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1 UNIVERSITE DE NANTES INSTITUT DE GEOGRAPHIE ET D’AMENAGEMENT REGIONAL (IGARUN) LETG GEOLITTOMER (UMR 6554 CNRS) 2007 N°attribué par la bibliothèque THESE Pour obtenir le grade de DOCTEUR DE L’UNIVERSITE DE NANTES Discipline : Géographie Présentée et soutenue publiquement par Serge LABORDE le 23 février 2007 Les pêches maritimes basques entre déclin et recompositions Directeur de thèse : Jean CHAUSSADE JURY Jean Chaussade, Directeur de recherches émérite, Nantes, directeur de thèse Jean-Pierre CORLAY, Professeur émérite de géographie, Nantes, président Jean-Pierre DOUMENGE, Professeur de géographie, Montpellier III, rapporteur Jacques GUILLAUME, Professeur de géographie, Nantes, examinateur Christian HUETZ DE LEMPS, Professeur de géographie, Paris IV, rapporteur Virginie DUVAT-MAGNAN, Professeur de géographie, La Rochelle, examinateur

THESE Serge Laborde corrigée mars 2007

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UNIVERSITE DE NANTES INSTITUT DE GEOGRAPHIE ET D’AMENAGEMENT REGIONAL (IGARUN)

LETG GEOLITTOMER (UMR 6554 CNRS) 2007 N°attribué par la bibliothèque

THESE

Pour obtenir le grade de

DOCTEUR DE L ’UNIVERSITE DE NANTES Discipline : Géographie

Présentée et soutenue publiquement

par

Serge LABORDE

le 23 février 2007

Les pêches maritimes basques entre déclin et recompositions

Directeur de thèse :

Jean CHAUSSADE

JURY

Jean Chaussade, Directeur de recherches émérite, Nantes, directeur de thèse Jean-Pierre CORLAY, Professeur émérite de géographie, Nantes, président Jean-Pierre DOUMENGE, Professeur de géographie, Montpellier III, rapporteur Jacques GUILLAUME , Professeur de géographie, Nantes, examinateur Christian HUETZ DE LEMPS, Professeur de géographie, Paris IV, rapporteur Virginie DUVAT-MAGNAN, Professeur de géographie, La Rochelle, examinateur

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REMERCIEMENTS

La thèse est un exercice stimulant, il l’est d’autant plus qu’elle a été effectuée très longtemps après les années de formation initiale et parallèlement à l’activité professionnelle. Aussi des appuis ont été indispensables. Au laboratoire LETG Géolitomer (UMR 6554 du CNRS), Christine Lamberts m’a prodigué d’utiles conseils lors des trop rares visites que je lui ai rendues. Sur le terrain, dans le domaine d’étude, j’ai trouvé les connivences et les contacts nécessaires à la réalisation de ce travail, en premier lieu au sein du laboratoire local d’Ifremer avec Nathalie Caill-Milly, Gilles Morandeau et Patrick Prouzet, puis à l’OP Capsud avec Joël Fourneyrat et David Milly ainsi qu’à l’IMA avec François Gallet. Comment ne pas citer Mikel Epalza, aumônier des pêcheurs, sans doute un des meilleurs connaisseurs des pêches basques et des gens de mer, pour son activité inlassable et ses recherches toujours renouvelées ? De l’autre côté de la frontière, c’est l’aide d’Antón Cormán de la cofradía de Pasajes et celle d’Andrés Uriarte d’AZTI qui m’a permis de démêler l’écheveau de l’abondance des données existantes. A Jean Chaussade, directeur attentif de cette thèse, je voudrais exprimer ma profonde gratitude pour le soutien et les encouragements sans lesquels ce travail n’aurait pu aboutir. Au cours de l’année écoulée, ses conseils avisés m’ont toujours remis dans le sens de la "marche ". Je tiens également à remercier Jean-Pierre Doumenge et Christian Huetz de Lemps d’avoir accepté d’être les pré-rapporteurs de cette thèse ainsi que Jean-Pierre Corlay, Jacques Guillaume, Virginie Tuvat-Magnan pour leur participation au jury.

A ma femme, collaboratrice si précieuse…

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RÉPERTOIRE DES ABRÉVIATIONS

ADPA : Archives Départementales des Pyrénées Atlantiques

AGLIA : Association du grand littoral Atlantique

AZTI : Institut pour la recherche alimentaire du Pays basque d’Espagne

CAPV ou CAE : Communauté autonome du Pays basque ou d’Euskadi

CCI : Chambre de Commerce et d’Industrie

CEE : Communauté Économique Européenne

CERS : Centre d’études et de recherche scientifique du Musée de la mer de Biarritz

CIEM : Conseil international pour l'exploitation de la mer

CLPM : Comité local des pêches maritimes

COFICA : Comptoir français de l’industrie des conserves alimentaires

CRTS : Centre régional de traitement statistique

DDAM : Direction départementale des affaires maritimes

DDE : Direction départementale de l'équipement

DPM ; Domaine public maritime

ENIM : Etablissement national des invalides de la marine

EUSTAT : Service de Statistiques du Pays Basque (Euskadi)

FROM : Fondo de regulación y organizatión de los productos de pesca y cultivos marinos

GMS : Grandes et moyennes surfaces

ICCAT : International commission for the conservation of Alantic tunas

IEO : Institut océanographique espagnol

IFOP : Instrument financier d'orientation de la pêche

IFREMER : Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer

IMA : Institut des milieux aquatiques, organisme de recherche installé à Biarritz puis à

Bayonne

IVA : Taxe à la valeur ajoutée en Espagne

MAPA : En Espagne : ministère de l’agriculture, de la pêche et de l’alimentation

OFIMER : Office national interprofessionnel des produits de la mer et de l'aquaculture

OP : Organisation de producteurs

OPPAO : Organización de productores de la pesca de altura de Ondárroa

PCP : Politique commune des pêches

PECOSUDE : Pêche côtière et estuarienne du sud de l'Europe ; programme européen de recherche

POP : Programme d'orientation pluriannuel

QMB : Quartier maritime de Bayonne

SHOM : Service hydrographique et océanographique de la Marine

TAC : Total admissible de captures

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TJB : Tonneau de jauge brute

UE : Union européenne

ZEE : Zone économique exclusive

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GLOSSAIRE

Altura Pêche hauturière Bajura Pêche artisanale et côtière Cofradía Confrérie et/ou organisme de gestion des criées artisanales Fueros ou fors Privilèges, libertés, concédés à des provinces, à des entités, par la Couronne royale Noms des ports dans les deux langues : Espagnol Basque Elanchove Elantxobe Fuenterrabia Hondarribia Guetaria Getaria Lequeitio Lekeitio Motrico Mutriku Placencia Plentzia San Sebastián Donosti Santurce Santurtzi

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SOMMAIRE INTRODUCTION ..................................................................................................................p.7 PREMIÈRE PARTIE - LES PÊCHES MARITIMES BASQUES : ETAT DES LIEUX Chapitre 1 : Le cadre de la recherche....................................................................................... p.13 Chapitre 2 : Présentation d’ensemble du domaine d’étude, composante du littoral atlantique .............................................................................................................. p.31 Chapitre 3 : Les petits métiers et les activités de la pêche côtière ........................................... p.69 Chapitre 4 : De la pêche artisanale à la pêche industrielle..................................................... p.102 Chapitre 5 : Commercialisation : structures, acteurs.............................................................. p.130 DEUXIÈME PARTIE - LA MISE EN PLACE ET L’APOGÉE DES SYSTÈMES HALIEUTIQUES Chapitre 6 : Une organisation de pêcheurs héritée du passé .................................................. p.157 Chapitre 7 : La mise en place et le renforcement d’un système halieutique : la flotte artisanale............................................................................................................ p.180 Chapitre 8 : La construction d’un système chalutier............................................................. p.188 Chapitre 9 : L’industrie de transformation du poisson.......................................................... p.205 Chapitre 10 : L’identité maritime des cités ports de pêche .................................................... p.229

TROISIÈME PARTIE - LES PÊCHES MARITIMES BASQUES : AFFRONTEMENTS ET RECOMPOSITIONS Chapitre 11 : L’impact des frontières et des limites.............................................................. p.240 Chapitre 12 : Les luttes de la pêche artisanale ...................................................................... p.258 Chapitre 13 : Des frontières disparaissent............................................................................. p.279 CONCLUSION GÉNÉRALE .............................................................................................p.296

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INTRODUCTION

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Plusieurs raisons m’ont conduit à déposer ce sujet de thèse. Bien sûr, il concerne ma région d’origine, mais cela ne suffit pas à expliquer ce choix. Il s’agit plutôt de rechercher un point de vue d’ensemble sur un thème que j’avais abordé en DEA, en 1993, et, sous forme partielle, dans un rapport conjoint avec une ingénieure halieute d’IFREMER (Caill-Milly N., 1998). Enseignant la géographie du Pays basque à la faculté pluridisciplinaire de Bayonne depuis plus d’une décennie, j’ai souhaité réaliser une étude plus globale, qui ne soit pas une simple addition de monographies des pêches maritimes basques dans leur cadre national, régional ou portuaire ; le but de cette recherche est, si possible, d’apporter une vision renouvelée de la question1. Monsieur le Professeur Jean Chaussade, à qui j’ai soumis le sujet, l’ a accepté.

Certes, il s’agit d’une étude régionale d’halieutique donc celle-ci étudiera les ports, la filière pêche comme un élément situé au cœur du triptyque halieutique composé de l’avant pays maritime ou espace de production, du complexe portuaire et de l’arrière pays maritime ou hinterland (Chaussade, 1969, Corlay, 1993) ; mais il ne s’agit pas seulement d’un travail de recherche halieutique régionale sur une activité circonscrite à une courte portion du littoral.

Quelles sont les délimitations du sujet ? Il porte sur les systèmes halieutiques développés à partir des ports du Pays basque

qui souvent n’apparaissent pas spécifiques ou originaux si on les compare à ceux développés à partir des ports des régions atlantiques voisines.

Pour des raisons d’homogénéité et d’équilibre du sujet, les pêches estuariennes effectuées dans l’Adour2 d’une part, et les pêches thonières des senneurs-congélateurs biscayens opérant dans les eaux tropicales de l’Atlantique Sud et de l’Océan Indien3 d’autre part, ne figureront pas dans cette étude.

L’activité des flottilles étudiée ici concerne la pêche maritime fraîche du golfe de Gascogne et de l’Atlantique du Nord-Est. Nous nous intéresserons uniquement aux ports dotés d’une criée, donc côté français, cela écarte l’étude détaillée des ports de Bayonne et Capbreton dans lesquels les familles des pêcheurs vendent directement à l’étal4 (Capbreton, situé dans le département des Landes, fait partie du Quartier maritime de Bayonne).

De l’autre côté de la frontière, en Pays basque d’Espagne, les débarquements de la flotte artisanale et les statistiques qui proviennent des criées sont fiables ; par contre la production de la flotte hauturière demeure insuffisamment connue (en particulier pour

1 Aucune étude d’ensemble n’a été à ce jour réalisée sinon sous forme d’encyclopédie avec des articles thématiques séparés, historiques, techniques, par type d’activité, issus d’auteurs différents. 2 PROUZET P., LISSARDY M. , MORANDEAU G., CUENDE F.X., La pêche maritime professionnelle dans l’Estuaire de l’Adour en 2000. IFREMER , juin 2001, 35 p. 3 Les données statistiques sur les captures sont quasi confidentielles, de plus ces navires ne reviennent au port de Bermeo que tous les 3 ou 4 ans et « apparaissent » peu dans le paysage portuaire. Pour la plupart les équipages sont étrangers. 4 Une partie de la production de ces deux ports est acheminée par camion vers la criée de Ciboure / Saint-Jean-de- Luz pour y être vendue.

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celle d’Ondárroa) des recoupements demeurent indispensables pour fixer quelques ordres de grandeur.

Pour des raisons de commodité statistique, le sujet porte sur des cadres territoriaux et institutionnels bien établis : d’une part, la Biscaye et le Guipúzcoa, les deux provinces maritimes de la Communauté autonome du Pays basque ( CAPV ou CAE, une des 17 communautés autonomes d’Espagne issues de la Constitution de 1978) et d’autre part le Quartier Maritime de Bayonne, qui s’étend d’Hendaye (frontière franco-espagnole) à Contis plage dans le département des Landes.

Ce ne sont pas les seules raisons qui ont présidé au choix du cadre territorial de cette étude : cette activité halieutique correspond à des territoires terrestres, et nous verrons dans l’histoire des pêches (deuxième partie) comment ces espaces littoraux ont été façonnés par elle jusqu’à constituer un élément essentiel de l’identité maritime des cités portuaires.

L’élément fondamental du sujet est, à mon sens, son aspect transfrontalier. Nous examinerons en particulier le rôle des limites (donc ce qui est autorisé et interdit) et des frontières (frontière terrestre, frontières maritimes) ainsi que l’évolution de leurs fonctions. La fixation ou la modification des frontières nous amène à nous interroger sur les espaces nationaux et communautaires, avec les changements de législation, sur les droits historiques de pêche, les déplacements de limites des mers territoriales et leurs conséquences. Les transformations les plus rapides sont survenues depuis l’intégration de l’Espagne dans la CEE (1986) et la Politique Commune de Pêche : sa flottille de pêche a été diminuée et restructurée mais la législation européenne a permis, entre autres, la mise en place d’armements de sociétés mixtes (cf. les navires dits franco-espagnols, de droit français mais détenus par des capitaux espagnols). Les notions de port d’origine, de lieu de débarquement, de frontière s’estompent avec la création du Marché Unique dans l’Union Européenne en 1993. L’Espagne, très forte consommatrice

de produits de la mer, en manque d’un espace de production suffisant, “aspire” les

navires français achetés d’occasion avec leurs droits de pêche. Ces bateaux de droit français détenus par des capitaux espagnols pêchent sur des quotas attribués à la France ; une petite partie de leurs ventes en criée est effectuée dans les ports de la façade atlantique française mais l’essentiel est vendu dans les criées espagnoles où les prix obtenus sont souvent plus élevés. Pour cette dernière raison, les patrons de navires français sont aussi tentés de vendre directement leur production en Espagne.

L’identité maritime résulte de la présence de tous les maillons de la filière pêche et des hommes qui y travaillent ; la prise en compte de territoires même limités dans leur extension, qui servent de support à cette activité, fondent à mon avis la pertinence du sujet. Il aurait été possible d’intégrer les pêches de Cantabrie et des Asturies à l’Ouest, la pêche arcachonnaise au Nord mais cela n’aurait pas modifié le sujet et son questionnement.

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Ces notions d’identité, de territoires, de frontières, ont évolué avec le temps ; on est passé de la symbiose entre hommes, activités et techniques jusqu’au XXe siècle, à la confrontation pêche artisanale contre chalutage pélagique à partir du milieu des années quatre-vingt, voire à l’affrontement dans des conflits de métiers et des conflits pour l’espace de production au cours de la décennie suivante.

Le sujet de thèse porte sur les pêches maritimes basques effectuées dans le golfe de Gascogne (ou de Biscaye) et dans l’Atlantique du Nord Est à partir de ports appartenant à deux Etats distincts (figure 1), et sur leur évolution face à la diminution de la ressource et à la fixation de contraintes par la Commission Européenne. Alors que le déclin se marque dans l’importance des flottilles et dans le nombre de marins qui se consacrent à la pêche maritime, quel peut être le rôle de la frontière dans la recomposition et la redistribution de l’activité halieutique sur des territoires qu’elle traverse et parfois qu’elle rapproche ?

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Figure 1 : Croquis de localisation

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PREMIÈRE PARTIE

LES PÊCHES MARITIMES BASQUES : ÉTAT DES LIEUX

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Chapitre 1- LE CADRE DE LA RECHERCHE

Le sujet ainsi délimité : les pêches maritimes basques entre déclin et recompositions, il nous faut déterminer le questionnement, choisir les outils d’analyse donc préciser les thèmes étudiés.

I- La problématique

C’est à dire l’ensemble des questions et des hypothèses générales et l’ensemble des objectifs à atteindre dans un cadre qui guide la recherche. Au cours de celle-ci, durant près de cinq années, les éléments de la problématique ont évolué, trois axes en constituent l’ossature - un premier axe consiste en une recherche d’halieutique localisée : la pêche à partir des ports situés au sud du golfe de Gascogne, sur le territoire français et sur le territoire espagnol. Il s’articule autour de quelques questions essentielles : Comment expliquer l’importance de la pêche du Pays basque d’Espagne dans son contexte national et régional alors que la longueur des côtes est relativement modeste ? Présente-t-elle des caractères spécifiques par comparaison à l’activité halieutique des ports de la côte basque française et du littoral atlantique français ? Quel modèle halieutique présente-t-il et quel est son espace de commercialisation ? - le deuxième axe est celui d’une géographie régionale ou plutôt littorale transfrontalière concernant l’activité halieutique des ports situés de part et d’autre de la frontière internationale, un linéaire côtier de plus de 160 km considéré comme zone d’analyse.

L’hypothèse de départ : aux XVIIe et XVIIIe siècles une large complémentarité pour les activités halieutiques existait entre Pays basque de France et Pays basque d’Espagne, complémentarité entre les hommes qui servaient ces activités et les capitaux qui les rendaient possibles (armements pour la grande pêche). Au XIXe et jusque vers 1960, la pêche artisanale se renforce, les pratiques, les techniques de capture, les espèces cibles présentent de larges similitudes. Quelles sont les caractéristiques de ces pêches qui constituent un modèle halieutique qui perdure tout en perdant de nombreux navires depuis vingt ans ?

L’hypothèse de départ est que l’activité de pêche a façonné des structures socio-spatiales qui s’organisent et s’emboîtent. Elles ont organisé des territoires, en particulier les ports, marqués par leur maritimité. Les deux premiers axes se complètent, le contenu du second explicite, permet de comprendre comment on a abouti à la situation actuelle. - le troisième axe constitue la clé de voûte de l’ensemble de ce travail.

Quel a été le rôle joué par la frontière ? Quelles fonctions remplit-elle aujourd’hui ? De façon plus générale quelles incidences ont eu, pour les pêches

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espagnoles, les limitations et les nouvelles frontières maritimes induites par les changements survenus à partir de 1976-1977 (création de la ZEE) ? Quelle furent les contraintes subies par le modèle halieutique du Pays basque d’Espagne avec les changements de 1977 et l’entrée de l’Espagne dans l’Union Européenne en 1986 ?

Comment expliquer que le golfe de Gascogne dans ses composantes biologique, économique et territoriale, soit devenu à partir des années quatre-vingts, un espace de

conflits et d’affrontements entre “métiers″ différents, entre flottilles basées de part et

d’autre de la frontière. Alors que la réglementation concernant les lieux de pêche se renforce, parallèlement les aspects douaniers et fiscaux de la frontière disparaissent. Comment se traduit l’instauration du Marché Unique depuis 1993 ? Quels changements interviennent dans les espaces de commercialisation pour notre zone d’étude et quelles stratégies nouvelles ont été développées par les acteurs de la filière ?

Dans un marché espagnol, très demandeur, insuffisamment approvisionné par les pêches nationales, comment les criées du Pays basque de France peuvent-elles garder leur autonomie ? De façon plus générale, comment les navires des ports aquitains et leurs armateurs peuvent-ils résister aux besoins de quotas de la pêche hauturière espagnole et à ses achats de bateaux d’occasion en France pour pêcher dans les eaux communautaires ?

II- les outils d’analyse et les thèmes abordés

Il est nécessaire de partir du port en tant que lieu d’observation pour étudier les

caractéristiques de la pêche : de Santurce à Bayonne, une quinzaine de ports de pêche se succèdent sur la côte alors que celui de Capbreton extérieur à cet espace a été parfois inclus dans le domaine d’étude car ses navires réalisent une partie de leurs ventes à la criée de Ciboure. Point de rupture de charge entre l’espace de production et l’arrière- pays terrestre (hinterland), le port est au coeur du système halieutique. Des auteurs (J.Chaussade, 1973) avaient déjà précisé ces notions d’avant-pays maritime et d’arrière-pays maritime.

J.P Corlay dans sa thèse, La pêche au Danemark. Essai de géographie halieutique (1993) et dans des articles publiés préalablement (1979) a défini et étudié des concepts théoriques sur les notions de système halieutique et de géosystème halieutique. J’ai utilisé ces deux dernières notions comme outil d’analyse dans le présent travail.

Le système halieutique est défini comme la combinaison et les interactions des facteurs biologiques (la ressource), techniques (moyens mis en œuvre pour capturer et travailler les produits de la mer), économiques (l’armement, les stratégies d’exploitation, les entreprises de la filière…), sociaux (les rapports entre les personnes impliquées, la dimension culturelle). L’ensemble forme le système halieutique et l’approche de J.P Corlay est volontairement systémique puisque les parties ont des

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interactions entre elles et les facteurs sont combinés entre eux avec pour finalité le prélèvement de la ressource vivante dans la mer.

Il ajoute que ”l’espace halieutique est une forme particulière de l’espace

géographique engendrée par l’activité de pêche”. Ce dernier appelé aussi géosystème par l’auteur est une projection spatiale du système halieutique. Il englobe des éléments divers liés par des relations d’interdépendance. L’espace géographique résulte d’une construction sociale réalisée au cours de l’Histoire (un aspect important pour cette

Les composantes du système halieutique

Figure 2 : Les composantes du système halieutique

Source : JP Corlay La pêche au Danemark p 80

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recherche avec les organisations forgées au fil des siècles par les Confréries ou

Cofradías dans les ports de la côte Cantabrique). Pour Isnard (1978) “l’espace

géographique naît de l’action de l’homme (système social) sur la nature (système

écologique), de la projection du système socio culturel sur le système écologique, d’une

projection active qui le construit, conformément aux exigences du but à atteindre” . En

d’autres termes l’espace géographique se traduit par une structure spatiale ; il se construit à l’échelle du temps par une juxtaposition, opposition, de structures spatiales qui reflètent la dynamique des groupes sociaux. Cela produit des paysages et entraîne une différenciation des lieux et des territoires. L’espace halieutique n’existe que par le système halieutique, les deux sont étroitement liés et imbriqués. Nous faisons nôtre l’hypothèse formulée par J.P Corlay (1993) ″si la contrainte naturelle est à prendre en

compte, le sociosystème prime l’écosystème, donc le géosystème est avant tout un

produit social. Cela s’accentue avec l’évolution du droit de la mer, c’est à dire avec une

nationalisation d’une ressource autrefois libre d’accès ″.

Figure 3 : Représentations du système halieutique

Source : JP Corlay La pêche au Danemark p 82

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Parmi les éléments regroupés dans les deux figures, nous préciserons quelques

composantes de l’espace de production (territoires de pêche, pêcheries) tout en tenant compte du nouveau droit de la mer pour accéder à certains d’entre eux en insistant dans la Troisième partie sur les conséquences et les implications de cette nouvelle réglementation. Le port de pêche (ou pôle structurant) forme l’essentiel du géosystème, il se situe au centre du dispositif économique, social et spatial. Sa puissance détermine et exprime l’ampleur et l’organisation du géosystème ainsi que le niveau des fonctions qu’il abrite. Nous verrons dans ce même chapitre que le site portuaire se calque souvent grâce aux conditions morphologiques sur une position d’abri mais que d’autres facteurs priment aujourd’hui, la situation et la dynamique commerciale en particulier. Le pôle structurant forme un système socio-économique formé de quatre groupes d’éléments organisés en sous-groupes dont la combinaison a pour finalité de préparer et organiser la pêche et de traiter les produits débarqués. Le sous-système technique a pour fonction de maintenir en activité les moyens de production (navires, engins de pêche, apparaux de détection et de navigation) mais aussi de concourir à la fabrication (constructions navales) et à l’entretien des navires (réparations, maintenance). Le sous-système économique gère les moyens de production (entreprises d’armement), de commercialisation (mareyage), et de transformation (traitement, élaboration des produits). Le sous-système institutionnel regroupe les services de gestion du port, les services qui sont chargés de faire respecter la réglementation et d’administrer les hommes. Le sous-système social est constitué des acteurs impliqués dans la filière et en premier lieu les marins pêcheurs et leurs organisations. Ceci va être étudié au travers du prisme suivant : de part et d’autre de la frontière quelles sont les ressemblances et les spécificités parmi les éléments constitutifs de ces sous-systèmes ?

Le pôle portuaire comporte des structures socio-spatiales plus ou moins

développées qui est principalement formé par deux ensembles : l’espace fonctionnel et l’espace social. L’espace fonctionnel regroupe les équipements (quais, bassins, halle à marée, engins de manutention, etc.), des éléments du maillon aval de la filière (chais d’armement, mareyage, expédition) et du secteur amont (entreprises de réparation et de maintenance des navires). Les conditions historiques et socio-économiques déterminent l’organisation, la complexité de cet espace. L’espace social, quant à lui, tend vers une dissociation : certains lieux près du port conservent leur permanence (lieux de la convivialité masculine, en particulier les cafés et les locaux de la Cofradía5 en Espagne), alors que la fonction résidentielle délaisse les traditionnels quartiers de pêcheurs pour habiter d’autres lieux dans la ville ou en périphérie, signe le plus souvent d’un meilleur niveau de vie ou d’une ascension sociale.

5 Cofradía ou confrérie, organisme de gestion de la criée artisanale des ports de pêche d’Espagne.

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Le pôle portuaire est donc à l’origine de zones d’influence tournées tant vers la mer que vers la terre. Il construit et structure le géosystème et ce dernier s’inscrit dans le temps (voir Deuxième partie) et subit des mutations qui ont, entre autres, des conséquences spatiales. Les trente dernières années ont rarement donné un système en équilibre.

En dehors de ces outils de réflexion et d’analyse nous aborderons les notions de territoires et de frontières ainsi que les implications de celles-ci pour notre sujet.

La frontière est une notion fondamentalement politique dont une des caractéristiques majeures (Kleinschmager R.,1998) est de servir de limite à la

souveraineté d’un Etat ; il précise que c’est “la limite géographique précise de

l’application du droit souverain et de l’activité des administrations chargées de mettre

en œuvre le droit“. Cette définition reprenait celle d’Y. Lacoste pour qui ”[la frontière]

c’est la ligne de séparation et de contact entre un et plusieurs Etats”. Cependant l’auteur qui fait aussi autorité en la matière (Foucher M., 1991) précise que les frontières sont ”des structures spatiales élémentaires, de forme linéaire, à fonction de

discontinuité géopolitique et de marquage, de repère, sur les trois registres du réel, du

symbolique et de l’imaginaire.”

Quelles sont les fonctions de cette frontière ? Elles ont été étudiées dans une Géographie des frontières (Guichonnet P.,

Raffestin C., 1974) dans laquelle les auteurs lui attribuent trois composantes principales : la fonction légale, la fonction fiscale et la fonction contrôle.

La première “signifie qu’en deçà d’une ligne politique démarquée, voire

seulement délimitée, prévaut un ensemble d’institutions juridiques et de normes qui

règlent l’existence et les activités d’une société politique”. La seconde a pour objectif de

“défendre le marché national en prélevant sur les produits étrangers” (mais elle

concerne aussi les ressortissants nationaux qui paient des taxes et des impôts). La troisième, celle de contrôle ”a pour dessein de surveiller les hommes et les biens qui

franchissent la frontière”. A ces fonctions dominantes, les auteurs en ajoutent deux, les fonctions militaire et idéologique ; la fonction militaire est tombée en désuétude avec la construction européenne, ils rappellent que la seconde s’inscrit dans le temps et dans l’espace.

Ce modèle établi il y a une trentaine d’années peut être complété par un autre dont l’auteur (Gonon E., 2001) retient - la fonction classique de la frontière dans les relations interétatiques, à la fois politique et stratégique - la fonction idéologique, liée aux discontinuités politiques observables de part et d’autre de la limite

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- la fonction oppressive ou perçue comme telle par les acteurs non étatiques en position transfrontalière ou pas, différenciés par des critères ethniques, linguistiques ou religieux.

Il reste que la frontière peut perdre des fonctions ; une frontière peut être

“défonctionnalisée″ (exemple : l’abandon du contrôle systématique des personnes au

franchissement d’une frontière entre deux pays de l’Union Européenne membres de l’espace Schengen). Une autre disparition consiste en un abandon de la perception de droits de douane entre Etats membres de l’UE, ici entre la France et l’Espagne, largement anticipés par les mouvements transfrontaliers des consommateurs franchissant la frontière pour se procurer des biens.

La frontière ne revêt pas que des fonctions et peut avoir d’autres aspects. On peut par exemple croiser le concept de frontière avec la notion de temps, c’est à dire étudier la persistance de certains effets dans le temps ou l’intensité avec laquelle certaines fonctions peuvent avoir marqué de leur empreinte le territoire, l’histoire ou les perceptions que les populations en ont. A travers le temps, l’idée de frontière a évolué, ses fonctions ont été en partie modifiées ou supprimées et sa représentation dans les mentalités s’est transformée.

Les géographes ont repris l’étude du rôle et de l’impact des frontières sur l’espace et les hommes qui les habitent depuis trois décennies. Ce renouvellement de la pensée géographique s’est accentué au cours de la précédente décennie dans des ouvrages (Foucher M., 1991 ; Renard J.P., 1997) mais dans la seconde édition de son livre,

Michel Foucher avertit les lecteurs que “alors qu’on se préoccupe de délimiter des

frontières maritimes, il ne sera question ici que de frontières terrestres”. Des revues ont

repris ces notions (en particulier Hommes et terres du Nord) pour accorder une place aux frontières maritimes (Le Bail J. , 1994, 1997 ; Lacoste Y. , 1999).

La création de ces nouvelles frontières maritimes ”se manifeste dans un contexte

de crise de la ressource ; les grandes puissances halieutiques ne peuvent pas se

contenter des ressources de leur Z.E.E”[…] ”ces nouvelles frontières ne vont-elles pas

accentuer l’internationalisation des nouvelles filières halieutiques et la mondialisation

des marchés ?” (Le Bail, 1997) Si la frontière terrestre franco-espagnole a été fixée il y a 350 années environ, il

n’en va pas de même pour les frontières (ou limites des eaux territoriales) dans le domaine maritime. Ainsi la limite de la mer territoriale de la France a été modifiée en 1971 et la gestion communautaire des ZEE transférée à la Communauté Européenne.

Tous les pêcheurs du Pays basque d’Espagne n’ont pas accepté l’un des termes du paradoxe suivant : alors que la frontière terrestre perdait de ses fonctions (contrôle des personnes, disparition des droits de douane avec l’entrée de l’Espagne dans la CEE en 1986 et son intégration dans la PCP), ils n’ont pas compris que les frontières maritimes

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se “rigidifient″ (quotas, droits et licences de pêche à l’intérieur des carrés CIEM) alors

qu’ils pensaient détenir des droits de pêche . Ils voyaient là un système principalement tourné contre eux. Leur légitimité à pêcher dans une partie du golfe de Gascogne était établie puisque on a introduit la notion de droits historiques pour donner des autorisations de pêche dans la bande des 6-12 milles de l’Etat voisin.

Ce concept et les fonctions de la frontière (terrestre et maritime) constituent un élément pivot de mon travail de recherche.

Dans celui-ci, il sera question aussi de territoires puisque la présence d’une frontière suppose des notions de géopolitique, c’est à dire des relations de pouvoir sur

les territoires. Ils sont définis comme des “espaces construits socialement et

symboliquement, traversés par des relations de pouvoir et vécus par des populations″ (Boure, 1996). Dans son article fondateur (Bonnemaison J., 1981)6 l’auteur définit la géographie culturelle :

”la culture tend à être comprise comme un autre versant du réel, un système de

représentation symbolique existant en soi […] comme une vision du monde qui a sa cohérence et ses propres effets sur la relation des sociétés à l’espace […] elle est […] riche de signification car elle se tient comme un type de réponse au plan idéologique et spirituel au problème d’exister collectivement dans un certain environnement naturel, dans un espace et dans une conjoncture historique et économique remise en cause à chaque génération. De ce fait, le culturel apparaît comme la face cachée de la réalité : il est à la fois héritage et projet, et dans les deux cas confrontation à une réalité historique qui parfois l’occulte, en particulier lorsque les problèmes de survie priment sur tous les autres ou au contraire le révèle […] ”L’idée de culture, traduite en termes d’espace, ne peut être séparée de celle de territoire. C’est en effet par l’existence d’une culture que se crée un territoire et c’est par le territoire que se conforte et s’exprime la relation symbolique existant entre la culture et l’espace. On peut dès lors appeler approche culturelle, ou analyse géoculturelle, tout se qui consiste à faire resurgir les relations qui existent au niveau spatial entre l’ethnie et sa culture.”

”L’approche culturelle conduit par conséquent à poser en premier lieu un espace culturel qui se détermine autant par sa dimension territoriale que par sa dimension historique. Territoire et culture ne peuvent être saisis qu’à l’intérieur d’une durée et en tant que réalité mobile et conjoncturelle… […] Le sens ultime de l’approche culturelle en géographie est sans doute bien là : retrouver la richesse et la profondeur de la relation qui unit l’homme aux lieux. Cette relation varie selon les civilisations et les époques , elle peut être réelle comme elle peut être seulement rêvée.”

L’auteur conclut que l’espace étudié par les géographes est ”une construction à

trois étages. Le premier niveau peut être qualifié d’espace structural ou objectif, le

6 Bonnemaison J., 1981 Voyage autour du territoire in l’Espace géographique.

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second d’espace vécu, le troisième enfin d’espace culturel. Ces trois niveaux relèvent

d’une seule et même réalité, mais ils impliquent des types de regards, des démarches et

des méthodes de recherche différents”. Le premier niveau peut être qualifié d’espace objectif avec l’étude des pôles, axes, flux, créant une structure géographique avec ses paysages. Le second, l’espace vécu, est formé de la somme des lieux et trajets usuels à un groupe. Cet espace quotidien et subjectif est lié à un statut et à un comportement social. Le troisième, l’espace culturel, est constitué d’un faisceau de valeurs noué dans l’espace territoire ; territoires, lieux et paysages ne peuvent se comprendre qu’en référence à l’espace culturel perçu comme une trame de territoires vivants, chargés de culture, de symboles et d’affectivité.

Dans un ouvrage plus récent (Bonnemaison J., Cambrèzy L., Quinty-Bourgeois L., 1997), ces auteurs et d’autres analysent les relations entre territoire et identité : le territoire comme espace d’appartenance des sociétés humaines qui ont tissé avec lui des liens vitaux, symboliques et affectifs. La construction du paysage traduit à la fois l’enracinement identitaire et l’inscription territoriale.

Le territoire comme espace d’identité et d’appartenance sera le fil conducteur de la deuxième partie et pour cela cette dernière inclura l’étude du rôle des hommes et des organisations qu’ils ont construites, les moyens mis en œuvre pour vivre de la ressource halieutique grâce aux flottilles et à la transformation de la production, le tout étant producteur d’une géographie culturelle.

III- La méthodologie

1- Sources et références

Ce travail de recherche, comme celui des autres chercheurs, s’inscrit dans une continuité scientifique et, en tant que tel, tire profit des travaux antérieurs (méthodologie, études thématiques et régionales) et s’efforce de donner une dimension nouvelle au sujet étudié par l’angle de vision et son intitulé transfrontalier. Il puise sa documentation, sa réflexion dans un ensemble de travaux et de matériaux divers.

- Les matériaux bibliographiques

En géographie halieutique, il existe des ouvrages de référence J. Chaussade (1973) est parmi ceux qui ont emprunté la voie ouverte par quelques pionniers ; des recherches dans les années 1980-1990 ont été concrétisées par quelques thèses majeures dont celle de J. Carré (Pêches maritimes et pêcheries de l’Ecosse, 1988), et celle de J-P. Corlay (La pêche au Danemark. Essai de géographie halieutique, 1993) qui intègre les différentes approches du géographe en définissant les notions de géosystème halieutique et de système halieutique. Le travail que j’ai réalisé étudie principalement un seul volet

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de ce tryptique (le port et la première vente des productions) car l’espace de production a déjà été étudié récemment dans une approche régionale (Couliou J-R., 1997) et pour l’ensemble des ports du littoral atlantique (Ollitraut A., 2003). Pour une large partie les lieux de pêche et les espèces recherchées ne diffèrent pas de ceux des autres ports, bretons, vendéens ou aquitains.

En dehors de la production proprement géographique (ouvrages, revues comme Norois par exemple) de nombreuses publications émanant d’organismes scientifiques ont été utilisées (IFREMER, IEO et AZTI)7 ; elles concernent les pêcheries, la biologie des espèces, les engins de pêche, les comportements des flottilles et, chaque année, une étude conjointe IFREMER/AZTI sur l’abondance de l’anchois dans le Golfe aux conclusions particulièrement attendues par les flottilles locales et les pêcheurs (cf. les quotas). Des liens étroits ont été tissés depuis plus d’une décennie avec les chercheurs du laboratoire IFREMER local (implanté à St Pée sur Nivelle avec l’INRA et depuis quelques années installé sur la côte basque à Bidart) facilitant l’accès à certaines données. Il en va de même avec l’IMA8 qui réalise des études sur la biologie des espèces et de plus en plus sur les aspects économiques des flottilles.

Il n’existe pas, côté français, des thèses d’histoire ou des ouvrages spécifiques sur les pêches maritimes basques aux XIXe et XXe siècles9. Ces pêches figurent toutefois dans des ouvrages généraux sur l’histoire des pêches françaises (Morandière Ch. 1962-1966 ; Mollat M., 1987 ; Cabantous A., 1993 , 2005). Pour l’étude historique des pêches maritimes du Pays basque d’Espagne j’ai mis à profit la publication de thèses en espagnol (Maíz Alcorta J.A., 1993 ; Torné Hierro M.A., 1997 ; Lopez Losa E., 2000 ; Del Valle I., 1996) sur les pêches basques et l’activité de transformation aux XIXe et XXe siècles.

Ceci a été complété par des publications dont l’origine est institutionnelle (provinces de Biscaye et du Guipúzcoa et surtout issu du Gouvernement basque de la Communauté Autonome). Des travaux techniques sur les pêches (collection Itsaso), des travaux historiques, des thèses ont été publiés grâce au département édition/publication très puissant du Gouvernement Autonome.

- Les matériaux statistiques

Les sources concernant les débarquements en criée sont accessibles côté français

et espagnol. Tout au moins dans ce dernier cas pour la pêche artisanale et les statistiques du port hauturier de Pasajes. A ce propos il est indispensable de préciser les différences

7 IFREMER :Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer IEO : Instituto español de Oceanografía AZTI : Institut pour la recherche halieutique et alimentaire du Pays basque d’Espagne 8 IMA : Institut des Milieux Aquatiques établi dans les locaux de la CCI de Bayonne. 9 Elles existent pour le XVIIIe siècle avec en particulier celles de L. Turgeon (1982) et D. Robin (1997).

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d’organisation de la pêche de part et d’autre de la frontière ce qui permet d’entrevoir les facilités ou les difficultés pour collecter l’information.

D’un côté la concentration de l’information : criée/ OP à Ciboure/ Saint-Jean-de-Luz, mais l’OP regroupe des navires qui n’ont pas le port luzien comme port d’attache, (il s’agit des navires franco-espagnols) et de l’autre une dispersion et un cloisonnement de l’information entre les criées artisanales regroupées en une OP provinciale, la criée hauturière (ou industrielle) qui dépend du port donc de l’Etat et celle, privée, d’Ondarroa dans laquelle seuls pénètrent les armateurs et les mareyeurs pour organiser la vente. Les OP peuvent être liées à un port (Ondárroa) ou nationale (morutiers), les navires d’un même segment de flottille peuvent se répartir dans deux associations dans un même port (thoniers-congélateurs de Bermeo) ou dans des régions halieutiques différentes.

A cause de ce système complexe et fractionné il n’est pas possible d’étudier la pêche hauturière du port biscayen d’Ondárroa : il y a quinze ans pour une question de licences de pêche insuffisantes (donc trop de navires pour les droits de pêche possédés), aujourd’hui certainement en relation avec des quotas nationaux insuffisants (le merlu par exemple) pour les pêches dans les eaux communautaires de l’Atlantique du NE (donc des chiffres de captures et de débarquements sans doute supérieurs aux quotas alloués) ; à cause de tout cela il n’y a pas de données de captures (espèces, poids, valeurs) accessibles au public, l’OP des armateurs hauturiers refuse de les communiquer

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tout comme le département pêche du Gouvernement basque qui conserve un silence remarqué sur ce point précis alors qu’il détient les données. Détenir de l’information, des données chiffrées dans le cas présent, est un des moyens utilisés par le pouvoir politique pour exercer sa stratégie dans ce domaine.

Des approches indirectes (j’en parlerai plus loin) permettent toutefois de se faire une idée d’ensemble de l’activité de ce port. Parmi les moyens utilisés figurent l’utilisation du travail des enquêteurs d’IFREMER et les données du CRTS de La Rochelle (données 2002-2003) ainsi que la possibilité de croiser ces dernières avec celles du centre de gestion PRONAVAL (14 navires dits franco-espagnols en 2006)10. La connaissance de l’activité et des résultats financiers de un quart des navires hauturiers d’Ondárroa permet de préciser la structure des débarquements par espèces.

Dans l’ensemble de ce travail de recherche, les données statistiques intègrent des chiffres des années 1980, époque charnière qui prélude à l’entrée de l’Espagne dans la CEE, des données 1999-2000 qui correspondent aux dates retenues dans le rapport européen PECOSUDE (étude des pêches côtières atlantiques, des Pays de Loire au Portugal, remise en 2002 aux autorités Communautaires) et enfin les débarquements les plus récents tels qu’ils ressortent des statistiques 2002 à 2005 pour expliciter certaines évolutions actuelles.

- Les références terminologiques

Les techniques et engins de pêche sont caractérisés grâce au livre de J. Nedelec et

un ouvrage collectif des professeurs de l’école de Pêche de Pasajes (dir, J. Legarra, 1984) d’où parfois le nom français, espagnol ou basque. De la même façon, pour la biologie des espèces, l’ouvrage de référence est celui de J.C. Quéro : Les poissons de

mer des pêches françaises. Les noms des espèces proviennent du dictionnaire multilingue des poissons et produits de la mer (OCDE- 1978).

- les autres sources

D’autres matériaux ont été utilisés

• pour l’analyse économique et sociale : les documents des criées, de l’Institut Social de la Marine (Espagne), des publications du service du Ministère espagnol de l’agriculture, de la pêche et de l’alimentation (MAPA), des enquêtes et des entretiens avec des responsables des cofradías, (en particulier celle de Pasajes de San Pedro), des mareyeurs.

10 Cette société de gestion est basée à Hendaye et inscrite à l’OP FROM Sud Ouest. Elle gère les quotas, les plans de pêche, les débarquements et la comptabilité de douze sociétés. A l’exception d’un navire fileyeur qui pêche dans le golfe, les autres « travaillent » à l’ouest des îles Britanniques, et de l’Irlande en particulier, comme le reste de la flottille d’Ondarroa.

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• pour les pratiques techniques et les espèces : le musée de la mer de Biarritz (CERS), les musées maritimes de San Sebastián et de Bermeo, et les Cofradías pour les aspects sociaux des communautés de pêcheurs.

• les revues de la presse professionnelle : le Marin, Industrías Pesqueras Europa Azul , l’information de la presse locale (Sud Ouest, Deia….)

• pour les aspects historiques (pêcheries, cofradías, engins de pêche, communautés de pêcheurs), des revues existent, une des plus importantes (Revista de Estudios Marítimos del País Vasco 11) est publiée par le Musée maritime et naval de San Sebastián. Il en existe aussi à Bermeo. A Bayonne le bulletin de la Société des Lettres, Sciences et arts est plus généraliste, les articles sur le monde de la pêche y sont très minoritaires.

• Des revues éditées par des groupes de pêcheurs comme Altxa Mutillak ( Debout les gars ) (Ciboure/ Saint-Jean-de-Luz), cette revue se penche sur l’histoire et l’activité du port à différents moments du XXe siècle.

2- Un champ de recherche multidisciplinaire

Les travaux et les publications concernant les pêches maritimes se multiplient au

cours des années et nombreuses sont les disciplines qui les étudient. La pêche maritime se définissant comme l’exploitation par l’homme des ressources vivantes de l’océan, la recherche halieutique touche aussi bien aux sciences de la vie qu’aux sciences de l’homme et de la société.

Pour évoquer l’apport des sciences de la vie, on ne peut que signaler l’importance en France d’IFREMER qui étudie les ressources vivantes exploitées et exploitables, pratique des recherches sur l’utilisation de tel engin de pêche ou précise les résultats bioéconomiques des pêches. Parmi les sciences de l’Homme, les sciences historiques n’ont pas attendu le XXe siècle pour s’intéresser à la pêche maritime alors que les économistes n’y sont venus que dans les années 1970-1980.

Les départements d’Histoire et d’Economie des universités du Nord de la péninsule ibérique sont des lieux importants où sont réalisées les études récentes sur la pêche des ports de la Côte Cantabrique. La contribution des économistes est d’autant plus grande qu’ils sont sollicités pour des études de marchés, pour préciser les flux ou concevoir des modèles de gestion des pêcheries et mesurer la rentabilité des différents segments de la flottille (Universités publique et privée de Bilbao, Pamplona, mais aussi de Galice).

11 Ou Itsas Memoria : cette revue paraît à un rythme irrégulier et publie des recueils d’articles sur un thème halieutique donné dans chacun de ses numéros.

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Dans mon travail, j’aurais recours au droit maritime12 qui « constitue le tronc

commun de toutes les branches juridiques relatives à l’espace marin ; il se consacre au

droit privé de la mer, c’est à dire aux règles qui régissent les rapports entre les

armateurs, les transporteurs, les assureurs maritimes et toutes les professions du

transport maritime »13 ; et au droit de la mer qui, en tant que droit international public, règle les rapports entre les Etats concernant l’utilisation de la mer et l’exercice de leur pouvoir sur les espaces maritimes : «le droit de la mer définit les droits concernant la

souveraineté des Etats sur une partie de l’étendue maritime, la pêche exclusive ou

libre, l’exploitation des ressources minérales, la liberté de faire naviguer les navires

battant pavillon et leur juridiction sur ces bâtiments ». Les dernières décennies ( après 1976 pour l’essentiel) ont été marquées par le passage du droit ancien fondé sur la liberté des mers à un droit limitant de façon considérable l’accès à l’espace maritime (70% des captures halieutiques de l’Espagne se déroulent hors de ses eaux nationales). Cette modification des frontières maritimes, reflet d’une redéfinition des rapports de force internationaux pour l’appropriation des ressources océaniques, a eu des impacts sur les pêches artisanales et hauturières, cette évolution du droit de la mer revêt beaucoup d’importance dans notre recherche.

Les analyses sociologiques s’intéressent, entre autres, au cadre institutionnel. Si en France, il faut se référer à la politique menée par Colbert, en Espagne le cadre est plus ancien et les Cofradías (les confréries) ont façonné les structures sociales de la pêche artisanale et pendant des siècles ont entretenu une tradition corporatiste.

Enfin, l’anthropologie sociale et culturelle, bien que d’apparition tardive, se révèle une approche très intéressante pour notre sujet. L’émergence de l’anthropologie maritime comme « sous-champ disciplinaire » (Breton, 1981 Anthropologie et sociétés et A. Geistdoerfer).

Au cours de ces années, " les auteurs élaborent une problématique qui peut

s’articuler autour de quatre axes majeurs :1 – les modes d’appropriation individuelle

et collective de l’espace marin et de ses ressources vivantes en rapport avec

l’organisation économique et socio-culturelle ; 2 – les techniques de pêche et de

navigation en prenant comme objet les processus de travail, leur évolution et leur

reproduction au sein du groupe ; 3 – les interactions entre rapports sociaux et

processus de production ; 4 – les systèmes de représentation mentale des rapports des

hommes entre eux, des hommes à la mer, à la terre grâce à des investigations dans le

champ imaginaire et symbolique . " (J-P Corlay, 1993 ; p.66)

Les thèmes de l’anthropologie maritime se focalisent sur les techniques, les

savoir-faire, les pratiques professionnelles qui fondent le “métier” et par là-même, le

genre de vie (Ansola Fernández A., 1996) (cf. la pêche artisanale des ports de la

12 A cause des modifications intervenues dans le droit international des mers dans les années 1970-1980, une des clés de notre travail puisqu’il y a eu modification des frontières maritimes. 13 Langavant, 1979

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corniche cantabrique). Parmi les autres thèmes, l’anthropologie linguistique (ou ethnolinguistique) étudie des langages comme systèmes de représentation des éléments générateurs de comportements identitaires (cf. les pêcheurs des métiers traditionnels de part et d’autre de la frontière). Enfin, parmi les thèmes majeurs, on distingue les perceptions et les représentations de la mer, de l’espace de vie et de travail ; l’ensemble conditionne souvent les comportements et les attitudes face aux innovations (cf. au XIXe les résistances des Cofradías face à l’introduction du chalutage à vapeur en Espagne). Certains de ces thèmes feront l’objet d’un développement dans la deuxième partie.

Enfin, à de rares exceptions près, les géographes français n’ont montré leur intérêt pour l’étude des pêches maritimes qu’après 1960 ; depuis cette date des publications et des ouvrages nombreux leur ont été consacré.

A l’exception de la Galice et de Santander pour la côte Nord de l’Espagne, il y a eu peu de publications géographiques espagnoles sur les ports et les flottilles de la côte cantabrique, comme si ce domaine avait été abandonné par les géographes à d’autres sciences de l’Homme et de la société. Ainsi, les géographes du Pays basque d’Espagne, bien plus tournés vers la terre, la ruralité et la ville, délaissent les activités halieutiques devenues uniquement l’affaire des historiens, des économistes et des sociétés savantes14.

L’étude de l’activité halieutique par les géographes, au cours des quarante dernières années, a pu privilégier une approche sociologique (tout au moins socio-spatiale), naturaliste (centrée sur la ressource) ou davantage orientée vers l’économie (captures, lieux de production et de consommation) ou le plus souvent les combiner toutes. J’essaierai dans la présentation de ce travail de me rattacher à cette dernière approche.

Au total les sources de référence peuvent paraître déséquilibrées dans leur origine

au profit des ressources bibliographiques espagnoles. A cela deux raisons principales :

- les ports, l’activité, les “marques″ sur le territoire (et la mémoire ?) sont plus

nombreux en Pays basque d’Espagne et, côté français, il y a seulement deux ports de pêche - les pêches françaises effectuées à partir des ports du littoral atlantique ont été étudiées à plusieurs reprises, sous différents angles, il m’a semblé que les pêches espagnoles moins bien connues avec ses aspects parfois spécifiques devaient être privilégiées.

Dès lors une autre question s’est imposée : jusqu’où, spatialement parlant, mener l’étude ? Il était hors de question d’inclure la Galice, un monde halieutique en soi,

14 Eusko Ikaskuntza publie la revue Cuadernos de antropología-etnografía à San Sebastián (Donosti) et organise annuellement colloques et journées d’études.

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étudié par des économistes (González Laxe A.,) et des géographes (Lois González R., Pérez Sánchez J., Piñeiro A., Santos X.)15 .

La méthode générale adoptée découle de la problématique. Elle repose sur une approche inductive constituée d’entretiens, d’enquêtes, de monographies. De nombreuses lacunes subsistent; par exemple seules deux Cofradías (Pasajes, Ondárroa) et la criée de Saint-Jean-de-Luz ont été approchées de près (de même que l’OP et la criée d’ Hendaye avant leur disparition en 2000).

Le choix de la zone d’analyse permet de poser certaines questions générales concernant la plupart des pêches de la côte Nord de l’Espagne, de comparer des attitudes, de souligner les adaptations et les confrontations, et l’élargissement du domaine régional étudié (ajouter la Cantabrie, les Asturies d’un côté, Arcachon de l’autre) n’aurait pas modifié, de façon fondamentale, le questionnement du sujet.

En définitive c’est une recherche de géographie dont le thème central est l’étude du territoire à partir duquel s’organise l’activité halieutique, ce territoire ayant la particularité d’être traversé par une frontière terrestre internationale de tracé ancien et par une frontière maritime très récente.

Le choix des axes de la recherche et de la méthode justifie l’organisation du plan

de cette thèse. La première partie présente dans un chapitre initial, le cadre de la recherche et la

problématique de celle-ci. Elle procède à un état des lieux de l’ensemble du domaine étudié en évoquant le littoral où se situent les ports et le golfe de Gascogne où sont prélevées les principales espèces de poissons recherchées. Comment se présentent les ports à l’heure actuelle ? Quelles sont les différentes composantes des flottilles de part et d’autre de la frontière et quels engins de pêche utilisent-elles pour capturer les poissons ? Quelle est l’importance de cette activité par rapport aux premières régions halieutiques, la Bretagne pour la France et la Galice pour l’Espagne ?

Sur ce littoral qui englobe deux fragments côtiers nationaux (Espagne/ France) dissymétriques, l’activité halieutique, plus ou moins visible dans les ports reflète principalement la présence de la pêche artisanale. La pêche industrielle, la grande pêche

de Pasajes (les morutiers) et de Bermeo (les thoniers senneurs congélateurs) ne se “voit”

pas dans le port car les bateaux ne viennent que très rarement au port de base et ne s’inscrit pas dans le paysage car il n’y a plus de valorisation sur place de la pêche débarquée (sécheries de morue à Pasajes). Les navires de la pêche hauturière de Pasajes et d’Ondárroa réalisent des campagnes de deux mois à l’ouest des Iles Britanniques et débarquent toutes les semaines dans des bases avancées pour une expédition des

15 Santos X. a rédigé un article dans lequel il fait le point sur l’étude du secteur halieutique par les géographes en Espagne. (in Los espacios litorales y emergentes, lectura geográfica acte du XVe congrès des géographes espagnols, Université de St Jacques de Compostelle 2001) .

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captures par camion. Ils reviennent par rotation au port, uniquement pour l’entretien et les arrêts techniques.

La commercialisation des produits de la pêche est abordée d’un double point de vue : la première vente en criée (avec ses acteurs et ses lieux) et les marchés de gros d’une part et les interactions entre criées du Pays basque d’Espagne et de la côte basque française d’autre part. La création de l’Espace Economique Européen a quelque peu modifié la donne et les conditions de la concurrence. Cet état des lieux conduit à une géographie régionale qui compare les systèmes halieutiques développés par des acteurs de part et d’autre d’une frontière internationale.

La deuxième partie s’attache à présenter l’identité maritime de ces territoires. A partir d’une longue tradition de pêche au large, pêche de la baleine et de la morue dans les eaux froides de l’Atlantique Nord jusqu’au XVIIIe siècle comment s’est faite la mise en place d’une pêche artisanale solide, guidée et organisée par des Confréries dans le golfe de Gascogne aux XIXe et XXe ? Cette activité halieutique, présente dans les moindres ports, a marqué les paysages (lieux spécialisés dans le port pour les débarquements, ateliers de transformation et conserveries, chantiers navals) et constitué de véritables territoires. Pourquoi, à quelques dizaines de kilomètres de là, les ports de la côte basque française n’ont-ils connu une organisation coopérative, un lieu de solidarité entre pêcheurs, qu’après 1945 ? Est-ce que la filière halieutique en a été modifiée ? Nous étudierons aussi quelques facteurs à l’origine de la croissance des flottes artisanales et de leurs captures au cours du XXe siècle (jusqu’aux années 1970-1980) et en particulier le rôle joué par l’industrie de transformation dans le maintien de la pêche artisanale des espèces pélagiques. La transformation, en particulier la salaison et la conserve, a dynamisé ces pêches au XXe mais depuis 1997 il ne reste plus de conserveries de poissons en Pays basque de France, ce qui explique bien des vicissitudes dans la filière pêche actuellement et des problèmes pour écouler certaines productions saisonnières. Enfin nous verrons comment s’est organisé à partir des années 1920 et a fonctionné le modèle chalutier du Pays basque d’Espagne. Au cours de la période 1927-1970 les pêches basques renouent avec la pêche au grand large pour

“ retrouver ″des horizons plus lointains, pêche de la morue dans les eaux de l’Atlantique

Nord pour les navires de Pasajes et pour innover avec la pêche des thonidés dans l’Atlantique tropical et l’Océan Indien pour les thoniers-senneurs de Bermeo.

Seule la pêche morutière sera étudiée car souvent les armements importants, avec leurs différents navires, pratiquaient la pêche hauturière dans le nord-est atlantique et les pêches morutières au large du Canada et de la Norvège. Dans cette deuxième partie nous avons procédé à une recherche de responsabilités et à l’individualisation des facteurs qui ont créé la situation actuelle et au final c’est à une géographie culturelle de ces territoires que nous souhaiterions aboutir.

La troisième partie étudie quelques facteurs de crise et plus particulièrement les conflits liés aux limites et aux frontières. Elle présente aussi les stratégies des acteurs

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individuels et collectifs (des armateurs dans un cas et les cofradías dans l’autre) pour prendre en compte la nouvelle donne nationale et européenne (droits, licences, quotas). Il s’agit aussi de mesurer le poids relatif des Etats, des régions (plus particulièrement de la Communauté Autonome du Pays basque et de son gouvernement) et plus largement des pêcheurs eux-mêmes au travers de stratégies mises en place par les acteurs de la filière des ports du Pays basque pour que se maintienne une activité halieutique. Les changements rapides survenus ont mis les ports sur la défensive, bénéficient-ils tous des mêmes atouts pour surmonter la crise et la concurrence ravivée n’entraînera-t-elle pas une nouvelle géographie des ports de pêche, une concentration des criées sur quelques rares ports et des navires privilégiant les lieux de commercialisation au détriment des ports de base ?

Comment ces activités halieutiques peuvent-elles se maintenir dans des pays développés, au XXIe siècle, sur des territoires où la concurrence pour l’appropriation de l’espace est vive (immobilier, aménagements touristiques) et la progression de l’emploi dans le secteur tertiaire est forte avec des revenus moins aléatoires que ceux de la pêche artisanale actuelle ?

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Chapitre 2- PRÉSENTATION D’ENSEMBLE DU DOMAINE D’ÉT UDE, COMPOSANTE DU LITTORAL ATLANTIQU E

Que représentent les pêches maritimes au début du XXe siècle ? Quel est le poids économique de l’activité halieutique en 2002 ? En premier lieu, en termes d’emplois et de revenus, la pêche est une

activité minime par rapport aux activités tertiaires de la région. En second lieu, elle présente une dissymétrie de part et d’autre de la frontière. En 2002, le Pays basque d’Espagne totalisait 394 bateaux sur lesquels travaillaient 3822 marins . Les tonnages de pêche fraîche débarquée ont atteint 75 100 tonnes pour une valeur de 139,4 millions d’Euros (à l’exception des débarquements de morue réalisés en Galice et des pêches thonières tropicales des senneurs congélateurs). Côté français, le quartier maritime de Bayonne comptait 202 embarcations, dont les 70 couralins de l’Adour et la quarantaine de navires dits franco-espagnols, pour 845 marins. La criée de Saint-Jean-de-Luz /Ciboure affichait un chiffre d’affaires de 17,5 millions d’Euros pour une mise à terre de 7 800 tonnes de poisson en 2002.

Dans ce chapitre, nous étudierons le cadre physique dans lequel s’inscrit cette pêche, les espèces recherchées et l’activité générée pour l’économie locale.

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I- Les paysages et le cadre physique

1- les paysages portuaires

Lorsqu’on aborde le domaine d’étude par le Nord (c’est à dire le port de Capbreton) en se dirigeant vers la frontière franco-espagnole, les paysages portuaires créés par l’activité halieutique sont très peu visibles. En utilisant la grille de lecture précisée par Jean Chaussade (La pêche et les cultures marines, 1998), les traces sont minces. ” la pêche s’accommode d’installations relativement légères (…) elles peuvent se

réduire à un simple quai (digue, jetée, cale, estacade) à l’intérieur d’un havre naturel

(baie) (…) L’impact de la pêche sur le littoral se résume à un simple abri pour les

embarcations. Dès qu’il y a prise en charge des débarquements, d’autres installations

s’imposent.”

Dans le port de Capbreton, l’œil du visiteur est frappé par les marinas qui bordent le bassin et par les navires de plaisance amarrés aux pontons. Les dix-huit bateaux de pêche occupent une place très modeste dans un coin du port ; le quai est animé par les étals familiaux, surtout le dimanche, et les frigorifiques sont dissimulés sous la capitainerie du port car tout a été mis en œuvre pour que les nuisances olfactives et visuelles demeurent discrètes.

Bayonne a un port d’estuaire dont le trafic commercial actuel est de l’ordre de quatre millions de tonnes. Les couralins, embarcations de quelques mètres pêchant sur l’Adour, sont amarrés à l’amont de la ville et il faut bien se renseigner pour trouver la poignée de navires de pêche maritime qui subsistent. Ils se trouvent mêlés aux navires de plaisance du port d’Anglet, situé près de l’embouchure de l’Adour. C’est là une présence confidentielle, un simple havre et un quai de débarquement pour des navires de petite pêche côtière qui vendent à l’étal, à mi-chemin entre le lieu d’amarrage et le centre ville, le long de la rive gauche de l’Adour, en face de la Chambre de Commerce.

C’est à Saint-Jean-de-Luz/Ciboure que l’on voit un véritable port de pêche ; l’activité halieutique est à la jonction des deux villes, chacune possédant un quai du port dans lequel se trouve l’embouchure de la Nivelle. Là viennent s’amarrer une cinquantaine d’embarcations de pêche artisanale auxquelles s’ajoutent quelques chalutiers. Mais dès que l’on s’éloigne de quelques dizaines ou centaines de mètres, la présence halieutique n’est plus visible, car sur les espaces occupés par les conserveries jusqu’aux années quatre-vingts, des réalisations immobilières ont été implantées. La dernière conserverie a fermé en 1997. En 2006, sur des terrains longtemps en friche situés à cent mètres de la criée, se dressent d’imposants immeubles de logements. A une dizaine de kilomètres, le port d’Hendaye a été bâti en 1976-1977, avec des quais sur la baie de Chingoudy, en rive droite de la ría de la Bidasoa.

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Cette création avait pour but d’accueillir les chalutiers pélagiques expulsés du port de Saint-Jean-de-Luz, aux côtés des quelques embarcations préexistantes. C’était à l’époque les confins de la ville dédoublée d’Hendaye. Depuis, à cette extrême pointe (cf. figure 9), des constructions immobilières, un centre de thalassothérapie ont occupé l’espace disponible et un grand port de plaisance a été bâti. La coopérative gestionnaire n’a pas survécu à la crise de la fin des années quatre-vingt dix (première partie, chapitre 1-IV). Aujourd’hui, la criée a disparu, le bâtiment a été remplacé par les bureaux d’une entreprise qui crée et commercialise des articles de sport. Il ne reste plus que le quai et une cale de hissage pour l’entretien technique des navires de pêche.

Lorsqu’on franchit la frontière, l’aspect visuel ne change pas fondamentalement si ce n’est que les obstacles de relief morcellent et segmentent le tracé côtier et que les ports sont plus nombreux (fig.1). Alors qu’ils sont proches entre eux par la voie maritime, il faut souvent parcourir de nombreux kilomètres de routes sinueuses pour aller de l’un à l’autre par la voie terrestre. On peut classer ces ports suivant l’importance de l’espace occupé par l’activité halieutique. Ce critère visuel est certes empirique mais il permet de faire un premier tri

- des ports où l’activité halieutique est modeste ou a fortement décliné ; le paysage se réduit au minimum : quais, digue de protection, quelques embarcations de pêche. C’est le cas d’Elanchove (photo 1). - des ports d’importance variable où la plaisance et l’activité de loisirs occupent des bassins qui concurrencent l’espace consacré à la pêche (photo 2). Cette dernière bénéficie, à l’occasion, de la présence sur place des organismes de gestion de l’activité, d’une halle à marée, etc. - des ports complets où existent tous les services nécessaires à l’activité halieutique d’une flotte importante : cofradía, halle à marée, fabrique de glace, ateliers de réparation et d’entretien, cale de hissage, chais d’armement et des mareyeurs. Le port d’Ondárroa (photo 3) avec sa flottille artisanale et ses nombreux navires hauturiers illustre bien cet exemple. La topographie des lieux, une rangée d’immeubles et de bâtisses coincée au pied d’une colline aux pentes abruptes au nord ouest de la ville, ne laisse qu’une bande d’une vingtaine de mètres de large jusqu’au bord du quai; une activité fébrile y règne lorsque le poisson est débarqué.

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Photo 1 : Elanchove (Elantxobe)

Au pied de la falaise, le village et le petit port abrité de l’océan par ses digues

Photo du port

N

Source : Puertos del País vasco Gouvernement basque, Vitoria 1991

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Photo 2 : San Sebastián (Donostia)

port de plaisance et de pêche entre colline et vieille ville

Photo du port

N

Source : Puertos del País vasco Gouvernement basque Vitoria 1991

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Photo 3 : Ondárroa,

à l’embouchure de l’Artibai, regroupe pêche artisanale et pêche semi-industrielle, et tous les services d’un port de pêche

Photo du port

N

Source : Puertos del País vasco Gouvernement basque, Vitoria, 1991

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.2- Le golfe de Gascogne ( ou Biscaye)

De part et d’autre de la frontière, le golfe a, dans les atlas et les ouvrages scientifiques et techniques, une double appellation : golfe de Gascogne pour les uns et golfe de Biscaye pour les autres (des cartes historiques portent même la mention Mer des Basques !). Pendant longtemps il a été le cadre unique des pêches basques avant que celles-ci ne se lancent, il y a près de cinq siècles, vers les horizons lointains de l’Atlantique Nord ou beaucoup plus récemment vers les eaux tropicales. Mais pour les populations littorales de pêcheurs cet espace maritime a été un espace nourricier, un espace familier de pêche qui comportait aussi des dangers. Quelles sont ses caractéristiques principales ?

Le golfe de Gascogne se serait formé à partir du début de l'ère secondaire il y a 180 millions d'années consécutivement à "l'ouverture" de l'océan atlantique. A la fin de l'ère secondaire, au début du tertiaire le golfe est formé, un phénomène de subduction se produit au large de la corniche cantabrique. Ceci a déterminé une plate-forme continentale très étroite ne dépassant guère une vingtaine de km au large du Pays basque d'Espagne (mais bien plus en Galice) d'où une dissymétrie fondamentale par rapport aux côtes atlantiques françaises bordées par un très large plateau continental (figure) or, ce sont ces fonds océaniques peu profonds (0-200 m) qui possèdent les plus riches ressources halieutiques du golfe. C'est un des facteurs déterminants des conflits de la pêche entre l'Espagne et la France après l'adoption par cette dernière de la nouvelle réglementation internationale créant la Z.E.E. des 200 milles en 1977.

Le plateau continental du golfe de Gascogne prolonge le plateau Celtique, il atteint au Nord de la Gironde, dans sa majeure partie donc une extension de 60 à 100 milles pour se réduire au large d'Arcachon à 25-30 milles et ne compter que 3 milles au droit de Capbreton16.Les fonds rocheux importants au N. du 46ème parallèle se situent dans le prolongement du massif armoricain (le plus au sud s'appelle le plateau de Rochebonne). L'essentiel du plateau continental a des fonds constitués par des sables dont certains de granulométrie moyenne ou fine se sont envasés d'où leur dénomination de "grande vasière" (par 80m-120m) de la latitude de Penmarc'h au sud de Rochebonne. Les domaines énumérés sont très favorables au chalutage de fond, mais la variété des roches et des fonds océaniques (figures 4 et 5) permet d'autres types de pêche dans le golfe.

16 Ouvrage de M. Dardignac p 9

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Source : DARDIGNAC, QUERO, VAYNE (1989 ) Les poissons du golfe de Gascogne, p.8

Figure 4 : La bathymétrie du golfe de Gascogne

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Isobathe 100 m Isobathe 200 m

Source : Pinot, 1974 ; Biseau et Charuau,1989 Réalisation : Ollitraut A.

0 100 km

Figure 5 : Schéma géomorphologique du golfe de Gascogne, de la mer Celtique et de la Manche Occidentale.

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3- Le littoral

Là se trouvent les ports. Le port est à la fois le point de liaison et de rupture entre deux espaces : " le port est l’expression de la pêche sur les littoraux, au point de

rupture de charge entre un avant-pays maritimeoù s’effectuent la capture et le transport

du poisson et un arrière-pays continental où la marchandise est commercialisée et

consommée” (Carré,1981). "Il se situe au centre du dispositif économique, social et

spatial ” (Corlay, 1993). Comment le littoral est-il défini dans la littérature géographique ?

Le littoral, Fernand Joly (glossaire de géomorphologie, 1997) le définit comme”[…] la zone de contact entre la terre et la mer. Réduit sur les cartes à une ligne

sinueuse ou «trait de côte», l’espace littoral se subdivise en réalité et à une plus grande

échelle en étages différenciés par leur altitude et par l’importance relative prise dans

chacun d’eux par les agents géodynamiques terrestres ou marins.”

Pour éviter le flou lié à l’expression zones côtières ou régions côtières, Yves Lacoste (1999) propose que la zone littorale vers l’intérieur, stricto sensu, corresponde aux lieux d’où l’on peut voir la mer (à partir des points les plus hauts tout au moins) ; d’ailleurs pour appuyer cette définition empirique, il précise que l’essentiel des acquisitions foncières effectuées par le Conservatoire du littoral se situe à moins d’un kilomètre du rivage.

Dans un ouvrage collectif Les Français, la terre et la mer du XIIIe au XXe [dir. Cabantous A., Lespagnol A., Peron F., 2005], les auteurs précisent les deux niveaux de contact entre la terre et la mer pour définir le littoral

- la côte (ou “trait de côte″) correspond à la ligne théorique de séparation de la terre et

de la mer. L’interface est prise dans son acceptation la plus étroite - le littoral est un espace linéaire composé de trois éléments qui fonctionnent en étroite dépendance :

• L’arrière côte, en partie terrestre, toujours émergée, borde le littoral, lieu où les activités humaines sont diverse et souvent concurrentielles : zone portuaire, station balnéaire, ostréiculture de fond d’estuaire

• Le trait de côte et l’estran, contact direct entre océan et continent.

• L’avant côte, submergée en permanence, est une zone maritime proche, totalement influencée par la proximité de la terre tant du point de vue physique (courants marins littoraux, dépôts de sédiments) que du point de vue humain (sports nautiques, navigation côtière…)

Une distance de 160 km sépare Bayonne de l'Ouest de la Biscaye mais si l'on suit les sinuosités de la côte il faut compter près de 230 km. Située au sud et à l'Est du golfe de Gascogne (ou golfe de Biscaye) cette côte est à 90% rocheuse, élevée et découpée.

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Le piémont pyrénéen se termine par un littoral varié, le plus souvent rocheux,

élevé, entrecoupé de baies et de rias. Trois séries de facteurs expliquent les contrastes : - les reliefs littoraux, eux mêmes conditionnés par l'importance du soulèvement et du plissement pyrénéen, sont constitués de couches sédimentaires plus ou moins plissées et redressées. - la nature des roches plus ou moins résistantes à l'érosion. Les paysages, les plus spectaculaires du littoral basque résultent de l'érosion du flysch formé de matériaux alternativement durs (grès) et tendres (marnes,schistes, argiles) qui donnent ces falaises aux couches redressées et ces éboulements au pied des dalles inclinées. - l'action des eaux marines : les vagues exercent de fortes pressions sur la côte (évaluée à 30-40 t./m2) pouvant déplacer lors des tempêtes des blocs énormes. L'action de la mer entraîne aussi l'arrachage des matériaux projetés à leur tour contre la base des falaises d'où la formation de plate-forme d'abrasion marine dont l'aspect est très spectaculaire à marée basse, à l'avant des falaises schisteuses aux strates à fort pendage.

Des secteurs côtiers plus exposés à cette érosion (cf. la direction des vents dominants et de la houle du NW) comme le cap Higuer ou le cap Matxitxaco protègent des zones abritées d'où la succession de plages, situées ou non à l'intérieur de baies: concha de San Sebastián, baie de St J.de Luz. Très disséqué par l'érosion le littoral a subi les variations du niveau marin lors des glaciations, la transgression flandrienne a donné le tracé actuel avec ses rías plus ou moins échancrées parmi lesquelles on peut retenir: - celle de Bilbao, profondément creusée par le Nervión dans une zone structuralement fragile (qui oriente NW-SE) - la ría de Pasajes (Pasaia), étroite cluse dans les calcaires du Jaizquibel sur le front côtier qui s'élargit ensuite dans une dépression de flysch. - la ría de la Bidassoa (Fuenterrabia-Hondarribia et Hendaye) qui, sur des kilomètres, sert de frontière internationale, a un colmatage important résultant de l'abondance des alluvions déposées par le cours d'eau. (photo 4)

Les rías, les baies, mais aussi les multiples indentations de la côte parfois de faible ampleur constituent autant d'abris naturels qui ont fixé au moins des ports de pêche (Plentzia, Getaria), alors que dans les sites les plus amples de véritables ports aux activités multiples (Bilbao, Pasajes-Renteria) ont été créés. Pénalisés par l'étroitesse du site les ports d'Elantxobe et d'Armintza ne possèdent guère plus de quelques embarcations, tandis que d'autres le sont par les conditions nautiques défavorables, par exemple le phénomène de barre à l'embouchure de l'Oria persiste malgré la construction d'épis, il oblige les bateaux du port d'Orio à débarquer leur pêche dans des ports voisins (photo 5).

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Source : paísajes españoles S.A San Sebastián -1990

Photo 4 : A l’embouchure de la Bidasoa : rive gauche, Fuenterrabia au N-O et, rive droite à l’Est, la plage d’Hendaye et le début du quai du port de pêche sur la baie de Chingoudy .

Source : paísajes españoles S.A San Sebastián 1990

Photo 5 : Prise de l’Est vers l’Ouest, photo de la côte découpée du Guipúzcoa : au premier plan le port d’Orio dans le dernier méandre de l’Oria, pénalisé par un phénomène de barre.

Zarauz

Orio

Guetaria

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Sur la côte basque de France seules la baie de Saint-Jean-de-Luz et la ría de la Bidassoa (Hendaye) offraient un abri naturel conséquent aux bateaux. Les caractères du littoral landais (côte basse, rectiligne, sableuse, bordée de dunes, commencent dès le cap St Martin à Biarritz où se trouve le phare). Dans cette côte dunaire l'homme a percé un chenal artificiel en 1576 pour que l'Adour débouche dans l'océan au droit de Bayonne (après de multiples divagations au cours de l'histoire) faisant de l'estuaire un lieu possible d'implantation de port de pêche.

Cette partie du littoral située au fond du Golfe de Gascogne est la proie d'une vigoureuse attaque par les eaux marines gonflées par une forte houle et les vents d'ouest et nord-ouest.

II- Les ressources halieutiques

Le golfe de Gascogne n’appartient pas aux régions maritimes les plus

poissonneuses de la planète. Fondamentalement c’est par manque de ressources (ou une surpêche) que les pêcheurs basques sont allés chercher fortune ailleurs. Bien que le sud du golfe manque de ressources halieutiques c’est encore le lieu de pêche des embarcations artisanales, à l’exception des navires les plus grands et les plus puissants des ports de Bermeo, Guetaria et Fuenterrabia qui vont traquer le germon entre Finisterre espagnol et sud Irlande, au large des Açores, et le thon rouge en Méditerranée : les autres ne s’aventurent pas hors du golfe. Les chalutiers passent de moins en moins de temps dans le golfe (guère plus de quatre mois pour la plupart) pour y prélever la ressource. Les navires hauturiers du Pays basque d’Espagne sont pénalisés par l’étroitesse de la plateforme continentale au large du littoral Cantabrique et, depuis quelques décennies, leur domaine de pêche préféré se trouve dans la partie nord du golfe et mieux encore dans les eaux de l’Atlantique du Nord Est bien plus poissonneux au large des îles Britanniques.

Quelles sont les principales espèces recherchées par les marins des ports basques ? On possède depuis le XIXe Siècle de nombreuses études ponctuelles ou locales

sur la faune ichtyologique, les crustacés et ce pour tout le littoral atlantique. A partir de 1970 et plus particulièrement des années 1980 les scientifiques des organismes français (ISPTM puis IFREMER), espagnol (Institut d'Etude océanographique I. E. O. ), du Gouvernement basque de Vitoria (AZTI/CIO) par des études séparées ou conjointes ont beaucoup étendu les connaissances sur la biologie et les déplacements des principales espèces. Ces études sont réalisées en laboratoire, à bord de bateaux de pêche ou de navires océanographiques (en particulier la Thalassa) ou à partir d'enquêtes menées dans les ports ou auprès des patrons. D'autre part la nécessité de mieux conseiller le CIEM (Comité international pour l'exploration de la mer) et les autorités de Bruxelles pour telle ou telle espèce a conduit à la réalisation d'études spécifiques (anchois, merlu…).

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Parmi toutes ces études, celles conduites par MM. Dardignac et Quéro (cf. ouvrage cité) font autorité en particulier leurs recherches sur les espèces du Golfe. Du bilan dressé il résulte qu'une plus grande richesse faunistique (en nombre et en poids) existe au NW du Golfe tandis que la pauvreté caractérise le sud et la Grande vasière. Une limite entre les espèces tempérées froides et tempérées chaudes passerait par 47° N environ entre Penmarc'h et l'isobathe 200 m.

On distingue deux grandes familles d'espèces, pour chacune d'elles seules certaines d’entre elles seront évoqués ici, en liaison avec les espèces les recherchées par les flottilles de notre domaine d’étude.

1-Les espèces démersales

Elles sont ainsi dénommées parce qu'elles vivent près du fond. Rares sont celles qui y demeurent en permanence, souvent elles se déplacent verticalement - les espèces spécifiquement benthiques regroupent des crustacés (tourteaux, homards, araignées de mer) dont la capture ne constitue pas une activité importante pour les ports basques - les poissons plats (raies, soles, limandes, plies, cardines…) préfèrent les fonds sableux et vaseux inférieurs à 100 m. Certains restent enfouis durant des heures, guettant leur proie…des adaptations particulières du chalut sont réalisées pour les capturer. - des poissons ronds comme la baudroie ou lotte et le merlu vivent également, mais pas uniquement, au contact des fonds sablo-vaseux.

Le merlu (Merluccius merluccius)

Le merlu est une espèce très recherchée par les pêcheurs du Golfe de part et

d'autre de la frontière car très appréciée des consommateurs, son prix a fortement valorisé sa capture. Appartenant à la famille des gadidés le merlu européen est largement répandu des côtes de la Norvège (et du sud irlandais) à la Mauritanie mais c'est du plateau Celtique à Gibraltar que sa présence est la plus abondante (Dardignac, 1988). D'après les études menées jusqu'à présent il existerait deux stocks séparés (Guichet, 1996) : - le stock nord depuis le nord-ouest des côtes britanniques (divisions CIEM IVa, VI), le plateau celtique, l’ouest de l’Irlande, la mer celtique et la Manche jusqu’au Golfe de Gascogne (hors des eaux ibériques) - le stock sud situé au large des côtes ibériques (divisions CIEM VIIIc et IXa)

Ses déplacements, complexes, restent incomplètement connus. Parmi ceux-ci on a l'habitude de distinguer : les déplacements progressifs en profondeur et en latitude selon les groupes d'âge (les plus de 7 ans d'âge vont du Golfe vers les îles britanniques ), les déplacements saisonniers plus ou moins importants et enfin des mouvements verticaux

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liés à la recherche de nourriture : il vit le jour près du fond et s’en éloigne la nuit. Certaines caractéristiques biologiques facilitent ou rendent plus aléatoire leur capture. La maturité sexuelle n'intervient pas au même âge pour les deux sexes : 6 ème à 7ème année pour les femelles, 3ème à 4 ème pour les mâles . La reproduction peut s'étaler dans le temps mais dans le Golfe l'essentiel de la ponte survient au cours des trois mois d'hiver avec un maximum en février. Plus tardive au N. elle s'effectue vers avril-juillet à l'ouest de l'Irlande, entre mai et août à l'ouest de l'Ecosse.

Au cours du cycle reproductif l'espèce ne présente pas la même vulnérabilité aux engins de capture : lors de la maturation et de la ponte, les géniteurs sont capturés le plus souvent par les filets maillants sur le plateau continental puis à partir du mois d'avril (après la reproduction ) les captures de ces navires baissent fortement, relayées par celles des palangriers. D'autre part alors que le merlu reste à proximité du fond pendant le jour (capturé par le chalut de fond, la ligne et le filet maillant de fond) il gagne les eaux de surface durant la nuit pour s'alimenter suivant les migrations verticales de ses proies, en particulier celles du merlan poutassou (Micromesistius

poutassou) , il est pêché au cours de cette phase nocturne par les chalutiers pélagiques. En définitive on trouve le merlu entre 50 et 300 m de profondeur (plateau continental et talus) : très féconde la femelle, au cours de plusieurs pontes successives vers le talus continental, pond environ un million d'oeufs. Les oeufs, les larves et les alevins ont une vie pélagique de 3 à 4 mois ; ces derniers gagnent ensuite les profondeurs d'une centaine de m. de la Grande vasière ou autres fonds vaseux à partir desquels ils se nourrissent de petits crustacés. A la fin du printemps leur taille varie de 4 à 11 cm, la croissance est lente puisque au bout d'un an la taille atteint une quinzaine de cm (l'individu pèse environ 500g lors de sa 4ème année et un kg au cours de la 6ème). Dès leur première année les jeunes merluchons font l'objet d'une exploitation intense par les pêcheurs des côtes atlantiques.

Lorsqu'ils atteignent 4 à 7 ans d'âge les merlus rejoignent les accores du Golfe où ils se reproduisent. Il semble que les individus de grande taille et au dernier stade de leur vie se déplacent progressivement vers l'ouest des côtes irlandaises. Le stock Nord de merlu a été surexploité jusqu'au milieu des années 1970 (vulnérabilité au cours des trois premières années de vie) il y a eu depuis une baisse de l'effort de pêche des chalutiers liée partiellement à une reconversion de ces derniers en palangriers mais le problème de la surpêche se repose depuis quelques années.

Les pêcheries de merlu se définissent en fonction de la profondeur et de l’engin utilisé. D’après Guichet (1996), dans le golfe de Gascogne le merlu était essentiellement capturé par : - des chalutiers : du large vers la côte il s’agit de chalutiers classiques espagnols et français, des chalutiers pélagiques et les langoustiniers sur la grande vasière.

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- des ligneurs : les palangriers espagnols sur le bord et la pente du talus et sur de nombreux secteurs du plateau continental ; les ligneurs des ports basques travaillent dans le sud du Golfe sur les pentes du « gouf » de Capbreton. - des fileyeurs français armés au filet maillant (au large , sur les accores et le plateau continental, une activité importante des fileyeurs dits « franco-espagnols » s’est développée).

La baudroie ou lotte La baudroie blanche (Lophius piscatorius) est la plus répandue, on la trouve

principalement sur le plateau Celtique jusqu'à des profondeurs de 1000-1500 m. La baudroie rousse (Lophius budegassa) se rencontre de la Mauritanie à l'ouest des îles britanniques par des fonds compris entre 70 et 500 m : la première au bout de 20 ans a une taille de 1,50 m et un poids d'une trentaine de kg, la seconde 0,90m à 1 m de long pour une dizaine de kg. La première reproduction intervient entre 40 et 60cm de taille (pour la baudroie blanche) , soit entre 4 et 6 ans ; la femelle pond plusieurs millions d'oeufs dans de longs rubans muqueux de plusieurs mètres de long, dispersés au gré des vagues ou des courants. Les larves ont une vie planctonique de plusieurs mois, période après laquelle les alevins gagnent le fond vaseux ou rocheux tout en affectionnant les fonds à sable grossier pour une vie benthique. A ce stade ils sont ichtyophages, les proies les plus nombreuses à la famille des gadidés, la baudroie étant un grand prédateur. Au-delà d'une taille de 30-40 cm elle n'a plus guère d'ennemis et sa capturabilité par une autre espèce devient très faible (elle pèse de 500g à 1 kg à cette taille). Selon les données actuellement disponibles la baudroie blanche serait fortement surexploitée dans le golfe de Gascogne alors que la situation serait meilleure pour l'autre espèce.

Les dorades Elles appartiennent à la famille des sparidés. Fréquentes dans le Golfe, elles ont

fait l'objet d'études récentes (Castro Uranga, 1990), d'autant que l'une des espèces, le pageot rose ( Pagellus bogaraveo : besugo en espagnol) s'est beaucoup raréfiée au cours de la dernière décennie alors que le marché ibérique reste très demandeur. Ce poisson recherche les eaux tièdes, salées et montre une assez forte sensibilité à la variations de ces paramètres expliquant ses migrations en latitude et ses mouvements verticaux. Les juvéniles ("pelons") de cette espèce vivent près de la côte et sont bisexuels. Leur première maturité sexuelle correspond à un âge de 4 ou 5 ans (taille de 30-35 cm). Les adultes se rassemblent au début de l'hiver sur le talus ibérique du golfe où commence la reproduction Ils descendent vers des profondeurs de 200 m et migrent en avril vers le NW sur la bordure de la mer Celtique (Grand Sole) à la fin du printemps poursuivant pendant l'été leur déplacement vers le Nord (60° N au large de l'Ecosse ), une migration inverse se déroule à l'automne en relation avec le refroidissement des eaux marines. Cette espèce peut vivre plus de 20 ans mais la majeure partie des captures concerne des

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individus ayant de 5 à 10 ans d'âge. Leur nutrition étant pélagique ces poissons demeurent une partie importante de leur vie (surtout pendant la nuit) dans les eaux moyennes, on peut donc les qualifier d'espèce semi-démersale. Très vorace le pageot rose consomme des espèces pélagiques (crustacés, céphalopodes, petits poissons…) il est capturé principalement la nuit donc vulnérable aux palangres, lignes (sardines et maquereaux comme appât) et au chalut pélagique. Cette dernière technique est rendue responsable de la diminution des captures d'autres sparidés (dorade grise ou griset [Cantharus griseus] et sars) sans pouvoir préciser son impact sur celle du pageot rose.

Ces espèces démersales accomplissent des déplacements verticaux (d'origine trophique ou non) et des migrations en latitude ce qui explique la diversité des lieux de capture et des métiers concernés au gré des saisons.

2- Les espèces pélagiques

Contrairement à la plupart des espèces démersales peu sensibles aux variations

thermohalines, les espèces pélagiques sont toutes sténothermes (exigeant des conditions de température du milieu à peu près constantes) et sténohalines d'où des déplacements de leur biotope et le caractère saisonnier de leur capture dans le Golfe à l'exception du thon blanc ou germon pourchassé très loin vers le large.

Les petits pélagiques :

- la sardine (Sardina pilchardus) mesure moins de 20cm ; si elle est l'objet de capture des pêcheurs basco-cantabriques, elle a, par contre, été délaissée par les pêcheurs de Saint-Jean-de-Luz sans que sa raréfaction depuis quatre décennies soit l'unique cause. Ce poisson se déplace en bancs dans des eaux relativement salées aux températures variant de 11 à 20°C riches en micro-organismes animaux. Dans l'Atlantique du NE la sardine se rencontre des Açores à la mer du Nord, deux populations ont été individualisées : la sardine ibérique (de Gibraltar à la côte cantabrique) et la sardine atlantique septentrionale (Golfe et mer du Nord). Au sein de cette dernière plusieurs formes ont été répertoriées mais leur appartenance à des stocks différents n'a pas été clairement définie. Il est toutefois probable que les différentes formes possèdent des affinités différentes, ce qui pourrait expliquer la plus ou moins grande abondance des oeufs entre des secteurs aux températures variant de quelques degrés. La sardine pond 50 à 60. 000 oeufs, les larves éclosent au bout de 2 à 4 j après la ponte (Quéro, 1997). Cette reproduction est très étalée dans le temps et dans l'espace : dans le golfe de Gascogne atteint son maximum au printemps dans les eaux méridionales, décline au cours de l'été, pour progresser au nord en automne et en hiver. La maturité sexuelle intervient dès la 2ème année. A ces migrations saisonnières en latitude se surimposent des déplacements de la côte vers le large pour les jeunes reproducteurs sans qu'ils aillent au-delà du plateau continental. Ces mouvements se limitent donc pour l'essentiel au littoral basco-landais : au nord de ce domaine se trouvent encore des eaux chaudes et salées au

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début de l'hiver, principale frayère des sardines aquitaniennes, les jeunes y séjournent au cours de leurs deux premières années, avant de gagner après le deuxième hiver, des secteurs septentrionaux. Les sardines armoricaines, nées de la ponte d'été et d'automne, y passent leur premier hiver avant de regagner le nord au printemps. Les déplacements vers le large peuvent aussi être consécutifs à l'arrivée d'eaux troubles ou plus froides amenées par les fleuves côtiers (dont l'Adour), les sardines recherchent alors les eaux plus salées et plus tièdes à 4 ou 5 milles de la côte car les eaux superficielles sont plus froides le long du rivage, en hiver. La croissance de la sardine est rapide, 10 à 15 cm la première année et 20 cm la seconde, pour une longévité un peu inférieure à dix ans.

Une centaine de navires français pratique cette pêche (67 chalutiers et 67 senneurs en 1996), 70 % des apports sont mis à terre entre juin et octobre (principalement La Turballe, St Gilles Croix-de-Vie et St Guénolé).

Pour le nord de l’Espagne, depuis les Asturies jusqu’à la frontière l’essentiel des captures est effectué par les navires des ports de Cantabrie et des Asturies (Santoña et Avilés).

- L'anchois (Engraulis encrasicolus) constitue une autre espèce pélagique commune

dans la partie sud du Golfe. Les conflits de pêche depuis environ une vingtaine d’années entre les pêcheurs français et espagnols ou entre pêcheurs basques a poussé les pouvoirs publics, donc les organismes scientifiques qui en dépendent, à mieux connaître la biologie et l'écologie de ce petit poisson. Les chercheurs se trouvent associés au groupe de travail anchois-sardines-chinchards-maquereaux du C.I.E.M. où ils regroupent les données sur les captures et leurs recherches. Depuis une quinzaine d’années ils participent à des campagnes communes de prélèvements grâce au navire de l'IFREMER, la Thalassa. L'Institut océanographique espagnol et AZTI/CIO de Pasajes utilisent la méthode des oeufs pour estimer annuellement le stock d'anchois dans le golfe de Biscaye. Le prélèvement des oeufs se fait au filet à plancton, il est complété par la capture d'adultes (évaluation du rapport des sexes, de la fécondité, du nombre de pontes). Cette évaluation de la biomasse ne correspond pas toujours avec celle réalisée par l'IFREMER avec la méthode acoustique par échosondage (taille, abondance, distribution). Ainsi les caractéristiques des échantillons prélevés grâce au chalut pélagique ont été rigoureusement répertoriées (âge, poids, taille, moule, état de maturation, provenance géographique) elles ont aussi départagé les scientifiques de la décennie 1970-1980 dont les avis divergeaient sur l'existence d'un ou de plusieurs stocks séparés dans le Golfe, ceci ayant une grande importance pour les prélèvements autorisés dans chaque secteur.

L'anchois est un poisson de pleine eau, à vie courte (au maximum 5 ans) qui se déplace par bancs. Il effectue des migrations dans le sens vertical et dans le sens horizontal (y compris en latitude) : dans le sens vertical, on assiste à des déplacements entre une zone centrale "d'hivernage" dont la profondeur est supérieure à la centaine de

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mètres (accessibilité réservée aux seuls chalutiers pélagiques) où les températures sont plus stables et la zone côtière où les géniteurs (maturité sexuelle dès la première année) de 1, 2, et 3 hivers vont pondre. Ceci est confirmé par l'évaluation d'AZTI des oeufs d'anchois au cours des années 1987 à 1990 qui distingue deux zones sur la plateforme : - l'une dans les eaux superficielles, à moins de 80 m. de profondeur avec une quasi disparition au-delà de 130m - une seconde jusqu'au talus continental liée à la répartition des géniteurs (les plus jeunes se trouvent dans les eaux superficielles et les plus âgés dans des eaux plus profondes).

Les plus fortes concentrations d’œufs et de larves (1 kg d'anchois donne 7 millions d'oeufs, moins de un oeuf sur 10.000 donnera un alevin) se localisent en général au droit de l’embouchure de la Gironde, le long des côtes landaises et à proximité de l’embouchure de l’Adour (Motos et al., 1996). Dans le sens horizontal les anchois se déplacent pour se nourrir et pour gagner leurs aire de ponte. La reproduction a lieu au printemps (avril- mai) pour les anchois les plus âgés (2 à 3 hivers). Plus tard, au début de l'été, les plus jeunes anchois âgés d'un hiver, se reproduisent plus au nord le long des côtes de Vendée et du sud de la Bretagne, alimentant ainsi les pêcheries vendéennes et bretonnes pendant l’été et l’automne.

Une partie du stock, les poissons les plus âgés, se dirige vers la côte cantabrique puis vers l’Est par une longitude de 2 à 5°W , où ils sont capturés essentiellement par les flottilles de bolincheurs (senne tournante coulissante) espagnols (Prouzet et al. 1994). La forte croissance de l'anchois (il peut atteindre 13 cm dès la première année) et une maturité précoce présentent l'avantage d'assurer un renouvellement rapide du stock mais l'inconvénient d'accroître la forte instabilité de celui-ci. Le stock de géniteurs fluctue entre 15 000 et 100 000 t. Depuis quelques années la très grande majorité des captures concerne des anchois d'un hiver ce qui inquiète beaucoup les scientifiques et les pêcheurs, le recrutement de la classe 1 n’est facilement prévisible qu’au moment de la saison de pêche, ce qui rend difficile la régulation de l’effort de pêche (les mesures préconisées ainsi que les T.A.C., les quotas, et les conflits entre métiers seront évoqués dans la dernière partie). On peut évoquer, pour expliquer les très fortes variations du stock, les travaux récents menés par des chercheurs espagnols (Borja, 1996 et 1998) et français (Allain, 1999 et 2001) qui montrent l’importance des courants et des vents au moment de la vie larvaire, donc leur rôle dans le recrutement des anchois. Ces recherches démontrent que, entre 1986 et 1997, 75 à 80 % du recrutement de l’anchois dans le golfe de Gascogne était lié à ces deux phénomènes majeurs : une remontée d’eaux froides sur la côte des Landes avec des vents intermittents et modérés de NE et Est produit des conditions favorables alors qu’un phénomène de turbulence engendré par des coups de vent d’Ouest dont l’intensité peut occasionner une destruction de la stratification des eaux superficielles en juin juillet et s’avérer catastrophique et engendrer une forte mortalité larvaire. Il existe aussi des différences de taille du N. au S.

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pour les anchois du groupe 1, il faut sans doute les mettre sur le compte de pontes fractionnées au cours de la même saison et non sur l'existence de stocks (nord, centre et sud) bien séparés ayant une dynamique propre.

Alors que la biomasse était évaluée à 70 000 t. (Uriarte, 1997), elle était de l’ordre de 20 000 t. au début de l’été 2006, ce qui a entraîné la fermeture de la pêcherie en juillet comme l’année précédente.

- le maquereau (Scomber scombrus) Poisson grégaire pélagique, le maquereau vit sur le plateau continental en grands bancs en pleine eau (jusqu’à 200-250 m de profondeur) et près de la surface. Les dernières observations scientifiques et expériences de marquage indiquent l’existence d’un seul stock au moins de la côte espagnole jusqu’en mer d’Irlande17 (Anonyme, 1997). Les expériences de marquage le montrent.

La maturité sexuelle est acquise vers l’âge de trois ans (29 cm). Deux jours après l’éclosion, le jeune se dirige vers la côte où il demeurera jusqu’à l’automne. La croissance du maquereau est rapide la première année puis elle décroît rapidement. La longévité maximale serait supérieure à vingt ans.

Au printemps, le maquereau adulte se nourrit principalement de crustacés pélagiques (copépodes, euphausiacés, larves de crabes, amphipodes) ; pendant l’été et l’automne, il ingère des petits poissons pélagiques (sprats, harengs, sardines). Pendant l’hiver, le maquereau ne se nourrit pas (Quéro, 1997).

Dans l’Atlantique Nord, les captures de maquereaux diminuent depuis 1995 (-8 % entre 1994 et 1995 d’après le CIEM : Anonyme, 1996 ; - 25 % entre 1996 et 1995 d’après le CIEM : Anonyme, 1997). Les principaux pays producteurs sont la Norvège, le Royaume Uni, l’Irlande, les Pays-Bas et la Russie. Dans les zones CIEM VIIIa,b,d,e et VIIIc, les apports de maquereau s’élèvent respectivement à 6 200 et 23 700 tonnes en 1995. Ils s’établissent à 3 100 et 28 300 tonnes en 1996 (Anonyme, 1997). Les captures de la France dans la zone ouest (zones CIEM VI, VII et VIIIa,b,d,e) représentent 14 347 tonnes en 1996 (et 10 178 tonnes en 1995). Les captures de l’Espagne dans cette même zone ouest s’élèvent à 2271 tonnes en 1996 (4509 tonnes en 1995). L’essentiel des captures espagnoles de maquereau dans le Golfe s’effectue dans le VIIIc ; les débarquements associés à cette division CIEM représentent 28 386 tonnes en 1996 et 23 631 tonnes en 1995 (Anonyme, 1997).

En 1996, les apports de Saint-Jean de Luz et d’Hendaye représentent 4 014 tonnes. Ils sont en très forte augmentation, puisque pour cette même espèce, ils atteignaient 142 tonnes en 1994 et 1 680 tonnes en 1995 (d’après les fichiers CRTS).

17 Alors que jusqu’en 1994, il était considéré que le maquereau capturé en Atlantique Nord Est appartenait à trois stocks (Ouest, Sud et Nord).

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Pour trois Communautés autonomes du nord de l’Espagne, l’essentiel de la production se partage entre Euskadi et la Cantabrie. En Euskadi18, les principaux ports sont Bermeo (5 400 tonnes), Ondarroa (4 875 tonnes), Hondarribia (1 500 tonnes) et Getaria (1 400 tonnes). Pour la Cantabrie19, il s’agit de Santoña (6 620 tonnes), Santander (2 800 tonnes) et Laredo (1 565 tonnes). Pour 1995, la biomasse de géniteurs est estimée à 2,47 millions de tonnes pour la zone ouest et à 0,37 millions de tonnes pour la zone sud (source : ACFM).

Les recommandations données par l’ACFM en 1996 visent à diminuer significativement la mortalité par pêche afin de restaurer la biomasse de géniteurs. Elles comportent la fixation d’un TAC de 4 000 tonnes pour la zone sud (VIIIc et IXa) et d’un TAC de 144 000 tonnes pour la zone nord (IIa, IIIa, IVa, Vb, VIIIa,b,d, VI et VII). En 1996, les TAC agréés s’élèvent à 354 615 tonnes pour le stock ouest et à 30 000 tonnes pour le stock sud (VIIIc, IX et X et CECAF Division 34.1.1). En 1997, ils s’établissent respectivement pour ces deux stocks à 363 200 et 30 000 tonnes. A noter que les TAC recommandés concernent l’ensemble des captures, alors que les TAC agréés ne s’appliquent pas dans les eaux internationales. Ces dernières sont principalement effectuées par les navires russes en Mer de Norvège et s’établissent à plus de 51 000 tonnes en 1996 (Anonyme, 1997). L’ACFM accompagne ces recommandations de mesures additionnelles, parmi lesquelles des limitations de captures sur quelques zones à certaines périodes de l’année, la fixation d’une taille minimale de débarquement de 30 cm pour le IV et le IIIa et de 25 cm pour le VIIIc et le IXa. Pour 1996 et 1997 et grâce à un échange de quota avec l’Espagne, les organisations de producteurs de Saint-Jean-de-Luz et d’Hendaye bénéficient d’un quota de 1 680 tonnes (réparti au prorata des captures effectives de 1995).

Les thonidés

Plusieurs espèces20 sont pêchées dans le golfe de Gascogne, au large des Açores,

en Méditerranée occidentale ou dans les eaux tropicales de l'Atlantique.

- le germon (Thunnus alalunga) ou thon blanc est un poisson pélagique que l'on rencontre dans l'Atlantique nord et sud, en Méditerranée et dans l'océan Indien. Le germon de l'Atlantique NE (15°N. à l'ouest de l'Irlande) se rattache au stock nord, la séparation avec le stock de l'hémisphère sud intervenant vers 5°N (on suppose l'existence d'un groupe distinct en Méditerranée sans connaître à l'heure actuelle les 18 Données 1996 (source : Gouvernement autonome du Pays basque). 19 Données 1997 (source : gouvernement de Cantabrie). 20 les données essentielles sont issues des sources suivantes : DARDIGNAC : les pêcheries du golfe de Gascogne, 1988 SANTIAGO J. : la pesca de atún blanco en Euskadi, 1991, Itsaso fascicule n°9, Gouvernement basque (Vitoria)

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possibles interactions avec le stock atlantique). Il fait l'objet de pêcheries à caractère saisonnier avec différents engins de pêche qui sont fonction des mouvements migratoires de l'espèce et de la profondeur de déplacement. Le germon a une durée moyenne de vie de huit ans environ, il atteint la maturité sexuelle au cours de la 5ème année (le poisson a environ 13 kg et 85 cm, il peut mesurer 1, 25 mètre à 13 ans) après cette période sa croissance ralentit. Il se distingue du thon rouge par ses nageoires beaucoup plus longues et sa taille plus petite. La femelle pond 2 à 3 millions d'oeufs au cours de l'été dans la mer des Caraïbes et des Sargasses (mais les frayères restent mal connues) à l'ouest de 40°W entre le tropique du Cancer et l'Equateur pour l'espèce de l'Atlantique N., dans des eaux dont la température de surface dépasse toujours 24°C. Après un an les jeunes mesurant quelques 30 à 45 cm migrent vers l'Est en suivant les eaux chaudes de la dérive nord atlantique. C'est au cours de cette période que les immatures ( âgés de 5 ans au plus) évoluant dans des eaux de 14 à 24°C deviennent la cible des pêcheries de surface ( canne, lignes traînantes) leur présence dans l'Atlantique NE se vérifie uniquement au cours de la période juin–octobre. Les adultes ( la maturité est atteinte la sixième année) quant à eux, sont capturés par les palangriers en été et hiver, par les canneurs à l'automne,évoluent dans des eaux de 24 ° (Quéro, 1997). Depuis 1987 le germon est capturé aux filets maillants dérivants (interdits en 2002) et au chalut pélagique Sa distribution spatiale au cours de sa croissance dépend étroitement de la température de surface car l'espèce a des exigences écologiques. Comme la quasi totalité des thonidés, le germon a un mauvais système de régulation thermique (leur métabolisme atteint son maximum d'efficacité entre 25 et 30°C…sinon les températures supportées vont de 11 à 37°C). L'activité intense lors de la chasse ou d'une phase natatoire élève la température de son corps ce qui aurait pour conséquence de l'obliger à plonger pour rechercher des eaux plus froides. Ceci explique que l'espèce se rencontre au niveau des fronts thermiques (thermoclines) où se trouve aussi une abondante nourriture. La capacité de régulation thermique augmente avec l'âge (croissance de la vessie natatoire) ce qui permet à l'adulte de fréquenter des eaux aux températures plus diverses. Ceci conditionne l'activité des engins de pêche : les immatures sont pêchés par les engins de surface (cannes…) tandis que les adultes se déplaçant éventuellement en profondeur sont la cible des palangriers (les chalutiers pélagiques peuvent capturer les deux). La migration vers l'Atlantique oriental et le golfe de Gascogne se fait selon une direction SW-NE fin mai- début juin. Ce déplacement à caractère trophique se dirige vers des fronts thermiques, le retrait des eaux chaudes en automne entraîne une migration inverse vers le SW pour se trouver l'hiver dans des eaux moins froides autour de l'archipel des Açores et de Madère.

Il n’existe pas de réglementation ICCAT, le Comité émet un avis et, à la fin des années 1990 il estimait que le stock était totalement exploité pour l’Atlantique du Nord Est.

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- le thon rouge (Thunnus thynnus) appelé "cimarrón" ou "atún rojo" en Espagne est une espèce côtière pêchée dans l'Est de l'Atlantique et en Méditerranée (le taux d'échange avec le stock de l'Atlantique occidental reste faible, inférieur à 15%). Le thon rouge se déplace en petits bancs dans les eaux de surface tempérées et en profondeur jusque vers 200 à 250 m. Il a une longévité moyenne de 20 ans et une croissance qui ne ralentit pas avec la maturité (4ème année). Deux aires de ponte ont été identifiées, la plus importante se trouve en mer Tyrrhénienne où les senneurs italiens capturent chaque année des géniteurs de 10 ans et plus (la ponte se ferait entre la mi-juin et la fin juillet) ; une autre aire de ponte se trouverait dans l'Atlantique oriental, au sud ouest de la péninsule ibérique. A la fin de la première année, à travers des eaux profondes ils réalisent leur première migration vers le golfe de Gascogne où ils arrivent à la fin du printemps quand les eaux de surface atteignent 16°C. Le reste des immatures (1 à 3 ans) semble effectuer une migration en latitude (eaux superficielles >14°C) au printemps, vers le NW de la Méditerranée. Sa croissance est très rapide 3 à 5 kg à un an, 15 à 18 kg à 3 ans, les thons de Méditerranée qui pèsent couramment 140 à 150 kg à moins de 10 ans d’âge. Ils effectuent au cours de leur existence des migrations importantes : des migrations liées à la reproduction , des déplacements à la recherche de nourriture (petits poissons pélagiques, crustacés, céphalopodes) et de conditions de milieux favorables à sa survie. Les exigences écologiques du thon rouge sont les plus faibles de la famille des thonidés car il est "au sommet" de l'évolution. Sa température interne varie entre 24 et 35°C.

Le thon rouge a pu ainsi s'affranchir du domaine tropical pour sa reproduction même s'il peut survivre dans des eaux atteignant 30°C. Il est le plus souvent capturé dans des eaux ayant entre 15 et 22°C (variable selon l'âge du poisson). Sa vessie natatoire lui permet de changer facilement de profondeur, les plus grands individus sont pêchés par des palangriers jusqu'à une profondeur de 500m. Les migrations du thon commencent au printemps lors du réchauffement des eaux en Méditerranée. Ces derniers passent le détroit de Gibraltar (les résultats du marquage des individus prouvent qu'une migration de reproduction se fait de l'Atlantique vers la Méditerranée, les thons de 1 à 4 ans remontent l'été le long des côtes du Portugal, pénètrent dans le Golfe (mai-août) puis se déplacent en septembre vers la Mer du N. et les côtes de Norvège ; après la baisse des températures de l'automne il disparaît de ces latitudes à la recherche des eaux plus tempérées. Il a été l’objet d’une surpêche en Méditerranée au cours des dernières années et la commission des experts (novembre 2006) a proposé une très forte diminution des captures, elle a été assez peu suivie par Bruxelles qui connaît pourtant l’existence d’une pêche illégale qui va bien au-delà des quotas alloués.

- les thonidés des eaux tropicales : pour les évoquer il est nécessaire de rappeler que les poissons ont une température qui varie avec la température de l'eau dans laquelle ils se trouvent ; seuls les thons et quelques requins parmi les poissons ont une chaleur

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interne supérieure à celle de leur environnement (on a pu mesurer une différence de 6°5 chez l'albacore, 11°7 chez le listado et 21°5 chez le thon rouge). Pour éviter que l'activité intense ne soit mortelle pour l'individu il existe un mécanisme de contrôle appelé "thermorégulation". Les thons la réalisent par leur comportement lors des déplacements verticaux (vers des eaux plus froides par exemple), en ralentissant la nage ou en augmentant la surface du corps pour dissiper plus de chaleur (déploiement des nageoires dorsales) mais cela ne peut totalement expliquer la régulation thermique : il y aurait sans doute aussi en même temps des phénomènes physiologiques (par ex. l'utilisation des muscles blancs dégageant moins de chaleur car consommant moins d'oxygène). Cette thermorégulation expliquerait la répartition géographique et verticale ainsi que les zones d' abondance de chaque espèce : * les thons à affinité tempérée stricte (12-18°C) comme le germon et beaucoup plus "tolérant" le thon rouge (5 à 28°C) * les patudos adultes à affinité plutôt tempérée (10-18°C) que l'on rencontre souvent dans les eaux froides, à 300-400 mètres (10-15°C) des eaux tropicales ou au Nord et Sud de ce domaine dans les eaux superficielles à ces mêmes températures. * une espèce cosmopolite comme le listao qui abonde dans les eaux de 20-29°C et dont l'aire de répartition déborde largement les eaux tropicales. * les albacores adultes se trouvent dans des eaux de 20 à 30°C mais ont été souvent observés aux limites verticales et horizontales dans des eaux à 15-20°C * les jeunes individus (albacore, patudo) à cause de leur système échangeur de chaleur rudimentaire, sont cantonnés exclusivement aux eaux tropicales.

Ceci permet aux pêches thonières de mieux cibler leurs captures, voire d'essayer de choisir à l'intérieur d'une espèce donnée (on verra plus loin qu'en réalité le problème se pose d'une autre manière aux armements).

Seules quelques espèces parmi les principales exploitées par les pêcheurs du littoral basque ont été évoquées ci-dessus, bien évidemment d'autres espèces (poissons plats, bars) sont aussi recherchées.

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Conclusion

Les navires de la pêche artisanale trouvaient traditionnellement leurs ressources près des fonds rocheux proches de la côte, tout le long du littoral Cantabrique et du gouf de Capbreton en choisissant des espèces démersales comme espèces cibles (pageot rose, merlu, dorades). La concurrence d’autres métiers et d’autres engins de capture concernant ces mêmes poissons a changé la donne. Désormais ce sont les poissons pélagiques à migrations saisonnières qui constituent l’essentiel de la pêche artisanale débarquée. D’où l’intérêt de ces pêcheurs pour préserver coûte que coûte leur accès aux pêcheries d’anchois et de thons (germon ou bonito del norte et thon rouge) avec comme ressource d’appoint le maquereau. Les luttes depuis une vingtaine d’années sont âpres (cf. troisième partie) car la raréfaction de la ressource et son irrégularité interannuelle avive la concurrence et rend aléatoire la rentabilité de ce segment de la pêche artisanale. Comment et pourquoi les chalutiers pélagiques sont-ils devenus, avec certains fileyeurs, les adversaires à écarter absolument de ces pêcheries ?

III- L’ importance économique et humaine de la filière pêche

1- Le contexte national

La pêche espagnole est toujours la première d’Europe de l’Ouest en 2004 par l’importance numérique de sa flottille (plus de 15 000 bateaux et 60.000 marins) et la valeur de ses débarquements. C’est un des grands pays consommateur des produits de la mer (37 kg/habitant/an) mais la production nationale pour la consommation humaine diminue depuis de nombreuses années 1995 : 1,26 millions de t. 1998 : 1,11 millions de t. 2002 : 852.000 t.

Pour satisfaire les besoins de la population du pays, l’Espagne a largement recours aux importations : le solde du commerce extérieur des produits halieutiques était négatif en 2003 comme depuis de nombreuses années ; en poids le déficit était de 773.000 t. et de 2,414 milliards € (mais les statistiques comptent pour importations les productions des navires espagnols enregistrés sous des sociétés mixtes mais basés à l’étranger).

Le Pays basque d’Espagne est la troisième région halieutique d’Espagne. Toute l’Espagne, et la côte du Nord et du Nord ouest en particulier, est dominée

par la première région halieutique du pays : la Galice. Si l’on place cette dernière dans la perspective du golfe de Gascogne et du littoral atlantique, elle domine aussi la première région halieutique française : la Bretagne ; quelques données ( puissance des navires, nombre de marins, valeur des débarquements) permettent d’en juger. A

l’exception de ces deux “poids lourds″ comment se répartit la force halieutique de

l’Espagne dans ses Communautés Autonomes ?

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Figure 6 : Flotte de pêche par Communauté (au 31/03/2004)

communautés Nombre de

bateaux GT Puissance (Kw) Nombre de

marins Galice 8.300 228.456 504.746 24.751 Andalousie 2.172 68.975 191.731 10.158 Pays basque 365 82.446 159.086 3.780 Canaries 1.194 35.769 78.569 4.131 Asturies 464 12.056 31.860 2.020 Cantabrie 197 11.790 29.029 1.643 autres 3.264 74.636 308.599 13.117 total 15.956 514.128 1.303.620 59.600

Source ministère de l’agriculture et de la pêche Espagne

Il y a trois grandes régions halieutiques en Espagne : le Nord avec la Galice et la

corniche Cantabrique, la côte Méditerranéenne et l’Andalousie de part et d’autre du détroit de Gibraltar. Au sein de ces différents ensembles, la Galice devance tous les autres avec 58 % des bateaux, 65 % du GT de ces derniers, 55 % de la puissance nationale des navires et 54 % des marins. En 2002, la vente des produits de la mer a procuré près de 625 millions d’Euros (pêche artisanale, hauturière et grande pêche), sans compter l’aquaculture. Dans ce contexte Le Pays basque peut sembler modeste, par le nombre de ses bateaux par exemple (figure 6). La puissance et la jauge de ses navires de pêche sont constitués principalement par sa flotte hauturière et ses thoniers congélateurs (navires de 70 à 100 mètres de long) le placent dans le peloton de tête des grandes régions halieutiques espagnoles. Les captures de thonidés tropicaux de cette flottille, non débarquées dans la région, sont au moins égales à celles réalisées par la flotte bretonne, c’est à dire supérieures à 150.000 tonnes annuelles.

2- Le Pays basque a une activité halieutique en repli

A la fin du XXe siècle le secteur extractif, la pêche proprement dite, est composée de cinq segments - la flotte artisanale opère dans la zone côtière et dans le golfe de Gascogne pour la presque totalité de son activité (elle est dénommée en Espagne flotte de bajura ) - la flotte hauturière ( flotte de altura ) avec des navires de plus de 100 tjb de jauge pratique l’activité de pêche (fraîche) dans les eaux communautaires de l’Atlantique du Nord Est. L’essentiel, voire la quasi-totalité de notre travail de recherche, va porter sur ces deux flottilles, car les autres , peu visibles dans les ports du littoral cantabrique possèdent des équipages extérieurs à la région’ débarquent ailleurs leur production et apparaissent surtout dans les bilans financiers de l’activité halieutique du Pays basque d’Espagne.

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- les morutiers pêchent la morue et le flétan noir dans les eaux froides de l’Atlantique Nord, principalement au large de la Norvège, mais, de l’importante flottille des années 1970 (Seconde partie chapitre 7), il ne subsiste que quatre paires de bateaux qui ne pêchent qu’une petite partie de l’année (cf. les quotas alloués) et débarquent leurs captures en Galice d’où sont originaires leurs équipages. - les thoniers-senneurs-congélateurs (navires > 250 tjb) pêchent dans les eaux tropicales de l’Atlantique, de l’Océan Indien et du Pacifique et ne reviennent que tous les deux ans environ au port de Bermeo pour l’entretien. Seuls les patrons, les seconds et les mécaniciens sont originaires du Pays basque, les équipages non, pour partie ils sont étrangers. - à l’orée du XXIe siècle, la cinquième composante des pêches maritimes basques, les chalutiers congélateurs, a disparu faute de lieux de pêche, de droits et de licences suffisants, au large des côtes africaines. Ces navires peuvent avoir été vendus, être passés sous la bannière d’une entreprise mixte et immatriculés dans un autre pays. Les débarquements principaux se faisaient à Vigo et Las Palmas (Canaries).

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Figure 7 : Le Pays basque : une place relativement modeste entre Galice et Bretagne

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Un repli récent

Entre 1976 et 2001, la diminution annuelle de la flottille basque a atteint 3,3 % (2,4 % pour la flottille artisanale et 5,6 % pour la flotte hauturière). L’emploi à la pêche a diminué de près de moitié entre 1985 (date de la signature de l’acte d’adhésion à la CEE) et 2001. Entre ces deux dates l’ensemble navires/marins a évolué selon les données ci-dessous21

Flotte hauturière et de grande pêche flotte

artisanale Hauturière fraîche

Chalutiers congélateurs

morutiers Thoniers congél

total

1985 nombre de

bateaux 542 121 24 25 46 758

Jauge tjb 26.670 31.764 14.024 12.840 53.329 138.627 marins 4185 2002 572 540 1060 8359 2001

nombre de bateaux

333 56 5 8 29 431

Jauge tjb 18.759 12.735 1.248 5.145 34.605 72.492 marins 2439 712 99 208 648 4106

Diminution 2001/1985 Nombre de

bateaux - 38,5 % - 53,7 % - 79,2 % - 68 % - 37 % -43,1 %

jauge - 29,7 % - 59,9 % - 91,1 % - 59,9 % - 35,1 % - 47,7 % marins - 41,7 % - 64,4 % - 82,7 % - 61,5 % - 38,9 % - 50,9 %

Les données chiffrées concernant l’évolution 1976-2001 sont toutes orientées à la

baisse pour les différents segments de la flottille de pêche mais elles ne revêtent pas les mêmes significations économiques : prenons par exemple les flottes morutière et thonière.

La flotte morutière du Pays basque, basée à Pasajes, a diminué de 79 % entre 1976 et 2001 pour les navires (on est passé de 38 morutiers à 8) et de 77,2 % pour les équipages. Parmi les paires (parejas) restantes certaines ont été rachetées par des capitaux Galiciens mais restent immatriculés ici à cause des droits de pêche et des quotas attribués à chaque région. Les bateaux construits dans les années 1970 sont trop âgés pour être exportés hors CEE (moyenne 29,1 ans) ; lorsqu’ils sont retirés de la flottille c’est dans le cadre d’un POP pour être envoyés à la casse. La très forte baisse de

21 Les données proviennent de l’organisme coopératif de Mondragón (Guipúzcoa) Caja Laboral Popular dont le département statistique publie annuellement une étude sur l’économie basque ; il s’agit ici d’un numéro spécial de 348 pages intitulé : Economía vasca : evolución sectorial 1976-2001.

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l’activité a entraîné la disparition des activités de séchage de la morue à Pasajes, activités regroupées à Vigo (Galice).

La flotte des thoniers congélateurs est une flotte jeune, dynamique, de douze ans

d’âge en 2001, dont la fluctuation numérique n’obéit qu’à des opportunités financières et à des stratégies d’entreprises (immatriculation sous pavillon de complaisance, dans un pays tiers ou passage dans une entreprise mixte). Cette activité de pêche industrielle est très rentable, elle n’était guère préoccupée jusqu’à présent que par les droits de pêche et les cours mondiaux du thon.

La pêche hauturière de pêche fraîche des ports basques, surdimensionnée en 1976, alors que se mettaient en place les Z.E.E., comptait 256 chalutiers et palangriers. Elle a énormément réduit ses capacités et ne totalisait plus que 56 unités en 2001. En 1977 sur les 201 navires ayant exercé une activité de pêche cette année là, 123 étaient basés à Pasajes, 72 à Ondarroa et 6 à Bilbao. En 2001 il ne restait plus que 16 navires hauturiers à Pasajes et 43 basés à Ondarroa.22 En 1976 les équipages de pêcheurs de ces navires hauturiers s’élevaient à 2 020 à Pasajes, 1 224 à Ondarroa et 98 à Bilbao ( soit un total de 3342) ; au cours de la période 1976-2001, 78,7 % des emplois ont disparu, seul un emploi sur cinq a survécu. La flottille de Pasajes n’existe quasiment plus en 2004 (quatre navires seulement), la presque totalité se trouve à Ondarroa (47).

Au cours de la période 1990-2002, la flotte hauturière du Pays basque d’Espagne a été réduite de 50 % alors que durant le même laps de temps la flotte de Galice diminuait de 22 % et celles de Cantabrie et des Asturies augmentaient. La flotte artisanale comprend des unités de pêche côtière et des navires qui opèrent très au large pour certaines pêcheries (pêche au germon des thoniers canneurs par exemple). Elle regroupe aujourd’hui les 3/4 des navires immatriculés au Pays basque d’Espagne et environ 60 % des marins. Cette flottille a beaucoup perdu depuis 1985 (et non depuis 1977 comme la flotte hauturière) près de 40 % de ses bateaux (200 bateaux en moins) et de ses pêcheurs. De façon générale entre 1985 et 2001 la jauge moyenne par bateau augmente alors que l’équipage se maintient ou diminue.

Un poids économique moindre

Le secteur pêche a perdu des bateaux et vu diminuer ses captures. La contribution

de l’activité halieutique à l’économie régionale a régressé alors que des secteurs plus dynamiques, comme les services, progressaient tertiarisation de l’économe du Pays basque). Deux exemples statistiques permettent de mesurer le phénomène :

22 Cette notion de port de base ou d’immatriculation doit être relativisée par la réalité économique (cf. chapitre 3 et Troisième partie) : des navires dits franco-espagnols non immatriculés dans ces ports y débarquent une très forte partie de leurs productions.

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- la contribution du secteur pêche (et du secteur primaire) à la valeur ajoutée brute de la communauté autonome du Pays basque (VAB calculée en Euros courants), exprimée ici en pourcentage

- l’importance de la pêche dans l’emploi régional

1985 2001 pêche 1,3 % >0,5 %

reste secteur primaire 4,3 %

Total secteur primaire 5,6 % 2,4 %

Le recul de la pêche accompagne celui du secteur primaire et donc de l’agriculture. Les résultats financiers se maintiennent en valeur, après avoir atteint un maximum dans la période récente en 1990, mais se sont dégradés en termes réels.

Valeur de la pêche débarquée (milliers d’Euros)

En 2000, plus de la moitié de la valeur de la pêche débarquée (52 %) provenait des

thoniers congélateurs et 26 % de la pêche artisanale.

23 Pour des raisons de confidentialité des données, les résultats financiers des morutiers sont intégrés à ceux des thoniers congélateurs pour l’année 2000.

1985 2001 pêche 1 % 0,1 %

reste du secteur primaire 1,8 % 0,8 %

total secteur primaire 2,8 % 0,9 %

services 50,3 % 51,2 %

total 100 % 100 %

1986 1990 2000 Pêche artisanale et côtière 52.318 63.305 66.542

Pêche hauturière fraîche 64.038 81.221 46.329

Morutiers et chalutiers congélateurs 63.389 61.143 (23)

Thoniers senneurs congélateurs 73.257 87.033 142.150

total 253.002 291.701 255.021

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Un poids qui demeure important dans certaines ”cités ports”

Sans qu’il y ait un lien systématique entre le déclin de l’activité halieutique de certains ports de pêche et leur dynamisme démographique, on peut néanmoins constater que, entre les recensements de 1991 et 2001, les villes de Bermeo, Ondárroa et Pasajes ont perdu respectivement 5,5 %, 7,8 % et 12,8 % de leur population. Quelle est la part de la population active dans le secteur primaire (pêche) et secondaire (pour partie l’industrie de transformation et de la conserve de poissons) pour les ports les plus importants du Pays basque d’Espagne ?

Bermeo est le "noyau" le plus important du Pays basque pour la filière pêche (emplois directs et liés). Ondárroa le second entaille, regroupe , outre ses pêcheurs, trente entreprises de mareyage et six usines de transformation du poisson (salaison, conserve) sur un territoire municipal relativement exigu ; d’ailleurs certaines conserveries, pour ne pas trop s’éloigner de la dynamique commerciale du port, se sont installées dans un polygone d’activités à quelques kilomètres à l’intérieur des terres (Berriatua) ou dans la zone d’activités de la cité voisine, à Mutriku (Motrico), en Guipúzcoa située à deux ou trois kilomètres du port. Cette petite cité possède une population active dont la répartition par secteur d’activité est la suivante : Primaire : 15 % industrie : 37 % construction :8 % services : 40 %

La valeur ajoutée brute de ces activités est pour les trois villes figurant dans le tableau est de 15 à 20 % pour la pêche (inférieure au total de la population occupée) et légèrement supérieure pour l’industrie ( 28 à 32 % de la VAB totale).

Toutefois d’autres ports de pêche à l’activité significative se trouvent moins dépendants de l’activité halieutique pour diverses raisons : dans un cas d’industrie de transformation des produits de la pêche n’existe pas, et , dans l’autre, l’emploi de la filière a été massivement perdu il y a vingt cinq ans environ et l’économie s’est diversifiée, les services ayant largement pris le dessus dans les deux cas.

Part de la population active dans les secteurs d’activités

Ports primaire industrie construction services

Fuenterrabia (Hondarribia)

11 % 21 % 5 % 63 %

Pasajes 8 % 22 % 8 % 62 %

ports pêche industrie construction services

BERMEO 27 % 22 % 9 % 42 %

GETARIA 27 % 30 % 3 % 40 %

ONDARROA 27 % 29 % 5 % 39 %

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Conclusion Pour donner une idée d’ensemble, et malgré le repli évoqué dans les

paragraphes précédents, la pêche fraîche débarquée dans les ports du Pays basque d’Espagne et vendue en criée atteignait 75.700 tonnes en 2002 pour une valeur de 139,4 millions d’Euros, soit respectivement 60 % et 38 % des pêches bretonnes réalisées la même année.

IV- le cadre institutionnel, politique et administratif

1. Le Pays basque d’Espagne

Dans notre domaine d’étude, deux ports d’Etat, Bilbao et Pasajes restent sous l’autorité de l’Etat central (Madrid).

Le statut des Communautés Autonomes, et donc du Pays basque d’Espagne (dénommée Communauté Autonome du Pays basque ou C.A.P.V. ou Communauté Autonome d’Euskadi), est régi par la loi organique du 18 décembre 1979. Des décrets royaux de 1982 (mai et août) transfèrent la gestion des ports de pêche et de plaisance, quinze au total en Biscaye et Guipúzcoa, (y compris Bermeo qui a un trafic de port de commerce) à la C.A.E. La Direction des ports et des Affaires maritimes du Gouvernement basque a pris en charge ce domaine (elle possède des bureaux territoriaux dans les capitales de province, Bilbao et San Sebastián). L’activité de pêche se concentre dans quatre ports principaux : Bermeo, Ondárroa, Guetaria (Getaria en basque) et Fuenterrabia ( Hondarribia). Les quatre ports de plaisance (Zumaia, Hondarribia, Getaria et Getxo) dépendent aussi de sa tutelle.

L’Etat n’a pas seulement transféré la gestion des ports aux Communautés autonomes, il a aussi cédé des compétences pour l’organisation de la pêche en 1982 : la C.A.E. applique et exécute les lois de l’Etat en accord avec les traités et dispositions européens. Il distribue et répartit les licences de pêche, autorise la construction de navires de pêche neufs par exemple. Le Gouvernement basque de Vitoria a reçu, depuis le début des années 1980, des attributions dans le secteur de la pêche .

La Direction de la pêche

La C.A.E. du Pays basque a en charge tout le suivi des actions de pêche ainsi que l’exercice de cette activité. Comment se répartissent les compétences entre Vitoria (C.A.E.) et Madrid (Etat central) ?

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Il existe une imbrication des compétences dans les eaux territoriales. Dans les eaux intérieures24 le Gouvernement basque (en fait la Direction de la pêche et de l’Agriculture) donne les autorisations pour l’exercice de la pêche, réglemente l’utilisation des engins et peut établir des réglementations spécifiques (périodes d’interdiction, jours d’activité, le temps de calage en continu des arts dormants).

Eaux intérieures dans les trois milles nautiques

Eaux extérieures (entre 3 et 12 milles nautiques)

Quai de débarquement

Après 1ère mise en vente

Compétence exclusive

CAE Autorités de Madrid

Autorités de Madrid

CAE

Contrôle

des navires sanctions

C.A Euskadi

Droit de contrôle, la CAE envoie les

infractions à Madrid pour

sanctions

Droit de contrôle de la CAE : infractions

envoyées à Madrid pour sanctions

Contrôle et sanction de

toute la filière par la CAE

Les inspections dans les ports de pêche se font grâce à du personnel qualifié parfois contrôlé par des inspecteurs de Madrid et de l’Union Européenne. La décentralisation territoriale et politique mise en place après l’adoption de la Constitution de 1978 a redistribué et partagé les compétences entre le niveau national et l’échelon local.

L’organisation du secteur pêche :

L’administration centrale de l’Etat donne à la CAE le nombre de licences de pêche, les quotas de capture et les permis temporaires qui lui reviennent. Cela permet à la CAE d’élaborer des plans de pêche qui tiennent compte des impératifs nationaux et des accords européens. De plus la CAE donne les autorisations nécessaires pour la construction des nouveaux navires selon les critères établis par la législation nationale : les armateurs remettent leur dossier à la CAE pour transmission à Madrid qui autorise ou non celle-ci avec avis motivé en cas de refus.

La construction neuve dépend aussi de la politique structurelle et des aides régionales de l’Union Européenne : le Pays basque se situe dans les régions d’objectif 2 pour les aides de Bruxelles.

24 Un trait virtuel joint en droite ligne, entre eux, les caps et autres avancées dans la mer ; en deçà, jusqu’à la côte il s’agit des eaux intérieures sous tutelle de la CAE , de cette ligne jusqu’ à la limite des eaux territoriales des 12 milles nautiques Madrid exerce son autorité.

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Objectif 2 Objectif 1

Aides maximales 40 % de l’investissement Ex. la C.A.E.

60 % de l’investissement Ex . Galice, Asturies

Certains armateurs du Pays basque d’Espagne peuvent être tentés de réaliser leurs

constructions en Galice et d’y faire immatriculer leur bateau car les subventions potentielles sont plus élevées dans cette première région halieutique espagnole.

La C.A.E. bénéficie d’une situation spécifique

Elle est la seule Communauté Autonome d’ Espagne à posséder son propre organisme d’étude des milieux marins (AZTI) tandis qu’au niveau national c’est l’I.E.O. (Institut Espagnol d’Océanographie) qui assume cette tâche. Les deux organismes travaillent souvent sur des projets communs. L’AZTI25 est « l’institut technologique de pêche et d’alimentation ». Le mode de financement. Son budget provient des projets à réaliser (financement par les entreprises qui commandent les études), des commandes de la CAE (qui finance des projets souvent reconductibles d’une année à l’autre pour la collecte des données sur les campagnes de pêche) et de la participation à des projets de l’Union Européenne.

A l’heure actuelle le comité de direction inclut des représentants des entreprises, des secteurs environnement et alimentaire, des scientifiques chargés des pêches et des représentants du gouvernement basque.

Les cofradías de pêcheurs et les Fédérations provinciales

Les cofradias sont censées représenter tout le secteur pêche mais ne concernent en fait, que la flotte artisanale (bajura). A l’origine, ce sont des corporations, des confréries constituées par des patrons et des matelots pour établir une entraide dans le métier qui s’est délitée avec le temps (seul le nom rappelle ce caractère initial). Leur indépendance a été parfois mal supportée par l’administration qui a cherché à les abolir (loi de 1864 supprimant les cofradias et les confréries de pêcheurs) ou à les contrôler (intégration dans le syndicat national de la pêche par un décret de 1941 sous la période franquiste). Le décret royal du 11 mars 1978 régit les quelques 229 cofradias de pêcheurs en Espagne. Il en existe six en Biscaye et sept en Guipúzcoa regroupées en fédérations provinciales. Parmi les adaptations survenues au cours de leur longue existence, il convient de souligner que désormais : - il existe désormais une représentativité paritaire entre les armateurs et les matelots, mais jusqu'à il y a peu de temps, seul un armateur pouvait présider une cofradía ;

25 Arrantzarekiko Zientzia eta Tecnologia Iraskundea

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- ces cofradías ont un rôle à caractère mutualiste et de secours. Ce fut sans doute pour s’unir en cas d’avaries, de dommages au bateau, de naufrage, de remorquage ou les imprévus de la vie quotidienne (maladie, invalidité...) que ces confréries ont été créées. Ces risques sont pris en charge depuis 1995 par la sécurité sociale (cette dernière année correspond à la date d’introduction de la sécurité sociale dans la pêche artisanale). Toutefois, la cofradia maintient sa propre œuvre sociale en complément des prestations légales. Pour compenser les dommages subis par les embarcations (naufrages...), il existe, dans certaines cofradías, des sociétés mutuelles et des coopératives d’auto-assurance qui indemnisent au pro rata des pertes subies ; - elles participent fortement à la réglementation professionnelle et à celle de l’activité de pêche . Elles fixent les normes, organisent la pêche (horaires, fêtes, type d’engin, zones de pêche selon les métiers, quantité de poissons par jour et par bateau lors de la campagne de l’anchois). Elles avaient aussi le souci de préserver les hommes d’un métier très dangereux. - les cofradías assument également un rôle plus classique pour organiser les débarquements, la première mise en vente sur les marchés et rendent aux armements les services indispensables à l’exercice de la pêche (glace, conservation de l’appât, caisses pour présenter le poisson en criée) ; elles accompagnent les patrons des embarcations dans leurs démarches pour obtenir des subventions.

Le décret royal du 20 août 1981 transfère de l’Etat central à la CAE la tutelle exclusive sur les cofradías. Elles participent à la gestion de la pêche artisanale (270 bateaux et près de 2000 pêcheurs en 2004). Elles ont des compétences le plus souvent liées à un seul port, certaines d’entre elles gèrent une criée, d’autres non : il existe des

Cofradías avec une criée puissante et attractive mais avec peu de navires et de pêcheurs attachés au port, (c’est le cas aujourd’hui d’Ondárroa et de Pasajes), d’autres avaient des navires relativement nombreux mais pas de criée ( exemple Orio).

L’activité de vente en criée dans le port de Pasajes dépend entièrement de l’autorité portuaire depuis 1979 (mais c’est un port d’intérêt général donc d’Etat). Il a concédé un espace à la Cofradía mais la Junta de Puerto s’intéresse assez peu à cette activité qui n’est pas son souci premier. La CAE a demandé à prendre ce secteur en charge mais la loi le lui interdit. La criée hauturière, dite encore criée industrielle, se trouve dans le même bâtiment; elle accueille les chalutiers (y compris les pélagiques français), les fileyeurs, palangriers,etc.

Les deux criées, à moins de 50m d’intervalle, ne sont pas aux normes européennes actuelles. Un projet pour créer une criée commune est à l’étude, il aurait pu être prêt en 2004 mais la mairie de Pasajes en bloquerait l’édification car elle voudrait que la criée soit édifiée ailleurs pour récupérer des terrains aménageables.

Donc le gouvernement basque a de réelles compétences depuis 1981-82 dans

- l’organisation du secteur pêche

- l’enseignement : nautisme et pêche

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- la tutelle des organismes d’encadrement des pêches et des pêcheurs

- l’exploration océanographique

- la pêche dans les eaux intérieures, l’aquaculture et l’ostréiculture Mais ces compétences rencontrent certaines limites que l’on précisera dans la dernière partie. Le plus surprenant peut-être provient du fait que les Cofradías n’ont pas vocation à faire des bénéfices. Ces derniers servent à améliorer les infrastructures et, pour partie, sont répartis entre les pensionnés, les veuves, etc.

2- La côte basque et le littoral français

Le domaine public maritime (DPM) (Ollitraut A., 2003) a été redéfini par la loi en 1963 : il a été étendu spatialement et précisé. Le DPM, intégré au domaine public de l’Etat, est inaliénable mais peut être concédé. La création portuaire, l’aménagement appartenaient aux prérogatives de l’Etat. Il avait choisi des concessionnaires parmi les Chambres de Commerce et d’Industrie (CCI) et les Communes pour gérer et exploiter de nombreux ports.

La loi de décentralisation (2 mars 1982) transfère des pouvoirs aux collectivités territoriales (Région, Département, Commune). Elle a été à l’origine d’autres textes législatifs parmi lesquels celui du 22 juillet 1983 ; cette loi répartit les compétences entre les collectivités territoriales qui peuvent désormais créer, aménager, exploiter les ports maritimes , l’Etat continue à assumer sa tutelle sur les ports d’intérêt général (comme en Espagne). Les ports de pêche et les petits ports de commerce ont pour tutelle le département, les ports de plaisance, la Commune, toutefois un port de plaisance relève de la gestion départementale s’il possède des installations liées à la pêche (quais ,débarquement), c’était le cas d’Hendaye où le port de pêche a précédé chronologiquement celui de plaisance. L’Etat conserve la responsabilité des infrastructures portuaires (ouvrages de protection par exemple) et la DDE s’occupe du suivi des travaux.

Le transfert des compétences de l’Etat aux Conseils Généraux pour les ports départementaux est intervenu officiellement le 1er janvier 1984 : les biens figurant dans le Domaine Public Portuaire sont désormais à la disposition des départements . En définitive, les concessionnaires, la CCI de Bayonne pour le port de Saint-Jean-de-Luz/ Ciboure d’une part et la commune d’Hendaye pour le port de pêche de cette dernière, demeurent inchangés. Le littoral français est découpé en quartiers maritimes, dix-neuf se succèdent entre Brest et la frontière franco-espagnole. Le quartier maritime de Bayonne s’étend de la frontière à Contis plage (à mi-distance, à vol d’oiseau, entre Bayonne et Arcachon) englobant les ports de pêche de Hendaye, St Jean de Luz/Ciboure, Bayonne dans le département des Pyrénées Atlantiques et Capbreton dans celui des Landes (43 Km au Nord de l’embouchure de l’Adour). Depuis 2000, il ne subsiste qu’une seule criée dans

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le Quartier maritime, celle de Ciboure (cf. dans la même partie, le chapitre 5 sur la commercialisation).

Conclusion

La présentation du domaine d’étude a montré des similitudes entre le domaine

physique (tracé des côtes, espèces pêchées), et le domaine économique (une activité en régression). Cependant, deux différences notables apparaissent : - l’activité halieutique et les paysages portuaires engendrés n’ont pas la même importance de part et d’autre de la frontière - le cadre institutionnel n’est pas de même nature : côté français, le département et la région ont des compétences partagées ; mais, côté espagnol, la Communauté Autonome dispose de pouvoirs beaucoup plus étendus concentrés auprès d’une même autorité, de moyens financiers largement supérieurs et son action est soutenue, voire déterminée par les cofradías pour la pêche dans le golfe, ce qui n’est pas sans conséquence pour le maintien d’une flottille, certes réduite, mais modernisée.

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CHAPITRE 3 LES PETITS MÉTIERS 26 ET LES ACTIVITÉS DE LA PÊCHE CÔTIÈRE

Les activités de la pêche maritime regroupent pêche artisanale et activité semi industrielle et industrielle. En Espagne, dans les pêches pratiquées le long de la côte Cantabrique, on distingue les pêches côtières (souvent avec des engins fixes) des pêches artisanales de "superficie" parcourant un espace maritime plus important pour capturer des espèces migratrices (généralement avec des engins de pêche traînants).

Les petits métiers de la pêche côtière, pratiqués dans presque tous les ports du littoral concernent en général des bateaux de faible tonnage dont la sortie en mer n'excède pas la journée. Parmi les techniques de pêche les plus représentées on trouve : les lignes verticales, les lignes dérivantes, les lignes traînantes, les filets droits de surface ou de fond et, beaucoup plus rarement, les casiers et nasses.

I- Les techniques et les engins de pêche

1- La pêche aux lignes

La pêche aux lignes verticales

Elle existait encore il y a quinze ans à Pasajes, San Sebastian, Guetaria, Elantchove, Bermeo et Fuenterrabia. Elle est pratiquée par des embarcations appelées merlutiers (merluceras). La flotte merlutière de référence étudiée ci-après appartient au port frontalier de Fuenterrabia (pêche au "pincho" ou hameçon) ( Motos L., Uriarte A., 1986). Cette pêche à la canne a commencé à l’aplomb du gouf de Capbreton en 1970. Antérieurement et depuis 1956, dans les mêmes zones de pêche, on utilisait des lignes verticales à main, munies de un ou deux hameçons ; après 1970 pendant quelques mois une vingtaine de merlutiers ont pratiqué la pêche avec des palangres de surface que l'on laissait dériver au gré du courant. Trop proches les unes des autres, elles s'emmêlaient. Cette dernière technique a été interdite jusqu'à 60 milles des côtes; depuis cette date s'est généralisé l'usage de la canne (6m de long à Fuenterrabia) au large de Capbreton. L'embarcation type de cette flotte merlutière avait 14m de long, jaugeait en moyenne 22 tjb (elles étaient plus petites dans les années 1960), un moteur principal de 140 CV et un équipage de 5 à 7 hommes, patron compris ; les bateaux disposaient de 6 à 8 cannes dont chaque ligne était munie d'une quinzaine d'avançons de 60cm terminés par un hameçon. La pêche était quasi continue, du lever au coucher du soleil, car des lignes préparées et boëttées demeuraient toujours en attente sur le

26 Le mot métier est utilisé dans l’enquête PECOSUDE pour désigner seulement un segment de flottille. Ce dernier est caractérisé par les engins utilisés, les espèces ciblées, les zones de pêche fréquentées et les saisons de pêche ( p.5 du rapport de synthèse final).

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pont. Cette pêche tient compte de la biologie du merlu qui se regroupe près du fond durant le jour, alors qu'il monte et se disperse vers les eaux de surface la nuit, à la recherche de nourriture. La même technique était utilisée pour pêcher le pageot rose pendant l'hiver au cours de sa migration saisonnière et parfois le maquereau au début du printemps. La quasi-disparition du pageot a fragilisé cette flotte merlutière qui a perdu là un poisson d'un rapport élevé, réduisant aussi les saisons de pêche. De ce qui précède, on peut retenir que le merlu et le merluchon constituaient l'espèce cible pêchée durant une bonne partie de l'année par des fonds de 180 à 350m sur les accores du gouf de Capbreton. Le déclin des stocks de cette espèce a entraîné une diminution drastique de cette flottille. La flotte merlutière de Bermeo était constituée de navires construits à la fin des années soixante dix, plus grands (22m de L, 50 tjb, 280 CV avec 6 à 10 pêcheurs) plus puissants, disposant d'une plus forte autonomie, à cause des grands déplacements à effectuer vers les lieux de pêche. Aujourd’hui, elle a quasiment disparu, les bateaux de Bermeo et de Fuentarrabia pêchent aussi pendant l'été le thon aux lignes traînantes (engin dénommé en espagnol cacea ou curricán). L’enquête PECOSUDE 2002, menée sur le Pays basque d’Espagne (chiffres de 1999), montre que cette technique de pêche est désormais très peu utilisée. Elle subsistait encore à Fuentarrabia.

La pêche aux lignes traînantes

Les merlutiers se transforment au cours de l'été pour pêcher le germon ou le thon rouge dans les eaux plus ou moins proches du golfe de Biscaye (figures 8 et 9). Ce type de pêche avec un leurre et un hameçon double (curricán) existe depuis au moins quatre siècles dans la pêche basque : il a constitué, avec une autre technique utilisée en Méditerranée, le premier mode de capture pour les thoniers jusqu'au milieu du XIXe siècle. A une vitesse de 4 à 6 noeuds, le bateau traîne quinze lignes fixées à quatre tangons ou perches aussi longs que le bateau en général. Ces derniers s'abaissent horizontalement, leur rôle étant d'écarter les lignes des remous de l'hélice. Chaque ligne est reliée au bateau par un "hale à bord" qui permet de virer le poisson dès qu'il est pris. Ce système adopté par d’anciens merlutiers (merluceras) est pratiqué sur la côte cantabrique par nombre d’embarcations. L’enquête PECOSUDE montre que 40 % des bateaux de pêche côtière ont utilisé cette technique. Autrefois, à Saint-Jean-de-Luz, à partir de 1933-1936, la pêche du thon à la traîne, avec des feuilles de maïs pour cacher l'hameçon avait été concurrencée par la pêche à la cuillère (fabriquée sur place de façon artisanale) mais sans la faire disparaître complètement. Cette méthode de pêche du thon a été remplacée à partir de 1948 par la pêche à la canne et à l'appât vivant conservé à bord. Dans les ports du Pays basque d’Espagne, en guise de leurre, on utilise des lamelles de caoutchouc aux couleurs variées, après avoir testé des morceaux de chiffon, des feuilles de maïs ou des lanières de plastique coloré, pour masquer l'hameçon double.

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Cette pêche à la canne et à l’appât vivant s’est répandue sur toute la côte (55 bateaux en Biscaye et Guipúzcoa en 1999).

Figure 9 : Thonier aux lignes traînantes, perches et lignes déployées pendant la pêche

(vue de dessus)

Source : Legarra J. (et ali) Artes de pesca en Euskadi 1984 Ecole de pêche maritime de Pasajes.

Figure 8 : Thonier avec ses tangons repliés ou merlutier transformé pour l’été.

Pêche aux lignes traînantes (cacea)

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La pêche aux lignes horizontales ou palangres

Il en existe deux grandes catégories (chacune avec des variantes), ▪ les palangres de surface, dérivantes, sont maintenues en superficie ou à une certaine profondeur au moyen de flotteurs régulièrement espacés. Elles peuvent atteindre, pour la pêche dans le golfe ou dans l'Atlantique, une longueur considérable ; les avançons (bouts de ligne munis d'un hameçon rattachés à la ligne mère ou principale) sont en moyenne plus longs et plus espacés que pour les lignes de fond. Elle est utilisée en Pays basque d’Espagne dans des fonds proches du littoral pour la pêche du bar et de sparidés. Ce métier se rencontre à St Jean-de-Luz, une dizaine de bateaux le pratique pour capturer les bars et les dorades. Au printemps, le maquereau est capturé "à la mitraillette" petite ligne à main. ▪ les palangres de fond, appâtées ou non, sont disposées sur le fond ou à proximité. Ces palangres ou "cordes", comportent une ligne principale, parfois de longueur importante, sur laquelle se fixent des avançons à intervalles réguliers de 3 à 5m . La palangre de fond appelée korda en Guipúzcoa et Biscaye (figure 11) est le plus ancien système utilisé sur la côte basque. Il a été interdit pendant des années car on croyait qu'il occasionnait de graves dangers pour la faune (ex. prohibition à Lekeitio en 1766). On capture avec cet engin des congres et merlus sur des fonds rocheux et la plate-forme continentale par moins de 150m de profondeur.

La palangre semi-pélagique, encore appelée piedra bola, pierre et boule, (figure 10) est apparue dans la décade des années soixante-dix, venue d’autres ports de la côte cantabrique et permettant de capturer le pageot et le merlu de moindre taille (pescadilla) ; sur la ligne principale maintenue au fond, alternent un lest (pierre) et un flotteur (boule) sur laquelle se fixent des avançons. La taille de la ligne est variable mais il existe un rapport entre sa longueur et celle du bateau. Ainsi à St Jean-de-Luz/Ciboure en 1992, 35 bateaux d'une longueur moyenne de 10m, de 100 à 180 CV de puissance et de 22 ans d'âge moyen, pratiquaient cette pêche à la palangre de fond27 avec des équipages de 1 à 3 marins (4 à 6 en forte saison) La ligne principale mesure en général 400m de long, armée de 400 hameçons et boëtée de sardines congelées ; on cale ces lignes sur les marges sud de la fosse de Capbreton dans des coins connus (les

kanttu), manœuvre délicate à effectuer à cause des courants marins et des fonds rocheux très irréguliers ; certains jettent 1000 hameçons d'autres 1600 à Ezkota où venaient pêcher les merlutiers de Fuenterrabia (Hondarribia). D'autres lieux de mouillage plus proches du port recueillent aussi la faveur des pêcheurs : Garro, Erreka, Miame, Doigt mordu.

27 Renseignements tirés de ALTXA MUTILLAK n°3 , 1993 , 60 pages. et de La pêche en Euskal Herria , volume 2 la pêche littorale, pp 117-220.

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Figure 10 : Palangre de fond, semi-pélagique dite de piedra bola (pierre et boule)

1 balise avec drapeau et réflecteur radar 2 flotteur de polyuréthane expansé 3 pierre de 6 à 8 kg 4 pierres de 1 à 1,5 kg 5 avançons espacés de 3 m environ 6 flotteur de petite taille

Figure 11 : Palangre de fond (korda) 1 balise 2 flotteurs 3 pierre de 6/8 kg 4 pierre de 1 kg 5 ligne et avançons (espacés de 3,5 à Source : Legarra J. Artes de pesca en Euskadi , 1984, Ecole de pêche maritime de Pasajes.

Sections de 25 à 50 hameçons

15 à 20 hameçons entre deux pierres

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Ce merlu de ligne pêché et déchargé dans la même journée à Ciboure constituait en criée un apport de 280 t. en 1991 (et 123 t. de congre) ; en 1992, il a constitué 80 à 90 % des apports d'une centaine de pêcheurs englobés dans ce type de pêche. Ces petites unités ne dédaignaient pas de pratiquer une autre technique durant l'été puisqu’ un bateau sur trois environ pêchait le thon rouge à la canne pendant l'été 1992. Des palangres à thons ont été testées à cette époque mais elles n’ont pas été adoptées par la flottille.

D'après “l'Encyclopédie sur la mer et les hommes en Pays Basque″, dans les

années quatre-vingts, les bateaux de Bermeo maniaient les palangres de la façon suivante Les plus nombreuses sont installées le matin; le départ du port a lieu vers 4 ou 5 h du matin, le largage se déroule avant l'aube et le retour se produit entre 12 et 17h ; s'il y a eu peu de prises, un autre largage a lieu l'après-midi. Lorsqu'elles sont placées après le milieu de journée, le départ se fait après le repas de midi jusqu'à environ 15h, le retour au port après largage des appareils intervient entre 17 et 18 h. Le jour suivant, à l'aube, le bateau atteint la balise localisant la palangre ; après il y a le relevage de la ligne et l'arrivée au port survient dans la matinée, avant un nouveau départ dans l'après-midi et ainsi de suite. L'embarcation peut aussi rester en mer entre le relevage et le nouveau largage. Dans les années 1980, des bateaux de Fuenterrabia pratiquaient aussi la pêche à la palangre de fond pour capturer en août-septembre le requin-taupe (marrajo) ; la marée durait 5 à 6 jours : après un départ le lundi à la tombée du jour, l'arrivée sur les lieux de pêche vers 22 h permettait un largage de nuit de l'appareil placé sous surveillance, virage le matin à l'aube, nouveau largage le soir, retour le samedi pour une vente en criée le lundi matin etc.

Lorsqu'un palangrier de pêche hauturière arrive dans les eaux communautaires il le fait souvent en fin d'après-midi pour pouvoir, une fois "transmise" la licence du bateau sortant, procéder à un premier largage de l'engin de pêche ; un tour de garde est institué pour surveiller l'appareil ; le matin suivant relevage de la ligne, puis nouveau largage dans l'après-midi, etc. Les lignes étant très importantes, le boëttage (c'est à dire le placement d’un appât sur chaque hameçon) demeure une opération très longue et fastidieuse : ce type de pêche trouve aujourd'hui de grandes difficultés à recruter des équipages localement.

2- La pêche aux filets maillants

Les filets de fond

Cette pêche est pratiquée essentiellement dans la frange côtière de la plate-forme continentale jusqu’à 50 brasses au large du Guipúzcoa et 40 brasses au large des côtes de Biscaye. L'exemple retenu est celui pratiqué sur les côtes de la communauté autonome d'Euskadi: la pêche avec des filets fixes calés au fond dans les eaux côtières

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(Puente E., 1990). Ce sont des instruments de pêche constitués de plusieurs panneaux de filets juxtaposés, installés sur les fonds marins au moyen de grappins, de petites ancres, restant en position verticale grâce à des flotteurs placés en surface. Il a été recensé trois grands types de filets fixes, selon leur taille, leur maillage (figure 16) : ▪ les filets maillants appelés localement beta mallabakarra (autrefois à petit maillage, actuellement la maille étirée mesure de 50 à 90 mm) ▪ les "rascos" ou filets à baudroie (maillage plus grand que ci-dessus) d'une taille de 2m à 2,5m de haut sur le talus du plateau continental. Il n’est désormais que très peu utilisé. ▪ le trémail avec ses trois filets superposés (appareil le plus utilisé en 1998, 58 % des navires d’après l’enquête PECOSUDE ). Ces apparaux de pêche, passifs, demeurent immergés un laps de temps variable fonctionnent comme des barrières lors des déplacements des poissons notamment là où ils viennent frayer. La technique du largage et du virage du filet est similaire pour les trois catégories, les profondeurs peuvent aussi être identiques, toutefois la durée de l'installation varie. ▪ les filets "mallabakarra" utilisés par des fonds supérieurs à 50m voire 100m (mailles de 70 à 90mm) ont pour cible les merlus de tailles différentes. Largués le matin, ces filets restent en place 24 heures, puis, après virage sont installés à nouveau jusqu'au lendemain. Les filets aux mailles de 50 à 66 mm ont pour cibles les merluchons et les rougets par des profondeurs inférieures à 60m. Posés avant l'aube, ils sont retirés de l’eau après le coucher du soleil.

Figure 12 : Schéma d’un engin de pêche : les filets fixes de fond

(les proportions de hauteur ne sont pas respectées)

Source : E.Puente La pesca con redes fijas de fondo en aguas costeras vascas

lest calage

1, 2, n : nombre de nappes de filet

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Le trémail permet de capturer une grande diversité de poissons dans des fonds le plus souvent inférieurs à 70m (vaseux pour la sole, rocheux pour la rascasse) où l'on trouve aussi la baudroie et des crustacés (araignées de mer et tourteaux). Le virage du filet se fait après un jour voire deux. Les "rascos" peuvent rester plusieurs jours par 50 à 90m de fond. Ils ont pour espèce cible la baudroie (ou lotte) à cause du grand maillage, mais piègent de même les raies. Le trémail est utilisé par un bateau de bajura sur six en 1999. Le filet "mallabakarra" le plus répandu vers 1990 est aussi pratiqué que le trémail A cause de sa polyvalence le trémail est utilisé toute l'année (mais principalement en hiver) alors que le "rasco" a un usage limité au printemps et à l'hiver. Le filet maillant s'utilise toute l'année mais son usage peut être volontairement interrompu au printemps par la pêche au maquereau réalisée à l'hameçon. Selon la présence ou l'absence des poissons cibles, le niveau des prix atteints en criée, les bateaux peuvent disposer de deux types de filets aux maillages différents afin d'accroître leurs prises et adapter leur stratégie de pêche à la saisonnalité des poissons (au cours d'une même saison ou campagne il peut y avoir recherche de deux espèces).

En 1989, 71 embarcations, généralement de petit gabarit (8 à 12m de long pour plus de la moitié des bateaux et un tonnage moyen de 10 tjb, un équipage de 3 à 5 hommes) pratiquaient ce type de pêche. La flottille se répartissait de la façon suivante : - 29 unités en Biscaye (dont 9 à Mundaka et 8 à Lekeitio) dont les 3/4 avaient moins de 10 tonneaux ; avec deux hommes à bord, les plus petites embarcations, se rencontraient surtout à l'ouest de Lekeitio. - 42 bateaux en Guipúzcoa ou leur nombre a progressé dans les années quatre-vingt, quatre-vingt-dix. Ce sont aussi les plus puissants (26 unités mesurent entre 10 et 15m de long, jaugent plus de 10 tjb). Les ports de Guetaria (14), Pasajes (9), et San Sebastián (7) possédaient les flottes les plus nombreuses. Ce mode de capture restait toutefois très minoritaire parmi les pêches artisanales en Pays basque (sur plus de 500 bateaux de bajura à cette date) et en nombre et en tonnage capturé.

Dix ans après en Guipúzcoa, le nombre s’est maintenu (44 unités et les 3 mêmes ports regroupent les trois quarts de cette flottille). Il a toutefois nettement augmenté en Biscaye sans doute par transfert de métier. Quelles sont les raisons expliquant le rôle relativement mineur de cette pêche ?

D'abord l'étroitesse du plateau continental certes mais surtout le caractère strict des réglementations édictées par les fédérations de Cofradías de chaque province (elles prennent des mesures de limitation pour l'exercice de la pêche aux filets fixes de fond dans les zones les plus proches de la côte).

Pour caler les engins de pêche, il y a des profondeurs à ne pas dépasser selon les endroits (40m, 50 ou 90 mètres) ou encore une distance vers le large à respecter (six milles en Guipúzcoa). En Biscaye s'ajoute une série de limitations en fonction des saisons, avec une modification de la profondeur (cf. la nouvelle réglementation de

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2001) ou l’interdiction d'un seul engin de pêche. Cela traduit la concurrence entre métiers et l'incompatibilité entre certaines techniques de capture sur un même espace.

Les filets maillants de surface

Cette technique des filets maillants droits est pratiquée au début des années quatre-vingt-dix par les pêcheurs du QM de Bayonne ; ceux-ci utilisent des filets droits flottants ou dérivants ; ils se répartissent inégalement selon les ports : pour une embarcation à Hendaye, Saint-Jean-de-Luz en possède 11 dont deux thoniers de vingt cinq ans d'âge reconvertis (cette catégorie n'était pas représentée dans le port il y a deux décennies) et il y en a 13 à Bayonne. Ces bateaux ont l'obligation de travailler au large où ils capturent le merlu et le thon rouge car l'espace côtier leur est interdit (voir carte,). Les bateaux filent de longues nappes de filets qui, dans l'eau, forment un véritable mur où viennent se mailler des espèces de surface (le thon) ou des espèces démersales (les merlus). Ces bateaux travaillent en particulier au large de La Rochelle, à l’aplomb du plateau de Rochebonne. Encore défendue il y a quelques années par les pêcheurs de l'île d'Yeu devant le commissaire européen chargé de la pêche, cette technique des filets maillants dérivants (volantas pour l'Espagne) est condamnée avec vigueur et interdite de l'autre côté de la frontière. Même s'il n'atteint pas de telles dimensions pour les bateaux luziens, le filet est constitué de 30 à 50 panneaux de polyamide (de 15 à 20m de haut pour le germon), il peut avoir une longueur de 2,5km, son calage, pour la capture des thons, se calque sur la profondeur de la thermocline, à chaque extrémité en surface se positionnent des balises de marquage. Le largage dure entre 25 et 40 minutes, le virage est assuré soit par poulie active soit par un tambour hydraulique; la durée du relevage est de 2 à 3 h. Cette technique a été expérimentée par l'IFREMER au cours de l'été 1986 pour la pêche au germon ; 20 bateaux la pratiquaient en 1988 et 41 en 1990. La capture de cette espèce avec des filets maillants a été prohibée en 2001 car l'accusation principale réside dans la non sélectivité des espèces pêchées et l'importance des captures accessoires (pour une bonne partie rejetée morte à la mer), la perte non quantifiée d'espèces lors du hissage ou des blessures graves de poissons qui se détachent provoquant une mortalité additionnelle non contrôlée. La généralisation de l'usage de ces techniques pour le germon aurait amené le stock nord atlantique à une situation critique.28

28 Critiques contenues dans l'ouvrage déjà cité : SANTIAGO J., la pesca de atún blanco en Euskadi . Campagnes 1990-1991, p 70

.

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II- La pêche côtière des ports du Pays basque d’Espagne

Dans le cadre d’une étude européenne sur les pêches côtières atlantiques des Pays de Loire au Portugal, le programme PECOSUDE (2002) a permis d’évaluer ces activités dans des zones ateliers dont font partie le Pays basque d’Espagne et le quartier maritime de Bayonne. Pour le Pays basque d’Espagne, AZTI et des universitaires de Navarre et de Biscaye ont été chargés de mener à bien cette étude (Puente E., Astorkiza I. 2002) Comme pour toutes les études du projet, en l’absence d’une définition précise, il a été imposé que l’activité halieutique réponde à l’un des critères suivants :

- une marée inférieure à quatre jours, effectuée dans les limites de la mer territoriale (limite des 12 milles)

- une pêche réalisée sur des fonds inférieurs à 1000 m (flottilles du Portugal et du nord de l’Espagne) par des bateaux ayant une longueur entre perpendiculaires, inférieure à 15 m. En utilisant le recensement officiel de la flotte29 (figure 17), les données d’AZTI et

des cofradías, 126 bateaux ont été recensés dans les 17 ports de Biscaye et du Guipúzcoa dont 96 ont été effectivement enquêtés ; parfois, pour les caractéristiques et les activités, il a été possible d’élargir à 22 autres bateaux de pêche (alors que les huit restants ont eu une activité de pêche très faible cette année là).

Figure 13 : Répartition par port de la flotte côtière artisanale du Pays basque d’Espagne

29 MAPA, recensement de la flotte de pêche au 31 décembre 1999

provinces ports Nombre de bateaux Nombre de bateaux enquêtés

Guipúzcoa (Gipuzkoa)

Hondarribia Pasajes

Donostia/S Sebastián Orio

Guetaria Zumaia Mutriku

8 12 14 2 17 1 4

7 9 12 0 16 0 3

Biscaye (Bizkaia)

Ondarroa Lekeitio

Elantxobe Mundaka Bermeo

Armintza Plentzia

Portugalete Santurtzi Zierbena

3 14 2 3 21 4 10 2 6 3

2 13 0 0 19 2 3 1 6 3

total 126 96

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Les 126 bateaux sont principalement basés dans six ports, 3 en Guipúzcoa (Guetaria, San Sebastián, Pasajes) et 3 en Biscaye (Bermeo, Lekeitio, Plentzia) regroupant 70 % de cette flottille. Figure 14 : Localisation des principaux ports de pêche de la flotte artisanale côtière du Pays basque d’Espagne

1- Les caractéristiques des navires et les engins utilisés

Les 96 enquêtes effectuées permettent de donner les paramètres moyens pour cette flottille en 1999 ; les bateaux ont une longueur de 10m, une jauge de 10,5 tjb, une puissance de 65 kW, 26 hommes à bord et une construction qui remonte à 1985 (toutefois, 56 % ont moins de 10m et moins de 5 tjb et 55 % affichent plus de 15 ans d’âge). Les caractéristiques techniques d’ensemble de cette flotte de pêche artisanale côtière ressortent dans les cinq graphiques ci-derrière

Source : Estudio técnico-pesquero y socio-económico de las pesquerías artesanales costeras del País Vasco Dir. Puente E., Astorkiza I., 2002

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Figure 15 : Caractéristiques techniques de la flotte artisanale côtière du Pays basque d’Espagne

Les embarcations de cette flotte côtière utilisent un large éventail d’engins de pêche au cours de l’année, en liaison avec l’espèce cible ou l’activité recherchée

Figure 16 : Engins de pêche pour les 96 bateaux

Basque/Espagnol Nombre de bateaux Pourcentage/total Trémail 56 58,3% Filet maillant de fond mallabakarra 55 57,3% Ligne à main 54 56,3% Ligne traînante curricán 42 43,8% Palangre de surface 25 26% Palangre de fond 22 22,9% Drague 16 16,7% Nasse ,casiers nasas 6 6,3% Palangre semi- pélagique

Piedra-bola 3 3,1%

Ligne verticale Pintxo 3 3,1% Bolinche cerco 2 2,1% Filet à baudroie rasco 1 1%

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Les engins de pêche les plus utilisés sont les filets maillants (58 % pour le trémail et 57 % pour les filets de fond) puis les lignes (ligne à main pour le maquereau : 58 % et lignes traînantes pour le germon : 44 %). Les palangres sont moins utilisées (25 % des navires) et les navires de l’Est du Guipúzcoa, avec une drague de fond, récoltent une algue rouge (Gelidium sesquipedale) arrachée par les tempêtes. Les engins les moins utilisés sont les nasses (7 %) et la canne (3 %) mais cette dernière équipait la flotte des merlutiers de Fuentarrabia (Hondarribia) il y a encore 20 ans ; le très fort déclin de cette pêcherie sur les accores du gouf de Capbreton explique la quasi-disparition de cette technique de pêche pour les petites embarcations. Selon la fréquence de l’utilisation de chaque engin au cours de l’année, il a été obtenu six groupes qui combinent les engins de pêche

Figure 17 : Principaux engins de pêche par groupe

1 2 3 4 5 6 Palangre de

surface Filet

maillant Lignes

traînantes trémail Filet

maillant nasses

Palangre de fond

trémail lignes Filet maillant

trémail trémail

Nasses lignes drague senne Lignes traînantes

Palangre de surface

lignes Nasses Nasses Lignes traînantes

lignes

Drague Lignes traînantes

filet maillant

Les espèces débarquées par cette flottille artisanale sont nombreuses mais sept espèces représentent 95% du poids total en 1999 qui s’élève à 6 161,7tonnes. Les débarquements enregistrés en criée montrent l’hégémonie du maquereau 72,8 %, devant tous les autres : germon 8,9 %, algue gélidium 7,9 %, merlu 2,3 % en très forte baisse depuis 1990, le congre 1 % et la lotte 0,6 %

Pour la même année, deux espèces dominent en valeur : le germon 35,3 % et le maquereau 22,1 % ( plus de 57 % en première vente), ils devancent le merlu 16,3 %, les rougets 3,3 %, la sole 2,8 % et la baudroie 2,6 %. Le montant total des ventes atteignait 8,935 millions d’euros.

De la même façon que précédemment, selon les captures effectuées, la typologie d’activité a permis aux enquêteurs de répertorier sept groupes.

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Figure 18 : Principales espèces pour chaque groupe

1 2 3 4 5 6 7 Baudroie rouget bar Sole poulpe Merlu germon

Merlu Merlu sparidés rascasse étrille germon Maquereau Sole Maquereau congre Baudroie bar Maquereau Merlu

Maquereau rascasse Sar crustacés seiche rouget Langoustine rouget Baudroie raie Merlu congre Sole tourteau

2- La typologie d’activités

En croisant les deux tableaux, sur les 42 combinaisons possibles (groupes engins

et groupes espèces), la typologie d’activité permet d’individualiser cinq groupes d’inégale ampleur parmi les 96 bateaux enquêtés : les caseyeurs, les palangriers, les petits et les grands fileyeurs et les petits thoniers (les 22 bateaux supplémentaires pourraient aussi se répartir dans ces groupes).

Parmi les données d’ensemble on peut retenir que le groupe le plus important est celui des petits fileyeurs (42 bateaux soit 35,6 % de la flotte côtière), les palangriers (28 % des bateaux) puis les petits thoniers (14,4 % des bateaux) et enfin les grands fileyeurs (11% des embarcations). Les caseyeurs regroupent les caractéristiques les plus modestes en tonnage et en puissance.

Figure 19 : Caractéristiques de la flotte artisanale côtière du Pays basque d’Espagne selon les typologies d’activités

Les valeurs moyennes sont accompagnées d’un trait noir qui représente l’écart type

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L’analyse de distribution des captures des dix premières espèces vendues en criée par la flotte artisanale côtière permet de constater que :

- les deux premières espèces (maquereau, germon) sont majoritairement débarquées par les bateaux de la plus grande taille

- les autre espèces débarquées sont en forte corrélation avec un groupe spécifique de la typologie ex : le merlu reste l’espèce cible des petits fileyeurs (79 % des débarquements) ; ces derniers capturent aussi 90 % des rougets, 96 % de la baudroie brune, les rascasses (82 %), la sole commune (80 %) ex : les espèces cibles caractéristiques de l’activité des ligneurs (palangriers) sont le congre et le bar.

Les caractéristiques de chaque groupe vont être étudiées ci-après (118 bateaux sont classés, et non 96, puisque leur activité halieutique est connue par les cofradías)

Les caseyeurs (13 bateaux)

Ce sont des petites embarcations (L : 8,25m , 52 kW, 7,4 tj) avec une moyenne de 2 hommes à bord. Leur activité est dominée par l’utilisation des casiers, d’autres engins peuvent être utilisés mais de façon très secondaire (filets maillants, palangres de surface et de fond, lignes à main). Ils débarquent surtout du maquereau, de l’algue rouge et des poulpes mais il y a sous-estimation des crustacés car la vente de ces derniers ne passe pas en criée.

La variation mensuelle des débarquements des cinq dernières espèces montre qu’il existe deux pics saisonniers marqués : un premier au printemps avec la capture du maquereau par les lignes à main et un second à l’automne avec le ramassage de l’algue brune alors que le poulpe est capturé toute l’année. Les revenus principaux sont issus de la vente des poulpes, du maquereau et du congre alors qu’au second semestre, le groupe autres espèces domine avec l’algue.

Les palangriers ( 33 bateaux)

Le groupe est composé de bateaux de petite taille (L : 8,35m 33 kW de puissance et 5,5 tjb) ayant plus de vingt ans d’âge avec de faibles effectifs humains. Les engins de pêche majoritairement utilisés sont des palangres de surface et de fond et , de façon

maquereau germon

Petits thoniers 40% 52%

Petits fileyeurs 31% --

Grands fileyeurs -- 33%

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temporaire, certains bateaux emploient des casiers, des filets maillants (filet droit et trémail). Les débarquements les plus significatifs sont le maquereau, l’algue brune, le congre, le bar et le merlu. En valeur, le maquereau supplante les revenus procurés par le bar, le merlu et le congre. Les débarquements mensuels sont fortement marqués par ceux du maquereau en mars - avril ; le congre en mai et l’algue brune en automne constituent des mises à quai beaucoup moins spectaculaires. Les revenus principaux sont assurés par le maquereau et le congre au printemps, le merlu, le bar et le groupe autres espèces en été ; l’activité ralentit beaucoup en automne - hiver

Les petits fileyeurs ( 42 bateaux)

Les navires ont plus grands et plus puissants (L : 10,2m 67 kW et 9,7 tjb), ils ont 20 ans d’âge environ. Les filets maillants (filet droit et trémail) constituent les arts les plus usités dans l’année et, de façon moindre, les lignes à main (maquereau) et les lignes traînantes (curricán) pour le germon. Le maquereau est la principale espèce capturée ; il domine de très loin l’algue, le germon et le merlu, alors que la valeur obtenue en criée met au premier rang me merlu puis le maquereau et le germon. La saisonnalité des captures montre clairement un pic majeur au printemps (maquereau) et deux ” pointes” secondaires, le germon en août et l’algue rouge en automne.

Les grands fileyeurs ( 13 bateaux)

Ce groupe se compose d’un nombre réduit de bateaux (L : 11,40m puissance 88

kW et 15,1 tjb, 3 marins à bord en moyenne) dont la construction est plus récente (de l’ordre de 10 ans). Les apparaux de pêche dominants, les filets maillants (filet de fond, trémail) n’empêchent pas l’utilisation saisonnière des lignes à main (maquereau) et des lignes traînantes (curricán). Les débarquements annuels en poids sont constitués par le maquereau principalement et secondairement par le germon et l’algue brune. En valeur, le germon procure de plus forts revenus, largement devant le maquereau ; des apports plus limités proviennent du merlu, de la sole et des rougets . Deux pics s’individualisent dans les débarquements, au printemps (maquereau) et en été (germon).

Les petits thoniers ( 17 bateaux)

Ce sont les plus grands bateaux de l’étude (L : 13,8m, 126 kW et 21,3tjb) de construction récente (moins de 7 ans d’âge) ayant 4 à 5 hommes d’équipage. Les engins de pêche sont la ligne à main (maquereau), les lignes traînantes (germon) et de façon très ponctuelle la drague (algue) et les filets maillants. Les débarquements essentiels sont réalisés au printemps et en été. Le germon procure l’essentiel des revenus devant

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ceux du maquereau et, dans une proportion moindre, le merlu, la baudroie et l’algue y concourent aussi. Enfin, deux senneurs (senne coulissante, bolinche ou cerco)( L :12,3m, puissance 79 kW et 16,4tjb) s’ajoutent à ces groupes. L’individualisation de ces métiers, leur répartition par port apparaissent bien sur la carte ci-après

Figure 20 : Répartition des bateaux artisanaux par port Petits thoniers Petits fileyeurs Palangriers Source : Estudio técnico-pesquero y socio-económico de las pesquerías artesanales costeras del País Vasco Dir. Puente E., Astorkiza I., 2002

3- Les interactions entre les pêcheries

Elles concernent la ressource d’une part et les espaces de pêche d’autre part.

Parmi les navires qui font l’objet de l’enquête, deux groupes entrent en compétition pour l’exploitation de la ressource. - les senneurs qui capturent de petits et de grands poissons pélagiques. - les chalutiers du littoral utilisant un chalut de fond à proximité de la côte. Outre l’anchois, les bolincheurs exploitent les pêcheries de maquereau et de thon : le maquereau à partir de mars au moment où la flotte côtière artisanale le capture avec des lignes à main. Pour le thon, les captures ne sont pas de la même importance mais celui-ci constitue l’espèce cible à cette époque de l’année pour ces navires.

Le cas des chalutiers du littoral est sensiblement différent : la plus grande interaction se situerait dans la capture du maquereau, mais il y a aussi concurrence avec d’autres segments de la flottille côtière pour la capture du merlu au cours du second trimestre, de la dorade (quatrième trimestre) et de la baudroie (premier trimestre). A

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partir des prises de l’an 2000, il a pu être établi la comparaison suivante en poids, à propos des captures des principales espèces : Flotte côtière artisanale Flotte des chalutiers du littoral maquereau 74 % merlan bleu 55 % germon 13 % maquereau 20 % algue rouge 6 % chinchard 16 % -------------- merlu commun 6% Merlu commun 1 % calmar 1 % dorade royale 1 % La concurrence pour les pêcheries du maquereau et du merlu apparaissent aussi pour la valeur des productions vendues en criées (année 2000) flotte côtière artisanale chalutiers du littoral germon 44 % merlan bleu 65 % maquereau 27 % merlu 20 % requin bleu 5 % chinchard 4 % merlu 5 % maquereau 4 % dorade royale 2 %

L’espace de pêche est un domaine convoité. La flotte artisanale côtière réalise des marées de très courte durée, ,généralement inférieures à un jour, donc ces bateaux se déplacent sur de très courtes distances à partir des ports . La plate-forme continentale est très réduite au large du Pays basque, elle ne mesure que 8 à 16 milles au maximum. Ses eaux font l’objet d’une occupation très dense par des bateaux qui n’utilisent pas les mêmes engins de pêche. L’interaction peut se répartir en trois groupes : - L’interaction entre bateaux de la même flottille travaillant avec les mêmes engins, souvent fixes (palangres, filets maillants et casiers). La réglementation prévoit une distance minimale entre la calaison des engins : les petits conflits inhérents à ce problème se résolvent en général sans grands préjudices. - L’interaction entre bateaux de la même flottille qui travaille avec des engins différents (arts « mineurs », engins fixes). La réglementation prévoit un partage de la zone de pêche mais les dommages produits sont en général supérieurs (rupture, dégradation des engins) à ceux du cas précédent. - L’interaction entre segments de flottilles différentes qui utilisent des engins de pêche différents. Ce cas, le moins fréquent, entraîne un préjudice considérable pour une des parties

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concernées : le plus souvent entre chalutiers du littoral et engins fixes. Pour une part il s’agit d’incidents à l’intérieur d’une zone permise à plusieurs modalités de pêche et dans une moindre mesure, pour une moindre part, cela intervient dans les zones interdites de chalutage.

Pour minimiser ces interactions, il existe une répartition des zones de pêche entre les différentes modalités de pêche pratiquées sur la plate-forme continentale et la mer territoriale

4- Les enquêtes socio-économiques

Les données économiques font référence à l’année 1999 ; sur les 96 navires enquêtés (sur 126), les réponses de 61 patrons, soit 2/3 du total, ont été analysées.

Figure 21 : Flottille totale et échantillon

Nombre bateaux

CAS PAL PFIL GFIL PTH BOL TOTAL

Flotte Nb %

13 10%

33 26%

42 33%

13 11%

17 14%

2 1,5%

126 100%

Echantillon Nb %

6 9,8 %

15 24,6%

20 33%

9 14,75%

9 14,75%

2 3%

61 100%

Dans cet échantillon, les patrons enquêtés sont en nombre équivalent à leur

représentation dans la flotte artisanale totale (à l’exception de la catégorie palangriers un peu sous représentée). Pour des raisons diverses, il a fallu changer environ 20 % de l’échantillon enquêté. Des difficultés ont surgi pour valider les réponses concernant les revenus de la pêche car au Pays basque d’Espagne, il n’existe pas de centre de gestion, la presque totalité des patrons doit effectuer elle-même ses comptes sans recourir à des experts-comptables. Il est important de signaler que leur obligations vis à vis du fisc ne les oblige pas à produire des livres comptables. Le résumé annuel des ventes de chaque bateau fourni par les cofradías est considéré comme suffisant.

Seules quelques autres rares sources permettent de recouper ces données économiques, parmi lesquelles les chiffres de l’enquête économique du secteur de la pêche basque publiés par le Gouvernement basque et celles issues des criées (captures

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mensuelles, prix moyens mensuels, recettes) pour un tiers environ des patrons ayant participé à l’enquête.

La comparaison entre les résultats obtenus par enquête et ceux provenant des données économiques précédemment évoquées montrent que les déclarations patronales sous-estiment les recettes encaissées, cela peut aller jusqu’à 30 %.

Les marins

Les pêcheurs de la flotte artisanale sont des pêcheurs professionnels à temps complet. La pluriactivité courante ailleurs, demeure ici quasi inexistante. Les marins pêcheurs ont un régime spécifique de Sécurité Sociale : le régime spécial des travailleurs de la mer : REM, dans lequel les maladies professionnelles et les accidents du travail sont à la charge du patron. La retraite des travailleurs de la mer relève d’un régime spécial de la Sécurité Sociale (décrets de 1970 et de 1990) . L’âge officiel de la retraite est fixé à 65 ans mais il peut être abaissé à un minimum théorique de 55 ans (il existe des coefficients réducteurs calculés sur la jauge des bateaux sur lesquels les marins ont pêché : moins de 10 tjb, de 10 à 50 tjb, etc.)

Les patrons avaient un âge moyen de 44 ans en 1999, plus élevé pour les caseyeurs, 55 ans (ce qui va poser rapidement le problème de la relève) et moindre, 47 ans, pour les petits thoniers. Moins de 30 % des patrons enquêtés disent avoir un successeur dans leur activité de pêche. Dans ce secteur où prédomine la propriété familiale, il était de tradition que le bateau constitue à la fois un lieu d’apprentissage du métier et un instrument pour accumuler le capital nécessaire à l’achat de nouvelle(s) embarcation(s). Ceci relève désormais d’un ”modèle” minoritaire mais les deux bolincheurs et les 2/3 des grands fileyeurs ont leur relève assurée (11 à 17 % pour les petits fileyeurs, caseyeurs et petits thoniers). A plus de 90 %,ces patrons sont originaires du Pays basque, des ports même, 3 % ont pour origine le littoral cantabrique et 5 % sont étrangers (par manque de relève locale pour s’investir dans l’activité halieutique). Environ 23 % des patrons déclarent avoir fait des études spécifiques pour cette activité, donc la connaissance empirique du métier domine. Pour 93 % les patrons sont propriétaires ou copropriétaires (62 %). Les 7 % restant sont des travailleurs qualifiés.

En définitive, dans la mesure où beaucoup d’entre eux n’ont pas de relève familiale, leurs bateaux seront vendus à des tiers ou désarmés selon les directives des POP de l’Union Européenne.

Les équipages sont composés, généralement, de 2 à 6 marins par bateau mais leur nombre varie selon les types d’embarcation et les engins utilisés par le navire. Un autre facteur peut interférer dans les effectifs embarqués, la saisonnalité des pêches. Le graphique de la page suivante permet d’apprécier ces variations.

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Figure 22 : Variation saisonnière du nombre de marins suivant les engins de pêche utilisés

No

mb

re

No

mb

re

No

mb

re

mois mois

mois mois

mois mois

LIGNES

FILET

AUTRES

CASIERS

BOLINCHE

PALANGRE

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Ces pêcheurs sont rétribués à la part selon la répartition classique suivante : des recettes brutes, on retire les frais communs (vivres, appâts, glace, caisses) ; le montant obtenu est divisé en deux parts : 50 % pour l’armement et 50 % pour l’équipage. Du montant total des sommes attribuées à l’équipage, on soustrait les charges sociales, puis le résultat est divisé par le nombre de parts à distribuer. Les cotisations sont calculées sur la base des revenus de l’année précédente, négociées par les cofradías et les OP avec le ministère du travail pour les groupes II et III (elles s’établissent par province, type de pêche et catégorie professionnelle).

Selon l’annuaire statistique du secteur agroalimentaire de 1999 publié par le gouvernement basque (Communauté Autonome du Pays basque), les recettes brutes par marin pêcheur, ont été de 8800 € pour l’année pour les bolincheurs. La différence avec la flotte hauturière est dans un rapport de 1 à 2,6 (23 300 €) et de 1 à 3,6 (31 700 €) avec les marins de la flotte des thoniers-senneurs-congélateurs.

A partir du résultat des enquêtes, et des estimations d’après les ventes (desquelles on a retranché les frais communs), les revenus des marins des grands fileyeurs et des petits thoniers sont supérieurs à la moyenne et donc à ceux des autre métiers de la flotte côtière. Si l’on considère les revenus nets tels qu’ils ressortent des enquêtes, les charges sociales représentent en moyenne 30 % du salaire brut, les fileyeurs payant plus tandis que les petits thoniers sont avantagés sur ce plan (19 % de charges sociales). Environ un quart des marins enquêtés ont recours aux marins de l’équipage pour réaliser des travaux de maintenance et 7 % font appel à une aide familiale pour les activités à terre (surtout les fileyeurs et les petits thoniers). Toutefois, sur les ports, il est fréquent de rencontrer des femmes de patron ou des membres de la famille qui assument des tâches liées à la commercialisation, en particulier la vente de poisson.

Les bateaux

La longueur moyenne est de 10,3m : les palangriers et les caseyeurs sont plus

petits (8,3m) alors que les bolincheurs et les petits thoniers ont les dimensions les plus grandes, les plus fortes jauges, avec les moteurs les plus puissants.

Lorsqu’il y a eu remotorisation des bateaux existants (28 % des cas), elle s’est accompagnée d’un accroissement de puissance car l’entrée de l’Espagne dans la CEE a impliqué l’adoption des critères de renouvellement des P.O.P (un navire neuf de remplacement doit avoir une jauge égale ou inférieure au bateau désarmé alors que le facteur puissance, lui, n’a pas été limité). La majeure partie des bateaux enquêtés ont une coque en bois (67) et secondement en polyester (30 %,surtout des caseyeurs et des palangriers).

Ils ont été achetés neufs pour 44 % (les petits thoniers et les caseyeurs sont largement au-dessus de cette moyenne), l’âge moyen des embarcations au moment de l’enquête était de 11 ans.

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La limitation de la construction des unités neuves (cf. la participation aux P.O.P) se traduit par un développement du marché de l’occasion : l’achat des navires d’occasion est beaucoup plus fréquent aujourd’hui alors que, entre 1970 et 1986, les achats de bateaux neufs étaient majoritaires. Ce caractère a sans doute été renforcé par un décret de 1995 qui accorde des primes au désarmement des navires de moins de 15 ans d’âge, supérieures à celles obtenues pour des embarcations de plus de 15 ans.

Qu’ils soient neufs ou d’occasion, les achats de bateaux sont payés à 52 % par autofinancement et subventions, à 48% par un financement extérieur (emprunts)

Lors de l’enquête, il a été constaté que 82 % des patrons avaient contracté une police d’assurance (mais un tiers des caseyeurs et palangriers n’en possèdent pas). D’autre part, la valeur assurée demeure systématiquement inférieure à la valeur estimée du navire.

Les structures

La flotte artisanale (tous les patrons enquêtés) est encadrée par les cofradías. Ces dernières sont des associations professionnelles de forme corporative pour lesquelles les organes de direction intègrent de façon paritaire patrons et travailleurs.

Ce sont des associations professionnelles privées soumises au droit privé qui revêtent, à cause des compétences dévolues par l’administration publique, des qualifications comme les corporations de droit public.

Ainsi l’Etat et l’administration leur concèdent la capacité d’intervenir dans les plans de pêche, la commercialisation en première vente, la gestion des statistiques de pêche, dans la mise en place des moyens pour faire des économies d’échelle (avitaillement des navires, fabrique de glace). Elles possèdent aussi un rôle consultatif auprès de l’Etat pour l’élaboration et l’application de la politique de pêche.

C’est la continuation d’un rôle historique d’intermédiaire entre administration et pêcheurs (voir la deuxième partie, chapitre 6). Elles gèrent aussi les paiements des cotisations à la Sécurité Sociale et les versements au titre de l’ I.V.A.

Pour s’adapter à la législation européenne, les Fédérations provinciales des Cofradías de Biscaye et du Guipúzcoa constituèrent respectivement leurs OP (OPAESCAYA en Biscaye, OPEGUI en Guipúzcoa) de façon que tous les membres d’une cofradía appartiennent automatiquement à l’OP provinciale correspondante, ce qui n’est pas toujours le cas dans les autres régions maritimes du littoral espagnol.

Certains aspects de la vie professionnelles n’étant pas couverts par les Cofradías, plusieurs associations d’armateurs ont surgi au Pays basque : l’une d’elles à Bermeo et une autre en Guipúzcoa. Dans les deux cas, il s’agit d’une adhésion volontaire et seuls 10 % des patrons enquêtés appartiennent à ces associations (surtout les petits thoniers). Dans la seconde, à l’origine il s’agissait de créer une mutuelle de secours et d’importer des sonars ; aujourd’hui l’activité principale concerne les prêts et les subventions.

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Les ventes

Les recettes moyennes par navire sont de 65 300 € en 1999 mais elles fluctuent entre 144 200 € pour les petits thoniers et 102 600 pour les grands fileyeurs tandis que les palangriers ont des recettes nettement inférieures (28 500 €). Quelles sont les recettes par engin ?

Les recettes obtenues par la vente de poissons sont apportées principalement par les lignes (60%) puis les filets (14%), la bolinche (10%), les casiers (9%), la palangre et les autres30 modalités extractives.

Dans chaque groupe identifié au début de l’étude, l’engin de pêche qui le caractérise apporte le plus souvent la majorité des recettes (figure 23 ci-dessous)

L’anomalie réside uniquement dans le groupe grands fileyeurs dont les recettes

proviennent à 81 % des lignes : 54 % des recettes sont issues des captures de thonidés par des lignes traînantes et 27 % de la capture des poissons pélagiques (maquereaux et chinchards) capturés avec des lignes à main. En moyenne les apports majeurs sont constitués par des poissons pélagiques (67 % dont 35 % pour les thonidés et 32 % pour les autres dont le maquereau et le chinchard).

Le second groupe est formé par les poissons téléostéens (19 % : poissons de fond et sparidés) et enfin le dernier (10 %) regroupe les céphalopodes et les crustacés. Les algues n’ont qu’une part marginale (1 %) mais peuvent constituer un apport appréciable de revenus pour quelques embarcations du Guipúzcoa .

30 Drague pour les algues, chalut pour les civelles

CAS PAL PFIL GFIL PTH BOL

Casiers 85 % 26 %

Palangres 5 % 48 %

Filets 49 % 17 %

Lignes 49 % 81 % 98 % 14 %

bolinche 86 %

100 % 100 % 100 % 100 % 100 % 100 %

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Figure 24 : Répartition des recettes par engin

Répartition des recettes par engin

f ilets14% palangres

6%

casiers9%

autres1%

lignes60%

bolinche10%

Typologie PAL : Répartition des recettes par engin

f ilets14%casiers

25%

autres4%

lignes9%

palangres48%

Typologie CAS :répartition des ressources par engin

autres7%

palangres5%

lignes3%

casiers85%

Typologie PFIL: ré parti tion de s rece ttes par e ngin

palangres0%

lignes49%

casiers2%

filets49%

Typologie GFIL : répartition des recettes par engin

filets17%

cas iers1%lignes

82%

Typologie BOLINCHE : répartition des ressources par engin

lignes14%

bolinche86%

Typologie PTH : répartition des ressources par engin

autres1%

palangres1%

lignes98%

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Quelles sont les modalités de la commercialisation des produits de la pêche ? Seuls 8 % des patrons enquêtés déclarent affecter une petite partie de leurs

captures, 1 à 2 %, à la consommation familiale. Le poisson capturé par des groupes sélectifs, débarqué après une marée journalière possède un degré élevé de qualité. Il est disposé en caisses à bord sans avoir été traité ou transformé. La Cofradía est la base de cette vente en criée : 63 % de la valeur moyenne des ventes de cette flottille passe par les criées gérées par les Cofradías du Pays basque (les petits thoniers y vendent la totalité de leurs débarquements). Les 37 % restants regroupent les autres canaux de commercialisation

• presque 1 bateau sur 4 vend directement au port ; en principe, cette vente est assurée par les femmes des patrons pêcheurs (1 grand fileyeur sur 2 fait de la vente directe au port)

• les poissonneries traditionnelles achètent parfois directement aux producteurs (1 caseyeur sur 3, presque 1 grand fileyeur sur 2)

• la grande distribution attire un grand fileyeur sur trois.

Les consommations intermédiaires

Figure 25 : les consommations intermédiaires par métier

Elles s’élèvent en moyenne à 13 100 € par bateau mais ce chiffre atteint plus de 20 000 € pour chaque grand fileyeur ou petit thonier. La majeure partie des coûts provient du combustible (27 %) et des engins de pêche. Un deuxième groupe parmi les consommations intermédiaires réunit les postes : réparations du navire (13 %), primes

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%

CAS

PAL

QFIL

GFIL

PTH

TOTAL

huiles appât glace aliments engins réparations du bateau combustible assurances

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d’assurances (13 %) et vivres (11 %). Selon les spécificités du métier, tel ou tel poste apparaît beaucoup plus conséquent que la moyenne ; par exemple, 52 % pour les engins de pêche des caseyeurs ou 22 % pour les vivres des petits thoniers.

La valeur ajoutée

Elle résulte de la différence entre les recettes brutes, issues de la première vente, et

les consommations intermédiaires : combustible, engins de pêche et appâts, glace, réparations du bateau, vivres.

La valeur moyenne obtenue par cette flotte côtière en 1999 a été de 63 200 € avec des données nettement plus basses pour les caseyeurs et les palangriers (20 000 €) et des chiffres bien plus élevés pour les embarcations les plus grandes et les plus puissantes (100 000 €), c’est à dire les grands fileyeurs et les petits thoniers. La rentabilité (l’excédent brut d’exploitation) de cette activité halieutique est la plus forte pour ces deux derniers groupes.

Parmi les autres valeurs dégagées par l’étude socio-économique, on peut retenir aussi les revenus bruts31à répartir parmi les membres de l’équipage (en excluant bolincheurs et caseyeurs) : la moyenne était de 23 700 €, les petits thoniers avec un total 28 100 € et les grands fileyeurs avec 31 300 € se situant au-dessus de la valeur moyenne.

Conclusion

En 1999, la pêche artisanale côtière du Pays basque d’Espagne regroupait 126 bateaux sur les 340 du secteur artisanal (flotte de bajura). Parmi les navires de la pêche côtière, l’étude a permis d’individualiser cinq groupes de métiers auxquels les responsables de l’étude socio-économique ont choisi d’ajouter deux bolincheurs qui entraient dans les critères de définition de l’enquête. Cette dernière menée sur les résultats de 1999 a abouti aux constats suivants :

• le bateau moyen a 10,3m de L, 11,1 tjb et une puissance de 69 kW ; la coque est en bois pour les 2/3 d’entre eux et dans plus de 90 % des cas les patrons sont propriétaires ou copropriétaires de l’embarcation.

• La totalité des patrons et des équipages (2,5 hommes par bateau, patron compris) se consacre à cette activité professionnelle à temps complet, la pluriactivité est inexistante. La rétribution à la part est l’unique moyen de rémunération utilisé.

• L’âge moyen des patrons est de 44 ans en 1999 (55 ans pour les caseyeurs) et 1/3 d’entre eux doit se retirer avant 10 ans (soit 2009)

31 Revenus bruts : recettes brutes moins les frais communs (appât…glace…vivres…caisses...emballages...et taxes portuaires)

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• La valeur moyenne estimée du bateau est de 95 100 € (mais il y a sans doute une surestimation de la valeur de l’embarcation à cause de la hausse du prix des navires d’occasion avec l’instauration du P.O.P et de ses critères ) dont la valeur assurée atteint environ le tiers .

• Les meilleures rentabilités sont obtenues par les grands fileyeurs et les petits thoniers

• 63 % des recettes proviennent des ventes en criée, ce qui laisse de larges plages d’incertitude pour l’évaluation des rentes directes (étal, poissonneries, grande distribution). On peut affirmer que pour les recettes, il y a une importante sous-évaluation , ce qui rend aléatoire la comparaison avec la flottille équivalente opérant à partir des ports de la côte basque de France et du sud des Landes.

III- La pêche côtière des navires du quartier maritime de Bayonne

1- les pêches côtières du littoral atlantique français

Pour évoquer le pendant des pêches côtières du Pays basque d’Espagne nous

aurons recours au rapport du contrat européen PECOSUDE32 (coordination IFREMER) concernant la France et en particulier le sud du golfe de Gascogne. Le littoral atlantique étudié s’étend de la Loire à la frontière franco-espagnole. Dans un rapport de synthèse pour le littoral français J.P. Léauté présente le récapitulatif suivant qui regroupe le nombre de navires, l’importance de leurs débarquements et la valeur de ces derniers en 2000 :

Chalutiers pélagiques

fileyeurs Palangr. Chalutiers côtiers

Chalutiers de fond

estuariens totaux

Nb de navires 49 209 201 60 136 195 1435 Débarquements (en tonnes)

6407.2 3459.4 3318.0 370.1 4598.6 649.6 20257.7

Valeur (millions € )

9.0 21.3 11.0 3.3 17.0 3.7 80.6

En fonction des critères retenus pour l’étude PECOSUDE, certains navires

mentionnés ci-dessus ont été écartés de l’enquête socio-économique. Environ 30 % des chalutiers pélagiques sont actifs dans la zone côtière, mais seuls

4 sur 49 ont une dimension inférieure à 15m de long. Les fileyeurs utilisateurs de palangres, regroupent des ensembles bien distincts : les navires côtiers (147) d’une part et les navires hauturiers (une soixantaine) d’autre part ; seuls les premiers ayant une

32 LEAUTE J.P., CAILL-MILLY N., Rapport final du contrat PECOSUDE intitulé « Caractéristiques des petites pêches côtières et estuariennes de la côte atlantique du sud de l’Europe » France Sud du golfe de Gascogne, Ifremer 2002, 149 p. plus annexes.

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longueur inférieure à 15 m ont été pris en compte dans l’étude économique de même que la presque totalité des palangriers (195 sur 201).

L’étude socio-économique porte sur 1 242 navires dont la base (population mère) est de 910 embarcations. Parmi ces dernières, nous trouvons 99 fileyeurs et 178 palangriers ; ces deux « strates » intéressent notre travail mené sur la côte basque et les enquêtes portent respectivement sur 54 et 43 navires. Une large partie des enquêtes pratiquées entre Pays de Loire et Bidassoa, en particulier celles du sud des Landes et de la côte basque, ont été réalisées par E. Leblond33. Dans son mémoire fondé sur la réalisation et l’exploitation de cent enquêtes, 42 se rapportent aux palangriers et aux fileyeurs côtiers dont 12 ont été pris dans le quartier maritime de Bayonne (QMB).

2- Navires et pêcheurs de la pêche côtière du quartier maritime de Bayonne

En 2000, dans le quartier, 105 navires ont été recensés comme pratiquant la pêche maritime (hors estuaire, on comptait à l’époque une soixantaine de couralins sur l’Adour). Pour notre travail, Il faut retirer de cette liste 57 embarcations qui ne répondent pas aux critères de taille ou de lieux de pêche ou d’activité : - 5 thoniers canneurs pêchent les thonidés tropicaux à l’appât vivant au large du Sénégal et restent basés à demeure à Dakar. - 30 navires dits ”franco espagnols”, chalutiers et fileyeurs de plus de 20m opérant dans le Golfe de Gascogne et à l’ouest des Iles Britanniques. - 20 chalutiers (19 % de la flottille) travaillent le plus souvent en bœufs au chalut pélagique, utilisant à l’occasion un chalut à petit maillage pour capturer anchois, maquereaux ou chinchards lorsqu’ils interviennent à proximité ou dans la zone côtière, mais ils vont être étudiés dans le chapitre suivant car ils dépassent largement les 15 m de longueur (il y aussi deux fileyeurs de 16 m).

Sur les 48 embarcations restantes, onze n’ont pas été échantillonnées (thoniers et bolincheurs principalement) tandis que 37 navires (24 fileyeurs, 3 palangriers et 10 polyvalents utilisant deux ou trois engins de pêche) répondent aux critères de l’enquête PECOSUDE ; parmi ces dernier, douze ont été enquêtés, soit un sur trois environ. Dans les paragraphes qui suivent nous présentons les caractéristiques et les résultats de l’ensemble des palangriers et des fileyeurs côtiers des trois régions Aquitaine, Poitou-Charentes et Pays de Loire (notées Littoral Atlantique L.A dans les tableaux) d’une part et celles et ceux du quartier maritime de Bayonne d’autre part (QMB). Les palangriers utilisent les lignes comme engin principal ( mais aussi des filets ou des casiers au cours

33 LEBLOND E., Etude socio-économique de la petite pêche côtière française du sud du golfe de Gascogne : application à 5 strates de navires de la typologie du projet PECOSUDE , ENSAR IFREMER, Rennes, 2001, 61 p.

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de l’année) alors que les fileyeurs adoptent parfois la palangre comme engin complémentaire.

Quelles sont les caractéristiques des navires ayant été retenus par l’enquête ? Le tableau ci-après montre deux ensembles, l’un illustre les données des navires

du littoral atlantique (L.A.) et l’autre regroupe celles du quartier maritime de Bayonne (QMB).

De façon générale les navires locaux sont plus longs, plus puissants, de

construction plus récente que les embarcations de la même strate du littoral atlantique : ils atteignent et dépassent les dimensions des navires les plus longs c’est-à-dire les chalutiers côtiers (11m) et de fond (11.5m).

Si l’on se réfère au Pays basque d’Espagne, la comparaison de taille peut se faire avec les grands fileyeurs (11,4m) mais la puissance est ici deux fois plus forte ; de même les palangriers locaux ont des caractéristiques (longueur, puissance, jauge) plus élevées que celles des caseyeurs et des palangriers du Pays basque d’Espagne. Le matériau de la coque est majoritairement en polyester (60 %) qui progresse, en particulier parmi les constructions récentes au détriment du bois qui constitue les coques les plus vieilles. Souvent les navires ont été achetés d’occasion comme sur le littoral atlantique : 62 % pour les palangriers et 59 % pour les fileyeurs. Au fil du temps, en particulier avec la mise en place de la Politique Commune de Pêche et de son volet structurel (les P.O.P) qui encadre et participe à la réduction de la flotte, les achats de navires d’occasion sont supérieurs aux achats neufs.

Longueur L.A QMB

Puissance L.A QMB

Jauge L.A QMB

Age du navire en 2000 L.A QMB

palangriers 9.1 11.4 84 104 6.7 12.7 19 ans 22.6 ans

fileyeurs 10.1 11.8 133 192 9.5 14.8 16 10.3

Figure 26 : Evolution des achats neufs et d’occasions des navires sur le littoral atlantique

(à l’exception de la conchyliculture et de la petite pêche)

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Pour mieux gérer les POP et l’évolution de la flottille, l’Etat a mis en place le Permis de Mise en Exploitation (PME) devenu obligatoire depuis 1991 pour un accès à l’activité de pêche. Cela signifie que la construction d’un bateau neuf est difficile parce que soumise à l’obtention préalable et indispensable de ce document administratif. Pour les patrons l’alternative réside dans l’achat d’un navire d’occasion, donc détenteur d’un PME ; cette tendance est observée sur le littoral atlantique mais encore très peu dans le quartier de Bayonne car les fileyeurs (10,3 années de moyenne) ont été construits avant 1991 (3 navires sur 12 depuis cette date) et les palangriers, bien plus anciens ont tous été remotorisés.

Parmi les navires enquêtés, les palangriers utilisent toujours 1 à 3 engins de pêche complémentaires (casiers, filets, bolinche, drague) alors que plus de 70 % des fileyeurs n’utilisent que les filets maillants, la palangre étant l’engin de pêche complémentaire pour un tiers d’entre eux. L’activité des navires peut être mesurée par le nombre de jours de mer mais c’est une image imparfaite ou incomplète : le temps de pêche ne se confond pas forcément avec le temps passé en mer car le temps du trajet est inclus mais des engins dormants mouillés peuvent ” pêcher” alors que le navire se trouve au port. Le nombre de jours de mer chez les palangriers est de 190, et de 221 chez les fileyeurs dont les patrons sont pluriactifs.

Les enquêtes socio-économiques ont permis d’isoler certaines données concernant les patrons et leurs équipages.

Les navires du quartier maritime de la côte basque et du sud des Landes divergent

avec ceux du littoral atlantique quant à l’effectif des équipages ; ils sont plus nombreux et cela tient sans doute à la taille des navires et aux engins utilisés au cours de l’année. Il n’y a pas de patron seul à bord comme pour les navires estuariens de l’Adour, la petite pêche du bassin d’Arcachon etc. Les équipages participent aux travaux d’entretien à terre et la participation familiale intervient presque dans chaque cas, c’est souvent la conjointe du patron qui tient la comptabilité de l’entreprise (même si en moyenne 3 patrons sur 4 ont recours à un groupement de gestion ou à un comptable). La famille joue un rôle important dans la commercialisation des produits car, par exemple à Bayonne et à Capbreton où il n’y a pas de criée, la vente s’effectue sur les étals qui portent le nom de chaque bateau, le long de l’Adour pour l’un et sur les quais du port pour le second.

Comme dans la plupart des cas pour la pêche côtière et artisanale, la rétribution des marins se fait à la part après avoir retiré les frais communs du chiffre d’affaires, le

Age moyen du patron (ans)

LA QMB

équipage effectif moyen LA QMB

Navires avec patron seul %

LA QMB

Navires avec équipage %

LA QMB Palangriers 41 38 1,7 3,4 43% 0% 57% 100% fileyeurs 40 43 2,3 3,4 26% 0% 74% 100%

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solde est diminué de la part armement. Souvent, au cours de l’enquête, les patrons n’ont pas pu distinguer les charges sociales et salariales (9 à 13 % du CA), donc dans le résultat présenté toutes les charges sont déduites. Le solde net à partager pour les équipages des navires du littoral atlantique est présenté ci-dessous

Figure 27 : Recettes à partager (milliers d’euros)

Net à partager Salaires bruts par bateau par personne par bateau par personne

Fileyeur 129,7 48 ,8 66 23,5 Palangrier 66,6 37,7 40 18 Chalutiers 103,3 51,7 56 26

Tous les navires 67,5 35,6 50 21

Le net à partager est réparti entre la part équipage (45 % en moyenne) et la part armement (55 % maximum). La part équipage est ensuite distribuée entre les marins selon la fonction de chacun

Quelles sont les recettes tirées de l’activité halieutique ? Malgré la diminution de la ressource et des stocks exploités, les chalutiers, côtiers et de fond, et les fileyeurs sont les deux groupes qui réalisent les plus forts chiffres d’affaires, même si leurs recettes de l’année 2000 sont en retrait par rapport aux mêmes types de navires du sud de la Bretagne.

Pour le groupe des fileyeurs du QMB, la moyenne a été de 192 745 €, supérieure à celle du même groupe du littoral atlantique (cf. enquête PECOSUDE) qui, la même année, atteignait 144 400 € (elle est aussi supérieure pour les palangriers).

La ventilation du chiffre d’affaires des fileyeurs par espèce laisse très peu de place à la capture des poissons pélagiques, coquillages et crustacés (7 % du total) et attribue 60 % au groupe poissons blancs (merlu, bar, dorade, rouget, congre) et un tiers environ aux poissons plats (sole principalement). Pour l’échantillon du QMB, les fileyeurs dégagent la plus forte valeur ajoutée (CA diminué des consommations intermédiaires) des différents segments de la flotte côtière, avec 136 170 € (108 300 € pour les fileyeurs du littoral atlantique) sachant que le carburant et les engins de pêche entrent pour 60 % des consommations intermédiaires.

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Conclusion

A l’exception des caractéristiques techniques des navires (longueur, jauge, puissance, âge), il n’est guère facile de comparer les résultats économiques des différents métiers de part et d’autre de la frontière. Côté espagnol, il y a une sous-évaluation du chiffre d’affaires, car 60 % de ce dernier étant réalisé en criée, cela accroît les incertitudes des données finales.

Les points de convergence pourraient être les suivants :

• Ce sont les navires les plus grands (10-11m à 15m) qui réalisent les chiffres d’affaires les plus élevés

• Le groupe des grands fileyeurs dégage les plus fortes valeurs ajoutées laissant assez loin celui des palangriers si l’on s’en tient aux segments présents des deux côtés (car si dans l’échantillon choisi avaient figuré des navires polyvalents de Saint-Jean-de-Luz, ils auraient pu être comparés à l’activité et aux résultats économiques des petits thoniers du Pays basque d’Espagne).

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Chapitre 4 DE LA PÊCHE ARTISANALE À LA PÊCHE SEMI-INDUSTRIELLE

I- Les techniques de pêche des thoniers-senneurs et les pêches

artisanales de surface.

Les migrations saisonnières d'espèces pélagiques (sardines, anchois, thons et maquereau principalement) ont conditionné le rythme de pêche des marins et la configuration des navires depuis quatre décennies : durant cette période ils n'ont guère évolué, sinon en taille et dans les instruments de détection et de communication embarqués. Ils doivent toujours permettre de pêcher le thon à la canne (germon, bonite, thon rouge) et les espèces se déplaçant par banc (anchois, maquereaux, chinchard, sardine) au filet tournant coulissant ou senne (bolinche ou cerco).

1- La pêche des petits poissons pélagiques à la senne tournante et coulissante

Ce filet coulissant serait apparu en Europe en 1878 et vers 1880 sur la côte

Cantabrique ; les deux provinces maritimes du Pays basque d’Espagne l'utilisent dès cette époque et Saint-Jean-de-Luz en 1922. Il était de petite dimension à l'origine (84m sur 26m pour un maillage de 9mm) car actionné dans ses débuts à partir de traînières (à rames). Avec la vapeur et plus tard le moteur diesel le bateau accroît sa puissance, et le filet, sa taille. Les bateaux de la période 1960-1990 mesurent entre 18 et 30m de long et jaugent de 49 à 125 tjb. Les bateaux les plus grands et les plus puissants (construits au milieu des années 1960 pour 70 % d'entre eux) se trouvent dans les ports d'Orio et de Guetaria : ils ont une plus grande rapidité pour entourer le banc et pour arriver dans les premiers à la criée. Il y a des variantes entre les filets de printemps et d'été, voici quelques exemples dans l'ouvrage de référence pour notre région (Legarra J. 1984) : ”- bateau d'Orio : L 27m, 118 tjb, moteur de 430 CV, filet de printemps

L 284m , hauteur 54m

- bateau de Bermeo : L 27m, 130 tjb, moteur de 400 CV, filet de printemps L 319 m, hauteur 60m

- bateau de Lekeitio : L 25 m, 115 tjb, moteur de 350 CV, filet d'été L 245m

hauteur au centre 48m”

Il existe un rapport entre la taille du filet, celle du bateau et sa puissance. Les bateaux luziens, plus petits, ont des filets qui descendent moins profondément dans l'eau (en général 45m alors que les filets biscayens ou Guipuzcoans s'enfoncent de 55-60m). Cela explique que cette technique ne peut atteindre l'anchois en hiver car ce dernier se déplace à une profondeur d'une centaine de mètres (mais les chalutiers pélagiques y parviennent). Le repérage des bancs a été rendu plus facile depuis trois

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décennies par l'adoption de nouvelles techniques embarquées (repérage latéral et en profondeur) ; le travail des marins a été grandement facilité par l'implantation à bord de la poulie active (power block ou poulie motrice) pour le hissage du filet, travail harassant effectué autrefois à la main justifiant la présence à bord.de nombreux matelots.

L’engin de pêche est un grand rectangle de filet avec lequel le navire entoure le banc de poisson. La partie inférieure est pourvue d’anneaux dans lesquels passe un câble qui, une fois complété le cercle, ferme l’engin par dessous en emprisonnant le banc de poisson dans la poche. La partie supérieure est munie de flotteurs qui forment une barrière en superficie alors qu’un lest placé dans la partie inférieure assure l’extension verticale du filet. La figure 28 permet d'identifier les différentes phases de la pêche à l'anchois entre le repérage, l'encerclement du banc, le boursage (grâce à la coulisse située à la base du filet) et le hissage.

L'anchois, poisson très fragile (cf. son aspect et ses caractéristiques lors de la vente), est puisé dans la poche constituée par le filet grâce à une salabarde, pour être mis sur le pont ; à l’heure actuelle, en 2006, les bateaux de Guetaria “aspirent” le poisson pris dans la senne à l’aide d’une pompe. Ce poisson est pêché pour lui-même ou pour servir d'appât vivant pour la pêche du thon (été, automne), auquel cas près d'une tonne est conservée à bord dans les viviers. Pratiquée il y a trente ans au large de la côte Cantabrique par environ 600 embarcations espagnoles, dont plus de deux cent issus des ports basques, cette pêche saisonnière ne concerne plus que 250 unités aujourd'hui (tout au moins pour l'anchois). Ce sont, pour l'essentiel, des bateaux immatriculés dans les ports du Pays basque d’Espagne et, pour quelques dizaines seulement, dans ceux de la province voisine de Cantabria (Laredo, Santoña, Santander). L'anchois a pratiquement disparu dans l'ouest Cantabrique précipitant la forte diminution des flottilles de Galice et des Asturies. Quant aux bateaux luziens, des 75 thoniers d'antan utilisant le filet bolinche au printemps pour capturer l’anchois, il ne reste plus aujourd'hui que trois embarcations dans le port et une seule à Hendaye.

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vent

Direction du banc

Figure 28 : La pêche de l’anchois

au filet tournant : les différentes phases

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2. La pêche du thon à la canne

La technique a été maintes fois décrite ainsi que le rôle précurseur des Luziens pour la pêche du thon à l'appât vivant depuis 1947 ; elle eut pour origine une visite en Californie où des pêcheurs de San Diego pratiquaient déjà cette technique. Par empirisme on avait pratiqué auparavant la pêche "alecian", c'est à dire avec une poche de filet immergée et calée contre la coque du bateau où se trouvait, emprisonné, l'appât vivant. Dès le début des années 1950 la technique américaine est utilisée de proche en proche dans les autres ports basques puis cantabriques sans faire disparaître la technique aux lignes traînantes (cf. l'adaptation, décrite précédemment, des merlutiers pendant la saison estivale). Une nouvelle technique a été expérimentée par les Luziens dans les eaux tropicales au large du Sénégal et de la Mauritanie. Certes la pêche du thon se faisait toujours à la canne et, depuis 1975 environ, on pratiquait la pêche "à l'épave" (grand requin mort) autour de laquelle s'agglutinaient les thons; cette dernière a été remplacée par une "épave" de 200 à 300 kg de poissons ; au bout de deux à trois jours il était possible de pêcher sur place de une à trois tonnes de thonidés. Peu connue à l’époque cette technique a été mise au point sur place, par tâtonnement, à partir de 1978. Le témoignage ci-après est celui de A. Elissalt34 (ancien conserveur luzien aujourd’hui disparu) initiateur de la pêche à l'appât vivant en 1947 à Saint-Jean-de-Luz

"Deux patrons se relaient au commandement du navire, il y a d'autre part un

mécanicien et un cuisinier, auxquels s'ajoutent 17 matelots sénégalais et un mauritanien. Pour cette pêche: - l'appât vivant est procuré dans le port même de Dakar à l'aide d'un tout petit

bateau, presque contre la coque du thonier amarré à quai, en tout, dans la journée, environ 2.000 kg de sardinelles de différentes tailles. Malgré la température élevée de

l'eau du port, 27°7, et la forte pollution, c’est un appât très résistant puisqu’ il est utilisé au large, dans des eaux claires ayant des températures inférieures de plusieurs degrés.

- le départ s'effectue vers 20 heures en direction du Nord du Sénégal et de la Mauritanie par 19°30' au large du banc d'Arguin à environ 300 milles (soit 36 heures de

route )là où se trouve la flottille avec les mattes de thon. Les bateaux sont en train de faire le plein. On pêche avec un compagnon (bateau que l'on relaie): l'Emigrant, ses

cales remplies depuis la veille, il avance à 3 nœuds, la matte toujours autour de lui ; notre bateau s'approche presque bord à bord en jetant de l'appât vivant tout autour.

L'Emigrant fait une rapide et brutale marche arrière s'éloigne de quelques centaines de

mètres et met le cap sur Dakar. Cela a marché mais ce n'est pas toujours aussi

facile - nous nous mettons en pêche immédiatement, la vitesse du bateau étant maintenue à 2,5

nœuds. Lorsque les thons ont très faim le spectacle est extraordinaire: quinze hommes

34 Extrait d'une brochure ronéotée de onze pages ; le compte rendu a été établi lors d'une campagne de pêche (juillet-août 1986) à bord d'un canneur luzien basé à Dakar : le Chevalier Bayard, bateau de 28,8m de long, d'une capacité de 80 t. de thon

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munis de canne en fibre de verre ou en bambou sont alignés à tribord arrière ; des jets d'eau "arrosent" la mer et troublent la surface ; les thons avalent immédiatement

sardinelles vivantes et petits crochets "à plume" (leurre) attachés aux lignes de nylon fixées aux cannes. Les pêcheurs ne cessent de ferrer, arracher, ramener sur le pont(les

thons se décrochent seuls lors du choc contre la passerelle).l'auteur a chronométré, que en une minute, une centaine de thons a été hissée à bord (cela se produit lorsque

les thons sont de petite taille et très excités). Moins affamés on les pêche avec des cannes plus longues et de vrais hameçons qu'il faut appâter ; de même le thon doit être

décroché et cela peut ralentir le rythme de capture jusqu'à le diviser par dix ! Lorsque ce sont des thons de 15, 20 jusqu'à 60 kg qui mordent (albacore, thon obèse), le

nombre de cannes est réduit à 5 ou 6 dont le haut a été relié à une drisse. Là il y a peu de changement par rapport à la technique mise au point dans le golfe de Gascogne

près de 40 ans auparavant. En 1 h 30,au moment de la pause, une douzaine de tonnes de thons sont capturés et mis dans un vivier(vidé préalablement de son appât par la

pêche) ; les thons subissent une réfrigération en eau de mer jusqu'à 0°C puis après fabrication de saumure, la température est abaissée à -7°C en un laps de temps de six

heures. La particularité de cette technique de pêche développée à Dakar par les thoniers

luziens réside dans le comportement de la matte et l'adoption par les bateaux d'une véritable stratégie pour la conserver le plus longtemps possible. La matte s'étend depuis

la coque du bateau qu'elle touche jusqu'à 250m - 300m vers l'avant, moins vers l'arrière et 100 à 200 m sur les côtés ; les thons nagent à 2,5 nœuds (vitesse du bateau) dans la

même direction que ce dernier. Le sondeur marque 35m pour l'épaisseur de la matte, cela pourrait donner 4 000 à 5 000 tonnes de thon autour du bateau. Il y a mélange entre albacores, ”patudos” et ”listaos” qui ne se regroupent pas par espèces mais

parfois par tailles, les petits étant les plus proches du bateau, les plus gros s'en tenant éloignés de quelques dizaines de mètres. Le plus étonnant lorsque la bateau change de

cap, c'est la matte qui suit le bateau. Dans l'après-midi, même mise en pêche que le matin (au total dans la journée quelques 25 t. ont été tirées de l'eau). Au coucher du

soleil, stoppage des machines par vent arrière, mouillage d'une ancre flottante, feux et lumières restent allumés toute la nuit, à quelques milles de là d'autres bateaux luziens

font la même chose assez éloignés entre eux pour ne pas mélanger les mattes. Le lendemain matin la pêche débute à six heures, puis l'activité ralentit ; au troisième jour

la pêche cumulée est d'une cinquantaine de tonnes, le jour suivant de très forts coups de vent (NNW) jusqu'à force 8-9 interrompent la pêche pendant toute la journée mais la

matte de thons est toujours là. Le cinquième jour le bateau croise une matte qui vient se ranger, se mêler à celle entourant le bateau."

La pêche "à l'épave" était pratiquée notamment par les senneurs, mais la constitution d'une matte par les canneurs et sa conservation, la "repasser" à un navire "ami" avec lequel on se relaie est une technique délicate qui a été mise au point sur dix années environ, car il est indispensable que la vitesse choisie soit la bonne, que la température de l'eau soit maintenue dans d'étroites limites et que les fonds soient convenables. La matte peut être perdue en quelques minutes (dans des eaux trop

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chaudes ou trop froides, des fonds trop faibles ou trop au large) ; cependant on a pu remarquer que la limite inférieure, -35m, pourrait correspondre à la thermocline, qui a sans doute une influence directe sur le maintien de la matte (les thoniers n'ont pas de bathythermographe). On peut "s'attacher" une matte plusieurs mois de suite: ainsi en 1984-1985 une paire de thoniers a pris sa matte par 21°N, l'a perdue 9 mois après à une latitude de 13°N, environ 500 milles plus au Sud, ayant parcouru cette distance au large des côtes de Mauritanie, Sénégal, Gambie et Guinée Bissau en pêchant à eux deux près de 1 300 tonnes de thonidés. Au total la marée de juillet-août 1986 (après laquelle la matte a été "restituée" au navire compagnon) a duré neuf jours dont trois de route, un jour et demi de mauvais temps et jour pour attendre l'Emigrant qui n'avait pu débarquer tout de suite sa pêche à Dakar. De la mi-juin à la mi-octobre, Chevalier Bayard a débarqué environ 600 t. de thon. Donc le maintien de cette flottille réduite aujourd'hui à quelques unités n'est pas d'ordre technique ou politique mais lié au plan économique et plus particulièrement au prix mondial du thon.

Ces techniques,confortées et affinées avant et après la seconde guerre mondiale constituaient une des caractéristiques de la pêche artisanale et convenaient lorsque la ressource était encore abondante. Des facteurs propres à l’activité (saisonnalité et irrégularité) et extérieurs à celle-ci ont déstabilisé cette partie de la flottille artisanale du Pays basque à partir du milieu des années quatre vingt.

II- Des captures de plus en plus nombreuses sont réalisées au chalut dans les années soixante, soixante-dix

Si la mise au point du chalut se fit peu avant le milieu du XIXe siècle à Arcachon puis à La Rochelle, il fallut attendre le début du XXe siècle pour qu'il soit largement utilisé en Espagne et il fut d'utilisation plus tardive encore sur la côte labourdine. Cette technique s'est répandue surtout depuis le début des années 1920 à partir des ports Guipuzcoans de San Sebastián (il a été le premier port à disposer d'un bateau à vapeur utilisant un chalut) et Pasajes et aussi d'Arcachon.

1- Les ports du Pays basque d’Espagne (Ondárroa, Pasajes), comme

les ports espagnols, ont des chalutiers spécifiques qui pratiquent le chalutage de fond

Le cas le plus fréquent était le chalutage sur le côté ; seules les unités les plus récentes (en Galice, 2 ou 3 bateaux à Pasajes) tractaient le chalut ”rampero” par l'arrière, il y a une quinzaine d’années. Deux types de chalut, aux différences peu marquées cohabitaient à cette époque ; ils convenaient aux mêmes bateaux qui pouvaient d'ailleurs faire une partie de l'année avec un chalut et en changer par la suite; leur appellation sert aussi de nom pour qualifier le bateau.

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Le chalutier bou (en France appelé classique ou rochelais) pratique le chalutage indifféremment à bâbord ou à tribord (figure 29). Son origine est controversée . Il tire un chalut de fond à grande ouverture verticale muni de câbles d’ acier et de panneaux divergents plus lourds que pour le chalut baka. Ce bateau travaille en solitaire avec un chalut plus petit que celui de la baka ou de la pareja (paire), il peut donc atteindre des vitesses plus élevées et travailler sur les accores du plateau continental, par des profondeurs supérieures à 200m à la recherche du merlu et de la dorade par exemple. Dans les années quatre-vingt, il avait les caractéristiques suivantes : construit en fer, il mesurait environ 40m de long, possédait un moteur principal de 1200 CV et deux cales (celle de poupe contient la glace et les caisses pleines) ; il disposait des équipements suivants : un radar, 2 sondes, 2 équipements de situation type Decca, une radio VHF, un émetteur de radiotéléphonie, un compas magnétique et un pilote automatique.

Le pont principal est presque au ras de l'eau pour mieux embarquer le chalut ; toutefois le pont ouvert pour larguer l'engin d'un côté ou de l'autre présentait le danger pour les marins d'être envoyés à la mer, par mauvais temps

Au cours des années 1980-1990, des bous à chalutage arrière ont été construits, apportant au patron de pêche et aux armateurs des améliorations sensibles : une réduction du temps de manœuvre donc un accroissement du temps de pêche (19 h/j pour un bou classique contre 21,5 h/j pour un bou à chalutage arrière), une amélioration des conditions de travail (plus de sécurité) pour les marins et une automatisation de l'activité de préparation des poissons, une usure moindre des câbles ou funes car la torsion est plus faible (plus de symétrie dans la tension et une durée de vie accrue) et enfin la possibilité de changer de chalut. Dans les années quatre-vingt-dix, le port de Pasajes avait la quasi totalité de ses chalutiers constituée de bous (à une ou deux exceptions près).

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Figure 29 : Chalutier bou (avec chalutage de côté) en pêche

Source : Legarra J. Artes de pesca en Euskadi 1984 Ecole de pêche maritime de Pasajes

Largage du chalut

Virage du chalut

vent

vent

vent

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- le chalutier dit baka utilise un chalut plus long à très large ouverture horizontale (mais de faible amplitude verticale). A l'intérieur de ce groupe, au début des années 1980, on trouvait deux types de bateaux :

▪ le chalutier baka, le plus couramment utilisé dans les ports d'Euskadi (et dans les années 1990 presque exclusivement basés à Ondarroa), a son équipement de largage d'un seul côté du bateau choisi arbitrairement (il y a une vingtaine d'années, à bâbord) : le côté libre est fermé jusqu'à hauteur du pont (mais les bous des années 1990 le sont aussi). La superstructure et les équipements demeurent identiques à ceux du bou classique. Construit dans les années 1960-1970 ce type de bateau correspond à la période de splendeur de Pasajes et à des lieux de pêche nombreux. Il a un rendement de moteur très bas, la puissance communiquée au chalut n'excède pas 30% de la puissance nominale. Il est considéré comme le moins performant des chalutiers : on trouvait dans cette catégorie, de vieux navires de "parejas" obsolètes, ou encore ceux dont le "second" avait fait naufrage. Le chalut baka a pour origine celui de la "pareja" (chalutage en boeuf ou en paire) plus apte à la capture de poissons plats (cardines, soles) ou de petite taille situés près du fond. Cette recherche a parfois amené l'armement d'un filet aux mailles non réglementaires. Ce manque de puissance et de vitesse du bateau, la grande taille du chalut (60m de corps de dos contre 40m pour le bou) constituent quelques raisons qui ont poussé à son utilisation dans des fonds peu importants, vers les zones côtières de 100 à 200mètres de profondeur, parfois en domaines prohibés (cf. après 1977 les zones de chalutage de la ZEE des 200 milles de la France). Les ventes de bateaux par les armateurs de Pasajes sans les droits de pêche et l'achat de nombre de ces bakas par des patrons d'Ondárroa expliquent que de nombreuses infractions de cette flottille hauturière au début des années 1980 leur soit imputables (cf. troisième partie). A cause de modifications intervenues sur le pont au cours de la décennie écoulée, seul un oeil averti peut distinguer un chalutier bou d'un baka par ses superstructures alors que des différences subsistent au niveau des funes et des câbles (de composition mixte et plus longs pour les bakas), des portes (plus légères dans ce dernier cas) et enfin dans la taille du chalut (plus ou moins long, à ouverture horizontale/verticale plus ou moins prononcée).

Il existait encore un chalutage côtier à Ondarroa (marée de un à deux jours) dans les années quatre-vingt-dix. Ces petits chalutiers utilisent des filets à petit maillage capturant principalement des merluchons (de un an d'âge appelés ici pitillo et carioca)

(Castro Uranga, 1987) et de grandes quantités de merlan bleu entre Guetaria et Lequeitio et à l'Est de San Sebastián. ▪ le second type de baka a des potences à l'arrière; les armateurs d'Ondarroa et Pasajes utilisaient ce système dans la pêche au large des Canaries et au sud de l'Afrique.

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Le chalutage en paire porte le nom ici de pareja : toute l'énergie des moteurs des deux bateaux est utilisée pour tracter le chalut. On emploie ce système aussi bien pour le chalutage de pêche fraîche (mais il y en a très peu à Pasajes) que pour la pêche de la morue. Pour cette dernière pêche il a fallu s'adapter à un changement de lieux de pêche, imposé par les nord américains, car si l'on pêchait par 30 à 60m de fond il y a une trentaine d'années au large de Terre Neuve, il a été obligatoire après 1976 de chaluter par des fonds de 200 à 300m. La flotte morutière de Pasajes comptait douze paires il y a une vingtaine d’années ; seule l'une d'entre-elles a été construite depuis cette période (1988) ; chacun de ces bateaux mesure 46m de long, déplace 665 tonneaux pour une puissance de 2 550 CV. On adopte alors sur ces bateaux modernes un chalutage arrière, le pont supérieur protégeant le pont principal où est travaillé le poisson.

Au recensement de 1991 il y avait 118 chalutiers en activité dans les ports de la Communauté Autonome du Pays basque dont 85 à Ondárroa (six construits entre 1986 et 1991), 30 à Pasajes (tous antérieurs à 1975) et 3 à Bilbao. Dix ans après, ce total a diminué de moitié, et en 2006, la quasi totalité des navires hauturiers se trouve à Ondárroa à deux exceptions près.

2- L’implantation des chalutiers est récente dans les ports de la côte basque de France

Le chalutage classique était une activité mineure. Le port luzien s'était tourné depuis des décennies vers la capture des poissons pélagiques avec toutefois dans les ports du QM de Bayonne de nombreux ligneurs pour capturer les espèces nobles (poissons blancs à forte valeur marchande) évoluant sur les accores du gouf de Capbreton. Alors que la flottille chalutière (artisanale et industrielle) était très importante il y a quarante-cinq ans dans des ports aquitains comme La Rochelle (une centaine de navires) et Arcachon (une cinquantaine), Saint-Jean-de-Luz ne disposait à la même époque que de quelques unités de petite taille. L'étroitesse du plateau continental au large de la côte basque n'étant pas la seule raison explicative. Le nombre de chalutiers s'est accru lorsque la flottille traditionnelle a pêché moins de thons et d'anchois : de 14 en 1970 les chalutiers passent à 23 en 1975, le QM de Bayonne avec ses 36 chalutiers en 1979 possédait un peu plus de 10 % des chalutiers basés entre Hendaye et La Rochelle.

Le chalutage pélagique, après des débuts difficiles, a fini par s'imposer. Déjà à cette époque, la fin des années soixante-dix, des ports du Sud Ouest menaient leurs premières expériences de chalutage pélagique. La marine marchande en donne la définition suivante (Fournet P., 1980) "le chalutage pélagique est la méthode de pêche

pratiquée en pleine eau à l'aide d'un chalut qui n'est jamais traîné sur le fond et qui est

remorqué par un ou deux navires travaillant en couple".

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Utilisée dès les années 1950 en Mer du Nord pour la pêche du hareng, cette technique a été adoptée par des armateurs arcachonnais au cours de l'été 1974 (chalutage en bœuf comme les parejas de Pasajes ou de Galice). Les résultats des pêches, très prometteurs, ont poussé très vite plusieurs armateurs locaux ainsi que des armateurs rochelais vers cette technique (on peut rappeler à ce propos le rôle pionnier des armateurs de ces deux ports au milieu du XIXe siècle et dans le premier tiers du XXe pour la mise au point du chalut de fond dénommé par la suite chalut classique). Les conflits avec les autres métiers ne se sont pas faits attendre puisque le chalutage pélagique en paire était pratiqué entre Arcachon et Bayonne au-delà de la zone des trois milles (des décisions des Affaires Maritimes régionales arbitrent en 1975, 1977, 1978 en faveur des métiers traditionnels tout au long du littoral du Sud-Ouest ; cette question sera reprise dans un paragraphe ultérieur consacré aux conflits entre métiers). Le conflit a été attisé par le fait que quelques armateurs luziens avaient adopté en 1976 cet engin de pêche sur 3 paires de chalutiers. La bonne rentabilité de ce mode de chalutage, l’entente entre patrons-pêcheurs et armateurs ont entraîné l'éviction du port des novateurs, provoquant la renaissance et l'essor du port d'Hendaye.

Quelle est cette technique tant décriée ?

Le chalut pélagique permet de travailler entre deux eaux, à une profondeur variable dépendant de la vélocité du bateau et de la longueur des funes. L'engin de pêche est constitué de quatre faces rectangulaires. Pour maintenir son ouverture on utilise des flotteurs sphériques et des contrepoids, mais celle-ci est obtenue aussi par la séparation des bateaux tracteurs (le chalutage en paire s'est révélé le système le plus efficace, à cause de la puissance conjuguée pour tirer le filet et de la canalisation par le bruit, du poisson entre les deux navires). Au-dessus du chalut est installé le sondeur de corde (ou netzsonde) qui permet de repérer exactement l'emplacement de l'engin par rapport à la surface et au fond donc de traquer le poisson à la profondeur où il a été localisé. Ces chalutiers peuvent évoluer à l'aplomb de zones rocheuses ou accidentées sans déchirer leur filet, ils ont donc accès à des secteurs où les chalutiers classiques ne s'aventuraient pas (d'où les nombreux conflits de métiers et les nombreuses réglementations décidées par les Affaires Maritimes, pas toujours respectées).

La vitesse de chalutage est d'environ quatre nœuds (4 milles marins/heure), l'ouverture verticale du filet de 10 à 28 mètres datant d'une trentaine d’années a été, depuis, augmentée ; le largage et le virage se fait par l'intermédiaire d'un tambour hydraulique placé à l'arrière. Des adaptations sont nécessaires (changement de chalut et de maillage en fonction des espèces recherchées, l'anchois ou le merlu) ; par exemple pour pêcher le thon il faut prolonger la face inférieure du chalut, renforcer l'ouverture et augmenter la vitesse de remorquage.

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Au début des années 1980 le port de Saint-Jean-de-Luz/Ciboure accepte les chalutiers pélagiques, à tel point que l'armateur le plus important du port (huit chalutiers pélagiques de différentes tailles gérés en société) a dirigé à partir de mars 1993, et pour plusieurs années, le Comité local des pêches (la fin d'une époque et une passation de pouvoir temporaire pour le port luzien). Quel a été son itinéraire en tant que patron de pêche ? Il a commencé avec un bateau ligneur, puis a investi dans un chalutier classique, et a formé, avec le bateau possédé par son frère, la première paire de pélagiques du port (bateaux en bois de 430 CV. 49 tonneaux). En 1986, l'achat d'une troisième unité porte sur un chalutier en acier de 24 m de long, de 700 CV de puissance, avec table traçante électronique, machine à glace, d'un coût de 7,8 MF ; les acquisitions ultérieures en association, portaient sur des unités comparables sauf pour le second bateau de la paire acheté le plus souvent d'occasion avec un équipement moins sophistiqué (seul critère commun : avoir la même puissance). Par 150 m de fond, les gros chalutiers sont plus performants que les bateaux de 16m (qui équipaient initialement le port luzien) ; il y a quelques années ils pêchaient entre la pointe de Grave et Hendaye (16 heures de route), par la suite les déplacements atteignaient St Nazaire (marée d'une dizaine de jours en moyenne), depuis quelques années il se rendent en Manche, dans le canal St Georges (entre Irlande et Grande-Bretagne) et sur les bancs de Porcupine (à 70 heures de route).

Pour maintenir la rentabilité de bateaux (8 à 9 MF au début des années 1990) il faut aller de plus en plus loin (handicap parfois insurmontable pour les petits chalutiers pélagiques), tirer des chaluts de plus en plus longs, de 60m de corps au dos (durant la décennie 1990-2000 certains font 200m de long pour 30 à 40 m d'ouverture verticale alors que le chalut de fond classique a une ouverture verticale de 3-4m ; pour le chalut en bœufs de 8-10m, 12m au maximum). Le coup de chalut (pélagique) dure de 3 à 4

Figure 30 : Le chalutage pélagique source J. Chaussade, J-P Corlay (1988) Atlas des pêches

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heures (5 h au plus) pour le merlu et la dorade…un quart d'heure parfois pour l'anchois. Les espèces cibles sont répertoriées sur le calendrier annuel suivant : de décembre à février : merlus, encornets et poissons de fond ; mars, avril : bars et merlus ; mai, juin : anchois ; juillet, août, septembre : thons ; octobre, novembre : dorades

Il y a environ trente jours d'arrêt technique par an pour un bateau (en général l'été) pour 7000 heures de pêche en théorie au cours de l'année. Le calendrier des espèces cibles a subi des modifications depuis quelques années en fonction des conditions biologiques (raréfaction des espèces ou diminution des stocks) économiques ou administratives de pêche (voir en troisième partie les conflits entre flottilles ou entre métiers).

Sur 97 bateaux basés à Saint-Jean-de-Luz et à Hendaye en 1991, il y avait 40 chalutiers pélagiques (respectivement 16 et 24m, généralement plus grands et plus puissants à Hendaye). Pour compléter le calendrier annuel de pêche, alors qu’à la fin des années soixante-dix ces derniers pêchaient des sparidés et des céphalopodes dans le Sud Gascogne, ils ciblent depuis 1985 l’anchois et depuis 1987, le germon, (marées de 25 jours en 1988, 1989, 1990 au large des Açores). La polyvalence de ces unités, le changement d'espèces cibles en fonction du marché et de leur plus ou moins grande abondance faisaient de ces bateaux les instruments du redressement des ports du Sud Ouest, de Hendaye à Arcachon ; mais les critiques sont nombreuses, et pas seulement issues des métiers de la pêche traditionnelle. Elles prennent une nouvelle acuité au début de l'année 1993 avec la raréfaction du poisson. Pour certains la méthode de pêche est responsable de cet état de fait puisque le littoral atlantique, de la Côte basque à la Bretagne, dispose dans ses ports de 110 à 120 paires de chalutiers pélagiques. Le chalutage classique était peu représenté : six bateaux à Saint-Jean-de-Luz dont deux armés en pêche côtière ou au large (longueur moyenne 16m) en 1992 et trois à Hendaye. La deuxième partie de la décennie 1990-2000 a vu se développer une crise, liée à des problèmes de gestion des pêcheries (quasi disparition de la campagne de l’anchois pour les chalutiers pélagiques locaux), ce qui a entraîné de grandes difficultés financières. Des bateaux ont quitté le port pour d’autres quartiers, d’autres ont été vendus, parfois à des armements mixtes (dits franco-espagnols).

3- La flotte hauturière de pêche fraîche du Pays basque d’Espagne

est entrée en crise depuis la décennie précédente

Elle comptait 256 unités en 1976 et 51 en 2004. Tous les segments de la flotte hauturière (chalutiers congélateurs, morutiers, hauturiers de pêche fraîche) à l’exception des thoniers congélateurs ont fortement diminué depuis les années 1990. Les navires hauturiers de pêche fraîche ont baissé de plus de moitié

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Un déclin profond à Pasajes35

En 2004, il ne restait plus que quatre navires hauturiers à Pasajes ; la quasi-totalité de la flottille du Pays basque se concentre à Ondárroa.

Ce déclin se lit non seulement dans la courbe des bateaux mais aussi dans les débarquements en criée : il en existe deux, distantes d’une cinquantaine de mètres ; l’une dépend de la cofradía de San Pedro et l’autre des autorités portuaires. Cette dernière enregistre les débarquements des chalutiers du port et des chalutiers pélagiques français, en particulier ceux d’Hendaye et de Saint Jean de Luz (qui y débarquent lottes, cardines et encornets).

Le déclin de sa fréquentation et de ses ventes se lit dans le schéma ci-dessous :

Mais tous le navires hauturiers ne mettent pas leur production à terre à cette

criée : la plus importante est celle de la cofradía qui accueille des navires français depuis 1989. en fait, cette cofradía est atypique pour le Pays basque car elle accueille 35 Pour la charnière des années 1970-1995, voir seconde partie

1990 1995 1997 2000 2003 2004

Nombre de bateaux 118 82 63 59 54 51

jauge 30932 19239 14695 13518 12166 11635

Nombre de marins 864 738 760 622

Figure 31 : Débarquements en criée industrielle à Pasajes de 1996 à 2003

0

5000

10000

15000

20000

25000

1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003

années

tonnes

poids en tonnes

valeur en m illiersd'euros

Source :Junta de puerto de Pasajes

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en majorité des navires hauturiers qui font l’essentiel de ses ventes. Prenons l’exemple de l’année 2004 : 8 940 tonnes ont été débarquées pour une valeur de 29,77 Millions d’Euros. Moins de 23 % de la valeur des débarquements ont été réalisés par les navires de la cofradía du port ou par ceux des autres cofradías du littoral cantabrique ; le reste provient des navires hauturiers.

Le nombre de bateaux français fréquentant le port de Pasajes a diminué depuis une décennie mais la compensation est réalisée par les navires appartenant à des armateurs du port et de pavillon français (dits armements franco-espagnols) soit en 2006, dix fileyeurs de 23 à 34 m. de long (dont 2 acquis en juillet 2003 et 1 en juin 2004) issus du QM de Bayonne, de Concarneau (armements Dhellemes et Nicot) et de Lorient.

Photos 6 : Dans le port de Pasajes en juin 2006 :

ci-dessus : 3 fileyeurs « franco-espagnols » ci-dessous : 2 fileyeurs « franco-espagnols et un petit fileyeur de la cofradía devant le bâtiment de la criée

Photos de l’auteur

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Ils pêchent de janvier à mars dans le golfe de Gascogne (autrefois jusqu’en juin), et à partir d’avril, en mer d’Irlande avec débarquement dans des bases avancées du Sud-Ouest de l’Irlande (Dingle et Castletown Berehaven) ; du poisson est laissé à Saint Gilles Croix de Vie sur le passage des camions où il est mieux vendu (julienne, lingue, cabillaud, saint-pierre…). Le reste, c’est à dire à 90% du merlu, est acheminé sur la cofradía de Pasajes. Le merlu est très prisé par les consommateurs régionaux : 1800 tonnes débarquées en 1999, 3450 tonnes en 2004, notamment grâce à ces fileyeurs.

Ces dernières années , les apports des navires français sont supérieurs à ceux des navires espagnols et contribuent à la grande variété des espèces offertes en criée (le germon est toutefois peu débarqué ici car le coût de son transport jusqu’aux cités de Bermeo, Getaria possédant des conserveries, rendrait son prix peu attractif).

La flotte hauturière d’ Ondárroa a mieux résisté

A la faveur du bouleversement des années 1980-1990, la flottille hauturière du port est devenue plus importante que celle du port guipuzcoan de Pasajes. En 2004, sur 51 navires basés au Pays basque d’Espagne, 47 sont à Ondarroa (il y avait 72 navires hauturiers actifs en 1977) et 4 à Pasajes. Les restrictions à l’accès des lieux de pêche communautaires (licences, quotas)36 et les aides des plans communautaires au désarmement des navires expliquent ces reculs.

En 2006, l’association des armateurs hauturiers d’Ondárroa (OPPAO) regroupe soixante navires dont 5 chalutiers du littoral ; sur les 55 restants, 41 battent pavillon espagnol (37 chalutiers et 4 palangriers) et 13 sont des franco-espagnols (navires immatriculés en France et détenus par des armateurs d’Ondárroa). Sur le total, six paires pêchent dans le golfe. Sur l’ensemble, une entreprise possède 5 bateaux et une autre 4, et en général, les autres ont un ou plutôt deux bateaux chacune. Lorsqu’il pêchent en zone VIII ils disposent de 300 j. de pêche par an et de 260 à 270 j. en zone VII. Les bateaux qui pêchent au large des Iles Britanniques débarquent dans des bases avancées avant rapatriement par camion sur Ondárroa : il y a l’équivalent de la pêche de vingt bateaux le lundi matin à la criée, sept le mardi, deux à trois le mercredi, entre trois et six le jeudi soit environ la pêche de 35 bateaux chaque semaine.37 Les navires ne reviennent au port de base que tous les deux mois, les salaires versés (1620 €/mois en moyenne) ne trouvent pas toujours preneur parmi les marins de la région ou du pays, aussi a-t-il fallu faire appel à des étrangers (les ressortissants sub-sahariens représentent 8,9 % des équipages soit 75 marins sur 850).

Il existe certes des statistiques sur les caractéristiques d’ensemble de la flottille (nombre de bateaux, puissance, jauge) mais ni l’Association des Armateurs des navires hauturiers (OPPAO) ni la Direction de la pêche du Gouvernement Basque de Vitoria

36 Voir troisième partie 37 Voir chapitre 5 la commercialisation, pour l’organisation de la vente dans la criée privée.

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qui en possède les données ne veulent communiquer les chiffres des débarquements et des ventes en criée par espèces. Ceci constitue une anomalie dans l’Union Européenne d’aujourd’hui. Pour nous faire une idée un peu plus précise de cette pêche hauturière nous utiliserons deux approches indirectes :

- la première s’appuie sur les statistiques des Ports du Gouvernement basque puisque une taxe frappe chaque kilogramme mis à quai. La figure 37 ci-après permet d’apprécier son importance en poids et valeur mais il n’y a pas de répartition par espèces. En 2005 par exemple 20362 t. ont été débarquées par les navires hauturiers à Ondárroa pour une valeur de 44,3 millions d’Euros.

- la seconde propose de prendre l’exemple de PRONAVAL, organisme de gestion de 14 navires franco-espagnols dont le siège est à Hendaye. Ces navires sont immatriculés dans les registres du Quartier Maritime de Bayonne et membres de l’OP FROM Sud Ouest basé à La Rochelle. Parmi les quatorze unités, il y avait au printemps 2006, neuf chalutiers de fond de 33 à 35 m de long, 4 fileyeurs et 1 palangrier dont les débarquements s’effectuent pour cinq d’entre eux en Galice et 9 à Ondárroa (un débarque parfois à Pasajes ou Saint-Jean-de-Luz une partie de sa pêche). De fait il existe douze sociétés pour ces quatorze bateaux soit trente actionnaires environ (2 ou 3 par bateau), ce sont souvent des anciens patrons de pêche et des armateurs. Le lieu de débarquement en Espagne donne l’origine des capitaux et des armateurs des différentes sociétés. Un seul bateau, un fileyeur de 20 mètres pêche dans le Golfe à 600 mètres de fond de la grosse lotte et des langoustines.

Figure 32 : Débarquements de la pêche hauturière à Ondárroa de 1990 à 2005

Source : service des ports de la CAPV

0

5000

10000

15000

20000

25000

30000

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

années

tonnage

0

10000

20000

30000

40000

50000

60000

valeur

poids (en T) valeur mil.€

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Exemple pour l’année 2003 : sur 4152 tonnes et 12,2 millions d’Euros, la répartition des débarquements de PRONAVAL est la suivante (figures 37, 38)

Figure 33 :

Figure 34 figure 34 :

Débarquements en poids Pronaval 2003

Ondarroa47%

Brest0%

St Jean de Luz4%

Les Sables d'Olonne

1%

Celeiro0% Hors criée

16%Vigo6%

Santander3%

Pasajes0%

La Rochelle23%

Débarquements en valeur Pronaval 2003

Pasajes0%

Santander5%

Vigo13%

Celeiro0%

Hors criée15% St Jean de Luz

3%Brest0%

Les Sables d'Olonne

1%Ondarroa50%

La Rochelle13%

Source : Pronaval-FROM

Source : Pronaval-FROM

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Le poisson diminue dans le golfe de Gascogne et avec le réchauffement des eaux marines les lieux de pêche se sont déplacés vers le Nord (49°- 50° N. vers ouest Bretagne, 51°-53°N. à l’ouest de l’Irlande actuellement).

Les chalutiers et les fileyeurs quittent le port de débarquement pour soixante jours (les marins sont espagnols et portugais) et réalisent sur place des marées de 7 à 8 jours ; ces marées , courtes, permettent d’améliorer encore la qualité du poisson débarqué. Chaque bateau pêche en moyenne 350 tonnes par an s’il ne s’arrête que pour un entretien normal. Entre 2002 et 2004, 6 bateaux ont subi de gros travaux (moteur parfois passerelle entière) avec un coût de 300.000 à 1 million d’Euros pour chacun. Le chiffre d’affaires annuel par bateau oscille entre 1,2 et 1,3 million d’Euros : 70 % des débarquement , en valeur, sont constitués par le merlu, la cardine et la lotte. Ces espèces sont débarquées à Ondárroa et en Galice où elles obtiennent un bon prix, ce qui peut donner une idée de la structure des débarquements des navires hauturiers du port (pour lesquels nous ne disposons pas de données) puisqu’ils fréquentent les mêmes zones de pêche et ont le même type de gestion.

Les captures, acheminées par camion depuis les bases avancées irlandaises de Fenit, Dingle, Casteltown Berehaven (Sud-Ouest) et Killybegs (Nord-Ouest), sont vendues pour 20% à La Rochelle (espèces à fileter : merlan, cabillaud ; raie, saint-pierre, sole, turbot) et le reste en Espagne.

4- L’activité des chalutiers pélagiques français

Une étude a été réalisée par l’IMA38 sur l’activité de la flottille des chalutiers pélagiques dans les régions de la façade AGLIA39. En 2003, en France, 98 navires utilisent le chalut pélagique comme engin principal (174 navires ont un chalut pélagique au titre des engins qu’ils peuvent utiliser). Sur la façade AGLIA, sur les 76 navires travaillant au chalut pélagique, 73 l’utilisent en bœuf et 3 travaillent seuls.

38 IMA Institut des milieux aquatiques Bayonne mars 2005 – données de 2003 39 AGLIA organisme regroupant 3 régions du littoral atlantique (Pays de Loire, Poitou-Charentes, Aquitaine)

Quartier maritime

Nombre de navires

Age moyen Longueur (moyenne) Puissance (Kw) moyenne

BA

LS

SN

……..

18

23

30

………..

20

19

20

………

22,5m (entre 17 et 25m)

18,9 (7 ont de 12 à 16m)

17,9 (10 ont moins de 16m)

390

330

330

…………….. total 76 20ans 19,3 347

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La flottille des chalutiers de la façade atlantique (hors Bretagne) Répartition :

Les caractéristiques des navires et leurs pêcheries sont étudiées ci-après : L’âge moyen (20 ans) des chalutiers pélagiques de la façade atlantique est

similaire à l’âge moyen de la flottille française, mais ils sont plus grands (19,3m contre 12 m pour la moyenne de la flotte). Les navires aquitains sont les plus âgés et les plus grands. Cette différence s’explique par le rayon d’action, par la distance importante qui sépare ces unités de certaines zones de pêche qu’ils fréquentent au cours de l’année (la Manche pour la pêcherie du bar en hiver, la mer d’Irlande).

Les navires pélagiques de la façade AGLIA travaillent dans leur quasi- totalité au large ou dans la bande côtière, au niveau du plateau continental. Au total, 56 espèces différentes ont été capturées au chalut pélagique au cours de l’année 2003, toutefois 10 espèces constituent leurs cibles préférées dont l’anchois (33% du tonnage), le maquereau (22%), le chinchard (11%), la sardine (10%), le germon (7%), le bar (5%), le merlu (2%), le thon rouge (1%). ▪ Les pêcheries pélagiques AGLIA en 2003 Les quartiers de Saint Nazaire, des Sables d’Olonne et de Bayonne concentrent lamajeure partie des captures effectuées au chalut pélagique. L’activité des chalutiers est liée à la saisonnalité des captures (importantes à la fin de l’été et à l’automne mais faibles en avril mai). Les campagnes de pêche sont bien distinctes au niveau géographique mais aussi selon les saisons. Les chalutiers pélagiques ciblent successivement plusieurs espèces tout au long de l’année (cf. la grande variété d’espèces); ces deux caractéristiques ( des espèces choisies et l’étalement de leur capture durant l’année) permettent aux flottilles pélagiques d’avoir une activité polyvalente tout en ne travaillant qu’avec un seul engin de pêche. ▪ Les captures effectuées par les navires pélagiques de l’AGLIA s’étendent du Golfe de Gascogne à la Manche, mais la majeure partie des captures s’effectue dans le secteur CIEM VIII et VIIIb. Les rectangles statistiques côtiers concentrent plus de la moitié des captures globales faites au chalut pélagique (toutefois cela donne sans doute une « localisation déformée » pour les chalutiers pélagiques du quartier maritime de Bayonne)

Pays de Loire 53 navires (70%) La Turballe Saint Gilles Les Sables

30 21 2

Aquitaine 19 navires (27%) Arcachon Saint Jean de luz

Hendaye

1 10 8

Poitou-Charentes 4 navires (3%) La Rochelle La Cotinière

2 2

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Les espèces cibles et les productions Figure 35 : Localisation géographique des captures effectuées au chalut pélagique en 2003

Figure 36 : Localisation géographique des captures de bar effectuées au chalut pélagique en 2003

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Figure 37 : Localisation géographique des captures de merlu effectuées au chalut pélagique en 2003

Figure 38 : Localisation géographique des captures d’anchois

effectuées au chalut pélagique en 2003

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Figure 39 : Localisation géographique des captures de germon

effectuées au chalut pélagique en 2003

Figure 40 : Localisation géographique des captures de thon rouge effectuées au chalut pélagique en 2003

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La répartition géographique des pêcheries des navires pélagiques s’étend jusqu’en Manche (pour le bar en particulier), au Sud-Ouest des îles britanniques pour le germon, et au sud du Golfe de Gascogne pour la capture de l’anchois et du thon rouge .

Enfin les débarquements présentent les caractéristiques suivantes : en 2003, 18.000 tonnes ont été débarquées par les navires pélagiques. Les Pays de Loire totalisent près de 70 % des débarquements (Aquitaine 17 %) mais les navires de cette façade ne débarquent pas uniquement leur pêche dans les ports d’attache puisque 11% sont débarqués hors des ports de l’AGLIA. Cela obéit à deux raisons distinctes

- les navires sont trop éloignés des ports d’attache lorsqu’ils pêchent en Manche ou au large de la Bretagne, ils débarquent dans des bases avancées comme Lorient (800 t. environ pour les chalutiers pélagiques du quartier maritime de Bayonne)

- les débarquements à Pasajes (700 tonnes environ) pour des espèces de poisson qui ne sont pas pêchées ou ciblées par les navires artisans du Pays basque d’Espagne ( pas de mise en vente d’anchois ou de germon mais du bar,de la lotte, des cardines et du merlu).

Les ventes les plus importantes sont toutefois réalisées dans les ports de l’AGLIA, trois dominent l’ensemble : La Turballe 7 395 t (41 % des ventes globales) Saint Jean de Luz 5 666 t (30 %) St Gilles Croix de Vie 5 082 t (28 %)

Les espèces principales sont des poissons pélagiques : avec 6 300 t vendues en 2003, l’anchois représente 35 % des ventes des navires pélagiques (réalisées surtout par les navires des Pays de Loire). Le maquereau, la sardine et le chinchard regroupent des volumes importants mais à faible prix. Il apparaît que chaque port a ses spécificités :

La Turballe : l’anchois, le maquereau Saint Gilles : la sardine, l’anchois Saint-Jean-de-luz : le maquereau, le germon.

(l’anchois a fortement diminué avec les limitations de la pêcherie de printemps) L’activité saisonnière des chalutiers pélagiques est liée au choix des espèces-cibles

effectué par les navires. Les chalutiers pélagiques dépendent de l’anchois pour près des trois quarts de leur chiffre d’affaires entre 2001 et 2003.

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Les chalutiers de 12 à 16 m sont moins liés à une espèce ; on peut dire qu’ils ciblent une plus grande diversité dans leurs captures. Les navires aquitains, et plus particulièrement ceux d’Hendaye et de Saint Jean de Luz, ciblent essentiellement le germon et l’anchois. Pour l’année 2005, on peut même distinguer deux comportements différents parmi les navires :

• ceux qui ciblent les espèces à forte saisonnalité : germon, anchois, maquereau, chinchard, thon rouge (sud du golfe).

• ceux (chalutiers luziens) qui pêchent durant une grande partie de l’année au nord du parallèle de La Rochelle, allant en Manche et ouest Bretagne ; ils pêchent désormais plus au chalut de fond (50 à 60% des captures) qu’au pélagique, ciblant les espèces suivantes : lottes, cardines, encornets d’une part, thonidés et espadons d’autre part.

Figure 41 : Saisonnalité des principales pêcheries pélagiques de la façade AGLIA en 2003

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Figure 42 : Débarquements des navires pélagiques de l’AGLIA dans les régions de l’AGLIA

Figure 43 : Débarquements par quartier maritime en 2003

Figure 44 : Débarquements des navires pélagiques de l’AGLIA hors des régions de l’AGLIA

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En observant la répartition des ventes des principales espèces pélagiques ciblées par les flottilles des régions de l’AGLIA on peut identifier deux comportements différents pour les plus grands chalutiers (17 à 26 m) :

- les ports du Nord ( La Turballe , Saint Gilles) pêchent surtout l’anchois, le bar et le chinchard (au total 95 % de la valeur de leur production en 2003)

- les ports du Sud (Saint-Jean-de-Luz, Hendaye) ciblent le germon, l’anchois, le thon rouge et le maquereau (94 % de la valeur de la production 2003) ; pour quelques bateaux s’ajoute le bar (5 %) car des armateurs préfèrent compléter leur activité saisonnière en Manche et Mer d’Irlande avec débarquement dans des bases avancées alors que d’autres optent pour les espèces pélagiques du golfe, le temps de pêche dans l’année est diminué mais les consommations intermédiaires (combustible en particulier) pèsent moins sur les bilans.

Figure 45 : Répartition des ventes des principales espèces pélagiques

ciblées par la flottille des régions de l’AGLIA en 2003

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Figure 46 : Production des chalutiers pélagiques (de 17 à 26 mètres) des ports du sud de la façade AGLIA (Saint-Jean-de-Luz, Hendaye)

Conclusion

En pêche hauturière, l’évolution montre que le port d’Ondárroa a sa flottille presque entièrement composée de chalutiers alors que Pasajes a fait le choix des fileyeurs. L’interdiction par les pouvoirs publics espagnols de l’utilisation du chalut pélagique par les navires basés dans les ports entre frontières portugaise et française, pour tout le littoral nord de la péninsule, est une spécificité qui laisse bien esseulée la douzaine de chalutiers pélagiques de la Côte basque de France. Dans les trois cas, la flotte hauturière apporte une contribution majeure dans les débarquement effectués dans les ports concernés. Toutefois les navires hauturiers de la Communauté Autonome du Pays basque (qu’ils soient basés dans ses ports ou qu’ils y débarquent leur production) pêchent très souvent hors du Golfe de Gascogne et n’ont pas choisi les poissons pélagiques comme espèces cibles. Telle n’est pas la stratégie des chalutiers pélagiques du littoral atlantique (cf. le cadre géographique de l’AGLIA) et, en particulier, de ceux de Saint-Jean-de-Luz Hendaye qui, à la saison, pêchent du poisson bleu (maquereau, chinchard, anchois, germon). Ils occasionnent le mécontentement de la flotte artisanale des thoniers senneurs, encore nombreux sur le littoral cantabrique, puisque la concurrence pour la ressource est directe, technique, spatiale et économique. En période de manque ou d’irrégularité de la ressource, le chalutier pélagique peut constituer, pour ses adversaires, un bouc émissaire idéal .

Source : IMA, Le chalutage pélagique dans les régions de l’AGLIA, mars 2005

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Chapitre 5 LA COMMERCIALISATION : STRUCTURES , ACT EURS. En préambule à cette analyse, il paraît utile de préciser que les grandes régions de

débarquement des produits de la mer en Espagne et en France, la Galice et la Bretagne, se trouvent aux deux extrémités de notre domaine d’étude et sont les deux régions majeures de production. Entre les deux, le Pays basque d’Espagne, avec ses 70-75 000 t. débarquées en 2002, domine largement les autres zones de production : 25 000 t. pour la Cantabria et un peu moins pour les Asturies, 18 000 t.

Du côté espagnol, les séries statistiques manquent d’homogénéité et en dehors des cofradías (confréries qui gèrent les criées de la pêche artisanale), les données de la pêche hauturière sont incomplètes ou volontairement inexistantes pour le public. A l’heure de l’Europe des vingt cinq, d’une Politique Commune des Pêches instaurée depuis plus de vingt ans, ces manquements sont surprenants et inquiétants.

Parmi les manquements constatés on peut signaler les cas suivants : - les débarquements de la pêche hauturière d’Ondárroa sont effectués dans des chais privés ; à partir de là, ils sont commercialisés vers la région et le reste de l’Espagne. Ce port basque, le 2ème de toute la côte nord nord-ouest de l’Espagne pour la pêche fraîche avec 35 000 tonnes en 2002 (dont 22.500 t en pêche hauturière) n’a pas de statistiques communicables selon l’Organisation des Producteurs, ni transmissibles à des tiers selon le Département de l’Agriculture et de la Pêche du Gouvernement Basque de Vitoria qui en a la possession ; - les bateaux hauturiers d’un même port n’appartiennent pas toujours à la même association, par exemple, à Pasajes jusqu’en 2005 où durant la décennie écoulée, deux associations se répartissaient les navires basés au port et certains qui effectuaient leurs débarquements en Galice. Ces associations étaient chargées de gérer les plans de pêche de bateaux ayant des coefficients (puissance), des lieux de pêche et des espèces cibles différentes. Pour mieux gérer ces plans de pêche, en fonction des zones CIEM, du nombre de navires autorisés à pêcher en même temps, des licences détenues, des quotas autorisés, ces structures regroupent parfois des navires basques, galiciens ou asturiens qu’ils soient chalutiers, palangriers ou fileyeurs. En raison de ce système, les statistiques des débarquements ne pouvaient pas être disponibles non plus. Dans le cas présent, ceci est compréhensible et admissible car les mises à quai de la production pêchée se font le plus souvent, jusqu'à ces dernières années du moins, dans le port de base qui n’est pas nécessairement le siège de l’association gestionnaire. La situation est plus tranchée en ce début 2006 puisque les rares navires restants en pêche hauturière ont rejoint la Galice ou l’association des navires hauturiers d’Ondárroa.

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I- Les structures

Le cadre français est connu, seul le côté espagnol est évoqué dans ce paragraphe.

1- Les criées de la pêche artisanale sont gérées par les cofradías

Les cofradías existent depuis le Moyen Age et ne représentent que la flotte artisanale (bajura). Ces corporations ou confréries ont été supprimées par la loi en 1864 car elles étaient considérées comme des obstacles à la liberté d’entreprendre40. (voir chapitre 6 dans la Seconde partie). Elles ont été intégrées dans le syndicat national vertical de la pêche par un décret de 1941 sous la période franquiste. Le décret royal du 11 mars 1978 les rétablit ; il régit les quelques 229 cofradias de pêcheurs en Espagne. Il en existe six en Biscaye et sept en Guipúzcoa regroupées en fédérations provinciales. Parmi les adaptations survenues au cours de leur longue existence, il convient de souligner que ce sont des associations à caractère mutualiste et de secours qui complètent les prestations légales. Elles assurent également d’un rôle plus classique pour organiser les débarquements et mettre en criée les captures débarquées.

2- Les organisations de producteurs

Dans le cadre de la politique communautaire, le Fonds de Régulation et

d’Organisation des Marchés des produits de la pêche et des cultures marines (FROM) créé en 1980, assure la régulation des prix et des marchés au travers des Organisations de Producteurs. Le FROM a le statut « d’organisme autonome de l’administration de l’Etat à caractère commercial » (cf. le FIOM français puis OFIMER depuis 1999). Il dépend de la Direction Générale des Marchés de Pêche. Les OP sont constituées comme des associations de droit privé et créées librement par des personnes physiques ou juridiques, armateurs et marins compris. Elles sont chargées de mettre en place éventuellement des plans de capture dans le but d’adapter l’offre à la demande, d’améliorer la qualité des produits et d’organiser la commercialisation des produits de la pêche.

Elles ont la possibilité de recevoir des aides pour leur constitution et leur fonctionnement, des subventions pour leurs investissements et enfin des compensations lors du retrait (destruction de produits) du marché ou du report (stockage) de produits de la mer.

Ces organisations de producteurs se superposent aux cofradías. En fait, si l’on prend l’exemple du Pays basque, il existe une OP en Guipúzcoa pour la pêche artisanale qui correspond à la Fédération des cofradías de toute la province, chaque cofradía étant une délégation de l’OP sur le port et peut agir en tant que telle. Il n’y a pas de retrait

40 Certaines se sont reconstituées au cours des années ou décennies suivantes en déposant de nouveaux statuts.

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dans les ports cantabriques sauf pour le maquereau et la confrérie prohibe la pêche de cette espèce quelques jours par an car le marché ne peut absorber l’excédent de l’offre malgré la congélation.

En 1995, il y avait 37 OP dont 15 à caractère national. Certaines concernent une espèce particulière (sardine, morue…), d’autres sont polyvalentes et se rapportent à des types de pêche (chaque province peut avoir regroupé sa pêche artisanale en une OP). Elles sont en particulier implantées dans les provinces et les Communautés autonomes (2 au Pays basque, 1 en Cantabrie et Asturies). Une autre s’est ajoutée à la fin 1997 après le regroupement des deux associations d’armateurs de pêche hauturière d’Ondarroa (OPPAO). Les mécanismes tels que les indemnités compensatrices pour certaines productions, les aides à l’entreposage privé, les prix de retrait, n’ont pratiquement pas d’application sur le marché des produits de la mer frais en Espagne à cause d’un marché très demandeur et du niveau des prix. Ces dispositions ne sont bénéfiques pour quelques rares produits frais .

II- Les lieux de la commercialisation

1- Du côté espagnol

Les criées

Au nombre de 157, les criées sont réparties sur tout le littoral espagnol dont 55 en Galice, 18 dans les Asturies, 7 en Cantabrie et 12 en Pays basque d’Espagne ( 7 cofradías en Guipúzcoa. en 2006 et 5 criées ; 7 criées en Biscaye). Les 5 criées importantes correspondent aux ports dans lesquels les débarquements sont les plus élevés; les enchères descendantes se déroulent au cadran électronique et les mareyeurs sont assis à des pupitres (toutefois, à Fuentarrabia ou Hondarribia, ce sont quelques femmes liées aux familles des pêcheurs qui participent à cette vente). Elles achètent pour leurs clients mareyeurs mais n’ont pas l’exclusivité des achats. En théorie, les cofradias n’accueillent que les métiers artisanaux (canneurs, bolincheurs, ligneurs, fileyeurs de fonds) mais dans la pratique, on observe qu’ à Pasajes, la cofradia accueille les chalutiers classiques et navires hauturiers français ainsi que les navires franco- espagnols (mais pas les chalutiers pélagiques). Sur tout le littoral nord-ouest et nord de l’Espagne, le décret du 5 mai 1988 interdit aux chalutiers espagnols le débarquement et la vente (dans les ports nationaux) d’anchois, de sardines et de thonidés.

A côté des criées publiques organisées par les confréries, coexistent en Pays basque d’autres criées : - à Pasajes, elle se dénomme criée industrielle. Elle est à moins de 50 mètres de la criée artisanale et se situe dans le même bâtiment. Elle dépend de la Junta de Puerto de

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Pasajes, port d’Etat dépendant de Madrid, au contraire des ports de pêche qui relèvent de la compétence du Gouvernement Autonome du Pays basque. Ici, la vente se fait « à l’ancienne » avec un encanteur “ à la voix” où armateurs locaux des chalutiers et palangriers côtoient les patrons de pêche luziens, hendayais ou Rochelais venus vendre leur pêche grâce à un intermédiaire qui joue le rôle de courtier et qui organise la vente (la Fishing Compagny). Ainsi donc, les mêmes mareyeurs interviennent des deux côtés mais "la réglementation" est sauve, pourvue que les ventes des chalutiers pélagiques ne concernent pas les espèces saisonnières convoitées par la pêche artisanale (anchois, germon, thon rouge pêchés au chalut sont vendus à la criée de Saint-Jean-de-Luz.) ; - à Ondarroa, l’Organisation des Producteurs de pêche hauturière d’Ondárroa (OPPAO) regroupe les deux associations : l’Association des armateurs hauturiers et Goldaketa depuis novembre 1997 en un seul organisme formant depuis cette époque une OP. Les ventes des navires de cette association se déroulent dans une salle privée à quelques mètres du débarcadère; les mareyeurs ont la possibilité de voir les lots de poissons au petit matin entreposés dans les chais privés des armateurs (43 environ) situés sur les quais,. La vente des pêches des navires ou du poisson apporté par camion est signalée à l’avance à l’Association des mareyeurs. Ces derniers pouvant entrer en contact avec les armateurs pour connaître la composition approximative de la pêche. Le tri, bien fait, se fait à 80 % à bord ; pour 20 % environ où il y a mélange, pour la baudroie en particulier, des femmes sont employées par contrats par les armateurs pour trier et classifier au cours de la nuit. Le travail débute vers 2 heures du matin pour se terminer au plus tard à 5 heures et demi (les mareyeurs peuvent venir voir la marchandise vers 4-5 heures). La vente débute à 6 heures du matin le lundi et à 7 heures les autres jours. Pour chaque lot (ils font entre 400-500 kg et 1 tonne), les mareyeurs (au nombre de 31), assis à leur table, font une proposition écrite. Le mieux disant, sur l’ensemble du lot, l’emporte. Il peut alors partager avec un collègue lorsqu’il y a plusieurs espèces ou en céder certaines lorsqu’elles ne l’intéressent pas. Puis, celui qui conduit les enchères passe à un autre lot. Il y a ainsi en moyenne une bonne trentaine de bateaux à la vente chaque semaine (en fait l’équivalent amené par camion depuis les bases avancées britanniques dont 15 à 20 le lundi, presque aucun le vendredi). Il faut d’une part appartenir à l’Association (aujourd’hui OP) pour participer à cette vente des pêches de bateaux d’Ondarroa et de navires dits "franco-espagnols", et d’autre part, figurer sur la liste des 31 mareyeurs grossistes (Asociación de los mayoristas commercializadores de pescado) pour pouvoir acheter la production de la pêche hauturière. Un conflit a eu lieu en mai 1988 opposant les armateurs aux mareyeurs du port, les premiers accusant les seconds de ne pas proposer de bons prix. Il y eut boycott des achats et commercialisation en direct. Au total, ce sont les armateurs qui ont le plus perdu d’argent dans cette affaire. Ils estiment que les mareyeurs, très soudés, possèdent le pouvoir dans le port car ils détiennent l’information et maîtrisent les débouchés. Le

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gouvernement basque a entamé les travaux en 2000 pour construire une criée commune (pêche artisanale et hauturière) aux normes européennes, par remblaiement d’une petite partie du port. Un contentieux juridique avec une association a bloqué les travaux et entraîné leur démantèlement il y a deux ans. Le nouveau bâtiment est désormais attendu pour 2008 ou 2009. L’existence du système qui a perduré jusqu’à maintenant permettrait, aux dires des mareyeurs, les transactions au noir, les déclarations incomplètes et éventuellement les ventes de poisson hors taille, ce dernier point est corroboré par la venue d’inspecteurs de la région, de Madrid et de l’UE qui ont saisi, il y a deux ans du petit merluchon hors taille. D’autres évoquent une commercialisation au-delà des quotas, de certaines espèces, détenus par l’OP.

Les marchés de gros

Le marché de gros du Guipúzcoa (Merca Oiartzun)

Situé à 3 km de Pasajes et à moins d’un kilomètre de l’autoroute Irun- San Sebastián, Merca Oiartzun est géré par une société civile créée en 1989 employant aujourd’hui treize personnes dont un gérant. L’activité elle-même débute en janvier 1990 après transformation d’une usine. Le bâtiment comprend 12 000 m² couverts.

Pourquoi cette création ? Au début des années 1990, il n’existait pas de marché de gros en Guipúzcoa dépendant de MERCASA ( réseau de marchés de gros à caractère public créé au niveau national) car les négociants de fruits et de légumes avaient à l’époque un bâtiment qui leur convenait à San Sébastián (quartier Atocha). Les mareyeurs avaient des difficultés avec les autorités du port de Pasajes, en raison des mouvements incessants de camions européens, transportant des produits halieutiques pour approvisionner les grossistes locaux en mal de matière première, ils manquaient de lieux et d’espace pour manutentionner et réexpédier le poisson vers leur clientèle.

L’investissement initial de 1 300 millions de pesetas a bénéficié de deux types d’aides : des aides en capital du Gouvernement Basque à hauteur d’un tiers de la somme et, pour le reste l’octroi de prêts bonifiés (coût total par mareyeur ou grossiste : 27 millions de pesetas soit 1 million de F.). Le tout a été fini de payer en 2000.

En 2006, Merca Oiartzun compte 44 mareyeur grossistes associés mais il y a 35 postes effectifs (sept mareyeurs ont un poste double et deux sont inoccupés). Chaque part correspond à un espace de 40 m² comprenant une zone de réception et de manipulation du poisson au rez-de-chaussée, plus 35 m² pour les bureaux au premier étage. A cela s’ajoutent les entrepôts frigorifiques pour l’ensemble. Depuis peu, deux salles de laboratoire ont été créées, 3 mareyeurs traitent, pour les grandes surfaces en général, les céphalopodes, les crustacés et le thon. Ce ne sont pas toujours les mareyeurs les plus importants du port de Pasajes qui ont investi ici. Seuls les mareyeurs ont le droit de commercer, la société civile gestionnaire n’a le droit ni de vendre, ni d’acheter des

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produits de la mer. Malgré cette structure collective privée, le fonctionnement de chacun reste très individualiste, aucun accord de rapprochement n’a pu avoir lieu entre eux.

Avant le fonctionnement de ce marché de gros en 1990, aucune étude économique n’avait été réalisée. La prévision tablait sur 30.000 tonnes et il était prévu des enchères de première vente avec les débarquements de bateaux français. Quelques tentatives eurent bien lieu en 1990, mais elles se soldèrent par des échecs et restèrent sans lendemain. Sans qu’il soit possible d’obtenir toutes les statistiques précises souhaitées, les données suivantes peuvent être considérées comme fiables. Le marché de gros n’a jamais dépassé les 20 000 tonnes (en moyenne entre 19 et 20 000 tonnes /an) et le chiffre d’affaires avoisinait les 73 millions d’Euros en 1996. Depuis cette date les chiffres sont à la baisse, 14.400 tonnes en 2003 et 13.200 tonnes en 2005. Au cours de cette dernière année, les produits de la mer manipulés se répartissent de la façon suivante : - le poisson frais représente 92 %, il domine largement les crustacés, fruits de mer et le congelé. Cette répartition varie peu d’une année à l’autre - les importations représentent 3% de l’activité et la figure ci-dessous met en évidence que la majorité de ces importations viennent de France . Les apports en provenance de Namibie arrivent par camion depuis l’aéroport de Vitoria ;

Figure 47 : origine des importations de poissons frais sur le marché d’Oiartzun en 1996.

Source : d’après les données transmises par le gérant de Merca Oiartzun.

- près de 60 % du poisson vendu provient des ports du territoire national. Le premier port est Pasajes avec 18 %, viennent ensuite Ondarroa (6 %), Fuenterrabia (6 %) et la Galice (6 %) ;

France50%

Grande-Bretagne, Irlande20%

Pays-Bas, Danemark et Norvège

14%

Namibie16%

Source : d’après les données transmises par le gérant de Merca Oiartzun

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- les principales espèces commercialisées en frais en 2005 sont présentées dans la figure ci-après. Les neufs espèces principales représentent 60, % des apports environ. Figure 48 : Répartition des principales espèces de poissons frais commercialisées sur le marché d’Oiartzun en 2005 (en % du tonnage) . Source : d’après les données transmises par le gérant de Merca Oiartzun.

Environ 70 détaillants viennent chaque jour sur le marché dès 5 heures du matin. Ce chiffre a baissé presque de moitié en quelques années .Ces détaillants proviennent à 80-90 % du Guipúzcoa, le reste étant composé de navarrais qui préfèrent acheter directement plutôt que de se rendre au marché de gros de Pampelune. Les ventes aux détaillants ont diminué depuis quelques années (les restaurateurs ne peuvent en théorie acheter, mais en pratique, cela se produit) et le Marché de gros est devenu principalement un centre de redistribution y compris vers les GMS qui n’achètent pas directement.

Les mareyeurs–grossistes-importateurs ne "travaillent" pas le poisson ou les céphalopodes à quelques exceptions près, ils s’apparentent plutôt à des négociants. Merca Oiartzun possède une double fonction : - il constitue une plate-forme d’importation, moins qu’il y a dix ans toutefois, donc d’approvisionnement pour des régions qui manquent de ressources halieutiques, mais une plate-forme très secondaire quant aux volumes réceptionnés, l’acheminement se fait directement sur Merca Madrid (170.000 t. , deuxième marché mondial des produits de la mer, après Tokyo) ;

Entrées de poisson frais à Merca Oiartzun en 2005

autres

congre

baudroie limande

calmars

chinchards

morue

germon

anchois

merlu

Source : d’après les données transmises par le gérant de Merca Oiartzun

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- mais aussi un centre de distribution et un marché. Les GMS achètent certaines espèces à Merca en fonction de leurs besoins non satisfaits par leur centrale d’achat qui s’approvisionne dans les ports ou en fonction des prix intéressants rencontrés. Pour Eroski et Al Campo (Auchan) grandes enseignes de la distribution, les achats se font par l’intermédiaire d’un ou deux mareyeurs.

Le marché de gros de Biscaye (Merca Bilbao). Merca Bilbao présente un fonctionnement très différent. Tous les tonnages sont

vendus aux détaillants et il s’agit d’un simple marché. Seules existent quelques rares premières ventes de sardines et d’anchois de la part de bateaux biscayens qui rentrent trop tard au port. Merca Bilbao (à l’origine 11.500 m2 pour la halle à poissons) a ouvert au début des années 1970 sur la commune de banlieue de Basauri ; il se situe en bordure d’autoroute, à 10 km du centre de la capitale biscayenne. En progrès par rapport à la période précédente, les tonnages vendus entre 1990 et 1999 oscillent entre 33 000 et 38 000 tonnes par an. Ceux-ci ont augmenté parallèlement à la baisse des apports nationaux mais déclinent depuis quelques années pour se situer autour de 31 000 t. en 2004 et 2005. Ce marché se situe au 5ème rang national en 2001, loin derrière Madrid, Barcelone et Valencia. Les entrées concernent pour 66 % le poisson frais et 19.5 % les congelés, le reste se répartit entre les crustacés, mollusques et fruits de mer. Elles sont assurées par 24 entreprises de grossistes (32 postes de travail) qui traitent en moyenne 1330 tonnes chacune.. A titre d’exemple, certains aspects de la commercialisation de 2005 sont évoqués ci-après.

Sur un total de 31 925 tonnes, il y a 21032 t. de poissons dont 15 % pour l’aquaculture (saumon, turbot, dorade, bar, truite). Parmi ces poissons frais, 42 % proviennent de l’importation (8840 t. environ), ce tonnage est inférieur de 25 % à celui enregistré en 1997. Baisse des captures en Europe, diminution des détaillants, changements dans les habitudes d’achat des consommateurs y contribuent très certainement. Les fournisseurs de poisson frais sont dans l’ordre décroissant la France (2000 t.), la Norvège (1360 t.), le Danemark et des pays européens pratiquant l’aquaculture (1870 t. Royaume Uni, Grèce, Italie…) et des pays d’Afrique. Les apports danois sont constitués à plus de 80 % de morue, tandis que ceux de la Norvège sont essentiellement du saumon. Les produits congelés proviennent pour les trois quart de l’importation ( Afrique et Amérique du Sud principalement).

Le territoire national fournit des fruits de mer (56 % en provenance de la Galice et des côtes cantabriques). De la même façon le poisson frais est issu pour 30 % des ports de la côte cantabrique (Biscaye surtout) et 13.5 % de Galice. Sur les 21 032 t. de poisson frais commercialisé en 2005, le merlu, le merluchon, l’anchois, le chinchard, la sardine et le germon occupent les premières places. Le merlu

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tient la première place, conséquence des habitudes de consommation et de la baisse des apports locaux et nationaux.

Figure 49 : Répartition des principaux fournisseurs de poissons frais commercialisés sur Merca Bilbao en 2005.

Source : bulletin annuel 2005 de Merca Bilbao.

Figure 50 : Répartition des principales espèces de poissons frais commercialisées sur le marché de gros de Bilbao en 2005 (en % du volume total).

Source : bulletin annuel 2005 de Merca Bilbao.

origine du poisson frais entré à Merca

Bilbao en 2005

autres

16%

Etats Unis

2%

Union

Européenne

25%

Sud

atlantique

Espagne

4%

façade

espagnole de

Méditerranée

9%

côte

cantabrique

44%

entrées de poisson frais à Merca Bilbao

en 2005

sardine

8%

cardine

7%

lotte

1%

merlan

7%

morue

3%

bar

3%

calmar

1%

autres

23%

chinchard

11%

merlu et

merluchon

12%

germon

7%

anchois

12%

aquaculture

5%

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Pour les produits congelés (6 246 tonnes), les calmars et le groupe ”merlu-merluchon” assurent près de la moitié de la commercialisation.

Sur ces deux marchés de gros du Pays basque d’Espagne (Merca Oiartzun et Merca Bilbao), 20 000 t. de produits de la mer sont importées et Bilbao, dans ce domaine, importe environ trois fois plus qu’Oiartzun. Dans les deux cas, il s’agit très majoritairement de poisson frais, à l’image du marché national mais l’importation et le volume traité dans ces deux marchés est en nette baisse depuis sept à huit ans.

2- la commercialisation du côté français

Les criées

Il existait jusqu’en 1999 de Douarnenez à Hendaye, 21 criées sur le littoral atlantique, dont trois pour l’Aquitaine : Arcachon, Saint-Jean-de-Luz et Hendaye. Les ventes se déroulent aux enchères descendantes au cadran électronique sur Arcachon et Saint-Jean-de-Luz, alors qu’elles se faisaient à la voix aux enchères ascendantes sur Hendaye. Après la décentralisation votée au Parlement en 1982, le transfert des compétences portuaires de l’Etat en faveur des départements a été effectif au 1/01/1984.

Le Conseil Général des Pyrénées Atlantiques, depuis janvier 1984, a concédé la gestions des ports de pêche de St Jean de Luz/Ciboure à la CCI de Bayonne et celui d’Hendaye à la commune. Jusqu’en juin 1999, la commune d’Hendaye a sous-traité la concession à une coopérative de producteurs.

Ces deux criées étaient distantes de 15 km (la renaissance du port de pêche d’Hendaye est née en 1977 d’un conflit sur l’usage du chalut pélagique accepté par un port et refusé par l’autre); la criée la plus proche se trouve à Arcachon, à 200 km de distance. Les deux criées en difficulté : Au début des années 1990, la situation des deux criées s’est fortement dégradée; parmi les causes, nous pouvons avancer les suivantes: la baisse du prix du poisson et la diminution des poissons blancs, la surexploitation de la ressource et la mise en place de quotas européens restrictifs, la baisse de la flottille du quartier maritime et le débarquement des espèces les mieux payées en criée, en Espagne (particulièrement à Pasajes). Les deux criées étaient déficitaires, la CCI a du combler les déficits de celle de Saint-Jean-de-Luz /Ciboure, un audit de 1998 concluait à une nécessaire restructuration. Jusqu’en 1995, l’outillage portuaire et la criée de Ciboure (mise aux normes en 1993 et informatisée depuis 1996) étaient gérés par la coopérative des pêcheurs Hegokoa. A la demande des acheteurs, la CCI de Bayonne, concessionnaire du port, a associé de façon paritaire les producteurs et les acheteurs, donnant un avantage certain à ces derniers. Dans le cadre d’un contrat de sous-traitance avec la CCI de Bayonne, la

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coopérative Hegokoa ne s’occupe plus que de la gestion de l’outillage portuaire (grues, pontons d’accostage, cale de hissage), de l’entretien des équipements et de la fourniture des services (glace, location de chais d’armement). Elle paie les producteurs après la vente. Depuis le 1er novembre 1995, l’exploitation de la criée a été sous-traitée à un nouvel organisme "l’association de gestion de la criée du port de Saint-Jean-de-Luz/Ciboure" dont le conseil d’administration nomme le directeur. Elle s’occupe de la première mise en marché de la production (navires de Saint-Jean-de-Luz, Bayonne, Capbreton [cité landaise] et Hendaye). Le regroupement des deux criées : en juin 1999 la coopérative Bidassoa, sous-traitante de la gestion du port d’Hendaye est mise en liquidation judiciaire. A partir de juillet, la gestion des débarquements d’Hendaye est confiée à l’association de gestion de la criée de Saint-Jean-de-Luz/Ciboure, il n’y a plus désormais qu’une seule criée sur la Côte basque dont le concessionnaire est la CCI de Bayonne. Les deux O.P fusionnent aussi pour donner au 1er juillet 2000, l’OP CAPSUD.

La criée connaît depuis 2000 une croissance des apports, de son chiffre d’affaires et a retrouvé une situation financière saine. Toutefois des divisions se sont développées dans le port : à celle qui oppose les métiers (bolinche, lignes/ chalutage pélagique) s’ajoute celle entre producteurs et acheteurs. Il n’existe pas de cohésion de la filière et, du fait de la répartition des compétences de chacun sur le port, certaines décisions sont difficiles à prendre.

Les autres lieux de commercialisation.

A côté des deux criées aquitaines existent des lieux de ventes directes dans le Quartier Maritime de Bayonne. Ces lieux se situent à Capbreton (383 tonnes en 1997 déclarées au CRTS), à Bayonne (40 tonnes en 1997 déclarées au CRTS). La vente s’effectue sur des étals installés sur les quais ou directement aux restaurateurs, poissonniers et/ou aux mareyeurs. Dans le cas de Capbreton, cette vente directe concerne quasiment toute la flottille du port. Cette ventilation des ventes permet de compenser la baisse de la vente directe aux particuliers en hiver. Il n’y a pas de connexion particulière avec Arcachon, la criée la plus proche (200 km tout de même). Sur la région Aquitaine, le seul marché de gros halieutique existant est le Marché de Brienne (Bordeaux) par transfert en septembre 1998, de cette activité située jusque là au Marché des Capucins (au centre de Bordeaux ) ; les dernières informations chiffrées sur l’activité de ce marché datent de 1995. Pour cette dernière année, le volume des arrivages de produits de la mer frais s’élevaient à environ 11 200 tonnes, dont 8 200 tonnes de poissons (430 tonnes de crustacés et 2 600 tonnes de coquillages). Ce marché comptait 16 entreprises pour environ 130 emplois et les acheteurs étaient au nombre de 39 dont 16 mareyeurs et 23 poissonniers. Les départements desservis étaient

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principalement la Charente, la Charente Maritime, la Dordogne, le Gers, la Gironde, les Landes, le Lot et Garonne et les Pyrénées Atlantiques. Depuis octobre 1998, les données chiffrées de ce marché de gros (prix,...) ne sont plus recueillies par la Municipalité (cette mission n’est désormais confiée à aucune structure).

III- Les acheteurs

1- les acheteurs des criées du Pays basque d’Espagne

Le métier de mareyeur est inégalement organisé et structuré au niveau national. Il existe une Confédération Nationale qui regroupe des Fédérations d’Associations (exemples en Galice et en Andalousie). L’objectif est de constituer une défense par rapport à l’Etat, au fisc, aux organismes des ports, aux normes. Il n’existe pas l’équivalent sur le littoral cantabrique mais des Associations au niveau de la province (par exemple l’Association des mareyeurs du Guipúzcoa dénommée MAPESGI créée en 1978 et qui a remplacé les gremios sindicales créés sous le Franquisme). Cette association compte 90 adhérents. L’adhésion n’est pas obligatoire, mais il existe une forte pression pour que tous les mareyeurs de la province en fasse partie. Sur ces 90 mareyeurs, plus de 80 % sont mareyeurs à Pasajes (mais ils peuvent aussi intervenir dans d’autres criées de la province). Il est impossible pour un collègue de Biscaye d’acheter ici en direct (à moins qu’il ne possède un pupitre pour les enchères au cadran électronique des criées artisanales ou un poste à Merca Oiartzun). Il doit passer par l’intermédiaire d’un confrère. Il s’agit d’une juste réciprocité par rapport au ”verrouillage” des criées d’Ondárroa (tout du moins la criée privée de la pêche hauturière) et de la prise en compte d’un passé récent. En effet, vers les années 1980, les apports se sont effondrés à Pasajes et ont entraîné une forte baisse de l’activité, posant des problèmes d’approvisionnements aux mareyeurs du Guipúzcoa et qui n’ont pas pu acheter directement sur les criées biscayennes.

D’après un article du Marin de 1992, il existait au tout début des années 1990 plus

de 700 petits détaillants et le mareyage basque (Pays basque d’Espagne) était fort de 180 mareyeurs dont une grosse centaine travaillant dans la province du Guipúzcoa (le reste en Biscaye). Ce sont les détaillants qui s’intéressent le plus au poisson débarqué à Pasajes par les chalutiers français au début des années 1990 au dire du vice-président des mareyeurs du Guipúzcoa. En effet, les mareyeurs qu’il représente, travaillent déjà directement sur le marché français : «nous nous déplaçons de Hendaye jusqu'à

Arcachon pour assister aux ventes sous criée et nous participons par l’intermédiaire de

collègues français. Avec les ports bretons et normands, nous travaillons par téléphone ». Dès cette époque, ils voyaient d’un bon œil l’arrivée du poisson pélagique

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sous leurs criées : "ce serait une excellente chose pour nous... c’est un poisson que nous

achetons déjà. L’essentiel est que la qualité y soit". Dans les années 1980-1990, la profession a peu évolué. Un peu moins nombreuse

sans doute, mais comme la clientèle nationale reste très consommatrice de poisson frais, le mareyage continue d’être un simple maillon de reconditionnement entre la pêche débarquée et le détaillant (toutefois certains d’entre eux sont attentifs aux évolutions des modes de consommation en milieu urbain par exemple la présence des filets, des darnes de poisson dans les parties libre-service des GMS). Les mareyeurs installés sur le port de Pasajes sont implantés dans des locaux situées souvent à l’arrière du bâtiment des criées ou à Merca Oiartzun. Quel est leur poids économique ?

En 2004, la vente de la cofradia de Pasajes a porté sur 8940 tonnes pour une valeur de 29,77 millions €. Sur les 186 acheteurs en criée, répertoriés sur le listing de la

cofradia, 79 ont acheté pour plus de 65 000 € au cours de l’année Parmi les acheteurs les plus importants : - 8 font entre 1.05 et 2.08 millions d’€ de C.A. chacun, ils représentent 35.9 % des achats ; - 9 font entre 600 000 et 1 million € chacun, ils représentent 20.4 % des achats ; - 10 font entre 300.000 et 600.000 € chacun, ils représentent 14.8 % des achats.

En 2004, 17 mareyeurs, presque tous installés sur le port ou à Merca Oiartzun, ont totalisé près de 56 % des achats en criée artisanale pour une valeur approximative de 18.5 millions d’Euros. Ils figurent parmi les plus importants du port, mais achètent aussi (cela n’apparaît pas ici) en criée industrielle, dans d’autres ports et pratiquent pour la plupart l’import-export.

A Ondárroa, il y a 31 mareyeurs qui achètent dans les chais privés des armateurs de la pêche hauturière. Il faut appartenir à l’association pour pouvoir y acheter. A la criée artisanale, à ces mareyeurs s’ajoutent une soixantaine de détaillants et les conserveurs du littoral cantabrique ou leurs acheteurs (commissionnaires). Au total, ils représentent 100 acheteurs environ (mais 80 acheteurs réguliers sur l’année) regroupés en une association. Il n’a pas été possible d’avoir un échantillon suffisamment large (en nombre) ou une enquête sur les acheteurs représentatifs des comportements des deux ports majeurs du Pays basque d’Espagne (Ondárroa et Pasajes) car le milieu est très individualiste et méfiant. Des entretiens avec certains d’entre eux vont permettre de présenter les grandes lignes de la commercialisation à partir du Pays basque d’Espagne.

Confirmées au cours de quelques entretiens réalisés auprès de mareyeurs qui achètent sur le port de Pasajes d’une part et sur le port d’Ondarroa d’autre part, quelques grandes lignes de la commercialisation vont être présentées ci-après :

Ce sont souvent des entreprises familiales, même si elles ont adopté une forme juridique de type SARL ou SA. Elles achètent dans une criée principale par l’intermédiaire d’un collègue mareyeur ou d’un courtier sur certains autres ports du

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Pays basque (par exemple pour le Guipúzcoa sur Getaria et/ou Hondarribia pour se procurer du germon ou du thon rouge). En effet, chaque criée des ports, à l’exception de Pasajes sans doute, est ”fermée” de fait aux mareyeurs des autres ports en particulier Biscaye/Guipúzcoa (et dans la province même, cf. Getaria)

• Puisque les détaillants peuvent acheter à la criée, la clientèle des mareyeurs grossistes se trouve principalement dans les marchés de gros les plus importants d’Espagne, Merca Madrid et Merca Barna (le plus important pour le poisson blanc) où chacun a un, deux ou trois clients grossistes (v. schéma). La vente se fait le plus souvent possible à prix ferme : dans ce cas le mareyeur a à sa charge la taxe portuaire (gouvernement basque), l’emballage et le transport. La vente à la commission (courtier ou asentador) est pratiquée sur des quantités invendues ou lorsqu’il y a une mauvaise prévision.de vente. Le commissionnaire mandataire prend 8 à 10 % pour ses frais et partage le risque ( au mareyeur le risque financier,au mandataire le transport), mais le mareyeur du port d’origine doit faire entièrement confiance au destinataire pour qu’il négocie au mieux ses intérêts, à partir du port d’Ondarroa 60 % à ⅔ des ventes se font à prix ferme ( en général, un mareyeur n’envoie pas sur le même marché ses ventes "ferme"et "à la commission"

• Le mareyeur grossiste a besoin d’avoir une diversité de marchandises qui n’est pas toujours satisfaite dans un seul port,d’où des achats dans d’autres. Comme

CRIÉE du port

d’origine

MERCAS Madrid ou Barcelone

détaillants

Courtier ou

commissionnaire

Mareyeur Grossiste de destination

Mareyeur grossiste du port d’origine

restaurateurs

Restaurateurs Détaillants GMS

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• les apports diminuent, ils ont développé l’importation (mais ce n’est pas majoritaire dans leur activité) ; de l’Europe du Nord, ils importaient déjà de la morue, du saumon d’élevage mais les espèces appréciées par la clientèle ne sont pas débarquées en quantité suffisante. Depuis 2004, près des deux tiers des mareyeurs d’Ondarroa se sont unis dans une association, "Ondarroa 19" (19mareyeurs) pour acheter par l’intermédiaire d’un correspondant local en République d’Irlande surtout des cardines, de la lotte débarqués par les bateaux irlandais et acheminés par camion vers Ondárroa.

• Certains détaillants (par exemple, ceux du Guipúzcoa et de la Navarre proche) souhaitent plutôt s’approvisionner à un marché de redistribution comme Merca

Oyartzun, auprès des mareyeurs grossistes du port de Pasajes qui leur proposent la diversité du port augmentée de celle procurée par l’importation. Les GMS (Eroski, Auchan) font de même avec un ou deux mareyeurs attitrés qui travaillent des marges serrées mais se rattrapent sur les quantités.

Conclusion

De la caractérisation des activités des mareyeurs il ressort les points suivants : - les mareyeurs concourent tous à l’approvisionnement provincial et des provinces proches; - ces mareyeurs ont une activité dominante à savoir l’expédition vers des marchés de gros (principalement Madrid et Barcelone), ces dernier influencent la formation des prix dans les ports du Pays basque ; - ils s’approvisionnent dans d’autres ports que celui où ils ont leur activité principale y compris dans des ports français. Les mareyeurs de Pasajes achètent en direct à Saint-Jean-de-Luz ; ils ont de plus en plus une activité de grossiste à cause de l’insuffisance des apports locaux de poissons; une grande partie des mareyeurs de Ondárroa achètent directement en Irlande de la lotte. - le réseau national de distribution, a priori empirique, est en fait très bien structuré par les marchés de gros et les mareyeurs grossistes des ports détiennent une grande partie de l’information sur les prix. Des centrales d’achat préfèrent passer par eux et non plus toujours par les marchés de gros pour s’approvisionner.

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2- Du côté français les acheteurs à la criée de Saint-Jean-de-Luz/Ciboure

L’enquête approfondie menée par le cabinet Mennillo au début des années 1990 (Anonyme, 1991) repose sur les réponses de huit entreprises de mareyage sur les quatorze que comptent les deux ports du Pays Basque. Leur approvisionnement reposait à 77 % sur la production locale et la répartition de leurs ventes était la suivante

Figure 51 : répartition des ventes des entreprises de mareyage enquêtées lors de l’audit du Cabinet Mennillo.

Le mareyage local commercialisait plutôt auprès des grossistes et beaucoup moins

auprès des GMS (contrairement à des pratiques d’autres ports). Cela est attribué au manque de place dans les entreprises pour préparer les produits variés demandés par la GMS (ainsi, les GMS de Pau, de Tarbes et de Lourdes n’étaient que très peu approvisionnées par le mareyage local). Toujours d’après l’enquête, la clientèle se répartissait de la manière ci-après : ▪ 52 % à l’exportation, vers l’Espagne avec un nombre réduit d’opérateurs ; ▪24 % vers le Sud-Ouest (surtout la Gironde, Pays basque et régions limitrophes) ; ▪ 12 % vers le marché de gros de Rungis ; ▪ 12 % vers le reste de la France.

La criée modernisée et informatisée a eu sa restructuration terminée en 1993. Le coût total a été de 12,9 millions de francs, financé à 50 % par le concessionnaire (CCI de Bayonne). A la même date (1991), le président du Syndicat des mareyeurs présentait au cours d’une réunion l’activité de ses collègues. Le mareyage local représentait un chiffre d’affaires de 360 millions de francs, 127 emplois directs et près de 500 emplois indirects (routiers, montage des caisses). Les achats se faisaient à 36 % à Saint-Jean de Luz/Ciboure, à 30 % à Hendaye et pour près de 40 % dans d’autres ports nationaux et à

Grossistes (5 321 t)70%

Mareyeurs (1 107 t)14%

Détaillants (417 t)5%

Restaurateurs (154 t)2%

GMS (688 t)9%

Source : audit du Cabinet Mennillo. 1991

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l’importation. Il notait à l’époque une forte dépendance vis-à-vis du port pour les exportations vers la Péninsule Ibérique (en moyenne 55 % des achats sur place, jusqu'à 80 % pour certains). Dès cette époque on constatait que : - les mareyeurs espagnols achetaient en direct sur les criées locales ; - une partie des navires débarquait directement ou par camion à Pasajes ; - des mareyeurs locaux travaillaient à partir du marché espagnol (pêche débarquée dans les ports du Guipúzcoa); - depuis quelques années, des détaillants de la côte française s’approvisionnaient sur le marché de gros d’Oiartzun.

D’après une enquête effectuée en 2003 par l’ IMA41, les entreprises agréées à effectuer les enchères en criée de Saint-Jean-de-Luz Jean de Luz/Ciboure sont au nombre de 42. Elles se répartissent de la façon suivante : 19 mareyeurs et 23 détaillants mais dans les faits la situation est souvent plus complexe car dans ces deux activités plusieurs « métiers » coexistent.

Leur statut

Le mareyeur a un statut redéfini par la loi d’orientation du 18 novembre 1997

« Exerce une activité de mareyage tout commerçant qui assure le premier achat des

produits de la pêche maritime destinés à la consommation humaine en vue de leur

commercialisation et qui dispose à cet effet d’un établissement de manipulation des produits de la pêche. » Cette définition remplace celle contenue dans le décret du 6 septembre 1967. Cet établissement doit faire l’objet d’un agrément sanitaire, délivré pour une durée de quatre ans par le Directeur départemental des services sanitaires. La modification prend en compte les nouvelles directives européennes.

Le mareyeur effectue ses achats en criée mais peut aussi importer des produits de la pêche. Il réalise le conditionnement et, éventuellement une première transformation. Il exerce une activité commerciale de commerce de gros (il vend de la marchandise à des détaillants, à des usagers industriels ou commerciaux, à des collectivités ou à des grossistes mais peut aussi agir en tant que courtier). Dans ce cas il est inscrit au registre du commerce et des sociétés sous un nom de code qui l’identifie à un commerce de gros de poissons, crustacés et mollusques. Il peut aussi réaliser du commerce de demi-gros(vente à des restaurateurs et à des collectivités) ou de détail en activité secondaire, voire principale ; dans ce cas il sera inscrit sous un autre code , correspondant au

41 L’ Institut des Milieux Aquatiques (I.M.A.) est une association loi 1901 créée en 1992 qui réunit des représentants de la pêche professionnelle et de l’aquaculture, des collectivités territoriales et des organismes de formation, implantée à Bayonne et à Bordeaux. C’est une structure d’étude, de conseil et d’assistance technique dans les secteurs des pêches maritimes et continentales, de l’aquaculture et de l’environnement. Depuis le 1/01/2000, la Région Aquitaine, le département des Pyrénées Atlantiques et le Comité local des Pêches maritimes ont confié une mission d’assistance à la filière pêche maritime en Aquitaine. C’est dans le cadre de cette mission que cette étude a été réalisée.

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commerce de détail de poissons, crustacés et mollusques. Seule l’enquête permet de différencier les activités des entreprises de mareyage. Dans l’étude de l’Institut des Milieux Aquatiques l’usage du mot mareyeur correspond à la définition donnée par la loi de 1997 : le mareyage constitue son activité principale.

Le grossiste est une personne qui pratique le commerce en gros des produits de la pêche. Il peut être inscrit sur les registres de commerce sous deux noms de code différent dont l’un inclut les mareyeurs. De façon habituelle cependant dans la filière des produits de la pêche, le terme grossiste est réservé à un intermédiaire, négociant mandataire ou commissionnaire, qui ne manipule pas le poisson. Il ne possède généralement pas d’établissement agréé aux normes sanitaires. Un grossiste peut néanmoins exercer une activité secondaire de mareyage, il est alors considéré comme un grossiste mareyeur lorsque son activité de mareyage est inférieure à la moitié de son chiffre d’affaires. Deux catégories de grossistes peuvent être individualisées (FIOM, 1993) : - le négociant : personne agréée pour acheter en criée, ayant déposé une caution à son nom. Le négociant paie ses achats avant de revendre la marchandise à ses clients. - le courtier ou commissionnaire : personne réalisant des achats en criée pour des entreprises agréées, mais qui n’a pas déposé de caution à son nom. Le courtier achète pour les entreprises qui font appel à lui en tant que prestataire de service. Il n’a donc pas la marchandise en sa possession, les entreprises agréées règlent elles-mêmes leurs achats en criée. Il est rémunéré par un pourcentage sur le montant des ventes. Certains acheteurs, poissonniers et mareyeurs, peuvent assurer ce rôle en activité secondaire mais dans l’étude ce terme ne sera utilisé que pour les intervenants ayant le courtage pour activité principale.

Les détaillants ont des entreprises qui exercent en activité principale le commerce de détail approvisionnant les consommateurs : - la Grande Distribution : la plupart des GMS ont développé une activité de poissonnerie : leur approvisionnement peut se faire auprès des grossistes, des centrales d’achat de l’enseigne mais aussi directement en criée, à condition que le règlement de celle-ci l’autorise. Des GMS peuvent donc se retrouver parmi les acheteurs détaillants, agir par l’intermédiaire d’un acheteur appartenant à l’enseigne ou passer par l’intermédiaire d’un courtier.

Le schéma classique de la commercialisation des produits de la pêche , à partir de la halle à marée, figure en noir dans le croquis suivant.

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Figure 52 : La commercialisation de la pêche Apports en criée

consommateurs Restaurants, Collectivités

Ce schéma est devenu plus complexe depuis quelques années car la criée a invité les détaillants à venir acheter directement en criée pour soutenir les prix; les grossistes pour s’assurer des marges garanties ont aussi développé une activité d’achats en criée. Sans faire disparaître le schéma antérieur les interrelations actuelles (en couleur sur le schéma) rendent plus floues les limites entre chaque "métier ". Cette évolution n’est pas propre à la criée luzienne.

- les poissonniers sont majoritairement des détaillants qui possèdent un magasin, pratiquant éventuellement la vente ambulante ; dans ce cas ils sont inscrits sous deux codes sur les registres du commerce. Leur local n’est pas soumis à l’arrêté du 28 novembre 1992 lorsqu’ils réalisent une vente exclusivement au détail. En activité secondaire, les détaillants peuvent aussi effectuer la vente en demi-gros voire exercer comme des grossistes.

Mareyeurs

Grossistes

Demi-grossistes Poissonniers et GMS

Halle à marée

Circuit classique en gras et circuit actuel en pointillés

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Figure 53 : Saisonnalité des apports à la criée en 2002

Les acheteurs à la criée de Saint-Jean-deLuz/Ciboure 42

Les achats en criée en 2002 se répartissent ainsi: mareyeurs 92 %, détaillants 7 %, retrait et invendus 1 %. Sur les 42 entreprises habilitées, il y a trois GMS qui font appel au même courtier donc 40 entreprises interviennent réellement. D’autre part certains acheteurs agréés ne sont pas présents physiquement à la criée car trop éloignés, ils font appel à un autre acheteur moyennant rétribution. Au total 28 entreprises ont répondu à l’enquête, elles représentent 85 à 90 % des achats des mareyeurs(poids et valeur) et 80% de ceux des détaillants. Parmi ces entreprises aux statuts différents on pouvait distinguer les caractéristiques suivantes : 42 Selon l’enquête de l’IMA réalisée au premier semestre 2003, seul le tonnage vendu aux enchères en 2002 soit 6818 t. (sur les 7236 t. gérées par la criée) a été pris en compte. Certaines ventes réalisées sous le contrôle de la criée font intervenir des acheteurs qui n’opèrent pas aux enchères.

Source : statistiques mensuelles de l’association de gestion de la criée

Figure 54 : répartition des apports par groupe de navires en 2002

Source : statistiques mensuelles de l’association de gestion de la criée

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Figure 55 : Les entreprises agréées en criée

Entre 1998 et 2002 on a pu constater les évolutions suivantes : - une régression du mareyage local (3 entreprises sur 14 ont disparu) compensée par l’arrivée de deux mareyeurs espagnols(filiales agréées) - le nombre de détaillants s’est accru. Parmi les mareyeurs (11 enquêtés sur 18), neuf ont un atelier unique de marée et deux possèdent des points de vente au détail ; ils emploient en général moins de 10 salariés (seuls 3 sur 11 emploient plus de 10 personnes). Ces entreprises ont une main-d’œuvre réduite alors qu’en France à la même époque, un atelier type regroupe 15 à 20 personnes.

Plus de la moitié des poissonniers (17 enquêtés sur 22) n’ont qu’un seul point de vente au détail, trois disposent de plus de deux points de vente. Le nombre d’employés est très disparate mais ne dépasse pas dix, toutefois, plusieurs détaillants embauchent des saisonniers pour la période estivale. Quelles sont leurs stratégies d’achats ?

Figure 56 : Les principales espèces achetées

Les dix principales espèces achetées figurent dans le graphique, il s’agit d’intentions d’achat et non de quantités.

P.Atlantiques dont côte basque

Aquitaine hors P.A

France hors

Aquitaine

Pays basque

d’Espagne

total

1998 détaillants 19 16 0 0 0 19

mareyeurs 14 14 0 1 1 16

2002 détaillants 21 19 0 1 0 22

mareyeurs 11 11 1 3 3 18

Source :enquête mareyage 2003

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La criée de St Jean est le lieu d’approvisionnement principal en première vente pour 26 acheteurs sur 28 (voire l’unique lieu pour 25 d’entre eux). Seuls trois mareyeurs opèrent sans intermédiaires dans d’autres criées. Plusieurs stratégies ont pu être distingués à partir du dépouillement des questionnaires. Parmi les mareyeurs ,plusieurs comportements se matérialisent : - huit sont spécialisés dans le commerce des poissons pélagiques : le thon (germon et thon rouge) et les poissons bleus (anchois, maquereaux, chinchards et sardines): quatre réalisent 70 à 95 % de leurs achats à St Jean et quatre autres diversifient leurs approvisionnements en France et en Espagne, la criée de St Jean ne représente que 13 à 53 % de leurs achats annuels - trois recherchent une diversité d’espèces et s’approvisionnent peu sur la criée locale (moins de 20 % de leurs achats en moyenne).

La baisse des apports à la criée a contraint plusieurs d’entre eux, soit à se recentrer sur les espèces débarquées c’est-à-dire les thonidés et les poissons bleus, soit à diversifier leurs lieux d’approvisionnement en France et Pays basque d’Espagne tout proche. Ce phénomène a été amplifié depuis que de nombreux navires du quartier maritime de Bayonne débarquent leur pêche en Espagne, surtout à Pasajes. Ils ont donc suivi la production de l’autre côté de la frontière. Les mareyeurs, beaucoup plus souvent qu’autrefois, ont recours à l’importation principalement espagnole (8 sur 11 sont concernés par ce choix), cela représente entre 4 et 68 % de leurs achats. Ils s’approvisionnent aussi auprès de mareyeurs et grossistes français : cela constitue pour quatre d’entre eux 45 à 85 % de leurs achats.

On trouve une diversité comparable chez les détaillants : - huit ciblent les produits locaux et saisonniers : 70 à 100 % de leurs achats proviennent de la criée locale. - huit autres recherchent plus de diversité : 30 à 60 % de leur approvisionnement est acheté en criée., le reste ils se le procurent auprès de mareyeurs et grossistes français. Toutefois six détaillants importent de la marchandise d’Espagne soit 1 à 40 % du tonnage acheté.

Pour pouvoir acheter directement dans les criées espagnoles l’entreprise doit justifier d’une activité en Espagne. Dans certaines criées il est toutefois possible pour des acheteurs français de déposer une caution et de passer par des courtiers, mais en général, ils passent par des grossistes et des mareyeurs espagnols. Cinq entreprises ont déclaré avoir trouvé un arrangement pour être présent en criée : ils utilisent le « bouton » d’achat d’un mareyeur espagnol (pupitre muni d’un boîtier électronique pour participer à des enchères descendantes) et lui reversent une commission ; en échange, ils réalisent des achats pour ce même mareyeur sur la criée de Saint-Jean-de-Luz le cas échéant.

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Une entreprise a créé une filiale en Espagne en association avec un mareyeur espagnol, il peut donc accéder directement aux criées d’Espagne. De manière générale les mareyeurs et acheteurs locaux déplorent la difficulté d’accès aux criées espagnoles alors que le cas inverse ne se vérifie pas, cela fausse d’après eux la concurrence. Une dizaine de mareyeurs domine la criée et de grandes différences apparaissent au niveau des volumes achetés, le tableau ci-après en donne un aperçu :

Figure 57 : Volumes d’achats à la criée Saint-Jean-de-Luz/Ciboure en 2002

Dans le groupe des détaillants trois sous-ensembles s’individualisent par le chiffre d’affaires : . 3 entreprises ont eu un CA 2002 de 200 000€ . 9 entreprises ont eu un chiffre d’affaires moyen de 410 000 € .4 entreprises ont totalisé un CA moyen en 2002 de 640 000 €

La moyenne se situe autour de 43 000 € et six entreprises présentaient un CA et une marge brute en augmentation par rapport aux années précédentes. Les mareyeurs constituent un groupe beaucoup plus hétérogène : le CA moyen pour 2002 était de 8,72 millions d’Euros mais neuf entreprises sur douze se situaient en dessous de cette moyenne. (tableau ci-après). Seules trois entreprises sur 12 ont un CA et une marge brute en progression .

Nombre d’entreprises

Quantités achetées en tonnes

Tonnage moyen

4 < 20 t 12

8 20 à 50 37

détaillants

3 > 50 72

3 < 1000 t 590

5 1000 à 2000 1509

mareyeurs

3 > 2000 T 3517

800 000 à 2 M € 3à 5 M € > 5 millions € total

nombre 3 4 5 12

C.A moyen 1 046 167 € 3 558 132 € 17 465 470 € 8 724 865 €

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Les circuits de commercialisation

Tous les mareyeurs utilisent plusieurs circuits de distribution. De façon générale

ce sont d’autres mareyeurs et grossistes qui constituent leur débouché principal. Ce débouché représente en moyenne la moitié du chiffre d’affaires des entreprises et les ventes sont réalisées pour moitié à l’exportation. Les données issues de chaque questionnaire permettent d’individualiser deux groupes :

- un groupe formé de sept entreprises pour lesquelles l’export constitue, et de loin, le premier débouché (avec 70 % du CA)

- un second groupe constitué de quatre entreprises pour lesquelles l’exportation apporte moins de 10 % du CA .Ces dernières ont une plus grande diversité de débouchés : GMS, poissonniers, restaurants et collectivités. La diversité réside aussi dans le nombre de clients : 3 entreprises sur 4 réalisent la moitié de leur CA avec plus de dix clients alors que dans le premier groupe six entreprises sur sept font la moitié de leur CA avec cinq clients.

Les détaillants ont pour principaux clients les ménages (82 % de leur CA) ; les autres débouchés , dans le cadre d’une activité de courtage, sont apportés par les GMS, les restaurants et les collectivités.

A la fin de cette présentation et en relation avec ce qui a été écrit initialement on peut affiner la présentation des activités des acheteurs en dépassant le critère trop sommaire mareyeur/ détaillant en établissant une typologie des acheteurs.

Parmi les détaillants l’un d’eux est prestataire de service pour les GMS et sur les 17 autres poissonniers, trois réalisent une vente ambulante. La plupart des détaillants vendent des produits transformés, parallèlement à la vente des produits frais et beaucoup pratiquent une activité secondaire : courtage, demi-gros ou restauration.

Les mareyeurs qui interviennent sur la criée de Saint-Jean-de-Luz /Ciboure possèdent des activités plus imbriquées, un fonctionnement plus complexe. Sur les onze qui ont répondu à l’enquête, on trouve : ▪ 5 grossistes mareyeurs : moins de 50 % de leurs achats sont réalisés sous criée, l’activité de négoce est donc prépondérante. Pour 4 entreprises(sur 5) les clients essentiels sont les détaillants, restaurateurs et GMS. Généralement ils réalisent une première transformation. Les ventes se font sur le territoire national à plus de 90 % de leur chiffre d’affaires. Deux d’entre eux importent plus de 50 % du tonnage qu’ils commercialisent. ▪4 mareyeurs expéditeurs : plus de la moitié de leurs achats sont réalisés sous la criée. Leur activité se borne le plus souvent au schéma classique « tri, conditionnement, expédition » sans première transformation. Leurs principaux clients sont des grossistes ou des transformateurs qui représentent plus de 75 % de leur CA, l’exportation assure 40 % du CA.

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▪2 grossistes expéditeurs ou prestataires de service pour les grossistes qui ne manipulent pas le poisson et donc ne possèdent pas de structure. Leurs achats sont réalisés à 90 % sous criée et leurs ventes à l’étranger (surtout Espagne) correspondent à plus de 80 % de leur CA.

Conclusion

Quelles sont les spécificités des acheteurs de la criée de Saint-Jean-de-Luz /Ciboure ?

Les entreprises implantées sur la côte basque de France assurent 90 % des ventes de la criée en tonnage et en valeur mais leur assise financière est relativement réduite. Le chiffre d’affaires cumulé de 26 entreprises (sur les 30 présentes en criée) atteint 48,5 millions d’Euros. Le poids économique des entreprises extérieures est bien plus fort : leur chiffre d’affaires cumulé est deux fois supérieur à celui des entreprises locales.

Le secteur du mareyage est très lié au marché espagnol. Dix entreprises de ce secteur (sur les onze présentes) ne font que 2,9 % du nombre national d’entreprises et 2,1 % de leur chiffre d’affaires. Elles sont de taille assez réduite, employant peu de salariés, ce qui est une caractéristique de la façade atlantique d’après l’OFIMER, mais elles possèdent une forte productivité avec une moyenne de C.A de 930 000 €/pers. Pour les sept premières. Leur activité exportatrice est importante : pour les neuf entreprises qui pratiquent l’export, elles tirent 60 % de leurs ressources de ces ventes dirigées dans leur quasi- totalité vers l’Espagne. Les détaillants (19 sur les 22 présentes sur la côte) représentent 6 % des ventes en tonnage et 12 % des achats en valeur de la criée. Ils achètent les produits à un prix relativement élevé alors que les GMS sont très peu nombreuses parmi les acheteurs.

Une des forces de la criée luzienne réside dans la présence des mareyeurs et grossistes espagnols mais le dynamisme d’un marché très demandeur à ses portes ne constitue-t-il pas une faiblesse à moyen terme ? (cf. 3ème partie).

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CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE L’état des lieux des pêches maritimes basques a montré des flottilles et des

situations contrastées. En Pays basque d’Espagne, des pôles structurants englobent tous les maillons de la filière halieutique, criées, mareyage, transformation et activités amont et aval de la production proprement dite. Au contraire, sur la Côte basque française, la flottille du quartier maritime de Bayonne ne dispose plus que d’une seule criée et n’a plus aucune conserverie de poisson ou de salaison, ce qui fragilise le secteur de production qui n’a d’autre solution que de vendre le poisson frais, et, avec l’aide de l’O. P., de congeler certaines espèces, telles le maquereau ou le germon, lorsqu’elles ne trouvent pas d’acheteurs.

Entre les deux parties du littoral, des différences existent aussi au niveau de l’espace de production. Les flottilles du Pays basque d’Espagne et les pêcheries qu’elles pratiquent sont plus diversifiées, les contrastes de part et d’autre de la frontière se sont accrus.

Après l’apogée de la période 1970-1975, toutes les pêches pratiquées par les flottilles basques dans le golfe de Gascogne et l’Atlantique Nord ont montré des signes manifestes de déclin, et, depuis les années 2000, même en Pays basque d’Espagne, on a enregistré une diminution de 75 bateaux et de 750 marins entre 2002 et 2005. Le système n’est pas "en équilibre".

Dans cet ensemble, peut-on distinguer des éléments qui permettent à des ports, à des segments de flottilles de mieux résister ou de prévoir un repli organisé d’une activité de pêche conçue aujourd’hui pour durer ?

A cette question il faut chercher des réponses dans l’histoire de ces pêches, dans les modes d’organisation de celles-ci et dans la volonté des hommes qui les ont mis en place. Est-ce que la détermination et le volontarisme d’hier peuvent aider à concevoir des modèles pour maintenir ces pêches dans l’avenir ?

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DEUXIEME PARTIE

LA MISE EN PLACE ET L’APOGÉE DES SYSTÈMES HALIEUTIQUES

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Dans l’étude des pêches artisanales et semi industrielles qui précède, nous avons vu qu’il existait de larges points communs dans les types de pêche et les engins utilisés de part et d’autre de la frontière.

Au-delà des similitudes techniques, quels sont les autres éléments qui les unissent ? Que peut-on trouver dans les différences d’organisation de l’activité halieutique ? Y a-t-il un système capable, plus que l’autre, de freiner le déclin de la pêche ? Est-ce la présence complète et diversifiée de la filière pêche en Pays basque d’Espagne qui constitue un rempart au déclin ? Existe-t-il une solidarité entre les hommes de chaque maillon de la filière plus grande d’un côté que de l’autre de la frontière ?

Chapitre 6 - UNE ORGANISATION DES PÊCHEURS HÉRITÉE

DU PASSÉ

La pêche espagnole est la première de l’Europe communautaire, si l’on excepte les tonnages débarqués. Parmi les caractéristiques qui la mettent au premier plan figure, entre autres, le nombre de pêcheurs employés.

La population active espagnole de la pêche était de 100 000 personnes en 1965 et 113 200 en 1976 (Salva Tomas, 1987). En légère baisse en 1984, elle constituait 1 % des actifs du pays.

Au moment de l’ouverture économique de l’Espagne, au début des années 1960, ce pays avec un fort secteur primaire était sous-industrialisé. A cette époque la Galice regroupait de larges traits de l’économie nationale avec un fort secteur primaire (agriculture et pêche) : un marin sur trois était galicien. Un marin sur six pratiquait son métier à partir des ports du littoral cantabrique. Mais le Pays basque d’Espagne des années 1960-1970 était déjà une région industrielle depuis la fin du XIXe siècle et les effectifs dans le secteur primaire étaient faibles (environ 1,5 % des actifs). Bien que la réalité chiffrée soit difficile à préciser, en 1968, il y avait 11 000 à 12 000 pêcheurs en Pays basque d’Espagne, soit environ le tiers des effectifs galiciens.

Depuis cette époque le nombre de marins a fortement chuté ; en 1984, à la veille des négociations d’adhésion de l’Espagne au Marché Commun, ils étaient encore plus de 7 000. Le graphique ci-dessous permet d’évaluer l’ampleur du repli depuis vingt ans

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Figure 58 : Evolution des effectifs à la pêche en Pays basque d’Espagne

Source : Editions annuelles de Economía Vasca C.L.P.

La population maritime des ports du Pays basque est inégalement représentée dans

les différents segments de la flottille. A la grande pêche, sur les thoniers-congélateurs, les morutiers, seuls les capitaines

et l’encadrement sont issus de la Communauté Autonome du Pays basque ; en général, les équipages viennent d’autres régions, principalement de Galice ou de pays tiers où les pêcheurs sont nombreux et acceptent l’éloignement de leur famille pour plusieurs semaines ou quelques mois de campagne.

La pêche hauturière n’est pas uniquement pratiquée par des pêcheurs locaux comme le montrera l’exemple de Pasajes dans les chapitres 8 et 10. Elle fait appel à des pêcheurs galiciens ou portugais pour effectuer des marées de deux mois au large des îles britanniques, avec débarquement des captures dans une base avancée environ toutes les semaines. Les marins reçoivent un salaire fixe augmenté d’une prime d’intéressement liée aux résultats de la pêche. Les armateurs interrogés disent que, pour qu’ un marin local embarque, il faudrait que le montant du salaire perçu à la pêche soit le double de celui qu’il recevrait à terre, dans un emploi de qualification équivalente. Donc le Pays basque d’Espagne, région de niveau de vie élevé par rapport à la moyenne espagnole, peine à fournir des équipages pour ce très dur métier ; la cinquantaine de navires hauturiers d’Ondárroa compte 9% de matelots sénégalais en 2006.

La pêche côtière littorale artisanale, dite de bajura en Espagne, reste pratiquée par des pêcheurs autochtones parfois aidés par des matelots des provinces voisines.

Marins des flottes de pêche du Pays basque d'Espagne(1989-2005)

0

1000

2000

3000

4000

5000

6000

7000

8000

9000

années

nombre de

pêcheurs

marins de la pêche hauturière marins de la pêche artisanale total marins

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Figure 59 : Les effectifs de pêcheurs de la pêche artisanale des ports du Pays basque d’Espagne entre 1984 et 2005

Sources : Les fédérations de Cofradías et les publications annuelles de Economía Vasca

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La succession familiale n’est plus forcément assurée sur un même bateau, ceci a été évoqué dans la première partie lors de l’enquête PECOSUDE (pêche côtière du sud de l’Europe) menée pour les années 1999-2000. L’organisation de cette pêche par les Confréries (Cofradías) développant une attitude collective et solidaire parmi les pêcheurs ne peut-elle constituer un frein à l’érosion de l’activité halieutique ? Que représentent précisément les Cofradías ? Comment fonctionnent-elles ? Comment ont-elles pu organiser l’activité de pêche et régner sur le port et l’espace maritime ?

I- Les Cofradías : Confréries ou Corporations

Les articles ou informations les concernant étaient dispersés jusqu’à la

publication, en 1991, de l’ouvrage fondamental de Erkoreka Gervasio J.I. L’étude ci-après emprunte des éléments à son ouvrage ainsi qu’à la thèse de Lopez Losa (2000). Les Cofradías ou Confréries de marins et de pêcheurs constituent un des éléments caractéristiques du monde maritime basque. Sans les faire remonter à des temps « obscurs » de l’histoire, la rédaction des ordonnances de leur fondation dans le Nord Cantabrique utilise une référence à des temps très reculés, à l’héritage d’une tradition orale. Quelques auteurs ont évoqué l’influence des ordres monastiques sur les côtes cantabriques pour expliquer leur apparition au XIe siècle. Les plus anciennes références remontent aux XIIIe et XIVe siècles pour le Pays basque : ce sont celles du "Consejo

General de Guetaria" concernant la pêche de la baleine (XIIIe). En 1330 des confréries existaient déjà à San Sebastián, Guetaria, Motrico ; une vingtaine d'années plus tard furent rédigées celles de la Cofradía des pêcheurs de Bermeo.

M. Erkoreka, quant à lui, justifie leur origine par une période de récession économique pour certains ports de commerce et de pêche qui prirent des mesures défensives à caractère collectif et pour cela ont réalisé une codification écrite de pratiques coutumières. Elles étaient aussi des associations d’assistance ou de bienfaisance et de piété, empreintes d'une forte religiosité ; seuls les aspects économiques et institutionnels seront précisés ci-après. Les confréries ont traversé les siècles, connu bien des vicissitudes dans la seconde moitié du XIXe , pour disparaître sous la période franquiste (1941) dans un syndicat corporatiste vertical national de la pêche, et renaître grâce au décret royal du 11 mars 1978 qui régit les quelques 225 cofradías de pêcheurs en Espagne.

Quels étaient leurs objectifs principaux dans le passé ? D’abord une régulation de l’activité de pêche par le contrôle des temps et des

techniques utilisées, contrôle aussi de la main-d’œuvre et enfin de la vente en commun des captures, le tout au moyen d’ordonnances et par la tenue d’une assemblée (Junta) de la Confrérie pour discuter ou mettre au point des accords relatifs à des aspects imprécis on non contenus dans les ordonnances fondatrices de la Cofradía. Chaque confrérie acceptait en son sein les seuls habitants, marins et pêcheurs du village et des hameaux

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proches, même si, au cours des siècles on a pu accepter ici ou là des embarcations d’autres ports. Pourtant on pouvait manquer d’équipage pendant l’été : par exemple à Ondárroa, vers 1800, il y avait 256 pêcheurs en hiver (dont 90 à temps partiel) et 120 pêcheurs en été, jeunes et inaptes compris, la différence correspondant à des paysans qui ne ”faisaient” la pêche qu’en hiver et se consacraient aux travaux agricoles durant la belle saison.

Grâce à un mélange complexe entre des privilèges concédés par la Couronne et les caractères spécifiques de recrutement de la Marine royale (cf. la création de l’Inscription Maritime) issus des Fors attachés aux provinces basques, les Cofradías bénéficièrent de l’exclusivité, d’un monopole de la pêche dans le golfe durant des siècles, et ce jusqu’au dernier tiers du XIXe ; face à la Monarchie, aux autorités provinciales ou à des particuliers, elles défendirent avec la dernière énergie ce modèle politico-institutionnel.

Un article de M. Eggertsson43 (1998) fait la présentation suivante de l’économie

islandaise à l’époque préindustrielle : “l’incertitude causée par les facteurs climatiques,

le milieu environnant mais aussi la diffusion des épidémies entre les animaux, les

maladies des cultures ou des hommes, tout cela posait des problèmes à ces

communautés agraires aux moyens techniques rudimentaires qui recherchaient des

moyens pour réduire l’impact de telles variations dans leur économie de subsistance.

La société islandaise pré-moderne a mis au point des lois et réglementations pour

limiter ces problèmes par l’instauration "d’institutions de survie ". A partir de cette gestion du risque, M. López Losa fait sienne les conclusions de l’auteur dans son article et les adapte aux Cofradías qui deviendraient dès-lors des institutions qui auraient pour objectif de réduire et limiter les risques liés à l’activité de pêche d’où des normes pour que les barques (lanchas) sortent en mer, pêchent et reviennent ensemble car le milieu est hostile et dangereux. A cette fin il existait des fonctions électives annuelles dans la Confrérie dont certaines (señeros ou alcaldes de la mer) pouvaient prendre des décisions qui s’imposaient à tout ce monde de la pêche : les patrons élus à cette charge pour l'année avaient la responsabilité d'observer l'état de la mer, du vent, des courants, avant que les bateaux ne sortent, pouvant interdire la sortie de toute la flottille moyennant un signal hissé sur la façade de la cofradía (important à l'époque des traînières et des bateaux de pêche à voile) ou décidant un retour anticipé au port depuis la haute mer. Cette gestion du risque "physique" est complétée par le contrôle de l’activité économique. Pour réduire autant que possible la variabilité des prix des captures, elles contrôlaient la commercialisation par une vente en commun des espèces « majeures » comme le pageot rose, le germon, le thon ou le merlu alors que les espèces considérées comme mineures, la sardine et l’anchois étaient, le plus souvent, vendues directement par les propriétaires des embarcations. Donc tous les pêcheurs devaient

43 EGGERTSSON Thráin “ sources of Risk, Institutions for Survival, and Game against Nature in Premodern Iceland” Explorations in Economic History, 35 pp. 1-30 (1998)

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remettre leurs captures aux responsables de la Cofradía qui organisaient la vente à une heure déterminée, se chargeant de la répartition ultérieure des recettes. Ce système revêt un double avantage : il permet d’une part de réguler le temps de pêche (début et fermeture de pêche d’une certaine espèce), donc d’adapter d’une certaine façon l’offre à la demande et d’autre part de prélever un pourcentage ou une somme fixe sur le produit de la vente pour que l’organisme corporatif assume ses fonctions économiques, sociales et d’assistance.

L’identité maritime des marins de la côte Cantabrique et du Pays basque en particulier s’est forgée au travers de la gestion collective par les Cofradías de ce bien commun : la mer et ses ressources.

1– Un modèle institutionnel fait de contraintes et de privilèges

Les membres identifiés d’une confrérie exerçaient un droit d’exclusion vis à vis des non-membres. Chaque cofradía, avec ses marins et ses pêcheurs inscrits, gérait l’accès à la mer, établissait les formes d’exploitation de la ressource par des normes qui s’imposaient à tous (sortie du port, apparaux de pêche, retour au port). Théoriquement, personne ne pouvait pêcher en mer en dehors de la Cofradía, mais cela ne signifiait pas que le membre de la confrérie avait toute liberté pour exercer ce droit. Sans l’intervention d’une autorité extérieure, elle pouvait sanctionner un de ses membres ou, au contraire, un de ses membres pouvait faire appel à elle pour régler un différend avec des éléments étrangers au port. Dans cette gestion de la pêcherie il y avait aussi une notion de territorialité, de défense d’une aire géographique proche du port sur laquelle s’exercent ces droits d’exclusion ; cela apparaît dans certaines sources avec des conflits dès le XIVe mais aussi au XVIIIe dans le partage des domaines côtiers que convoitaient les deux Cofradías voisines et rivales de Lequeitio et Mundaca. Le régime exclusif de pêche dont elles bénéficiaient trouve son origine dans le service que devaient effectuer les marins dans la Marine royale. Dès le XIIIe la Monarchie a concédé des privilèges à des marins basques et Cantabres pour services rendus lors de la Reconquête. Pendant longtemps le "service" était un théorique volontariat mais les exemptions forales (Biscaye au XVIe par exemple) précisaient bien que les marins basques n’avaient aucune obligation de servir le Roi en mer. Ce "volontariat" a permis aux Biscayens et Guipuzcoans d’échapper pendant des siècles à ce service ou du moins de réduire le nombre de marins sollicités. A partir de la fin du XVe siècle et de l’unification du Royaume d’Espagne, l’attitude de la Monarchie évolue, c’est une lutte juridique de plus de trois siècles qui s’instaure avec des avancées et des reculs réciproques. A partir de la fin du XV e en Guipúzcoa et du XVIe en Biscaye des services, des prestations doivent être rendus à la Couronne en échange du droit de pêche et de navigation. Les levées d’hommes sur les villages de la Côte augmentèrent en fréquence, les deux provinces

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basques y participèrent en conservant une série de privilèges. Les efforts de la monarchie pour créer une «inscription maritime» au début du XVIIe (avant Colbert pour la France!) n’aboutirent pas, et parmi les opposants, les Guipuzcoans y répondirent par le départ des hommes vers d’autres pays. Le projet fut relancé au début du XVIIIe pour se concrétiser en 1752 : la création de la ”Matrícula del mar” (Inscription maritime) ne s’appliquait pas au Pays basque mais il était stipulé que désormais les privilèges s’accompagneraient d’un service maritime appliqué en définitive en 1802 : concrètement, tous les pêcheurs exerçant leur activité au-delà des eaux territoriales devaient être inscrits dans les listes de leur cofradía et devaient s’acquitter au moins d’une campagne. Alors que dans les ports de la péninsule il y avait tirage au sort entre tous les inscrits, dans les provinces basques les listes n’étaient pas nominatives mais numériques. Le nombre de marins était largement sous évalué dans les confréries donc aussi dans les ”Députations”. Chacune devait fournir un nombre, ceci permettait la fraude, la présence de "volontaires" des villages se substituait ou complétait la liste des marins effectifs ; de même à la fin du XVIIIe siècle en Guipúzcoa étaient exemptés du service de la Marine, les capitaines et premiers pilotes des navires de commerce, les majordomes des confréries, les propriétaires de chaloupe de pêche, les fils de veuve. Toutefois, dans des documents de fin XVIII- début XIXe, dans beaucoup de ports, on accuse le Service de la mer d’être à l’origine d’un déclin de la pêche. Après un long contentieux avec la Monarchie, des lois de 1819 et 1820 reconnaissent le bien fondé des protestations des provinces basques et exemptent de levées maritimes les habitants de Biscaye et Guipúzcoa qui étaient pêcheurs, artisans ou paysans. De là une conséquence négative pour notre information statistique, une quasi-impossibilité de décompter avec précision les pêcheurs des ports basques au XIXe siècle.

2 – Le fonctionnement des Corporations

La plupart d’entre elles assurait le remorquage des bateaux qui entraient dans le port et s’occupait de l’activité portuaire. Le seul aspect pris en compte ci-après sera l’activité pêche.

La base organisationnelle des cofradías est issue des ordonnances, celles-ci ne sont pas identiques mais présentent de larges similitudes sur la pêche proprement dite, même si elles n’ont pas été créées en même temps ( Bermeo : 1353, en vigueur jusqu’au dernier quart du XIXe ; Lequeitio : 1488 jusqu’à 1766 puis de nouvelles ordonnances en 1846 ; Fuenterrabia : 1599, changement en 1808).

Au fil des siècles bien des normes contenues dans ces ordonnances sont tombées en désuétude ou sont devenues insuffisantes pour réguler l’activité halieutique. Aussi dans le respect de l’esprit de celles-ci, l’Assemblée de la cofradía est devenue l’organe suprême, chargée de discuter et de résoudre tous les problèmes ; théoriquement tout le monde avait le pouvoir de décision mais peu à peu une véritable hiérarchie s’est mise en

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place et deux groupes ont été formés : d’un côté les propriétaires et patrons des grandes barques et de l’autre les pêcheurs. Ce processus de différenciation s’amorça au XVIIe et fut achevé aux XVIIIe et XIXe siècles. Le résultat fut la prise de contrôle par les patrons des organes de décision ; les simples marins perdirent toute capacité de peser sur les décisions de l’Assemblée (Junta de Cofradía) et de participer effectivement aux élections des «charges» de la Confrérie (majordome, alcaldes de la mer, responsables de la vente en criée). En fait cette évolution consacre la prééminence des patrons de barques hauturières (dans l’acceptation de ce mot à l’époque). Par l’importance de leurs ventes (espèces les plus rentables), ils contribuaient le plus à la caisse de la confrérie ; ils mettaient aussi leurs biens en garantie, à cette époque tout au moins, pour des opérations financières réalisées par la corporation. La confrérie a aussi une fonction sociale : le soutien économique de ses membres lorsque la pêche a été faible, l’aide aux veuves et orphelins, aux pêcheurs retirés et l’aide pour les réparations, les pertes de navires ou des apparaux de pêche. Pour assumer ce rôle social et ses aspects économiques, le pilier du fonctionnement corporatif était la vente commune du poisson qui permettait par un prélèvement fixe ou en pourcentage d’obtenir l’argent nécessaire à l’accomplissement de toutes les tâches de la confrérie.

Elles exercent un contrôle strict sur la pêche, ses prérogatives concernent pratiquement tous les aspects de l’activité extractive : le temps de pêche (pouvait-on ou non sortir en pêche avec les conditions météorologiques ?), les types d’embarcation (ou encore les caractéristiques imposées aux barques pour aller en "haute mer"), les engins à utiliser (donc les engins prohibés), la relation pêcheurs/patrons. De plus elles établissaient des mesures coercitives comme des amendes allant jusqu’à la confiscation de la pêche dans les cas graves.

3 - Parmi les fonctions économiques : la vente du poisson

Autant qu’on puisse le savoir aujourd’hui, jusqu’au XVIe environ, dans la majorité des ports, les pêcheurs ou leurs familles se chargeaient de commercialiser leurs captures, il n’était pas habituel que les cofradías incluent dans leurs fonctions la gestion de la vente. C’est à une prise en charge progressive à laquelle l’on a assisté. Toutes les espèces ne participaient pas à cette vente en commun, seules celles qui avaient une réelle importance économique à la vente, les espèces les plus demandées, faisaient l’objet d’une vente commune : on les appelle les espèces majeures dans les livres de compte ou de recettes des confréries ; elles incluaient principalement le pageot rose (besugo), le germon, le thon, le merlu et à l’occasion le congre, le requin (marrajo), mérou et autres. Les références qui subsistent dans les livres des cofradías, archives diverses de la fin du XVIII- début XIXe semblent confirmer que dans la majeure partie des ports biscayens, là où l’emprise est la plus forte, et à Motrico la sardine et l’anchois

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étaient vendus directement par les patrons et les pêcheurs sans passer par la criée, ce qui ne signifiait pas que ces derniers ne versaient rien à la confrérie. Par contre dans certains ports du Guipúzcoa, comme à Fuenterrabia ou Rentería, la forte demande de sardines sur les marchés aragonais, navarrais et même de l’autre côté de la frontière ont facilité l’intervention corporative dans la vente de celle-ci. Même si les cofradías de Biscaye y sont plus tardivement venues, la majorité des confréries du Pays basque contrôlait directement la vente des sardines et de l’anchois au milieu du XIXe siècle prenant un pourcentage sur celle-ci comme l’attestent les livres de compte des cofradías de Lequeitio et Bermeo ; à la même époque on trouve trace de ces ventes dans les statistiques officielles, ce qui pourrait confirmer les changements intervenus, mais elles ne le font pas de manière systématique. De quelle façon se pratique cette vente exclusive de poisson frais par la confrérie ?

Personne ne pouvait vendre hors de la cofradía sans son accord, aucune barque « hauturière » ne pouvait vendre ailleurs, dans un autre port par exemple. Pendant longtemps elles n’ont accepté de vendre le poisson de bateaux extérieurs que si les conditions de mer ou de vents contraires l’imposaient. Le non respect de cette règle a donné lieu parfois à des conflits violents comme à Bermeo en 1851, avec affrontement entre pêcheurs locaux et carabiniers pour empêcher la vente issue de bateaux extérieurs au port.

La vente en criée est gérée par 3 ou 4 personnes qui fixent la durée, l’ordre de vente, les espèces (avec une priorité souvent donnée aux espèces majeures). Donc toutes les prises (quantités, espèces, classes, patrons concernés..) étaient recensées à leur arrivée au port pour une vente entre 18 et 20 heures. Il s’agissait d’enchères descendantes réalisées sur la base d’un prix minimum, si ce dernier était atteint la vente était fermée. Pour se prémunir contre les invendus, la cofradía vendait à l’avance, par anticipation et contrat, une partie de la pêche, ceci permettait de vendre toute la pêche sans atteindre des prix trop bas. Avant la saison, pour les surplus de pageot rose et de germon, elle recherchait un ou des adjudicataires qui payaient 1 ou 2 réaux de moins que le prix minimum pour se procurer la marchandise, mais ne pouvaient vendre ce poisson frais, il devait être mis obligatoirement en «escabeche» (préparation à base de vinaigre et d’huile frite).

Les adjudicataires recevaient de la confrérie l’exclusivité de cette fabrication dans le port mais ils ne pouvaient transporter le poisson frais et le travailler ailleurs ; de la même façon ils ne pouvaient amener du poisson frais ou salé d’un autre port.

Pour attirer ces transformateurs, la Cofradía leur offrait l’exclusivité :on a conservé bon nombre de ces contrats depuis la fin du XVIIIe siècle pour les ports du Guipúzcoa dans lesquels on distingue la force des Confréries qui voulaient empêcher que des personnes privées s’installent en s’affranchissant de leur contrôle. Ces adjudications précisaient les quantités (en arrobes, c’est à dire un panier de 11 à 12,5 kg pour le pageot rose, en quintaux pour le thon), la durée (le plus souvent pour une campagne) et

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elles donnaient l’obligation de prendre tout le poisson prévu, même s’il y avait des surplus abondants sur plusieurs jours ou si les adjudicataires manquaient d’acheteurs. Ils

devaient en outre utiliser la maison “d’escabécherie″ avec tous ses ustensiles (lavoirs,

piles, chaudières) que la Cofradía leur louait. Ils travaillaient pour leur propre compte mais ils élaboraient aussi le poisson acheté à la criée par des muletiers qui vendaient ces produits à l’intérieur des provinces basques et des provinces limitrophes. Parfois il n’y avait aucun adjudicataire, alors la Cofradía se chargeait elle même de la transformation des surplus. Jusqu’au milieu du XIXe siècle il n’y a pas eu de changements notables, les évolutions les plus significatives ont concerné la clause d’exclusion.

Quelles ont été ces évolutions de la fin du XVIIIe et plus encore celles de la première moitié du XIXe siècle ?

Avec le transfert des douanes de l’Ebre à la côte en 1841, il semble qu’après cette date, l’intégration des provinces basques au marché intérieur ait stimulé le développement de la transformation du poisson par l’apparition d’ industries privées alors que les contrats d’exclusivité et d’adjudication disparaissent après 1850 mais la référence à un prix minimum est maintenue. Les Cofradías de Biscaye faisaient valoir le respect des fors et des ordonnances de la Marine (Matricule de Mer) après 1802 pour défendre l’exclusivité et ne pas céder au libéralisme alors que plusieurs documents disponibles sur divers ports du Guipúzcoa dès les années 1830 évoquent la liberté des échanges des produits de la pêche et celle du poisson transformé.

4 - La mise à mal des Cofradías et de l’exclusivité

Le modèle institutionnel corporatif a connu son apogée au XVIIIe siècle, il a

donné par la suite des signes de déclin. Les attaques contre les corporations afin d’instaurer la liberté du commerce aboutirent à la suppression de ces organisations en 1813, interdiction qui prit un tour définitif en 1836. Ces décrets ne concernaient pas les corporations maritimes qui dépendaient directement des autorités de la Marine. Ce ne fut que partie remise puisque l’Administration décida leur dissolution le 2 mai 1847 qui devint effective en 1864. Grâce aux dispositions particulières de l’ordonnance de 1802, les provinces basques purent conserver un régime à part mais en 1873, avec l’abolition de la ”Matrícula del mar ”, les Cofradías perdirent définitivement leurs privilèges. Il y avait eu de multiples escarmouches entre temps : dans les années 1840 par exemple, le gouvernement civil de Biscaye avait tenté de supprimer les confréries ou tout au moins de les transformer en sociétés de secours mutuel. Les autorités de la Marine y mirent bon ordre. A partir de cette période la mise en cause du monopole vint des particuliers ou des propres membres des Cofradías, en particulier le privilège de la vente exclusive se fit conflictuelle : plaintes sur le manque de liberté achat/vente de poisson, sur l’arbitraire du prix fixé pour l’achat du poisson par les transformateurs, jusqu’à une remise en cause par des patrons et propriétaires de barques (Cofradía de Bermeo en

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1861) qui désiraient effectuer individuellement leur vente sans acquitter un pourcentage à la Confrérie. Pour d’autres personnes actives ce monopole constituait un obstacle au progrès : en 1869, les cofradías s’opposèrent radicalement à l’utilisation des bateaux à vapeur dans l’activité halieutique, y compris pour remorquer les embarcations à voile jusqu’aux lieux de pêche.

Au total les Cofradías ont maintenu leurs privilèges de pêche grâce à un statut juridique spécifique s’appuyant sur deux cadres distincts : la législation de la Marine et celle de la Foralité ; la combinaison des deux a donné des droits exclusifs aux Corporations de la pêche, ses membres étaient les seuls habilités à pratiquer cette activité. Après 1873, a nouvelle législation imposa le libre exercice des activités et des industries maritimes : les Corporations perdaient tous leurs privilèges , en particulier leurs droits sur la ressource. Elles durent modifier leurs statuts pour tenir compte de cette loi, il n’y fut plus question de réguler ou de limiter un quelconque type de pêche, désormais l’origine et le contrôle de la réglementation se trouvaient entre les mains des autorités publiques (Etat, Comandancia de Marina) et non plus des Cofradías.

En fait ce changement fut accompagné par des bouleversements bien plus grands encore à la fin du XIXe siècle, ceux des techniques de pêche, des modes de propulsion des embarcations et de l’organisation de l’activité. Sans doute ce fut cet ensemble de causes qui rendit le changement institutionnel inéluctable car les chiffres des apports de la première moitié du XIXe S. étaient à la baisse (tout au moins jusqu’en 1840) et l’origine de la crise devrait être cherchée selon Juan GARCIA (1979) ”dans une

structure d’entreprise archaïque et très fortement associée à la réalité de l’Ancien Régime pré-capitaliste qui rendait impossible les changements nécessaires pour que se

produise une modernisation technologique et organisationnelle ». Le développement d’une industrie de la pêche hauturière fondée sur le chalutage

vapeur (voir par ailleurs l’évolution des embarcations et des techniques) entraîna un modèle de production différent de celui conservé par les cofradías pendant des siècles.

Il s’agit ici d’une exploitation à caractère commercial fondée sur la vente dans la région et tout le pays de poisson frais. Dès le début, les cofradías s’opposèrent aux techniques de chalutage, ainsi la Cofradía de Castro Urdiales (Cantabrie) demanda au ministère de la Marine de refuser les autorisations de chalutage vapeur réclamées par I. Mercader, commerçant de San Sebastián…

Avec une régularité annuelle, elle réitérait sa demande auprès du ministère ; de même en 1901, les pêcheurs des provinces de Biscaye et de Cantabrie demandèrent l’interdiction totale du chalutage à vapeur. L’année 1907 fut très conflictuelle avec des manifestations, des meetings qui réunirent des milliers de personnes à Bilbao ; ces adversaires du chalutage à vapeur voulaient qu’il soit repoussé à plus de 20 milles des côtes. En 1936, cette question n’était toujours pas réglée. Les motivations du refus reposaient sur son caractère beaucoup plus intensif que la pêche traditionnelle, donc un préjudice porté à la reproduction des espèces et à court terme une disparition des lieux

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habituels de pêche; parmi les autres raisons figurent la pêche aux mêmes espèces (pageot rose, merlu) et les conditions d’accès à la ressource. L’interdiction du chalutage à vapeur devenait la clé pour que puisse survivre le modèle social et productif encadré par les cofradías. En 1901, le président de la Cofradía de Mundaca résumait bien l’alternative : d’un côté le goût du lucre chez les riches qui construisaient les chalutiers (cf. les entreprises qui armaient au chalut à vapeur sont des sociétés capitalistes) et de l’autre le bien-être commun par le modèle corporatif (dans lequel les pêcheurs regroupés et organisés dans les cofradías étaient propriétaires ou copropriétaires des moyens de production et leur rétribution était un pourcentage du montant de la vente, ils n’avaient pas les moyens de construire un chalutier et d’acheter le chalut) En résumé, deux structures distinctes entraient en concurrence pour les zones de pêche, pour s’approprier une même ressource, mais ce sont aussi des niveaux de productivité très différents. Effectivement, jusqu’aux années 1920, les chalutiers à vapeur pêchaient presque exclusivement sur les zones sableuses les plus proches de la côte, là où on avait pêché pendant des siècles à l’hameçon : non seulement ils pêchaient la même espèce (le merlu) mais sur les mêmes lieux que les pêcheurs traditionnels à cause de l’étroitesse de la plate-forme continentale dans cette zone.

De la même façon, à partir de 1873 la fin de l’exclusivité permit à n’importe qui de pêcher, et les ressources furent “nationalisées”.

Avec l’adoption d’un règlement en 1898, l’Espagne,44 autorisa le chalutage à vapeur à partir de 3 milles de la côte. Les protestations de pêcheurs sur toutes les côtes permirent de repousser l’interdiction jusqu’aux 6 milles (limite de juridiction des eaux espagnoles) en mars 1906. Toutes les demandes d’interdiction et de fixation de périodes de prohibition au cours de l’année au-delà des 20 milles restèrent sans réponse.

Les changements s’installèrent définitivement entre le début du siècle et la guerre civile (1936) : la cofradía restait le point de référence pour les uns, mais dans certains ports deux organismes étaient en concurrence (à San Sebastián, Guetaria, Fuenterrabia) et parfois les ports n’en possédaient plus. Les luttes nuisaient à l’intérêt commun des pêcheurs. La « société océanographique du Guipúzcoa » rapprocha les points de vue par des réunions et certaines cofradías fusionnèrent. Elle souhaita aller plus loin et fut à l’origine de la Fédération des Cofradías de la province.

Elles se trouvèrent en rivalité avec les Pósitos45 de pêcheurs crées par la loi du 5 mars 1928. A l’intérieur de cette nouvelle forme d’association coopérative, on intégra la Caisse de Crédit Maritime46 dont la création remontait à 1919 ; cette dernière accordait aux travailleurs de la mer une série de protections : secours mutuel, coopérative, mont-de-piété, aide à la construction de maison, mise en place de criées et vente du poisson en essayant de supprimer des intermédiaires. Les Cofradías de marins devinrent

44 Reglamento por la pesca con el arte de bou y demás redes de arrastre remolcadas por embarcaciones 45 Les « Pósitos » sont des associations coopératives d’ouvriers maritimes. 46 Caja Central de Crédito Marítimo

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progressivement pour la plupart des ports du Guipúzcoa et certains de Biscaye, des « pósitos » maritimes protégés par la Caisse de Crédit Maritime qui prêtait de l’argent pour construire des écoles de pêche et des bâtiments. Par exemple, la Cofradía de Pasajes de San Juan disparut à la fin du XIXe siècle et fut recréée le 30 juillet 1917. Elle se transforma en “Pósito” (coopérative) regroupant environ 500 pêcheurs en 1927.

Les espèces les plus recherchées (merlu, pageot rose) se trouvaient dans les eaux internationales de l’époque, c’est à dire là où pouvaient venir aussi des chalutiers étrangers. Avec le temps, ces espèces disparurent de cette zone proche ; pour les chalutiers, la solution passa par l’extension de l’aire géographique de pêche. L’activité de production s’est scindée en deux :

- l’activité traditionnelle, côtière, littorale, dite aussi pêche de bajura liée aux Cofradías capturant des espèces pélagiques pour partie destinée à la transformation

- une pêche industrielle hauturière ou au grand large dont la production essentielle était destinée au marché de poisson frais. Cette pêche industrielle est en croissance depuis le début du XXe siècle à Pasajes / San Sebastián (Guipúzcoa), après 1920 en Biscaye (Erandio en 1920 et Ondarroa à partir de 1932)47.

L’apparition de cette dernière a cantonné les Cofradías dans le mode traditionnel duquel elles n’ont pas pu ou voulu sortir .

Avec le régime franquiste le droit du travail fut modifié dès 1938 (interdiction de la grève et suppression de la libre adhésion syndicale). A partir de mars 1943, le Syndicat Vertical de la pêche intégra, au travers des Centrales National-syndicales des Provinces les Associations coopératives, les Confréries et autres institutions de la pêche de même nature ainsi que les fédérations qui vivaient sous l’égide de l’Institut Social de la Marine. Les Cofradías ont été rétablies en 1978 après la disparition de Franco et de son régime

II- L’absence d’équivalence sur la côte labourdine (ou côte basque de France) : les gens de mer, un monde mal organisé.

1- L’absence de confréries dans la grande pêche

Absence de corps de métiers et rareté des Confréries caractérisent bien des ports

de l’Atlantique français et de Saint-Jean-de-Luz en particulier, ce qui inspire à A.

Cabantous la réflexion suivante : “dans les ports massivement tournés vers le poisson,

les pêcheurs n’ont pas senti le besoin de se regrouper pour affirmer leur identité et

47 Dès le départ, la flotte chalutière s’installa à Ondarroa dans un espace distinct (près de la digue externe) séparé de la flotte traditionnelle. Cette division s’accentua en 1947, plusieurs armateurs formèrent la « Asociación de Armadores de altura » quittant l’institution de la Cofradía.

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défendre leurs intérêts au regard d’autres populations maritimes par trop minoritaires“.

Des archives de 171848 ne laissent aucun doute "il n’y a aucun corps de métier ny

maîtrise dans St Jean de Luz. La plus part des habitants vont toutes les années aux

voyages de la baleine et de Terre Neuve". Trois décennies plus tard, en 1749, c’est le

même constat (Robin, 1997) "aucun corps de métier ny aucune maîtrise” . Les

armateurs de Saint Jean de Luz parlent de la double activité des marins pour expliquer cette absence d’organisation ”il y en a parmi eux quy estant massons, forgerons,

charpentiers, reprennent leur travail au retour de leurs voyages "Selon des études

menées sur la période 1715-1770 (Turgeon L.,1982), il est vrai que la transmission du métier, pêcheur de père en fils, est relativement faible et que le recrutement repose principalement sur le monde de l’artisanat. Cependant la pression des négociants-armateurs compte pour beaucoup dans cette absence d’organisation professionnelle : confrontés à une population de marins au recrutement limité dans ses possibilités (9 paroisses maritimes), ils ont tout intérêt à conserver en permanence sous la main des marins peu organisés. Cette situation est en totale opposition avec le très fort phénomène corporatif existant en Biscaye et Guipúzcoa. Est-ce lié de ce côté-ci à la faiblesse de la pêche côtière ? Biarritz est le seul port de la côte labourdine où se trouve un groupe organisé de pêcheurs qui ne vivent que des ressources de la pêche côtière. Ils sont minoritaires sur une côte où ne compte vraiment que la pêche au large. La confrérie de Saint Pierre de Biarritz a été créée le 24 avril 1752. La solidarité du groupe s’exerce face au danger encouru en mer et sur les côtes, sur ces dernières se produit la très grande majorité des naufrages de l’époque. Les statuts différencient plusieurs groupes de marins, ils écartent les plus pauvres et c’est au niveau des maîtres de chaloupe que les pêcheurs ont de réels pouvoirs dans la confrérie. Elle ne comptait que 40 marins en 1770. Pratiquée surtout par une communauté de marins gascons, cette pêche côtière est peu florissante, une pêche par défaut qui ne suscite que peu de vocations. Alors qu’en 1752, la communauté trouvait sa cohésion dans la piété et les manifestations religieuses, en 177049, après un conflit avec l’Eglise, le renouvellement des statuts met davantage l’accent sur la solidarité des marins face aux épreuves, le soutien aux plus démunis, signe de temps difficiles alors que le religieux s’estompe dans les statuts : il n’est plus question de donner de l’argent à l’Eglise ou à la paroisse. Les implications sociales l’emportent sur toute autre considération. Ailleurs sur le littoral ce sont des laissés pour

compte "invalides, les matelots hors de service par leur âge, et les jeunes gens qui

commencent à fréquenter la mer qui s’occupent icy à faire la pesche fraîche, tous les

matelots formés s’embarquent généralement pour faire les voyages de Terre Neuve".

Dans ce contexte, la pêche côtière apparaît seulement comme un apprentissage pour les jeunes tentés par une vie de marin. 48 archives municipales Saint-Jean-de-Luz HH 3/6/2, 1718 49 archives municipales de Biarritz GG 10/3, 9/6/1770

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Dans leur vie quotidienne, quelle est la situation matérielle des marins de la pêche au large de Saint-Jean-de-Luz alors que la pêche de la baleine décline à partir de 1730 et celle de la morue après 1760-1770 ?

Les marins et les pêcheurs se recrutent dans les paroisses maritimes, parmi les fils d’artisans, très peu chez les laboureurs ou les cadets de famille. De multiples témoignages, mémoires et documents des XVIIe et XVIIIe parlent de ce sentiment d’appartenir à un monde à part, d’aventure et de gloire pour le ”grand métier” où ils côtoient les dangers et la mort. Cette bravoure et cette hardiesse ont dépassé le cadre de la province, elles sont célébrées par les archives (archive nationale de la Marine), l’Encyclopédie de Diderot (article baleine) ; les plus courageux sont sans conteste les harponneurs, dont une centaine provenait du Guipúzcoa et de Biscaye entre 1725 et 1730, leurs qualités pouvaient les mener à être capitaine de navire. Ce monde, sous la pression des armateurs luziens est presque entièrement tourné vers la pêche lointaine : en 1725, une trentaine de vaisseaux sont envoyés à la pêche de la baleine avec à bord de chacun, une cinquantaine de marins ; en 1770, une quinzaine de navires partent à la pêche de la morue à St Pierre et Terre Neuve. C’est ce qui fait l’originalité du monde maritime du Labourd au XVIIIe. Parmi ces gens de mer, il y a le sentiment partagé d’appartenir à une élite, issue d’épreuves sélectives ; un Mémoire rédigé vers 1770

concernant la Marine des Basques affirme que "parmi les jeunes gens de la côte de

Biscaye, on attache un certain mépris à ceux qui n’ont pas navigué, préjugé bien

avantageux à la nation”. Pour la pêche de la morue les témoignages abondent : ”de

toutes les provinces d’où il part des pêcheurs, il n’y en a pas de plus propres et de plus

habiles que les Bayonnais et les Basques ; l’équipage d’une seule chaloupe bayonnaise

pesche ordinairement plus que trois des autres pêcheurs"50. Mais c’est dans la pêche de

la baleine que la réputation des pêcheurs basques paraît sans égale. M.Lemasson du Parc, venu en tournée d’inspection en 1727 sur la côte, ne tarit pas d’éloge sur les

pêcheurs basques de la baleine "de tous les pêcheurs français cette première (la pêche

de la baleine) n’est pratiquée seulement que par les Basques.Il ne se fait dans tous les

autres ports de France aucun armement pour cette destination. Ce commerce qui a

néanmoins esté autrefois bien plus considérable qu’il ne l’est à présent donne

cependant à l’Etat les matelots et navigateurs les plus hardis et les plus expérimentés51" Le particularisme linguistique, en Labourd comme en Bretagne, met les gens les

plus simples, donc les pêcheurs “dans une sorte d’insularité linguistique″.

50 Bibliothèque Nationale, collection Clairembault n°1016/302 51 Archive Nationale de la Marine C5/23/139, 9/8/1727 De même les archives municipales de St J. de L. sur les qualités et les vertus du harponneur HH 1/5/9 et 12/7/1732

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D. Robin ajoute52que

"tous les pêcheurs basques sont entièrement bascophones et ne s’expriment entre eux que

dans cette langue. Nulle part dans les archives notariales, ajoute-t-il ,on ne voit de

simples matelots capables de signer. Souvent ils réclament que le contrat fait par le notaire soit relu en langue basque (les actes notariés sont rédigés en français). L’emprise de la langue basque remonte jusqu’aux capitaines. On le voit dans la demande des jeunes

marins de Ciboure du 28 février 1790, en faveur d’une traduction en basque des articles de l’examen pour être reçu capitaine ou pilote . Au niveau des simples marins, le fait de

savoir signer demeure vraiment l’exception. Des progrès s’observent au niveau des officiers-mariniers et des capitaines : la maîtrise du français s’accentue au fur et à

mesure que l’on monte dans l’échelle sociale, en revanche chaque fois que la lecture en

langue basque a été exigée, il n’y a pas eu de signatures ".

Plus parlée qu’écrite, elle véhicule une culture orale dynamique s’appuyant sur des légendes, des contes fantastiques, des superstitions voire sur un monde magique. Les navires et les ports de pêche du Labourd ne pouvaient poursuivre leurs activités de pêche de la baleine et de la morue au XVIIIe qu’avec l’incorporation nombreuse et répétée des marins basques d’Espagne. Entre gens de mer on parle la même langue sur les navires, on a les mêmes usages ; ces provinces voisines constituent un réservoir d’hommes indispensable pour les armateurs locaux. Ces armateurs de Saint-Jean-de-Luz/Ciboure appartiennent au monde des gros armateurs que l’on peut trouver dans les ports importants du Royaume. Dans la cité, ils ont le pouvoir économique et politique, ils pèsent fort sur la vie sociale (équipement des navires, recrutement et rétribution des matelots). La pénurie chronique de matelots explique les initiatives des armateurs pour contrecarrer le développement de la pêche côtière, activité concurrente qui accroîtrait encore plus la pénurie des hommes. Le mode de rétribution à la grande pêche a été étudié53, l’échelle des salaires est assez haute, certains pêcheurs sont engagés au mois (c’est plus coûteux), d’autres sont payés à la part (ceux qui font les voyages les plus longs, c’est à dire 9 à 10 mois vers St Pierre et Miquelon). Cette rémunération inclut les avances reçues par les marins avant le départ pour leurs préparatifs et pour laisser une subsistance à leur famille. Cet argent représente un « prêt à la grosse » avec intérêt remboursable par le marin en produit de pêche « racheté » à un prix nettement inférieur à sa valeur par l’armateur. Le pêcheur, dans la hantise de rembourser sa dette, s’acharne plus au travail, l’équipage se trouve subordonné à l’armateur par l’endettement ; cette domination par l’argent ne trouve pas de contre-pouvoir dans la cité : même s’il y a une codification de ces « avances » par une ordonnance de la Marine de 1681, il n’existe pas d’organisation du côté des pêcheurs et cette pénurie en hommes expliquerait en partie la stagnation de la pêche côtière. Cette grande pêche impose ses rythmes à la cité, Saint-

52 D.Robin, thèse p.418 opus cité 53 L.Turgeon : thèse 3ème cycle opus cité

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Jean-de-Luz vit à contre-pied des saisons des communes rurales de l’intérieur. La ville se vide de ses hommes valides entre mars et octobre, durée de l’absence pour la pêche de la baleine54. La pleine vie de la cité coïncide avec la fin de l’automne et l’hiver, de novembre à février alors que les paroisses rurales sont engourdies.

2- La pêche de la sardine, une pêche complémentaire

génératrice d’une forte activité au XVIIIe Celle-ci était une activité de subsistance qui procurait une nourriture de première

nécessité pour les plus pauvres qui vivaient dans les ports ou près des côtes. Elle n’était pas suffisante, d’où des achats à des embarcations de Fuenterrabia et de Biscaye de sardines fraîches ou en vert. Depuis le début du XVIIIe siècle la pêche de la sardine a pris un caractère plus commercial puisque désormais ce poisson est pressé. C’est le cas de la Bretagne qui ambitionne grâce à ses presses à sardine de plus en plus nombreuses d’être le grand pourvoyeur du Royaume et particulièrement du sud et du pourtour méditerranéen. C’est donc bien après la Bretagne, vers 1746, que sont installées à St Jean de Luz des presses à sardine mais la « pêche du païs » n’est pas suffisante pour les approvisionner en matières premières, les zones de pêche importantes se trouvant au large des côtes de l’Espagne ; elles seules peuvent alimenter les presses luziennes tournées vers une activité commerciale. Ces dernières travaillent la sardine « en pile »55, méthode qui s’impose dans les fabriques de Saint-Jean-de-Luz, Ciboure et Hendaye. Elle présente l’inconvénient de jaunir le poisson au bout de trois ou quatre mois et de se gâter assez vite. L’installation de ces fabriques (22 à St Jean et 2 à Ciboure en 1749), une manne pour les gens modestes, est tolérée par les notables de la ville dans la mesure où elles procurent de l’activité aux petites gens et s’approvisionnent en sardines espagnoles. Pour ne pas supplanter la consommation locale de morue, les armateurs ont fait empêcher les importations de sardines de Galice. L’apparition des fabriques de sardines en Labourd à la fin de la guerre de Succession d’Autriche constitue une des seules satisfactions pour les familles de pêcheurs, sept à huit baleiniers ont été capturés, puis en 1745, 25 vaisseaux basques ont subi le même sort. Touchées par la misère à la fin de la guerre, poussées par le besoin puisque les apports de morue sont en diminution ces femmes de pêcheurs vont chercher dès 1748-1749 des sardines en plus grosses

quantités56 " les Fontarrabiens n’ont qu’une vingtaine de chaloupes qui font cette

pêche, et ne fournissent qu’une faible partie à nos femmes qui vont elles-mêmes dans les

ports du Guipúzcoa et de Biscaye, où elles transportent du sel de France dans des

54ADPA C/336 la moitié des retours se déroule au cours des quatre derniers mois de l’année. Les cycles sont un peu plus compliqués pour la pêche de la morue, L.Turgeon a étudié ces rythmes pour la période 1715-1769. 55Très certainement une méthode de fabrication venue de Bretagne ; description de la mise en œuvre dans les archives de la CCI de Bayonne I/10/13 1752 56Archives municipales de Saint-Jean-de-Luz BB 9/2/116 4/12/1749

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pinasses et rapportent dans des paniers la pêche de plus de 300 chaloupes ". Elles se

rendent même sur les côtes des Asturies. Les sardines sont saupoudrées de sel pour arriver en état à St Jean . La fabrication de sardines pressées a atteint 14 000 barriques en 1751, certaines étaient vendues à Bordeaux, à La Rochelle ou à Nantes, ce qui entraîna une plainte pour concurrence déloyale des Bretons de Belle Ile qui se livraient à la même activité. Les statistiques du port de Bayonne ne permettent pas toujours d’évaluer le commerce des sardines en provenance des ports du Guipúzcoa et de Biscaye par rapport à celles de l’ensemble de la côte cantabrique. On constate que Bayonne importait plus de 400 barriques en 1761, plus de 1200 en 1769 et, à partir des années 1770 , jamais moins de 400 barriques/an de sardines en vert pour atteindre 2300 en 1774 et 3240 en 1775. Quelques bateaux se sont spécialisés dans ce commerce de cabotage.

Donc cette pêche de la sardine est très largement laissée aux soins des pêcheurs espagnols, les femmes de pêcheurs de St Jean se chargeant de la fabrique de la sardine pressée et de la vente du poisson, dans les deux cas ces femmes travaillent, alors que leurs maris sont partis pêcher au loin, pour subvenir aux besoins de la famille. Ces femmes au travail constituent deux groupes :

- les vendeuses de poissons ou « revenderesses » : ce groupement se rapproche des métiers qui se forment lors des foires ou marchés ; elles prêtaient serment à la municipalité57. Connues de tous, elles ont droit à la protection publique « après les

serments pretté par chacune d’elles entre nos mains et que leur avons expliqué les

devoirs de leurs charges, elles ont promis sous ledit serment de les remplir fidèlement et

en conséquence nous les avons reçues et les recevons revenderesses publiques de St

Jean-de-Luz, prohibant à tous autres d’en faire les fonctions sans notre expresse

permission ». Ce sont ces marchandes de sardines qui font preuve de la plus forte singularité puisque quinze d’entre elles se constituent en société en 178158 "elles

déclarent former un même corps et société pour l’achat seulement de toutes les sardines

quelconques qui viendront d’Espagne, lesquelles sont également partagées entre

chacune d’elles ". Cette société s’est formée afin d’éviter une concurrence, c’est une organisation peu fréquente chez les femmes sous l’Ancien Régime, cela témoigne plus des difficultés économiques du moment que d’un changement de leur rôle dans la société de l’époque - les femmes dans les presses à sardines, au tri et traitement de la morue au retour des navires : la répartition du travail homme/femme adoptait le schéma suivant : le grand large pour la très grande majorité des hommes du port, le regard tourné vers la pêche côtière, le travail du poisson à terre pour les femmes de pêcheurs chargées d’assumer le quotidien. Ce dernier est loin d’être assuré car ces femmes deviennent les principales victimes des rivalités entre négociants du Labourd et de Bretagne qui arrivent à faire

57 archives municipales de St J. de Luz BB 2/6/9 21/8/1769 58 ADPA IIIE/9719, 7/8/1781

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interdire en août 1748 par décret royal les importations de sardines espagnoles; une décision identique est prise par Necker, avant qu’il ne change d’attitude en août 1779 : il autorise la distribution, par l’Intendant de Bordeaux et le subdélégué du Labourd, de 500.000 sardines importées pour éviter une double menace, celle de la famine de la population locale d’une part et la ruine des femmes qui s’étaient endettées pour acheter la matière première d’autre part.

3- Les pêcheurs s’organisent après 1945

Quelle est leur situation dans le port de Saint Jean de Luz/Ciboure après la fin de la deuxième guerre mondiale ?

L’organisation du port, la gestion des débarquements et de la criée est aux mains de l’Encan. La plupart de ses membres exercent une autre activité : ils sont conserveurs, armateurs (ou les deux à la fois), ou possèdent une entreprise de salaison ; ils font partie des notables de la ville grâce à leur position sociale.

Les pêcheurs, peu ou pas organisés collectivement, sont écrasés et exploités par la puissance des conserveurs qui, depuis 1918, ont créé à Nantes le « Comptoir Français de l’industrie des Conserves Alimentaires » (COFICA). Cet organisme a pour but de planifier l’achat groupé du poisson en l’obtenant au meilleur prix et de le répartir entre les différentes usines.

Le port de Saint-Jean-de-Luz vivait essentiellement de la sardine : entre 1930 et 1945, elles constituaient 74 % des pêches débarquées (Sahastume A., 2002) et les apports de thon venaient en appoint.

Les mareyeurs formaient un groupe qui a moins de poids économique que les conserveurs ; ils employaient peu de salariés pour la commercialisation de poisson frais mais participaient aussi à l’Encan.

En 1945, des conflits éclatèrent entre l’Encan et les pêcheurs, un monde assez misérable et peu considéré à l’époque, à propos d’un doublement de la taxe de criée. Le 1er mars 1945 le préfet décida d’attribuer l’organisation de la taxe de criée au Syndicat des marins. Ce dernier, dirigé par K. Basurco à partir de 1952, fut à l’origine de la création de la coopérative maritime ITSASOKOA (1953)59, avec l’aide de la Caisse Centrale du Crédit Coopératif. Cette coopérative regroupait les 1200 pêcheurs, adhérents au syndicat de marins pour gérer toutes les opérations de criée en reprenant l’Encan dont les actionnaires privés furent remboursés (période 1946-1952). ITSASOKOA s’ajoute à la coopérative d’avitaillement « La Basquaise », mise en place dès 1945.

La prise en mains de la criée fut une des deux conquêtes des marins locaux au lendemain de la deuxième guerre mondiale. La seconde ne fut pas moins importante : l’Etat a souhaité développer la coopération maritime (Crédit Maritime Mutuel et Caisse

59 Revue Altxa Mutillak 1999 n°6 p 48 et suivantes

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Centrale de Crédit Coopératif). Cela permit de relancer la pêche artisanale en accordant de prêts aux patrons pêcheurs. Au début des années 1950, toute la flottille du port appartenait aux pêcheurs, fait rare en France à l’époque. Il a fallu aussi prendre en compte le changement de technique de pêche avec la quasi-disparition de la sardine en 1949-1950 (et donc désormais une morte saison hivernale) pour faire du thon une espèce cible grâce à la pêche à l’appât vivant implantée dans le port à partir de 1948.

Au cours de la décennie suivante, des patrons ont fait construire des baby-clippers qu’il fallait rembourser. L’intérêt des industriels de la conserve de thon (trouver de la matière première complémentaire) et celui de ces patrons convergeait vers la recherche de nouveaux lieux de pêche : ce fut la pêche artisanale aux thonidés dans les eaux africaines, depuis Dakar, à partir de 1955-1956 pour la flottille luzienne. La coopérative ITSASOKOA fut le maître d’œuvre de ces changements. Le projet de pêche au thon à partir de Dakar est monté par divers organismes dont le Syndicat des Marins, le Comité local des Pêches de Bayonne, la Chambre Syndicale des Conserveurs et les pouvoirs publics. Dès 1954 pour le Comité Local, il apparaît impératif que les produits de la pêche soient débarqués et transformés en métropole, l’écoulement du poisson est prévu par des contrats d’achat entre la COFICA et les bateaux luziens (albacore principalement et, en quantité moindre, le listao ou bonite à ventre rayé).

Photo 7 : Siège de la coopérative maritime et usine de conserve créée en 1959

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Le thon pêché à Dakar est livré à la COFICA qui le congèle et l’achemine vers les usines de métropole par des cargos frigorifiques loués Les résultats de la campagne expérimentale de 1955 (trois bateaux) sont tels qu’un véritable engouement se développe parmi les patrons pêcheurs : 25 navires sont candidats pour la campagne 1956-1957 mais les capacités de congélation sur le port de Dakar (10 tonnes/ jour) ne sont pas suffisantes d’où, en 1956, l’achat par la coopérative d’un navire d’occasion transformé en bateau congélateur, le premier en Europe, d’une capacité de congélation de 80 tonnes/jour.

La coopérative ITSASOKOA devient le maître d’œuvre de ces campagnes thonières au large de Dakar. Elle loue les cargos qui transportent le poisson congelé pour qu’il soit travaillé dans les usines de la Côte basque, elle signe les contrats avec les différents conserveurs et représente les pêcheurs auprès des autorités sénégalaises. A partir de 1958, le navire congélateur n’est plus autorisé à séjourner à Dakar car il fait concurrence aux conserveurs métropolitains qui ont installé des usines sur place et y emploient une main d’œuvre locale.

La coopérative ITSASOKOA ne disposant plus de son bateau congélateur crée en l’espace de quelques mois (1959) une conserverie sur place (Conserves du Mali) pour

Photo 8 Intérieur de l’usine Itsasokoa en 1959

Source : Itsasokoa

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laquelle elle reçoit l’aide de la société "Pêcheurs de France"60 et, en 1961, lui adjoint un nouveau congélateur, l’Iraty (ancien LST américain) d’une capacité de congélation de 100tonnes/jour. Mais là encore, des différends et des conflits se multiplient avec les industriels conserveurs en place au sujet des espèces et des quantités achetées.

Constatant l’engorgement du marché du thon en métropole, les pêcheurs luziens se rendirent compte qu’ils étaient à la merci des conserveurs qui ne signaient plus de nouveaux contrats. La décision fut prise de créer une usine de la coopérative maritime

Itsasokoa : son activité débute en juillet 1959 grâce à « Pêcheurs de France » dont le but consiste à faciliter la commercialisation et la production des usines coopératives. Elle fixe les programmes de fabrication en fonction des marchés et des perspectives de vente. Par la suite, en 1968, Itsasokoa participe à la création d’un complexe thonier tandis que la première conserverie créée 8 ans auparavant est revendue à un industriel. Un véritable empire coopératif a été construit, fondé sur - la gestion de la criée ( transférée de Saint-Jean-de-Luz à Ciboure dans des locaux

beaucoup plus vastes, avec des frigorifiques) - l’armement : le Donibane (pour l’étude de la raréfaction de la sardine), le Sopite

(1956), l’Iraty (1961) navires congélateurs qui vont terminer leur « carrière » en congelant de la sardine au large des eaux poissonneuses du Maroc

- la conserve de poissons : une usine à Ciboure et deux à Dakar Avec l’aide du syndicat des marins, sont mises en place plusieurs caisses : secours

mutuel, remorquage, assurance des bateaux. Tout cela consacre la victoire d’un esprit coopératif et solidaire, d’une étape au cours de laquelle les pêcheurs ont connu une réelle amélioration de leur niveau de vie et de leurs revenus. Certaines missions, certaines réalisations de la coopérative ne sont pas sans rappeler celles des cofradías.

Les années 1950 à 1970 ont constitué une période faste de cette pêche artisanale : Saint-Jean-de-Luz avec ses 10.000 habitants et la ville jumelle de Ciboure avec 5.000 h. comptaient plus de 1.200 pêcheurs et 1.500 ouvriers et ouvrières dans ses usines de conserves.

60 La société « Pêcheurs de France » fondée en 1959 est un organisme d’union des coopératives qui regroupe toutes les coopératives du littoral atlantique et à laquelle Itsasokoa s’affilie.

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Conclusion Le système original d’organisation du monde de la pêche en Pays basque

d’Espagne (partie du littoral cantabrique et national) s’est perpétué au cours des siècles pour disparaître sous sa forme ancienne dans le dernier tiers du XIXe siècle. Elles sont réapparues dans les années suivantes ou se sont incorporées à de nouveaux organismes coopératifs dans les années vingt. Intégrés et redéfinis dans le syndicat vertical de la pêche sous le régime franquiste, les cofradías ont pu renaître sous une forme modifiée en 1978. Elles ne concernent que la pêche artisanale, l’essentiel des bateaux et des marins aujourd’hui, et non la pêche hauturière et industrielle qui s’est organisée de son côté. Regroupées en Organisation de Producteurs au niveau de la province, elles semblent pratiquer une cogestion de l’espace de production de la mer territoriale avec le Gouvernement Autonome du Pays basque dans le cadre de la législation nationale.

Cela se veut une vitrine de la cohésion territoriale et de l’identité des pêcheurs basques alors que paradoxalement les autres composantes des flottilles “ apparaissent ” peu aujourd’hui dans le paysage portuaire (les OP étant ici uniquement des organismes économiques, techniques et de gestion). N’est-ce pas un facteur de résistance au recul de l’activité halieutique ? L’organisation des pêcheurs de la côte basque de France est très tardive, postérieure à la Seconde guerre mondiale. La diversité de ses activités et de ses structures entre 1950 et 1970 constitue une sorte ”d’âge d’or” pour les pêcheurs et le port de Saint-Jean-de-Luz. L’adoption du chalutage pélagique par certains armateurs du port a créé une coupure durable à l’intérieur de celui-ci, bien au-delà de la création du port d’Hendaye. Même après le regroupement des criées et des OP en 2000, les clivages perdurent et traduisent d’autres conflits, entre producteurs et acheteurs (cf. première partie, chapitre 5). Ce manque de solidarité ne constitue-t-il pas un facteur de faiblesse pour l’avenir ?

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Chapitre 7- LA MISE EN PLACE ET LE RENFORCEMENT D’ UN SYSTÈME HALIEUTIQUE : LA FLOTTE ARTISANALE La disparition progressive de la pêche lointaine dans les premières décennies du XIXe siècle n’a pas fait disparaître toute activité halieutique dans le golfe de Gascogne.

I - Les ports de la côte basque de France

Des ouvrages généraux sur les pêches françaises ont été publiés (Mollat du Jourdin, 1987) ainsi que des études spécialisées, par exemple celle de Morandière (1962) sur la pêche de la morue dans l’Amérique septentrionale. Dans cette étude d’ensemble, les pêches maritimes basques ont été détaillées. De la même façon, plus récemment, les pêches des baleiniers basques ont été l’objet d’une analyse très fouillée (Du Pasquier, 2000) mais dans ces deux derniers cas il s’agit des pêches « glorieuses » du XVIe au XVIIIe siècle. Par la suite il y eut déclin et disparition de ces deux activités halieutiques du grand large ; aussi il n’est pas surprenant qu’il n’existe pas d’étude historique des pêches maritimes des ports de la côte basque de France pour le XIXe, époque charnière marquant le déclin inexorable de la grande pêche. Pour pallier ce manque c’est au travers de quelques sondages effectués dans les archives de la Marine à Rochefort et à la CCI de Bayonne que j’ai pu constater certaines évolutions, sans prétendre, loin s’en faut, à l’exhaustivité. Les années consultées sont postérieures aux guerres de la Révolution et du Premier Empire.

1- Le déclin de la Grande Pêche au XIXe siècle

Au début de XIXe s, Saint-Jean-de-Luz et Ciboure vivent la fin d’une époque, celle de la Grande Pêche. Mise à part l’embellie de 1816 et 1817, avec respectivement 10 et 8 navires armés pour la pêche de la morue sur les bancs de Terre Neuve et Saint Pierre, au cours des années suivantes (1818 à 1823), seuls deux à trois navires s’y rendent chaque année, avec une centaine de marins pour équipages. Au-delà de cette période, à deux exceptions près au milieu des années 1830, il n’y a plus d’armement pour cette pêche ; d’ailleurs, il ne se construit plus de goélettes ou de bricks après 1820 dans les chantiers navals locaux ; seuls apparaissent désormais dans les livres d’armement les constructions de chaloupes, trincadoures et canots. Bayonne a résisté plus longtemps ; sans doute y avait-il des moyens financiers beaucoup plus importants (négociants, armateurs) qui faisaient défaut à Saint-Jean-de-Luz.

De 1815 à 186062 il y a toujours eu annuellement entre 6 et 14 morutiers armés pour la pêche (une dizaine entre 1833 et 1844) dont les équipages globaux variaient

62 Sauf en 1823, 3 seulement.

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entre 150 et 350 marins embarqués. En fait les navires, brigantins, goélettes, bricks, trois-mâts-barques, ont les équipages d’une quinzaine de matelots mais transportent aussi ceux des doris, les graviers ainsi que des passagers63, ce qui peut donner un effectif de 50 à 100 personnes par navire. Les destinations de prédilection étaient St Pierre et Miquelon et après 1845 le grand banc de Terre Neuve.

L’aventure de la Grande Pêche se termine provisoirement pour Bayonne au début des années 1860 (dernier morutier pour Terre Neuve en 1864), ce qui n’empêche pas d’expédier à Saint Pierre des navires non-pêcheurs au cours des années suivantes pour prendre livraison de la morue séchée pour l’acheminer vers un port des Antilles françaises. Issue d’un village proche de Bayonne, la famille Légasse fut à l’origine de la dernière compagnie morutière locale, à la charnière du XXe siècle. Louis Légasse possédait un comptoir et plusieurs navires à voile à Saint Pierre et Miquelon ; il était à la tête d’une des plus importantes sociétés morutières de l’archipel à la fin du XIXe siècle. En 1890, lui et ses deux frères créèrent en métropole la société « la morue française » qui arma 37 navires dans une seule campagne, presque tous des goélettes ayant chacune 40 hommes à bord.

En mars 1901, 5 morutiers de la société Légasse et Cie (2 seulement en 1903) avec plus de 120 matelots quittent Bayonne en direction du Grand Banc de Terre Neuve, la morue étant séchée à Saint Pierre.

Dans un courrier de cette époque64, le responsable de cette société souligne que la région ne fournit désormais que très peu de marins, presque tous étant recrutés en Bretagne. Dans un courrier adressé au président de la CCI65, il précise l’activité morutière nationale : 234 navires morutiers ont quitté la métropole (Fécamp, Saint Malo, Granville, Saint Servan, Cancale principalement) pour pêcher la morue sur les bancs de Terre Neuve. Sur les 42 unités ayant quitté Saint Servan, 19 appartiennent aux différents armateurs de Bayonne. Cette même année, à Saint Pierre, la société Légasse armait une quarantaine de goélettes dans l’archipel (30 % des armements de Saint Pierre et Miquelon).

Cette pêche de la morue à partir du port de Bayonne disparaît alors qu’en 1907 la société Légasse conservait des agences à Bayonne, Bordeaux, Saint Malo, Fécamp, Marseille et Port de Bouc. En 1935, le petit-fils de Louis Légasse crée ”la Cie Générale de Grande Pêche” par transformation de la société précédente quand elle s’oriente vers la pêche de la morue au chalut (et non plus à partir des doris) avec débarquement et séchage des poissons effectué à Bègles, dans la banlieue bordelaise.

63 Pour le rôle et l’activité de chacun , voir : La Morandière 64 CCI Bayonne courrier du 29 mai 1903. U2 118 65 Du 9 juin 1904 U37

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2- Une activité halieutique de petite pêche se maintient

Par exemple, en 1845, dans le port de Bayonne, la flottille comptait 162 unités66 dont une quinzaine de couralins (pêche sur l’Adour), 61 chalans (0,5tx), 21 chaloupes et 5 pinasses ; pour le reste, il y a 11 chasse-marée et une quarantaine de navires pour le cabotage (brick, goélette, lougre, bisquine) ainsi que 5 navires pour la pêche de la morue (environ 260 marins soit 30% des effectifs). L’ensemble des équipages comptait 930 matelots.

A Saint-Jean-de-Luz/Ciboure, toute activité halieutique n’a pas disparu : entre 1817 et 1835, une vingtaine de bateaux de faible tonnage se consacre à la pêche du poisson frais (presque tous jaugent moins de 10 tonneaux). Le point bas a été atteint entre 1823 et 1827 avec huit embarcations au maximum et moins de 70 hommes d’équipage. Au cours des années 1840 à 1860, les bateaux de petite pêche sont, bon an mal an, une trentaine, avec des équipages qui fluctuent entre 200 et 300 hommes.

Après 1859, la reprise est sensible pour cette activité de petite pêche. Elle compte sur une quarantaine d’embarcations ; à titre d’exemple, le port totalise 65 unités pour l’année 1875 dont 24 sont utilisées au bornage et 4 au cabotage (des vapeurs et une goélette), soit 167 hommes d’équipage qui ne font pas la pêche. Il reste à cette date 47 embarcations à la pêche qui regroupent 200 hommes d’équipage sur les 368 marins du port, principalement des chaloupes et quelques canots et couralins avec un ou deux hommes à bord pour chacun. Le nombre d’embarcations décline jusqu’en 1882 (48 unités) pour progresser à nouveau et atteindre 85 unités en 1888.

Le premier sardinier à vapeur est construit en 1886 à Ciboure ; il y en avait quatre dans le port de Saint Jean de Luz à la fin du XIXe . Sans qu’il soit toujours possible de préciser la répartition exacte par port, ceux de Saint-Jean-de-Luz, Hendaye et Guéthary totalisaient en 1901 sept vapeurs, trois grandes pinasses, douze traînières et 96 canots divers. La pêche de la sardine en haute mer, qui se pratiquait jusque-là avec des pinasses et des traînières, tend de plus en plus à s’effectuer avec des embarcations à vapeur ; mais ce n’est qu’à partir de 1904, lorsque le chenal d’entrée du port fut approfondi qu’elles purent y entrer quelle que soit l’heure de la marée. Au cours des années et des décennies précédentes, le déchargement se faisait directement sur la plage (tout au moins les acheteuses s’avançaient un peu dans la mer pour aller chercher les sardines avec des paniers)

La production de chaloupes à vapeur issue de la construction navale locale a permis d’exporter 40 embarcations vers les ports voisins du Guipúzcoa et de Biscaye entre 1900 et 1908. En 1913, on dénombrait 22 sardiniers à vapeur et 152 marins dans le port de Saint-Jean-de-Luz.

66 Archives de la marine de Rochefort 13 P9/4

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Au total, sur la côte basque de France, de Bayonne à Hendaye, plusieurs ports avaient maintenu une activité de petite pêche au poisson frais au XIXe siècle.

A l’orée du XXe siècle, les activités de pêche sont modestes puisqu’un courrier de 190267 indique que durant la saison de pêche à la sardine et à l’anchois 8 vapeurs et 24 traînières fréquentent le port de Saint-Jean-de-Luz (ports d’attache : de Hendaye à Biarritz) avec une croissance du nombre de vapeurs chaque année. Les embarcations utilisent exclusivement des filets flottants à nappe verticale (60 à 70m de L et 11m de hauteur relevés toutes les heures, réglementations de 1853 et 1888). Ils pêchent à environ 12 milles de la côte. La pose de ces filets lestés de pierre au fond avait été abandonnée. Ne sont pas compris dans ces statistiques, une dizaine de canots dans le quartier maritime de Saint-Jean-de-Luz et une trentaine à Biarritz.

A la charnière du siècle, la particularité de la Côte basque est l’implantation des Pêcheries de Biarritz à Socoa par les frères Silhouette68, société créée en 187869; leurs trois bateaux y ont leur port d’attache, un quatrième s’y ajoutant en 1903, et pendant l’hiver, ils trouvent parfois refuge à Pasajes. Ils pratiquent une pêche au chalut des poissons de fond, ce qui peut les tenir plusieurs jours en mer. Cela explique la place de Biarritz dans les statistiques du Ministère de la Marine de l’année 1903 (valeur totale 895 101 F). La valeur des apports pour cette ville était de 50,25 % (à 85 % du poisson divers et de chalut) ; les ports de Saint-Jean-de-Luz - Guéthary - Hendaye totalisaient 45 % de la valeur de ces apports (majoritairement sardines, anchois et thon) et Bayonne ne contribuait que pour moins de 5 %, et encore il s’agissait pour l’essentiel d’une pêche sur l’Adour : saumons, anguilles, (la pêche maritime ayant presque disparu de ce port).

La pêche de la sardine, de l’anchois et du thon a été le fait de 21 vapeurs et 12 traînières à rame, armés dans les différents ports de la côte. La sardine, l’anchois, le saumon sont sujets à de fortes fluctuations interannuelles puisque sur l’ensemble des ports en 1903 et 1904, 60 à 65 % des apports en valeur proviennent des divers et des poissons de chalut . En 1929, la pêche de la sardine est l’essentiel de la pêche luzienne, le thon n’arrive qu’en deuxième position (Cuzacq, 1933).

67 CCI de Bayonne Z.140. courrier du 22/04/1902 adressé par le conducteur des Ponts et Chaussées au Président de la CCI de Bayonne 68 En particulier Z.53 -Z.54 – Z.104 – Z.144bis (courrier de 1897 à 1908) 69 Liquidation de la société sans doute en 1909

.

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II- Les embarcations et les flottilles en Pays basque d’Espagne à la fin du XIXe et au début du XXe siècle

1- Quelles étaient les embarcations et leur utilisation dans la

pêche au XIXe ?

L’information complète sur les arts et les embarcations se matérialise à une date relativement tardive, autour des années 1880 : elle demeure fractionnée et partielle pour les périodes antérieures et pour tous les ports. La pêche hauturière de cette époque était pratiquée par de grandes chaloupes. Les discussions des spécialistes perdurent encore de nos jours pour savoir si la pinasse utilisée au XVIIe et XVIIIe a seulement changé de nom et d’appellation au XIXe ou s’il s’agit d’une évolution de la chaloupe primitive venue de Hollande et de France. Dans le derniers tiers du XIXe, ces grandes chaloupes (txalupa handia ou lanchas mayores) sont des embarcations non pontées de 12 m de long portant deux mâts et trois paires de voiles différentes selon les vents (figure 60).

A la fin du siècle, ces embarcations sont plus longues, accroissent leur tonnage et certains modèles reçoivent un pont. Ces adaptations paraissent liées à la demande plus forte de poisson par le marché et aux besoins croissants de l’industrie de transformation.

Le modèle le plus long constitue l’embarcation type pour la capture du germon, d’où son appellation : la chaloupe thonière (”chalupa bonitera ”) qui pratique la pêche à la traîne.

Les pêches côtières sont réalisées par de petites chaloupes et des barques. Dans les documents de cette époque et les archives, les différences entre celles-ci demeurent difficiles à distinguer car elles ont des dimensions différentes selon les ports et parfois même des dénominations locales (Arbex, 1998)

La traînière, embarcation côtière très maniable par excellence, a un nom qui provient de l’engin de pêche utilisé, le cerco ou senne tournante ; en cette fin de siècle, elle se spécialise quasi uniquement dans la capture des sardines et de l’anchois.

Le potín ressemble à l’embarcation précédente mais en diffère par les dimensions (7,5 à 8,5 m de longueur) ; à proximité de la côte, elle se consacrait à la pêche de différentes espèces et, par temps calme, pouvait approcher des zones de pêche hauturière où se capturaient le merlu et le pageot rose.

Les petites embarcations (petits « potines » , baideko, batela…) pratiquent une pêche au filet ou à l’hameçon dans des lieux proches du port. Il s’agit d’embarcations généralement à un mât, sans pont, qui utilisent soit des filets de dérive de 50 à 60m de long, dans lesquels l’anchois et la sardine se prennent par emmaillage, soit une senne tournante de 70 à 80m de long et 20m de hauteur.

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Figure 60 : Tableau des embarcations de pêche à voile

(fin du XIXème- début du XXème siècle)

Embarcation Longueur Equipage Type de pêche

CHALUPA BONITERA (chaloupe thonière)

10 à 17 m 8 à 24 hommes Cacea

LANCHA MAYOR (grande

chaloupe)

9 à 12 m 8 à 12 h Cacea Ligne Liña

TRAINERA (trainière)

12 m 10 à 19 h Cerco filet

POTÍN 6 à 8,5 m 5 à 7 h

Palangre Liña Nasse

BAIDEKO

5 à 6 m 5 à 6 h Palangre

Liña Filets

BATEL

4 à 5 m 3 à 4 h Liña

Potera auxiliar

Source : Arbex (1998), article cité p.365

A titre d’exemple, voici l’évolution de la flottille de Biscaye (Maíz Alcorta, 1993)

au cours du XIXe avec les limites déjà signalées : des anomalies dans les statistiques disponibles qui intègrent ou non les plus petites embarcations, une documentation partielle et fragmentaire et des problèmes de classification. En 1803 il y avait 175 embarcations et 390 en 1897 (ce dernier chiffre étant très certainement minoré) ; si,

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dans le détail, quelques aspects demeurent peu ” lisibles”, les évolutions principales mentionnées ci-après paraissent peu contestables.

Après une période de stagnation et une perte de navires durant la première guerre carliste, la croissance de la flottille se produisit principalement au cours de la deuxième moitié du XIXe ; cette augmentation provient surtout des unités de petite taille de la pêche côtière (petites chaloupes, « botes »…). Cet accroissement profite à trois ports : Bermeo, Lequeitio, Ondárroa ; toutefois chacun d’eux présente des spécificités.

Bermeo possède le tiers de la flottille provinciale mais durant les quarante premières années du siècle, le nombre des embarcations de pêche stagne pour s’accroître de 36% environ durant la seconde moitié du XIXe siècle.

Lequeitio montre une croissance, surtout au début du siècle et secondairement dans sa seconde moitié car une partie de ses grandes chaloupes pratique le commerce et le cabotage. La pêche semble y décliner à cause du manque de voies modernes de communication avec Bilbao tandis que certains de ses habitants pratiquent la pêche à partir de ports voisins et que d’autres encore émigrent vers l’Amérique.

Ondárroa présente un autre cas de figure : les guerres de la fin du XVIIIe (sous la Convention) et la première guerre carliste furent catastrophiques pour le port et ses marins. La croissance, forte, se produisit ici au cours de la seconde moitié du XIXe (1859 : 41 embarcations, 1884 : 110). Il y eut même en 1885 une tentative infructueuse pour développer une société de pêche avec des navires à vapeur. Par ailleurs, la pêche décline à Mundaka, Ea, Algorta.

Les ports de BERMEO et ONDARROA émergent donc de l’ensemble portuaire provincial, préfigurant en cela la situation halieutique du XXe et du début du XXIe

siècle. Ils renforcent leurs structures de commercialisation, exerçant un rôle attractif sur les régions environnantes y compris sur les agriculteurs recherchant une activité plus rémunératrice.

Les structures productives de la pêche progressent parallèlement à l’amélioration, la modernisation des voies de communication et avec la progression des implantations de l’industrie transformatrice .

2- les progrès de la flottille de pêche biscayenne (1900-1960)

A la croissance spectaculaire de la flotte, une multiplication par trois de la puissance et par 4,4 de la jauge, il faut ajouter une substitution du mode de propulsion. Les embarcations à voile et à rame caractérisent le XIXe mais sont supplantées par la vapeur dans les années vingt. Les premières unités ont été acquises en Galice et en France. Cette adoption se fait progressivement puisque, à l’origine, ces navires étaient utilisés comme remorqueurs des unités de pêche hauturière (grandes chaloupes) alors qu’ une multitude de petits ”vapeurs” de 10 à 15 tjb étaient pleinement utilisés en pêche côtière.

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Figure 61 Croissance de la flotte artisanale biscayenne selon le mode de propulsion

vapeur Voile-rame Moteur diesel

Total(nombre) Effectifs employés

1904 34 956 990 7061

1914 176 584 760 3598

1932 231 594 271 1096 4629

1946 132 216 358 706 6119

1959 25 410 543 978 6159

C’est aussi pour des raisons de sécurité en mer que l’utilisation du navire à vapeur

s’est faite au détriment du navire à voile : en 1912 près de 150 marins ont péri au cours d’une tempête dans le Golfe de Gascogne ; tous se trouvaient sur des embarcations traditionnelles, aucun sur un vapeur. Les chaloupes thonières et les anciennes traînières disparaissent au début du XXes.

Entre 1930 et 1960, la flotte biscayenne a augmenté ses embarcations de 65 % et leur tonnage a été multiplié par 2,5.

Conclusion

On a pu constater de larges similitudes dans les techniques et les engins de pêche utilisés le long du littoral aquitain et cantabrique ; le plus souvent, il s’agit d’emprunts faits au voisin (senne coulissante, pêche à la canne et à l’appât vivant, chalut classique). Toutefois pour des raisons de ressources et de conservation des espèces (cf. 3ème partie), il y a eu des pierres d’achoppement : - à l’échelon international l’utilisation des filets maillants droits de surface (volantas)

a fini par être interdite par les autorités de Bruxelles en 2001 - au plan national, le chalut pélagique est une engin de pêche prohibé de la frontière

portugaise à la frontière franco-espagnole.

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Chapitre 8 – LA CONSTRUCTION D’UN SYSTÈME CHALUTIER AU DÉBUT DU XXe SIÈCLE

Le chalutage n’est pas une activité nouvelle au XIXe siècle, c’est le mode de

propulsion qui constitue un réel changement. Les premières tentatives s’inspirent des exemples britannique et français.

I- L’ère des changements : le chalutage à vapeur

Le secteur de la pêche s’est fortement accru sous l’impulsion d’une demande grandissante, d’une augmentation de la consommation de poisson, surtout après la première guerre mondiale, grâce au développement des transports et à la grande expansion de la filière de transformation du poisson. Au début du XXe siècle, l’Espagne devint une puissance de la pêche, se situant dans les premiers rangs européens par ses activités halieutiques : captures, exportation de conserves et salaisons. Toutes les régions espagnoles furent concernées par cette croissance et plus particulièrement la côte Cantabrique et le Pays basque Figure 62 : Captures totales de l’Espagne et proportions des côtes Nord

Espagne Cantabrie Pays basque

1858 100% 12,27% 5,92%

1889-92 100% 20,73% 9,72%

1934 100% 27,75% 14,53%

Le secteur de la pêche basque s’est très nettement renforcé, en particulier par le remplacement des embarcations à voile par les bateaux à vapeur qui ont constitué ainsi une flotte moderne de pêche hauturière

1- Les changements du mode de propulsion et des techniques

Les premiers chalutiers à vapeur apparurent dans les années 1870 en Guipúzcoa. Au début du XXe siècle, cette province regroupait les deux tiers du tonnage des embarcations à vapeur d’Espagne ; même si au cours des années suivantes ce pourcentage baissa par l’extension de ce mode de propulsion à d’autres régions du pays, il se maintint autour de 25 à 30 %. Les embarcations à moteur à explosion firent leur apparition au cours des années 1920 mais restaient nettement minoritaires à la veille de la guerre civile.

A l’intérieur des provinces basques on peut distinguer des différences notables : jusqu’à la fin du XIXe siècle la suprématie de la Biscaye est évidente pour le total des

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captures et la valeur, alors que dans les années dix la situation s’équilibre. Par la suite, à partir des années vingt et de 1927 en particulier, la primauté du Guipúzcoa s’avère indiscutable ; au cours du premier tiers du XXe siècle, on peut observer deux systèmes de pêche très différenciés - l’un, héritier de la pêche traditionnelle lié à l’activité de salaison et de la conserve (tous les ports biscayens à l’exception de Santurce et de Bilbao) - l’autre, lié à l’exportation (l’expédition) de poisson frais avec le développement de la pêche à caractère industriel qui se concentre à Saint Sébastien/Pasajes (on peut y intégrer la petite flotte hauturière biscayenne de Aspe/Erandio)

L’apparition du chalutier à vapeur en Europe se fit entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle. Ceci entraîna l’augmentation de la taille des navires donc de la puissance des engins utilisés. L’exploitation des ressources se fit plus intensive et le rayon d’action augmenta. L’expansion de la flotte chalutière fut particulièrement rapide en Grande Bretagne : les captures plus abondantes, l’usage du chemin de fer permettant d’atteindre des marchés de poisson frais non touchés jusque-là, s’accompagnèrent d’une baisse des prix : le poisson devint accessible à de larges couches de population . De nouvelles formes d’organisation apparurent avec des entreprises de type capitaliste dans lesquelles le pêcheur était un ouvrier salarié sur un navire spécialisé dans un type de pêche. Le chalut (Beam Trawl en anglais) était déjà utilisé au XVIIIe siècle par des flottes de navires à voile mais connaissait des limites liées au vent , aux courants, aux caractéristiques du chalut. La vapeur permit de s’affranchir de ces contraintes. Un nouveau mode d’ouverture du chalut, la perche, puis après 1894 les ”portes”, assura définitivement l’extension du chalutage à vapeur . Selon les statistiques du début du XXe siècle70, on estimait que le chalutier à vapeur pêchait 4 à 7 fois plus que le chalutier à voile. En 1913 la flotte chalutière anglaise égalait en nombre celle de tous les pays d’Europe occidentale :

Angleterre 1123 Ecosse 304

France 195 (dont 60 chalutiers à vapeur à Arcachon en 1894) Allemagne 256 Espagne 162 (dont 113 en double) Pays-Bas 158

Les premiers essais datent de la fin des années 1850 en Ecosse et du début des années 1860 en France, le plus souvent à partir de petits vapeurs utilisés initialement comme remorqueurs ou pour le transport des marchandises.

70 Statistiques 1903-1904 d’après GIBBS (1922)

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2– La diffusion du chalutage à vapeur en Espagne Les premières informations avérées sur l’utilisation du chalut sur les côtes méditerranéennes de l’Espagne datent de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle en Catalogne. Il faut attendre le début du XVIIe siècle pour une diffusion du chalutage par paire71 sur le Levant espagnol. Toutefois au XIX siècle les changements ne furent pas spectaculaires comme en Angleterre car - les chalutiers à voile n’ont pas étendu leur rayon d’action ni accru leur tonnage ; c’est une pêche qui est restée principalement côtière tout au long du XIXe siècle - l’extension du réseau de chemin de fer fut beaucoup plus lente. Seuls les centres urbains peu éloignés de la côte pouvaient être ravitaillés en pêche fraîche, donc l’impact national du chalutage a été plus réduit qu’en Angleterre.

Vers 1865, on estime que 11 % seulement du total des captures auraient été le fait des chalutiers à voile, principalement à partir des ports de la côte levantine.

Le chalutage à voile a poursuivi sa progression malgré des oppositions répétées et ce, jusqu’à une nouvelle réglementation de 18851. Par exemple en 1907 sur les côtes levantines et dans les ports de l’Atlantique Sud de l’Espagne, il y avait 1740 chalutiers à voile pêchant avec le chalut bou et seulement 14 chalutiers à vapeur. Donc dans le cas présent, la tradition chalutière n’a pas entraîné le passage à la vapeur et à la pêche industrielle dès la fin du XIXe S.

Cependant sur la côte galicienne et cantabrique on pouvait localiser 241 chalutiers à vapeur à cette même date72. Vers 1920 le chalutage gardait un poids important dans les pêcheries méditerranéennes : Nombre de chalutiers à voile : 1865 : 729 1907 : 1740 1878 : 715 1920 : 1508

Les premiers tâtonnements eurent lieu au début des années 1860 avec une “paire” de chalutiers à vapeur sur les côtes marocaines : une tentative sans lendemain.

La diffusion en Espagne du nouveau système de propulsion se fit à partir de la côte Nord de l’Espagne et plus particulièrement à San Sebastián même . L’initiative basque peut être précisément datée. A l’origine, Ignacio MERCADER, un riche commerçant de San Sebastián faisant du commerce avec les îles, en particulier Cuba, président de la société de Sauvetage Maritime du Guipúzcoa, s’alarma de la disparition en mer de 200 pêcheurs lors d’une tempête, le 20 avril 1878. Il fit une demande auprès du ministère de la marine pour pouvoir remorquer les embarcations vers les lieux de pêche et les ramener au port, à l’aide d’un des bateaux à vapeur de son entreprise. Il 71 Reglamento de libertad de pesca de 1885 : l’exercice de la pêche au-delà des 3 milles est libre 72 Annuario de la pesca y Estadistico –Año 1907

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souhaitait lutter contre les dangers de mer, apporter plus de régularité dans les sorties, et procurer un meilleur approvisionnement en pêche fraîche . Deux ans plus tard, il ajouta à ces motifs le souhait d’étudier les zones proches de la côte pour y introduire le chalutage à vapeur.

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, il est difficile d’évoquer une législation de la pêche pour toute l’Espagne : théoriquement, à l’intérieur des eaux territoriales l’Etat était chargé d’établir le cadre légal de l’exploitation halieutique. Il n’y avait pas d’homogénéité (quand et avec quels arts pouvait-on pêcher ?) ; le corpus législatif était composé de nombreuses mesures particulières, parfois contradictoires entre elles, adoptées lors des protestations et des pétitions émises par des groupes de pêcheurs ou d’armateurs. Le plus souvent, elles prenaient en compte l’aspect conservatoire de la ressource ; au XVIIIe comme au XIXe siècle, des demandes d’interdiction sont issues de la pêche traditionnelle, l’Etat y consent mais accorde des autorisations pour certaines zones, des dérogations, des permis temporaires. Par exemple, en 1885, fut édicté un règlement pour la pêche des chalutiers en ”paire” (avec le chalut bou) : on voulait réguler et encadrer cette activité, on y interdisait au passage l’usage de la vapeur avec des engins de chalut. Les autorités publiques se trouvèrent dans l’incapacité de faire respecter ces mesures par manque de moyens de contrôle.

Donc I. Mercader débuta la pêche avec un vapeur en 1878-1879. Jugeant les résultats économiques décevants, il se rendit sur les côtes de la Manche, en France et surtout en Grande Bretagne pour se renseigner ; il fit construire deux chalutiers en 1879 et 1880 puis il adopta le chalutage en paire (avec le bou) initié à ces techniques par un patron andalou qui forma ses équipages. Le succès de la campagne de pêche de 1880 avec deux chalutiers mus par la vapeur permit d’imposer cette technique à San Sebastián. Là d’autres armateurs suivirent son exemple après qu’il eut obtenu du Ministère de la Marine en 1880 un permis de pêcher au-delà d’une limite de trente milles (alors que les eaux territoriales étaient de trois milles !). En fait, la fixation de cette distance était une intimidation, en large partie inefficace, car la Marine ne possédait pas les moyens de surveillance nécessaires. Entre 189873 et 1906 toutes les restrictions de l’usage du chalut furent définitivement éliminées hors des eaux “ nationales ”, au-delà de 3 milles (1898) ou de 6 milles (1905) de la côte.

3- La diffusion du chalutage dans les ports basques

Elle peut être divisée en deux phases :

▪ La première s’étend des années 1880 à la première guerre mondiale 73 Reglamento por la pesca con el arte de bou y demás redes de arrastre remolcaldas por embarcaciones : il libéralise totalement la pêche au chalut, éliminant les restrictions pour les “parejas de bou” et celles pour les chaluts à vapeur à moins de 15 milles des côtes espagnoles (réglementation intérieure).

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Le nombre de chalutiers à vapeur augmenta rapidement : 2 en 1880, 16 en 1885, 15 en 1911. La flotte s’est-elle stabilisée à cause de la surpêche sur l’étroit plateau continental Cantabrique (présence de navires français, anglais) ? Cela entraîna sans doute la recherche d’un meilleur rendement avec l’adoption du chalut à portes. Par ce moyen, un seul bateau maniait le chalut, utilisant un engin plus grand, traîné à plus grande profondeur, donc pêchait davantage qu’″une paire″ (pareja).

Pionnière dans l’utilisation des nouvelles techniques, la flotte chalutière basque fut dépassée numériquement par celle des Asturies et supplantée par les flottes galiciennes : 1911 Guipúzcoa : 15 Asturies : 17 Pontevedra : 46 La Coruña ; 58

Les chalutiers modernes à vapeur firent leur apparition en Galice à partir de 1904 par l’achat de navires d’occasion surtout en Angleterre et par la transformation de palangriers (déjà à vapeur) en chalutiers . On incorpora dans le premier cas des patrons français et anglais, et dans le second des Guipuzcoans.

La flotte de la côte nord de l’Espagne a donc connu une croissance spectaculaire. En l’absence de statistiques de pêche par navire, tout paraît indiquer cependant que les ″paires″ galiciennes obtenaient de meilleurs rendements que celles du Guipúzcoa ; en raison des caractéristiques du chalut ? des bateaux de moindre tonnage ?

▪ La seconde va de 1919 à 1936

Malgré quelques difficultés la flotte chalutière galicienne était toujours au premier rang national en 1915 suivie par celle de Málaga qui connut un fort accroissement en 1914-1915. Avec la fin de la première guerre mondiale, celle du Guipúzcoa connut aussi une phase d’expansion grâce à l’augmentation du prix du poisson, à l’exportation vers la France. Alors que 14 chalutiers pêchaient en 1914 à partir de San Sebastián, ils étaient plus de 40 en 1920 à être basés à Pasajes. Le petit port de pêche de la capitale de province s’averra trop exigu pour accueillir toute cette flottille et toutes les installations annexes indispensables à terre. Le transfert de la flotte de chalutiers à vapeur de San Sebastián à Pasajes eut lieu en 1916. En 1919, plusieurs armateurs ayant engrangé des gains élevés avec l’activité halieutique durant la première guerre mondiale, formèrent une société74 dont le démarrage fut considérée comme le point de départ du port voisin de Pasajes dans la pêche hauturière. En 1919-1920, on fit de gros travaux dans la partie ouest de la ría (dragage, construction de quais), par la suite on édifia des ateliers, des entrepôts, on équipa des chantiers navals . PASAJES devint un port moderne au cours de la décennie 1920-1930, le second de la péninsule après VIGO : en 1931, plus de 120 chalutiers (dont 56 paires) déchargèrent 14 000 tonnes de poisson, ce qui nécessitait 2000 travailleurs dans le port pour les activités à terre.

74 Muelles y Almacenes para vapores de pesca S.A.

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193

Conclusion

De nombreuses similitudes existent dans les techniques et engins de pêche utilisés le long du littoral aquitain et cantabrique mais la côte basque française n’a pas développé de pêche chalutière contrairement au port d’Arcachon ou de La Rochelle ; s’il y a concurrence pour l’espace de production entre flottilles des ports du Pays basque elle ne se développe que pour les pêches artisanales opérant dans le sud du golfe. A partir de la fin des années 1970, l’utilisation du chalut pélagique dans cet espace constitua un sujet d’affrontement (cf. 3ème partie).

II – Grandeur et décadence du port de PASAJES

1 – La mise en place du système hauturier et de grande pêche Le port

Abrité à l’intérieur d’une ría, c’était l’unique fort du Guipúzcoa pouvant accueillir

un grand nombre de bateaux de la pêche industrielle. En 1870 il fut cédé pour une période de 90 ans à la province du Guipúzcoa par l’Etat afin qu’elle réalise des ouvrages d’amélioration ; elle laissa à des entreprises privées le soin de réaliser cette tâche qui ne se fit que très lentement. En 1927, la reversion anticipée du port à l’Etat scella l’incapacité de la province à rénover les modestes installations anciennes et à en aménager de nouvelles.

Le transfert de la flotte à vapeur qui manquait de place à San Sebatián se fit en 1916. En 1919 n’ayant pas les infrastructures nécessaires pour développer leurs activités, plusieurs armateurs hauturiers créèrent une société75 qui mit en place à La Herrera, à l’ouest de la ría, équipements et infrastructures : quais, halle à marée, chais, fabrique de glace, dépôt de charbon. Pour certains armateurs, elle commercialisa même par wagons frigorifiques les captures qu’elle expédiait vers Saragosse et Barcelone.

Quelques années après, sur l’autre rive de la ría, à Pasajes de San Juan, cinq entreprises d’armateurs créèrent à leur tour des infrastructures avec des objectifs similaires à la société précédente. Par la suite, en 1932, l’autorité portuaire mit en place un plan se développement du port.

Les armateurs et les sociétés d’armement

Les patrons des bateaux de la pêche artisanale n’avaient pas les moyens financiers

suffisants pour investir dans les chalutiers à vapeur. Seule la bourgeoisie de la province,dont les activités étaient liées au cabotage, à la construction et à la réparation des bateaux put le faire. C’était déjà une bourgeoisie d’entrepreneurs qui trouva dans la

75 Société MEIPI : Muelles e Instalaciones de pesca e industrias

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pêche hauturière et la grande pêche le moyen de réaliser, les meilleures années, de très forts bénéfices leur permettant d’investir dans de nouveaux navires. Ainsi, au XXe siècle le système hauturier qui se met en place à Pasajes a des caractéristiques nettement capitalistes, ce qui l’oppose à la pêche artisanale existant dans les autres ports de la province.

En 1930, il existait 37 sociétés d’armement dans le port parmi lesquelles trente possédaient 131 bateaux .

Les plus puissantes des entreprises avaient les navires les plus grands bénéficiant de plus d’autonomie en mer et possédaient le groupe des navires les plus rentables. Ne pouvant se satisfaire des zones de pêche de la mer Cantabrique et de la Côte basque, elles allèrent au-delà du golfe, en mer Celtique.

Des mesures accordées par la IIe République (1931-1936), crédits à long terme pour acheter des navires construits dans des chantiers nationaux, furent interrompues par la guerre civile. Certains navires accaparés par les belligérants furent détruits dans les combats navals. En 1939 des crédits alloués pour la rénovation profitèrent surtout à la flotte morutière.

En 1943, il y avait dans le port 69 entreprises hauturières, en englobant la venue de navires des Gijón et de Vigo qui s’approchaient ainsi des zones de chalutage au large du littoral atlantique français. En 1953, quinze entreprises travaillaient dans les eaux du NW atlantique avec 47 morutiers, soit plus de la moitié des bateaux et des équipages de la pêche morutière espagnole. Des sécheries et factoreries furent construites dans le port de Pasajes et MEIPI installa des tunnels de séchage car la majeure partie des navires ramenait soit du poisson frais soit de la "morue verte"76.

En 1955, Pasajes disposait de 80 entreprises d’armateurs (soit 199 bateaux) et les plus puissantes se consacraient à la pêche de la morue et à celle du poisson frais de chalut. Comment s’organise cette flottille hauturière ?

Flottille et modalités de pêche

Les progrès de la flottille on été spectaculaires dans les années 1930 et dans les années 1950-1960 : de 26 navires hauturiers en 1921, on est passé à 192 en 1934, 226 en 1950, et 239 en 1970.

76 Morue étêtée, éviscérée, épine dorsale enlevée, lavée avec de l’eau salée dont le foie est recueilli pour faire de l’huile ; pour obtenir le poids des captures, le tonnage de morue verte doit être multiplié par 2,5 avant 1960 ou par 3 après 1960.

Années bons paires trio Bakas Nbre total de bateaux 1930 23 54 131 1941 17 58 133 1948 9 122 253 1955 2 67 10 33 199 1975 72 21 15 64 223

(Seulement les navires actifs au cours de l’année 1975)

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195

Les chalutiers bous (otter trawler) ont un chalut de plus grande ouverture verticale que le chalutier baka dont la puissance de moteur est plus faible. Ce dernier travaille par des profondeurs inférieures à 100 brasses sur des lieux de pêche relativement proches du port d’attache et sur la plate-forme continentale française. Le chalutage en paire est très prisé à Pasajes aussi bien par les chalutiers de pêche fraîche relativement proches du port d’attache que par les morutiers de Terre-Neuve qui travaillent par 200 ou 300 brasses de profondeur.

La société morutière P.Y.S.B.E.77

C’est une entreprise qui caractérise bien le port de Pasajes dans les années 1930-1970 dans son apogée comme dans son déclin.

P.Y.S.B.E, entreprise capitaliste, liée dès ses débuts à l’entreprise alimentaire, se consacra à une seule pêcherie : la morue. Jusqu’à sa liquidation en 1974, elle fut l’entreprise de pêche la plus importante d’ Espagne. La société P.Y.S.B.E se constitua en 1919 avec un capital initial de 2 millions de pesetas. Louis Légasse, armateur et commerçant originaire de la région de Bayonne, propriétaire avec ses frères de plus de cinquante navires pour la pêche morutière y participa et s’associa à des personnes de Pasajes et de Rentería. L’activité initiale de la société fut le commerce de poisson et de la morue ; son activité pêche ne commença qu’en 1927, protégée par des droits de douane qui taxaient les importations de morue depuis 1922. Elle se transforma en société anonyme, eut pour principal actionnaire le roi Alphonse XIII et divers membres de la noblesse et de la haute bourgeoisie ; le capital social fut augmenté à plusieurs reprises pour atteindre 108 millions de pesetas en 1956. Etablie à Pasajes de San Juan, elle transféra son siège social à San Sebastián alors qu’elle conservait dans le port deux quais de débarquement, des frigorifiques, des ateliers de lavage et des tunnels de séchage ainsi que des magasins. Après la guerre civile, elle construisit une autre factorerie en Galice (El Ferrol). En 1959, 500 personnes travaillaient dans les deux sites pour l’entreprise.

Elle débuta la pêche avec deux chalutiers à vapeur construits par des chantiers français en 1927 et quatre construits l’année suivante en Ecosse et en Angleterre. Ces navires furent "enrôlés" durant la guerre civile. Après 1939, cinq navires furent construits par les chantiers de Sestao (ría de Bilbao). Forte d’une douzaine d’unités en 1945, la flottille morutière de cette société atteignit son maximum en 1960 avec 19 bateaux puis son activité déclina avec 14 navires en 1965 et seulement 10 en 1970. chacun d’eux avait 55 marins à bord. A la fin des années 1920, les bateaux de P.Y.S.B.E ont commencé par pêcher au large de l’Islande, du Groënland et de Terre Neuve (2 campagnes par an), et, dans les années 1930, ils se rendirent au Nord de la Norvège et vers les îles du Spitzberg.

77 Pescaderías Y Secadores de Bacalao de España

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196

Au début, par manque de personnel formé, car depuis plus d’un siècle à Pasajes "le métier" s’était perdu, on fit appel à des patrons de pêche et à des capitaines bretons alors que les mécaniciens, "les chauffeurs" étaient principalement galiciens ; des spécialistes islandais vinrent pour le traitement du poisson. Les bateaux de P.Y.S.B.E étaient parmi les plus modernes de l’époque en Europe, plus gros que les autres navires du port (bous et paires) qui pêchaient dans le golfe de Gascogne et en mer d’Irlande.

En 1932, à Pasajes, 10 780 t. de morue ont été débarquées et 16 570 t. en 1934, ce qui équivalait au cinquième des quantités importées par l’Espagne. Au début des années 1950, P.Y.S.B.E ramenait annuellement dans ses bateaux 17 à 19 000 t. de morue verte, ce qui correspondait à un peu moins de 50 000 t. de morue fraîche, entière mais toutes ces captures n’étaient pas débarquées à Pasajes.

Le déclin de P.Y.S.B.E commença à la fin des années 1960, la morue devint plus rare et surtout la concurrence se fit beaucoup plus forte (progrès du chalutage, accroissement du nombre de navires). Avec les débuts des navires congélateurs, la technique de la salaison devint obsolète et P.Y.S.B.E ne sut pas s’adapter. A cette même époque, d’autres entreprises avaient fait des choix différents : à Vigo, PESCANOVA possédait une flotte de congélateurs et elle était la seconde entreprise du pays ; par la suite, à La Coruña, PESA sut diversifier ses productions avec sa flotte de morutiers congélateurs.

En crise en 1973, P.Y.S.B.E perdait de l’argent et fut liquidée en 1974 avant que n’entre en vigueur la nouvelle législation créant les Z.E.E. autour du continent nord-américain. Après une cinquantaine d’années d’existence, l’aventure de cette entreprise se terminait après avoir contribué au développement du port lors de sa toute puissance.

2- La période d’apogée

La loi espagnole du 23 décembre 196178 permit de rénover la flottille et de construire de nouvelles unités car les crédits publics pouvaient financer jusqu’à 83 % de la valeur du bateau (74 % pour ceux qui avaient la plus grande autonomie). Le nombre de chalutiers hauturiers s’est accru ainsi que le nombre de morutiers. Ces investissements exerçaient une forte attractivité sur les groupes privés car ils généraient à leur tour de très gros profits avec les pêches réalisées à l’époque. Seuls les plus puissants en profitèrent, les petits armateurs ayant un accès plus limité au crédit.

En 1968, 121 entreprises et 262 navires hauturiers, soit plus de 5200 marins, étaient attachés au port (Tolosa Bernardés, 1985). En dehors de P.Y.S.B.E (16 bateaux et plus de 10 000 tjb) que nous venons d’étudier, 18 sociétés d’armement possédaient 87 bateaux (de 1001 à 5 000 tjb), 24 sociétés de taille plus réduite totalisaient 62 bateaux pour la pêche chalutière (de 501 à 1000 tjb)

78 Ley de Renovación y protección de la flota pesquera

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Et enfin 67 sociétés constituait un groupe de petites entreprises avec généralement un seul bateau chacune (86 au total pour ce groupe). A l’évidence, la concentration entrepreneuriale était plus forte que celle donnée par les statistiques officielles : parfois sous ou raisons sociales, on a affaire en définitive à un seul groupe de pêche. Ainsi, en 1975, pour 108 entreprises légales, on comptait 81 entreprises effectives de pêche pour 223 bateaux et près de 3700 marins parmi lesquelles les entreprises de taille moyenne dominaient.

Jusqu’aux années 1970, par sa flottille et les captures réalisées, Pasajes était un des principaux ports de pêche d’Espagne. En 1966 ses bateaux de pêche hauturière et de grande pêche ont regroupé plus de 20 % des équipages embarqués sur les navires espagnols de même catégorie.

Les 90 morutiers (bacaladeros) de Pasajes, les quais encombrés de la PYSBE ou de MEIPI qui travaillaient la morue déjà salée ne subsistent plus que dans la mémoire des vieux pêcheurs et sur les photographies de ces temps révolus.

Photo 9 : Morutiers et chalutiers dans le port de Pasajes au début des années 1970

Photo A.Zarranz

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Figure 63 plan du port de Pasajes en 1975

Figure 64 : Les débarquements de la flotte hauturière et de grande pêche

à Pasajes entre 1941 et 1984

0

20000

40000

60000

80000

100000

120000

1941

1944

1947

1950

1953

1956

1959

1962

1965

1968

1971

1974

1977

1980

1983

années

tonn

es

tonnage total poisson frais morue verte

Source : Memorias de la Junta de puerto de Pasajes

Source : SL

Réalisation SL

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199

Il va de soi que de nombreux secteurs annexes sont liés à l’activité de pêche. Pour les principaux d’entre eux, nous pouvons établir le bilan suivant pour l’année 1970 :

-les factoreries et le séchage de la morue, les deux fabriques de farine de poisson ont des effectifs fluctuants sur l’année, entre 440 et 880 personnes -les chantiers et la réparation navale comptent 1360 employés dans 32 entreprises dont la moitié emploi moins de 10 personnes -les ateliers d’entretien (peinture des bateaux, machineries auxiliaires, électricité bateau, timonerie…) totalisent 360 personnes Certes, à Pasajes il existe aussi une pêche artisanale (bajura), mais elle est peu

visible dans le port encombré de l’époque. Au total, dans le port de Pasajes, c’est plus de 8000 personnes qui travaillent à la pêche et ses activités annexes. La baisse brutale de l’activité halieutique provoque un véritable séisme économique dans le port.

3 – La crise du complexe halieutique de Pasajes et le déclin de la pêche hauturière

En 1970, à Pasajes, un actif sur quatre travaille à la pêche (mais tous les actifs de

pêche de Pasajes n’y résident pas) et presque un actif sur deux est employé dans le secteur industriel, dont les chantiers navals et les ateliers de réparation. C’est dire l’importance de l’activité halieutique pour la cité.

La crise est liée à une baisse de la ressource mais surtout à une "nationalisation" de l’accès à cette ressource par la création, entre 1976 et 1977, des Zones Economiques Exclusives pour le continent nord-américain et les eaux de la Communauté Européenne, d’où un accès lié aux quotas avec licences. Les aspects spécifiques à la flotte du nord de la péninsule espagnole (Galice et provinces cantabriques) seront évoqués dans la troisième partie. Nous n’envisageons ici que les effets dévastateurs pour l’activité du port.

L’effondrement se produit au cours de la décennie 1975-1985 (figure 66) Les armateurs et les pouvoirs publics n’ont pas lutté pour défendre des "droits historiques" de pêche mais au contraire se sont conformés aux nouvelles normes établies. On voit bien ci-dessous que la flotte de Pasajes, amputée de certains droits ne peut maintenir ses captures (cf. la comparaison avec Lorient, Figure 65)

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Figure 65 : La flotte de Pasajes perd certaines zones de pêche : les effets sur la production

Les conséquences pour les flottilles

La disparition de la PYSBE en 1974 avait déjà quelque peu amoindri le potentiel

du port mais c’est au cours de la décennie suivante que la flotte hauturière de pêche fraîche a perdu près des 3/4 de ses unités. On est passé de 180 bateaux actifs en 1978 à 32 en 198579, 17 navires sont inactifs et 15 travaillent à partir d’un autre port.

En réalité, environ 70 bateaux ont été soit transférés à Las Palmas, Huelva et Malaga pour y disposer de meilleures conditions d’accès aux zones de pêche, soit vendus en Galice et surtout au port biscayen d’Ondárroa. La disparition réelle des navires entre 1975 et 1985 se chiffra à 57 bateaux, des chalutiers pour la plupart. Pour les petites sociétés d’armement, la liquidation des actifs signifiait le plus souvent la fermeture de l’entreprise et sa disparition.

Certains bateaux ont été transformés en congélateurs pour pêcher au large de l’Afrique et d’autres se sont mis sous bannière étrangère (Argentine, Royaume-Uni) pour accéder à d’autres ressources halieutiques .

79 D’après la Comandancia de Marina

Source : revue El Campo n°99 . 1985 p 108 . Banco de Bilbao

Evolution comparée de la pêche débarquée dans les ports de

Lorient et Pasajes (1964-1984)

0

20

40

60

80

100

120

1964

1966

1968

1970

1972

1974

1976

1978

1980

1082

1984

années

milliers de tonnes

Pasajes Lorient

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201

Figure 66 : La flotte hauturière de pêche fraîche de Pasajes entre 1970 et 1996

Source : données statistiques issues des Memorias de la Junta de Puerto de Pasajes

Dans un premier temps, la flotte morutière a été moins affectée par cette crise

même si un morutier sur trois disparaît entre 1975 et 1985 en passant de 37 à 24 navires. Mais à partir du milieu des années 1980, la morue verte n’a plus été débarquée à Pasajes mais en Galice.

Le déclin des pêches à la morue peut se lire sur le graphique des productions déchargées à Pasajes (cf. figure 67, page suivante) : plusieurs remarques permettent d'en accroître la lisibilité : - le déclin des captures accompagne certes celui du nombre des bateaux et du tonnage des embarcations mais en fait il le précède largement (baisse dès 1971-1972) - la flotte espagnole des morutiers se répartit entre la Galice et le Pays basque - la pêche basque sur la base des entreprises existant en 1981 possède 43,82 % des droits espagnols de pêche de la morue…ce qui fait que la flotte galicienne reste plus longtemps en mer (jusqu'à 10 mois alors que durant quatre mois et plus elle se trouve à quai à Pasajes, puisque son quota annuel a été atteint) - la production de morue débarquée à Pasajes dans les années 1980 ne correspond plus du tout aux quantités extraites de l'océan par les morutiers du Guipúzcoa : en 1986 par exemple environ le quart des prises a été débarqué sous forme de morue verte à Pasajes…et moins de 5% en 1991 car l'armateur préfère décharger sa production en Galice, à Vigo, où le coût de la manutention sur les quais privés est moindre. Il ne faut

Nombre de bateaux Jauge : 10.000 tjb

Nombre de bateaux

Jauge en milliers de tjb

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pas négliger non plus la part du poisson congelé (2078 t. en 1991) sans que l'on puisse attribuer un pourcentage précis à la pêche débarquée par les chalutiers congélateurs travaillant au large des côtes africaines et à la part issue de la transformation des captures à bord des morutiers dans l'unité de congélation implantée depuis quelques années pour valoriser les espèces associées au cabillaud lors du chalutage et les petites morues à partir desquelles on fabrique des filets congelés. Par contre les 2 100 t. arrivées sur l'espace portuaire en 1991 par camions (de Galice ? de l'étranger pour être redistribuées par les grossistes-importateurs ?) ne sont pas représentées sur le graphique. La chute des productions débarquées dans le port par les morutiers et les chalutiers a été spectaculaire tout comme celle des effectifs dans les activités annexes.

Les conséquences sur les activités portuaires

En une décennie, quatre usines de séchage de morue ont fermé, ce qui représente environ 700 postes de travail ; les petits ateliers de réparation navale ont disparu ainsi que 260 emplois sans compter les entrepôts frigorifiques et les fabriques de glace.

En 1986, la disparition des navires ou leur transfert ainsi que le maintien de seulement 36 sociétés d ‘armement, n’ont permis de conserver que 1320 marins en pêche hauturière (ils étaient 5 300 en 1968 !) sur une soixantaine de navires.

Figure 67 À la charnière des années 1970-80 : la crise de l’activité morutière à Pasajes

milliers de t.

Tonnage total

Morue verte Pêche

années

Source :Junta de puerto de Pasajes

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Source : Paisajes españoles S.A. 1992

Sens de prise de vue de la photo

Photo n°10 : Port de Pasajes avec des morutiers à quai au premier plan

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Conclusion Au XXe siècle, au Pays basque d’Espagne, s’est construit un système chalutier qui

a propulsé Pasajes dans les tout premiers ports d’Espagne. La crise des années 1980 a causé la chute de l’activité mais aussi en partie le transfert des navires à Ondárroa. Le port biscayen a acheté les bateaux sans avoir les licences de pêche nécessaires qui les accompagnent. Quels problèmes cela a-t-il posé ? Quelles en furent les conséquences pour les pêches dans le Golfe et dans les eaux communautaires ?

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Chapitre 9 : L’INDUSTRIE DE TRANSFORMATION DU POISS ON

I- L’industrie de la conserve supplée l’activité traditionnelle

C’est une erreur de croire que l’industrie transformatrice n’utilise que les

excédents laissés par la commercialisation du poisson frais. L’évolution de l’industrie de transformation en Biscaye n’est pas la conséquence mais la cause du développement du secteur extractif.

Le mouvement de croissance commence autour de 1860 et devient spectaculaire à la fin du XIXe et au début du XXe siècle avec l’arrivée des industriels italiens de la salaison. Entre 1803 et 1884, l’activité transformatrice, peu développée, absorbait 43 % du poisson débarqué. Au cours de la phase de croissance (1890 à 1939), ce chiffre atteignait 56%. Quels étaient les facteurs limitatifs au XIXe siècle ?

• Indéniablement le manque de transports rapides réduisait les réseaux de commercialisation de poisson frais à une étroite bande littorale proche des ports de débarquement. Les poissons ”préparés” permettaient d’atteindre des régions plus éloignées de la côte mais surtout hors de leur période de pêche.

• L’activité était fluctuante, saisonnière, liée à la ressource avec un temps de travail calqué sur celle-ci. Cette activité et ses approvisionnements irréguliers dans le temps et dans l’espace imposaient aussi une atomisation spatiale de l’offre : les industriels les plus puissants ouvraient des établissements distincts dans plusieurs ports avec pour conséquence une dispersion de leur capital.

• De plus la ressource halieutique est périssable : la sardine et l’anchois sont les espèces les plus fragiles, leur temps de conservation est d’une douzaine d’heures après leur pêche alors qu’on peut compter quelques jours pour le chinchard et jusqu’à trois semaines pour le germon (la marée peut donc être plus longue pour cette espèce). De façon générale les fabriques se trouvent dans les ports de pêche.

• On enregistra une baisse des activités de pêche de 1863 à 1872 suivie de difficultés liées à la seconde guerre carliste ; cette conjoncture stoppa la croissance de la transformation

• Au XIXe siècle, la production des salaisons et escabèches est liée au commerce du sel, du vinaigre et de l’huile. Ceux-ci provenaient pour l’essentiel de l’extérieur. En 1855, les représentants des ports de pêche de Biscaye ayant demandé la suspension de toutes les taxes pesant sur ces produits, les autorités provinciales accédèrent à leur demande. D’ailleurs l’insuffisance de ces matières premières réapparut au XXe siècle, en particulier lors de la première

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guerre mondiale (1917) et après la guerre civile : l’industrie espagnole ne produisait pas assez de fer blanc pour les boîtes de conserve et avait recours à l’importation.

1- Les activités traditionnelles de conservation

La méthode ancienne pour accroître la durée de conservation était le sel mais il altère la saveur. Au XIIIe siècle, on salait à Laredo les sardines, chinchards, pageots roses (cf. un privilège accordé par Alphonse X en 1255). Ce n’était pas une pratique exclusive ; on séchait aussi à l’air libre les congres et le merlu qui pouvaient se conserver jusqu’à six mois ainsi préparés.

On ne connaît pas avec certitude la date d’introduction de l’escabèche, mais déjà, les pêcheurs du Guipúzcoa utilisaient cette méthode à la fin du XVIe siècle : on peut supposer qu’elle avait supplanté la salaison à Pasajes, Motrico et Deva. Le pageot, principal ”bénéficiaire” de cette activité, procurait les gains les plus forts. Cette pratique de l’escabèche permettait de le conserver deux à trois mois, un temps mis à profit pour l’envoyer dans les lieux les plus reculés de Castille.

Au XIXe siècle, les salaisons se localisent dans les ports de Zarauz (sardines, anchois) et Motrico (sardines, anchois, thon). L’industrie transformatrice était fondée sur l’activité des cofradías qui organisaient la fabrication à l’escabèche. Vers le milieu du XIXe siècle, le régime monopolistique détenu par ces dernières disparaît. Au fil des décennies, cette exclusivité forgée tout au long du XVIIIe siècle était devenue un obstacle à la croissance du secteur même si en période critique de la pêche elle avait servi à renforcer la demande. Mais cette disparition du régime de l’exclusif n’a pas toujours créé, à elle seule, la dynamique suffisante pour accroître le secteur qui a souffert des guerres napoléoniennes et carlistes. La phase d’expansion fut donc postérieure à la fin des guerres et au transfert de la perception des douanes de l’Ebre à la ligne côtière.

Vers 1845, Madoz80 chiffrait à 18 les fabriques existant en Biscaye (dont 6 à Bermeo, 3 à Lequeitio, 2 à Ondarroa, Mundaca et Santurce) ; or, si dans les ports chaque cofradía avait son activité d’escabèche, cela signifiait qu’une dizaine appartenait à des particuliers. Leur nombre fluctuait beaucoup car certaines avaient une durée de vie éphémère. Les principales espèces préparées étaient le thon et le pageot rose. A partir de 1857, l’exemption de toutes les taxes qui pesaient sur l’huile, le sel et le vinaigre stimulèrent l’activité de transformation

80 MADOZ ,P. Diccionario geográfico-estadístico-histórico de España y sus posesiones de ultramar, XVII tomes Madrid, 1845-1850.

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Figure 68 : BISCAYE : Les productions de salaisons et d’escabèches par port

1803-1884 (poids exprimés en arrobes : une arrobe vaut entre 10.5 à12 kg)

année Poisson

salé Bermeo Lequeitio Mundaca Ondarroa Elanchove Ea Santurce

1803 15.870 5.520 6.900

1804 2.116

1858 519.420,5 207.000 138.092 118.013 56.315,5 1860 681.237 109.250 351.785 211.002 9.200

1861 644.391 127.880 152.260 355.051 9.200

1862 724.737,5 105.800 460.000 137.310 21.677,5

1863 175.892,5 119.416 56.476,5

1866 151.455 9.200 92.000 45.655 4.600

1867 152.835 9.085 93.150 46.000 4.600

1868 141.381 6.624 100.843,5 31.613,5 2.300

1869 139.023,5 6.773,5 100.050 32.200

1870 138.420 7.360 101.200 29.900

1871 140.300 5.750 109.825 24.725

1877 558.440 356.500 49.450 152.490

1878 89.240 4.370 84.870

1879 22.640 85.767 2.714 46.874 87.285

1880 156.779,5 23.000 4.347 43.427,5 85.902

1881 206.114,5 78.637 19.906,5 2.921 32.200 72.4500

1882 502.987 80.201 253.000 2.461 66.700 100.625

1883 522.307 81.799,5 332.315,5 1.242 106.950

1884 465.060 84.582,5 249.768,5 299 30.360 100.050 SOURCE : ARCHIVO GENERAL DEL SEÑORÍO DE VIZCAYA,PESCA Y MARINA, PLUSIEURS REGISTRES

A.M.A.B.ESTADÍSTICA Y PESCA, PLUSIEURS REGISTRES IN THÈSE DE M AÍZ ALKORTA P . 551 (REPRODUCTION

PARTIELLE ). A l’issue de cette période, on peut dire que les activités d’escabèche sont localisées à Bermeo et Lequeitio alors que la salaison se trouve dans les ports de moindre importance (l’anchois et la sardine sont pêchés par des embarcations de plus petite taille). Quels sont les facteurs de dynamisation dans la seconde moitié du XIXe siècle ?

• L’accroissement du réseau de chemin de fer local (ex. inauguration du chemin de fer Bilbao-Durango en 1881) facilita l’accès au marché intérieur

• La création de conserveries dans les années 1880 dont les principaux initiateurs étaient des Français : leur installation en Biscaye fut déterminée par deux raisons principales : d’abord entre 1880 et 1887 la disparition de la sardine des côtes de Vendée et de Bretagne obligea les industriels ou les commerçants de ces régions à se fournir sur les côtes espagnoles et portugaises ou à y installer des fabriques ; ensuite une raison déterminante fut en 1882, la signature d’un traité commercial

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franco-espagnol qui permit d’abaisser d’un tiers les droits de douane sur les échanges des produits de la pêche, en particulier sur les importations de conserves en France.

• Entre 1880 et 1884, l’activité de l’escabèche domine toujours celle de la conserve puisqu’à ces dates, elle totalise 71,8 % des quantités transformées dans 24 fabriques (dont 10 à Bermeo et 9 à Lequeitio). A cette même période, on comptait 4 ou 5 commerçants français de la conserve installés dans les ports biscayens. Il y avait 30 fabriques (conserves, escabèche) en Biscaye en 1885.

Toutefois l’industrie de transformation biscayenne changea de visage et de dynamique à partir du début du XXe siècle. Cela se traduit dans la production qui triple en une trentaine d’années passant de 1 000 à 3 000 tonnes.

2- L’arrivée des Italiens donne un nouveau dynamisme

La particularité de la croissance le l’industrie de transformation de la Biscaye par rapport à la France, à l’Italie et au Portugal, réside dans le fait que l’industrie de la conserve n’a pas acquis une situation hégémonique par rapport à l’industrie de salaison, au contraire, cette dernière s’est renforcée avec l’arrivée d’industriels italiens. Leur rôle est tel qu’il a influencé l’orientation des captures. Comme celle des Français dans les années 1880, leur arrivée sur la côte cantabrique correspond à une crise cyclique, celle de la pêcherie italienne d’anchois . La diminution des captures pousse les salaisonniers italiens, particulièrement les Siciliens, à rechercher de nouveaux approvisionnements hors de leur domaine habituel. La côte cantabrique offrait des conditions privilégiées car la pêcherie d’anchois se trouvait au large de la Biscaye et le prix de cette espèce était avantageux. Cette ressource était peu exploitée à cause d’une demande limitée, il y avait donc des stocks disponibles. Les quantités débarquées étaient bien supérieures à la consommation d’où un prix inférieur à sa valeur réelle. Les industriels italiens trouvèrent sur place une main d’œuvre abondante, disponible et expérimentée.

Avant 1904, la conserve représentait près de 65 % du poisson traité, le reste revenant à l’escabèche, la salaison ayant pratiquement disparu. Les premières fabriques italiennes fonctionnèrent à partir du début du XXe siècle par exemple à Lequeitio où, en 1904, la totalité des établissements de salaison était la propriété des commerçants italiens. La salaison représentait 18 % de la production transformée totale en 1904 et atteignait environ 60% entre 1908 et 1914. L’ activité de salaisonnerie des Italiens fut renforcée par l’arrivée des industriels hollandais et des Français. Ainsi, en 1910 les industriels étrangers assurent 44 % de la production salaisonnière, le reste étant produit par les Biscayens. La majorité de ceux-ci produisait directement pour des sociétés italiennes car ces dernières n’arrivaient pas à produire suffisamment pour satisfaire leurs propres marchés. Ces sociétés dominaient la production locale par le biais du commerce et des débouchés.

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A côté d’eux, le nombre d’établissements locaux fluctuait beaucoup car l’investissement requis pour élaborer des produits en salaison était minime : un local, du sel, des barriques et des pierres. Dans les années d’abondance de capture d’anchois, en ce début de XXe siècle par exemple, surgissait un grand nombre de petits fabricants qui arrêtaient leur activité lorsque survenaient des circonstances défavorables : baisse des captures, augmentation des prix.

En peu d’années, l’impulsion de la salaison provoqua une profonde transformation du secteur de la pêche et influença la modernisation de la flottille ; désormais les petites embarcations à vapeur, beaucoup plus rentables, remplacèrent les ”boniteras ” et traînières du XIXe siècle. La croissance des débarquements d’anchois atteint 90 % environ entre 1914 et 1938 ; par exemple, en 1920, 80 % de l’anchois est préparé en salaison tandis que salaisons et conserves absorbent 90 % des débarquements.

3- L’industrie de la conserve en Espagne

Les débuts de la conserverie sont connus : Nicolas Appert en 1809 ; M Colin, confiseur, a perfectionné le système en 1824 et les premières fabriques apparaissent en France autour de 1825. Dans le dernier quart du XIXe siècle, la France était le leader européen incontesté de cette industrie alors que d’autres pays développaient cette activité, en particulier la Norvège, le Portugal surtout et l’Espagne.

En Espagne, la conserve a connu un large temps d’expérimentation dont les débuts commencèrent en 1828, avec la création de la première conserverie connue, jusqu’aux années 1880. Les premiers établissements apparaissent dans les Asturies (1828) (Ocampo Suarez-Valdes, J. 1993) et La Coruña (1836). Au cours des années 1850 et 1860 de nouvelles fabriques s’ouvrent en Cantabrie (Ansola Fernandez A., 1996) et au Pays basque. Selon Carmona (Carmona Badía J., 1991, 1994), la faible croissance de ce secteur pourrait s’expliquer par les difficultés régulières d’approvisionnement, à des prix accessibles, des deux matières premières indispensables, l’huile et le fer blanc. Le tableau ci-après montre la répartition de l’industrie de transformation dans les principales régions maritimes d’Espagne.

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Figure 69 Etablissements de salaisons, conserves, escabècheries par régions

Source : Lopez-Losa, thèse p. 371, statistiques regroupées issues de plusieurs auteurs

Le nombre de fabriques a augmenté dans toute l’Espagne, cependant la croissance de l’industrie de la conserve en Galice et sur la côte Cantabrique (Asturies, Cantabrie) à la fin du XIXe siècle n’accorde qu’une place secondaire à la conserverie basque alors que pour l’escabèche, malgré la progression des autres régions, le Pays basque et la Galice sont en tête pour le nombre d’établissements. Au XIXe comme au début du XXe

siècle, l’escabèche est commercialisée presque exclusivement sur le marché intérieur à l’inverse de la conserve qui est le plus souvent exportée.

4- L’industrie de la conserve au Pays basque jusqu’aux années 1880

Les sources disponibles situent jusqu’aux années 1880 l’implantation des premiers établissements de conserve en Biscaye. A cette époque, il y en avait cinq à Bilbao et un seul dans un port de pêche : Bermeo. Le premier état quelque peu détaillé sur ce port date de 1863. Ces premiers établissements étaient caractérisés par leur manque de spécialisation. On faisait un peu de tout, en majorité du poisson mais aussi de la viande ou des légumes. Dès le début, ces fabrications avaient pour acquéreurs principaux la Marine ou les anciennes colonies d’Amérique. En Guipúzcoa, nous savons qu’en 1850, s’ouvrit à Fontarrabie une conserverie de thon, germon mariné, sardines à l’huile, initiée par des entrepreneurs français ( ?) mais des documents de 1861 ne font pas état de cette activité. Sa durée de vie a-t-elle été éphémère ? C’est après les années 1870 (fin de la Seconde guerre carliste que se multiplient les établissements ; la plus forte croissance s’est produite à Bermeo et Lequeitio : dans le premier cas, il s’agit de conserveries, dans le second d’escabècheries.

salaison escabècherie conserve

1857 Galice 221 - 1

Asturies 90 - 3

Cantabrie 11 13 -

Pays basque - 23 7(1860)

Andalousie 87 - -

1900 Galice 175 32 36

Asturies 49 24 20

Cantabrie 25 12 55

Pays basque ? 31 17(1896)

Andalousie 43 5 1

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Pour cette époque les sources sont rares mais des données indirectes existent : les entrées dans les ports du fer blanc et des ingrédients, huile, vinaigre, sel, ainsi que les sorties de conserves alimentaires permettent de valider cet essor dans le dernier quart du XIXe siècle. La présence d’industriels français à déjà été signalée dans les deux dernières décennies du XIXe s mais parfois leur activité est difficile à cerner : en 1885, à Bermeo, dans trois escabècheries, on avait crée des compagnies françaises pour la fabrication de conserves de sardines tandis qu’à Lequeitio et Ondarroa elles s’établissaient dans les escabècheries respectives des cofradías. Toutefois il est indéniable que l’expansion de l’industrie de la conserve de poisson commence à cette période au Pays basque. Les sources statistiques montrent une évolution divergente entre la Biscaye pour laquelle les quantités de poisson transformées par l’industrie augmentent (par rapport au total des captures) et le Guipúzcoa, province pour laquelle les chiffres de « la transformation » chutent de façon spectaculaire après 1883. L’une des raisons serait l’accroissement notable de la vente et de l’exportation de poisson frais à partir de la fin des années 1880 et début 1890 ; dans ce processus s’intègre le développement des chalutiers à vapeur installés vers 1880 à San Sebastián ; ce petit port change alors de statut et devient le principal centre de pêche de la province, l’un des principaux marchés de poisson frais de la péninsule, stimulé par la poussée urbaine et un bon réseau de communications.

Cette particularité qui prend racine à la fin du XIXe siècle prend encore plus d’ampleur dans le premier tiers du XXe ; l’activité de transformation domine en Biscaye, tandis qu’en Guipúzcoa, à l’exception de Guetaria et Motrico dont les activités de transformation déclinent, les quantités de poisson frais commercialisé, dépassent de beaucoup celles de poisson élaboré.

II- Le développement de l’industrie de la conserve stimule l’essor

des flottilles

Au cours du premier tiers du XXe siècle, la fabrication des conserves de poisson augmentant rapidement, l’Espagne devint un des principaux producteurs et exportateurs mondiaux, devancée par les Etats Unis, le Japon, la Norvège et le Portugal. L’industrie transformatrice au Pays basque suit ce schéma général, même si sa croissance est moindre que celle d’autres régions espagnoles. Malgré des séries incomplètes et manquant d’homogénéité, il est possible d’esquisser les grands traits suivants :

1- L’industrie de la conserve jusqu’aux années trente

Quelle situation économique présente-t-elle ?

• Une croissance modérée jusqu’à la première guerre mondiale

• Une croissance qui s’accélère durant la guerre et le début des années 1920.

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• Les années 1930 jusqu’à la guerre civile ; la crise internationale affecte les exportations de cette industrie de transformation et alors qu’elle était au stade de récupération, l’activité subit les sanctions infligées par la SDN à l’Italie : le débouché principal de l’anchois espagnol ferme

L’évolution générale sur le territoire des provinces maritimes du Pays basque d’Espagne montre une progression sensible jusqu’à la crise économique mondiale.

L’expansion n’a pas été homogène sur le territoire, les tendances constatées depuis

la fin du XIXe siècle se sont renforcées au cours du XXe. Ainsi la croissance a été notable en Biscaye : Bermeo (31), Ondarroa (30) et en Guipúzcoa, seule Guetaria (20) en bénéficie ; la croissance fut moindre ailleurs avec, parfois une baisse des fabriques dans les années 1930 par exemple à Lequeitio (14 en 1924 toutefois).

A l’intérieur de ce processus d’expansion, un nouvel élément a été déterminant : l’anchois en salaison. A la fin du XIXe siècle, malgré un accroissement de l’industrie de la conserve, l’escabèche constituait le gros de la production. La diffusion de l’anchois entraîna l’essor rapide du secteur de la transformation sur la côte basque. Durant la majeure partie du XIXe siècle, l’anchois constituait une pêche marginale ; ressource abondante, sa faible vente en frais ou salé se maintint jusqu’aux années 1870-1880 l’accroissement des débarquements et le déséquilibre offre demande se traduisaient par des prix très bas. Ce fut le panorama qu’aperçurent les premiers salaisonniers italiens lorsqu’ils vinrent sur la côte Cantabrique. Très demandé en Italie, l’anchois de salaison souffrait d’une raréfaction des captures en Méditerranée après 1880. Aussi, des conserveurs italiens, après un passage par la Catalogne, vinrent sur le Cantabrique à la recherche de matières premières. Les sources divergent quant à l’arrivée des premiers : début des années 1880 en Cantabrie ou encore 1893-1894. La préparation de l’anchois a stimulé l’activité de transformation. A partir des années 1890, l’anchois devint le principal produit élaboré, un tonnage supérieur à celui de l’escabèche et aux conserves d’autres espèces. Cette nouvelle et forte demande causa une rapide croissance des captures jusqu’à ce que cette pêcherie devienne une des principales de la Côte basque. Le rôle des industriels italiens fut déterminant dans l’essor de la demande. De façon habituelle, la salaison était réalisée par les industriels locaux auprès desquels les acheteurs italiens se procuraient la marchandise pour

1830 1924 1933

Biscaye 29 78 57

Guipúzcoa 13 35 34

Total 42 113 91

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l’expédier en Italie. Avec le temps, ils installèrent sur place leurs propres fabriques. Certains noms figurent encore de nos jours dans les conserveries de Bermeo et Ondárroa. Dans les années 1920,des industriels hollandais installèrent des salaisons à Guetaria, Ondárroa et Lequeitio ; l’anchois salé était destiné au marché allemand où il servait de régulateur et de substitut lorsque diminuait fortement la production de hareng. Le poids de ces industriels étrangers était loin d’être négligeable : en 1924, sur les 35 fabriques, la moitié ont un nom italien et deux appartiennent à des Néerlandais. Malgré une influence moindre en Biscaye, sur 78 fabriques en 1930, 19 portaient un nom italien et 5 un nom néerlandais.

Si jusqu’à la fin du XIXe siècle, germon et pageot rose en escabèche et secondairement sardine à l’huile constituaient les principales fabrications, la première décennie du XXe siècle consacre la prédominance de l’anchois en salaison : Exemple de l’année 1908 : industrie de transformation Espèces travaillées par les deux provinces, en pourcentage La structure de cette activité de transformation ne va guère changer. Le nombre d’établissements et leur production se reflètent dans la répartition suivante : Distribution des établissements par type d’élaboration au Pays basque en 1924

A Ondárroa et Guetaria, l’on travaille presque exclusivement l’anchois, dans les districts de Zumaya et de Lequeitio, l’anchois domine les autres alors qu’à Bermeo où les fabriques sont plus diversifiées, conserveries et escabècheries l’emportent.

GUIPUZCOA BISCAYE

Anchois 59,3% 35,7%

Sardines 15,8% 1,85%

Germon 9,6% 37,8%

Pageot 0,5%

Thon rouge 0,4%

besugo 7,5%

Conserveries Escabècheries Salaisons C..E..S.. C..E.. C..S.. TOTAL

Bermeo 3 16 3 7 1 1 31 Lequeitio 1 1 7 2 2 1 14 Ondárroa 1 - 23 - - 6 30 Guetaria - - 20 - - - 20 Motrico - 2 8 - - - 10 Total 7 21 64 9 3 9 113

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L’importance du secteur de la transformation des produits de la pêche dans le premier tiers du XXe siècle peut être caractérisée en la comparant aux autres régions d’Espagne. De toutes les régions maritimes, la plus importante pour le volume de production était la Galice (ex. en 1914 : 45,5 % du total national) dont la principale fabrication était la sardine à l’huile alors que l’Andalousie (deuxième région : 19,4 % en 1914) préférait la préparation traditionnelle du thon et de la sardine salée en conserve.

Sur le littoral cantabrique, les productions traditionnelles comme l’escabèche de germon, maquereau, chinchard ou l’anchois devancent la conserve moderne. Le secteur de la conserve y était d’une taille moindre qu’en Galice ou en Andalousie et présentait une diversification plus poussée. L’industrie de transformation du Pays basque répondait à ce schéma (diversification plus forte en Biscaye qu’en Guipúzcoa). Le poids de la région dans l’industrie nationale était, en 1924, de 12,8 %. Bien que les séries statistiques soient inégales, on peut dire que dans le premier tiers du XXe siècle, ce poids oscillait autour de 10 %. Au cours de cette période, il y eut une forte progression de cette activité dans les Asturies alors que le développement fut moindre au Pays basque et en Cantabrie.

L’industrie espagnole a augmenté ses fabrications de 80 % entre 1914 et 1931 [ de 43.650 à 77.700 t.] : la Galice constitue la région de la conserve par excellence alors qu’en Andalousie la salaison traditionnelle l’emporte.

Cette industrie de la conserve dépend des marchés extérieurs puisque 10 % environ était destiné au marché intérieur, principalement l’escabèche bien que celle de germon soit exportée à partir de 1920 vers les marchés italien et américain.

Jusqu’en 1907, les statistiques distinguent mal les différentes catégories de produits (ex. au début du XXe siècle, le germon et le maquereau se mettaient en boîte et non en baril, la catégorie sardine pressée et salée correspond très certainement à l’anchois en salaison et en baril, on travaillait très peu la sardine ici, elle était mise en boîtes de conserve). De plus au cours de ce premier tiers du XXe siècle, la majeure partie de la production de salaisons d’anchois était regroupée à Santoña (port de la province de Santander/Cantabrie) avant exportation vers l’Italie qui, dans les années 1920, demeure le principal marché des conserves et salaisons issues de la côte basque. Toutefois, au cours de la décennie 1920-1930, d’autres destinations s’ajoutent : en Amérique, l’Argentine et les Etats-Unis avec leurs nombreuses communautés d’origine italienne, et en Europe : la Grande-Bretagne, la Belgique et les Pays-Bas. Les exportations étaient réalisées à partir du port de Bilbao. La majeure partie de l’anchois exporté arrivait sur le marché génois où une grande quantité était vendue par des commissionnaires censés obtenir les meilleurs prix à la vente. En fait, l’offre est excédentaire et les prix sont à la baisse dans les années 1920. Pour mieux contrôler ce marché et obtenir des prix plus rémunérateurs les fabricants du Cantabrique (Asociación

de Fabricantes de Conservas de Santoña) installent à Gênes une délégation se substituant au mode de vente antérieur. L’établissement de délégations dans les

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principaux marchés extérieurs permit de solutionner une partie des problèmes qui touchaient ce secteur. En Galice la crise sardinière entraîna certains industriels à travailler aussi l’anchois et le germon.

Les bonnes campagnes de la fin des années vingt (donc un prix plus bas de la matière première pour les industriels), une monnaie nationale dépréciée firent croître les exportations espagnoles jusqu’à 1930-1931.

La crise internationale des années trente eut pour conséquence de faire baisser la production et le nombre de fabriques (1930 : 113 fabriques, 1933 : 91), toute l’industrie de la conserve espagnole fut concernée. Parmi les mesures prises par les industriels, une des plus efficaces fut la réorientation de leurs ventes vers le marché intérieur ; ainsi, la Galice, principale région pour la conserve, envoya plus de 50 % de sa production vers les marchés nationaux. Malgré l’insuffisance des informations pour le Pays basque, on peut penser à un mouvement comparable car la production a augmenté notablement en 1935, dépassant ses meilleurs chiffres de 1930, sans que les exportations n’augmentent de façon notable.

La guerre civile (1936-39) et l’époque qui lui succède sont des périodes d’ autarcie, la tendance observée avant la guerre s’est renforcée, faisant du marché national le principal objectif de l’industrie transformatrice.

2- L’industrie de la conserve basque après la guerre civile, jusque vers 1975

Les années 1940 se traduisent par une crise de la production puisqu’en 1949 le tonnage des produits transformés n’atteignait que la moitié du total d’avant guerre à cause de la fermeture des marchés étrangers, de la 2ème guerre mondiale, de l’autarcie franquiste et des difficultés d’approvisionnement en fer blanc et en huile. Pour retrouver le niveau de 1935, il a fallu attendre 1951. Ensuite, après une décennie hésitante, à partir des années 1960 jusqu’en 1975, une croissance forte se manifeste par la récupération d’une partie des marchés extérieurs et la forte demande intérieure. Cette évolution est valable pour la Biscaye alors qu’en Guipúzcoa la tendance enregistrée est la diminution modérée mais constante de ses productions à l’exception de la morue. Après une trentaine d’années de développement la flotte morutière de Pasajes est une des principales de la péninsule. Les entreprises de pêche sont étudiées par ailleurs. Elles disposent de sécheries pour traiter la morue en vert, il y a là un véritable secteur intégré avec cette grande pêche.

La forte croissance des entreprises de morue séchée dans les entreprises du port s’étala de 1950 à 1965, date à partir de laquelle les armateurs préférèrent la commercialisation en vert à cause de la baisse des prix.

Jusque dans les années 1950, il y avait une relation entre le nombre de fabriques et la production ; ceci n’est plus valable après 1965. On assiste à une réduction du nombre

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216

d’usines ; celles qui subsistent augmentent leur taille et le nombre de personnes employées, leurs produits sont des conserves à plus forte valeur ajoutée, tandis que des conserves comme l’anchois en salaison dont l’élaboration est plus simple connaissent un recul relatif. Le tableau ci-après montre bien cette période des années 1960 :

Figure 70 Les conserveries de Biscaye et du Guipúzcoa (1930-1975)

A l’orée des années 1970, le secteur paraît très "atomisé" (des entreprises familiales aux techniques déjà pratiquées au début du XXe siècle), trop spécialisé dans quelques fabrications issues d’espèces saisonnières, germon et anchois. La tradition dominait cette activité d’autant que, après avoir perdu le marché italien durant la seconde guerre mondiale et les années qui suivirent, l’industrie basque le retrouve à la fin des années 1950. Mais il fallut affronter la concurrence extérieure et proposer des produits plus élaborés d’où la croissance de la fabrication des filets d’anchois au détriment des anchois en salaison.

Par la suite, cette industrie a du affronter des difficultés sur le marché intérieur, par exemple une limitation des quantités de captures à la fin des années 1960 (pour que les prix ne s’effondrent pas), une plus grande demande de poisson frais, donc une augmentation du prix de la matière première "industrielle".

1930 1960 1965 1970 1975

GUIPUZCOA 36 35 38 29 16

Pasajes

Orio

Guetaria

Mutriku

Autres

3 1 22 4 6

8 -

10 9 8

7 3 15 7 6

- 4 11 7 7

BISCAYE 77 76 66 52 39

Ondarroa

Lequeitio

Bermeo

Elantxobe

autres

31 12 33 1 -

20 12 37 4 3

18 6 33 - 9

16 4 21 - 8

TOTAL 113 111 104 81 55

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217

3- La période actuelle est marquée par des difficultés

Après 1975, le nombre d’entreprises de ce secteur a beaucoup diminué et à la fin des années 1980 (1988), il y avait 33 entreprises et 95 usines (sur les 173 implantées sur le territoire national). Dans le schéma suivant, sont inclus quelques salaisonniers qui ne font que l’anchois même s’ils ne traitent pas de volumes importants

La prise en compte de certains critères (chiffre d’affaires, personnel, différenciation des tâches) permet de distinguer trois groupes parmi ces entreprises

• Les plus petites dont le chiffre d’affaires est inférieur à 200 Millions (M) de pesetas comptent 17 entreprises parmi lesquelles 8 ne travaillent que l’anchois dont la destination quasi unique est le marché italien ; d’autres font le germon. Le patron se charge d’acheter, de vendre et de surveiller la fabrication. Le personnel fixe n’excède pas 4 personnes sauf celles qui se consacrent au filet d’anchois toute l’année .Ces entreprises ont une production et une clientèle plus ou moins fixe. Elles ont en général des problèmes financiers et rencontrent plus de difficultés que les autres pour accéder à un crédit de campagne intéressant.

• Les entreprises moyennes dont le chiffre d’affaires est compris entre 200 et 700 millions de pesetas. Deux sous-groupes s’individualisent :

- Celles qui sont au-dessus de 200M ont les mêmes caractéristiques que les précédentes mais elles ont des représentants dans les principales villes du pays. Elles ne sont pas spécialisées dans un seul produit : elles font l’anchois en salaison et le germon ou le thon rouge

- Celles dont le chiffre d’affaires atteint presque 700M de pesetas ont une production beaucoup plus diversifiée avec un personnel spécialisé pour les achats, la gestion, le secteur commercial. Elles ont des représentants dans toute la péninsule et même à l’étranger (principalement Italie et Suisse) et manifestent

BISCAYE GUIPUZCOA

entreprises usines entreprises usines

Bermeo Motrico

Lekeitio Guetaria

Ondarroa Orio

Markina Deba

Ondarroa (Berriatua)

Zumaya

Gernika

11 1 6 2 2 1

11 3 6 2 2 1 S.Sebastián

3 2 2 2 0 1

3 2 2 2 1 0

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plus d’agressivité commerciale. Elles ont un département administratif adapté à ce fonctionnement.

• Les trois entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 1 milliard de pesetas

- l’une d’elles possède 4 usines (Bermeo, El Grove, Algeciras et Islas Canarias), avec sa propre flotte et d’importantes participations dans des fabriques de conserves à l’étranger.

- une autre possède aussi 4 usines (Ondarroa, Lekeitio, Zumaya et San Vicente de la Barquera) - la troisième de grande taille est en complète restructuration.

Quels sont les types de produits et les formats vendus ?

Peu de variété : essentiellement le germon en escabèche et l’anchois en salaison après deux campagnes distinctes : au printemps l’anchois, et le germon en été jusqu’au début de l’automne ; par la suite sont travaillés le thon congelé et les filets d’anchois (produit de haute qualité, mais cher). La campagne d’anchois connaît des apports irréguliers et insuffisants, aussi les industriels ont recours à l’importation d’anchois en salaison (Argentine) pour faire des filets. Depuis 1985 les campagnes de pêche au germon apportent une moyenne de 15.000 t. chacune. Comme le prix est élevé les industriels importent du thon tropical congelé (albacore).

La matière première, anchois germon, entre environ pour moitié dans le coût de fabrication ; au Pays basque les coûts salariaux sont presque comparables à ceux de Cantabrie toutefois en Guipúzcoa , ils sont les plus élevés d’Espagne. Pour acheter la matière première, le germon, l’industriel reçoit, en subvention du FROM, environ 50% du montant de ses achats ; pour le reste, il doit lui-même trouver des crédits par l’intermédiaire de cofradías qui les négocient. Chaque semaine, celles-ci perçoivent des conserveurs le prix de leurs achats à répartir entre les producteurs.

Qui sont les clients ? La majorité des entreprises vend dans les principales places du pays à travers des représentants en alimentation rétribués à la commission le plus souvent. D’autre entreprises vendent directement à des grossistes qui se chargent de vendre la marchandise à leurs risques. En général les entreprises ne sont pas présentes dans les hypermarchés à cause des dures conditions mises à l’entrée. Les marchés des principales entreprises : Hôtellerie : 65 %, Hypermarchés : 5 %, Supermarchés : 17 %, Boutiques alimentaires : 15 %.

L’exportation constitue aussi un débouché habituel. L’anchois en salaison a pour client traditionnel l’Italie qui reçoit de plus en plus des conserves de thon tropical et des filets de maquereau. La Suisse absorbe des quantités importantes de conserves de germon tandis que les filets d’anchois trouvent preneur dans trois pays européens et aux Etats Unis. L’ensemble des exportations atteignait 2312 tonnes et 1,5 milliard de

pesetas en 1988 dont près de 80% pour les usines de Biscaye.

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219

Le secteur de la conserve de poissons a vécu les négociations d’adhésion de l’Espagne à la CEE comme une discrimination puisque les droits de douane de 25% (mais 10 % pour le Portugal, son principal concurrent ) durèrent, selon les produits, quatre à sept ans avec une diminution annuelle alors que les autres produits exportés par l’Espagne n’en payaient plus à partir de 1989. Dans le même temps, février 1989, la CEE signait un accord de pêche avec le Maroc lui donnant droit à un contingent d’exportation de conserves de 17.500 tonnes exemptées de droits de douane vers le Marché Commun.

La presque totalité de cette activité se rencontre dans les cités où la population est fortement dépendante de la pêche (population active occupée supérieure à 15 %). Ces entreprises de conserves, semi-conserves et salaisons étaient 34 au Pays basque en 1995 dont les deux tiers en Biscaye. L’activité s’est beaucoup réduite depuis 1975, aussi bien au niveau régional que national. En 1980, l’Espagne comptait 375 conserveries et seulement 198 quinze ans plus tard ; pour 87 %, l’activité était implantée sur la corniche Cantabrique dont 60 usines en Galice et 82 dans la province de Santander. Cette diminution n’a pas permis de résoudre tous les problèmes de structure du secteur qui demeure très atomisé : les 12 premières entreprises fournissent les deux tiers du marché en 1997. les petites entités ne travaillent qu’avec leurs fonds propres et ne peuvent investir pour réaliser la modernisation indispensable. La capacité de transformation dépasse les accords locaux, elle doit aussi tenir compte des importations issues de pays tiers dans lesquels la main d’œuvre est moins chère. Sur la décennie 1986-1995, la production nationale s’est accrue de 22 %, passant de 184.700 tonnes à 225.200 tonnes dont 27 % en valeur a trouvé preneur sur les marchés extérieurs. Les conserves de thon constituent plus de la moitié du tonnage et de la valeur. L’accès à la matière première demeure primordial puisque le coût de celle-ci peut dépasser de moitié le coût de production. Cela explique que certaines entreprises délocalisent leurs centres de fabrication dans des pays qui possèdent de zones de pêche de cette espèce et disposent d’une main d’œuvre bon marché. Ces entreprises cherchent aussi une matière première toujours disponible qui ne soit plus assujettie à la saisonnalité des campagnes de pêche. Ainsi, pour la première fois en 1992, l’importation de pays tiers l’emporta sur l’origine communautaire.

En 1997, l’industrie basque de la conserve, comme l’industrie nationale , a subi les effet d’une très forte restructuration. Il ne reste plus que 34 entreprises employant 1635 personnes. C’est toujours un secteur marqué par la petite taille de ses entreprises familiales celles qui emploient moins de 50 salariés réalisent plus de la moitié du chiffre d’affaires.

Les campagnes d’anchois (mars à juin) et de germon (juillet à septembre) approvisionnent une large partie du marché de poisson frais qui reste prioritaire (l’industrie de la conserve ne reçoit que 20 30 % de la pêche fraîche débarquée par la

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flotte artisanale) et, lorsque les apports sont insuffisants, les conserveurs doivent rechercher des approvisionnement pour leurs entreprises sur d’autres marchés, par exemple dans les ports du voisin français.

III- l’industrie de la conserve sur la côte atlantique française

1- généralités

L’industrie de la conserve de poisson en France à la fin du XIXe et la première moitié du XXe S. a été étudiée ( D’Avigneau A.M.,1957). L’appertisation puis la mise au point par M.Colin en 1824 de la conserve alimentaire a permis à l’Ouest de la France d’être en avance sur le reste du territoire. Par rapport à l’activité traditionnelle ( sardine pressée ou salée) ce procédé offre plusieurs avantages : une conservation plus longue, le transport aisé en très grande quantité et un goût plus fin non dénaturé par le sel. Il y avait 160 usines en France en 1879 dont les trois quart se localisaient dans le Finistère et le Morbihan tandis que La Rochelle et Arcachon (depuis 1874) ne possédaient qu’une seule usine chacune. Plusieurs « maisons » possèdent vers 1880 plusieurs usines, en particulier Saupiquet de Nantes et P. Chancerelle de Douarnenez. Mais les quelques 200 usines de conserves des années 1880 sont approvisionnées de façon irrégulière car la pêche à la sardine devient aléatoire (surtout de 1880 à 1887) dans l’espace et le temps au large des côtes de la Bretagne. Les fabricants français, alors leaders incontestés du marché, assistent à l’arrivée de nouveaux concurrents, parfois redoutables à l’instar du Portugal dont les usines (tout au moins celles du sud du pays) peuvent recevoir et « travailler » la sardine dix à onze mois par an et l’obtenir à des prix très bas 81 d’ailleurs P. Chancerelle y construisit trois usines.

La crise d’approvisionnement des usines bretonnes se faisant plus aiguë, il se

produisit un “glissement" de celles-ci vers la Vendée et la Gironde. Les données

chiffrées ci-après en témoignent :

Nombre d’usines

81 1886 : 66 usines au Portugal, une quarantaine en Espagne

Départements 1901 1913

Finistère 110 98

Morbihan 40 35

Vendée 22 28

autres 12 10

Gironde 4 12

Total 188 183

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La pêche de la sardine à partir des embarcations et canots annexes du Bassin d’Arcachon augmente à partir de 1906. Donc l’intérêt des fabricants de conserves se déplace vers le sud à la faveur de cette seconde crise sardinière.

2- L’industrie de la conserve de poissons sur la côte basque de France

La période de croissance

Cette seconde crise sardinière apparaît plus grave que celle des années 1880 pour la conserverie française car cette pénurie intervient alors que la concurrence est forte et mieux organisée. En 1913, la France importait 10 000 tonnes de conserves pour les 2/3 en provenance d’Espagne et 1/5 issues du Portugal. Et encore l’Espagne destinait 70 % des ses exportations à des pays extra-européens.

Dans ce contexte de crise, les frères Chancerelle implantèrent une usine à Ciboure en 1917. Ils furent suivis par d’autres entrepreneurs puisque les conserveries étaient au nombre de six sur la côte basque en 1927, neuf en 1932 et de onze en 1940. Le port luzien comportait des embarcations à vapeur dont l’originalité était de pêcher la sardine en hiver, et le plus souvent, le thon rouge à la fin du printemps et au début de l’été alors que la campagne du germon prenait la suite et pouvait durer jusqu’à l’automne. L’activité sardinière était supérieure à celle du thon à cette époque mais les mêmes embarcations faisaient ces différentes campagnes. Dans les années vingt des navires sardiniers furent construits et mis à l’eau pour le compte des armateurs ; dans ce cas le patron de pêche n’était pas propriétaire de l’embarcation. Les usines n’étaient pas toujours assez nombreuses pour absorber la production d’autant que des embarcations bretonnes sont venues dès le début des années vingt pour trouver des pêcheries qui leur manquaient.

Entre 1925 et 1935, ces usines ont pu travailler la sardine à des prix plus bas qu’ailleurs car le nombre des navires armés avait augmenté sans tenir compte ni d’un nouvel de pêche plus efficace (la senne tournante ou bolinche a été autorisée pour le port de Saint-Jean-de-Luz en 1922 alors qu’elle est encore interdite ailleurs), ni de la capacité d ‘absorption des conserveries locales. En 1932 elles ont travaillé 3149 tonnes de sardines.

Entre les deux guerres, le port de Saint-Jean-de-Luz connaît deux "pics" pour les apports sardiniers : 4 820 t. en 1926 et 4 910 t. en 1938, pour une flottille de 30 à 40 unités (doublées par des bateaux d’autres quartiers maritimes), alors que les ports du Finistère totalisent bon an mal an entre 7 et 11 000 tonnes. En 1938, la moitié des usines de conserves de poisson sont dans le Finistère, 1/6ème dans le Morbihan et autant en Vendée, alors que le littoral basque ne possède que 5 % du nombre (mais 11% du poisson mis en conserve). A la veille de la Seconde Guerre mondiale, il apparaît que les usines étaient, ici, de plus grande taille que la moyenne nationale, et qu’elles avaient été

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implantées à l’initiative d’importantes entreprises bretonnes ou bordelaises déjà engagées dans l’industrie de la conserve. Une partie d’entre elles se maintient par la suite alors que d’autres se retirent de la région, les usines étant reprises par des mareyeurs ou des armateurs locaux.

Durant cette période de croissance de l’entre-deux-guerres, la main d’œuvre locale (épouses, filles, sœurs de pêcheurs) n’avait pas suffi. Dès 1922-1923, pour la campagne de la sardine, les usines de la côte basque (organisées en Chambre syndicale des Conserveurs depuis 1922) eurent recours à une main d’œuvre qualifiée venue de Bretagne. Les ouvrières bretonnes ou sablaises (toutes appelées localement les “ bretonnes ”) venaient en groupe, par train (voyage payé) pour un contrat de six mois et étaient logées sur place en dortoirs par les employeurs. Cela n’était pas encore suffisant, des ouvrières espagnoles et portugaises dès les années vingt, et les réfugiées de la Guerre Civile de 1936 ont complété les effectifs.

Figure 71 : Les débarquements de sardine sur le littoral atlantique français 1920- 1955 Source : Thèse d’Avigneau, 1957

Après la seconde guerre mondiale, un mouvement général de croissance des

conserveries s’est manifesté sur toute la côte atlantique (234 en 1954) : au cours de cette période, l’on passe de 11 à 17 usines sur le littoral basque (dont 9 à Saint-Jean-de-Luz , 5 à Ciboure, 1 à Socoa / Urrugne ). Les quantités de poisson traité sont à peu près comparables, 1938 : 4 858 t. et 1954 : 4 700 t. La moyenne transformée par chaque usine diminue de moitié mais le phénomène majeur est la substitution du thon à la sardine comme base de l’activité.82 Pourquoi ce changement ?

82 Une large partie de l’information sur les conserveries provient de la revue Altxa Mutillak n°6/ 1999 et en particulier des articles de M. Arturo Garcia

Débarquements de sardines de 1920 à 1938 et de1948 à 1955

0

5000

10000

15000

20000

25000

30000

35000

40000

19201922

19241926

19281930

19321934

19361938

19481950

19521954

tonnes

Finistère St Jean ensemble de la côte

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223

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, seule la sardine était travaillée dans les conserveries ; par la suite au début XXe, le thon et le maquereau le furent aussi, les usines s’adaptant et diversifiant leurs fabrications.

A partir de 1928 les apports de thon, 10 000 tonnes, sont conséquents ; l’armement est géographiquement plus concentré que celui de la sardine (cinq ports dominent) : le Morbihan et le Finistère concentrent 67 % de celui-ci, près de 20 % pour la Vendée et environ 12 % pour la région de Saint-Jean-de-Luz. Dans ce dernier port les captures de thon rouge se situaient entre 200 et 300 t. par an au lendemain de la première guerre mondiale et culminèrent entre 400 et 800 t. avant la seconde guerre. Les captures de germon débutèrent en 1924 et furent presque toujours sensiblement inférieures aux précédentes.

En 1947, après avoir atteint un point culminant (6249 tonnes débarquées) la sardine se raréfia dans l’extrême sud du golfe, 378 t. en 1950 et 130 t. en 1954. Quatre conserveurs locaux installèrent avec leur personnel d’encadrement, des usines dans les ports marocains de Safi et Agadir, plus proches de la ressource ; en 1950, plusieurs centaines de pêcheurs et 1500 ouvriers et ouvrières d’usines furent touchées par cet effondrement des captures et durent observer cause un arrêt de travail hivernal de plusieurs mois.

La pêche du thon devint la première activité du port après l’adoption d’un nouvelle méthode de capture, la pêche du thon à la canne et à l’appât vivant (Première partie, chapitre 3) et l’adaptation des navires (viviers…). En quelques années les apports augmentent très sensiblement et Saint-Jean-de-Luz est devenu le premier port thonier de France (1954 : 3550 t. de germon et 3450 t. de thon rouge), l’accroissement du nombre de conserveries a suivi. Elles ont atteint le chiffre maximum de vingt trois en 1956 dont 9 à Saint-Jean-de-Luz, 5 à Ciboure et une à Socoa / Urrugne. Figure 72 : Les débarquements de germon sur le littoral atlantique français 1920- 1955 Source : Thèse d’Avigneau, 1957

Débarquements de germon de 1920 à 1938 et de 1948 à 1955

0

2000

4000

6000

8000

10000

12000

14000

19201922

19241926

19281930

19321934

19361938

19481950

19521954

tonnes

Finistère St Jean ensemble de la côte

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Les pêches du golfe se révélèrent alors insuffisantes pour satisfaire les capacités de transformation de ces conserveries. Aussi dès 1954, une mission d’étude des conserveurs locaux se déplaça sur la côte africaine et découvrit les possibilités de pêche de thons tropicaux au large du Sénégal.

Dès 1955-1956, une partie de la flottille locale s’y rendit pour une campagne

d’hiver de novembre à mars en remplacement de celle de la sardine malgré l’absence d’infrastructures d’accueil (cf. la création et le développement du mouvement coopératif des pêcheurs ITSASOKOA). Ensuite, pendant des années, une vingtaine de thoniers-clippers (modèle d’inspiration californienne) vont se rendre à Dakar et Abidjan pour faire la campagne de pêche du thon et resteront là-bas toute l’année.

En 1958 quelques conserveries fermèrent et à partir de 1960 s’opéra un mouvement de concentration, l’entreprise Saupiquet absorba deux conserveries locales, mais déjà, la donne avait été modifiée.

Une apogée atteinte avec des solutions palliatives

En 1959, à la demande des pêcheurs du port, la coopérative Itsasokoa, qui s’occupe de la gestion du port et de la pêche, ouvre une conserverie dans les bâtiments de l’ancienne usine Chancerelle. Dès la première année, elle est alimentée par un navire congélateur qui pêche au large du Maroc ; ce dernier est rejoint par trois autres unités. Alors des 3 000 t. de sardines congelées reçues des navires pour alimenter les 14 conserveries de la Côte basque en 1963, on est passé à presque 7 000 t. entre 1966 et 1970.

Face à ce total, les quantités de sardines fraîches extraites des eaux du golfe de Gascogne ne représentent souvent que quelques dizaines ou centaines de tonnes. Pourtant grâce à ces congélateurs et à leurs annexes qui exploitent les eaux riches en sardines des côtes marocaines et mauritaniennes, Saint-Jean-de-Luz redevient premier port sardinier français en 1966 avec 6 750 t.

En 1972-1973, le Maroc stoppe unilatéralement l’activité des sardiniers congélateurs et des navires qui les approvisionnent. Cela touche les armements et les conserveries luziennes et cibouriennes.

En 1972, les conserveries de la côte basque (11 usines, 1400 salariés dont 80 % de femmes) avaient presque atteint leurs plus fortes productions : 17450 tonnes de conserves dont 6900 t. de sardine et 5000 t. de thon. La conserve basque représentait à cette date le 1/6 de la conserve française.

En 1973, les conditions mises par le Maroc pour exploiter les pêcheries ne permirent plus le fonctionnement des sardiniers congélateurs ; alors les armements mirent fin au système pratiqué depuis des années et vendirent leurs navires : en 1976, il n’en restait plus qu’un en exploitation (3 000 t. avec 20 hommes d’équipage). A partir

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de 1973, le Maroc devait bénéficier de l’entrée de ses conserves dans la CEE. Malgré la fixation d’un prix minimum par les autorités communautaires, le coût de revient était bien plus élevé sur la côte basque (charges de personnel, coût de la matière première). Désormais pour les usines restantes la sardine congelée vint d’Italie pour être travaillée localement et la dernière entreprise de conserverie du port, l’usine Saupiquet qui n’utilisait plus la pêche locale depuis de très nombreuses années ferma ses portes en 1997.

Avant cette date, le thon, autre production majeure du port, avait connu bien des vicissitudes. Depuis des décennies les conserveries locales travaillaient aussi le thon, surtout le germon, et de façon moindre, le thon rouge (cf. figure 72). Ces espèces devinrent leur matière première principale à partir des années cinquante. Les embarcations luziennes les plus puissantes commencèrent à pêcher à Dakar à partir de l’hiver 1955-1956 (des clippers, ces navires reproduisant la forme des navires californiens) ; ils rapatrièrent leur pêche par transporteurs faute de capacités frigorifiques suffisantes sur place. Photo 11 : un baby-clipper dans le port de Saint-Jean-de-Luz au milieu des années 1960

Source : J.Velez

Au cours des années suivantes, des conserveries privées ou coopératives furent construites dans la capitale sénégalaise et les navires luziens leur livrèrent annuellement entre 3 000 t. (1960-1961) et près de 6 000 t. (1963-1964). A ces dates des armateurs luziens décidèrent d’acquérir des thoniers senneurs congélateurs (le premier en 1964 et quatre autres par la suite entre 1966 et 1972). Dans les années soixante, entre 3 000 et 5 000 t. par an étaient destinées aux conserveries de la Côte basque. Mais cette pêche industrielle ne survécut pas à la crise de 1973.

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226

Photo 12 : Un thonier-senneur-congélateur dans le port de Saint-Jean-de-Luz construit pour un groupe d’armement local Source : J.Velez

L’augmentation des prix du carburant, les fluctuations des prix du thon et des

difficultés de gestion liées à l’insuffisance des capitaux propres mirent fin aux armements luziens qui s’étaient lancés dans la pêche des thons tropicaux. En 1974-1975, la plupart des navires furent vendus à des armements bretons.

Figure 73 Une pêche africaine indispensable aux conserveries de la côte basque

Sources : Altxa Mutillak, Activités en Pays Basque et Chambre des conserveurs C.B

Pêche luzienne dans le golfe et au large de l'Afrique entre 1950 et

1974

0

1000

2000

3000

4000

5000

6000

7000

8000

19501952

19541956

19581960

19621964

19661968

19701972

1974

années

tonn

es

thon rouge germon sardine golfe sard.congelée thon Dakar

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227

La conserverie basque fut privée entre 1973 et 1975 des apports de sardines et de thons congelés issus de la pêche luzienne hors du golfe alors que ces débarquements avaient soutenu la poursuite de l’activité des conserveries locales à partir des années 1960 (cf. figure 73).

Elle ne put résister à cette situation et l’ouverture des frontières de la CEE à des productions de conserves de poissons des pays tiers alla dans le même sens.

En 1979, en étroite relation avec ceci trois usines parmi les plus importantes disparurent dont celle de la Coopérative des pêcheurs Itsasokoa après vingt années d’existence. Une page de l’histoire du port de pêche venait d’être tournée, elle symbolisait la cohésion et la solidarité entre pêcheurs et la dynamique d’une époque.

La cause majeure de l’implantation de ces usines sur la côte basque n’existait plus depuis longtemps. Avec Saupiquet, en 1997 disparaissait la dernière conserverie de poisson de la Côte basque de France, quatre-vingts années après l’installation de la première, en 1917, qui travaillait la même espèce.

Cette absence locale d’une industrie de la transformation n’est pas sans conséquence sur le marché frais actuel et la commercialisation de l’anchois et du germon.

Figure 74 L’industrie de transformation des produits de la mer dans le sud du QM de Bayonne en 1975.

Source : Fournet P., 1982, Les pêches artisanales du sud-ouest atlantique de la France

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Conclusion De part et d’autre de la frontière l’industrie de transformation mise en place au XIXe pour le Pays basque d’Espagne et au XXe pour la côte basque de France a connu bien des difficultés au cours des dernières décennies, après avoir connu l’apogée des pêches artisanales. Elle s’est maintenue dans un nombre plus réduit de fabriques, en évoluant vers la qualité en Pays basque d’Espagne et a complètement disparu sur la côte basque française. La pêche artisanale est confortée d’un côté de la frontière et de l’autre elle perd un appui majeur car l’un des maillons aval de la filière fait défaut. Certains débarquements comme l’anchois et le germon ne disposent pas d’un marché de poisson frais suffisant en France, donc ces apports après passage en criée prennent la direction de l’Espagne, souvent pour la conserverie. Les producteurs de la côte basque française comme ceux du littoral atlantique national sont tributaires de l’ouverture ou de la saturation du marché du pays voisin ce qui les met en situation de dépendance pour les espèces saisonnières comme l’anchois et le germon. Dans les conditions actuelles d’irrégularité de la ressource peuvent-elles se maintenir ?

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Chapitre 10 – TERRITOIRES ET IDENTITÉ MARITIME

I - L’identité maritime des cités ports de pêche

La présence de tous les maillons de la filière pêche dans une cité portuaire lui confère des spécificités, caractéristiques d’autant plus visibles que les autres activités économiques étaient parfois peu inscrites dans le paysage avant les années soixante.

1 –L’ensemble de la filière comme marqueur d’identité « La ville maritime est une construction sociale qui, de sa naissance à nos jours,

trouve sa substance dans la mer avec laquelle ses habitants entretiennent des relations

très étroites. Ces villes ont une identité individuelle ou collective. Elle émerge et se

développe sous l’effet de contraintes et d’aspirations. L’identité est un conglomérat fait

de nombreux marqueurs : des faits objectifs (contexte social, économique, politique ; la

langue, les croyances, les fêtes), des faits subjectifs résultant d’images, de discours.

Tout l’espace communal est organisé à des fins maritimes : quais, cales, flottilles en

croissance se trouvant à l’étroit dans les ports, odeurs de la transformation du poisson

dans et autour des conserveries qui manquent toujours de place. La communauté en

ressort soudée : elle se reconnaît autour de rites et de pratiques collectives :

bénédiction de la mer et des bateaux, fêtes locales associant tout le monde de la pêche,

fortement empreintes de convivialité. Les sociétés locales sont marquées par un dualisme social très visible, marins-pêcheurs, femmes d’usine et ouvriers d’un côté,

industriels de la conserve de l’autre83». Ceci a été écrit à propos des villes ports de Bretagne sud qui se sont forgé cette identité maritime dans la pêche de la sardine au XIXe siècle.

Le temps est aussi rythmé par des pêches à caractère saisonnier. C’est le travail en mer84 sur un navire qui donne une relation particulière avec un espace que les autres voulaient ignorer aux XVIIIe et XIXe siècles et qui sert de fondement à cette identité maritime spécifique des métiers de la mer. Le travail de la mer a façonné l’organisation des professions de marins et leur identité culturelle. Ceux-ci forment une microsociété tournée vers la mer dont les richesses ont longtemps constitué une des principales ressources des habitants des zones côtières. Les conditions de travail ont façonné les mentalités des marins (du temps de la pêche de la baleine, de la morue mais aussi au sein des cofradías qui régulaient l’activité en mer et certaines pratiques à terre). Pour exercer leur puissance maritime et bénéficier d’équipages aguerris, la France sous Colbert, puis l’Espagne au XVIIIe siècle, ont organisé la profession des marins, en particulier ceux de la marine marchande et de la pêche. L’Inscription Maritime donnait 83 COULIOU JR., PIRIOU N., LE BOULANGER JM. L’identité maritime des villes ports de pêche en Bretagne pp 209 in La ville maritime, temps,espaces et représentations Actes du colloque de Brest 9-11 juillet 1996, 359p 84 CABANTOUS A . Les citoyens du large opus cité p 193

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l’obligation de servir la monarchie dans la Marine pendant une période déterminée ; en contrepartie le pouvoir royal leur accordait le monopole de l’emploi sur les navires de pêche. Cela renforçait la singularité de ces marins pêcheurs .

2– Deux exemples de cités ports de pêche

L’exemple de Pasajes

Vers 1900, Pasajes était un petit port de pêche artisanale où l’emploi dans le

secteur halieutique était faible. A partir de 1925-1926, Pasajes devint le port de pêche le plus important de la côte cantabrique, et cela s’accentua avec le développement de la pêche morutière à partir de 1927. Dès les années 1930, on peut observer dans le port un clivage marqué : - pour plus des 3/4, les marins de la pêche artisanale sont originaires du Pays basque ; ils logent dans de petites maisons basses à Pasajes de San Pedro et Pasajes de San Juan. Cela s’explique en partie par des liens familiaux forts, les fils succèdent aux pères dans l’activité de pêche et on a peu recours à la main d’œuvre extérieure. De même, le personnel à terre des sociétés d’armement est d’origine locale et loge près des factoreries de MEIPI et de PYSBE. - à partir des années 1930 les besoins de la pêche hauturière et de la grande pêche ont été tels que la main d’œuvre locale n’a plus suffi. Entre 1925 et 1935, un puissant courant migratoire alimenté par la population de Galice arrive à Pasajes. En 1935, près des 3/4 des marins (plus de 600 au total) de la pêche hauturière et de la pêche lointaine sont issus des provinces de La Coruña et de Pontevedra. Cette immigration est formée majoritairement de jeunes non qualifiés, souvent des marins, en provenance de cités côtières. Cette caractéristique s’est maintenue puisqu’en 1970 : les 2/3 des marins des chalutiers et des morutiers sont galiciens ; mais un changement qualitatif est intervenu depuis l’origine : parmi eux, nombreux ont désormais accès à des responsabilités de patrons, mécaniciens et contremaîtres. Les immigrants des années 1930, comme leurs enfants nés en Galice et venus à Pasajes dans leur enfance ou leur adolescence, ont obtenu des qualifications professionnelles

Pour accueillir ces populations de pêcheurs, il a fallu construire des logements. Une grande partie des terrains proches des installations portuaires étaient la propriété des armateurs les plus importants du port. Ils ne se contentèrent pas d’y construire des entrepôts, des chais et des quais mais aussi un grand nombre de logements pour attirer la main d’œuvre dont ils avaient besoin dans leurs navires hauturiers. Ils réalisèrent aussi de substantiels bénéfices en en vendant à d’autres travailleurs.

Deux grandes vagues de construction se succédèrent, la première dans les années 1930, avant la guerre civile, la seconde dans les années 1960, avec l’essor généralisé des flottilles hauturières. Au cours de la période 1925-1974, environ 1 100 logements ont

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été construits par des promoteurs et par l’Institut Social de la marine, dont près de 700 à Trintxerpe à l’ouest de la ría et 400 à Pasajes de San Pedro. D’une superficie réduite, ces logements se situaient dans des immeubles de cinq à six étages. A Trintxerpe, dans les années 1930 et 1970, trois logements construits sur quatre avaient été édifiés par des armateurs.

Ce clivage entre une majorité des pêcheurs autochtones de la pêche artisanale à l’est de la ría, et la presque totalité des pêcheurs hauturiers galiciens à l’ouest a perduré jusqu’en 1970. Trintxerpe était surnommée la cinquième province de Galice car y résidaient 85 % des marins de la pêche hauturière et de la grande pêche ainsi qu’environ la moitié des travailleurs à terre de ces secteurs.

Figure 75 : L’ ouest de la ría de Pasajes, imbrication des installations halieutiques et des logements de marins.

.

Près de 6000 marins étaient employés par le secteur de la pêche proprement dite et résidaient dans le district maritime de Pasajes en 1975. Ce dernier regroupait essentiellement les matelots et les travailleurs à terre alors que l’encadrement (capitaines, seconds et mécaniciens) se logeait fréquemment sur la périphérie et en particulier dans la cité voisine de San Sebastián. La répartition des actifs de la pêche

TRINTXERPE

limite municipale

Source : données issues de la thèse de Tolosa Bernardez, le port en 1982. Réalisation SL

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montrait une très nette différenciation socio-spatiale entre Pasajes, la cité ouvrière et portuaire et la capitale beaucoup plus bourgeoise.

L’exemple de Saint-Jean-de-Luz/Ciboure

La population de pêcheurs du Quartier Maritime de Bayonne85 comptait 1.460 pêcheurs en 1960 et 1100 en 1974 . Les activités de la filière et les acteurs de celle-ci vivaient dans un cadre très limité comme le montre la photo ci-dessous

Photo 13 : Vue aérienne du port de Saint-Jean-de-Luz/Ciboure à la fin des années 1950 avec les projets d’aménagement et de construction

Ainsi en 1973, 75 % des marins-pêcheurs du port luzien résidaient dans la seule agglomération de Saint-Jean-de-Luz- Ciboure- Urrugne ; les pêcheurs (360 en 1977) et les employés des conserveries (environ 700 à cette même date) formaient le premier groupe socio-professionnel de la commune de Ciboure86, et vivaient dans les quartiers de la Croix Rouge , du Fronton et de Socoa. Les cafés étaient animés en fin de semaine par la réunion des équipages et des patrons pour le partage des gains de la pêche des navires artisanaux ("le manta"). Toutefois à partir des années 1955-1960, l'accroissement de la population (les familles sont nombreuses), l'élévation du niveau de

85 MARTRAY Rapport de 1978. 86 P. FOURNET, ouvrage cité, p. 62.

1 Le nouveau pont-route RN 10 2 Extension du plan d’eau de mouillage 3 Construction de l’entrepôt frigorifique 4 Salle de ventes et de pesées 5 Remblaiement du quartier

1

2

3

4

5

Source : Activités en Pays basque Revue de la CCI de Bayonne

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vie grâce aux gains de la pêche thonière dans les eaux tempérées ou tropicales ont entraîné la création , en-deçà de la R. N. 10 (Bordagain) ou plutôt au-delà, de nouveaux quartiers (Marinela) constitués de H.L.M. et de maisons individuelles souvent jumelées en accession à la propriété. Les constructions de la cité ont perdu en pittoresque (cf. les hautes bâtisses à plusieurs étages aux boiseries rouges ou vertes des vieux quartiers,) mais ont gagné en confort. La ville a durement ressenti depuis une vingtaine d'années l'évolution et la contraction de la filière pêche : les conserveries ont toutes disparu, les effectifs du port ont beaucoup fléchi (la commune a perdu 500 habitants en quinze ans). L'identification habitat/activité liée au port de pêche s'est beaucoup estompée de ce côté-ci de la frontière (sans jamais avoir existé à Hendaye, port de création trop récente, situé hors de la ville).

II- Une image plurielle du littoral Les mutations du XXe siècle et en particulier le déclin des flottilles artisanales

depuis une vingtaine d’années, ont fait perdre des marqueurs identitaires dans tous les ports basques. Certes, des villes ports ont été plus marquées que d’autres par le recul de l’activité halieutique : - déclin des flottilles jusqu’à une quasi-disparition parfois dans certains petits ports biscayens en particulier - vieillissement des populations, augmentation du nombre des retraités de pêche (l’âge d’or de cette pêche artisanale remonte à 3 ou 4 décennies) - une activité de pêche encore significative qui montre encore aujourd’hui une forte identité maritime (c’est le cas de Bermeo, Ondarroa, Guetaria, Fuentarrabia).

1 – le partage du littoral

A partir des années 1970-1980, les difficultés de la pêche sur la côte basque française, en partie occultées par les bons résultats des chalutiers pélagiques dans le golfe de Gascogne au cours des années 1980-1990, l’ont obligée à céder des espaces, à libérer des terrains. F. Péron87 écrit à propos du littoral qu’il constitue autant un mythe88 qu’une réalité "En France, depuis un demi-siècle, les registres de construction d’une

géographie mythique à usage social large ont évolué. Dans les années cinquante,

l’espace mythique de référence paradisiaque était encore bâti sur le modèle virgilien de

la campagne et les aspirations à un retour aux sources d’une vie agraire simple, frugale

et heureuse [….] Dans les années soixante-dix, avec l’édification des stations intégrées 87 A. CABANTOUS, A.LESPAGNOL, F. PERON (dir.) in Les Français la terre et la mer, Fayard, 2005. Plus particulièrement le chapitre XVIII : Au-delà du fonctionnel, le culturel et l’idéel 88 Le mot mythe n’est pas employé ici dans le sens d’une croyance entretenue par l’ignorance ou la crédulité mais dans une acceptation plus proche de celle de Roland Barthes dans « Mythologies »(1956) : le mythe est un langage, une parole, un système de communication, un message. Il y écrit que « chaque mythe peut comporter son histoire et sa géographie ».

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de sports d’hiver, la démocratisation de la montagne et les perspectives d’ouverture

d’un nouveau domaine au marché de consommation de loisirs, le mythe de la pureté

ascensionnelle a été réactivé[….]. Depuis les années quatre-vingt, parallèlement au

renouvellement des économies et des sociétés littorales, à la sensation d’oppression

croissante de la société urbaine, les mythes du maritime ont été réactivées. Quelques pages plus loin, le même auteur écrit qu’il existe " des usages convenus et bien encadrés

caractéristiques des années 1960-1980, rites de la plage, déambulations en front de mer

de stations balnéaires, sorties de prestige du bateau de plaisance, inscription dans un

golf ou séjour en centre de thalassothérapie". Si la Côte basque ne possède pas d’île comme le littoral breton, elle est cependant conforme à ce schéma puisque sur trente kilomètres, elle possède quatre golfs (crées il y a plusieurs décennies), quatre centres de thalassothérapie et trois ports de plaisance : Ciboure partage son port de pêche avec un petit port de plaisance tandis qu’à Hendaye-plage la disparition d’une bonne partie de la flottille rend encore plus visible le centre de thalassothérapie et le grand port de plaisance créés dans les années 1990.

Photo 14- Le port d’Hendaye en 2000 :au premier plan les installations portuaires, et le port de plaisance au second plan

Certains ports de pêche du Guipúzcoa n’ont pas échappé à ce phénomène avec

l’élévation du niveau de vie de sa population puisque San Sebastián, Fuenterrabia et Guetaria possèdent chacun un port de plaisance. Pour leur part les deux principaux ports

Source : Ph Laplace

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biscayens, peut-être trop éloignés des principales villes de la province, ne présentent pas cette dualité.

Photo 15 Le port de Guetaria partagé entre l’activité halieutique

et le port de plaisance

2- Le littoral, un lieu mythique

Pour M. Roux89, l’imaginaire marin des Français a une connotation « très

fortement nostalgique, idéelle, patrimoniale et ludique dans ses représentations collectives maritimes ». Certes comme bien d’autres pays dans le monde ils utilisent pour évoquer la mer les clichés habituels (photos de la vague, du phare, du littoral assailli par les tempêtes) mais dans le domaine des représentations idéalisées du maritime ils présentent une forte originalité par rapport aux britanniques. La mer, pour les Français, reste un élément mythique invitant au défi individuel et symbolique ; ils idéalisent le panache du solitaire, l’orgueil des corsaires et les individualités prestigieuses, la mer est un espace à conquérir et à gérer. Au contraire les Britanniques, qui ont beaucoup plus parcouru la mer privilégient la force collective du groupe, l’ordre et la discipline régnant sur les bateaux, tout cela permettant de vaincre les éléments déchaînés au moyen de la technique et de la volonté.

Les musées maritimes des deux pays témoignent de ces différences dans les représentations de la mer. Ces musées sont très nombreux dans l’Europe du Nord et

89 L’imaginaire marin des français (1997)

Source : los puertos vascos, Gouvernement basque, Vitoria, 2001

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plus répandus sur le littoral atlantique français à partir de la Charente Maritime et sur les côtes de la Manche. Ils représentent beaucoup plus le monde de la pêche artisanale et la grande pêche que celui de la marine marchande ou du port.

Figure 76 : la carte européenne des musées maritimes en 2000

Source : Les Français, la terre, la mer (dir. A.Cabantous, A.Lespagnol, F.Péron) p.768

En ce qui concerne la Côte basque, il existe deux musées–aquarium (Biarritz, San

Sebastián) qui présentent la faune et la flore marine, la gestion des ressources vivantes et la richesse sous-marine. Au-delà de ce trait commun, les musées maritimes de San Sebastián et de Bermeo valorisent principalement la pêche artisanale en présentant les objets, les rites du travail et du métier de pêcheur. Ils insistent tout particulièrement sur le rôle précurseur des Basques dans la grande pêche (baleine surtout) de l’Atlantique Nord et Terre Neuve. Bilbao s’est doté au début des années 2000, d’un musée maritime et naval qui intègre un espace pris sur la rive gauche du Nervión pour y présenter les bateaux de commerce du passé qui ont fait sa richesse et sa puissance.

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Il n’y a rien par contre à Saint-Jean-de-Luz/Ciboure, malgré les efforts opiniâtres depuis deux décennies de l’association Itsas Begia pour faire naître un musée patrimonial, et très peu au Musée basque et de l’histoire de Bayonne qui, après une décennie de fermeture pour réfection, a choisi de montrer la ruralité et les traditions en

“oubliant ″ la mer et la pêche.

C.Chivallon90, en 2002, écrit que patrimoine et mémoire collective sont indissociables. La mémoire intervient comme élément constitutif du sentiment d’appartenance collective. Elle obéit à plusieurs impératifs : lutter contre l’éloignement (dans l’espace et/ou le temps), favoriser la différenciation et s’approprier une trame historique. La dynamique patrimoniale constitue un élément privilégié pour donner une cohésion sociale à une population.

Les musées maritimes en Pays basque d’Espagne présentent la familiarité des Basques avec la mer et ses dangers, leur intrépidité aussi sur leurs embarcations à la recherche des poissons et des mammifères marins ; tout naturellement, stratégie inconsciente ou non, l’espace vécu et parcouru par ses marins, en particulier le golfe de Biscaye, la Mer des Basques , est le leur. Cette vision de l’espace n’est pas sans conséquences sur la façon de considérer les limites et les frontières maritimes imposées depuis une trentaine d’années par la réglementation internationale (cf. Troisième partie). Conclusion

Lorsque l’activité halieutique décline, et que certains marqueurs de l’activité disparaissent, l’attachement aux « racines » se manifeste pour délimiter un territoire. Des associations sont créées pour conserver une mémoire de l’activité (photos, expositions, revues spécialisées, maquettes de navires de pêche voire un projet de conservatoire des embarcations) ou se retrouver sur des images du passé, sélectionnées, mythifiées, donc avec un ensemble de représentations mentales nées de textes, d’iconographies, de photographies, de paroles. Cela rassure et réconforte, redonnant parfois à la ville port une identité qui se dérobe.

L’été, les villes ports qui possèdent encore une activité de pêche mettent en scène certains aspects qu’elles considèrent comme faisant partie intégrante de leur identité maritime. Pour conserver ce patrimoine, elles se dotent de manifestations sportives (par exemple courses de traînières sur les côtes du Pays basque d’Espagne et de la corniche cantabrique) et célèbrent avec plus de faste les fêtes patronales.

90 in Le patrimoine culturel et la mer, aspects juridiques et institutionnels, Paris, 2002

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CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE

L’héritage du passé a été prégnant pour les pêches artisanales. Organisées par les

cofradías et les coopératives dans les ports de pêche, elles ont créé un monde à part avec ses solidarités et ses complémentarités, conférant à ces espaces une identité maritime. Les territoires ainsi délimités abritaient non seulement d’importantes populations de marins mais aussi les activités liées au monde de la pêche ; nombreux en Pays basque d’Espagne, ils sont réduits à un seul, au cœur d’une cité double côté français : Saint-Jean-de-Luz/Ciboure. L’irruption d’une pêche hauturière ou industrielle organisée à partir de Bermeo, Ondárroa et Pasajes, depuis les années 1920 pour les plus anciennes, n’a fait que renforcer la dissymétrie entre les territoires situés des deux côtés de la frontière. La géographie culturelle qui en a résulté en porte l’empreinte.

En Pays basque d’Espagne, les flottilles artisanale et hauturière ont des espaces de production et des pêcheries dissociés. La première s’est renforcée avec l’industrie de transformation qui a valorisé ses fortes captures alors que, depuis les années 1960, la seconde a bénéficié d’une part du développement et de la modernisation des transports, et, d’autre part, de l’établissement d’une chaîne du froid pour mieux ravitailler encore les marchés de Barcelone et de Madrid.

A partir du milieu des années 1970, la flottille luzienne des canneurs-bolincheurs est sensible à la raréfaction et à l’irrégularité de la ressource dans un environnement économique qui met en péril l’activité des conserveries locales de poisson.

Dans ce système en déséquilibre, alors que la flottille construite dans les années 1950-1960 déclinait fortement, certains armateurs du port ont souhaité rechercher d’autres techniques, d’autres types d’embarcations pour relancer la pêche et redonner un avenir au port : ce fut le début du chalutage pélagique en 1976-1977. Cette naissance se fit dans la douleur, elle conduisit à la rupture entre pêcheurs de Saint-Jean-de-

Luz/Ciboure et à l’exclusion des “novateurs" qui fondèrent le port d’Hendaye, en face

de Fuenterrabia port fidèle aux “traditions", situé de l’autre côté de la ría de la Bidassoa.

Les éléments qui ont unifié ces territoires, c’est à dire des pratiques communes de pêche, des engins presque identiques des deux côtés de la frontière, des organismes fédérant les énergies humaines, peuvent-ils résister à l’intrusion de métiers différents jugés "destructeurs" par les tenants de la tradition ? Comment se marquent la concurrence et la compétition entre des flottilles devenues rivales dans un contexte de diminution de la ressource ? La cohabitation des navires en mer est-elle possible alors que la flotte des bolincheurs s’arrête en hiver pour une période dite de repos biologique des espèces tandis que les chalutiers pélagiques pêchent toute l’année ou presque ?

A ces différends intra professionnels se sont surimposées des réglementations européennes créant de nouvelles frontières maritimes et de nouveaux droits de pêche. A la fin du XXe siècle, dans un contexte de mutations techniques et économiques, comment ont réagi les flottilles et les pêcheurs ?

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TROISIÈME PARTIE

LES PÊCHES MARITIMES BASQUES : AFFRONTEMENTS ET RECOMPOSITIONS

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Les dernières décennies ont été marquées, au niveau international et européen, par des réglementations plus contraignantes. A une activité halieutique sans beaucoup de limitations a succédé un encadrement très marqué de l’activité après 1977 et 1983. Première puissance halieutique européenne, l’Espagne a été très affectée par les mesures de la CEE. Tout n’a pas été négatif cependant car elle a aussi bénéficié de ses aides (aides régionales objectif 1 ou 2) pour restructurer la filière et diminuer ses flottilles. Une large partie des bateaux restants a été modernisée et de nouvelles embarcations ont pu être construites. Ces embarcations bénéficient-elles de quotas suffisants pour pêcher dans les eaux communautaires ? A quelles limites sont-elles confrontées ? La création du marché européen unique en 1993 a-t-il eu des conséquences et, de façon générale, l’approfondissement des politiques communautaires a-t-il eu des répercussions sur la configuration des flottilles du littoral atlantique et sur la commercialisation de leurs productions ?

CHAPITRE 11 L’ IMPACT DES FRONTIERES ET DES LIM ITES

L’augmentation des captures des pêches maritimes dans les années 1960 ainsi que les progrès techniques réalisés dans l’exploration sous-marine ont incité les pays riverains des mers et océans à protéger et à étendre leur domaine maritime national et à repousser les limites de leurs eaux territoriales. Les années 1970-1980 concrétisent une autre évolution initiée par des pays du continent américain : la fixation de Z.E.E à 200 milles. Des pays européens, dont la France, ne sont pas restés insensibles à ce changement, ils l’adoptent et en deviennent partie prenante en 1976.

La décennie enregistre aussi les premiers signes de diminution des captures et de leur irrégularité en liaison avec la surexploitation. A quelques années près, la période de "nationalisation" des eaux maritimes dans le NE Atlantique, là où s’effectuait une grande partie des captures, coïncide avec la mise en place d’une réelle politique commune des pêches (PCP 1983) dans la CEE (limitation des captures, quotas, licences).

La compétition devient de plus en plus vive pour s’assurer la ressource en obtenant les meilleurs quotas possibles pour ses pêcheurs et ses armements, ainsi que l’accès aux zones de pêche. Alors qu’en 1968 la libre circulation des marchandises est un fait acquis entre pays de la CEE, l’activité halieutique est l’objet d’un encadrement strict et d’une réglementation renouvelée. L’exemple de la France et de l’Espagne vont permettre d’en percevoir les enjeux.

1- Des frontières qui séparent

La Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (CNUDM, Montego Bay, 1982) officialise le partage juridique de l’espace marin et légalise la fixation des Zones Économiques Exclusives attribuant des droits aux pays riverains (exploitations des eaux

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marines, des fonds marins et de leur sous-sol, exploration) et des devoirs (contrôle de l’espace et sécurité en mer, protection du milieu marin). Ce partage n’est pas terminé puisque les Etats peuvent demander jusqu’en mai 2009 une extension du plateau continental au-delà des 200 milles : une demande conjointe a été déposée en ce sens en 2006 par l’Espagne, la France, la République d’Irlande et le Royaume-Uni concernant une extension de la limite extérieure de la Mer Celtique et de la ZEE à l’ouest du golfe de Gascogne.

Figure 77 : Les territoires juridiques de la mer

Source : d’après B.Trouillet, 2004, thèse p.71

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1- le difficile partage de l’espace maritime et de sa gestion

La France repousse à deux reprises sa compétence juridique vers la haute mer. En 1971, elle a fixé à 12 milles (et non plus à 6) les limites de la mer territoriale et a institué en juillet 1976 une zone économique exclusive de 200 milles nautiques au large des côtes atlantiques (imitant en cela les Etats Unis et le Canada). L’ensemble, c’est-à-dire la mer territoriale, la zone contiguë, la ZEE soit les distances respectives de 12, 24, 200 milles, a été tracé à partir des lignes de base droites (définies en France par un décret de 1967). De la mer d’Iroise aux pertuis charentais l’indentation des côtes et la présence d’îles a permis d’augmenter parfois jusqu’à dix milles la largeur des eaux intérieures (Trouillet, 2004, p.70) (figure 77).

Le tracé des frontières marines entre l’Espagne et la France a donné lieu à un

accord bilatéral mais au centre du golfe de Gascogne se développe une zone revendiquée par les deux Etats : la position espagnole s’appuie sur une distance de 200 milles à partir des bases droites tandis que la France évoque une possible extension du plateau continental juridique. Cependant la France et l’Espagne ont ratifié en 1996 et 1997 la Convention de Montego Bay en se conformant aux normes recommandées par la CNUDM. En définitive, la totalité du golfe de Gascogne est partagée entre les ZEE française et espagnole car l’Espagne avait décidé, en février 1978, d’en créer une à son profit sur sa côte atlantique. La gestion des ressources halieutiques de la ZEE française est assurée par la CEE dès le mois de novembre 1976, désormais cette dernière réglemente l'accès des bateaux espagnols aux pêcheries françaises, cela prend un caractère effectif à partir du 1er janvier 1977. Cela signifie-t-il que les accords signés antérieurement sont devenus caducs ? (Rodriguez Y., Ruiz-Fabri H., 1989). Ces deux auteurs rappellent dans leur ouvrage les droits des pêcheurs espagnols (dénommés les “ droits historiques”). Ces droits reposent sur la Convention de Londres (mars 1964) qui stipule les données ci-après : - dans la bande des 3-6 milles l'Etat riverain peut octroyer des possibilités de pêche à des flottilles qui y pêchaient habituellement. - dans la zone des 6-12 milles les droits historiques permanents s'appliquent tout en respectant la réglementation de l'Etat riverain. - au-delà des 12 milles toutes les flottilles peuvent pêcher.

Les auteurs précisent "qu'il n'y a dans le texte aucune limitation conventionnelle

des moyens de pêche, du nombre de bateaux et de l'importance des prises pourvu que

l'on fasse porter l'effort de pêche sur des stocks de poisson et sur des lieux de pêche

habituels ”. Ils fondent aussi leur argumentaire sur l’accord franco-espagnol de 1967

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qui confirme la possibilité donnée aux ressortissants des deux Etats de pêcher à titre permanent toutes les espèces dans la zone des 6-12 milles de l'embouchure de la Bidassoa jusqu'au parallèle de la pointe nord de Belle Ile (des mesures de tolérance ou à caractère transitoire sont appliquées dans la zone 0-6 milles).

Signe de l’optimisme de l’époque, il n’était nullement fait état du spectaculaire accroissement de la flotte de pêche espagnole en nombre et en puissance (y compris de sa flottille artisanale) au cours des années soixante ni de l’état de la ressource et des stocks. Face aux modifications imposées en 1976-77 et en 1980, l'Etat espagnol a essayé de lutter essentiellement sur le terrain juridique, cherchant de nouveaux lieux de pêche, signant des accords avec des pays tiers, refusant d'accepter à l'époque l'impérieuse nécessité d'une restructuration de la flotte laissant le soin aux armateurs de s'y consacrer sans aide publique (cf. l'exemple de Pasajes).

L'accord signé entre la CEE et l'Espagne au mois d'avril 1980 intervient après plus de trois années de négociations ; il ne concerne que les zones de pêche de l'Atlantique nord, la mer du Nord, et la ZEE de la côte atlantique espagnole. L'objet principal est de réglementer l'exercice de la pêche tout en s'inspirant d'un principe relativement nouveau l'impératif de la conservation des stocks d'où la détermination d'un volume de capture autorisé (avec des quotas fixés annuellement) et l'octroi d'un nombre déterminé de licences de pêche (idée reprise lors de la troisième Conférence des Nations Unies sur le Droit de la mer en 1982). De façon générale cet accord limite les “droits historiques” des bateaux qui peuvent s’en réclamer, car désormais les captures maximales sont fixées par la CEE. Prélude à une adhésion communautaire, l'accord organisait la baisse des captures de la flotte espagnole étalée sur plusieurs années, en particulier dans les eaux françaises et britanniques, zones les plus fréquentées par celle-ci. La flotte côtière doit s'adapter à la limitation de l'effort de pêche par l'octroi de licences à l'intérieur de la zone des 12 milles. Pour la flotte hauturière (et particulièrement pour notre étude, les chalutiers de Pasajes et d'Ondárroa), l'instauration de quotas, de licences dont le nombre décline entre 1980 et 1984, l'interdiction du "box irlandais" et de la mer du Nord limitent fortement cette flotte dans ses captures, dans ses lieux habituels de pêche (les auteurs du livre sur les droits des pêcheurs espagnols parlent à ce propos d'une véritable renonciation aux droits historiques). Faute d'avoir été assez discuté dans les régions maritimes espagnoles ou explicité aux armateurs et de façon générale les pêcheurs perçoivent cet accord comme une discrimination (licences, droits de pêche) ; l'accord soulève immédiatement chez les armateurs hauturiers espagnols une difficulté à accepter la légitimité de la régulation communautaire par ces moyens-là (cf. les analyses de Max Weber sur les liens entre sentiment d’équité et obéissance à la loi). Il en résulte de fortes oppositions des pêcheurs dans sa mise en œuvre et de la part des administrations centrale et autonomique espagnoles une tolérance à l’égard de la fraude aux quotas et aux mesures techniques imposées. La régionalisation de l’Etat en Espagne se traduit par un contrôle éclaté : un corps

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d’inspecteurs dépendant de l’Etat central et des inspecteurs employés par les Communautés autonomes se partagent la responsabilité de la surveillance des pêches et de ses activités connexes sur la base de l’origine des captures débarquées. Le poisson capturé dans les eaux intérieures dépend des Communautés autonomes, au-delà cela relève de Madrid ; de même le contrôle de la première vente en criée incombe au pouvoir central, quelle que soit l’origine des captures, les ventes ultérieures sont sous la responsabilité des Communautés autonomes. Enfin les liens tissés entre les pêcheurs, leurs organisations et les Communautés autonomes (en Galice ou au Pays basque) sont tels que les pêcheurs préféreraient être représentés à Bruxelles par ces pouvoirs régionaux plutôt que par Madrid.

Quelles ont été les attitudes des patrons de pêche et des armateurs face à cet accord de 1980 ? Les attitudes diffèrent : - une stratégie de contournement avec la transformation de chalutiers en palangriers (car, à l'origine, 3 licences de palangriers équivalaient à une licence de chalutier) mais le répit a été de courte durée, le rapport était de 1 pour 1 en 1983 ; on a tenté aussi d'immatriculer des navires sous pavillon britannique utilisant les quotas du Royaume-Uni dont la flotte avait baissé (75 bateaux étaient ainsi enregistrés à la veille de l'adhésion) mais l'extinction progressive des entreprises mixtes devait s'étaler sur sept ans. - une stratégie d'affrontement choisie par bien des chalutiers espagnols pêchant sans licence ou en zone interdite (surtout dans la zone française) : 2700 interventions, parfois marquées par des violences, ont été effectuées à leur encontre entre 1980 et 1984.91 Alors que des manquements à l'accord sont constatés, pour des motifs variés d'ailleurs, (au nom des droits historiques, du refus d'être traité de façon injuste) les pouvoirs publics espagnols négocient déjà leur entrée dans la CEE. Les discussions ont duré près d'un an et demi, le dossier pêche a été l'un des plus difficiles à boucler en mars 1985. Les dispositions sont nombreuses et complexes, seuls les aspects généraux et les articles concernant la flottille espagnole vont être évoqués ci-après.

2- La flotte de pêche espagnole perd une partie de ses lieux et de ses droits de pêche avec l'acte d'adhésion de l'Espagne à la CEE et à l'Europe bleue (1985)

Il comporte quatre volets principaux : l'accès à la ressource, de loin l'aspect le plus délicat à régler ; le contrôle et la surveillance des activités de pêche ; la restructuration et la réduction planifiée de la flotte de pêche ; l'intégration et l'appartenance du marché espagnol à l'organisation commune des marchés (OCM) des produits de la mer. Désormais l'activité halieutique de l'Espagne est sévèrement encadrée :

91 SOUBEYROL, J. : La pêche espagnole dans la zone communautaire, Economica, Collection Espaces et ressources maritimes n°1, 1986

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Un encadrement géographique tout d'abord

La réglementation concernant la bande côtière des 6-12 milles consacre le statu

quo (activités sous licences toutefois) mais au-delà des 12 milles, des zones sont interdites aux navires espagnols à savoir la mer du Nord (comme en 1980) et dans le jargon communautaire l'Irish box et le Shetland box, et ce, pour une durée variable comprise entre dix et dix-sept années (2002) ainsi que les Açores et Madère.

Les pêcheurs espagnols ont été humiliés de n'être pas traités comme des ressortissants d'un pays adhérent à part entière. La flottille espagnole ne peut donc pas accéder à toutes les ZEE des autres membres du Marché commun, les Britanniques et les Français étant les plus concernés ont été les plus attentifs aux limitations accordées.

Un encadrement numérique

Pour contrôler l'effort de pêche, un système compliqué a été retenu, il fixe un

nombre maximum de bateaux admis à pêcher simultanément dans une même division (zones CIEM, voir Annexes). Une liste nominative des navires espagnols a été dressée avec leurs caractéristiques techniques et le type de pêche pratiqué. Cette liste est dite “liste de base” à l'intérieur de laquelle une liste périodique définit le nombre de bateaux pêchant ensemble, les dates et les lieux (liste remise plusieurs semaines à l'avance aux autorités de Bruxelles, l'établissement d'un tel document se fait par ordinateur). Deux exemples permettent de préciser ces remarques générales : - la pêche hauturière Cantabrique et galicienne est pratiquée dans les eaux communautaires, au-delà des 12 milles et le plus souvent au large des côtes françaises et britanniques. La liste de base comprend trois cents navires (201 chalutiers et 99 palangriers) ; on considérait en général que dans les années antérieures 350 bateaux fréquentaient avec ou sans licence les eaux communautaires. Elle est révisable lorsque des navires disparaissent (naufrage, désarmement) mais on remplace deux bateaux par un seul ou ce qui revient au même, pense-t-on, par une embarcation ayant une puissance diminuée de moitié.

Cette liste de base organise donc la réduction de la flottille hispanique au fur et à mesure de son vieillissement et de son renouvellement. Dans cette liste de 300, 150 bateaux (dont au moins 5 pour la capture des espèces pélagiques) peuvent pêcher en même temps dans les zones Vb, VI, VIII (la liste périodique est valable un mois). Cette liste est aussi modifiée par la notion de navire standard, c'est-à-dire par l'introduction d'un coefficient : le coefficient 1 (= une licence) correspond à un navire ayant une puissance au frein de 700 CV (mais un palangrier automatisé équivaut à deux chalutiers). Cela signifie concrètement qu'un nombre supérieur de bateaux, s'ils sont moins puissants, peut évoluer en même temps à concurrence de la puissance forfaitaire prédéfinie.

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- un système identique (avec liste périodique et parfois des licences), visant à limiter l'effort de pêche, a été établi pour les pêches spécialisées (anchois, sardines, thons) ainsi que pour les palangriers aux tonnages inférieurs à 100 tjb. Ces pêches concernent les bateaux cantabriques car elles s'effectuent dans le golfe de Gascogne. Ce système existait déjà avant l'adhésion à la CEE, il a été reconduit avec une légère augmentation du nombre de thoniers canneurs inscrits sur la liste périodique. Il existe aussi un principe de réciprocité pour une flottille française de 79 embarcations (divers engins) qui a le droit d’évoluer d'évoluer dans la ZEE espagnole, mais il apparaît très peu probable que les ports français de l'Atlantique puissent aligner désormais 64 thoniers canneurs (< à 50 tjb) en permanence, mais le droit existe. L’Espagne a subi aussi un encadrement quantitatif avec la mise en place tardive d’une Politique Commune des Pêches (PCP, 1983) qui fixe annuellement des quotas pour les principales espèces et les T.A.C.

Cet ensemble de dispositions a fait diminuer le total des captures réalisé par l'Espagne et les droits de pêche, le nombre de bateaux hauturiers a beaucoup fléchi entre 1980 et 1986,ce qui a été démontré dans un chapitre précédent avec l’exemple de Pasajes. La flotte espagnole reste toujours la première (en nombre) de la CEE avant celle du Danemark car les autres flottes européennes souffrent aussi et régressent. L'accord d'adhésion prévoyait le maintien des listes jusqu'en 2002, s'appuyant sur l'hypothèse suivante : en 17 années la liste de base et la liste périodique (150 bateaux) devraient coïncider tout en permettant une modernisation nécessaire (en fait, en 2006, il y a encore 180 bateaux environ sur cette liste, mais il n’y a plus de déficits sur le plan des licences). La grande crainte provenait de la flotte hauturière espagnole puisque ses navires de plus de 500 tonneaux de jauge étaient deux fois plus nombreux que ceux de la Communauté toute entière. Par cet constat la CEE justifiait le caractère discriminatoire et strict des conditions imposées à l'Espagne pour son entrée dans le marché commun.

3- Les adaptations de la flottille basque et les conflits

La flotte hauturière, particulièrement celle travaillant dans les eaux communautaires, a été touchée de plein fouet et à de multiples reprises par les décisions et les restrictions imposées par la CEE. Les dates et les mesures ont déjà été mentionnées dans un précédent paragraphe : la flotte s'est réduite, jalonnant les réglementations (1976-1977, 1980 et 1985 principalement) mais la date déterminante 1980-81 constitue une rupture. Le graphique 66 consacré à la flotte de Pasajes le montre, la flotte qui avait décliné depuis 1976 s'est littéralement effondrée entre 1980 et 1985 passant de 200 à 66 unités (une régression des 2/3). Cet effondrement a crée un véritable traumatisme chez tous les usagers du port (marins, armateurs…) diminuant les emplois à terre liés à la pêche (environ 2000 au total ont été perdus).

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Figure 78 : Le contenu de l’accord Espagne- CEE (1985)

La flotte espagnole pêche aussi dans la ZEE d’ autres Etats : Maroc : 909 bateaux Angola : 32 Mozambique : 14 Cap Vert 8 ICSERF Afrique du Sud : 109 Sénégal : 91, Guinée Equatoriale : 110, Mauritanie : 20, Gabon : 22, Guinée Conakry : 10, Seychelles : 15 CEE : 1617, Portugal : 461, Norvège Spitzberg : 14, USA NAFO : 80, Canada : 60.

Source : Le Marin 12 avril 1985

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Le responsable de la principale association d'armateurs de pêche hauturière92a chiffré le coût financier de ce cataclysme: 3 milliards de pesetas pour le port puisque la transformation a été réalisée sans aucune aide financière de l'Etat. Ces bateaux propriété d'une personne et non d'une société marchande ont été désarmés pour les unités les plus obsolètes ; d'autres, vendus à bas prix à des armateurs voisins souvent du port d'Ondárroa. Ces chalutiers anciens, de type baka, maintenus dans la flottille du Pays basque avaient la conformation pour travailler dans des eaux peu profondes (souvent la zone des 6-12 milles) c'est une des raisons qui explique les multiples conflits survenus avec les autorités françaises ; d'autres chalutiers encore furent transformés en palangriers (entre 1980 et 1983) le coefficient de chacun de ceux-ci équivalait à 0,33 au lieu de 1 pour un chalutier de même puissance) mais une fois la transformation effectuée et la liste figée en 1985 (malgré un réalignement des coefficients sur la base de 1 pour une puissance de 700 CV) il n'a plus été possible de changer de technique de pêche ; quelques navires ont été restructurés en chalutiers congélateurs pour aller capturer des espèces tropicales. D'où l'amertume des armateurs de Pasajes qui se sont mis à leurs frais en conformité avec la légalité communautaire (personne n'aurait eu l'idée, même à cette époque, de chaluter le long des côtes galiciennes ou cantabriques sur l'étroite plate-forme continentale espagnole aux lieux de pêche déjà dévastés). D'où aussi la colère des marins et des armateurs d'Ondárroa qui ont dès l'origine refusé de reconnaître ce mauvais accord entériné par la capitale. La pêche et les activités liées à la pêche (grossistes, détaillants divers métiers de fournitures ou de maintenance, salaisons et conserveries) constituent la quasi-totalité de l'activité économique de cette bourgade frondeuse de 11.000 habitants. La conversation est facile à engager avec les responsables locaux de la pêche alors que la ville bâtie de part et d'autre d'une rue centrale serpentant à proximité et au-dessus du port semble s'isoler de l'extérieur s'arc-boutant sur ce qu'elle estime être ses droits bradés par le gouvernement central ; l'arrière plan politique est omniprésent mais le dialogue a été facilité par le gouvernement autonome basque qui a mieux pris en compte la spécificité du port et de ses habitants.

Diminution d'un côté, renforcement de l'autre, l'essentiel de la flotte hauturière basque a changé de province au début de la décennie 1980-1990. Sur les 300 navires de pêche hauturière figurant sur la liste de base (zones CIEM du Nord Est atlantique correspondant à la ZEE de la Communauté européenne), 113 appartenaient à des armements basques. En réalité ces bateaux représentaient 460 licences car 160 bateaux ont été retirés de la flotte avant 1986 (il faut 2,5 licences pour qu'un chalutier puisse pêcher toute l'année).

La flotte d'Ondárroa comptait en 1981, 78 bateaux de pêche hauturière dont 21 ont été transformés en palangriers. La même année à Pasajes sur 161 unités, 99 chalutiers de

92 Communication personnelle du Président de l'Association des armateurs de pêche hauturière de Pasajes (l'autre association, NORPESC, était très peu importante à cette même époque).

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pêche fraîche ont travaillé tout ou partie de l'année, 42 étaient inactifs, 16 ont été vendus à un autre port et quelques autres exportés vers le Royaume Uni et la République d'Irlande (ne figurent pas sur cette liste 7 bateaux transformés cette année-là en palangriers). Ce potentiel atteignait au Pays basque 245 unités (dont 6 basées à Bilbao) mais 200 avaient pêché cette année 1981, il a été fortement diminué par la suite. (Pasajes possédait 2 associations de pêche hauturière : I : Association des armateurs de altura II : Norpesc)

La situation est, de fait, complexe car entre 1977 et 1984 le nombre de licences accordées à la flotte hauturière pêchant dans les eaux communautaires a baissé de 60 % (cette restriction s'accompagne d'une baisse corrélative des quotas de captures). De leur ancienne flotte très importante les armateurs de Pasajes ont conservé un nombre élevé de licences (deux fois le nombre de bateaux) alors que les armateurs d'Ondárroa n'ont pu en acquérir beaucoup car elles constituent non seulement un droit à pêcher mais un possible droit à construire ou à rénover. Ceci explique la réduction de la flottille par désarmement des unités ou par l'exportation de navires appartenant à des sociétés mixtes et immatriculés à l'étranger : de 58 unités en 1979 (pour toute l'Espagne) on est passé à 84 en 1980, à 131 en 1981 et 185 en 1983 ; dans l'ordre décroissant les principaux pays de destination s'échelonnent de la façon suivante Royaume Uni 54, Maroc 44 (principalement pour la flotte Canarienne), 29 pour l'Argentine. Cette exportation vers le Royaume- Uni est due pour une part à la flotte basque (utilisation de quotas britanniques, pas de licences,mais des mesures plus restrictives sur la composition des équipages ont été décidées après 1983).

La flotte hauturière de pêche fraîche compte 132 bateaux en 1991 dans la communauté autonome du Pays basque (en hausse par rapport à 1990 ! ) : en réalité seuls les armateurs d'Ondárroa ont fait des acquisitions, une quinzaine de navires très âgés (une moyenne de 26 ans) payés très chers à des armateurs galiciens (surtout de La Coruña) car pourvus des précieuses licences. Ces derniers constituent une croissance largement fictive car ils restent au mouillage, amarrés au port, promis à la démolition. En 1991 Ondarroa possédait 98 navires (84 en 1990), Pasajes 31 et Bilbao 3.

L'association des Armateurs de pêche hauturière d'Ondárroa, la plus importante du port, regroupait au début de l'année 1992 soixante dix unités mais ne disposait que de

PASAJES ONDARROA

bateaux licences coeff. bateaux licences coeff.

1982 I 66 78 15, 51 56 57 13, 64

II 82 84 19, 37

1983 I 40 70 17, 87 58 64 15, 55

II 60 83 19, 61

1984 I 29 74 17, 40 55 64 15, 54

II 50 82 19, 37

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140 licences soit une moyenne de 1, 85 à 1, 9 par bateau (ce qui n'est pas suffisant pour pêcher toute l'année avec un bateau de 700 CV) d'où la recherche en 1991-1992 de vieux navires à racheter en bénéficiant d'aides gouvernementales (25% du montant de l'investissement), le prix moyen mentionné était de 6,5 millions de F./bateau (près de 1 million d’Euros). Ce souci de légalité, cette mise en conformité par rapport aux directives de la CEE et à la décennie écoulée correspond aussi à celui de faire oublier les nombreux incidents passés ; cette sagesse désormais affirmée résulte sans doute aussi de la rumeur qui circulait à l’époque dans les ports : la prochaine restructuration de la flotte européenne aurait pour cible en Espagne la flotte hauturière, il s'agit donc d'être prêt pour l'échéance, l'objectif étant de conserver au port 80 bateaux (les palangriers seraient sacrifiés) sur les 105 de l’époque, les bateaux sous pavillon étranger (14 en 1992) diminueraient aussi.

Enfin parmi les choix effectués par les armateurs basques dans les années 1980 (outre la vente, le désarmement des chalutiers, le changement de technique de pêche avec la palangre) figure la transformation en chalutiers congélateurs le Pays basque contrairement à la Galice, n'en possédait pas jusqu'à cette date. Cette flotte trouve son origine dans la création de la ZEE en Europe. Plusieurs chalutiers ont été transformés, ainsi l'association ARGUICON (Chalutiers congélateurs du Guipúzcoa) regroupait en 1990, 13 bateaux (dont 11 à Pasajes) qui travaillaient autrefois dans les eaux communautaires : ils ont été modifiés pour pouvoir réaliser la congélation à bord, deux ont eu leur taille augmentée ; les quatre autres ont été construits depuis 1985. Ils pêchent au large de l'Afrique (Guinée Conakry et Mozambique) les ports de déchargement sont Las Palmas et Huelva. Le succès initial de cette pêche industrielle a poussé le gouvernement central, depuis 1984, à autoriser à nouveau la construction de nouveaux bâtiments face à la perspective d'adhésion à la CEE ; d'où une période euphorique 1985-1988 au cours de laquelle, aux dires du président de l'ASVAGAC93, on a trop construit ce qui a limité d'autant les possibilités de cette pêche. Les entreprises étaient endettées au début des années 1990 et pour nombre d'entre elles dans une situation financière très délicate après la fermeture de la zone de pêche de Namibie. La flotte du Pays basque d’Espagne, bien que très inférieure à celle de Galice n'échappe pas à ce schéma. Quelle est son importance ?

93 Association des armateurs de chalutiers congélateurs de Galice : 15 entreprises et 21 bateaux en 1989.

1985 1986 1987 1989 1990

nombre de bateaux

27 29 34 45 37

jauge (tjb) 14. 023

14. 863 17. 744 21. 185 17. 075

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L'apogée a été atteinte en 1988-1989 (âge moyen des bateaux 9 ans). Sur les 37 bateaux de 1990, 17 sont basés à Pasajes, les autres unités se trouvent très rarement au Pays basque à Bermeo ou Bilbao, mais plutôt à Vigo et Las Palmas plus proches des zones de pêche. Cette tendance à la baisse amorcée en 1990 s'est poursuivie par la suite par manque de lieux de pêche. La solution la plus intéressante étant la création de sociétés mixtes avec le Chili, le Pérou et l'Argentine : l'opération financée par la CEE contribue pour 1000 ECU/tjb exporté ; à ce montant s'ajoute une prime de 650. 000 ECU pour un navire de 400 à 3500 tjb âgé de 10 à 20 ans. Cette formule recueille la faveur des armateurs mais elle entraîne le changement définitif de "nationalité" du navire.

Finalement cette flotte née à la fin des années soixante-dix a connu son maximum dix ans après et, confrontée aux mêmes problèmes de restriction des zones de pêche que les autres métiers de la flottille dans les eaux communautaires, s’est réduite fortement au cours des années suivantes jusqu’à disparaître complètement au début de ce siècle.

II- Des limites pour régler les conflits de métiers sur les mêmes zones de pêche

Réglementer les engins de pêche et leur utilisation dans l’espace maritime côtier et

la mer territoriale n’est pas propre à notre domaine d’étude, ce phénomène existe aussi le long des côtes atlantiques françaises et espagnoles. Pour une grande partie d’entre eux, les lieux de pêche ont été remis en question par l'extension des eaux territoriales et la mise en œuvre de nouveaux engins de pêche dans le sud du golfe de Gascogne.

1- L'incompatibilité entre certains métiers de la zone côtière française

Au fur et à mesure que les flottilles du QM de Bayonne se différenciaient (surtout

après 1976), il apparaissait de plus en plus évident que la présence sur un même lieu de plusieurs métiers aux techniques différentes était incompatible. Aussi la décennie 1980-1990 a vu la multiplication des arrêtés de la Direction Régionale des Affaires Maritimes concernant les pêcheries du Sud du golfe. Pour préserver les petits métiers ou les métiers traditionnels, les chalutiers ont été exclus de la bande côtière puis de la zone du gouf de Capbreton. Il y a quelques années des incidents musclés entre fileyeurs et chalutiers se sont produits entre navires de ports voisins). Cette réglementation a été renforcée pour les chalutiers pélagiques et les fileyeurs (pêche aux filets maillants droits) ce qui permettrait, si les cantonnements étaient respectés, de préserver les stocks d'espèces démersales dans cette zone si favorable à la pêche côtière et à ses navires (photo 16), tandis que l'accès des pêcheurs voisins d'Euskadi a aussi été réglementé. Cette législation existe tout autant ou plus dans les eaux maritimes voisines.

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Figure 79 : Les zones interdites à certains engins de pêche au sud du golfe de Gascogne

Source : Affaires Maritimes de Bayonne Réalisation SL

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Photo 16 : Les navires de petite pêche dans le port de Saint-Jean-de-Luz/Ciboure

2- La réglementation au large de la côte cantabrique

La plate-forme continentale est étroite. Le talus continental s'appelle de ce côté-ci le "cantil″. Les marges de la plateforme continentale présentent une configuration différente au large des côtes du Pays basque d’Espagne : la zone biscayenne est plus abrupte que celle du Guipúzcoa et le talus descend plus vite pour la première que pour la seconde. Ceci explique que le long de la côte occidentale il y ait un grand nombre de lieux de pêche ("calas"), chacun ayant une faible extension alors que le long de la côte orientale et de la côte basque française ces zones sont plus étendues mais moins nombreuses (voir figure 82). Elles sont séparées les unes des autres par des canyons ou par des talwegs aux dénivelés bien moins marqués. En général dans les ouvrages qui traitent de la pêche dans les eaux cantabriques on parle de "calas" au-delà de 70-80 brasses de profondeur (120-140 m) alors que les fonds quasi horizontaux proches de la côte se dénomment "playas" (plages). Pour éviter les conflits entre métiers la réglementation procède de plusieurs origines : - une origine nationale : le conflit entre les merlutiers et les chalutiers exerçant dans les mêmes lieux de pêche durait depuis des décennies, une ordonnance ministérielle de mars 1953 a réglementé la pêche au chalut en particulier à l'Est de la côte Cantabrique et en Biscaye. D'autres ordonnances ministérielles postérieures sont plus précises ou plus restrictives : celle de novembre 1969 interdit le chalutage à l'intérieur des 12 milles (zone qui devint un lieu de pêche exclusif pour l'hameçon et la palangre, en 1978). Beaucoup plus tardive fut la réglementation pour le chalut sur la côte du Guipúzcoa

Photo de l’auteur 2006

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(O.M. de juillet 1983), la zone interdite au chalutage est assez complexe à délimiter. Elle réglemente aussi la pêche à la palangre de fond (zone des 12 milles dérogeant à l'O. M. de 1978) et celle des filets maillants sur le littoral Cantabrique dont l'usage est interdit toute l'année entre le Cap Villano (Biscaye) jusqu'à l'embouchure de la Bidassoa (à l'intérieur des 12 milles).

En définitive la loi de plus grande portée pour la pêche côtière a été publiée au B.O.E. du 13/08/93 elle réglemente l'usage de la palangre de fond (longueur, nombre d'hameçons par tjb, taille des hameçons, nombre et durée des largages, le balisage des palangres et le montant des infractions). Dans ses ultimes dispositions elle rappelle l'usage exclusif de l'hameçon pour la pêche entre le méridien du cap Villano (Plencia) et la Pointe Santa Catalina (Lekeitio) à l'intérieur des 12 milles. Mais l'application de ces lois et ordonnances aurait peu d'incidences, à cause de la surveillance trop lâche du littoral, si les Cofradías n'avaient édicté à leur tour leurs propres normes.

- une origine régionale : les Fédérations provinciales des Cofradías de Biscaye et du Guipúzcoa (ainsi que celles de Cantabria et des Asturies) ont mis en place leurs propres règles (dans le cadre des lois existantes) avec pour objectif la conservation et la gestion des lieux de pêche : exemple du Guipúzcoa dont la fédération a réglementé la pêche à la palangre par le biais de la commission des merlutiers ; celle-ci a distingué, il y a une vingtaine d’années, deux zones de pêche : du cap Higuer au méridien de l'île de Santa Clara (San Sebastián), sur une distance à la côte de 9 milles d’une part, et de ce dernier méridien à la limite avec la Biscaye, une zone de 14 milles, d’autre part. Le largage des palangres dans ces deux zones doit se faire en même temps et une seule fois par jour sauf pour ceux qui le font sur la "plage" (dans des eaux moins profondes) au retour d'une journée de pêche sur le talus (cantil). Dans le premier lieu on peut larguer 2500 à 3000 hameçons mais de 2 à 3000 dans la seconde zone en fonction du tonnage du bateau et du nombre de pêcheurs.

- une origine locale : bien souvent les cofradías de chaque port, lorsqu'il y a diversité des métiers, prennent chaque année une multitude de dispositions pour maintenir la bonne entente entre pêcheurs, exemple l'Association des merlutiers de la

Cofradia des pêcheurs de San Pedro en 1985-86 avait décidé entre autres les heures communes de départ (du matin et de l’après-midi) pour poser les palangres, les lieux de pêche interdits à certaines périodes de l’année94.

Il existe d'autre part des accords plus généraux à caractère normatif : les embarcations ne peuvent pêcher que 5 jours par semaine, calculés selon le nombre de largages journaliers (si un premier largage a été réalisé sur le talus continental le matin et un second l'après midi sur la plage, la journée compte double); à Fuenterrabia l'utilisation du samedi est possible si la météo de la semaine a été mauvaise. Un horaire limite d'arrivée au port a aussi été fixé (21 ou 22 h).

94 La pesca en Euskalherria : la pêche littorale, ITSASOA , volume 2 , pp. 119-220.

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Pour la pêche aux filets fixes de fond (71 bateaux sur le littoral d'Euskadi en 1989 et 56 en 2002 soit un bateau côtier sur deux ou presque) les règlements des Cofradias limitent cette technique à la zone côtière. Les côtes du Guipúzcoa accueillent toute l'année ces filets dans deux domaines, soit par des fonds inférieurs à 90m, soit à l'intérieur des 6 milles (figure 80), faisant parfois alterner au cours de l'année, comme la flotte de Pasajes, différents types de filets de fond.

La Biscaye est beaucoup plus restrictive : les fonds concernés n'excèdent pas 32 ou 54 brasses, (nouvelle réglementation plus restrictive en 2001) à cela s'ajoutent des limitations saisonnières en fonction des instruments de pêche ; si le trémail peut être employé toute l'année sur tout le littoral biscayen à des profondeurs inférieures à 10 brasses (18m), les autres engins sont utilisés à une profondeur un peu plus importante. La stratégie de pêche est donc conditionnée et affectée par les divers règlements et interdits.

En définitive la réglementation des Cofradias prend tout son sens lorsqu'on se réfère à une même espèce cible ; dans le cas du merlu il existe une concurrence entre plusieurs arts pour leur capture d'où une stricte limitation de l'extension géographique des engins de pêche et de leur saison d'utilisation. D'après un rapport sur la pêche artisanale au merlu sur la Côte basque95on trouve selon les profondeurs les techniques suivantes : - par moins de 50 m le trémail et les petites palangres - entre 50 et 120 m les filets fixes de fond - au niveau des "plages" (100 à 250 m) les quelques très rares chalutiers côtiers peuvent intervenir - enfin par 300 m ou plus sur le talus continental palangres et lignes verticales

D'où la répartition géographique des bateaux dans les zones de pêche suivantes : au nord et à l'ouest du cap Matxitxaco pour les embarcations de Bermeo, celles de San Sebastián et de Pasajes vont en face de leur port de base et enfin les merlutiers de Fuenterrabia se déplacent vers les lieux de pêche de la fosse de Capbreton, soit à l'intérieur (Erreka, Gaztelu) soit au nord (Garro et Eskota) par 180 à 360 m de fond (même si les merlutiers n’existent quasiment plus à l’heure actuelle). Ce contrôle strict rappelle le rôle et le fonctionnement des cofradías avant le XXe siècle.

95CASTRO URANGA : la pêche au merlu au cours de campagne 1987. AZTI

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Figure 80 : La réglementation des Cofradías pour l’exercice des métiers de la pêche côtière

Source : Fédération des Cofradías du Guipúzcoa

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Conclusion

Ici comme ailleurs, la diversité des métiers a imposé une réglementation des

usages des engins de pêche de la part des autorités publiques. En Espagne, la différence tient au fait que, à la législation nationale et régionale, s’est surimposée une réglementation initiée par les cofradías .

En définitive, pour le Pays basque d’Espagne, la pêche artisanale et familiale se déploie dans le sud du golfe de Gascogne (à l’exception de la capture des thonidés qui conduit la flottille concernée à l’extérieur de ce domaine) alors que la flotte hauturière intervient pour l’essentiel dans la ZEE française du golfe de Gascogne et de façon plus générale au large des Īles britanniques ; donc les conflits de métiers et d’intérêts demeurent très limités.

Ce n’est pas le cas des flottilles artisanales basées dans les ports français puisque par un "effet de frontière" l’usage des chaluts pélagiques et des filets maillants dérivants (volantas) y était autorisé dans les années 1980-1990, alors qu’il était interdit dans les ports de la côte cantabrique et du NW de l’Espagne. Ainsi, à des conflits de métiers entre navires français se sont ajoutés des conflits sur les lieux de pêche avec les navires de l’Etat voisin. Quels sont ces lieux de pêche et les espèces concernés ? De façon plus générale, quels sont les enjeux pour les ports, les flottilles et les pêcheurs ?

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Chapitre 12 : LES LUTTES DE LA PÊCHE ARTISANALE

Dans la pêche artisanale des ports cantabriques, on peut distinguer deux sous-groupes : la pêche côtière aux engins fixes, largement évoquée dans la première partie au chapitre 3 avec l’enquête PECOSUDE, et la pêche de surface. Cette dernière utilise différents engins pour capturer des espèces pélagiques, anchois, sardines, thons, maquereaux et chinchards. Depuis près d’un demi-siècle, ce sont les captures d’anchois et de thon qui rapportent les plus fortes recettes pour ce segment de flottilles et, pour la presque totalité des navires, les campagnes s’enchaînent du printemps à l’automne. Remettre en cause l’une ou l’autre de ces pêcheries, c’est mettre en péril la rentabilité de ces navires et en même temps l’avenir des ports. Comme ces bateaux sont à la recherche et à la poursuite d’espèces migratrices, ils peuvent être amenés à pêcher dans la mer territoriale d’un Etat voisin et dans la ZEE communautaire ou les eaux internationales. La présence sur les mêmes pêcheries d’autres navires munis d’engins de pêche interdits en Espagne, pourchassant les mêmes espèces est à l’origine de conflits plus ou moins graves. Où se situent ces espaces conflictuels ? Quelles peuvent être les conséquences de tels conflits pour les techniques utilisées et pour les pêcheries ? Les enjeux sont-ils uniquement liés à la préservation de la ressource ?

I- La spécificité des ports du Pays basque : la capture et la vente des poissons bleus

La quasi-totalité des ports de notre domaine d’étude est tributaire de quelques

espèces de poissons pélagiques. La vente de ceux-ci procure l’essentiel des revenus et l’absence d’une ou deux espèces au cours des campagnes de pêche altère gravement les comptes des armements.

1- La mise en évidence de ce phénomène pour les flottilles et les ports du Pays basque d’Espagne

Dans les graphiques ci-après, l’importance économique de l’anchois, du germon et

du thon rouge apparaît nettement. Sur l’un (figure 82), on distingue l’extrême variabilité des apports annuels (anchois, germon) et les apports élevés de maquereau et de chinchard qui, depuis quelques années, renforcent les quantités débarquées ; ces espèces obtiennent des prix relativement bas en criée, mais si l’on tient compte de leur quantité, cela permet d’améliorer la comptabilité des navires (figure 81).

Le marché espagnol, déficitaire en poisson frais, est très réceptif aux campagnes promotionnelles ; celle sur le maquereau a permis d’accroître ce marché qui s’est amplifié aussi pour une autre raison : le maquereau congelé sert d’appât à la pêche mais aussi d’aliment dans les fermes d’élevage du thon rouge en Méditerranée.

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Figure 81

Sur l’autre graphique (Figure 82) quatre espèces totalisent toujours entre 60 et

75% de la valeur des débarquements au cours des deux dernières décennies alors que l’anchois et le germon assurent, dans la majorité des cas, plus de la moitié de la valeur des ventes effectuées en criée ; et ceci malgré les apports de merlu par les grands fileyeurs qui travaillent au large de l’Ecosse et vendent à la criée de la cofradía de Pasajes (cela représente entre 10 et 20 % des ventes totales réalisées dans les criées du Pays basque). Figure 82

Ces caractéristiques d’ensemble peuvent être soulignées par quelques brèves évocations de ports de pêche :

Débarquements de que lques espèces dans les ports du Pays basque d'Espagne (1983-2005) en poids.

0

5000

10000

15000

20000

25000

30000

1983

198519

8719

8919

9119

931995

1997

1999

2001

2003

2005

années

tonnes

anchois

germon

thon rouge

maquereau

Les débarquements gérés par les cofradías de Biscaye et du Guipúzcoa (poids)

0

10000

20000

30000

40000

50000

60000

70000

80000

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

2003

2005

années

tonnes

Biscaye

Guipúzcoa

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Le port de Fuenterrabia (Hondarribia)

En position frontalière, le port de pêche possédait encore deux activités bien distinctes au tournant des années 1990. La pêche aux lignes verticales sur les accores du gouf de Capbreton, vers Ezkota (ou Ezkote), permettait de belles prises de merlu et procurait de bons revenus à cette flottille. Pour ses patrons pêcheurs, l’effondrement de leurs captures est liée à l’activité des chalutiers pélagiques.

Le déclin durable de cette pêcherie a entraîné la disparition des bateaux appelés ici

merluceras (1991 : 30 navires merlutiers sur les 58 navires du port ; 2002 : un seul navire sur les 42 bateaux). Désormais deux bateaux sur trois pêchent maquereaux, anchois, thon rouge, chinchard avec un enchaînement des campagnes entre mars et l’automne. Il n’est pas rare que cette flottille rénovée et modernisée quitte le golfe pour pêcher le thon rouge au large des côtes méditerranéennes de l’Espagne (campagne dite d’hiver) et lorsque la campagne a été médiocre, ils peuvent cibler aussi le germon pour compenser le manque à gagner.

Figure 83 La pêche du merlu à Fuenterrabia : les lieux les débarquements

Source : L. Motos, A.Uriarte La flota al pincho de Hondarribia colección Itsaso 1986 et cofradía

Merlu Petit merlu et merluchon

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Figure 84

Source ; Fédération des cofradías et economía vasca

Trois espèces (thon rouge, anchois,germon) totalisent environ la moitié du tonnage débarqué mais comptent pour 80 à 90 % de la valeur des ventes. Ces espèces sont donc essentielles Le port de Guetaria (Getaria)

C’est sans aucun doute le port artisan qui résiste le mieux au déclin.

Figure 85

Sources ; Fédération des cofradías et economía vasca

Débarquements à la Cofradía de Hondarribia 1982-2004

0

2000

4000

6000

8000

10000

12000

1982

1984

1986

1988

1990

1992

1994

1996

1998

2000

2002

2004

années

tonnes

autres

pageot rose

sardine

merlu

chinchards

maquereaux

anchois

thon rouge

germon

Les débarquements au port de Gue taria de 1982 à 2004 (poids)

0

2000

4000

6000

8000

10000

12000

14000

1982

1984

1986

1988

1990

1992

1994

1996

1998

2000

2002

2004 anné es

tonnes

autres

sardine

chinchards

maquereaux

anchois

thon rouge

germon

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Depuis une vingtaine d’années, Guetaria a perdu très peu de navires. Ce port abrite principalement des thoniers-seneurs et reste le premier port germonier du Pays basque : depuis vingt ans on vend en criée entre 1 500 et 4 000 tonnes de germon. C’est ici que ce poisson est le mieux payé aux pêcheurs du Pays basque d’Espagne. Parmi les acheteurs, il y a un petit nombre de mareyeurs locaux et quelques conserveurs. La flottille du port compte parmi les plus modernes et les plus dynamiques de la côte cantabrique : les bateaux à coque en fer mesurent une trentaine de mètres de long pour certains et peuvent éventuellement s’adapter à d’autres techniques de pêche et à d’autres engins de capture. En 2000, cinq espèces de poisson blanc totalisaient plus de 80 % du total des débarquements pour 95 % de leur valeur. Parmi elles, l’anchois, le germon et le thon rouge atteignent respectivement 59 % du poids et 90% de la valeur pour l’année 2000.

Le port soutenu par le mareyage et l’industrie de la conserve a une activité halieutique presque entièrement tournée vers la capture des poissons bleus. Les campagnes de pêche concernant ces espèces sont donc vitales pour les navires.

2- Les captures des flottilles de la côte basque française

Saint-Jean-de-Luz/Ciboure

Le système qui prévalait à Saint-Jean-de-Luz/Ciboure durant les années 1950 à 1970 : un port artisan fonctionnant avec son marché local et les conserveries de la côte a été évoqué dans les chapitres 4 et 5. Les espèces cibles étaient la sardine puis l’anchois, le germon et le thon rouge.

Ce système, qui s’est maintenu à Guetaria, a disparu ici malgré l’embellie des années 1970 ; la moyenne annuelle des captures s’établissait à environ 6000 tonnes mais a diminué à 3 000-4 500 t. pour la décennie 1980-1990.

Le port est désormais caractérisé par une grande diversité des "métiers" et les petits navires de moins de quinze mètres utilisent deux ou trois engins différents au cours de l’année (palangre, filets, canne…chapitre 2- Première partie). Cette diversité fait la force du port mais engendre des conflits ; le plus notable a concerné le cantonnement de la fosse de Capbreton (cf. Figure 79) d’où des divisions et des conflits entre ligneurs et chalutiers pélagiques luziens et hendayais, les premiers accusant les seconds de piller leur zone traditionnelle de pêche. Cette mésentente s’est traduite par un affrontement dans les instances professionnelles dans lesquelles les représentants des chalutiers ont conquis le Comité Local des Pêches (CLPM) au début des années 1990 après avoir crée un nouveau syndicat (CFDT). L’alternance toujours conflictuelle a mené les représentants des petits métiers (CGT) à une reconquête du pouvoir par la suite. Beaucoup d’amertumes, de ressentiments subsistent parmi les pêcheurs du port et

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la solidarité est bien moindre qu’autrefois (années 1946-1976). L’usage et les utilisations du chalut pélagique ont durablement divisé le port.

Figure 86

Sources : criées et Affaires maritimes de Bayonne

Le port d’Hendaye ou les risques de la monoactivité

De création récente, il a connu une croissance spectaculaire des apports à la fin des années quatre-vingts et au début des années quatre vingt-dix jusqu'à concurrencer en tonnage les prises de Saint-Jean-de-Luz. Plus des 3/4 des tonnages débarqués sont dus à des chalutiers pélagiques (au nombre de 27 en 1992) et environ 5% pour les autres unités locales. Cette flottille a fait le dynamisme du port capturant pendant des années

des espèces “nobles″ (merlu, bar, sole, dorade royale) mais depuis 1990-1991 la part de

celles-ci a baissé de 20 à 50 % ; un ballon d'oxygène, pour la gestion de ces navires, est apporté par la pêche de l'anchois puis par celle du germon (de fortes prises en 1991) et du thon rouge (en 1992 70 % des captures de cette espèce contre 30% aux canneurs du port) ; c'est une évolution des années 1992-1993 le poisson bleu a constitué en 1992 les 2/3 des apports, cela s'est traduit en criée par une baisse de plus de 20% du prix moyen par rapport à l'année précédente. Ce changement durable, assorti d’une baisse des apports de merlu et de bar de plus de 50 % a poussé les chalutiers à déserter le port au cours des années suivantes entraînant un grand déficit pour la gestion du port jusqu’à la disparition de la criée et sa fusion avec celle de Saint-Jean-de-Luz en 2000 (Figure 86). En prenant pour espèces cibles d’abord le merlu (pêche principale des merlutiers de Fuenterrabia/Hondarribia) mais aussi l'anchois et le thon comme espèces de substitution

Débarquements sous criée à Hendaye e t Saint-Jean de-Luz entre 1983 e t 2005 (en poids)

0

1000

2000

3000

4000

5000

6000

7000

8000

9000

1983

1985

1987

1989

1991

1993

1995

1997

1999

2001

2003

2005

années

tonnes

St Jean

Hendaye

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après la raréfaction des poissons antérieurement recherchés, les bateaux hendayais (et français en général) sont l'objet de la colère de la flotte de bajura, en particulier celle de Hondarribia. Cette dernière appuie son argumentation sur l'étude réalisée en 1988 par AZTI/CIO ayant pour objet l'impact de la pêche au chalut et aux filets pélagiques sur les pêcheries de thon (campagnes expérimentales de 1986 et 1987). Des conclusions de ce rapport il ressort que ces nouvelles techniques ont plus d'efficacité nocturne, alors que les techniques traditionnelles n'en ont aucune. L'accroissement de l'effort de pêche et de la capturabilité avec ces techniques nouvelles dans le golfe aurait, d'après les auteurs de l'étude, une incidence négative sur le stock de germon avec de surcroît un problème majeur la cohabitation conflictuelle sur un même lieu de pêche de quatre métiers différents (filets droits maillants dérivants, lignes traînantes ou cannes et chalutiers pélagiques). Comme depuis cette date les prises de germon des pélagiques ont augmenté, en particulier en 1991, alors qu'elles chutaient fortement dans les ports d'Euskadi, les détracteurs (observations des pêcheurs mais pas de résultats expérimentaux) affirment que les bancs de thons se dispersent, se disloquent après le passage du chalut pélagique ("réponse” à un effet de panique analogue à ce qui se passe lorsqu'un thon mort tombe à l'eau par mégarde durant la pêche ou lorsqu'une bonite se détache de l'hameçon). Pour ces pêcheurs le responsable de la baisse est tout trouvé ! Toutefois l'évolution des captures du port d'Hendaye des poissons blancs vers les poissons bleus aux prix beaucoup moins rémunérateurs, ajoutée aux difficultés rencontrées par la pêche française en février-mars 1993 a inquiété les armateurs des chalutiers pélagiques des deux ports (et de toute la côte atlantique française). La force de ce type de bateau est sa souplesse dans le maniement du chalut et son utilisation toute l'année modifiant selon les saisons les espèces cibles pourchassées. La saison de pêche uniquement sauvée par des poissons bleus pose le problème de la rentabilité de telles unités pour lesquelles les armateurs se sont lourdement endettés (un chalutier pélagique 22,5 m de long, livré à un armement du port en 1992, avait coûté 8,5MF). Cette mono activité (= le chalutage pélagique) était un élément de fragilité pour le port d'Hendaye qui venait d'améliorer son équipement (acquisition d'un élévateur à bateaux de 300 tonnes) et s'était engagé à l’époque dans l'aménagement de quais supplémentaires.

Les navires venus de Bretagne, de Vendée ou de La Rochelle ont quitté le port après 1993, d’autres navires ont été vendus, il ne restait plus qu’une dizaine d’unités à la charnière des années 2000. Seules étaient commercialisées sur place les espèces pélagiques alors que les poissons blancs et autres espèces mieux rémunérées sont mises en criée, depuis plus d’une décennie, dans le port voisin de Pasajes.

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3- La pêche du germon cristallise les passions

La flottille qui exploite cette pêcherie à partir du Pays basque d’Espagne, et de toute la côte nord de l’Espagne, a deux composantes (cf. Première partie) :

- l’une utilise les lignes traînantes (cacea ou curricán en espagnol). Le germon est l’espèce cible et le thon rouge l’espèce accessoire.

- L’autre, la flotte de senneurs ou bolincheurs, pêche l’anchois au printemps. Près de 90 % de cette flottille traque les thons pendant l’été et l’automne (70 % choisissent le germon et les autres le thon rouge) pour une pêche à la canne et l’appât vivant

Au total cette flottille était forte de 251 unités pour la campagne de 1991.

La situation à la charnière des années 1990

A partir de 1986, pour enrayer le déclin de la pêche du germon des ports atlantiques français, trois navires font une campagne expérimentale à l’aide d’un filet maillant droit dérivant (appelé dans ce paragraphe MDD). En 1987, une autre campagne effectuée avec d’autres navires donne des résultats probants ; cette technique permet de capturer un tonnage journalier de germon deux fois supérieur à celui obtenu avec les lignes traînantes. En 1989, il y avait 40 fileyeurs français dans le golfe.

Figure 87 : les pêcheries de germon dans l’Atlantique Nord

Source : BARD , ISPTM , CNEXO.

Migrations du germon

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L’Espagne se prononce pour l’interdiction des filets MDD dans la pêche au germon dans l’Atlantique en 1990. A Bruxelles, la voix de ses pêcheurs est relayée par le Commissaire Européen de la pêche Manuel Marín. Divers groupes écologistes rejoignent ces positions car les filets MDD sont accusés de capturer les dauphins. En 1991, les ministres européens limitent la longueur des filets à 2,5 km, avec une dérogation pour deux ans accordée à la France (5 km dont 2,5 km pour pêcher et autant de rechange à bord), ce qui a entraîné des abus. Le Parlement européen vote à une très large majorité l’interdiction totale du filet dérivant au mois de décembre.

Les affrontements

La tension monte entre les pêcheurs et de violents incidents se produisent en 1994 :

- Le 18 avril, une véritable “bataille" navale oppose les bolincheurs de Hondarribia

aux chalutiers pélagiques de Hendaye. Le Laetitia, chalutier de 15 m, accusé de pêcher l’anchois hors période (cf. la fin de ce chapitre) a été conduit de force à Fuenterrabia et dévasté.

- Le 6 juillet 1994, à 600 milles des côtes espagnoles, 5 navires de l’Île d’Yeu et de Lorient sont attaqués et malmenés par une flottille de 60 bateaux du Pays basque d’Espagne et de nombreux navires galiciens de Burela. Il y a de gros dégâts sur le navire "la Gabrielle" qui est évacué par son équipage après un début d’incendie ; il est remorqué jusqu’au port thonier de Burela où un huissier constate une longueur de filets de 5,7 km. Chaque camp, c’est à dire chaque Etat, a défendu les siens. Photo 17 : L’abordage de La Gabrielle par un navire biscayen Source : Altxa Mutillak 1995, n°5 p 83

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Pour stimuler leurs autorités nationales jugées trop molles, trop conciliantes, les pêcheurs de la côte cantabrique décidèrent un blocus des ports de Gijón, Bilbao, Bermeo, et du port frontalier d’Hendaye. A Bermeo, une manifestation réunit près de 10 000 personnes qui protestent contre l’utilisation des filets maillants dérivants et l’usage du chalut pélagique dans cette pêcherie.

Photo 18 : Manifestation du 27 juillet 1994 à Bermeo (port de pêche de Biscaye) Sur la banderole : non aux filets maillants et aux pélagiques Source Atxa Mutillak 1995, n°5p 82

Après plusieurs jours de grève, le blocage des ports est levé et les marins ferment la frontière au thon français pêché au filet MDD et au pélagique alors qu’au début du mois d’août les frigorifiques des OP françaises croulent sous 1 000 t. de germon. A la mi- août 1994, dix chalutiers pélagiques d’Hendaye qui se sont mis à pêcher le thon rouge sont pris à partie par les canneurs de Fuenterrabia, il y a un échange de coups de feu. Des incidents éclatent aussi entre la flottille espagnole et des bateaux anglais et irlandais.

Pour se différencier de cette pêche jugée destructrice, les cofradías créent, en août 1994, un label "thon germon pêché à l’hameçon ","Bonito del norte", pour le thon pêché entre la Bidasoa et le Miño en Galice.

Les enjeux

Les enjeux économiques : jusqu’aux années 1960-1970, les Basques, français et espagnols utilisaient les mêmes techniques de l’hameçon sans beaucoup de problèmes de cohabitation. En 1910, 4 500 marins français (en particulier de l’Île d’Yeu, d’Etel, des Sables, etc.) pêchaient 6 000 tonnes de germon à l’aide de 700 bateaux armés aux tangons (perches). Il n’y en a plus en 1994, seules quelques unités de canneurs subsistaient à cette date à Saint-Jean-de-Luz et à Hendaye.

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La flottille thonière dans le golfe en 1994

Le Pays basque d’Espagne et, de façon plus large, tout le littoral nord et nord-

ouest de la péninsule ont maintenu la pêche à l’hameçon avec des navires de sept à une trentaine de mètres parfois, pour capturer le thon. Après ces campagnes, un chômage qualifié de biologique d’une durée de trois mois (décembre-mars) permet aux équipages d’attendre le début de la nouvelle campagne d’anchois et de maquereaux au printemps. En 1994, environ 550 bateaux et près de 7 000 hommes organisés dans les cofradías alimentaient en germon le marché frais et les conserveries.

Dans les années 1980, par souci de rentabilité des bateaux, côté français ou britannique, on a adopté des techniques ne nécessitant que cinq ou six hommes à bord des navires, c’est le cas pour les fileyeurs et les chalutiers pélagiques. Proportionnellement, ils pêchent beaucoup plus que les navires traditionnels à l’hameçon. Les Espagnols accusent l’usage des filets MDD d’avoir fait diminuer leurs flottilles et leurs captures ; dans le même temps les fileyeurs et les chalutiers pélagiques de Bretagne, de Vendée et de côte basque française expédient une grande partie de leurs productions vers le marché espagnol. D’où ce déchaînement de passion et de violence : les pêcheurs d’Espagne accusant les autres d’épuiser la ressource et de s’approprier leur marché. L’insuffisance de leur rentabilité et le vieillissement de la flottille entraînant le déclin des navires traditionnels.

Dans d’autres ports du littoral, en Galice en particulier, les pêcheurs étaient tout aussi déterminés car il y avait à Burela 130 thoniers en 1973, 84 en 1990 et 35 en 1994. Les habitants manifestaient à cette même époque contre le thon d’importation et c’est

que le fileyeur a été “rapatrié″ et détenu quelque temps.

Etats Campagnes Navires Pêcheurs Tonnage pêché

Pays basque et Espagne

5mois Juillet-novembre

500 ligneurs 250 canneurs

3 000 (6 par bateau) 3750 (15par bateau)

6 100 t. 11 793 t.

France

Juin-septembre mi-août, mi-oct

64 fileyeurs 60 pélagiques

448 (7 par bateau) 300 (5 par bateau)

5.000 t. 1.300 t.

Irlande 4 mois, juin-sept 20 fileyeurs 150 (7 par bateau) 1 900 t.

Grande-Bretagne

4 mois, juin-sept 8 fileyeurs

60 (7 par bateau) NC

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Photo 19 : le port thonier de Burela (Galice) Source Atxa Mutillak 1995, n°5 p 92 Cette irruption de la violence dans la pêcherie du germon fait suite aux problèmes

de celle de l’anchois intervenus deux ans auparavant. Dans ce cas le conflit a abouti à un compromis dans lequel les pêcheurs locaux ont eu l’impression d’avoir été grugés. Quels étaient les termes du différend ? Quelles étaient les parties concernées ? Pour quels enjeux ?

Conclusion

Les flottilles locales des chalutiers pélagiques et les fileyeurs irlandais ou de l’île

d’Yeu empiétaient sur les pêcheries habituelles de la pêche artisanale. A cause de la mort des dauphins capturés par des engins de pêche non sélectifs, les écologistes s’étaient rangés aux côtés des Espagnols. Dans un premier temps, les ports de la côte basque française possédant seulement six petits fileyeurs qui ne pouvaient aller pêcher aussi loin, sont restés un peu extérieurs à ce conflit majeur. Toutefois une association, Itsas Geroa (l’avenir de la mer), basée des deux côtés de la frontière, avec une co-présidence française et espagnole s’est donné pour mission de soutenir l’attitude des cofradías espagnoles, en France, devant l’opinion publique. Elle défend une pêche raisonnable et responsable avec des méthodes traditionnelles et a rallié autour d’elle les marins de la petite pêche côtière.

Le conflit sur l’anchois, autre espèce cible majeure des ports de la région, montre l’ampleur des divisions et l’âpreté des négociations.

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II- La "guerre de l’anchois" dans le golfe de Gascogne

1- Les caractéristiques de la pêcherie

Une production d'anchois déclinante depuis trente ans

Une évocation succincte de l'évolution des captures et des bateaux qui s'y

consacrent une partie de l'année permet de rappeler le niveau "historique" des mises à terre du début des années 1960. Le graphique de la figure 86, donne quelques indications sur cette pêcherie. Près de 600 bateaux des ports Cantabriques capturaient dans les années 1960 entre 50 et 80.000 t. annuelles d'anchois.

Un phénomène de surpêche très certainement entraîne une disparition de ce

poisson pélagique au large du nord-ouest de la péninsule et de l'ouest Cantabrique (d'où une baisse et une reconversion des flottilles galicienne et asturienne à cause de l'éloignement des zones de pêche) et une chute des tonnages d'anchois débarqués : à de très rares exceptions près la "production" cantabrique n'a plus jamais dépassé 27.000 tonnes/an. Une autre caractéristique de cette pêcherie est la très forte irrégularité interannuelle des prises de la décennie 1980-1990. Plusieurs changements (techniques, normes cf. figure 89) ont eu lieu au cours de période expliquant un plus grand effort de pêche ; cet effort ne serait pas seul responsable, des paramètres environnementaux (températures, force et direction des vents, courant marins) jouent un rôle déterminant selon des études menées depuis une décennie pour le recrutement des anchois juvéniles (AZTI/ IFREMER).

Figure 88 Evolution des flottilles françaises et espagnoles pêchant l’anchois dans le golfe de Gascogne

Source : AZTI/IFREMER Evaluation de la biomasse d’anchois dans le golfe de Gascogne en 1999, Rapport final, 25p

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1.2- La pêcherie de l'anchois 1

Les principales caractéristiques biologiques de l'anchois sont les suivantes :

poisson de pleine eau (pélagique) il se déplace par bancs effectuant des migrations horizontales (de la côte vers le large et réciproquement, en latitude) et des déplacements verticaux. Quelles en sont les principales composantes ? Le recrutement des jeunes anchois est fortement influencé par les conditions environnementales, son niveau peut varier de un à cent selon les années. La reproduction des anchois âgés de 2 et 3 hivers (un anchois de 5 hivers reste exceptionnel) se déroule au printemps (avril-mai) et pour les plus jeunes au début de l'été. Au printemps, l'anchois se trouve au large du Pays basque, jusqu'à 100 m de fond, et tout le long de la côte jusqu'à l'île de Ré, période durant laquelle ils sont majoritairement capturés par les bolincheurs espagnols (Prouzet et al.,1994)92alors qu'à la fin de l'été il se répartit du large de la Vendée au sud de la Bretagne où il est la cible des pêcheries des bateaux de ces deux régions jusqu’à l’automne. Le groupe d’âge 1 entre pour une très grande part dans les captures, le recrutement de ce groupe n’est prévisible qu’au moment de la saison de pêche, ce qui rend difficile la régulation de l’effort de pêche (Anonyme,1993) d’autant que la gestion se fait par T.A.C.( 30.000 puis 33.000 t. par an dans la zone CIEM VIII) avec une clef de répartition il y a 15 ans de 10 % pour la France et 90 % pour l’Espagne.

92 Paragraphe réalisé à partir des rapports du Comité anchois (CIEM) , des études d'AZTI/CIO, (Motos, Uriarte), des indications et des communications de M. Prouzet de l'IFREMER (St Pée/Nivelle, Bidart)

Figure 89 : Evolution des captures espagnoles dans le Golfe de 1960 à 1993

Source : AZTI

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La rapide croissance de l'anchois, sa maturité précoce, le renouvellement rapide du stock ne compensent pas l'inconvénient de rendre celui-ci très instable. Il n'est pas facile de déterminer la gestion du stock d'anchois par TAC. Le stock d’anchois fluctue en général entre 15.000 et 100.000 t. d’après les techniques d’estimation de la biomasse. Les scientifiques se sont mis d’accord pour que s'appliquent dès 1993 de nouvelles mesures de gestion du stock - définir un moule maximal d'anchois capturé (60 au kg sans doute) sans que cette mesure n'entraîne un rejet massif à la mer des individus ne faisant pas la taille d'où une nécessaire combinaison avec - une interdiction de pêche dans une zone où l'anchois passe sa première année (limitée par le méridien 1°40 W de l'île de Ré à Hendaye)

A cela il faudrait ajouter des mesures déjà adoptées de l'autre côté de la frontière à savoir une limite journalière de captures par bateau et un arrêt de la pêche deux jours par semaine. En fait la décision est politique, donc difficile, car la situation sur le terrain est complexe. Figure 90 : Les migrations de l’anchois dans le golfe de Gascogne

0 100 km

Source : Prouzet, Uriarte, Villamor, 1996

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2- Le nœud de l’affrontement : un conflit de métiers

La situation créée par l'Europe bleue et l'adhésion espagnole

Le régime de la mer territoriale a été redéfini en 1983 par la Politique commune des pêches. Il a servi de base pour négocier une partie de l'acte d'adhésion en 1985, à savoir que sur la côte atlantique entre 6 et 12 milles de distance des côtes, les bateaux espagnols, de la frontière franco-espagnole à la pointe sud de l'île de Ré (46°08 N), peuvent exploiter la pêcherie de l'anchois. Cette pêche dirigée à l'anchois se déroule du 1er mars au 30 juin uniquement avec un système de licences (une pour deux navires). Pour se procurer l'appât vivant (pêche du thon à la canne), la pêche est autorisée du 1er juillet au 31 octobre dans la limite des activités pratiquées en 1984 (les bateaux français bénéficient des mêmes droits dans les 6-12 milles espagnols de la frontière franco espagnole au Cap Major près de Santander par 3°47 W). Il n'y a pas de système de quotas mais une référence à un total admissible de captures (T.A.C.) de 30.000 tonnes pour le golfe dont 90 % pour l'Espagne (référence aux captures du début des années quatre-vingt). Il existe toutefois un système de limitation de l'effort de pêche par listes périodiques de bateaux et par licences pour les pêches spécialisées (anchois, thon, castagnole, sardine) ainsi que pour les navires palangriers de moins de 100 tjb à la recherche d'espèces non démersales. Ainsi 160 licences ont été attribuées dans les zones VIII a, b, d, entre le 1er mars et le 30 juin et 120 pour les mêmes lieux pour la capture d'appât vivant les mois suivants. En 1993 la réunion des Fédérations de Cofradias de la côte cantabrique avait prévu, pour la campagne d'anchois du printemps la répartition suivante des licences : - la Biscaye : 73 bateaux et 46 licences. - le Guipúzcoa : 87 bateaux et 55 licences. au total 264 embarcations pour les 160 licences accordées. Les bateaux des ports du Pays basque d’Espagne restent largement majoritaires au sein de cet ensemble, avec 160 unités (soit 2.500 pêcheurs environ) et 101 licences.

L'intervention des chalutiers pélagiques français depuis 1985

Après l'embellie des années 1970 pendant lesquelles les captures à la senne tournante (bolinche) des bateaux traditionnels se sont accrues, les prises ont rapidement chuté. La chute des apports s'est accompagnée dans les années suivantes d'une baisse des navires qui s'y consacraient (l'un étant en partie la conséquence de l'autre). La situation a complètement changé depuis 1985 avec l'armement des chalutiers pélagiques à la pêche de l'anchois (chalut avec un petit maillage), entre 1985 et 1992 les captures sont passées de 3.000 t. à 11-12.000 t. (un quasi-quadruplement) alors que le quota français fixé par référence à l'activité des embarcations du début de la décennie ne

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permettait de pêcher que 3.000 t./an. Des quelques bateaux initiaux on est passé à 120 paires environ de chalutiers pélagiques dans le golfe de Gascogne pour la campagne 1992 de l'anchois. La recherche d'une nouvelle espèce cible cherche à compenser la forte diminution des captures des espèces "nobles" (poissons blancs) habituellement recherchées par ces navires. De là, les positions très déterminées des responsables des Cofradias ou des Fédérations provinciales des Confréries pour une interdiction pure et simple de cette technique de capture de l'anchois par les autorités de Bruxelles (via les pressions sur le Gouvernement basque et sur Madrid).

Le conflit En effet ce dernier tant au point de vue poisson frais (y compris parfois de petite taille) que pour la salaison et la conserve est très demandeur. La quasi totalité des captures françaises prend la direction de la frontière espagnole car le marché précédemment évoqué n'existe plus en France. Ainsi la France a exporté 11.440 t. d'anchois en 1991 pour 180 MF (à 96% vers l'Espagne), nous sommes très loin des 3.000 t. une grande partie provient de la pêche des chalutiers pélagiques, les bolincheurs étant en nombre très réduit. D'ailleurs la comptabilité des passages en douane est suivie par les cofradías frontalières (les pêches françaises dépassent depuis les 10.000 t. annuelles).

Figure 91 Les captures d’anchois dans le golfe de Gascogne

Source : IFREMER/AZTI

Captures annuelles des anchois dans le Golfe de Gascogne (CIEM, division VIII) de 1960 à 2005

0100002000030000400005000060000700008000090000

1960

1964

1968

1972

1976

1980

1984

1988

1992

1996

2000

2004

années

tonnage

France VIIIa Espagne VIIIbc total

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Les chalutiers pélagiques compensaient largement les apports réalisés autrefois à la senne coulissante et l'exemple du QM de Bayonne le prouve. Les apports de la période 1987-1991 ont presque triplé par référence à ceux de la période antérieure (1981-1986). Durant deux mois, en janvier février, ils peuvent débarquer l'anchois sans que la flotte traditionnelle des senneurs espagnols leur fasse concurrence. Il s'agit dorénavant de pouvoir répondre à la demande du marché espagnol (pour les conserveries il faut un moule d'une trentaine au kg, or, l'anchois capturé à cette époque est de très petite taille) et de s'organiser en conséquence. Les marées sont courtes, rapportent de l'argent frais très rapidement ce qui est très apprécié des armateurs et des pêcheurs : ainsi l'anchois se trouvant au début de l’année 1993 au large de la Vendée, les chalutiers luziens et hendayais débarquaient le poisson à La Pallice où s'était déplacée la criée basque pour réduire les frais de combustible en évitant le retour au port de base. Les anchois sont envoyés ensuite par camions vers le nord de l'Espagne (c'est un système similaire qui fonctionne pour Lorient ou La Turballe à la fin de l'été avec une base "avancée" pour le déchargement- expédition au Verdon dans l'estuaire de la Gironde].

Les captures ne respectent pas le total d'anchois alloué à la France par les accords de la politique commune des pêches. Les cofradías dénoncent avec véhémence depuis 1988-1989 l'utilisation du chalut pélagique qui serait responsable de la chute des apports pour la flotte cantabrique et de la mise en péril de la ressource pour l’avenir (on a vu que celle-ci en fait, était antérieure à 1985). Cette opposition farouche n'est pas dénuée de fondement scientifique (la capture hivernale précède la période de reproduction) mais elle existe aussi pour d’autres raisons : - des causes politiques : la France doit respecter les accords signés à Bruxelles (c'est à dire le TAC de 3000 t./an calculé sur la base de 1981, lorsque sa flotte traditionnelle de surface était en plein déclin et les pélagiques ne pêchaient pas encore l'anchois) et imposer à ses pêcheurs leur respect. Les fédérations de cofradias sont d'autant plus intransigeantes qu'elles s'estiment mal représentées par le pouvoir central (Madrid) à Bruxelles (le gouvernement de la C. A. E n'a pas de compétences en ce domaine). Donc en mars ou avril des années 1991 et 1992 elles ont fait pression sur Madrid en bloquant les ports de commerce Cantabriques en avril 1992, obtenant via la capitale européenne la fermeture de la pêche française d'anchois dans le golfe, le quota annuel étant épuisé (et souvent dépassé), pression qu’ils exercent aussi sur les mareyeurs locaux pour qu'ils n'importent pas de l'anchois "français". - des raisons économiques : la saison de l'anchois au printemps sauve (ou garantit) la bonne tenue de l'année de pêche, d'autant que les frais sont réduits car l'anchois peut se trouver à une heure de route du port ou à un jour au maximum. La flotte artisanale estime avoir un droit prioritaire (exclusif ?) pour approvisionner le marché basque en anchois frais ou de salaison et conserve. Donc l'enjeu est économique avec les chalutiers pélagiques français qui pourraient pêcher, si les prix étaient intéressants et en l'absence

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d'autres espèces cibles rémunératrices, pendant six ou sept mois avec pour seule limite (en l'absence de quota) la saturation du marché espagnol ; toutefois au cours de l'été ils changent de cible pour traquer le germon ou le thon rouge autres espèces cibles des canneurs bolincheurs de la côte cantabrique. Donc c’est un marché que les bateaux artisans cantabriques veulent préserver, même si le plus souvent leur action pour préserver la ressource est la seule mise en avant puisqu’ils stoppent pendant environ trois mois cette pêche (un arrêt dit biologique indemnisé par des fonds publics) - des aspects sociaux : même si beaucoup de bateaux de cette catégorie ont été rénovés grâce aux subventions de l’Europe, si la modernisation a fait un peu diminuer les équipages, il y a 12 à 15 marins à bord, trois à quatre fois plus que sur un chalutier pélagique. De franco-espagnol le problème s'est déplacé sur un terrain commercial à consonance internationale. Alors que les responsables des cofradias finissaient tout juste de ferrailler contre les chalutiers français et que la flotte de bajura avait repris la mer au mois de mars 1993, un autre problème a surgi. Les prix atteints en criée par un petit anchois en début de campagne étaient jugés dérisoires par la profession (100 pesetas/kg, comme il y a une vingtaine d'années) et ne trouvaient pas preneur. La flottille d'anchoyeurs est restée plusieurs jours à quai ("paralysie" volontaire fin mars -début avril) en signe de protestation tandis que ses responsables s'entretenaient avec les industriels locaux de la conserve qui avaient importé, à cette même période, environ 12.000 t. d'anchoveta provenant de pays tiers (Chili, Argentine), poisson payé à bas prix que les cofradias appellent des "pseudo-anchois" ; le tonnage importé correspond à plus de la moitié des captures de toute la flotte Cantabrique en 1992. Pour les conserveurs d'Ondárroa ces importations se justifient de la manière suivante : - la faible marge de sécurité procurée par les approvisionnements locaux lorsque les usines de salaison et de la conserve tournent à plein régime. A partir de cette constatation des industriels, surtout de Santoña province de Santander, ont acquis de l'anchoveta pêchée au large de l'Amérique du sud. - la trop forte variation des prix de l'anchois, avec des fluctuations journalières lorsque les apports sont insuffisants (dans un rapport de 2.5 à 1), d'où l'argumentation de ces conserveurs :"on ne peut pas lutter avec les industriels concurrents s'ils ne

s'approvisionnent pas sur le marché local de l'anchois". Les pêcheurs des cofradias ne l'entendent pas de cette oreille : les 6 et 7 avril 1993

ils ont fait, de Matoshinos au Portugal à Fuenterrabia, la grève de l'anchois. Ils demandent : - un contrôle strict des importations venues des pays tiers. - l'application de trois mesures d'urgence * l'établissement d'un prix plancher pour les anchois (au moins 30 % au-dessus du prix de revient de ce poisson pour les armements) * l'arrêt des importations d'anchois (frais, salé, en conserve ou congelé)

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* l'instauration d'un "label de qualité" pour les anchois pêchés dans le Golfe de Biscaye.

Le problème de l'anchois revêt donc plusieurs facettes : franco-espagnole sur les quantités pêchées, les techniques employées, les saisons de pêche, mais aussi interne à l'Espagne (et par rapport à la CEE) entre les producteurs et les acheteurs.

Un conflit dénoué en 1992 par un compromis mal accepté

Pour essayer de mettre fin provisoirement au conflit franco-espagnol (entre bateaux du Cantabrique et chalutiers pélagiques de l'atlantique) une réunion entre les deux parties a été tenue à la mi-juin 1992 à Arcachon. Le contenu de l'accord appliqué à titre probatoire pour 1992 et 1993 (a été maintenu par la suite) est le suivant : - un arrêt biologique intervient du 1er décembre à la fin janvier et aucun bateau ne prendrait la mer le week-end - les chalutiers pélagiques pourraient pêcher jusqu'au 19 mars, date à partir de laquelle les senneurs seraient seuls à pêcher cette espèce jusqu'au 31 mai. Après cette date les premiers nommés pourraient reprendre leur activité - l'Espagne rétrocède, sur son quota de 27.000 t., 6.000 t. d'anchois à la France à compter du 1er juillet 1992 (pour la seule année 1992 en principe mais cela a perduré depuis) en échange d'un droit à capturer, sur la base de calcul du prix moyen communautaire, 933 t. de merlu et 100 t. de baudroie pour les flottes hauturières de Pasajes et Ondárroa.

Les critiques n'ont pas manqué au Pays basque et le mécontentement était grand des deux côtés de la frontière : en Pays basque d’Espagne sur l'abandon d'un quota de 6.000 tonnes d’anchois, cela confortait la pêcherie des chalutiers pélagiques (“on” a perdu notre seul atout dans la négociation c’est-à-dire le droit à pêcher 90 % du TAC annuel) ; à Hendaye et Saint-Jean-de-Luz le mécontentement provient du fait que le bénéfice des 6.000 t. irait exclusivement aux Bretons et aux Vendéens puisque l'anchois se trouve à partir de l'été au large de leurs côtes ; ils sont persuadés d’avoir été sacrifiés alors que, en d'avril –mai, l’anchois est là tout proche des côtes basque et landaise, c’est aussi à ce moment qu’il atteint son meilleur prix sur le marché voisin et ils ne peuvent pas le capturer Au-delà d'un métier traditionnel très sélectif dans ses pêches et qui respecte le stock des poissons disponibles, c'est le devenir d'un groupe social (avec ses organisations représentatives et sa tradition de solidarité humaine) qui se pose, pour plus de 4 000 pêcheurs de la côte cantabrique.

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Conclusion

Les années 1990 furent une période d’épreuves et de conflits pour les flottilles artisanales des côtes atlantiques française et espagnole, plus particulièrement pour celles qui étaient localisées dans les ports basques, de part et d’autre de la frontière.

En 2001, les pêches de surface du Pays basque d’Espagne ont pu compter sur 176 navires pour la campagne du germon (avec les deux modalités de capture) et sur 90 bolincheurs (senneurs) pour celle de l’anchois. Mais les deux flottilles ne s’additionnent pas : il n’existait en réalité que 187 bateaux engagés dans ces deux campagnes car un grand nombre de navires avaient pêché le germon et l’anchois. Cette flottille a perdu des forces en une décennie mais reste bien présente. Il n’en va pas de même pour les navires pélagiques luziens et hendayais. Après avoir vu leurs captures de poissons blancs diminuer dans le sud du Golfe, ils ont été atteints par l’interdiction de la campagne de printemps pour l’anchois, et leur situation financière en sort très fragilisée : une partie des bateaux a quitté les ports basques, une autre a été vendue et il ne subsistait en 2003 qu’une flottille amoindrie de 18 unités.

Ainsi la réduction des flottilles n’est pas le seul changement intervenu dans les ports de la côte basque française, il s’est accompagné de la rupture de la solidarité professionnelle à cause des conceptions différentes du métier de pêcheur et des engins de pêche utilisés.

La libéralisation de la législation européenne au cours de cette dernière décennie constitue un changement tout aussi important. Quelles en ont été les conséquences pour la flotte hauturière ? Quelles recompositions a-t-elle occasionnées ?

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Chapitre 13 - DES FRONTIÈRES DISPARAISSENT

Certaines fonctions des frontières sont tombées en désuétude et d’autres ont disparu, en particulier celles qui étaient visées par le Traité de Rome prévoyant d’instaurer la libre circulation des hommes, des marchandises et des capitaux.

Dans le cas de l’activité halieutique, autant la CEE s’est montrée tatillonne pour organiser et réglementer les quantités prélevées, les lieux et les efforts de pêche, autant elle a voulu libéraliser la commercialisation de ses productions. Cette évolution politique a coïncidé avec la baisse continue des captures par les ports européens. En conséquence, pour satisfaire les consommateurs et l’industrie transformatrice, la CEE a abaissé les tarifs douaniers et favorisé les importations de produits de la mer extérieurs sur le territoire de la Communauté Européenne. Les producteurs en ont beaucoup souffert comme le montrent les incidents dans les ports bretons et à l’intérieur du marché de gros de Rungis en février 1993.

Dans les paragraphes suivants, les phénomènes d’ensemble de cette libéralisation ne seront pas analysés mais on évoquera ponctuellement l’internationalisation des marchés dans le cadre de notre domaine d’étude. Nous étudierons de même une des conséquences de l’entrée en application de l’Acte Unique dans l’UE en 1993.

I – Les navires dits franco-espagnols Comment se sont formées les sociétés mixtes ? Quels sont les bateaux

concernés et quelle est leur influence sur l’économie des pêches au Pays basque en ce début de XXIe siècle ?

1- Le QM de Bayonne, principal lieu d’accueil de ces navires.

Entre 1986 et 1994, le quartier maritime a connu l’épanouissement de "l’ère du pélagique" avec les débarquements de chalutiers charentais, bretons et vendéens. On arrive à un total de près de 70 chalutiers pélagiques en additionnant les chalutiers locaux et ceux venus de l’extérieur. Cette pêcherie s’est développée grâce aux apports du Pays basque d’Espagne car les marins venaient en majorité de Pasajes, Ondárroa et de Galice ; d’ailleurs, le principal armateur du port de Saint-Jean-de-Luz/Ciboure, H. Pivert déclarait en 1997 au journaliste de France-Eco-Pêche : "Il faut tout de même bien se rendre compte que sans les Espagnols et les Portugais, les 3/4 des chalutiers d’Hendaye et de Saint-Jean-de-Luz seraient stoppés".

Depuis 1988, en instaurant le POP 2, la CEE crée le PME (Permis de Mise en Exploitation, indispensable pour naviguer et accéder à la ressource). Lorsque l’on construit un bateau neuf, il faut obligatoirement détruire une puissance équivalente pour

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obtenir ce PME. Dès lors la puissance détenue par la flottille d’un port ou d’un quartier maritime est très précieuse. Avec les difficultés d’exploitation de leurs navires au début des années 1990, des dizaines d’armateurs des ports atlantiques français vendent leur bateau, leur PME et les quotas qui y sont "attachés."

Avec l’Acte Unique de 1993, un armateur espagnol peut armer un bateau en France (et réciproquement), ou dans un autre pays de l’UE. La France a des bateaux, des PME et des quotas disponibles mais ne détient pas l’importance du marché espagnol ni sa "culture maritime". Dans cette conjoncture, après avoir perdu la moitié de leurs navires hauturiers entre 1986 et 1995, les armateurs d’outre-Bidasoa détenaient de nombreux atouts, les capitaux, les marins, les infrastructures, le désir de continuer l’activité halieutique, le marché, mais il leur manquait sans doute l’essentiel : des droits de pêche suffisants.

En ce début des années 1990, pour ces armateurs espagnols, il s’agit de tirer profit des opportunités qui se présentent, car les bateaux d’occasion sont onéreux en Espagne et il faut se procurer des droits de pêche. La meilleure solution était d’acheter un navire "âgé" (en prévoyant d’y faire de substantielles transformations) car les quotas sont vendus avec l’embarcation, en particulier les quotas de merlu tant recherchés. Ces achats sont effectués en Bretagne, en Vendée, ou en Pays basque de France auprès d’armateurs qui veulent se retirer pour la retraite, ou qui sont en difficulté de gestion,. Souvent les navires gardent le nom précédant le rachat.

Ces armateurs disposent en outre d’équipages qualifiés, ils acquittent des charges sociales moins élevées qu’en France et de façon générale ont des charges d’exploitation plus faibles (réparations, avitaillement, taxes de criée) et les prix de vente sur le marché espagnol sont plus rémunérateurs. De plus, les entités politiques, Etat espagnol et gouvernement les soutiennent au maximum. Ces sociétés mixtes franco-espagnoles peuvent être à l’occasion "basco-basques". Constituées à l’origine, à partir de 1986, par des armateurs d’Ondarroa, ces sociétés mixtes en mal de licences et de droits de pêche étaient anglo-espagnoles et les navires battaient pavillon britannique. Elles existent toujours aujourd’hui et pêchent sur les quotas anglais.

Après quelques modifications, quelles sont les obligations qui s’imposent aux armateurs depuis le 1er janvier 1999 ?

• les sociétés de gestion du navire doivent être inscrites au registre de commerce de la CCI

• le navire appartient à un établissement stable à partir duquel sont effectués le contrôle et la direction du bateau

• un lien économique réel doit exister avec la France Ces navires pêchent le plus souvent à partir de bases avancées situées en Irlande

ou en Ecosse. Ils partent pour deux mois mais leurs captures sont débarquées chaque semaine et leur pêche est rapatriée par camion vers l’Espagne. Ce dernier laisse au passage au Guilvinec, à Lorient, à La Rochelle ou à Saint-Jean-de-Luz des espèces à

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fileter ou des espèces de l’Atlantique Nord mieux vendues en France. Donc le système imposé ne constitue pas du tout une contrainte pour les armateurs, au contraire, il valorise au mieux leur pêche.

Mais ils sont dans l’obligation de respecter le code du travail maritime sur les navires de moins de 100 tjb. où le patron de pêche doit être français tandis qu’un second français lui est adjoint sur les bateaux de plus de 100 tjb ; le capitaine français est le garant d’une certaine continuité territoriale. Toutefois, une jurisprudence de fin 2003 a précisé que les ressortissants communautaires étaient aussi compétents. On en reste là pour l’instant.

Depuis octobre 2003, au moins une fois par an, un contrôle du bateau a lieu dans un port français (auparavant dans un port espagnol). Il porte sur la sécurité du navire mais aussi sur les hommes, le rôle d’équipage et l’activité de pêche, livre de bord, déclaration de captures.

Les marins doivent être affiliés à un régime de sécurité sociale, ENIM (Etablissement National des Invalides de la Marine) ou ISM (Instituto Social de la Marina). Depuis 1974 existe un accord franco-espagnol par lequel les marins espagnols peuvent cotiser à L’ENIM ; mais ils peuvent rester affiliés à l’ISM car les cotisations y sont moindres, en particulier pour les pensions.

En juillet 2000, le nombre de marins embarqués sur l’ensemble des navires appartenant aux sociétés françaises à capitaux mixtes espagnols et français s’élevait à 348 dont 56 marins français et 292 d’origine étrangère (surtout espagnols et secondairement portugais) ; 21 marins espagnols étaient affiliés à l’ENIM. Il est toutefois assez difficile d’apprécier exactement leur nombre parmi les marins actifs immatriculés au QM de Bayonne. D’après les Affaires Maritimes, 776 marins étaient inscrits sur les registres et affiliés à l’ENIM en 2000 ; parmi eux on comptabilisait 546 Français et 230 étrangers. Sur quels navires se trouvaient ces derniers ? Sur les chalutiers pélagiques ? Dans les équipages de la pêche côtière ? Il est difficile de le savoir car le QM de Bayonne gère l’immatriculation et l’affiliation de tous les marins espagnols et portugais naviguant sur des bateaux français.

La flottille dite franco-espagnole est donc formée de navires appartenant à des sociétés mixtes dont l’ensemble des capitaux est d’origine espagnole. Dans le cas présent, ils proviennent surtout du Pays basque d’Espagne, Ondárroa, Pasajes, mais aussi de Cantabrie et de Galice. D’après la législation européenne, ce sont des navires français et comptés en tant que tels dans les statistiques nationales.

Les représentations cartographiques de l’activité halieutique du littoral atlantique par quartier maritime, nombre de bateaux, puissance cumulée des navires, nombre de marins, sont toutes faussées pour le quartier maritime de Bayonne, et à un degré moindre pour celui de la Rochelle.

Le nombre de bateaux fluctue d’une année à l’autre au rythme des achats, des sorties de flotte et des gros travaux qui immobilisent les navires. En 1999, 44 navires

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étaient immatriculés dans le QMB, 41 unités en 2000, 42 en 2003 (selon l’activité enregistrée par le CTRS de La Rochelle) et 39 d’après la DDAM en avril 2004. A la fin de l’année 2000 par exemple, ils représentaient une puissance de 18 000 kW (environ 44 % de la puissance du QMB) et près de la moitié des chalutiers du quartier.

Figure 92 : Flottille des navires de 12 m et plus immatriculés dans le QMB

Fin 2005, ces navires représentaient plus de 60 % de la puissance et 80 % de la

jauge. Les données du QMB sont donc bien plus modestes (jauge, taille, puissance des navires) si l’on retire la part des chalutiers et fileyeurs franco-espagnols car la flottille purement locale décroît. Pour plus de rigueur et de vérité, il faudrait affecter majoritairement ces chiffres au Pays basque d’Espagne.

Une comparaison effectuée sur les données 2004 montre que les flottilles artisanale et hauturière de pêche fraîche du Pays basque d’Espagne ont une puissance en kW deux fois supérieure à celle de QM de Bayonne, mais en tenant compte du phénomène décrit ci-dessus, le rapport est réellement de cinq à un.

Ces navires des sociétés mixtes, de droit européen, ne sont pas considérés comme sortis de flotte en modifiant leur statut et ils restent dans le quartier maritime de Bayonne. Pour que les autres armateurs du Quartier puissent construire des bateaux neufs, il faut qu’ils désarment et envoient à la casse des navires âgés.

Cette flottille qui ne fréquente que très peu les ports français est donc bien présente dans les statistiques et joue un rôle important dans les OP.

Source : IMA et CLPM Septembre 2000

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283

Figure 93 : Indicateurs d’évolution des flottilles

Source : Atlas permanent de la mer et du littoral, n°5, 2000, p.29 CNRS-Géolittomer, Nantes

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284

2 - Quelles sont les incidences pour les OP ?

Sur la côte basque, les OP étaient assez réservées et réticentes pour accepter

l’adhésion de ces navires, aussi l’armement PRONAVAL (12 bateaux en 2006) a adhéré à l’OP FROM Sud ouest en 1995. Progressivement, l’OP Bascopêche a accepté les premiers à partir de 1997; en 1999, il y en avait 6 sur 48 adhérents. L’OP Capsud (Coopérative des Artisans Pêcheurs du Sud) résultant de la fusion des OP de Saint-Jean-de-Luz et de Hendaye en 2000, comptait 88 bateaux adhérents dont 19 franco-espagnols en mai 2006.

L’OP a trois fonctions principales : elle garantit un prix minimum par espèce, et donc intervient pour le prix de retrait, elle gère les droits de pêche, en particulier les permis spéciaux liés à l’exploitation d’une espèce ou d’une zone et elle gère aussi les quotas. Ainsi la candidature d’un bateau voulant entrer dans l’OP n’est validée que s’il apporte des quotas.

L’intégration de ces navires qui pêchent à l’ouest de l’Irlande et de l’Ecosse procure des espèces différentes de celles pêchées par la flotte côtière. Cela permet à l’OP d’acquérir des "droits de capture" puisqu’ils sont calculés sur la base des années 2001, 2002 et 2003 et attribués à l’OP au 1er janvier de l’année qui suit l’adhésion du navire. Ils permettent aux navires de l’OP de pêcher à hauteur de leurs quotas ou

Figure 94: Les flottes de pêche dans les quartiers maritimes au 1er janvier 2000

source : Atlas permanent de la mer et du littoral, n°5, 2000, p.26 CNRS-Géolittomer, Nantes, LETG UMR 6554

Page 285: THESE Serge Laborde corrigée mars 2007

285

"d’échanger" ceux-ci avec d’autres OP du littoral atlantique pour combler certains manques.

Le montant du chiffre d’affaires cumulé des ventes des navires adhérents à l’OP Capsud est environ le double de celui de la criée du port de Saint-Jean-de-Luz/Ciboure. En 2004, l’OP avait un chiffre d’affaires de 30,66 millions d’Euros (ventes en criées des adhérents) pour un total de 10 891 t. alors que la criée de Ciboure réalisait un C.A. de 14,3 millions d’Euros pour 6851 t. vendues et gérées par la criée. Cette différence s’explique par la vente des captures des navires franco-espagnols dans les ports ibériques. En 2004, près de 85 % des ventes (en valeur) de l’OP Capsud ont été réalisées dans quatre criées dont trois espagnoles. Les valeurs des ventes en 2004 dans celles-ci sont les suivantes : Pasajes (8,4 millions d’€, les principales espèces vendues sont le merlu, la baudroie, le bar), La Coruña (2,6 millions d’€, merlu, baudroie) et Pontevedra (1,7 million d’€, baudroie, merlu, langoustine). Les ventes réalisées en Espagne par les navires des sociétés mixtes ne sont pas les seules il faut y ajouter celles des chalutiers du port de Saint-Jean-de-Luz qui obtiennent de l’autre côté de la frontière, à Pasajes, une meilleure valorisation de leur pêche pour certaines espèces comme les bars, encornets, baudroies et merlus.

3- Peut-on avoir une idée globale des apports des navires franco-

-espagnols ? Ils peuvent être évalués grâce au CRTS de La Rochelle. Il sera beaucoup plus

difficile d’obtenir des données à l’avenir car cet organisme n’existe plus depuis deux ans. Le total des captures s’élève à 11 201 t. pour 2002 et 9528 t. pour l’année 2003. Cependant les données des ventes (poids et valeur par espèce et port) demeurent très incomplètes, seule la moitié de celles-ci peut être attribuée. Les données conviennent pour les ports atlantiques français mais la part des ports espagnols est très minorée. Les données ci-après concernent les captures de l’année 2002. Figure 95 : La répartition des captures des navires franco-espagnols en 2002 (poids)

sikis3%

églefins2%

autres16%

lingues2%

merlans2%

cardines7%

baudroies20%

merlus48% Source : CRTS La Rochelle

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286

Conclusion La criée et l’OP du port de Saint-Jean-de-Luz/Ciboure ont bénéficié de la

proximité et des besoins du marché espagnol. Mais depuis près d’une vingtaine d’années il y a eu des changements notables et, parmi ceux-ci, le plus important sans doute, la concurrence croissante entre les acteurs de la filière. Avec la raréfaction de la ressource, la diminution des navires et les quotas de pêche, les armements et les cofradías du Pays basque d’Espagne se sont adaptés à la nouvelle conjoncture, achetant des navires pour les uns et attirant les débarquements pour les autres. Dans cette redistribution et cette reconfiguration le QM de Bayonne apparaît en déclin et la situation du port de Saint-Jean-de-Luz/Ciboure, fragilisée. Quelles sont les dynamiques commerciales des deux ports les plus attractifs du littoral cantabrique ?

II- Des dynamiques différentes.

Il y a une vingtaine d’années, les ports cantabriques avaient des flottilles bien plus nombreuses et des débarquements plus conséquents .

Une partie de leur stratégie actuelle consiste à attirer les débarquements qui se font dans les provinces voisines du littoral cantabrique. Elle est complétée par l’attraction des navires des ports français.

1- Le port d’Ondárroa : quelles stratégies pour ses acteurs ?

La criée de la pêche artisanale (Cofradía de Santa Clara)

Elle ne peut se satisfaire uniquement des apports effectués par les bateaux artisans basés au port : 19 en 1997 mais 7 seulement au printemps 2006. Pourtant entre 1990 et 2002, les débarquements ont oscillé entre 15 et 21 000 t. par an. Ci-après le graphique donne la répartition par origine géographique et administrative des navires au cours de l’année où la mise à quai a été maximale (21 392 t. en 1997). Figure 96 : Les débarquements à la criée artisanale d’ Ondárroa en 1997 (poids)

Source : Cofradía de Ondárroa

Orio14%

Lequeitio5%

Cantabrie42%

autres20%

Ondárroa19%

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287

Depuis 2002 les apports débarqués sont redescendus à 10-12 000 t. par an, des ordres de grandeur comparables à ceux de la décennie 1980-1989. Ce port reste, avec Bermeo, l’un des deux grands ports de Biscaye quitte à jouer de sa dynamique commerciale pour se nourrir des apports des autres flottilles. C’est encore plus sensible depuis quelques années, la criée vit des apports extérieurs (84 à 88 % des débarquements entre 2001 et 2005). Le port lui-même ne contribue que pour 15 % environ. Pour l’année 2005, en valeur, 34.5 % sont débarqués par des navires de la province voisine de Cantabrie (Colindres, Santoña,, Laredo et Santander), 26.1 % par des Galiciens, 10 % par d’autres bateaux biscayens et 10.8 % par des navires d’Orio ; (des apports limités au germon lorsque le marché de Guetaria est saturé ou indisponible au moment des fêtes patronales).

La dynamique de ce marché, son attractivité, proviennent du nombre d’acheteurs réguliers (80 en moyenne sur l’année) incluant la trentaine de mareyeurs, les détaillants et les acheteurs pour les conserveries (au nombre de douze dans la ville ou dans un rayon de 5 km).

Souvent qualifié de port "industriel", Ondárroa s’est spécialisé dans le poisson bleu. Plus de 90 % des ventes de 2005 en criée concernent l’anchois, le germon, le chinchard, la sardine, le maquereau, autant d’espèces susceptibles d’alimenter les usines locales et régionales. Ce n’est pas la seule raison de l’attractivité du marché d’Ondárroa.

Une criée hauturière privée

Dans un précédent chapitre (5, p.118) les apports de la flotte hauturière ont été

évoqués avec les débarquements annuels, de l’ordre de 20 000 t. depuis une décennie, pour lesquels l’OPPAO ne donne pas la ventilation par espèce.

Pour vendre dans le cadre de la criée privée, il existe un double verrouillage : pour être acheteur il faut appartenir à l’Association des mareyeurs du port (31 en tout) et pour vendre il y a obligation de faire partie de l’OP de pêche hauturière (60 navires dont 55 chalutiers et palangriers hauturiers, parmi lesquels 13 appartiennent à des sociétés mixtes). Entre 2002 et 2005, PRONAVAL, la société de gestion d’une douzaine de navires franco-espagnols ayant son siège à Hendaye, a procuré annuellement entre 1300 et 2000 t. de ventes en criée pour une valeur de 5 à 6 Millions d’Euros.

Par ailleurs les données sont partielles et aucune statistique officielle locale ou nationale ne vient préciser la répartition par espèces dans la commercialisation de cette criée. Le CRTS de La Rochelle a collecté et validé une partie des données seulement puisque pour les 11 201 t. capturées par les franco-espagnols au cours de l’année 2002, seules 6083 t. (54 %) ont un port de débarquement et une valeur déclarée (21,093 millions d’€). On peut raisonnablement estimer que les débarquements sont bien décomptés pour les ports français de Douarnenez à Saint-Jean-de-Luz, ce qui n’est pas

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288

le cas pour les ports espagnols (en particulier ceux de Galice et Santander) dont les pourcentages sont très largement minorés.

Figure 97 Les lieux de vente des navires franco-espagnols en 2002 (poids)

Figure 98 Les principales espèces vendues par ces navires en 2002 (valeur)

Ondárroa est le premier bénéficiaire des ventes de ces navires franco-espagnols : 1 902 t. pour 8,3 millions d’€. Même si ces dernières données doivent être admises avec les plus grandes précautions, l’évidence est là : ces navires compensent l’insuffisance des quotas et droits de pêche des chalutiers du port puisqu’ils apportent merlus, baudroies et cardines.

celeiro0% La Rochelle

17%

Lorient2%

Ondarroa32%

Pasajes26%

Santander0%

Saint Jean de Luz22%

Vigo0%

Douarnenez1%

cardines10%

merlus33%

baudroies29%

calmars2%

divers raies1%

encornets2%

germon5%

merlans1%

sikis2%

soles communes2%

saint pierre1%

autres12%

Source : CRTS de La Rochelle

Source : CRTS de La Rochelle

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289

La dynamique du port est telle qu’il ne s’affiche pas pour ce qu’il est réellement : le deuxième port de pêche fraîche d’Espagne continentale en 200293 (loin derrière Vigo toutefois) avec 35.270 t. débarquées et vendues pour une valeur de 68,16 millions d’€.

2- Pasajes

Grand port de pêche déchu (100.000 t. il y a 35 ans), Pasajes pratique une autre stratégie commerciale. Il cherche à attirer les débarquements des chalutiers des ports atlantiques français au point d’avoir été surnommé au cours de la décennie écoulée le port des français. Les débarquements de poissons à la criée de la Cofradia de Pasajes de San Pedro s'étaient stabilisées entre 2 et 3.000 t. au cours des années 1982-1987. L'année 1989 a marqué la venue du premier bateau français, et, à partir d'octobre 1990, on en dénombrait une trentaine venant régulièrement décharger leurs prises (Rochelais et Arcachonnais principalement) : leur présence était beaucoup plus marquée entre septembre et avril que pendant les mois d'été. Depuis 1989 en fait, cette cofradía est devenue atypique pour le littoral cantabrique car elle accueille en majorité des navires hauturiers qui font l’essentiel de ses ventes. La pêche totale vendue en criée atteignait les 4.000 t. en 1990 et dépassait les 5.000 t. en 1992. Les apports français (ou réalisés par des armements sous juridiction française) contribuaient pour 35% au tonnage vendu dans la criée artisanale. Cela a permis de diversifier les espèces vendues sur le port.

Figure 99 Les débarquements à la Cofradía de Pasajes de 1982 à 2005 (poids)

93 Sources : cofradía d’Ondárroa pour la pêche artisanale et le département Ports et Affaires Maritimes de la Communauté Autonome du Pays basque (Vitoria).

0

2000

4000

6000

8000

10000

12000

1982198

41986

198819

901992

19941996

19982000

20022004

années

tonnage

poissons blancs

autres

calamar

sepia

sole

baudroie

merlu

sardines

chinchards

tacaud

maquereaux

anchois

thon rouge

germon

Source : Cofradía de Pasajes

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290

Dans la criée, implantée dans un port d'Etat, il n'y a pas de barrière physique entre la criée artisanale et la criée industrielle, les bâtiments sont en continuité sans séparation à l'intérieur de la halle à marée. La criée industrielle vendait 4 à 5.000 t./an. Celle-ci a vendu en 1991, 4 041 t. constituées aux 2/3 par les différentes catégories de merlus et merluchons (7 tailles) ; pour le reste, chaque espèce (cardine, chinchard, tacaud baudroie) totalise 4 ou 5 % et 2 % pour le lieu jaune. Ces apports ont été encore plus diversifiés avec la venue de 5 ou 6 paires de chalutiers pélagiques de La Rochelle en décembre 1991 et janvier 1992 ; les apports se vendent régulièrement à la criée industrielle alors que ces bateaux sont interdits de vente sur toute la côte nord de l'Espagne. Pour la commercialisation des navires français on a eu recours à la création d'une société, par deux mareyeurs associés de Pasajes, la "Fishing Companys" qui ne travaille qu'avec des chalutiers pélagiques français (une dizaine de paires à l’époque) débarquant à Pasajes ou, fait nouveau, expédiant leur pêche par camion. Ont été concernés en 1992 les ports de La Rochelle, Etel, Lorient, Douarnenez, Le Guilvinec, Concarneau et St Guénolé. En 1992, il y a eu ainsi 1 200 tonnes commercialisées ; la faiblesse des taxes portuaires, 3,5 %, et des contributions diverses, 0,5 % pour les caisses de bois, font l'attractivité du port. Avec sa double activité, Pasajes devient le deuxième port basque devançant Bermeo en 1991-1992 sans avoir épuisé encore toutes ses idées pour capter la commercialisation des pêches atlantiques.

En 1996, sur 9 157 t., les bateaux français et "franco-espagnols" avaient une débarque correspondant à 42,2 % du chiffre d’affaires réalisé par la cofradía soit 8,29 millions d’€ sur 19,71 millions ; les navires de la côte cantabrique, Pays basque d’Espagne compris, et de Galice (bolincheurs), 31 %, les bateaux de la flotte de bajura locale ne comptant que pour 12,6 % des ventes de criée. En définitive, la cofradia

accueille les chalutiers classiques et des fileyeurs alors que la criée industrielle reçoit les autres navires, en particulier les chalutiers pélagiques.

Prenons l’exemple de l’année 2004 (Figure 100) : 8 940 tonnes ont été débarquées à la criée de la cofradía pour une valeur de 29,77 Millions d’Euros. Les navires de la pêche artisanale ont débarqué pour 7,6 millions d’Euros soit 25.5 % du total, dont à peine 1,27 million pour la petite pêche de Pasajes alors que les navires hauturiers ont apporté près de 75 % de la valeur. Cette criée accueille les débarquements d’une dizaine de navires français (pour l’essentiel des luziens, des hendayais et un rochelais). La diminution du nombre des navires français débarquant ici est à mettre en relation avec la crise qui touche certains ports du littoral atlantique, par exemple la forte diminution des petits chalutiers classiques de La Rochelle qui ne sont plus que trois, alors qu’ils étaient une dizaine en 1996 à vendre ici tout ou partie de leurs captures.

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Figure 100 Les débarquements à la criée artisanale de Pasajes en 2004 (valeur)

Source : Cofradía de Pasajes

La compensation est réalisée par les navires appartenant à des armateurs du port ayant investi dans des sociétés mixtes (navires franco-espagnols) soit en 2006, dix fileyeurs de 23 à 34 m. de long issus des quartiers maritimes de Bayonne, Concarneau et Lorient. Certaines acquisitions ont été réalisées en 2003 et 2004, une autre doit se concrétiser en janvier 2007 et concerne un chalutier luzien. Ils figurent sur le graphique sous la dénomination "fileyeurs franco-espagnols" alors que la catégorie appelée "autres navires hauturiers" regroupe des navires de Santander et des bateaux franco-espagnols qui débarquent aussi dans d’autres ports. Ces fileyeurs pêchent de janvier à mars dans le golfe de Gascogne (autrefois jusqu’en juin), et à partir d’avril, en mer d’Irlande avec débarquement dans des bases avancées du Sud-Ouest de l’Irlande ; du poisson est laissé à Saint-Gilles-Croix-de-Vie au passage des camions où il est mieux vendu (julienne, lingue, cabillaud, saint-pierre). Le reste, c’est à dire à 90% du merlu, est acheminé vers la cofradía de Pasajes. Cette espèce est très prisé par les consommateurs régionaux : 1 800 tonnes débarquées en 1999, 3 450 tonnes en 2004, notamment grâce aux fileyeurs (Figure 99). Ces dernières années, les apports des navires français en criée sont supérieurs à ceux des navires espagnols et contribuent à la grande variété des espèces offertes en criée. Dans le même temps les bateaux de la pêche artisanale déclinent de façon irrémédiable : seuls subsistaient 11 navires de pêche côtière au début 2006. Conclusion Après avoir vu un port de Pasajes très encombré par ses navires de pêche industrielle il y a près de quarante ans, on découvre aujourd’hui un port vide qui, utilisant d’autres stratégies, s’est adapté à la disparition des frontières économiques par sa dynamique commerciale. Mais tous les efforts consentis, y compris ceux d’Ondárroa,

autres navires hauturiers

28%

aut res cofradías

21%

fileyeursfranco-espagnols

31%

navires hauturiers français

16%

navires de la cofradía de Pasajes

4%

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292

ne suffisent pas à satisfaire les besoins du marché et d’autres concurrents, redoutables et inattendus, ont su profiter de l’ouverture des frontières.

III – L’aéroport de Vitoria, deuxième port du Pays basque ?

Vitoria (Gasteiz en basque) est la capitale de la province d’Alava et celle de la Communauté Autonome du Pays basque. Elle est située à une soixantaine de kilomètres de la mer. L’aéroport de Vitoria constitue depuis quelques années un lieu d’entrée important de poissons frais dans le nord de l’Espagne. Désormais, c’est le troisième aéroport de fret d’Espagne et,pour le poisson, le second de la partie péninsulaire du pays après Madrid. Au début des années 2000 le volume de poisson frais importé par avion était de 46 000 t. en Espagne. Madrid présente des tarifs plus attractifs car il est mieux placé par rapport à l’Outre-Mer en raison du grand nombre de vols commerciaux depuis la capitale. La progression du fret à Vitoria est récente, ce choix a été fait en 1994 et la figure 101 montre sa progression spectaculaire en une décennie : il est situé à l’écart de l’agglomération, proche des embranchements autoroutiers, il bénéficie de beaucoup de place pour tracer les longues pistes nécessaires à ce trafic, DHL et autres sociétés de messageries rapides s’y sont installées alors que le trafic passager reste modeste. Donc le trafic de produits périssables se situe autour de 15 000 t. à Vitoria, deux fois moins qu’à Madrid, mais sur ce sujet, il n’y a pas de communication publique de la part de la Chambre de Commerce de la Province d’Alava, les chiffres faisant partie du "secret commercial". Bien qu’il n’ait pas été possible d’obtenir des données pour mettre à jour celles qui avaient collectées il y a quelques années, le schéma d’ensemble reste valable Sur les entrées de 1996, 13 955 tonnes sont constituées par des produits périssables (exclusivement du poisson frais). Les services du fret de l’aéroport estiment que 90 % est constitué par du merlu d’Afrique du Sud, le reste étant réparti à parts égales entre la perche du Nil d’Ouganda et le merlu du Chili et d’Argentine. Sur ce terminal de fret, une seule entreprise travaille le poisson de façon importante. Il s’agit de l’entreprise DECOEXSA, société anonyme d’Irun installée depuis 1995 possédant des entrepôts frigorifiques de près de 4000 m², qui, outre son activité d’acheminement de poisson frais, travaille depuis peu le homard du Canada. Les informations recueillies sur le fonctionnement de ce système sont les suivantes : - les importateurs de Madrid, de Galice, de Saragosse (pas plus de 10 % de l’activité pour le Pays basque d’Espagne) passent des commandes, discutent des prix avec les exportateurs des pays d’origine et effectuent des opérations de dédouanement sur place (taxe de 0,8 pesetas/kg en 1996 soit environ 3 centimes de franc).

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293

Figure 101 : Evolution du volume de fret (tous produits confondus) de l’aéroport de Vitoria entre 1992 et 2003.

Source : Chambre de Commerce et d’Industrie de Alava.

Ces importations portent presque exclusivement sur le merlu de l’Atlantique Sud

(présenté en filet), qui, après quelques heures d’avion arrivent à des prix très concurrentiels (3 $/kg, transports inclus) ; - certains importateurs contrôlent toute la filière. Ils possèdent des bateaux dans ces pays de l’hémisphère sud (par exemple des navires d’entreprises mixtes), fonctionnent comme des exportateurs/importateurs, expédient et réceptionnent à Vitoria. Ils peuvent soit laisser la marchandise dans les entrepôts frigorifiques (température de 0°C), soit en faire la réception directe à l’avion pour l’acheminer vers leurs clients ; - les GMS ne fonctionnaient pas dans le système, sinon en achetant à ces importateurs pour leur distribution ; - en février 1998, l’entreprise DECOEXSA indiquait les lignes commerciales suivantes : deux vols par semaine en provenance d’Afrique du Sud (avion de type « Jumbo » pouvant transporter 100 tonnes de fret par voyage), un vol par semaine de Namibie (avion plus petit) et un vol par semaine du Chili ou d’Argentine.

Sur le Pays basque d’Espagne, on pouvait estimer que les importations de produits de la mer représentaient en 1996 près de 44 000 tonnes dont 35 200 tonnes environ de poisson frais. Il est évident que cela a constitué un formidable « appel » pour les bateaux de la côte atlantique française : pour venir débarquer leurs captures dans les ports, pour vendre leurs navires d’occasion à des armateurs à la recherche d’une nouvelle stratégie. Les importations par le biais de cet aéroport montrent l’internationalisation du marché des produits de la mer. Certes ce n’est pas un phénomène nouveau, les pêcheurs bretons, par exemple, avaient été confrontés brutalement à une baisse des prix en 1993 à cause de l’ouverture plus grande des frontières douanières communautaires avec les

0

5000

10000

15000

20000

25000

30000

35000

40000

45000

1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003années

tonnage

frêt aérien dont produits périssables

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294

pays tiers. La nouveauté réside dans l’importation massive de merlu à bas prix sur un seul point d’arrivée, un aéroport. Les producteurs et les armateurs dénoncent cette concurrence déloyale et le manque de protection douanière de la part de l’Union Européenne.

Page 295: THESE Serge Laborde corrigée mars 2007

295

CONCLUSION DE LA TROISIÈME PARTIE Depuis les années mille neuf cent soixante dix quelques phénomènes majeurs ont

affecté les pêches maritimes dans le golfe de Gascogne et dans l’Atlantique du Nord-Est. Parmi les plus importants il est possible de distinguer deux ensembles.

Le premier est celui des limites qui s’imposent et des frontières qui se dressent. La gestion communautaire des zones économiques exclusives sur les côtes

atlantiques a donné lieu à des réajustements de flottilles qui ont pénalisé les plus importantes d’entre elles (l’Espagne en particulier). La CEE s’est aussi appliquée à mettre en place une PCP en fixant des quotas par zones pour la plupart des espèces. Cet ensemble de contraintes a généré des tensions entre Etats, reflets des conflits d’intérêts entre segments de flottilles. La baisse de la ressource halieutique a entraîné la limitation de l’effort de pêche et, en conséquence, la réduction des flottes hauturières. Les flottes artisanales du sud du Golfe ont été confrontées à des usages d’engins de pêche autorisés à partir des ports français et prohibés dans les ports espagnols de la côte cantabrique et galicienne. Des conflits violents en ont résulté, entraînant des conflits à l’intérieur des ports, créant des solidarités nouvelles (et des inimitiés) entre flottilles de pays différents. La diminution des flottes de pêche s’est accompagnée d’une recomposition de celles-ci.

Le deuxième se traduit par un approfondissement des politiques européennes et une plus forte intégration économique des Etats.

La législation européenne a donné une base juridique solide aux sociétés mixtes. Certains protagonistes y ont trouvé leur compte : les armateurs espagnols se sont procurés des navires d’occasion, avec droits de pêche et quotas, auprès d’armateurs français qui ont profité d’une cote élevée à la vente au moment de leur retraite ou ont soldé ainsi leur gestion déficitaire. Aussi les notions de port de base, de lieu de vente se sont transformés, ont évolué et perdu partiellement leur signification. Le navire hauturier quitte le port pour plusieurs semaines, la pêche est rapatriée par camion depuis les bases avancées et vendue sur le trajet ouest de la France- nord de l’Espagne aux criées les plus offrantes. Un signe inquiétant toutefois pour le présent et le futur de ces navires, ils restent moins de temps dans le Golfe au cours de l’année et se rendent de plus en plus longtemps au large des Iles Britanniques pour que leur gestion soit rentable,.coût du combustible, disponibilité des équipages.

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296

CONCLUSION GÉNÉRALE

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297

La crise des pêcheries maritimes basques a entraîné la recomposition des systèmes halieutiques (figure 102)

A la fin de ce long cheminement dans les ports de pêche artisanale et hauturière de la Côte basque, quelles réponses apporter aux questions initialement posées ?

Comme d’autres ensembles halieutiques du littoral atlantique européen, les pêches maritimes basques sont en crise. L’ensemble halieutique basque était constitué de multiples segments de flottilles : au cours de la période récente, certains se sont repliés mais essaient de poursuivre leur activité malgré les difficultés, d’autres se sont effondrés et enfin les derniers se sont adaptés en se transformant et en se recomposant.

La diversité portuaire a été façonnée par l’histoire de ses acteurs. L’Histoire comme champ et moyen d’investigation explique le système halieutique artisan mis en place au XIXe et au cours d’une partie du XXe siècle. C’est le système le plus cohérent, celui qui a le mieux résisté au temps et aux changements : les producteurs se livrent à la capture des poissons pélagiques avec des lignes et des arts traînants, la pêche régie par les cofradías agissant comme des organismes régulateurs, alimente une industrie de transformation toujours présente. Le passé revu à la lumière des faits actuels, a apporté des éclaircissements sur ce système qui souffre mais perdure grâce à ses solidarités professionnelles et économiques en Pays basque d’Espagne. Sur la côte basque française, le système précédemment évoqué, largement valable il y a quatre décennies pour le port de Saint-Jean-de-Luz/Ciboure, ne l’est plus de nos jours, car il a perdu certains de ses maillons : canneurs-bolincheurs et conserveries ont disparu, la solidarité intra portuaire a fait place aux dissensions entre producteurs et acheteurs et à des antagonismes entre métiers. Le port semble aujourd’hui très vulnérable, en équilibre instable, à la merci d’une évolution de la législation, de l’industrie de transformation du pays voisin et des débarquements des chalutiers qui assurent les 2/3 des ventes en criée.

Le système halieutique lié à la grande pêche et à la pêche hauturière industrielle

s’est développé seulement à partir du Pays basque d’Espagne. Il a bénéficié de moyens financiers dégagés par l’accumulation capitaliste dans une région façonnée par la révolution industrielle et technique depuis le dernier quart du XIXe siècle. Pasajes a retrouvé le goût de l’aventure des siècles passés en développant la pêche morutière à laquelle ses armateurs ont apporté les capitaux appropriés. Ce cycle se termine de nos jours, il ne reste plus que deux morutiers basés au port et deux morutiers basques basés en Galice. Cette disparition souligne la plus grande faiblesse de l’Espagne halieutique : plus de 70 % de ses captures proviennent de zones extérieures à ses possessions maritimes territoriales. Elle doit donc négocier pour accéder à la ressource car la propriété des eaux proches des continents a été remise en cause par la création des ZEE. Celle-ci a eu des répercussions négatives sur le nombre de navires hauturiers galiciens

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et basques pêchant dans les eaux communautaires. L’érosion des flottilles espagnoles de pêche est aussi conditionnée par le carcan réglementaire imposé par la CEE consécutif à la baisse de la ressource. Les adaptations techniques et géographiques successives des flottilles n’ont pu empêcher leur déclin.

Figure 102 : Les mutations des flottilles basques et des lieux de commercialisation

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Le système hauturier artisan développé à partir des ports de la Côte basque française depuis 1977 n’était pas original sur le littoral atlantique français, il était fondé, comme ailleurs, sur l’utilisation des chalutiers pélagiques. Ce système a connu son apogée au début des années 1990 avec des revenus élevés obtenus en criée par l’exploitation de pêcheries de poissons blancs. La diminution de ces ressources, très certainement surexploitées dans le golfe de Gascogne, a déplacé leur activité vers d’autres espèces cibles : les poissons pélagiques. De là, des affrontements intra portuaires mais aussi des conflits avec les ports espagnols cantabriques. Aujourd’hui, l’inimitié s’est maintenue alors qu’il ne reste plus qu’une dizaine d’unités après les ventes et les retraits de flotte. A très brève échéance, avec la retraite envisagée du dernier armateur luzien de ces navires, il n’en restera plus aucun au port de Saint-Jean-de-Luz. Ce cycle de vingt cinq années, porteur d’espoir et de division, aura vécu. Alors seuls quelques rares chalutiers se maintiendront à Hendaye.

Au cours de la quinzaine d’années écoulées, le changement majeur dans les QM

de Bayonne et de La Rochelle a été l’implantation de navires appartenant à des sociétés mixtes qui débarquent majoritairement leurs captures en Espagne. A plusieurs reprises depuis les années quatre-vingt, les armateurs hauturiers espagnols se sont adaptés aux nouvelles réglementations. Dans un ouvrage récent dont elle a assuré la direction, A.Ciattoni (2005) précise la notion de résilience94. Ce terme, utilisé à l’origine en Physique, est passé dans les Sciences Sociales (Timmerman, 1981), "la résilience mesure la capacité de tout ou partie du système à absorber et à se relever de l’occurrence d’un aléa". Dans les conditions spécifiées par l’auteur, la résilience est un facteur de "durabilité". Enfin, ce terme a été utilisé en Géographie (Aschan-Leygonie, 1998) : pour elle, l’application de la résilience à un système spatial est défini de la façon suivante

"un système résilient est donc un système qui ne change pas sa structure qualitative

lorsqu’il est confronté à un élément perturbateur, mais qui l’intègre, voire même

utilise la perturbation pour son fonctionnement".

Elle admet aussi que les systèmes sont rarement en équilibre et que, pour autant, ils ne s’effondrent pas. Cela semble parfaitement caractériser la situation des pêches maritimes basques d’Espagne, en particulier celle de son système hauturier. Cette résilience s’exerce d’autant mieux dans les pêches maritimes basques qu’elles reçoivent l’appui des autorités de la Communauté Autonome du Pays basque (CAPV) dont la direction est assurée depuis sa création par le Parti Nationaliste Basque (PNV). En

94 La Géographie : pourquoi ? comment ?(p.77) La résilience est un terme de l’écologie scientifique théorisé en 1973 par C.S.HOLLING pour mesurer la capacité d’un écosystème à maintenir son intégrité : "La résilience est la capacité d’absorber un choc tout en maintenant ses fonctions. Quand des changements se produisent, la résilience permet aux composantes du système de se renouveler et de se réorganiser."

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complément des aides financières de l’Union Européenne, cette Communauté Autonome n’a pas ménagé son soutien : au cours de la période 1990-2001 les aides financières qu’elle a apportées aux flottilles de pêche et à leurs armateurs totalisent 138,6 Millions d’Euros. Pour le PNV, l’identité maritime des territoires côtiers fait partie de "l’identité basque" et, à ce titre, leur promotion fait partie de son programme politique. D’ailleurs les cofradías et les organisations de producteurs sont favorables à une représentation directe de leurs intérêts auprès des autorités de Bruxelles, par le biais du gouvernement de la CAPV qui interviendrait lors des négociations sur la pêche au sein de la délégation espagnole (à sa place ?). Cette résilience n’a pas seulement des fondements économiques et culturels, ils sont aussi géopolitiques. Les perspectives de la recherche

Au terme de ce travail quelques études complémentaires et pistes

d’approfondissement se dégagent afin de mieux comprendre le maintien des pêches maritimes en Pays basque d’Espagne. La première perspective, conséquence logique de qui a été écrit précédemment, concerne les capitaux. Quelle est leur importance ? De quelles façons sont-ils mobilisés pour diminuer la part du risque inhérent à l’activité halieutique ? Pour les navires franco-espagnols de PRONAVAL, par un système de quirats, il y a deux ou trois propriétaires par navire, tous issus du monde de la pêche. Cette approche est-elle généralisable ? La réponse à ces questions, l’importance des capitaux disponibles ne sont pas sans conséquence sur le devenir des chalutiers atlantiques français. La deuxième perspective, associée à la première, concerne les navires thoniers-seneurs-congélateurs de Bermeo. Hors de notre champ de recherche, ce segment de flottille reste éminemment rentable. L’information disponible est rare ; sur place, on admet facilement que les meilleurs patrons de la pêche artisanale de Bermeo sont devenus les capitaines de ces navires industriels opérant dans les eaux tropicales, mais par contre, on ne vous parle pas de la rétroaction de cette activité. Est-ce que les gains de cette pêche thonière sont réinvestis dans le lieu d’origine ? Les retrouve-t-on dans la pêche artisanale du port ou sous d’autres formes, et lesquelles ? La troisième perspective concerne les marins, les équipages de la flotte hauturière et de grande pêche. Contrairement à la flotte artisanale, il y a très peu de données quantitatives et qualitatives sur les équipages de ces flottilles. Existe t-il localement assez de marins capables de quitter leur domicile pendant des semaines et des mois, mettant ainsi entre parenthèse leur vie familiale et sociale ? En d’autres termes, les salaires obtenus en compensation de cette absence sont-ils assez rémunérateurs ? Quelques petits éléments de réponse, épars, apparaissent : depuis des années, pour constituer des équipages hauturiers pêchant dans les eaux communautaires, on a eu

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recours à de nombreux matelots galiciens et portugais tandis que, depuis peu, des marins subsahariens ont rejoint les chalutiers d’Ondárroa.

Enfin, de façon plus générale, c’est l’avenir des pêches basques qui doit être

analysé et repensé dans son contexte atlantique, aux limites duquel figurent les deux pôles halieutiques majeurs que sont la Galice et la Bretagne. Un avenir qui doit prendre en compte la pérennisation de l’activité dans une perspective de développement durable et de gestion responsable.

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Page 315: THESE Serge Laborde corrigée mars 2007

315

ANNEXE

Carte CIEM : les divisions de l’Atlantique du NE

Page 316: THESE Serge Laborde corrigée mars 2007

316

TABLE DES FIGURES

Figure 1- Localisation........................................................................................................................... p. 11

Figure 2- Les composantes du système halieutique............................................................................... p.15

Figure 3- Représentations du système halieutique ................................................................................ p.16

Figure 4- Bathymétrie du Golfe de Gascogne ....................................................................................... p.38

Figure 5- Schéma géomorphologique du Golfe de Gascogne ............................................................... p.39

Figure 6- Tableau : flotte de pêche classée par Communauté Autonome ............................................. p.56

Figure 7- Le Pays basque : une place relativement modeste entre Galice et Bretagne......................... p.58

Figure 8- Merlutier ................................................................................................................................ p.71

Figure 9- Merlutier thonier en pêche..................................................................................................... p.71

Figure 10- Palangre semi-pélagique piedra-bola ....................................................................................p.73

Figure 11- Palangre de fond .................................................................................................................... p.73

Figure 12- Schéma d’un engin de pêche : les filets fixes de fond ........................................................... p.75

Figure 13- Répartition par port de la flotte côtière artisanale du Pays basque d’Espagne....................... p.78

Figure 14- Les principaux ports de pêche de la flotte artisanale côtière du Pays basque d’Espagne ...... p.79

Figure 15- Caractéristiques techniques de la flotte artisanale côtière du Pays basque d’Espagne .......... p.80 Figure 16- Engins de pêche pour les 96 bateaux .................................................................................... p.80

Figure 17- Principaux engins de pêche utilisés par chaque groupe ......................................................... p.81

Figure 18- Principales espèces pour chaque groupe................................................................................ p.82

Figure 19- les typologies d’activités de la flotte artisanale côtière du Pays basque d’Espagne .............. p.82

Figure 20- Répartition des bateaux artisanaux par port........................................................................... p.85

Figure 21- Flottille totale et échantillon de l’enquête PECOSUDE ........................................................ p.87

Figure 22- Variation saisonnière du nombre de marins suivant les engins de pêche utilisés .................. p.89

Figure 23- Recettes par engin (tableau)................................................................................................... p.92

Figure 24- Répartition des recettes par engin .......................................................................................... p.93

Figure 25- Les consommations intermédiaires par métier....................................................................... p.94

Figure 26- Evolution des achats neufs et d’occasions des navires sur le littoral atlantique .................... p.98

Figure 27- Recettes à partager dans la pêche côtière............................................................................. p.100

Figure 28- La pêche de l’anchois au filet tournant ................................................................................ p.104

Figure 29- Chalutier bou (avec chalutage de côté) en pêche ................................................................ p.109

Figure 30- Le chalutage pélagique ........................................................................................................ p.113

Page 317: THESE Serge Laborde corrigée mars 2007

317

Figure 31- les débarquements en criée industrielle à Pasajes de 1996 à 2003....................................... p.115

Figure 32- les débarquements de la pêche hauturière à Ondárroa de 1990 à 2005................................ p.118

Figure 33- les débarquements en poids de l’armement Pronaval en 2003............................................. p.119

Figure 34- les débarquements en valeur de l’armement Pronaval en 2003 ........................................... p.119

Figure 35- Les zones de captures des chalutiers pélagiques en 2003 .................................................. p.122

Figure 36- Les zones de captures du bar des chalutiers pélagiques en2003 .......................................... p.122

Figure 37- Les zones de captures de merlu effectuées au chalut pélagique en 2003............................. p.123

Figure 38- Les zones de captures d’anchois effectuées au chalut pélagique en 2003 ........................... p.123

Figure 39- Les zones de captures de germon effectuées au chalut pélagique en 2003.......................... p.124

Figure 40- Les zones de captures de thon rouge effectuées au chalut pélagique en 2003 .................... p.124

Figure 41- Saisonnalité des principales pêcheries pélagiques de la façade AGLIA en 2003 ................ p.126

Figure 42- Débarquements des navires pélagiques de l’AGLIA dans les régions de l’AGLIA ............ p.127

Figure 43- Débarquements par quartier maritime en 2003.................................................................... p.127

Figure 44- Débarquements des navires pélagiques de l’AGLIA hors des régions de l’AGLIA............ p.127

Figure 45- Les ventes de la flottille des chalutiers pélagiques en 2003 (régions de l’AGLIA)............. p.128

Figure 46- Production des chalutiers pélagiques des ports de Saint-Jean-de-Luz et d’ Hendaye..........p.129

Figure 47- Origine des importations de poissons frais sur le marché d’Oiartzun.................................. p.135

Figure 48- Les espèces de poissons frais commercialisées sur le marché d’Oiartzun en 2005 .............p.136

Figure 49- Les principaux fournisseurs de poissons frais commercialisés sur Merca Bilbao en 2005.p.138

Figure 50- Les principales espèces de poissons frais commercialisées sur le marché de gros de

Bilbao en 2005.................................................................................................................... p.138

Figure 51- Les ventes des entreprises de mareyage sur la criée de Ciboure en 1991 ............................ p.145

Figure 52- La commercialisation de la pêche (schéma) ........................................................................ p.148

Figure 53- Saisonnalité des apports à la criée de Ciboure en 2002 ....................................................... p.149

Figure 54- Répartition des apports par groupe de navires en 2002 à la criée de Ciboure...................... p.149

Figure 55- Les entreprises agréées pour acheter à la criée de Ciboure................................................. p.150

Figure 56- Les principales espèces achetées ......................................................................................... p.150

Figure 57- Volumes d’achats à la criée Saint-Jean-de-Luz/Ciboure en 2002........................................ p.152

Figure 58- Evolution des effectifs de la pêche an Pays basque d’Espagne ........................................... p.158

Figure 59- Les pêcheurs de la pêche artisanale des ports du Pays basque d’Espagne(1984 et 2005) ... p.159

Figure 60- Tableau des embarcations de pêche à voile (fin du XIXe- début du XXe siècle ................. p.185

Figure 61- Croissance de la flotte artisanale biscayenne selon le mode de propulsion ........................ p.187

Figure 62- Les captures des flottilles des régions du Nord de l’ Espagne (1858-1934) ....................... p.188

Figure 63- Plan du port de Pasajes en 1975........................................................................................... p.198

Figure 64- Les débarquements des flottes hauturière et industrielle à Pasajes (1941-1984) ................. p.198

Figure 65- La flotte de Pasajes perd certaines zones de pêche : les effets sur la production................. p.200

Figure 66- La flotte hauturière de pêche fraîche de Pasajes entre 1970 et 1996 ................................... p.201

Figure 67- A la charnière des années 1970-80 : la crise de l’activité morutière à Pasajes ................... p.202

Page 318: THESE Serge Laborde corrigée mars 2007

318

Figure 68- Biscaye : Les productions de salaisons et d’escabèches par port 1803-1884....................... p.207

Figure 69- Etablissements de salaisons, conserves, escabècheries en Espagne (1857 et 1900) ........... p.210

Figure 70- Les conserveries de Biscaye et du Guipúzcoa entre 1930 et 1975....................................... p.216

Figure 71- Les débarquements de sardines dans les ports atlantiques français (1920-1955) ............... p.222

Figure 72- Les débarquements de germon dans les ports atlantiques français (1920-1955) ................ p.223

Figure 73- Une pêche africaine indispensable aux conserveries de la côte basque française................ p.226

Figure 74- Les conserveries dans le sud du QM de Bayonne (1975) .................................................... p.227

Figure 75- L’ouest de la ría de Pasajes : l’imbrication entre installations halieutiques et logements de . marins ................................................................................................................................. p.231 Figure 76- Carte européenne des musées maritimes en 2000................................................................ p.236

Figure 77- Les territoires juridiques en mer .......................................................................................... p.241

Figure 78- L’adhésion de l’Espagne à la CEE (1985) ; zones de pêche................................................ p.247

Figure 79- Les zones interdites à certains engins de pêche dans le sud du Golfe de Gascogne ............ p.252

Figure 80- La réglementation de l’usage des engins de pêche au large de la côte Cantabrique ............ p.256

Figure 81- Les débarquements de la pêche artisanale en Biscaye et Guipúzcoa (1983-2005) .............. p.259

Figure 82- Les débarquements de quelques espèces dans les ports du Pays basque d’Espagne (poids) (1983-2005) ......................................................................................................................... p.259

Figure 83- La pêche du merlu à Fuentarrabia ( carte et débarquements de merlu) ............................... p.260

Figure 84- Les débarquements à la cofradía de Hondarribia de 1982 à 2004 ...................................... p.261

Figure 85- Les débarquements au port de Guetaria de 1982 à 2004 ..................................................... p.261

Figure 86- Débarquements sous criée à Hendaye et Saint-Jean-de-Luz (en poids) entre 1983 et 2005 p.263

Figure 87- Carte des pêcheries de germon dans l’Atlantique Nord....................................................... p.265

Figure 88- Flottilles françaises et espagnoles pêchant l’anchois dans le golfe de Gascogne ................ p.270

Figure 89- Evolution des captures espagnoles dans le golfe de Gascogne de 1960 à1993.................... p.271

Figure 90- Les migrations de l’anchois dans le Golfe .......................................................................... p.272

Figure 91- Les captures d’anchois dans le golfe de Gascogne .............................................................. p.274

Figure 92- Flottille des navires de 12m et plus immatriculés dans le QMB.......................................... p.282

Figure 93- Indicateurs d’évolution des flottilles.................................................................................... p.283

Figure 94- Les flottes de pêche dans les quartiers maritimes au 1er janvier 2000 ................................. p.284

Figure 95- La répartition des captures des navires franco-espagnols en 2002 (poids) .......................... p.285

Figure 96- Les débarquements à la criée artisanale d’Ondárroa en 1997.............................................. p.286

Figure 97- Les lieux de vente des navires franco-espagnols en 2002 (poids) ....................................... p.288

Figure 98- Les principales espèces vendues par ces navires en 2002 (valeur) ...................................... p.288

Figure 99- Les débarquements à la cofradía de Pasajes de 1982 à 2005 (poids) .................................. p.289

Figure 100- Les débarquements à la criée artisanale de Pasajes en 2004 (valeur) ................................ p.291

Figure 101- Evolution du volume de fret de l’aéroport de Vitoria entre 1992 et2003 .......................... p.293

Figure 102- Les mutations des flottilles basques et des lieux de commercialisation............................. p.298

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TABLE DES PHOTOGRAPHIES

Photo 1 : Elanchove (Elantxobe) Au pied de la falaise, le village et le petit port ..................p.34

Photo 2 : San Sebastián (Donostia) port de plaisance et de pêche ......................................... p.35

Photo 3 : Ondárroa, pêche artisanale et pêche semi-industrielle............................................ p.36

Photo 4 : A l’embouchure de la Bidassoa : Fuenterrabia au N-O et, à l’Est, la plage

d’Hendaye et une partie du port de pêche. ................................................................ p.42

Photo 5 : la côte découpée du Guipúzcoa : ............................................................................ p.42

Photos 6 : Dans le port de Pasajes, des fileyeurs “franco-espagnols“..................................... p.116

Photo 7 : Siège de la coopérative de Ciboure photographiée en 1959 .................................. p.176

Photo 8 : Intérieur de l’usine Itsasokoa................................................................................. p.177

Photo 9 : Morutiers et chalutiers dans le port de Pasajes au début des années 1970 ......... p.197

Photo 10 : Port de Pasajes avec morutiers.............................................................................. p.203

Photo 11 : Baby clipper à Saint-Jean-de-Luz au milieu des années 1960.............................. p.225

Photo 12 : Le thonier congélateur BISCAYA .......................................................................... p.226

Photo 13 : Plan de Saint-Jean-de-Luz/Ciboure à la fin des années 1950 ............................... p.232

Photo 14 :Le port d’Hendaye en 2000 ................................................................................... p.234

Photo 15 : Le port de Guetaria : un partage de l’espace........................................................ p.235

Photo 16 : Les navires de la petite pêche à Saint-Jean-de-Luz/Ciboure ............................... p.253

Photo 17 : L’abordage de La Gabrielle par un navire biscayen............................................. p.266

Photo 18 : Manifestation du 27 juillet 1994 à Bermeo........................................................... p.267

Photo 19 : Le port thonier de Burela (Galice) ........................................................................ p.269

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TABLE DES MATIÈRES

Remerciements .......................................................................................................................................... p.2 Répertoire des abréviations ....................................................................................................................... p.3 Glossaire.................................................................................................................................................... p.5 Sommaire .................................................................................................................................................. p.6 Introduction Générale..................................................................................................p.7 Première partie : LES PÊCHES MARITIMES BASQUES : ÉTAT DES LIEUX. p.12 Chapitre 1- LE CADRE DE LA RECHERCHE ................................................................................p.13

I- La problématique .....................................................................................................................p.13 II- Les outils d’analyse et les thèmes abordés .............................................................................p.14

III- La méthodologie ......................................................................................................................p.21

1- Sources et références.............................................................................................................p.21 2- Un champ de recherche multidisciplinaire............................................................................p.25

Chapitre 2- PRÉSENTATION D’ENSEMBLE DU DOMAINE D’ÉT UDE, COMPOSANTE DU LITTORAL ATLANTIQUE.............. .............................................................................p.31 I- Les paysages et le cadre physique ...........................................................................................p.32 1- Les paysages portuaires .........................................................................................................p.32 2- Le golfe de Gascogne ( ou Biscaye) ......................................................................................p.37 3- Le littoral................................................................................................................................ p.40

II- Les ressources halieutiques .....................................................................................................p.43

1- Les espèces démersales ..........................................................................................................p.44 2- Les espèces pélagiques...........................................................................................................p.47

III- L’importance économique et humaine de la filière pêche....................................................p.55 1- Le contexte national .............................................................................................................. p.55 2- Le Pays basque a une activité halieutique en repli ................................................................p.56

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IV- Le cadre institutionnel, politique et administratif ................................................................p.63 1- Le Pays basque d’Espagne......................................................................................................p63 2- La côte basque et le littoral français......................................................................................p.67 Conclusion..........................................................................................................................................p.68 Chapitre 3- LES PETITS MÉTIERS ET LES ACTIVITÉS DE LA PÊCHE CÔTIÈRE.............p.69 I- Les techniques et les engins de pêche ......................................................................................p.69 1- La pêche aux lignes ...............................................................................................................p.69 2- La pêche aux filets maillants..................................................................................................p.74 II- La pêche côtière des ports du Pays basque d’Espagne ..........................................................p.78 1- Les caractéristiques des navires et les engins utilisés............................................................p.79 2- La typologie d’activités ..........................................................................................................p.82 3- Les interactions entre les pêcheries .......................................................................................p.85 4- Les enquêtes socio-économiques............................................................................................p.87 III- La pêche côtière des navires du quartier maritime de Bayonne ..........................................p.96 1- Les pêches côtières du littoral atlantique français................................................................. p.96 2- Navires et pêcheurs de la pêche côtière du quartier maritime de Bayonne ............................p.97 Conclusion.......................................................................................................................................p.101 Chapitre 4 DE LA PÊCHE ARTISANALE À LA PÊCHE SEMI -INDUSTRIELLE ................p.102

I- Les techniques de pêche des thoniers-senneurs et les pêches artisanales de surface ........p.102 1- La pêche des petits poissons pélagiques à la senne tournante et coulissante......................p.102

2- La pêche du thon à la canne.................................................................................................p.105

II- Des captures de plus en plus nombreuses sont réalisées au chalut dans les années soixante, soixante-dix ............................................................................................................................p.107 1- Les ports du Pays basque d’Espagne (Ondárroa,Pasajes) pratiquent le chalutage de fondp.107 2- L’implantation des chalutiers est récente dans les ports de la côte basque de France........p.111 3- La flotte hauturière de pêche fraîche du Pays basque d’Espagne est en crise .................. p.114 4- L’activité des chalutiers pélagiques français ........................................................................p.120 Conclusion.....................................................................................................................................p.129 Chapitre 5 LA COMMERCIALISATION : STRUCTURES, ACT EURS...................................p.130 I- Les structures..........................................................................................................................p.131 1- les cofradías gèrent les criées de la pêche artisanale ..........................................................p.131 2- Les organisations de producteurs .........................................................................................p.131 II- Les lieux de la commercialisation .........................................................................................p.132 1- Du côté espagnol..................................................................................................................p.132 2- Du côté français ...................................................................................................................p.139 III- Les acheteurs...........................................................................................................................p.141 1- Les acheteurs des criées du Pays basque d’Espagne...........................................................p.141 2- Du côté français les acheteurs à la criée de Saint-Jean-de-Luz/Ciboure ............................p.145 Conclusion.....................................................................................................................................p.154 CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE .............................................................................. p.155

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Deuxième partie : LA MISE EN PLACE ET L’APOGÉE DES SYSTÉMES HALIEUTIQUES ......................................................................p.156 Chapitre 6 UNE ORGANISATION DES PÊCHEURS HÉRITÉE DU PASSÉ ..........................P.157 I- Les Cofradías : Confréries ou Corporations..........................................................................p.160 1– Un modèle institutionnel fait de contraintes et de privilèges...............................................p.162 2- Le fonctionnement des Corporations ................................................................................. p.163 3- Parmi les fonctions économiques : la vente du poisson .......................................................p.164 4- La mise à mal des Cofradías et de l’exclusivité...................................................................p.166 II- L’absence d’équivalence sur la côte labourdine (ou côte basque de France) : les gens de mer, un monde mal organisé ............................................................................................p.169 1- L’absence de confréries dans la grande pêche ................................................................... p.169 2- La pêche de la sardine, une pêche complémentaire génératrice d’une forte

activité au XVIIIe ............................................................................................................. p.173 3- Les pêcheurs s’organisent après 1945 .................................................................................p.175

Chapitre 7 LA MISE EN PLACE ET LE RENFORCEMENT D’ UN SYSTÈME HALIEUTIQUE : LA FLOTTE ARTISA NALE.........................................................P.180 I- Les ports de pêche de la côte basque de France...................................................................p.180 1- Le déclin de la Grande Pêche au XIXe siècle ......................................................................p.180 2- une activité halieutique de petite pêche se maintient ...........................................................p.182 II- Les embarcations et les flottilles du Pays basque d’Espagne à la fin du XIXe et au début du XXe .......................................................................................................................p.184 1- Quelles étaient les embarcations et leur utilisation dans la pêche au XIXe ?......................p.184 2- Les progrès de la flottille de pêche biscayenne (1900-1960) ...............................................p.186 Conclusion......................................................................................................................................p.187 Chapitre 8 LA CONSTRUCTION D’UN SYSTÈME CHALUTIER AU DÉBUT DU XXe ......p.188 I- L’ère des changements : le chalutage à vapeur....................................................................p.188 1- Les changements du mode de propulsion et des techniques.................................................p.188 2- La diffusion du chalutage à vapeur en Espagne...................................................................p.190 3- La diffusion du chalutage dans les ports basques ................................................................p.191 II- Grandeur et décadence du port de Pasajes..........................................................................p.193 1- La mise en place du système hauturier et de grande pêche .................................................p.193 2- La période d’apogée.............................................................................................................p.196 3- La crise du complexe halieutique de Pasajes et le déclin de la pêche hauturière................p.199

Conclusion......................................................................................................................................p.204 Chapitre 9 L’INDUSTRIE DE TRANSFORMATION DU POISS ON ........................................P.205 I- L’industrie de la conserve supplée l’activité traditionnelle.................................................p.205 1- Les activités traditionnelles de conservation .......................................................................p.206

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2- L’arrivée des italiens donne un nouveau dynamisme...........................................................p.208 3- L’industrie de la conserve en Espagne.................................................................................p.209 4- L’industrie de la conserve au Pays basque jusqu’aux années 1880.....................................p.210 II- Le développement de l’industrie de la conserve stimule l’essor des flottilles....................p.211 1- L’industrie de la conserve jusqu’aux années trente .............................................................p.211 2- L’industrie de la conserve basque après la guerre civile, jusque vers 1975........................p.215 3- La période actuelle est marquée par des difficultés.............................................................p.217 III- L’industrie de la conserve sur la côte atlantique française................................................P.220 1- Généralités ...........................................................................................................................p.220 2- L’industrie de la conserve de poissons sur la côte basque de France .................................p.221 Conclusion......................................................................................................................................p.228 Chapitre 10 TERRITOIRES ET IDENTITÉ MARITIME..... ......................................................p.229 I- L’identité maritime des cités ports de pêche ........................................................................p.229 1- L’ensemble de la filière comme marqueur d’identité...........................................................p.229 2- Deux exemples de cités ports de pêche ................................................................................p.230 II- Une image plurielle du littoral ..............................................................................................p.233 1- Le partage du littoral ...........................................................................................................p.233 2- Le littoral, un lieu mythique .................................................................................................p.235 Conclusion...................................................................................................................................... p.237 CONCLUSION DE LA DEUXIÈME PARTIE .............................................................................. p.238 Troisième partie : LES PÊCHES MARITIMES BASQUES : AFFRONTEMENTS ET RECOMPOSITIONS .................. p.239 Chapitre 11 L’IMPACT DES FRONTIÈRES ET DES LIMITE S ...............................................p.240 I- Des frontières qui séparent .....................................................................................................p.240 1- Le difficile partage de l’espace maritime et de sa gestion ...................................................p.242 2- La flotte espagnole perd une partie de ses droits de pêche et de ses lieux de pêche avec l’acte d’adhésion de l’Espagne à la CEE et l’Europe bleue ...............................................p.244 3- Les adaptations de la flottille basque et les conflits..............................................................p.246 II- Des limites pour régler les conflits de métiers sur les mêmes zones de pêche ...................p.251 1- L’incompatibilité entre certains métiers de la zone côtière française..................................p.251 2- La réglementation au large de la côte cantabrique .............................................................p.253 Conclusion......................................................................................................................................p.257 Chapitre 12 LES LUTTES DE LA PÊCHE ARTISANALE.... .....................................................P.258 I- La spécificité des ports du Pays basque : la capture et la vente des poissons bleus ...........p.258 1- La mise en évidence de ce phénomène .................................................................................p.258 2- Les captures des flottilles de la côte basque française.........................................................p.262 3- La pêche au germon cristallise les passions ........................................................................p.265

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II- La guerre de l’anchois dans le golfe de Gascogne et ses conséquences..............................p.270 1- Les caractéristiques de la pêcherie ......................................................................................p.270 2- Le nœud du conflit : un conflit de métiers............................................................................ p.273 Conclusion......................................................................................................................................p.278 Chapitre 13 DES FRONTIÈRES DISPARAISSENT ....................................................................P.279 I- Les navires dits franco-espagnols...........................................................................................p.279 1- Le QM de Bayonne,principal lieu d’accueil de ces navires .................................................p.279 2- Quelles sont les incidences pour les OP ?............................................................................p.284 3- Peut-on avoir une idée globale des apports des navires franco-espagnols ?.......................p.285 II- Des dynamiques différentes...................................................................................................p.286 1- Le port d’Ondárroa : quelles stratégies pour ses acteurs ?.................................................p.286 2- Pasajes................................................................................................................................. p.289 III- L’aéroport de Vitoria,deuxième port du Pays basque........................................................p.292 Conclusion......................................................................................................................................p.294 CONCLUSION GÉNÉRALE................................................................................. p.296 Bibliographie........................................................................................................................................p.302 Annexe..................................................................................................................................................p.315 Table des Figures.................................................................................................................................p.316 Table des photographies .....................................................................................................................p.319 Table des matières ...............................................................................................................................p.320