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J.-L Beauvois Théories implicites de la personnalité, évaluation et reproduction idéologique In: L'année psychologique. 1982 vol. 82, n°2. pp. 513-536. Résumé Résumé L'étude par les psychologues sociaux des théories implicites de la personnalité montre : 1) que l'activité de description psychologique de soi ou d'autrui est principalement une activité d'évaluation, et 2) que la validité descriptive de ces « descriptions » peut être très sérieusement contestée. Le concept même de personnalité peut être reconsidéré sur la base d'une telle étude, ainsi que la conception que l'on a des processus d'attribution. L'auteur entend montrer que l'étude des théories implicites de la personnalité peut déboucher sur celle d'un procès cognitif : celui d'intériorisation/naturalisation des utilités sociales, et que ce procès cognitif s'inscrit parmi ceux qui permettent la reproduction idéologique. Mots clefs : théories implicites de la personnalité, processus d'attribution, reproduction idéologique. Abstract Summary : Implicit theories of personality, evaluation and ideological reproduction. The social psychological study of implicit personality theories shows : 1) that the psychological description of self and others is amainly evaluative activity, and 2) that the descriptive accuracy of such descriptions can be seriously challanged. The concept of personality and the conception we are of the attribution processes can be so revisited. The author aims to show that exploration of implicit personality theories leads to study of a cognitive process : internalizationjnaturalization of social utilities (social values) and that this cognitive process takes place among those which subtend ideologie reproduction. Key-words : implicit personality theories, attribution processes, ideologie reproduction. Citer ce document / Cite this document : Beauvois J.-L. Théories implicites de la personnalité, évaluation et reproduction idéologique. In: L'année psychologique. 1982 vol. 82, n°2. pp. 513-536. doi : 10.3406/psy.1982.28434 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1982_num_82_2_28434

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theorie implicite de la personnaliteevaluation et reproduction ideologique

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J.-L Beauvois

Théories implicites de la personnalité, évaluation et reproductionidéologiqueIn: L'année psychologique. 1982 vol. 82, n°2. pp. 513-536.

RésuméRésuméL'étude par les psychologues sociaux des théories implicites de la personnalité montre : 1) que l'activité de descriptionpsychologique de soi ou d'autrui est principalement une activité d'évaluation, et 2) que la validité descriptive de ces « descriptions» peut être très sérieusement contestée. Le concept même de personnalité peut être reconsidéré sur la base d'une telle étude,ainsi que la conception que l'on a des processus d'attribution.L'auteur entend montrer que l'étude des théories implicites de la personnalité peut déboucher sur celle d'un procès cognitif : celuid'intériorisation/naturalisation des utilités sociales, et que ce procès cognitif s'inscrit parmi ceux qui permettent la reproductionidéologique.Mots clefs : théories implicites de la personnalité, processus d'attribution, reproduction idéologique.

AbstractSummary : Implicit theories of personality, evaluation and ideological reproduction.The social psychological study of implicit personality theories shows : 1) that the psychological description of self and others isamainly evaluative activity, and 2) that the descriptive accuracy of such descriptions can be seriously challanged. The concept ofpersonality and the conception we are of the attribution processes can be so revisited.The author aims to show that exploration of implicit personality theories leads to study of a cognitive process :internalizationjnaturalization of social utilities (social values) and that this cognitive process takes place among those whichsubtend ideologie reproduction.Key-words : implicit personality theories, attribution processes, ideologie reproduction.

Citer ce document / Cite this document :

Beauvois J.-L. Théories implicites de la personnalité, évaluation et reproduction idéologique. In: L'année psychologique. 1982vol. 82, n°2. pp. 513-536.

doi : 10.3406/psy.1982.28434

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1982_num_82_2_28434

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L'Année Psycholor/ique, 1982, 82, 513-536

Laboratoire de Psychologie Université de Caen1

THÉORIES IMPLICITES DE LA PERSONNALITÉ,

ÉVALUATION ET REPRODUCTION IDÉOLOGIQUE

par Jean-Léon Beauvois

SUMMARY : Implicit theories of personality, evaluation and ideological reproduction.

The social psychological study of implicit personality theories shows : 1) that the psychological description of self and others is amainly evaluative activity, and 2) that the descriptive accuracy of such descriptions can be seriously challanged. The concept of personality and the conception we are of the attribution processes can be so revisited.

The author aims to show that exploration of implicit personality theories leads to study of a cognitive process : internalizationj naturalization of social utilities (social values) and that this cognitive process takes place among those which subtend ideologic reproduction.

Key-words : implicit personality theories, attribution processes, ideologic reproduction.

En 1936, Allport et Odbert recensèrent 18 000 termes anglais permettant la description psychologique. Un tel registre sémantique est probablement sans équivalent. Lorsqu'on sait que ces auteurs furent en mesure de trier, parmi ces termes, 4 504 d'entre eux apparaissant comme des « traits de personnalité les plus manifestement réels, (désignant) des tendances déterminantes généralisées et personnalisées » (p. 366), on prend conscience de ce qu'une langue véhicule de psychologie implicite de nature personnologique, c'est-à-dire de psychologie expliquant la conduite en termes de propriétés individuelles. De fait, rien de plus banal que l'énoncé de « considérations psychologiques » : « Tu le connais, il est têtu, teigneux... » Ces considérations sont d'ailleurs indissociables d'un registre étendu de conduites essentielles pour la régulation sociale : les conduites d'évaluation. Quel cadre n'a pas eu à juger de la « loyauté », de 1' « ascendance » de ses subordonnés, entrées traditionnelles d'un

1. Esplanade de la Paix, 14032 Caen Cedex.

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certain type (paternaliste, Enriquez, 1976) de feuilles de notation du personnel ? Quel enseignant n'a jamais affirmé d'un élève qu'il était « paresseux », « exubérant »... ? Jusqu'aux propos des « psychologues » dont on ne sait jamais jusqu'où ils relèvent de la discipline psychologique et à partir d'où ils empruntent à l'appréhension banale : ne faut-il pas être psychologue pour exercer le métier de « psychologue » ?

Nous avons prétendu (Beauvois, 1976) qu'à travers cet usage, puis cette intériorisation des concepts personnologiques se réalisait l'un des processus cognitifs essentiels de la reproduction idéologique, c'est-à-dire de la maintenance, dans les idéologies quotidiennes des croyances et des représentations susceptibles de garantir la stabilité des structures sociales. Une analyse des conduites sociales d'évaluation nous a amené à considérer le système de représentations personnologiques comme l'instrument de la naturalisation des utilités sociales. Le terme de naturalisation est pris ici dans une acception assez semblable à celle qu'il a chez Netchine et Netchine (1975). Il s'agit du procès par lequel une donnée contingente et psychologiquement arbitraire et traduite dans un langage où elle apparaîtra comme un fait de nature, parce que psychologiquement nécessaire. Les utilités sociales se trouvent ainsi intériorisées sous forme de nécessités psychologiques faites de « traits », de « tendances », d' « aptitudes »..., ce que traduit le schéma fléché suivant, d'inspiration volontairement matérialiste :

Une base matérielle = les conduites sociales comportementale d'évaluation

I \ Un processus cognitif = intériorisation du système I de représentations personnologiques

1 \ Un effet idéologique = naturalisation des utilités sociales

Or, le système de représentations personnologiques fait actuellement l'objet d'études intensives. Dans le chapitre « Perception d'autrui » du classique manuel de Lindzey, Bruner et Tagiuri (1954) avaient introduit l'expression « théories implicites de la personnalité », référant ainsi aux relations que les individus perçoivent entre les traits qu'ils utilisent pour appréhender autrui. Cronbach (1955) reprend l'expression et élargit sa référence : outre celles concernant la covariation entre les traits, les théories implicites de la personnalité (TIP) contiendraient également des cognitions en rapport avec la tendance centrale et la dispersion de ces traits. Depuis, même si cet élargissement n'a pas eu beaucoup de retentissements, les TIP de Bruner et Tagiuri ont été érigées en paradigme de recherche expérimentale (Shneider, 1973). Il faut dire qu'une connaissance des relations présupposées entre les traits, ainsi qu'une approximation de la structure de ces relations, ne manquent pas d'intérêt pour

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le traitement de nombreux problèmes : sont ainsi concernés les psychologues sociaux intéressés par la perception d'autrui, par la perception de soi, par les processus d'attribution, par le traitement des informations en provenance d'autrui ou de soi, par la mise en mémoire des informations psychologiques... On le voit, l'étude des TIP concerne un secteur important de la psychosociologie cognitive. Il n'est donc pas étonnant qu'elle ait suscité ces dernières années un intérêt croissant.

L'étude des TIP devrait également intéresser une réflexion sur les processus idéologiques, plus précisément ceux de la reproduction idéologique. Ailleurs (Beauvois et Joule, 1981), nous avons défendu la position selon laquelle les processus idéologiques peuvent être compris pour partie comme une retombée générale, au plan sociologique, des processus cognitifs étudiés par la psychologie sociale au plan individuel. Tout parti pris d'école mis à part, que pourrait bien être une « théorie des idéologies » qui n'ait pas comme référence au moins virtuelle les propriétés et le fonctionnement de l'appareil cognitif du sujet amené à parler, dans son existence sociale, les idéologies dont on étudie, par exemple, la reproduction ?

Cet article a pour but d'évoquer certains problèmes soulevés dans le cadre de l'étude des TIP et de montrer que les données en rapport avec ces problèmes, sans constituer une base empirique suffisante, sont cependant des plus suggestives et incitent à amorcer un travail conceptuel dont les termes pourraient être ceux d'une théorie cognitive de la reproduction idéologique.

1. — L'ÉTABLISSEMENT DES THÉORIES IMPLICITES DE LA PERSONNALITÉ

Les TIP constituent un système de représentations supposé rendre compte des conduites humaines à partir d'un ensemble de traits (ou dispositions permanentes des individus) et des structures dont est muni cet ensemble.

Dans l'existence sociale, les TIP se révèlent de deux façons (Rosenberg et Sedlack, 1972) :

— Elles se révèlent d'abord dans la façon dont une personne se décrit elle-même ou décrit les autres dans ses conversations ou ses écrits (« tu verras, elle est douce et crédule... »). Nous avons signalé l'importance du lexique disponible pour de telles descriptions, et ce n'est pas une mince tâche que d'engager l'étude d'un tel domaine sémantique (depuis Allport et Odbert, et récemment : Goldberg, 1976 ; Bromley, 1977). L'activité de description personnologique est des plus naturelles. Gara (1978), puis Gara et Rosenberg (1979) ont montré que certaines personnes (supersets), le plus souvent des personnes importantes dans la vie personnelle des sujets, donnent lieu à des descriptions à ce point

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fournies que les éléments utiles à la description d'autres personnes peuvent y être entièrement contenus (subsets). Mais les TIP se révèlent également dans les propositions générales émises à propos de telle ou telle personne, ou de telle ou telle catégorie de personnes (« les hommes très attirants sur le plan physique ont généralement la tête creuse »). Parmi les traits apparaissant dans les descriptions, certains vont bien ensemble, d'autres non.

— Les TIP se révèlent ensuite à partir des attentes que peuvent avoir les individus sur la base d'informations lacunaires. On m'annonce la visite d'un collègue et on me précise qu'il est ambitieux, prétentieux, mais fiable. Je m'attends à ce qu'il présente d'autres traits, plus probables que d'autres. Je noterai ainsi sans surprise qu'il est « dynamique ». J'aurais été surpris de le trouver, par exemple, « flegmatique ». Il s'agit là d'une activité que les psychologues sociaux appellent une « inference », même si ce terme comporte quelque imprécision (cf., sur la notion d'infé- rence sociale, la revue de Gineste, 1982. Signalons que cette revue peut apporter un éclairage particulier sur certains points discutés ici même).

Les principales techniques permettant de mettre en évidence les TIP procèdent de ces deux activités essentielles. Aussi opposera-t-on des techniques à référence descriptive à des techniques à référence séman- tico-conceptuelle. On les rappellera très rapidement dans un bref paragraphe méthodologique initial, réservant à plus tard l'évocation de quelques problèmes théoriques soulevés par leur utilisation.

1.1. Techniques a référence descriptive

II s'agit de techniques dans lesquelles on demande aux sujets de réaliser des portraits psychologiques. Une recherche de Rosenberg et Jones (1972) montre la possibilité et l'intérêt d'un travail sur des documents « naturels » : ces auteurs étudient les TIP qui se dégagent de l'ouvrage de Dreiser, A gallery of Woman. Néanmoins, dans la plupart des cas, le chercheur utilise des techniques expérimentales de recueil des données. Ces techniques diffèrent en fonction de leur degré de formalisme. Le portrait libre est la technique la plus souple sur le plan de la procédure, mais elle pose des problèmes quelquefois insolubles de dépouillement ; aussi impose-t-on le plus souvent aux sujets de n'utiliser que des adjectifs ; on peut d'ailleurs lui en fournir une liste (liste standard d'adjectifs : adjective check list). Le principe consiste à présenter au sujet un ensemble de termes descriptifs couvrant un champ plus ou moins étendu et à lui demander de cocher les adjectifs caractéristiques de X ou de lui-même. Dans la technique du tri (sorting test), le sujet doit répartir un ensemble de traits en plusieurs groupes, chaque groupe pouvant correspondre à une personne. Les échelles d'appréciation enfin (rating scales) constituent la forme la plus élaborée de techniques descriptives : les personnes décrites doivent être situées sur des échelles opposant chacune une paire d'adjectifs supposés antonymes.

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1.2. Techniques a référence sémantico-conceptuelle

Ces techniques évitent le détour par des portraits et demandent au sujet d'avancer directement ses TIP. Dans tous les cas, il s'agit d'avoir une estimation de la façon dont les sujets se représentent les probabilités de co-occurrence entre 2 ou n traits :

— Technique de vérification/falsification de phrases : On présente aux sujets des phrases affirmant ou niant une co-occurrence (une personne chaleureuse est aussi généreuse). Les sujets jugent ces phrases selon leur valeur de vérité.

— Techniques interrogatives, consistant à demander aux sujets d'estimer la probabilité d'une co-occurrence ; par exemple :

Une personne est chaleureuse ; pensez-vous qu'il est probable qu'elle soit aussi :

généreuse très probable peu probable intelligente très probable peu probable

Ces techniques interrogatives sont très employées. Elles posent cependant un problème majeur quant à l'objet appréhendé. D'Andrade (1965) a montré que les techniques descriptives et les techniques à référence conceptuelle dégagent des structures équivalentes. Mais justement, une telle équivalence entre les deux types de techniques quant à leurs résultats empiriques alors qu'elles paraissent porter sur des réfé- rents distincts rend plus fascinante la question de l'objet théorique effectivement travaillé. Une connaissance d'autrui issue de l'expérience dont on testerait tantôt la référence empirique (techniques descriptives), tantôt la systématisation conceptuelle (techniques à référence conceptuelle) ? Disons tout de suite que cette vue ne semble pas très ajustée aux résultats actuels. Le problème se complique lorsqu'on prend connaissance d'une recherche de Ebbesen et Allen (1979). A côté des techniques interrogatives, ces auteurs utilisent une technique de jugement purement sémantique : on demande aux sujets d'estimer la similitude des mots-traits du point de vue de leur signification. Les solutions dimen- sionnelles engendrées par les deux techniques sont des plus semblables. De tels résultats militeraient en faveur d'une conception purement sémantique des TIP. Nous reviendrons ultérieurement sur cette discussion. Nous avons ici tenu à laisser le problème ouvert en appelant ce second groupe de techniques : techniques à référence sémantico- conceptuelle.

1.3. Analyses structurales

On a défini les TIP à la fois comme l'ensemble des traits et comme la structure des relations entre ces traits. Les techniques précédentes permettent d'établir une matrice dès relations duelles entre les traits. On

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saura par exemple que « tendre » va bien (est très co-occurrent) avec « généreux ». Aller plus avant, c'est-à-dire dégager les structures sous- jacentes, c'est ce que permettent les méthodes d'analyse qui traitent les co- occurrences comme l'expression de surface de dimensions plus générales : analyse factorielle, méthodes de groupage (clustering), échelles multidimensionnelles. Voir les nombreux travaux de Rosenberg et de ses collaborateurs, notamment : Rosenberg, Nelson et Vivekananthan (1968), Rosenberg et Sedlak (1972), Rosenberg (1974), Jones et Rosenberg (1974).

2. THÉORIES IMPLICITES DE LA PERSONNALITE ET ÉVALUATION

Selon Beauvois (1976), les traits relevant de toute personnologie (traits de personnalité ou aptitudes) peuvent être considérés comme des réfractions d'échelles d'utilités sociales permettant l'évaluation des conduites : réfractions « naturalisées », c'est-à-dire situées dans le domaine a priori naturel de la psychologie humaine. Par ce biais, la contingence des valeurs (ou utilités sociales) s'estompe et celles-ci apparaissent comme des nécessités psychologiques. Le fait qu'un travail soit jugé un « bon » travail relève en droit de la contingence des utilités sociales. Cette contingence sera masquée lorsque l'intériorisation d'une échelle d'utilité sous forme de trait permettra de considérer que ce « bon » travail est l'expression d'un fait de nature : le trait psychologique (une aptitude, par exemple).

Mais une conduite et l'utilité de cette conduite sont deux choses en droit différentes. Savoir que X s'est « bien » comporté dans une situation précise ne m'apprend rien sur sa conduite, plus exactement ne m'apprend quelque chose que si je connais les valeurs de celui qui m'informe. « Bien » ne définit pas la conduite, mais simplement une transformation utile de l'état de la nature. Or, la référence d'un trait de personnalité, a fortiori celle des TIP, semble être davantage l'utilité des conduites que les conduites elles-mêmes, ce qui conduirait à concevoir les TIP comme ayant un fondement davantage évaluatif que descriptif. L'étude empirique des TIP abonde dans ce sens. Elle nous enseigne : 1) que la dimension essentielle qui structure l'univers des traits est purement evaluative, et 2) que les autres dimensions (dimensions descriptives) n'en sont jamais indépendantes.

En 1962, Osgood a voulu montrer que le lexique personnologique n'a pas de structure autre que celle dégagée par ses études antérieures de la signification (Osgood, Suci et Tannembaum, 1957), les dimensions organisant l'univers des traits apparaissant comme très semblables aux trois dimensions du très connu différentiateur sémantique : la valeur (bon-mauvais...), la puissance (fort- faible...) et l'activité (actif-passif...).

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Selon Osgood, le facteur évaluatif apparaîtrait donc bien comme la dimension première permettant de rendre compte de l'essentiel des co-occurrences entre les traits. Des résultats semblables seront obtenus par Kuusinen (1969), Osgood, May et Miron (1975), Tzeng (1975).

Néanmoins, si le modèle d'Osgood fait du facteur évaluatif (V) le facteur premier de l'organisation des traits, il y associe deux autres dimensions stables qui lui sont orthogonales. Ce modèle accepte donc l'indépendance d'une dimension evaluative et des deux autres dimensions qui pourraient être considérées comme « descriptives ». Une telle conception permet de se représenter un trait comme une sorte de combinaison d'éléments, certains évaluatifs, d'autres probablement descriptifs et indépendants des précédents. Les co-occurrences entre traits renverraient alors à un partage d'éléments évaluatifs ou descriptifs. Cette conception concorde assez mal avec le point de vue selon lequel un trait n'est que pure intériorisation d'une échelle d'utilités sociales. Ce point de vue implique en effet non seulement que tout trait contienne une référence à une échelle de valeurs (ce que confirmerait le modèle d'Osgood, et ce qui est finalement trivial), mais il implique surtout une relative indifférenciation des éléments évaluatifs et des éléments descriptifs. Un chef d'atelier peut trouver intéressant (valorisé, utile...) que son contremaître soit « dynamique ». Il ne niera pas ce jugement de valeur et sera prêt à reconnaître qu'il préfère les contremaîtres dynamiques à ceux qui ne le sont pas. Il sera même prêt à admettre qu'il a tendance à considérer qu'un individu qui présente cette intéressante caractéristique personnelle doit bien en présenter d'autres tout aussi intéressantes : qu'il doit être « ascendant », « maître de lui »... Il s'agit là de ce que l'on appelle dans la littérature — et depuis Thorndike (1920) — un effet de halo. Cet effet est bien connu en matière d'évaluation (Tiffin et McCormick, 1967). Il illustre une tendance à la maximalisation de la consistance, et nous ne pouvons ici que renvoyer le lecteur au débat ayant opposé en matière de perception d'autrui les tenants d'une consistance evaluative à ceux d'une consistance descriptive (Peabody, 1967 ; Felipe, 1970 ; Rosenberg et Olshan, 1970). Mais c'est autre chose — et c'est la conception du trait ici défendue — que d'affirmer que le « dynamisme » n'est rien indépendamment du fait que certaines conduites que l'on évoque lorsqu'on utilise ce mot sont considérées comme intéressantes (ou utiles, ou valorisées...). Le trait ne désigne aucune réalité psychologique indépendante que l'on pourrait, en quelque sorte, déconnecter de la valeur des conduites. Autrement dit, si par un coup du sort, les conduites dites « intelligentes » n'intéressaient plus personne, l'intelligence en tant que trait disparaîtrait du répertoire personnologique parce qu'elle ne renvoie pas à une réalité indépendante de cet intérêt. L'intelligence, comme tout trait, n'est que l'intériorisation d'un regard normatif.

De telles affirmations peuvent paraître arbitraires, parce que allant à rencontre du sens commun. Elles résultent cependant d'une analyse du

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processus cognitif de constitution du trait dans l'activité evaluative (Beauvois, 1976), et elles semblent aujourd'hui soutenues par les données expérimentales.

Une recherche très approfondie de Kim et Rosenberg (1980) débouche en effet sur un modèle (modèle « évaluatif ») qui va dans le sens des affirmations précédentes. Les auteurs demandent aux sujets de se décrire eux (ou elles)-mêmes à l'aide d'adjectifs ainsi que 35 autres personnes de leur connaissance. Les sujets doivent ensuite coter chaque personne sur un différenciateur sémantique, et chaque trait utilisé pour la description à la fois sur un différenciateur sémantique et sur 14 échelles spécifiques (intelligent... inintelligent; mature... immature..., etc.). Le modèle d'Osgood n'est retrouvé que dans la situation de traits standards et au niveau du groupe, lorsque les données sont agrégées. Le modèle d'Osgood n'est pas confirmé au niveau individuel, les trois facteurs V, P et A n'apparaissant simultanément que chez une minorité de sujets. On note par contre chez tous les sujets la présence d'une dimension evaluative massive. A côté de celle-ci, on observe des dimensions additionnelles (attractivité, intégrité, intelligence, maturité...) qui varient selon les individus. Plus saturées d'éléments descriptifs (Kim et Rosenberg les appellent des « dimensions à contenu »), elles sont très reliées à la dimension evaluative. Par exemple, la corrélation moyenne entre la dimension « maturité » et une échelle d'évaluation est de .64 ; elle est de .57 pour la dimension « intelligence ». Les auteurs proposent donc un modèle « évaluatif » schématiquement représenté dans la figure 1.

Le problème de la structure des TIP trouve là un début de solution

a . intégrité

b: maturité

: intelligence

Fig. 1. — Le modèle évaluatif de Kim et Rosenberg (1980). En fait, de nombreux auteurs avaient déjà dégagé des structures qui, sans être identiques à celles du différenciateur sémantique, impliquaient un facteur principal de nature evaluative (Pedersen, 1965 ; Walster et Jackson, 1966 ; Lay et Jackson, 1969) sans omettre les nombreux travaux sur ce thème de Rosenberg. On peut signaler que parfois la dimension evaluative est dichotomisée : valeur sociale et valeur intellectuelle.

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assez conforme à ce que laissait prévoir la conception du trait que nous avons proposée. Les principales implications de ce modèle sont d'ailleurs des conséquences du processus d'intériorisation / naturalisation des échelles d'utilités : — rôle prépondérant de la valeur dans la structuration de l'univers

personnologique. Dire de quelqu'un qu'il est ascendant c'est donc davantage le situer sur un axe d'utilité qu'énoncer à son propos une assertion descriptive. C'est dire son prix ;

— il n'existe pas de trait purement descriptif, puisqu'il n'existe pas de dimension de l'univers personnologique purement descriptive. Les TIP réalisent bien cette indissociation du codage de la valeur et du codage descriptif qui s'avérera, selon l'épistémologie, source de méconnaissance.

3. THÉORIES IMPLICITES DE LA PERSONNALITÉ ET VALIDITÉ DESCRIPTIVE

Précisément, s'il est vrai que les traits ne sont que des réfractions naturalisées des échelles d'utilité, leur fonction doit être davantage le codage de la valeur que le codage descriptif. Les TIP devraient être conçues comme orientant l'action à l'égard d'autrui (permettant de décider de sanctions, par exemple) davantage qu'elles n'en facilitent la connaissance. Il s'agit de juger et non de connaître, et l'épistémologie nous apprend qu'il s'agit de deux choses différentes. On ne doit donc pas s'attendre à ce que les TIP aient une grande efficacité descriptive. C'est ce que les résultats semblent bien confirmer. De nombreux travaux portant sur le jugement personnologique permettent en effet de supposer que : 1. Les TIP peuvent parfaitement fonctionner à partir d'une connais

sance des plus restreintes d'autrui. 2. La description personnologique d'autrui repose autant sur des pré

conceptions que sur les informations de fait dont les sujets disposent. 3. La notion de personnalité ne semble pas justifiée par l'activité naïve

(nous ne disons pas : professionnelle...) de description psychologique.

3.1. Recherches sur la taxinomie des attributs personnologiques

Du lexique publié par Allport et Odbert (1936), Cattell (1947, 1957) dégagea 171 termes triés pour couvrir l'étendue du domaine personnologique. Une analyse en clusters lui permit ensuite de ramener ce domaine à 36 échelles bipolaires qui furent utilisées à plusieurs reprises pour dégager les structures latentes de la description de la personnalité. On

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connaît les résultats de Cattell : 12 facteurs stables supposés rendre compte de l'univers personnologique.

Les travaux de Cattell furent contestés par Tupes et Christal (1961) qui, sur des échantillons de sujets se connaissant depuis trois jours pour certains, depuis plus d'un an pour d'autres, ne dégagent que 5 facteurs. Ils empruntent pourtant leurs échelles à Cattell. En outre, leur ré-analyse de certaines données de Cattell débouche sur un système à 8 facteurs là où Cattell en dégageait 13. Norman (1963) apporte des arguments méthodologiques convaincants en faveur des analyses de Tupes et Christal. Il extrait du matériel de ces auteurs 20 échelles bipolaires supposées réparties sur les 5 facteurs qu'ils ont dégagés et utilise ces échelles dans une tâche de description personnologique d'autrui. Les groupes de sujets sont issus de quatre échantillons différenciés sur une base institutionnelle impliquant des degrés très divers de connaissance des autres. Les analyses factorielles pratiquées dégagent toutes et de façon nette les cinq facteurs attendus : extraversion, caractère agréable, caractère consciencieux, stabilité émotionnelle, culture. Le lecteur ne doit pas s'étonner de ne pas retrouver ici les structures évoquées dans le paragraphe précédent. On aura noté l'extrême sélection des entrées par les auteurs cités, leur structuration a priori, autant d'opérations faisant du lexique utilisé un code passablement différent du code usuel de la description personnologique. A notre sens, les arguments qui vont être présentés n'en ont que plus de poids. Norman conclut de son étude : « II est clair qu'une structure relativement orthogonale et très stable a été identifiée et que des mesures relativement fiables des caractéristiques personnelles sont possibles dans les situations où la méthode de description par des pairs peut être raisonnablement employée. Il est aussi rassurant de noter que dans l'échantillon où les sujets ont vécu ensemble sur des périodes de un à trois ans dans un contexte de grande intimité, la structure factorielle est quelque peu plus propre » (p. 581).

A l'origine, de telles études n'ont pas les TIP pour objet mais relèvent — en tout cas dans l'esprit d'auteurs comme Cattell ou Norman — de l'étude scientifique de la personnalité. Ainsi il ne fait donc aucun doute pour Norman que cette structure factorielle a un fondement empirique dans la personnalité des sujets décrits et qu'elle ne relève ni de la méthode employée (description par des pairs), ni de schemes cognitifs et perceptifs intervenant dans l'activité de description. C'est précisément sur ces deux présupposés qu'il devra revenir ultérieurement. Dès 1963, il s'étonnait de voir la structure factorielle se dégager dans des groupes de sujets s'étant finalement très peu connus. Il ira en 1966 au bout de son étonnement (Passini et Norman, 1966). Ces auteurs en effet vont montrer, à rencontre de leur hypothèse, que la même structure à 5 facteurs peut être dégagée même lorsque les sujets qui se décrivent mutuellement n'ont eu aucune interaction préalable (ils n'ont eu en fait que l'opportunité de se trouver durant moins de quinze minutes dans la

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même salle d'attente et sans possibilité d'échange verbal). Norman et Goldberg (1966), puis Hakel (1969) présenteront des résultats allant dans le même sens. D'ailleurs Fiske (1949) avait obtenu une structure assez semblable chez des psychologues professionnels pratiquant des techniques différentes.

Ainsi est-on passé de l'étude « scientifique » de la personnalité à celle des théories implicites des sujets que l'on utilisait pour établir la structure de la personnalité. Passini et Norman concluent ainsi leur étude en évoquant « une conception universelle de la structure de la personnalité » qui peut se mettre à fonctionner à partir d'indices des plus rudimentaires (habillement, attitudes posturales...). Ces indices permettent aux sujets de démarrer un processus de description qui, très vite, emprunte aux schemes cognitifs des TIP indépendamment de toute référence empirique : « Voici quelqu'un qui est habillé comme un intellectuel. Il doit donc être cultivé, sans doute sensitif sur le plan artistique, etc. » Mais après tout, peut-être l'est-il réellement ? Nous allons le voir, rien ne permet de le présupposer.

3.2. Recherches sur la validité des descriptions personnologiques

Des résultats comme ceux de Passini et Norman incitent à distinguer les covariations empiriques observées au plan du comportement des individus, des liaisons conceptuelles que les sujets établissent lorsqu'ils se livrent à une présentation personnologique d'autrui. De nombreux auteurs insisteront sur cette distinction entre les propositions sur la « réalité psychologique » et les propositions sur la structure des TIP (Mulaik, 1964 ; d'Andrade, 1965 ; Chapman, 1967 ; Tversky et Kah- neman, 1974 ; Shweder, 1975, 1980). Néanmoins, cette distinction permet deux attitudes différentes :

— La première, conforme aux vues des créateurs de l'expression « théories implicites de la personnalité » (cf. Bruner, Shapiro et Tagiuri, 1958), repose sur l'hypothèse que les traits et leurs corrélations dans les TIP reflètent une consistance réelle du comportement. Il s'agirait d'un système de codage de ce qu'est la nature psychologique. Distinction donc, mais nécessaire ajustement (Mulaik, 1964). « Par ouï-dire, ou par observation directe, nous avons appris que certains types de comportements vont ensemble non de façon invariante, mais probabiliste » (Brown, 1965, p. 612).

Dans la dernière décade, l'auteur à notre connaissance le plus attaché à la conception « non illusoire » des TIP est Jackson. A plusieurs reprises, il a argumenté l'opinion selon laquelle les corrélations entre traits dans les TIP reflétaient des corrélations dans le comportement. Ainsi seraient justifiées les inferences faites par les juges à partir des informations dont ils disposent (Jackson, 1972 ; Lay, Burron et Jackson, 1973 ; Reed et

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Jackson, 1975). Il apparaît cependant que les résultats sur lesquels s'appuient cet auteur et ses collègues ne seraient pas aussi décisifs qu'ils le prétendent, et encore tout récemment (Jackson et Chan, 1979). En effet, la validité des TIP est inférée du fait que des pairs ou observateurs font les mêmes inferences que le sujet jugé lui-même. Il semble ne faire aucun doute pour Jackson que le sujet se connaît bien et que ce qu'il nous dit de lui peut être pris pour la référence empirique (ainsi self- reported et actual sont employés indifféremment). Or, rien ne garantit une telle supposition. Lorsqu'il se décrit, le sujet ne peut se départir de ses propres théories implicites et tout donne à penser qu'il les actualise dans ses auto-descriptions exactement comme un observateur extérieur. Les théories de l'auto-attribution (Bern, 1972) ne prétendent-elles pas que le sujet, lorsqu'il rend compte de son comportement, ne le fait pas sur la base d'une sorte d'accès direct et privé à sa réalité psychologique, mais le fait plutôt sur la base d'inférences à partir de théories publiques (Nisbett et Bellows, 1977) qui, dans le cas présent, ne peuvent être que les TIP ?

— Une autre attitude — qui nous semble actuellement l'emporter — est de considérer les TIP comme « illusoires ». Le premier à l'avoir adoptée est, à notre connaissance, d'Andrade (1965). Cet auteur défend dès 1965 une conception linguistique des TIP et affirme que les psychologues ont confondu les « propositions sur le monde » avec les « propositions sur le langage ». Ces dernières seraient sur le plan empirique d'une validité illusoire. En 1965, d'Andrade va sans doute au-delà de ses résultats (similitudes entre les structures obtenues tantôt sur la base de jugements de similitude entre les traits, tantôt sur la base de descriptions effectives d'autrui). Pourtant, des recherches réalisées ultérieurement apporteront du crédit à la thèse de la validité illusoire des TIP.

Entendons-nous bien sur le sens de ces recherches. De fait, l'idée d' « erreur » dans la perception des personnes est des plus anciennes. Nous avons ainsi rappelé l'effet de halo décrit dès 1920 par Thorndike. Il ne s'agit donc pas de savoir si les gens jugent adéquatement autrui, mais de tester la pertinence du système de représentations personno- logiques à travers lequel s'exerce l'activité de description psychologique d'autrui. Il y a là plus qu'une nuance et un enjeu important qui, à notre sens, dépasse le cadre de la psychologie quotidienne et concerne la psychologie professionnelle.

D'Andrade (1970) confronte trois matrices de corrélations. La première est issue des descriptions d'autrui faites immédiatement après l'interaction. La seconde procède de descriptions effectuées quelque temps plus tard. La troisième est une matrice issue de jugement de similitude linguistique entre les mots-traits. D'Andrade montre que dans plusieurs études la seconde matrice (matrice « mnésique ») est très proche de la matrice « linguistique », ce qui n'est pas le cas de la première (matrice post- interaction). Ceci semble confirmer que les descriptions

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personnologiques traduisent davantage une cohérence sémantico-concep- tuelle que le codage des observations effectives. Plusieurs résultats présentés par Shweder (1975) vont dans le même sens. Cet auteur compare des données anciennes à des jugements actuels. Il « réédite » par exemple une recherche de Newcomb (1929) qui avait demandé à des observateurs : 1) de noter de façon quotidienne (durant vingt-quatre jours) le comportement d'enfants à l'aide d'une grille d'observation standard, et 2) de porter un jugement global terminal sur chaque enfant à l'aide de la même grille. Newcomb fournissait donc deux séries de données. Shweder en produit une troisième en demandant à des étudiants (et ce en 1973-1974) de porter des jugements de similarité entre les items de la grille d'observation utilisée par Newcomb. Soit trois séries : le comportement quotidien, le comportement « synthétisé » et les préconceptions personnologiques (ces dernières obtenues près de cinquante ans plus tard !). Shweder observe des corrélations plus fortes entre les séries 2 et 3 qu'entre les séries 1 et 2 (.74 contre .35). La différence devient dramatique lorsqu'il y a conflit entre les co-occurrences observées dans les notations quotidiennes et celles prévues par les préconceptions (.84 contre — .27). Ces résultats, ainsi que d'autres de même consistance (Shweder et d'Andrade, 1979), ont conduit Shweder à contester la pertinence du concept traditionnel de « personnalité » conçu comme un « ensemble de facteurs internes plus ou moins stables qui font que les comportements d'un individu sont consistants dans le temps et diffèrent des comportements que d'autres personnes pourraient manifester dans des situations comparables » (définition de Child, 1968). Récemment encore, en réponse à une critique de Lamiell, Foss et Cavenee (1980), il a dû réexposer sa théorie de la distorsion systématique dans la description de soi ou d'autrui (Shweder, 1980). Cette théorie ne présuppose évidemment pas que l'individu est aveugle et raconte absolument n'importe quoi lorsqu'il se décrit ou décrit autrui. Elle affirme par contre que ce qui, à la faveur des erreurs ou du manque d'information, fait la cohérence des descriptions, ce qui permet donc d'y repérer des facteurs propres et permanents, relève de cette projection sur autrui d'une consistance idéelle qui s'avère — en tant que telle — peu ajustée aux comportements effectifs. Cela suffit amplement pour justifier une critique du concept naïf de personnalité. Shweder l'avance dans des termes très semblables à ceux que nous adoptions en 1976 : « Des termes personnologiques du langage de tous les jours (industrieux, responsable, honnête, coopératif...) ne sont pas des catégories scientifiques déficientes. Ce ne sont pas des catégories scientifiques du tout » (p. 80). C'est ce que nous avions essayé d'illustrer en critiquant les fondements de la psycho- métrie de l'intelligence.

Il semble donc que le concept de personnalité ne soit que la structure d'une illusion. C'est ce que l'on pouvait poser sur une base non empirique mais épistémologique. C'est une conclusion semblable qu'inspire une

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recherche de Bourne (1977) qui montre que l'activité de description personnologique d'autrui n'est pas la présentation de ce que l'on s'imagine volontiers être l'individualité de la personne décrite. Elle ne correspond guère qu'à la projection de stéréotypes conceptuels — et ceci même chez des psychologues cliniciens professionnels. Un index utilisé par Bourne est le suivant : on mesure l'accord entre deux descriptions d'une même personne par deux observateurs (accord global : a) ; on mesure également l'accord entre deux descriptions de ces mêmes observateurs mais de personnes différentes (accord stéréotypique ou aléatoire : b) ; la différence a — b fournit ce qui, dans l'accord entre deux descriptions d'une même personne, peut être une description spécifique de celle-ci. Les observateurs, dans les trois échantillons de Bourne, connaissent les sujets décrits depuis plus d'un an (descriptions réciproques de membres de groupes réels). Les résultats sont apparemment très convaincants : ils montrent que ce qui dans l'accord entre deux descripteurs peut correspondre à la spécificité de la personne décrite n'est qu'une frange résiduelle.

La conclusion de Bourne peut être celle de ce paragraphe : « A ce niveau d'analyse2, la personnalité individuelle n'émerge pas comme une entité objective, même si nos activités d'attribution dans les transactions quotidiennes procèdent comme si elle en était une » (p. 871). Signalons que Pottier (1981) retrouve en France les résultats de Bourne, et ce auprès d'un groupe d'amis se connaissant de longue date (certains d'entre eux amis d'enfance).

4. THÉORIES IMPLICITES DE LA PERSONNALITÉ ET TRAITEMENT DE L'INFORMATION : LES ATTRIBUTIONS INTERNES

Nous savons donc que les TIP fusionnent le codage descriptif et le codage de la valeur et qu'elles constituent un système cognitif de très faible puissance descriptive. Ce que nous supposions sur une base épistémologique semble donc avéré également sur le plan empirique.

Cette faible puissance descriptive n'empêche pas les TIP de constituer un système de référence cognitive essentiel pour le traitement des informations psychologiques. C'est là un domaine de recherches relativement ouvert en psychologie sociale cognitive. Nous nous limiterons à l'évocation de quelques recherches significatives du point de vue de la conception que nous avons avancée des TIP, et relevant de l'étude des processus d'attribution.

Les théories de l'attribution décrivent les processus qui sous-tendent l'explication qu'un sujet fournit d'une conduite — que ce soit sa propre

2. Ce niveau est celui de la description personnologique d'autrui.

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conduite (auto-attribution) ou celle d'autrui (hétéro-attribution). Nous renvoyons à la récente revue de Gineste (1982) pour une présentation de ces théories qui se donnent pour objet cette psychologie quotidienne si essentielle dans les transactions interpersonnelles, voire sociales. Ces théories convergent sur un point de grande importance : toutes traitent de la décision qu'opère un sujet se livrant à l'explication d'une conduite, d'en rendre compte à partir de la situation ou de la personne (attribution externe / attribution interne ; cf. Kuglansky, 1975). Cette décision relève d'une évolution génétique qui commence à être explorée et qui semble se faire dans le sens d'une progressive valorisation des attributions internes (Shantz, 1975 ; Ruble et Feldman, 1979) pour aboutir à la prédominance, chez l'adulte, de telles attributions (McArthur, 1976 ; Orvis, Cunningham et Kelly, 1975).

Dès l'instant où les attributions internes reposent sur 1' inference de causes stables, elles mobilisent les TIP. En effet, faire une attribution interne dans ce cas, c'est rendre compte de la conduite observée par une disposition permanente, autrement dit par un trait. Ceci ne vaut, évidemment, que pour l'inférence de causes stables qui constitue un versant important du processus attributif (Weiner, 1972). Mais que de telles inferences s'appuient sur le répertoire personnologique, c'est bien ce que montrent les expérimentations attestant du fait que l'usage d'un trait pour l'explication d'un comportement est fonction de sa saillance ou de sa disponibilité dans le système de cognitions personnologiques. Dans ces recherches (Higgins, Rholes et Jones, 1977 ; Srull et Wyer, 1979, 1980), on actualise dans un premier temps certains éléments du lexique personnologique (en activant le mot ou un comportement exemplaire). Dans un second temps, ostensiblement indépendant du premier, les sujets doivent faire des attributions internes sur la base de comportements plus ou moins ambigus. On constate que les traits ayant fait l'objet d'une activation sont davantage utilisés.

Or, la faible puissance descriptive des traits conduit à modifier la conception du processus d'attribution. Si, ce que présupposent les théoriciens de l'attribution, le but d'un procès attributif était d'expliquer la conduite, les processus décrits seraient dysfonctionnels. Plus juste semble l'idée que ces processus doivent permettre un contrôle de l'environnement. Mais force est alors d'admettre que ce contrôle n'implique pas une « explication » des événements. Il n'implique qu'un jugement de responsabilité, c'est-à-dire le repérage de l'utilité (ou de la valeur) des événements et la projection de cette utilité sur une personne ou sur une situation. Récemment, Hamilton (1980) a présenté une analyse des processus d'attribution reposant précisément sur l'hypothèse que les psychologues avaient surestimé la propension des sujets à « expliquer » les événements et à se comporter comme des « psychologues intuitifs ». Dans la plupart des situations, prétend Hamilton, l'objectif du sujet n'est pas d'expliquer, mais de juger de la responsabilité. Cela suffît

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amplement pour agir : recrutement ou licenciement de la personne ainsi responsabilisée, maintien du statu quo situationnel ou appel à l'organisateur.

Miller, Norman et Wright (1978) ont montré que les attributions internes sont d'autant plus probables que les observateurs sont ou s'attendent à être impliqués dans une interaction avec le sujet dont ils « rendent compte » du comportement. Plus que des observateurs non impliqués, ils déclarent avoir appris quelque chose sur sa personnalité et se jugent en mesure de décrire cette personnalité à autrui. On a trouvé par ailleurs que les attributions internes diminuent lorsque l'événement s'éloigne dans le temps, les sujets faisant alors plus volontiers appel aux facteurs non personnels (Miller et Porter, 1980). De tels résultats incitent à penser que l'implication de l'observateur dans l'événement comportemental dont il rend compte suscite la pratique d'attributions personno- logiques, comme si de telles attributions fournissaient des possibilités d'action davantage maîtrisées. Miller, Norman et Wright (1978) montrent d'ailleurs que les attributions internes sont reliées à ce que certains ont appelé un « besoin de contrôle » de l'environnement (Miller et Norman, 1975 ; Gialdini et Mirels, 1976). Ainsi, l'évolution de l'enfant vers la pratique d'attributions internes pourrait être comprise comme relevant de l'acquisition d'une norme en matière de contrôle et de localisation de la valeur : il est plus commode d'agir (de contrôler son environnement) sur la base de la responsabilité individuelle que sur la base de la responsabilité situationnelle. C'est si vrai que le lexique, si riche en possibilités d'attributions internes, est d'une étonnante pauvreté en possibilités d'attributions externes. Aussi, Hamilton (1980) consi- dère-t-il que cette surestimation par les gens du déterminisme personno- logique n'est pas une « erreur », une sorte de dysfonctionnement cognitif, ce qu'avaient avancé certains théoriciens de l'attribution (Ross, 1977). Elle relève des normes et de la cohérence du « juge intuitif » qu'Hamilton oppose au « psychologue intuitif » présupposé par les théories classiques de l'attribution.

Admettre que le processus d'attribution a davantage pour fonction de situer la responsabilité que d'expliquer les événements permet de mieux comprendre certaines données empiriques ; deux plus particulièrement :

— On a ainsi souvent évoqué les biais qu'entraîne, dans l'auto- attribution, une tendance des individus à ménager l'image d'eux-mêmes que l'attribution peut susciter (self-serving bias). Ainsi font-ils davantage d'auto-attributions internes après un succès qu'après un échec, et ceci dans des situations très diverses (Zuckerman, 1979 ; Arkin, Cooper et Kolditz, 1980).

— D'ailleurs, d'une façon générale, les recherches récentes montrent que les attributions internes sont moins fréquentes dans les processus auto-attributifs qu'elles ne le sont dans les processus hétéro -attributifs

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(Monson et Snyder, 1977 ; Ross, 1977). Goldberg (1978) utilise 14 listes de 200 traits, chacune administrée à 100 sujets. L'une des tâches consiste à dire si les traits caractérisent bien, mal, ou occasionnellement 4 personnes-cibles : le sujet lui-même, une personne valorisée, une personne dévalorisée et une personne neutre. Goldberg constate que les attributions externes sont plus fréquentes lorsque le sujet se décrit lui-même que lorsqu'il décrit les autres. Il constate surtout que lorsque autrui fait l'objet d'une évaluation (personnes aimées et détestées) les attributions internes sont plus fréquentes. Ceci est observé sur 92 % des 2 800 traits.

Or, ces résultats sont très compatibles avec la conception du trait comme fait de valeur. Selon cette conception, le processus attributif équivaut à un processus de responsabilisation et d'évaluation. Une preuve déroutante peut être trouvée dans un résultat du travail déjà cité de Higgins, Rholes et Jones (1977). Rappelons que ces auteurs exposent d'abord les sujets à des traits pouvant être attribués à une personne-cible dans une tâche postérieure, tantôt positifs, tantôt négatifs (aventureux/inconscient). Les traits auxquels les sujets ont été exposés sont davantage employés dans la tâche ultérieure d'attribution à propos d'un comportement permettant des interprétations diverses (« envisage de traverser l'Atlantique en voilier »). Or, on constate que la valeur du trait (utilisé pour la seule raison qu'il a été rendu plus « accessible » en mémoire) se déplace vers la personne-cible, celle-ci s'avérant après coup plus ou moins bien jugée selon que les sujets lui ont attribué le trait « aventureux » ou le trait « inconscient ». Tout se passe donc comme si l'attribution interne était une évaluation, réalisée ici dans l'arbitraire des saillances expérimentalement manipulées. Or, dans la situation de Goldberg, qui implique un réalisme relatif3, les sujets ne peuvent s'attribuer tous les traits désirables et refuser ceux qui ne le sont pas. Réduire les attributions internes revient alors à se ménager. De telles réticences sont évidemment moins pertinentes lorsque le sujet doit décrire une autre personne, et surtout lorsque cette personne est déjà explicitement évaluée. Alors, les attributions internes peuvent intervenir ; elles ne sont qu'une autre façon de dire que la personne que l'on décrit fait l'objet d'une évaluation positive ou négative.

Ces « biais » dans les processus d'attribution, qu'il s'agisse du self- serving bias ou de l'effet acteur/observateur, ont fait l'objet d'interprétations diverses, motivationnelles (Miller et Norman, 1975 ; Wortman, 1976 ; Zuckerman, 1979) ou informationnelles (Jones et Nisbett, 1971 ; Fischhoff, 1976). Au niveau d'analyse qui est ici le nôtre — celui des rapports entre processus cognitifs et processus idéologiques — un choix n'est pas vraiment nécessaire. On notera cependant que les analyses

3. Les sujets peuvent craindre une « évaluation psychologique » de leur perspicacité, de leur clairvoyance, de leur aptitude à l'auto-critique... ou tout simplement de leur personne.

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strictement cognitives, c'est-à-dire évoquant des biais dans le traitement de l'information ou dans la saillance des informations, auraient quelques difficultés à rendre compte de tous les résultats de Goldberg, et en particulier de la position curieuse des attributions à l'égard de la personne « neutre ». Mais quoi qu'il en soit, même s'il est commode ici d'évoquer de tels biais en termes motivationnels, une option ne s'impose pas, l'essentiel restant que les processus attributifs fonctionnent bien comme des jugements de responsabilité.

La décision d'attribution interne ou externe n'est qu'un premier temps du travail cognitif qui sous-tend le traitement des informations psychologiques. On teste aujourd'hui la puissance organisatrice des traits — donc des TIP — dans le codage de ces informations, leur maintien en mémoire (Srull et Wyer, 1979 ; 1980 ; Hastie et Kumar, 1979), dans la réception des informations nouvelles concernant autrui ou soi-même (Markus, 1977). De telles recherches dépassent le cadre que nous avons fixé à cet article.

5. ASSIMILATION ET REPRODUCTION IDÉOLOGIQUE

Les TIP apparaissent donc comme une machinerie cognitive supposée destinée à l'explication des conduites dans la psychologie quotidienne, mais s'avérant de fait essentiellement evaluative et illusoirement descriptive. Pour peu étonnante qu'elle paraisse4, cette conclusion présente des implications importantes pour l'analyse des processus idéologiques.

Notons que notre étude dégage une fonctionnalité relativement claire : faire usage des TIP dans les transactions quotidiennes revient à émettre des jugements de responsabilité. Dire de X... qu'il est « autoritaire », c'est lui reconnaître la responsabilité d'un ensemble d'événements passés ou à venir, événements qui seront dès lors conçus comme autant de comportements exprimant la « nature » psychologique de X... Nous avons toute raison d'admettre que cet ensemble d'événements comportementaux — pour peu que l'on exclue les traits purement éva- luatifs comme « bon », « méchant », etc. — fait l'objet d'un quasi-consensus. Il relève de la dénotation du mot-trait, dénotation qui est peu soumise aux variations idiosyncrasiques ou infraculturelles (Le Ny, 1979). Cet ensemble d'événements comportementaux constitue donc probablement le support du codage de ce mot-trait en mémoire sémantique (Ebbesen et Allen, 1979) ou conceptuelle (Srull et Wyer, 1980). Une telle formulation n'exclut nullement un recouvrement entre les ensembles d'événe-

4. Voire ! Lors de stages consacrés aux activités d'évaluation, nous avons souvent rencontré des participants — et même des psychologues professionnels — contestant le fait que la description psychologique puisse être considérée comme une activité d'évaluation.

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ments constitutifs de la signification de mots-traits semblables d'un point de vue pragmatique (par exemple dépensier et généreux).

A ces événements, le système social confère une utilité. Il ne fait de doute pour personne que les comportements spécifiquement associés au trait « généreux » sont socialement plus valorisés (plus utiles) que ceux spécifiquement associés au trait « gaspilleur ». Cette utilité, socialement nécessaire, est psychologiquement contingente (Beauvois, 1976). L'attribution à autrui ou à soi-même d'un trait revient ainsi à nier cette contingence, les utilités se trouvant projetées dans l'univers naturel d'une psychologie à prétention explicative. L'émission d'une conduite n'est plus référée à la contingence de son utilité, mais elle apparaît comme l'expression naturelle (nécessaire) de cette réalité psychologique qu'est le trait. Aussi bien avons-nous considéré le mode de penser personno- logique dans la psychologie quotidienne comme la machinerie cognitive par laquelle peut s'opérer l'intériorisation des contingences utilitaires sous forme de nécessités psychologiques (naturalisation des utilités). Que de cette naturalisation procède une méconnaissance, c'est bien ce que montre l'étude empirique des TIP et ce que nous donnait à attendre la réflexion épistémologique. La même réflexion nous conduit à penser que cette méconnaissance n'est pas une simple perversion de l'esprit. Elle doit bien avoir sa propre nécessité (Althusser et Balibar, 1968).

Cette nécessité, il semble raisonnable de considérer que c'est celle de la reproduction idéologique. Beauvois et Joule (1981) ont présenté un cadre méta-théorique pour une approche psychosociologique de la reproduction idéologique. Cette reproduction y est vue comme la retombée idéologique des processus cognitifs impliqués par la subordination. Celle-ci se présente sous un double aspect : elle implique bien évidemment l'émission de certaines conduites instrumentales qui ont été « commandées ». Une théorie de la rationalisation de ces conduites constitue un premier volet de l'étude de la reproduction idéologique. Mais la subordination implique aussi l'acceptation d'être jugé quant à l'excellence de ces conduites. L'étude des TIP et de leur usage dans les processus d'attribution permet de penser qu'à travers cette évaluation instituée, se réalise la naturalisation (« l'assimilation ») des utilités sociales, donc la production de cognitions légitimant les structures pour lesquelles les conduites sont, ou ne sont pas, des utilités.

Il nous paraît opportun de constater la part possible que peut prendre la psychologie sociale cognitive dans l'étude de certains problèmes essentiels posés par l'analyse sociologique. Il ne semble pas que cette possibilité ait à ce jour retenu l'attention des psychologues sociaux.

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RÉSUMÉ

L'étude par les psychologues sociaux des théories implicites de la personnalité montre : 1) que V activité de description psychologique de soi ou d' autrui est principalement une activité d'évaluation, et 2) que la validité descriptive de ces « descriptions » peut être très sérieusement contestée. Le concept même de personnalité peut être reconsidéré sur la base d'une telle étude, ainsi que la conception que Von a des processus d'attribution.

L'auteur entend montrer que l'étude des théories implicites de la personnalité peut déboucher sur celle d'un procès cognitif : celui d'intériorisation/naturalisation des utilités sociales, et que ce procès cognitif s'inscrit parmi ceux qui permettent la reproduction idéologique.

Mots clefs : théories implicites de la personnalité, processus d'attribution, reproduction idéologique.

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