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Les thermes des mois a Thina
(Rapport preliminaire 1963)
L’ensemble thermal, objet de cette communication, a ete découvert sur le site de Thina, à 12
kilometres au Sud de Sfax.
On connait 1’importance de cette cité, commune pérégrine au debut de 1’Empire et elevée par
Hadrien au rang de Colonie. Pline, il semble que Thaenae marquait le point extreme de la Fossa
separant l’Africa Vetus de l’Africa Nova (1).
Une enceinte fortifiée, flanquée a intervalles réguliers de tours demi-cylindriques, entoure la
ville sans interruption sur une longueur d’environ 2.500 metres. Deux portes monumentales on été
dégagées : l’une en direction de Tacape, l’autre en direction de Taparura (2). On n’a pu encore
retrouver l’emplacement du port qui devait exister dans l’Antiquité. Cependant, une decouverte
toute recente(2) est peut-etre susceptible d’orienter les recherches. Lors du creusement d’une
profonde tranchée pratiquée sur le rivage aujourd’hui ensablé qui longe les remparts au Sud de la
ville, ont été dégagés fortuitement plusieurs fragments de grosses poutres en bois de pin ouvragé.
L’état de conservation du bois est tout à fait remarquable, car les fragments étaient enfouis dans la
vase. Deux hypothèses sont a envisager : ou bien on se trouve en présence des restes d’un
appontement, ou bien les poutres seraient les elements d’une embarcation.
Les premieres fouilles effectuées sur le site de Thina remontent au début du siecle. Elles ont
amené le dégagement d’une vaste necropole qui s’etendait au nord-ouest, a l’exterieur des remparts (4). Elles ont également permis la mise au jour d’un bâtiment important, les Thermes de la Rotonde,
surtout connus pour grande mosaïque circulaire marine du frigidarium avec Arion et Venus
Anadyomène, mosaïque minutieusement décrite par R. Massigli (5).
1954 vit le degagement, dans la partie sud-est de la ville, à 10 metres de la muraille, d’un petit
ensemble thermal privé dont la fondation remonterait au milieu de IIIme S., et qui serait devenu
bains publics au Vme-Vime S. Cette fouille a été publiée par M. Thirion (6).
Au cours de 1’année 1960, un sondage a révélé la presence de latrines en U, de grandes
dimensions, entierement pavées de Mosaïques.
Signalons encore deux maisons inédites dont la décoration en mosaiques est d’une richesse
particulière. La plus proche des thermes que nous allons presenter, comporte notamment une
mosaïque marine située dans un Triclinium. Une tête d’Ocean, placée entre deux amours porteurs
de guirelandes, figure du côté du seuil. La facture extrêmement soignee de cette figure et le
caractère relativement sobre des mosaïques d’encadrement m’incitent, a priori, à situer cette œuvre
au tout debut du IIIme S.(7).
A environ 200 mètres au Nord, j’ai degagé une seconde villa, somptueusement décorée elle
aussi. Outre les mosaïques de pavement toutes géometriques, j’y ai relevé les innombrables
fragments d’une fresque représentant Dionysos sur une panthère. Elle ornait le plafond d’une petite
chambre, peut-être un cubiculum à l’alcôve. Cette fresque, reconstituée et restaurée, est
actuellement exposée au Musée National du Bardo.
Les traces d’un troisième établissement thermal, qui semble d’assez petite dimension,
apparaissent enfin au Nord des thermes qui nous occupent. Une rue sépare les deux batiments.
Le plan de situation schematique des fouilles jusqu’ici pratiquées à Thina, et dont j’ai rappelé
les plus importantes, fait apparaître nettement le caractère assez sporadique des explorations. Il est
évident que seule une fouille systématique de la ville permettra d’établir les liens qui rattachent
certains bâtiments entre eux, et de préciser leur distribution exacte à l’intérieur de la cité.
On remarquera que les bains sanitaires, privées ou publics, ne manquent pas à Thina. Quatre
ont déjà été identifiés. Ils se trouvent groupés dans le secteur oriental de la ville.
J’ai donne aux thermes publics dont je vais maintenant entreprendre la description, la
denomination de thermes des mois, à cause d’une mosaïque découverte lors d’un récent sondage.
Cette mosaïque se rattache aux series les plus anciennes et devait paver le sol du caldarium avant
son réaménagement. En fait, il n’a été retrouvé, jusqu’à présent que cinq médallions, assez mutilés.
Janvier, Fevrier, Décembre et Avril ont pu être identifiés grâce aux inscriptions qui accompagnent
chaque mois (8) (Photos 1 et 2).
L’ensemble thermal que nous etudions présente, à mon sens, un triple interet qui tient : a 1’état
des vestiges, tres largement préservés ; à la clarté de 1’aménagement et de la distribution des salles
; à l’importance et a la qualité des éléments décoratifs qui durent conférer a ce monument un aspect
luxueux en harmonie avec la richesse déjà observée dans les maisons d’habitation de ce quartier, en
particulier celle de Dionysos.
Les thermes des mois nous sont parvenus dans un état de conservation vraiment exceptionnel,
surtout si l’on considère que pendant des siècles, le site de Thina a servi de carrière aux habitants de
la région. L’appareillage des murs est constitué par des moellons irréguliers en calcaire friable fixés
par du mortier de chaux (opus incertum). Les deux tiers de l’édifice presentent encore des parois
qui s’elevent de 3 à 5 metres de haut. La reconstitution théorique des parties hautes est souvent
possible grâce a ces conditions jamais rencontrées jusqu’ici sur le site de Thina (9).
Nous avons la certitude que la plupart des salles étaient couvertes par des voutes d’arête et des
voutes en berceau : le départ des voutes apparait par endroits ; les murs ont une épaisseur toujours
assez considérable et présentent parfois des décrochements en outre, il a été recolte d’innombrables
tubes et plusieurs fragments de voûte qui conservent encore sur leur face interne des traces
d’enduits à fresques.
Notons aussi que, de 1’extérieur, ces voûtes n’apparaissaient pas car elles étaient dissimulées
sous des terrasses. Il est vraisemblable que l’ensemble de ces terrasses, de niveaux différents,
constituaient un vaste impluvium qui alimentait en eau les bassins-reservoirs ainsi que la citerne.
Nous disposons au moins d’un temoignage certain : de gros blocs provenant de la couverture ont
été trouvés effondrés dans la piscine du frigidarium. Leur face interne était courbe tandis que la
face externe était plate et protégée par un enduit en béton étanche.
L’ensemble du bâtiment, tel qu’il apparait aujourd’hui, s’inscrit dans un quadrilatère de 31
metres sur 29 (10). Il est surélevé de 1 metre 30 par rapport au niveau des rues pavées qui longent les
façades nord et est.
Un escalier de 4 marches donnait accès à un premier vestibule, remanié à une époque tardive,
et situé en contre-bas par rapport au reste de l’édifice. Cette dénivellation formait en quelque sorte
un palier permettant de compenser la différence de niveau avec l’extérieur d’une façon plus
progressive (11).
Le plan d’ensemble des thermes fait apparaitre clairement deux secteurs bien differenciés :
les salles chaudes groupées a l’ouest ; les salles froide réparties a l’est. Cette orientation à été
également constatée dans les petits thermes privés déjà mentionnés.
Le frigidarium (photo 5) est une vaste salle rectangulaire de 6m sur 10. Elle comporte, dans
l’angle nord-ouest, un profond bassin semi-circulaire alimenté par de l’eau tiède (12). A l’est, une
piscine rectangulaire découverte est flanquée de portique latéraux (photo 6). Une vaste baie donne
sur la palestre d’où l’on accède d’une part a l’apodyterium, d’autre part à deux grandes pièces, sans
doute des salles de repos. Derrière le vestibule d’entrée, une petite chambre a été réaménagée et
isolée a une époque tardive. Elle répondrait assez bien aux conditions souhaitées pour un
élaeothesium. On sait que l’on attache généralement aux pratiques d’onction d’huile des vertus
purificatrices. Dans la mesure où un caractère rituel s’attachait effectivement à cette opération, il
paraît normal de supposer que le local où elle se deroulait devait être situé un peu a l’écart. C’est le
cas ici. De plus, on notera la prèsence d’une etoile prophylactique en mosaïque de tuileau au seuil
de la pièce (13). Enfin, j’ai trouvé sur le sol une grande quantité de debris de verre et des fragments
de fioles à panse formée par deux figures accolées (14).
Le secteur des salles chaudes a subi d’importants remaniements. Au premier stade de la
construction, il se composait de quatre salles placées en enfilade et toutes établies sur hypocaustes.
Le tepidarium, couvert d’une voûte d’arête, comportait, à 1’origine, trois portes qui
communiquaient avec le frigidarium, la salle chaude voisine et la grande salle de repos. (Cette
dernière ouverture à été ultérieurement bouchée). II était éclairé par une large baie donnant a
l’extérieur. L’arrivée d’air chaud se faisait par un praeturnium amenage dans l’épaisseur du mur
ouest, sous la baie (15) ; l’évacuation était assurée par six cheminées réparties sur les trois autres
parois de la pièce. Cette disposition favorisait la circulation de l’air chaud qui, de la sorte, était
également réparti sous toute la surface de la suspensura. De plus, elle contribuait, quoique pour une
faible part, au chauffage general du tepidarium. M. Kretzschmer, ingenieur allemand qui a étudié
de près les divers systèmes de chaufferies utilisées dans les thermes romain, estime que ce genre
d’aménagement permettait d’obtenir une temperature moyenne de 25 ou 30 degrés, ce qui semble
très suffisant pour un tepidarium et est conforme aux normes prescrites par Vitruve (16).
La salle voisine se presente comme une etuve sèche. Primitivement, elle comportait seulement
quelques cheminees, disposées de la meme façon que celles du tepidarium, et un praefurnium
nettement plus important que le précédent. A l’usage, on a dû constater que le chauffage était
insuffisant et on a recherché les moyens de 1’augmenter. Dans un deuxieme stade, les cheminées
ont donc été bouchées. une double cloison, constituée par des tubuli à fenestella losangées, à été
établie sur les quatre côtés (Photos 9 et 10). On obtenait ainsi une température très élevée, pouvant
atteindre 45 a 50 degrès. L’absence d’installation d’eau et la chaleur intense qui regnait dans cette
salle justifient 1’appellation de laconicum que je propose.
Primitivement, le caldarium était une salle legèrement plus petite que la précédente. Les parois
comportaient, des 1’origine, une double cloison chauffante du type précédemment évoqué. Le
praefurnium était situé dans l’angle nord-est de la pièce et fut bouché lors des réaménagements
postérieurs. Dans un deuxieme stade, le caldarium a été sensiblement agrandi par l’adjonction d’un
alveus d’eau chaude. Un nouveau praefurnium à été installé. Contrairement aux autres, il est
prolongé à 1’extérieur par deux murettes de 1 m. de long (photo 8). L’epaisseur de ces murettes (60
cm.) s’explique aisement si l’on admet qu’elles servaient de support au vasarium qui alimentait
l’ alveus en eau chaude. Or, à proximité immédiate se trouve précisément un bassin reservoir
surélevé. Il est probable qu’une tuyauterie amenait 1’eau froide de ce bassin à la base de la
chaudière. L’eau après s’être réchauffée sortait de la chaudière par le haut et passait dans l’alveus à
travers deux petites canalisations. L’emplacement des trous de ces canalisation à été retrouvé dans
1’embrasure de la baie qui surmonte la baignoire (171). Une autre fenêtre, plus étroite à été
aménagée dans 1’epaisseur du mur, à gauche de l’alveus.
Une petite chambre de 3m,5 sur 3 complète cet ensemble. Le chauffage y était assuré par des
doubles cloisons. La pièce disposait d’un praefurnium independant situé à la base du mur est. Une
petite fenêtre etait percée dans le mur opposé. L’exigüité de cette salle devait permettre d’obtenir
une temperature très élevée. Il s’agit evidemment du sudatorium.
Je crois utile de préciser que toutes les fenêtres dont il a été question étaient hermétiquement
fermées par des plaques de gypse translucide, de 3 a 4 cm. dépaisseur. Elles permettaient d’assurer
un éclairage suffisant, sans entrainer pour cela une déperdition de chaleur.
Des chambres de chauffe, qui contenaient une épaisse couche de cendres, précédaient chaque
praefurnium.
Une disposition assez singulière merite encore d’être mentionnée : derrière le petit bassin du
frigidarium on remarque la presence d’un fourneau circulaire qui devait supporter une grande
chaudière cylindrique. Un chauffage relatif était assuré par une arrivée d’air chaud qui venait des
hypocaustes du caldarium ou du laconicum par l’intermédiaire d’une sorte de tunnel dont
l’ouverture est encore visible. Des sondages ultérieurs permettront sans doute de préciser le
parcours exact de ce tunnel (18). Deux réservoirs communicants placés en surélévation derrière la
chaudière, 1’alimentaient en eau. Un tuyau amenait cette eau tièdie vers le bassin du
frigidarium.[HERE]
Des latrines luxueuses ont été aménagées au sud-ouest des thermes, lors de 1’agrandissement
du caldarium. Les sièges, probablement en marbre, ont malheureusement disparu. Toutefois,
d’après les traces qui subsistent sur 1’enduit des murs, on peut évaluer à 50 cm. la hauteur et à 60
cm. la largeur des sièges. Ces latrines pouvaient accueillir une dizaine de personnes. Une rigole en
U contournait la salle et assurait 1’évacuation des eaux sales (photo 11). Un lavabo, dont, le socle
mouluré est encore en place, était adossé au mur du fond, dans 1’axe de la salle. On accédait aux la-
trines par intermédiaire d’un étroit vestibule, à entrées en chicanes, contigü à la grande salle de
repos. On notera toutefois que ces latrines étaient également accessibles de 1’extérieur puisqu’une
porte a été prévue a l’ouest d’un second vestibule mitoyen beaucoup plus important que le premier.
L’egoût qui passait sous 1’établissement thermal pour 1’évacuation des eaux usées, aboutissait
à un égoût de décharge creusé dans le sous-sol des latrines et se dirigeait, de là, vers la rue.
On voit que ces thermes, malgré leurs dimensions relativement modestes, étaient parfaitement
adaptés aux besoins des usagers. Les réaménagements complementaires alveus, modifications du
chauffage, latrine, prouvent d’une part l’utilisation continue des thermes, d’autre part un souci de
confort, par la recherche de solutions plus efficaces.
A l’agrément de disposer d’installations thermales parfaitement conditionnées, s’ajoutait celui
de jouir d’un cadre harmonieux. Malgré le pillage auquel 1’édifice a été soumis, les temoignages
qui subsistent sont suffisants pour permettre de se faire une idée precise du luxe qui régnait dans
l’établissement.
Les parois des salles d’eau étaient revêtues d’un placage en marbre polychrome qui montait
parfois jusqu’à la naissance des voütes. Ailleurs, murs et voütes étaient entierement decores de
fresques qui furent constamment entretenues au cours des siècles, puisque, en maints endroits, on
peut déceler trois et parfois quatre couches successives. Les fresques les plus anciennes sont aussi
les mieux réussies : les couleurs, vert foncé et ocre rouge, appliquées sur un enduit parfaitement
lisse et d’un grain très fin ont resisté au temps. Parmi celles qui ornaient le frigidarium, notamment
autour des bassins, les sujets figures étaient nombreux : femme versant un liquide qui coule d’une
amphore, farandole de jeunes-filles brandissant des épis ou des palmes, médallions circulaires
enfermant une figure feminine (photo 12) (19). Les fresques de seconde main ou celles qui
couvraient les plafonds et les parties hautes, présentent en général un decor plus simple : motifs
geometriques, guirlandes, frises à décor végétal, panneaux à décor architectural en trompe-1’œil,
imitation de parements en marbre (photo 13).
Le pavement des thermes était entièrement fait de mosaïques en marbre, à décor toujours
geometrique ou floral, sauf celles qui ornaient le caldarium et les rebords du grand bassin du
frigidarium.
Nous ne reviendrons pas sur la mosaïque des mois dont il semble peu probable que l’on
retrouve jamais tous les fragments. La mutilation du pavement se produisit, sans doute nous
1’avons dit, lors de la transformation du caldarium (20). C’est ainsi que le médaillon representant
Avril fut retrouvé, fortuitement, assez loin de son lieu d’origine, sous le dernier sol de la petite
pièce présumée salle d’onction.
Les six emblemas disposés sur le pourtour de la piscine renferment des mosaïques marines à
personnages mythologiques : néréïdes (photos 14), deux fois representées plongées dans 1’eau
jusqu’à micorps, amours chevauchant des dauphins (photos 15)… Le seuil de la piscine est décoré
d’une mosaïque malheureusement assez mutilée : elle figure un voilier entouré de dauphins (photos
16, et 17). La voile est amenée autour de la vergue, un amour ailé, porteur de guirlande le survole.
On remarquera, parmi les elements decoratifs : la ligne festonnée des sabords de nage d’où
émergent les rames, la torsade qui longe le bord supérieur, les têtes de chien dont l’une termine
l’éperon et 1’autre semble comme rajoutée a mi-hauteur de la coque (21).
Toutes ces mosaiques à décor figuré appartiennent aux séries les plus anciennes et
correspondent vraisemblablement a 1’édification des thermes. Il s’y rattache un certain nombre de
pavements soigneusement executés, à ornementation géométrique et florale toujours très étudiée,
polychromes mais de couleurs attenuées, et à l’intérieur desquels on peut déceler des traces de
réfection successives, utiles pour preciser la position chronologique du groupe (22) (photos 18 à 21).
Il est aisé d’identifier la deuxième série de mosaïques plus récentes, mises en place lors de la
phase de réaménagement des thermes. La palette des couleurs se limits à deux ou trois tons de
teintes violemment contrastées ; l’ornementation consiste en motifs géométriques très simples :
damier, key pattern et chaînes de triangles, décor couvrant en écailles... (photos 22, 23 et 11).
On ne note ensuite que de rares restaurations de details à l’intérieur de certains pavements, ou
quelques reprises de seuils : chevrons polychromes ou imitations de marbre (photos 24 et 25).
Essai de datation
Un premier recensement des objets recueillis sur la fouille, le classement stylistique des
mosaïques ou 1’étude des elements architecturaux, amènent aux constatations suivantes.
La construction de la majeure partie de 1’édifice était achevée, nous l’avons vu, dès le premier
stade : celui de la fondation des thermes.
Après un laps de temps difficile à préciser, mais qui dut être assez long si l’on en juge par le
caractere nettement « décadent » des mosaïques de seconde main par rapport aux pavements
initiaux, l’établissement fut agrandi par 1’ajout de l’alveus et du secteur des latrines, et des
améliorations furent apportées au système de chauffage. A ce moment, la différentiation
fonctionnelle des salles chaudes apparait nettement définie.
La simplification du répertoire décoratif (exclusivement geométrique) et la médiocrite relative
de la technique d’exécution observée pour les mosaïques, se remarquent également sur les fresques
reprises durant cette seconde période.
Les lampes, trouvées en nombre suffisant pour permettre l’établissement de series assez bien
differenciées, se repartissent également en deux grandes catégories ; celles qui ne sauraient être
datées au delà du milieu du IIIme S., et celles que l’on peut déjà rattacher au IVme S.
Parmi les fragments de plats, on note une forte proportion de poterie, rouge clair, de fabrication
africaine, à décor sigillé (D) du IVme S.(23).
Enfin, un trésor de 320 (24) pièces, enfermé, dans une étoffe (dont 1’empreinte subsistait), a été
découvert dans l’angle nord-est du laconicum, au niveau de la mosaïque de pavement dont ne
subsistait qu’une tres faible partie.
Du point de vue archeologique, la présence de ce trésor impose certaines observations utiles
pour préciser la position chronologique absolue de 1’édifice.
Il convient tout d’abord de souligner le fait que le lot monétaire se compose de pièces, neuves
pour la plupart, ou ayant très peu circulé et retrouvées dans un état de conservation presque parfait.
Il apparait donc impensable que le local d’où proviennent les monnaies ait encore été utilisé
comme salle d’eau apres le depot du tresor, enfoui vers 311-312 (ainsi que 1’étude numismatique
permet de le preciser), puisque celui-ci, nous 1’avons dit, fut trouvé au niveau de la mosaïque.
Des indices certains, bien que limites, d’une occupation postérieure ont pourtant été relevés à
1’intérieur de 1’édifice. Mais si l’on se reporte au plan des thermes, on remarquera que les quelques
fragments de mosaïques que 1’étude stylistique comparative oblige à considérer comme très
tardives, se trouvent localisées dans le frigidarium (autour de la piscine rectangulaire).
Quant aux lampes et aux poteries, dans 1’état actuel de nos connaissances, leur datation, à
partir du IVme S., est encore trop sujette à caution pour que l’on puisse tirer de leur étude un ar-
gument décisif.
Le contexte archéologique indique par ailleurs que les thermes des mois s’inscrivent dans un
quartier composé de villas luxueuses (maisons de Dionysos - maison de 1’Océan), attribuables au
plus tard à la première moitie du IIIme S,, et dont les pavements en mosaique ne présentent jamais
aucune trace de restauration.
De cet ensemble d’indications encore très incomplètes, et qui demandent une étude
approfondie et sans doute aussi un complement de fouille, qu’il me soit permis de tirer une
conclusion, à titre au moins d’hypothèse de travail.
La fondation de 1’edifice pourrait se placer a la fin de 1’époque Sévérienne (le style des
pavements ne permet guère de remonter plus haut) qui correspond à Thina à une période où la cité
était encore en plein épanouissement (25).
L’année 312 marquerait la date extrême d’utilisation de 1’edifice en tant qu’établissement
thermal. Mais il n’est pas exclu de penser que certaines parties des thermes (notamment 1’aile
nord), dont les vestiges imposants parvenus jusqu’à nous prouvent que le batiment fut peut-être
abandonné mais non pas detruit, furent réutilisées à très basse époque et pour un usage qui reste a
déterminer.
M. FENDRI REMARQUES DE M. LEZINE
L’identification proposée par M. Fendri de certaines salles me parait discutable : Le laconicum
de M. F. est un destrictarium, 1’étuve sèche est sans doute la petite salle, au nord du caldarium
(sudatorium de M. F.) La salle qui succède au vestibule est celle où l’on distribue les flacons
d’huile aux baigneurs, on n’y fait pas d’onctions. L’appellation d’elaeothesium de M.F. ne convient
donc pas, la salle destinée aux exercices physiques est sans doute celle qui se trouve au sud du
frigidarium. La forme des latrines indique qu’il s’agit de thermes d’hiver. Des bains (inédits), dont
le plan est presque identique a celui-ci, existent à Sbeïtla.
Plates
Footnotes
(1) Pline, Hist. nat., V, 4, 24-25 (2) Les fouilles qui amenèrent le dégagement partiel des remparts eurent lieu en 1948-49.
L’emplacement des diverses découvertes mentionnées brièvement ici est indiquée sur le plan de situation. Pl. I.
(3) Découverte signalée en 1961 par des ouvriers du service des Travaux publics. (4) B.A.C., 1908, pp 22-58, pl. IV-VIII. Voir aussi, G. I., Feuille, Rev. Tun, 1939, 40, pp641-
649. (5) R. Massigli – Musées de l’Algérie et de la Tunisie, Musée de Sfax, Paris 1912, pp1-8, pl, I-
IV. (6) J. Thirion, Un ensemble thermal avec mosaïquesà Thina, M.E.F.R., 1957, pp. ___-245. (7) M. Fendri. Découverte Archaéologique dans la région de Sfax. Tunis 1963, _____ et note
36. (8) Les représentations de cycles saisonniers ou mensuels sont fréquents à l’intérieur des
thermes. Pour le Sud de la Byzacène, mentionnons les Bains de Trajan à Acholla : les quatre saisons y sont associées au triomphe de Dionysos. C. G.-Ch, Picard, Mélanges Charles Picard II, pp. 810-821, et les Mosaïques d’Acholla, Annales de l’Est. 1959, II, pp.81-82 et Pl. XVI, 1, 3, 5.
Le Caldarium des grands bains de Henchir-Thina. R. Massigle, op. cit., p. 6, no 10. pl V,2. Nous trouvons une très grande analogie de style et de facture entre nos mois et les amours nus et ailés chevauchont par cet auteur au début du IIIème S.
(9) J. Thirion souligne le mauvais états des ruines jusqu’ici dégagées à Thina, art. cit., p. 209 et n. 4. Nos thermes constituent bien une exception, à ce point de vue. Voir coupes, Pl. III et photos 3 & 4.
(10) Voir plan, p. 11. (11) La différence de niveau entre la rue et le vestibule est de 1m,10. (12) Voir infra., p.5., lignes 26 à 35. (13) L’importance attachée à la représentation de cette étoile sur le seuil de la pièce est attestée
par le simple fait qu’elle a été refaite à une époque tardive. (14) Il pourrait évidemment s’agir d’une simple dépôt d’huiles. On sait que l’on hésite sur la
traduction exacte qu’il convient de donner au terme d’élaeothesium. Il n’est pas certain qu’une salle spéciale était réservée aux onctions qui pouvaient aussi bien être pratiquées dans le tepidarium, par exemple. Sur ce point, voir Daremberg et Saglio, Dict., II, p.1689.
(15) Photos 7 et 8, les deux types de praefurnium. La distinction à établir entre le praefurnium intérieur, destiné au chauffage général de la salle et la praefurnium extérieur à l’hypocausté, parcequ’il doit supporter, en plus, le vasarium, a été clairement exposée par M. Fritz Kretzchmer. Voir Abbé B. Lacroix, Les thermes gallo-romains d’une centre sidérirgique du Iième S., Domecy-sur-Cure (Yonne), 1957. p.8 et n. 1. Voir aussi J. Breuer, Les bains romains de Furfooz et le chauffage dans l’Antiquité. Extrait du Bulletin de Documentation d’Etude des Industrielles Fernand Courtois (Bruxelles) 1957. 1èr trimestré, p. 6.
(16) L’Abbé B. Lacroix donne, dans son article, une bibliographie complète des étude calorimétriques poursuivies par M. Kretzchmer à propos des thermes antiques. Mais, comme cette publication est assez difficile à consulter, nous pensons utile de mentionner ici les principaux travaux de M. Kretzchmer. Hypocausten, in Sonderdruck aus dem Saalburg-Jahrbuch, XII, 1953, p. 19 sq. Heiz und Wohntechnich in Westdeutschland zur Romazeit, in Gesundheits Ingénieur, 1956, fasc. I et II. Die Entwicklungder antiken Heizun, in Heiz-Luft Haustechn., 8, (1957). Nr. 5, Mai, p. 123-129. Bauformen und Wirkungweise antiker Heizungen., I. in Gesundheits Ingenieur, 1957, pp. 354-357.
Voir aussi, J. Breueur., att. cit. note 14. (17) De nombreux fragments ont été retrouvés dans les remblais. (18) J. Breuer a déjà observée des cas où un seul foyer suffisait au chauffage de ceux salles
successives. La tendation mitoyenne était clors percée d’une plusieurs ouvertures que permettaient à l’air chaud de parvenir sous la salle plus éloignée du foyer, art. cit., p. 8.
(19) On peut comparer ces fragments de fresques avec ceux qui ont été relevés par J. Thirion dans les thermes privés de Thina, art. cit. p. 220, en particuliér la figure féminine, pl. II, fig. 2.
Comparer également avec la figure féminine présentée par M. Y. Baradez Nouvelles fouilles à Tipasa, La maison des fresques, ybica, IX, 1er Semestre 1961, p. 66, fig. II. L’auteur attribue cette fresque à l’époque Séverienne.
(20) Un sondage sera nécessaire pour préciser ce point. (21) Un éperon en forme de tête de chien a été signalé par L. Foucher à l’extrémité de l’éperon
d’une galère représentée sur un pas de porte. Thermes romains des environs d’Hadrumète. Notes et Documents, Vol. I. (nouvelle série). 1958, p. 20 et pl. VIII, a.
(22) L’étude de détail de cet ensemble de pavements mosaïques fera l’objet d’une communication séparée ultérieure.
(23) Parmis les poteries à relief d’applique, signalons la représentation, sur un rebord de plat festonnée, d’une tête d’Océan exactement semblable à celle signalée par L. Foucher sur une poterie d’El Djem. Thermes romains…, pl. XIV, a.
(24) Un rapport préliminaire concernant ce trésor a été établi par Madame Fendri et joint en appendice à cette communication.
(25) Cf. sur se point : J. Thirioin, art. cit., M.E.F.R., 1957, p. 208.