciné, 26normal, 27pointant vers, 18

Arê(A,B), 77arête-disjointe, 34arêtes

graphe des, 5atome

e-, 77atteignable, 4Aut, voir automorphismeautomorphisme, 7

de graphe, 75de groupe, 179

avec lacetgraphe, 2

B, voir espace des coupesbiparti, 28

complet, 28bisous

lemme des, 46bord, 77bosquet, 129boule, 28bouquet en cercles, 4bout, 72, 74

capacité, 117caractéristique

d’Eulerd’une surface, 43

Cayleydiagramme de, 65graphe de, 65

chaînele graphe chaîne, 3

chaîneH-, 27disjointe, 32

chasseau snark, voir Lewis Caroll

cheminle graphe chemin, 3

chromatique, 51circonférence, 35circuit

184

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INDEX

le graphe circuit, 3

classe

d’équivalence, 164

clique, 51

cofacteur, 23, 168

coloration, 51

comparable, 165

complémentaire

graphe, 9

complet

graphe, 2

complexité, 22

composante

faiblement connexe, 14

fortement connexe, 14

composition, iv

conjugaison, 175, 176

connectés

paire de sommets, 32

connexe, 31

arête, 31

connexité, 31

des arêtes, 31

constante

isopérimétrique, 105, 156

contraction, 11

coupe

minimale, 116

coupe minimale, 118

courant

entrant, 126

sortant, 126

couverture

nodale, 57

couvrant, 9

critique, 55

cycle

hamiltonien, 34

induit, 111

le graphe cycle, 3

déconnectant, 77degré, 8

algébrique, 8d’une face, 45entrant, 8maximal, 8minimal, 8moyen, 92sortant, 8topologique, 8

dénombrablegraphe, 2

dérivégraphe, 82

diagonaleentrée, 168

diagrammede Cayley, 65de Schreier, 66

Diam, voir diamètrediamètre, 28différence

de graphe, 11digraphe, 2Dirac

Théorème de, 35disjoint

chaînes, 32distance, 28

de Benjamini-Schram, 154dual, 47

abstrait, 117plongé, 47

e-atome, 77élément

maximal, 165minimal, 165

énergied’une représentation, 109

enraciné

185

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INDEX

arbre, 26entrée, 168d’équivalence

classe, 164relation, 163

espacedes coupes, 111des cycles, 111

étiquetage, 36

f, voir faceφ, voir nombre fluentF , voir groupe libreface, 44face-régulier, 46face-semi-régulier, 46facteur, 57cFc, voir composante fortement connexecfc, voir composante faiblement connexefidèle

action, 179représentation, 179

finigraphe, 2

finiement engendré, 176flèches

graphe des, 5flot, 117

dans un réseau, 117libre, 117Z-, 119

fonctionharmonique, 115

forêt, 18formule

de Binet-Cauchy, 24de Cayley, 26

Γ+, 4Γ−, 4Γ, 4

galbe, 35

générateur, 176

générique

graphe, 2

genre

d’une surface, 43

graphe, 2

avec lacet, 2

biparti, 28

complet, 28

circulant, 87

complémentaire, 9

complet, 2

critique, 55

de Cayley, 65

de Johnson, 59

de Ramanujan, 157

de Schreier, 66

dénombrable, 2

des arêtes, 5

des flèches, 5

des subdivisions, 29

fini, 2

générique, 2

induit, 9

multiple, 2

non-orienté, 2

orienté, 2

parfait, 55

sans lacet, 2

simple, 2

vide, 3

groupe

abélien, 176

libre, 177

hamiltonien, 34

harmonique, 115

avec bord P, 134

homomorphisme, 179

186

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INDEX

imageréciproque, iv

indépendant, 56indice

d’un recouvrement, 81induit

graphe, 9isolé

sommet, 4isomorphe, 6isomorphisme, 75, 166

de graphe, 6de groupe, 179

isthme, 18

Johnsongraphe de, 59

K

opérateur, 133Kirchhoff

lois de, 125

laplaciencombinatoire, 22

LCK, 125lemme

des bisous, 46des poignées de mains, 8

lien, voir coupe minimale, 116limite

de graphe, 154Loi

d’Ohm, 126Kirchhoff, 125

loiKirchhoff, 125

LPK, 125

Mantelthéorème de, 12

MAP, voir marche aléatoire paresseuse, 133

marche, 13aléatoire

paresseuse, 133simple, 132

eulérienne, 14mariage, 56

parfait, 56MAS, voir marche aléatoire simple, 132matrice, 168

d’adjacence, 2d’incidence, 22

non-signée, 99rotationnelle, 114

maximal, 165maximum, 165Menger

théorème, 32mineur

topologique, 42mineure, 23, 168

principale, 23, 168minimal, 165minimum, 165µMax, 91µmin, 91morphisme

de graphe, 75moyennable, 158multidigraphe, 2multigraphe, 2multiparti, 51multiple

graphe, 2multiplicité

algébrique, 168géométrique, 168

N, voir nombre cyclomatiquencc, 36nombre

chromatique, 51

187

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INDEX

cyclomatique, 114fluent, 120

non-orientégraphe, 2

normal, 178arbre, 27

octaèdre, 5Ohm

loi, 126ordre, 2

de l’arbre, 27non-strict, 166strict, 165total, 165

orientégraphe, 2

orientation, 7en oubliant, 7

parfaitgraphe, 55mariage, 56

partition, 164percolation

poids, 146permutation, 174planaire, 41, 42plongement, 41poids

minimal, 37percolation, 146

polygonisation, 44polynôme

caractéristique, 168potentiel

d’un courant électrique, 126présentation finie, 177produit

libre, 177semi-direct (de groupes), 181

puits, 117, 125

raccord, 10raccourci, 111Rad, voir rayonRamanujan

graphe de, 157rayon, 28

spectral, 155rebond

le graphe rebond, 4recouvrement

faible, 80fort, 80

récurrent, 138régulier, 8

face-, 46face-semi-, 46semi-, 29

relation, 163d’équivalence, 163d’ordre

non-strict, 166stricte, 165

représentant, 178représentation, 109

fidèle, 179représentations

de groupe, 179réseau, 117

électrique, 125résistance, 125rétraction, 79rotationnel, 114roue, 10

sans lacetgraphe, 2

saturé, 46Schreier

diagramme de, 66

188

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INDEX

graphe de, 66score, 167semi-régulier, 29semi-vecteur propre, 170séparateur, 32seuil

percolation, 150simple

graphe, 2simplification, 7snark, 123sommet, 2

de coupe, 31isolé, 4

sommet-transitif, 75sous-graphe, 9sous-groupe

normal, 178spectre, 168

graphe, 84sphère, 28stabilité, 56stable, 56suppresion

de flèche, 10suppression

d’arête, 10de sommet, 11

τ, voir complexitétaille, 5

d’une matrice, 168temps

d’atteinte, 135de mélange, 136

Théorèmearbre-matrice, 25

théorèmede Dirac, 35de Mantel, 12de Menger, 32

de Veblen, 13total

ordre, 165tournée, 14

eulérienne, 14tournoi, 15transiente, 138transitive

action, 180triangulation, 46trivial

vide, 3

unionde graphes, 10

valeur propre, 168Veblen, 13vecteur

propre, 168voisins

sommet, 4voltage, 82

ω, voir clique

Z-flot, 119Z , voir espace des cycles

189