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INTRODUCTIONEcrire, c'est rdiger, laborer des phrases, du texte ; mais c'est aussi former des lettres et les lier. C'est dans cette seconde acception du terme que l'criture nous intresse ici, c'est--dire en tant qu'acte graphomoteur, que geste graphique, que mouvement qui laisse des traces signifiantes conventionnelles sur un support. L'cole primaire a depuis longtemps pour mission d'apprendre crire aux enfants. Si des programmes dtaills et des instructions prcises guidaient autrefois les matres dans cette tche, il n'en est plus de mme aujourd'hui. Cette volution des textes officiels leur donne ainsi une libert accrue pour concevoir leur action pdagogique. L'enseignant ne peut plus tre simple excutant des consignes que lui fournit le lgislateur. Il doit tre concepteur de sa pratique, ce qui suppose qu'il ait les repres suffisants pour le faire. Est-ce le cas en ce qui concerne l'enseignement de l'criture ? Il ne le semble pas. Pourtant, on dispose aujourd'hui de rsultats de recherches et de rflexion de nature permettre de concevoir une pratique pdagogique dans le domaine de l'criture, mais les enseignants les connaissent peu ou, en tout cas, ne s'y rfrent pas explicitement. On assiste actuellement une vritable crise de la pdagogie de l'criture. Sans doute n'estce pas nouveau puisque Ferdinand Buisson dplorait dj, en 1887, le dsintrt des enseignants pour cette discipline : 'Ils en font une partie machinale qu'ils surveillent de loin et ne dirigent gure. Les lves copient les modles sans attention parce que les dfauts dans l'excution ne sont point relevs et qu'aucun principe ne leur est donn pour les guider. Ils voient rarement le matre tracer devant eux la lettre qu'ils ont manque et leur donner la clef d'une criture rgulire' 1 . Participant la formation initiale des enseignants du premier degr et ayant l'occasion d'effectuer des visites de stage, je constate que les remarques que fait Buisson sont toujours d'actualit. Pourtant, si vous interrogez des matres qui enseignaient l'criture il y a trente ou quarante ans, ils vous diront qu'ils savaient comment faire : ils ne doutaient pas de leur pratique ce sujet. Les normes taient connues et il s'agissait de les inculquer aux lves. L'histoire n'est peut-tre qu'un ternel recommencement puisque Buisson reconnaissait la disparition 'des mthodes d'criture principes bien dtermins' 2 . En tout cas, des enseignants d'aujourd'hui semblent bien avoir perdu ce savoir-faire. Les normes, les mthodes principes bien dtermins pour apprendre crire semblent bien avoir, une nouvelle fois, disparu. Il est, de ce fait, difficile pour les enseignants de savoir comment apprendre crire leurs jeunes lves et comment aider un enfant qui a des difficults dans cet apprentissage. La matrise de l'acte graphique constitue pourtant un enjeu important pour l'apprenant. Elle conditionne en effet pour une grande part la russite scolaire et sociale. Ecrire avec aisance facilite l'expression, libre l'attention de l'acte graphomoteur et permet ainsi la pense de se consacrer pleinement au contenu du discours, au texte rdiger. De plus, la lisibilit et l'esthtique de l'criture influencent l'valuation. Elles peuvent contribuer l'obtention de meilleures notes, ne serait-ce que parce qu'elles facilitent le travail de l'enseignant qui, n'ayant pas d'effort faire pour dchiffrer ce qui est crit, peut tre plus attentif au texte. Les qualits de l'criture entranent aussi une apprciation de la part du lecteur sur l'metteur du message, indpendamment du contenu de celui-ci. A travers l'criture, on se fait une ide de la personnalit du scripteur, mme si l'on n'utilise pas la graphologie. Et on sait aussi que celle-ci sert parfois pour des dcisions d'embauche et peut par consquent conditionner l'insertion professionnelle. Cela nous semble justifier notre proccupation concernant la pdagogie de l'criture.

Car la russite de l'apprentissage de l'criture n'est pas assure d'emble. En tmoignent les dysgraphies. En tant que psychomotricien, je suis frquemment confront ces dsordres de l'criture. Dans le meilleur des cas en effet, lorsqu'un enfant se trouve en difficult dans son apprentissage de l'criture, l'enseignant conseille aux parents de consulter. Mme si ce n'est pas directement vers le psychomotricien que l'enfant est dirig, c'est lui en dernier ressort qui sera charg de la rducation ou de la thrapie 3 . Celle-ci sera entreprise la suite d'un bilan psychomoteur, le plus souvent raison d'une sance par semaine, parfois une sance par quinzaine, d'une dure de trente quarante-cinq minutes. Qu'est-ce qui permet, dans ce cadre particulier, de rsoudre les problmes graphomoteurs, en tout cas le plus souvent, car une rducation ou une thrapie, se solde malheureusement parfois par un chec ? Parmi ces moyens de rducation ou thrapie utiliss pour lutter contre les troubles graphomoteurs, certains pourraient-ils tre galement utiliss dans le cadre scolaire pour remdier aux difficults que rencontrent les enfants pour apprendre crire ou pour les prvenir ? Dans quelle mesure ce transfert du rducatif ou thrapeutique l'ducatif est-il pertinent ? Plusieurs mthodes conues l'origine pour des enfants en difficult ont t utilises, et semble-t-il avec succs, pour des enfants 'normaux', dans le cadre scolaire. C'est le cas, par exemple, de la mthode gestuelle de Madame Borel-Maisonny pour l'apprentissage de la lecture. Ne pourrait-il pas en tre de mme pour la psychomotricit ? En tant que psychomotricien, ancien instituteur et formateur d'enseignants du premier degr, il me semble pertinent d'examiner la question. La psychomotricit n'est pas exclusivement d'ordre rducatif ou thrapeutique. Elle comporte aussi un versant ducatif. Si j'ai entrepris des tudes de psychomotricien, c'est d'ailleurs parce que, alors que j'tais instituteur, les crits d'ducation psychomotrice ont commenc interroger ma pratique et mes conceptions ducatives et pdagogiques. Et la formation en psychomotricit m'a donn un autre regard sur l'enseignement. Bien qu'tant une formation de rducateur ou thrapeute, elle a aussi profondment chang ma conception du rle de l'enseignant par une meilleure comprhension de la ralit de l'enfant. Cela constitue un argument supplmentaire pour s'interroger sur l'apport spcifique de la psychomotricit la pdagogie de l'criture. Si j'ai choisi l'criture comme objet de mon travail, ce n'est pas que les autres domaines disciplinaires de l'cole ne sont pas concerns par l'volution de mes reprsentations. Mais l'criture met en jeu des lments perceptifs, moteurs, cognitifs ; elle est donc une activit dont la dimension psychomotrice est vidente. De plus, les troubles de l'criture constituent un motif frquent de consultation du psychomotricien, trop peut-tre. En tout cas, on peut se demander si une pdagogie de l'criture s'appuyant davantage sur la psychomotricit ne pourrait pas viter d'entreprendre parfois un suivi rducatif ou thrapeutique. Notre problmatique consiste donc chercher les fondements d'une pdagogie de l'criture, particulirement ce que peut lui apporter spcifiquement la psychomotricit. Celle-ci constitue aujourd'hui le moyen de traiter les troubles de l'criture en dehors du cadre scolaire, c'est--dire dans le cabinet du psychomotricien. Mais elle est aussi l'ducation psychomotrice qui concerne l'enfant l'cole. Nous allons donc nous mettre en qute des donnes de la psychomotricit ducative et rducative ou thrapeutique car elles peuvent, notre avis, aider les enseignants construire leur pdagogie de l'criture. Mais il nous fait d'abord mieux apprhender la ralit de cette crise actuelle de la pdagogie de l'criture. Nous chercherons donc en identifier les origines. Puis nous analyserons les manuels d'criture labors par des enseignants, conseillers pdagogiques, rducateur en psychomotricit et inspecteurs dpartementaux de l'Education Nationale 4 . Ecrits dans le but de

rsoudre cette crise, ils ont fourni aux enseignants des indications pour enseigner l'criture aux enfants. Ayant t moi-mme enseignant, je comprends que de tels ouvrages aient paru ; il est vraisemblable que, concern par la question l'poque, j'aurais souhait en trouver. Ils disent en effet ce qu'il 'faut' faire et, lorsque l'on rencontre des difficults dans une classe, on est en qute de tels conseils. Intervenant dans la formation initiale des enseignants du premier degr, je constate frquemment cette mme demande de conseils pratiques. Et ces manuels comportent des indications intressantes. Ils considrent l'acte d'crire dans sa complexit psychomotrice, prenant en compte qu'il comporte des lments perceptifs, moteurs, cognitifs. Nous pourrons constater qu'ils font parfois rfrence la psychomotricit dont ils utilisent certains concepts et certaines pratiques. Malheureusement, nous le verrons, ils comportent aussi des incohrences qui constituent nos yeux une manifestation de la crise qu'ils veulent contribuer rsoudre. L'existence de cette crise de la pdagogie de l'criture a conduit des publications d'un autre type, dans le domaine de la psychologie et des sciences de l'ducation. Ainsi, c'est parce qu'elle estime que l'enseignement de l'acte graphique est trop dlaiss que Liliane Lurat a crit plusieurs ouvrages pour communiquer le rsultat de ses recherches. Pour elle, il faut prparer et accompagner l'apprentissage de l'criture en s'appuyant sur le dveloppement de l'enfant. Ce qui suppose connatre celui-ci, savoir comment l'acquisition de l'criture se ralise progressivement. C'est aussi la position de Marguerite Auzias qui a travaill dans l'quipe de Julian de Ajuriaguerra 5 dans le domaine de la rducation de l'criture, prenant aussi appui sur l'volution gntique de l'criture. D'autres chercheurs prennent le contre-pied de la position commune M. Auzias et L. Lurat en affirmant que l'enseignement du geste graphique n'est pas important, voire est inutile parce que c'est l'accs au sens qui prime : c'est le cas d'Eveline Charmeux, qui crit aussi l'intention des enseignants, et de Marie-Thrse Zerbato-Poudou. Nous analyserons l'ensemble de ces travaux dans notre seconde partie car ils pourraient, notre sens, aider les enseignants laborer leur pdagogie en ce qui concerne l'apprentissage de l'criture. Notre recherche concerne particulirement l'apport spcifique de la psychomotricit la pdagogie de l'criture. Ajuriaguerra et ses collaborateurs, qui ont labor la premire forme de rducation de l'criture, l'ont d'abord dfinie comme une thrapeutique psychomotrice. Pour la concevoir, ils se sont d'abord appuys sur des recherches concernant les 'mthodes et techniques d'apprentissage de l'criture' 6 parce que 'la connaissance de la mthode selon laquelle s'est faite un apprentissage est importante pour pouvoir juger les difficults de l'enfant dysgraphique. Car en fait, une rducation ne sera pas faite par un simple retour en arrire et la reprise d'une autre mthode plus adquate. Elle devra corriger certaines habitudes acquises par l'ancienne mthode : il s'agit de bien la connatre, pour pouvoir y apporter des modifications' 7 . Ajuriaguerra et ses collaborateurs - dont M. Auzias - ont aussi tudi l'volution gntique des traces graphiques et de la motricit graphique et cherch dfinir les dysgraphies, en identifier les caractristiques. Toutes ces donnes leur ont permis d'laborer une rducation de l'criture. Celle-ci tait mise en oeuvre par des psychologues spcialises dans ce domaine. Mais elle tait considre d'emble par ses concepteurs comme une thrapeutique psychomotrice. A l'poque, la profession de psychomotricien n'existait pas. Cette dmarche a t reprise ensuite par Soubiran et Coste 8 puis par Gaurier 9 . D'autres psychomotriciens envisageront d'autres moyens pour aider les enfants en difficult dans le domaine de l'criture. Ainsi, en 1993, Deitte publie un ouvrage sur les dsordres de la trace crite en thrapie psychomotrice 10 . Sa principale rfrence est la psychanalyse, et notamment Winnicott. S'appuyant sur les recherches en neuropsychologie, Benot et Soppelsa 11 , psychomotriciens galement, travaillent partir de certaines caractristiques de

l'criture : vitesse, isochronie, invariance des effecteurs. Nous commencerons notre troisime partie par l'tude de ces travaux sur les troubles de l'criture et leur traitement dans le cadre professionnel de la psychomotricit. Les difficults rencontres dans l'exercice de ma profession d'instituteur m'ont conduit entreprendre des tudes de psychomotricien. Celles-ci ont fait voluer mes reprsentations du rle de l'enseignant par une meilleure comprhension de la ralit de l'enfant. Par les nombreux domaines abords, de l'anatomie la psychiatrie en passant par la neurologie, la physiologie et les divers domaines de la psychologie, elle a modifi ma comprhension de l'tre humain et particulirement de l'enfant et de son dveloppement. Ce faisant, elle m'a permis de comprendre au moins certaines raisons de ma faible russite en tant qu'enseignant : la centration trop forte sur les contenus lorsqu'on travaille avec des enfants en grande difficult est effectivement voue l'chec. Est-elle mme pertinente quels que soient les lves ? Ma conception du rle de l'enseignant a ainsi fortement volu. Ma formation de psychomotricien m'ayant donn des lments de comprhension du dveloppement de l'enfant, je considre aujourd'hui que les programmes sont au service de ce dveloppement et non l'inverse. Or, il est gnralement admis aujourd'hui que 'le dveloppement est d'abord psychomoteur' 12 ; les travaux de Piaget, de Wallon et des psychanalystes, entre autres, le montrent bien. S'intresser au dveloppement de l'enfant peut donc conduire naturellement s'intresser la psychomotricit. Et rciproquement choisir la psychomotricit c'est choisir de mettre le dveloppement de l'enfant au coeur de ses proccupations et de son action, que ce soit dans le domaine rducatif et thrapeutique ou dans le domaine ducatif. Car la psychomotricit ne s'est jamais limite la rducation ou la thrapie. Nous l'avons dit, elle s'est aussi largement intresse l'ducation. Elle a en effet t d'emble au carrefour de deux mondes : celui de la mdecine et celui de l'ducation. Ainsi, le docteur Tissi 'dfend une conception psychomotrice de l'ducation physique, la psychodynamie (en 1900, il est le seul dans ces milieux utiliser le qualificatif de psychomoteur frachement issu du monde de la neurologie)' 13 . Sa mthode comporte un versant pdagogique destin tous les enfants et un versant mdical pour les enfants 'arrirs'. En 1935, Edouard Guilmain, 'professeur de classe de perfectionnement de la ville de Paris' 14 , cre un examen psychomoteur et une mthode de rducation psycho-motrice qu'il met en oeuvre dans sa classe spcialise. Dans la seconde moiti du XX sicle, le docteur Le Boulch reprend la lutte de son prdcesseur Tissi contre les instructions officielles de l'Education Nationale pour dfendre une conception psychomotrice de l'ducation physique. Il cre la psychocintique dont il fait, en 1971, une Science du mouvement humain 15 qui dpasse ainsi le cadre de l'ducation physique. Une autre orientation de l'ducation psychomotrice, psychopdagogique, apparat partir de 1960, anne o Pierre Vayer crit avec Louis Picq un ouvrage consacr aux enfants 'arrirs' 16 avant d'laborer seul, puis avec Roncin, des ouvrages d'ducation psychomotrice pour l'cole primaire (maternelle et lmentaire). Quelques autres auteurs crivent aussi, entre 1973 et 1992, des ouvrages d'ducation psychomotrice pour l'cole primaire. Des confrences pdagogiques, en 1965-1966, ont attir l'attention des enseignants de maternelle sur la pratique des psychomotriciens. Ils se sont alors mis inscrire des sances de psychomotricit dans leur emploi du temps. Le lgislateur a ragi en 1980 pour affirmer qu'ils en ont eu 'une vision un peu troite [qui] en a rduit les avantages ducatifs' 17 et prciser que l'ducation physique 'inclut et dpasse largement les sances dites de psychomotricit' 18 . Le terme psychomotricit a, de ce fait, peu peu disparu de la plupart des emplois du temps.

Dans les crits destins aux enseignants, la psychomotricit a donc concern l'ducation physique et l'ducation spcialise avant de s'tendre l'ensemble de la pdagogie en y intgrant la prise en compte de la corporit de l'enfant. Dans la pratique, elle s'est souvent limite la maternelle et l'enseignement spcialis. Mais ses concepteurs envisagent son application tous les niveaux de l'enseignement primaire. La suite de notre troisime partie concerne ce versant psychopdagogique de la psychomotricit l'cole. C'est partir de toute cette recherche que nous aboutirons, dans quatrime partie, des propositions pour une pdagogie psychomotrice de l'criture. notre

Nous prsenterons, dans un premier chapitre, notre conception d'une orientation psychomotrice de la pdagogie. Car il est tout fait inconcevable d'envisager une pdagogie psychomotrice limite un seul domaine disciplinaire. Sans affirmer - ce qui serait videmment une erreur - que la psychomotricit est le tout de la pdagogie, nous pouvons dire que, d'une certaine faon, c'est toute la pdagogie, toute l'ducation l'cole, qui est ou non psychomotrice. En effet, si l'on cherche prendre en compte la corporit de l'enfant, c'est dans toute la vie de la classe qu'on le fait. Bien sr, ce n'est pas toujours avec la mme acuit, car il est certaines matires intellectuelles, cognitives, qui ne mettent pas directement en jeu la motricit, en tout cas pas de faon vidente. Cependant, le dveloppement intellectuel et social n'est jamais totalement indpendant du dveloppement psychomoteur. Pour dfinir notre conception psychomotrice de la pdagogie, nous prendrons appui sur les crits des auteurs cits dans les premires parties de notre travail, tout au moins de certains d'entre eux car il est bien vident que leurs points de vue ne sont pas tous compatibles les uns avec les autres. Nous dfinirons les principaux concepts psychomoteurs. C'est dans cette orientation psychomotrice de l'ducation l'cole que viendra s'intgrer la pdagogie de l'criture. Mais cela ne dispense pas de rflchir la faon dont un domaine disciplinaire peut spcifiquement s'inscrire dans une optique psychomotrice de la pdagogie. C'est ce que nous ferons donc pour l'criture, acte psychomoteur qui se prte particulirement bien la mise en vidence d'une possible prise en compte de la corporit dans la pdagogie.

PREMIERE PARTIE LA CRISE DE LA PEDAGOGIE DE L'ECRITURE CHAPITRE 1 LES ORIGINES DE LA CRISESi, comme nous l'avons dit, la crise de la pdagogie de l'criture n'est pas nouvelle, elle prsente aujourd'hui des caractristiques particulires lies au contexte scolaire et social dans lequel elle est apparue ou rapparue.

1. Le changement d'outil scripteurUn changement d'outil a ncessairement des consquences sur le geste. Lorsque les enseignants 'savaient' comment apprendre crire aux enfants, - c'tait il y a trente ou quarante ans - le principal outil scripteur utilis tait le porte-plume. Un certain entranement crire pouvait cependant se faire sur l'ardoise, au crayon d'ardoise. Mais on peut affirmer que le seul vritable outil d'apprentissage de l'criture tait le porte-plume. Cet instrument scripteur est aujourd'hui totalement abandonn par l'cole, en tout cas pour apprendre crire et pour crire habituellement, car il peut encore tre utilis, quoiqu'il ne le soit qu'exceptionnellement, dans le cadre des arts plastiques. Il a d'abord t remplac par le stylo plume, considr certainement comme un porte-plume amlior par le fait qu'il ne rende pas ncessaires les frquentes interruptions de la scription pour prendre un peu d'encre dans l'encrier. Certaines coles et certains collges continuent le recommander, voire l'imposer aux lves, au moins dans les travaux qui sont destins tre corrigs, valus par les enseignants. Mais cette recommandation et cette imposition ne sont pas faites aux enfants en dbut d'apprentissage de l'criture. Une grande importance a donc t, et reste encore parfois, accorde la plume comme outil scripteur. Certains justifient ce choix par le fait que l'encre peut tre efface, d'autres par le fait que, selon eux, c'est avec la plume que l'criture est la plus lisible et la plus esthtique. Mais son maniement ne deviendrait pertinent qu' partir d'une certaine phase de l'apprentissage de l'criture, donc, au moins thoriquement, d'une certaine matrise de l'acte graphique. Avant que l'enfant n'acquire cette matrise, c'est le stylo bille qui est le plus souvent utilis. Il faut reconnatre que cet outil s'est rpandu au point de devenir l'instrument le plus employ pour crire, l'cole comme ailleurs. De maniement plus facile, sans besoin aucun d'tre recharg d'encre, il constituait un redoutable concurrent pour les instruments plume. Il s'est donc impos sans peine. Certains feutres fins peuvent aussi tre apprcis parce qu'ils prsentent les mmes avantages. En ce qui concerne la priode d'apprentissage, c'est tout de mme le stylo bille qu'on rencontre le plus frquemment dans les classes. L'volution des outils a diminu les contraintes pour le scripteur. En abandonnant la plume, surtout le porte-plume, on a grandement facilit l'acte graphique. Ainsi, avec une plume, il tait impossible de maintenir une pression forte tout en allant de bas en haut, car la plume se fichait alors dans le cahier ou, au moins, s'y accrochait. L'apprentissage des pleins des traits descendants et des dlis des traits montants tait donc logique, adapt l'outil. Mais on sait aussi la difficult d'une telle matrise du geste et, si l'on rencontrait de trs beaux cahiers qui suscitent encore aujourd'hui de l'admiration, les pages macules d'encre n'taient pas rares non plus. L'cole aurait certainement pu admettre le stylo bille plus tt qu'elle ne l'a fait, puisqu'il s'est implant autour des annes 1940 et qu'elle ne l'a utilis qu' partir des annes 1965-1970, mais l'enseignement met toujours un certain temps avant d'employer de nouveaux outils. Et c'tait encore davantage le cas il y a quelques annes. Le porte-plume constituait donc le seul outil d'apprentissage de l'criture. Il fallait, par consquent, que l'enfant s'y adapte, quelles que fussent les contraintes qui lui taient lies. La pointe bille laissant beaucoup de libert au scripteur, on peut se questionner quant la ncessit de maintenir les normes adaptes l'usage du porte-plume. Ce problme s'est dj pos lorsque le porte-plume a fait son apparition, remplaant la vritable plume d'oie que le matre devait tailler. Et Buisson dplorait dj, en 1887, que les matres portent moins d'intrt l'enseignement de l'criture du fait de ce changement d'outil :

'Nanmoins il s'en faut que l'criture se soit amliore en proportion des facilits procures pour l'enseigner. Beaucoup de matres n'y apportent plus autant d'intrt ; ils en font une partie machinale qu'ils surveillent de loin et ne dirigent gure. Les lves copient les modles sans attention parce que les dfauts dans l'excution ne sont point relevs et qu'aucun principe ne leur est donn pour les guider.' 19 L'criture devenant plus aise, l'apprentissage devient apparemment moins indispensable. Les enseignants semblent considrer que l'enfant peut crire sans qu'on l'aide beaucoup apprendre comment faire ; c'est ce qui leur est reproch par Buisson, et encore aujourd'hui par la plupart des auteurs de manuels d'criture et par certains chercheurs. Si cela tait en effet dj vrai du fait du passage de la plume d'oie la plume mtallique, cela est encore plus vident du fait du passage du porte-plume au stylo bille ou la pointe feutre. En tout cas, la facilit d'emploi de l'outil semble bien entraner une diminution de l'enseignement de l'acte graphique. Seul l'exercice est valoris puisque, en fait, on demande simplement l'enfant de copier des modles. Mais, comme on ne vrifie pas la manire dont il le fait, l'enfant prend des habitudes qui peuvent tre ou non judicieuses pour l'obtention d'une criture rapide, lisible et conomique d'un point de vue moteur. On peut donc se demander quelles sont les bonnes habitudes qui permettent d'acqurir ces caractristiques. Les normes qui taient imposes par l'usage du porte-plume conservent-elles leur pertinence ? Faut-il donc continuer les enseigner ? Une analyse de l'acte mme d'crire, avec les outils actuels, et sur son apprentissage par l'enfant s'avre indispensable.

2. L'volution du rapport aux normesLa question des normes de l'criture se pose d'autant plus que le monde dans lequel nous vivons est devenu beaucoup moins normatif, du moins en apparence, qu'il ne l'tait il y a trente ou quarante ans. Le rapport de notre socit aux normes a beaucoup volu. La contestation de mai 1968 l'a rvl de manire forte. Le dveloppement des moyens d'information qui ont fait passer celle-ci l'chelon mondial, les mlanges de populations, entre autres choses, sont venus questionner nos modles. L'cole ne pouvait rester l'cart de ce mouvement. Il y a trente ou quarante ans, l'enseignant tait charg de transmettre des savoirs que l'on pensait devoir suffire aux lves pour leur vie entire. Le Certificat d'Etudes Primaires tait le diplme aprs lequel beaucoup d'adolescents quittaient l'cole pour la vie professionnelle. A 14 ans, ils devaient donc avoir acquis un savoir suffisant pour s'insrer dans la socit. L'instituteur tait charg de le leur inculquer. La parole constituait le principal vecteur de transmission des savoirs, accompagne de la manipulation guide lors des leons de choses ou lors de certaines leons de mathmatiques. L'enseignant devait aussi duquer, c'est--dire donner l'enfant de bonnes habitudes morales et relationnelles. En ce qui concerne les savoir-faire, catgorie laquelle appartient l'criture, l'enseignant montrait ce qu'il fallait faire et les enfants s'exeraient reproduire le modle ainsi donn. Nous tions donc dans une pdagogie du modle et de la transmission. Le sens des normes imposes ne se discutait pas comme aujourd'hui. Elles constituaient la rfrence indiscutable et il fallait s'y plier. Le matre avait autorit, de par sa fonction, pour les faire respecter. Si l'cole tait normative, c'est parce qu'elle tait l'cole d'un monde normatif. Il y avait un modle d'homme normal et l'cole tait charge de le raliser. Ce qui dviait de cette norme devait tre redress, rendu droit. Il fallait donc lutter contre ce qui tait gauchi, par exemple la

latralit gauche. L'homme normal, c'tait le droitier, et le gaucher devait tre remis dans le droit chemin ! Le sens des apprentissages tait donn par ce modle que l'enfant devait devenir et peu importait que ce sens lui apparaisse ou non. Il tait donn par le monde professionnel qui restait, ou paraissait, encore relativement statique. On pouvait donc penser que l'on savait quoi il fallait prparer les enfants. La prise en compte de l'volution rapide du monde a conduit envisager bien des changements. La scolarit prolonge jusqu' 16 ans, le collge pour tous, ont donn une autre perspective l'cole primaire. Le fait de ne pas savoir quel monde les enfants allaient tre confronts dans leur vie d'adulte a conduit ne plus se proccuper exclusivement d'un contenu d'apprentissage mais de l'apprentissage lui-mme. Il s'est agi de viser l'adaptabilit : il fallait, pour donner aux enfants les moyens de s'adapter des ralits sans cesse nouvelles, leur apprendre apprendre. Cela a mme conduit, pendant un certain temps, ne plus porter suffisamment attention aux contenus d'apprentissage. La proccupation de prparer l'enfant un monde de plus en plus technologique et complexe a pu faire oublier l'importance de l'apprentissage d'un acte aussi lmentaire que l'criture. Et, si l'on conoit bien que l'on puisse apprendre apprendre dans le domaine cognitif, cela ne parat pas si vident pour un apprentissage psychomoteur comme celui de l'acte graphique. On peut mme se demander si c'est ncessaire : s'agit-il pour l'enfant de prendre de bonnes habitudes ? Aider l'enfant dans son apprentissage de l'criture, est-ce donc enseigner ces bonnes habitudes, des normes ? Cela suppose-t-il une pdagogie du modle ? La rponse ces questions est loin d'tre facile et immdiate. Il est, par consquent, indispensable de pouvoir s'appuyer sur des lments thoriques et des travaux de recherche pour trouver quelques lments de rponse. La prise en compte de l'volution du monde, en remettant en cause bien des normes, a amen une interrogation sur le sens des contenus d'apprentissage mais galement sur le sens des actions pdagogiques.

3. Question de sens'Il faut donner du sens aux apprentissages' peut-on entendre frquemment aujourd'hui dans des lieux de formation. Pourquoi cette injonction sinon parce que les ducateurs, les pdagogues, les enseignants se proccupent de l'enfant en tant que sujet et qu'ils veulent, par consquent, le rendre 'acteur' ? Comment favoriser cette libert alors que, de toute vidence, nous sommes dans un monde de dterminations ? Cela signifierait que l'ducation ne peut plus imposer quoi que ce soit l'enfant qui ne l'intresse pas immdiatement ou qui n'a pas une utilit immdiate, en tout cas dont l'enfant lui-mme ne voit pas immdiatement le sens ? Faisant rfrence Pestalozzi, Michel Sotard affirme la ncessit d'une 'action consquente de pilotage de ce dsir de sens : une pdagogie du sens' 20 . C'est travers des espaces de libert permettant l'enfant de se rapproprier les lments de la ralit scolaire, mais limits par l'institution que l'enfant va pouvoir construire du sens. En ce qui concerne l'criture, la proccupation du sens a conduit se centrer essentiellement, voire exclusivement, sur le contenu du message crit, au dtriment de l'acte qui permet de le raliser. D'o la mise sous le boisseau de l'apprentissage systmatique des lettres et de leurs liaisons, parce qu'il est ncessaire que l'enfant peroive immdiatement le sens de ce qu'il fait. Il ne doit donc produire de l'crit que si celui-ci est signifiant. C'est un point de vue qui a t adopt par quelques chercheurs, depuis les annes quatre-vingt : Ferreiro, Vigotsky, Charmeux.

Mais peut-on crire des mots et produire du texte sans matriser suffisamment les lments de base du systme graphique et le maniement d'outils scripteurs ? Suffit-il de s'exercer reproduire des mots, des phrases, pour apprendre crire ? Doit-on donc admettre, comme certains auteurs, qu'il est tout fait possible 'd'apprendre crire de faon performante de jeunes lves de Moyenne Section en gommant au maximum les pr-requis habituels, sans proposer les traditionnels exercices d'entranement graphique' 21 . Ou bien, au contraire, doit-on admettre, comme d'autres, que l'accs au sens rsulte de l'automatisation du geste ? L'apprentissage des lettres serait alors incontournable, voire, auparavant, l'apprentissage de formes de base, d'lments constituant les lettres. La libert ncessite des moyens qu'il faut pouvoir donner l'enfant et l'expression demande une instrumentation. 'Nous sommes en vrit dans deux ordres qui doivent imprativement tre distingus : l'ordre des fins, l'ordre des moyens.' 22 . Le problme actuel serait de vouloir que le moyen ait un sens en lui-mme. Il y aurait confusion entre sens des activits et sens des apprentissages. Les exercices graphiques n'ont de sens que parce qu'ils permettent l'enfant d'aboutir la matrise de l'criture, de produire du texte signifiant, de s'exprimer, de prendre des notes, de communiquer. L'enfant ne peut-il comprendre cela ? Est-il incapable de trouver du sens des exercices techniques qui ne produisent pas de rsultat immdiatement signifiant en lui-mme ? L'enseignant peut, en tout cas, lui expliquer la finalit de l'activit, lui faire prendre conscience de l'amlioration de son geste graphique. Cette confusion entre sens des activits et sens des apprentissages, c'est la confusion entre l'intrt et le sens. Le souci de l'enseignant est de motiver les enfants pour les activits qu'il lui propose, ou lui impose, ce qui est lgitime. Le terme sens est ici compris comme sensibilit motionnelle et l'enseignant voudrait qu'elle soit agrable pour l'enfant. L'enfant peut-il trouver de l'intrt dans des activits qui n'ont d'autre sens que de lui permettre d'apprendre ? Les exercices graphiques ne sont pas ncessairement rbarbatifs pour lui. Il peut y trouver du plaisir. De plus, sans doute peut-il se considrer luimme comme un tre en dveloppement qui a besoin de temps, d'exercice, d'effort pour optimiser ses capacits. La question du sens pose donc aussi celle du rapport au temps, temps d'apprendre, temps de se dvelopper. Il est vident que notre monde est de plus en plus celui de l'immdiatet, de la satisfaction immdiate. Considrer que les exercices graphiques n'ont aucun sens pour l'enfant reviendrait exclure la possibilit pour lui de comprendre la ncessit d'tapes dans un apprentissage, ainsi que de comprendre que le temps est indispensable au dveloppement de ses capacits. La mcanisation des apprentissages pose une question philosophique que nous venons d'effleurer. Mais elle pose aussi une question trs concrte, pratique. Est-il vraiment possible d'apprendre crire sans passer par cette mcanisation ? Michel Sotard affirme clairement que, 'lorsqu'il s'agit d'entraner la main pour qu'elle tienne bien le crayon et pour qu'elle vire bien lorsqu'il s'agit de faire le o - en attendant qu'elle prenne son envol pour crer des formes et pour se tendre vers l'autre - ni la conscience, ni l'intention, ni l'invocation du sens n'y suffiront : il faudra un apprentissage mcanique de l'outil. Faute de cela, faute d'une attention au moyen, les fins suprieures risquent d'tre compromises' 23 . C'est la position du philosophe. C'est aussi celle de chercheurs qui se sont intresss la pdagogie et la rducation de l'criture. Mais, nous l'avons dit, d'autres chercheurs nient cette ncessit. Il nous faudra donc examiner leurs travaux car le choix pdagogique justifi philosophiquement peut tre tay ou non par des faits dmontrs.

4. La pdagogie interroge

Si l'enseignement d'il y a trente ans et plus tait normatif, c'tait parce que, nous l'avons dit, il tait dans une socit plus explicitement normative, mais c'est aussi parce que l'enfant n'tait pas considr dans sa dynamique volutive. On comprend, ds lors, qu'il n'tait pas question pour lui de se considrer ainsi. Il tait, pour les adultes, le contenant potentiel dans lequel il fallait dverser le savoir, celui qui il manquait le savoir-faire parce qu'il n'en avait pas reu du matre le modle et qu'il ne l'avait pas exerc. La pdagogie du modle et de la transmission reposait sur une conception de la ralit de l'enfant qui n'est pas celle qui prdomine aujourd'hui. Pourtant, les recherches et les crits qui ont commenc faire voluer cette conception existaient dj depuis un certain temps et des pdagogues en avaient dj tenu compte pour mettre en oeuvre une pratique plus adapte l'tre en dveloppement qu'est l'enfant. Mais, si l'on a pu constater qu'entre la commercialisation d'un outil aussi lmentaire que le stylo bille et son utilisation par l'cole il se passait bien du temps 24 , on ne s'tonne pas que ce soit encore plus long dans le domaine des ides. En effet, on ne change pas facilement les reprsentations sociales des personnes, encore moins celles de l'ensemble d'une population, mme - ou peut-tre surtout - s'il s'agit d'une population d'enseignants. C'est ainsi que c'est avec un dlai relativement important que les travaux des psychologues de l'enfance, notamment Piaget et Wallon, et des psychanalystes, sont venus interroger les pratiques des enseignants : ils sont encore loin d'avoir fini de le faire alors que certains datent des annes vingt. Pourtant, cette interrogation a t et demeure forte, d'autant plus forte que leur vocation n'tait pas de fournir des modles pdagogiques ; d'o une dstabilisation des enseignants. Ceux-ci ont, en effet, compris que leurs pratiques n'taient pas bonnes, qu'elles ne prenaient pas suffisamment en compte la ralit de l'enfant et qu'il fallait donc les modifier. Mais comment le faire ? Cela, les psychologues et les psychanalystes ne le disaient pas ; et ils ne le disent toujours pas, car cela ne fait pas partie de leur tche. De plus, les recherches ne sont jamais acheves et de nouveaux domaines sont venus apporter d'autres lments d'interrogation : la neurophysiologie, les sciences de l'ducation... Le questionnement des pratiques s'est donc enrichi. L'enseignant se trouve ainsi face une remise en cause permanente de sa pratique sans indications concrtes pour la faire voluer. L o il appliquait ce que ses ans avaient fait avant lui, avec la conviction que c'tait le meilleur, il doit maintenant construire sa pratique en tenant compte autant que possible des acquis des sciences humaines. Quelles vont donc pouvoir tre ses rfrences pour laborer une pdagogie de l'criture ? Car l'criture est une discipline scolaire aux multiples facettes : elle s'inscrit videmment dans le domaine de la langue, mais met aussi en jeu des mcanismes perceptifs et moteurs. Elle intresse donc de nombreux domaines : citons les sciences de l'ducation, divers champs de la psychologie, aussi bien la psychologie cognitive que la psychologie du dveloppement, la neurophysiologie et, bien entendu, la psychomotricit. C'est un triple point de vue qu'elle concerne cette dernire : d'une part en tant qu'acte psychomoteur, d'autre part en tant qu'objet d'un apprentissage scolaire, enfin en tant qu'objet de rducation ou thrapie. L'enseignant peut donc trouver de multiples informations sur l'criture et son apprentissage. Devant un tel foisonnement, il lui reste slectionner celles qui lui permettront de construire sa pdagogie de l'criture, ce qui est loin d'tre simple. La recherche fondamentale est souvent trop loigne de ses proccupations pratiques pour qu'il s'y intresse. On pourrait donc penser que les sciences de l'ducation et la psychomotricit constituent ses principales sources d'information. Mais force est de constater que les ouvrages les plus consults par les enseignants ne concernent pas

ces domaines. Ce sont ceux qui donnent des indications pdagogiques concrtes qui ont leur prfrence, ceux qui leur disent comment faire, les manuels d'criture. Et encore sont-ils peu consults car c'est avant tout l'exprience personnelle et celle des collgues qui constitue la premire rfrence de l'enseignant 25 . Ainsi, c'est un modle pratique, capable de remplacer celui qui tait donn autrefois par les enseignants plus anciens, qui est recherch. Si l'enseignant choisit ainsi, pour ses propres apprentissages, une pdagogie du modle, peut-il vraiment permettre l'enfant de construire les siens ? N'est-ce pas la question de son propre rapport au savoir qui est ainsi pose et, plus gnralement encore, de son propre rapport au monde ? Mais on peut trouver de nombreuses justifications au choix de manuels pratiques. D'une part, les travaux de recherche ne sont pas directement exploitables et le temps manque. D'autre part, les crits des psychologues, des physiologistes ou autres chercheurs, sont rarement d'accs facile du point de vue du sens. Cela pose, par consquent, la question de la formation des enseignants. Il est sans doute encore une autre raison cette prfrence pour les manuels et pour l'exprience des collgues, c'est celle du rle d'excutant qui a t historiquement attribu aux enseignants par le lgislateur. En effet, l'instituteur est charg d'appliquer les instructions officielles. Celles-ci lui laissent-elles suffisamment la possibilit de concevoir sa pratique ?

5. L'volution des directives ministrielles

5.1 L'criture intresse le lgislateur L'intrt du lgislateur pour l'criture n'est pas rcente : dj la Loi du 15 mars 1850 l'intgrait aux matires obligatoires de l'enseignement primaire ; l'arrt du 31 dcembre 1867 en faisait une preuve d'admission dans les coles normales dont elle devient, par le dcret du 22 janvier 1881, une partie du programme. Buisson pense mme que le programme des coles normales de 1850 lui accorde trop de place puisqu'il comporte l'tude de genres d'criture qui ne sont pas valus l'examen final. Mme 'l'enseignement donn dans les salles d'asile publiques ou libres comprend les premiers principes de l'criture (Dcr. 21 mars 1855, art. 2)' 26 . Le programme donn pour l'cole maternelle par les instructions du 16 mars 1908 comporte les premiers lments de l'criture pour la section des grands : 'Premiers exercices d'criture. Premiers exercices de lecture et, le plus vite possible, copie quotidienne d'une des phrases de la leon de lecture, crite au tableau noir' 27 . Les instructions de 1938 prcisent que 'tous les soins devront tre donns l'criture cursive' 28 . Lorsque, en 1956, un arrt supprime l'horaire d'criture au Cours Moyen, des inspecteurs ragissent : 'Reste l'criture dont on regrettera peuttre la disparition l'horaire du Cours Moyen. Mais il est possible de rectifier et de perfectionner la calligraphie des enfants pendant l'horaire consacr aux devoirs [...] Il est conseill de rserver, l'intrieur des 5 heures de devoirs, trente minutes par semaine des exercices d'criture mthodique' 29 . La circulaire du 3 septembre 1965 souligne : 'en plus des qualits gnrales que l'attention accorde l'criture et la bonne tenue des cahiers peut dvelopper chez les enfants, des expriences rcentes ont apport la preuve que l'acquisition d'une bonne orthographe dpend au moins partiellement du soin avec lequel les devoirs sont crits chaque jour' 30 . La circulaire du 4 dcembre 1972 affirme que 'si les occasions d'crire ne sont saisies qu' l'occasion d'exercices appelant l'attention sur d'autres soins que celui de l'criture -travaux d'expression crite, d'orthographe, etc. - on ne s'attendra pas des chefsd'oeuvre de graphisme. Or, il est ncessaire que l'criture devienne aise, rgulire et bien lisible' 31 .

La circulaire du 2 aot 1977 prcise qu'en maternelle, 'l'apprentissage du trac de signes arbitraires peut, malgr tout, tre abord, au moins en section des grands' 32 . La mme circulaire demande que l'instituteur 'fasse appel, chez l'enfant, au besoin de correspondre avec une personne absente et veille ne proposer que des graphismes recouvrant des significations' 33 . Alors qu'il y avait, dans les textes prcdents, certes bien anciens, une incitation faire crire les enfants, leur donner les premiers lments d'apprentissage de l'criture, on peut avoir l'impression d'une invitation exclure totalement l'criture de l'cole maternelle. Mais c'est surtout une attention aux capacits de l'enfant qui est exige, afin que l'enseignant lui permette une copie s'il en est capable. L'arrt du 10 juillet 1980 prescrit 'des exercices mthodiques d'criture' 34 pour le cycle moyen. Mais les programmes prcis avec rpartitions n'existent plus pour aucun des niveaux de l'cole lmentaire. Le texte donne cependant des indications concernant la tenue et l'attitude des lves. L'acte d'crire reste valoris, reconnu comme moyen de liaison entre la motricit et l'intelligence et moyen d'ducation de la sensibilit esthtique. L'arrt du 23 avril 1985 continue indiquer l'importance de l'criture : 'Discipline de la main et du corps, support de tous les enseignements, l'criture est l'objet d'une attention constante de la part du matre : elle exige l'exactitude du trac, le respect des rgles, la qualit de la prsentation' 35 . La loi d'orientation de 1989 a institu trois cycles pour l'cole primaire : le cycle des apprentissages premiers, qui concerne la maternelle, le cycle des apprentissages fondamentaux, qui correspond la Grande Section maternelle et aux deux premires annes de l'cole lmentaire, le cycle des approfondissements qui remplace ou recouvre les CE2 et CM. Mme si l'cole maternelle demeure, elle est plus associe l'cole lmentaire puisque la Grande Section fait partie du cycle des apprentissages fondamentaux comme du cycle des apprentissages premiers. Les comptences, dont la liste a t tablie en 1991, et les programmes de 1995 ont donc t penss de faon ce qu'il y ait une continuit sur toute la dure de l'cole primaire (maternelle et lmentaire). L'criture y est considre comme importante pour chacun des trois cycles. Des comptences sont dvelopper dans ce domaine tout au long de la scolarit primaire. Les programmes sont plus dvelopps au cycle des apprentissages premiers ; les exercices doivent toujours y tre 'fonctionnels et inscrits dans des activits signifiantes' 36 . Ils se rduisent au cycle des apprentissages fondamentaux et, au cycle des approfondissements, le verbe apprendre n'est plus utilis. Cependant, une attention reste porte l'criture tout au long de la scolarit primaire. De toute vidence, l'apprentissage de l'criture a toujours eu une importance aux yeux du lgislateur. Cet apprentissage commence la fin de l'cole maternelle pour se poursuivre durant toute la scolarit primaire. L'intrt du lgislateur pour cet apprentissage ne peut donc pas tre une cause de la crise de la pdagogie de l'criture. Mais, s'il s'est toujours manifest, les programmes et instructions n'en ont pas moins beaucoup volu.

5.2 L'volution des finalits de l'enseignement de l'criture En ce qui concerne l'apprentissage de l'criture pour les enfants la fin du sicle dernier, Buisson affirme que l'lve doit tre guid et que, 'dans toute leon, le matre doit : 1. Rappeler les rgles pour la position du corps et la tenue de la plume ; 2. Faire lire le modle, qui doit tre le mme pour toute la classe ;

3. Montrer au tableau la manire d'excuter les lettres les plus difficiles ou celles qui sont le plus souvent mal formes ; 4. Enfin passer de table en table pour redresser les positions mauvaises du corps et de la plume et corriger les formes bizarres' 37 . La dmarche est donne. Il resterait prciser ce que sont les rgles pour la position du corps et la tenue de la plume ainsi que la manire d'excuter les lettres, ce qui est fait, selon Buisson, dans les 'bonnes mthodes' 38 qu'il numre. Les instructions de 1923 mettent en vidence la proccupation hyginique de la pdagogie de l'criture. Le choix de la mthode est laiss l'apprciation de l'enseignant, 'l'essentiel est que la mthode adopte permette l'enfant de se placer, pour crire, dans les meilleures conditions hyginiques. Qu'il se tienne bien droit devant son cahier, le torse vertical, les deux avant-bras galement appuys sur la table, les yeux 30 centimtres environ du papier. Trop souvent, ces conditions ne sont pas ralises ; trop souvent, nos coliers se courbent et se tordent devant leur page d'criture, au grand dommage de leur colonne vertbrale, de leurs poumons et de leurs yeux' 39 . La bonne attitude corporelle pour l'criture est donc justifie par des proccupations orthopdiques, respiratoires et visuelles. C'est la mcanique corporelle qu'il est important de prserver. Pour cela, il faut lutter contre les causes des dysfonctionnements : 'trop souvent le mal vient, soit de la construction dfectueuse des tables et des bancs, soit de la mauvaise disposition du cahier, soit d'une sorte de paresse physique qui laisse flchir le corps. Du moins faut-il viter qu' ces causes, contre lesquelles on ne saurait trop nergiquement ragir, ne vienne pas s'ajouter l'emploi d'une mauvaise mthode' 40 . A part le choix du mobilier qui est certainement limit pour l'instituteur, la lutte contre les causes se fait par des conseils, par des exigences poses pour les lves. La volont de l'enfant sera ncessairement sollicite pour lutter contre sa 'paresse physique'. La circulaire du 3 septembre 1965 souligne l'intrt des nouveaux outils scripteurs plus commodes que le porte-plume : 'il n'y a donc pas lieu d'interdire les instruments rservoir d'encre, ni mme les crayons bille qui procurent des avantages de commodit pratique, condition qu'ils soient bien choisis, et qu'ils permettent, sans effort excessif des doigts, du poignet et de l'avant-bras, d'obtenir une criture lie, rgulire et rapide. Les matres veilleront toutefois au bon emploi de ces divers types d'instruments et feront apprendre des graphies correspondantes' 41 . La proccupation hyginique n'est sans doute pas abandonne, mais l'attention est porte davantage sur des aspects fonctionnels : il s'agit d'viter les efforts excessifs, de faciliter l'acte d'crire. On constate aussi un souci d'adquation entre les graphies que l'on fait apprendre et les instruments utiliss. Tout outil ne permettrait donc pas de raliser n'importe quelle graphie. L'attention accorde l'criture et la tenue du cahier dveloppe aussi des 'qualits gnrales' 42 que la circulaire ne nomme pas. Ce sont peut-tre ces qualits qui sont cites dans la circulaire du 4 dcembre 1972 : 'L'enfant qui apprend crire, bien conduire les mouvements de sa main, s'exerce au contrle de soi' 43 . Il n'est plus seulement question d'hygine, mais de matrise de soi. Il s'agit donc, non seulement d'apprentissage moteur, mais d'ducation : 'La liaison, la sret, la lgret des gestes qu'exige une bonne criture sont des lments de l'ducation que l'on ne peut ngliger sans dommage' 44 . Cela n'exclut pas la vise fonctionnelle : 'l'lve qui crit pniblement sera gn dans ses tudes, et dans sa vie' 45 . Le choix des outils les plus commodes est officiellement

recommand : 'Le crayon bille et pointe mousse seront les instruments prfrs. [...] Mieux vaut dsormais s'pargner les difficults de la plume bec' 46 . En 1972, pour la premire fois, l'acte graphomoteur est situ dans un ensemble plus large du point de vue fonctionnel : 'le progrs de l'criture dpend des possibilits psychomotrices de l'enfant' 47 . Et l'intrt de la prparation reue l'cole maternelle se trouve soulign, les enseignants de l'cole lmentaire tant invits la poursuivre en cas de besoin. La rforme 'Haby', du nom du ministre de l'Education Nationale de l'poque, remet l'accent, la fin des annes 1970, sur les exigences posturales et sur la tenue de l'outil scripteur. Curieusement, ce n'est pas pour les cycles prparatoire et lmentaire que des recommandations sont faites ce sujet, mais pour le cycle moyen. Ainsi, c'est l'arrt du 10 juillet 1980 qui prconise de veiller 'tout particulirement la tenue et l'attitude des lves : position assise sur le sige, face la table ; position des avant-bras ; tenue du crayon, du stylo' 48 . Mais il ne suffit pas l'enseignant d'exiger la bonne tenue et la bonne prhension de l'outil. Il lui faut dvelopper chez les enfants 'l'habilet motrice et la conscience posturale [qui] constituent des conditions d'excution correcte et aise de l'acte d'crire' 49 . Cet acte est donc dpendant de fonctions psychomotrices. Le lgislateur cherche mme souligner la globalit de l'tre humain, affirmant que l'acte d'crire 'assure des liaisons entre la motricit et l'intellect (coordination de l'oeil et de la main)' 50 . Mme si l'on voit mal comment la coordination de l'oeil et de la main concerne les liaisons entre la motricit et l'intellect, on peroit une volution dans la faon de comprendre la personne humaine. Celle-ci n'est plus apprhende comme une juxtaposition de fonctions indpendantes les unes des autres ; les liaisons interfonctionnelles sont prises en compte. La comprhension mcanique de l'acte moteur fait place une conception fonctionnelle dans laquelle la motricit se trouve en situation d'interdpendance avec l'intellect. Il ne s'agit plus d'inculquer de bonnes habitudes motrices l'enfant, mais d'intgrer l'apprentissage de l'criture 'l'ducation d'une culture de la sensibilit esthtique (calligraphie, prsentation de textes, illustration...)' 51 . Les programmes de 1995 insistent sur le dveloppement de la signification de l'acte d'crire chez l'enfant : 'L'activit graphique n'est d'abord qu'une trace laisse par le corps ou la main sur des supports varis avec des instruments spcifiques. Progressivement, l'enfant s'approprie ces tracs qui deviennent des figures porteuses de sens et il utilise leur pouvoir de communication' 52 . C'est ce qui justifie que les exercices d'criture soient 'toujours fonctionnels et inscrits dans des activits signifiantes' 53 ds l'cole maternelle. Par ces exercices, 'l'enfant amliore la sret de ses gestes, apprend mobiliser plus finement sa main, mieux tenir les divers instruments scripteurs, explorer les contraintes des diffrents supports. Par des jeux varis, il explore l'espace graphique et le rpertoire des diffrents tracs' 54 . L'exercice est fonctionnel et favorise le dveloppement de la motricit. L'accent est mis sur l'exploration par l'enfant des supports, de l'espace, de sa motricit graphique.

5.3 L'volution des contenus d'enseignement Il est une autre volution dans les programmes et instructions concernant l'apprentissage de l'criture qui nous semble importante, c'est celle des contenus d'enseignement. Jusqu'en 1972, les rpartitions par Cours (Prparatoire, Elmentaire et Moyen) et par mois et semaines, sont indiques aux enseignants. Au Cours Prparatoire, ce sont les lettres minuscules qui sont apprises, selon un ordre dtermin ; les mots faire crire aux lves, en fonction de la lettre apprise, sont mme fournis. Au Cours Elmentaire, aprs reprise des minuscules, ce sont les

majuscules qui deviennent objet d'apprentissage, puis les lettres minuscules script et, la deuxime anne du Cours Elmentaire, les majuscules de cette mme criture script. Celle-ci demeure cependant facultative. 'Nos rpartitions - lettres minuscules et lettres majuscules dispensent de tout commentaire' 55 , dit le lgislateur. La tche du matre se trouve trs facilite mais aussi trs contrainte. Il est excutant d'instructions prcises. Il a relativement peu de libert, part le choix d'enseigner ou non l'criture script. Il existe un rapport d'autorit entre le lgislateur et les enseignants. D'ailleurs, l'importance de l'autorit du matre dans la classe est aussi affirme par le lgislateur. En effet, il fait allusion aux pensums, interdits par les textes : 'En ce qui concerne les pensums , nous voudrions rassurer les matres qui seraient hants par la crainte d'en donner. Une copie mal crite, une dicte bourre de fautes (malgr le soin apport sa prparation), doivent tre remises au net. Les matres soucieux de leur autorit connaissent d'ailleurs rarement la ncessit d'une telle mesure' 56 . C'est donc l'autorit qui assure l'application des lves, application grce laquelle ils criront ncessairement correctement. Ecrire mal n'est donc pas une question de capacits, de comptences, mais d'application. Les instructions ministrielles suivantes, celles de la loi 'Haby', sont tout fait diffrentes sur ce plan. Elles ne formulent que peu de contenus mais prcisent les comptences dvelopper en fonction des cycles de la scolarit. Les rpartitions mensuelles et par semaine n'existent plus. Les lettres minuscules et majuscules doivent toujours tre apprises, ds le cycle prparatoire. Mais d'autres aspects de l'apprentissage de l'criture sont souligns. Ainsi, pour le cycle prparatoire, il s'agit pour l'enfant de 'matriser l'acte matriel d'crire' 57 , ce qui comporte, non seulement la reproduction des lettres, mais aussi la capacit lier les lettres d'un mme mot et de laisser des espaces entre les mots. Pour ce mme cycle, l'enfant doit pouvoir 'copier sans faute, au moins mot mot ( la rigueur syllabe par syllabe mais non lettre lettre) des phrases simples et courtes (vitesse moyenne d'excution de l'ordre de 30 40 lettres la minute) 58 . L'arrt du 7 juillet 1978 prcise qu'au cycle lmentaire l'lve doit manifester une sensibilit ' la qualit de la prsentation et la lisibilit de l'criture' 59 et, bien sr, respecter les normes de l'criture qui ont t apprises au cycle prcdent. L'arrt du 10 juillet 1980 indique aussi que les lves doivent tre habitus bien crire et bien disposer et prsenter leur travail. Les exercices mthodiques d'criture retrouvent leur place au cycle moyen, place qu'ils avaient officiellement perdue depuis 1956. Ils seront faits dans deux optiques : 'ceux pour lesquels l'accent sera mis sur la calligraphie (les exercices de copie calligraphie ne dpasseront pas 5 6 lignes) ; - ceux pour lesquels il faudra concilier au mieux lisibilit et vitesse d'excution, l'essentiel tant que les enfants prennent conscience de l'intrt pratique de savoir crire vite et bien (ventuellement en utilisant des abrviations : entranement la prise de notes)' 60 . Les contenus sont plus larges et moins prcis qu'auparavant. L'organisation dans le temps en incombe au matre. En 1985, de nouveaux programmes sont publis. Le matre doit toujours rendre l'enfant sensible aux normes de l'criture et la qualit de la prsentation. Les programmes prsentent quelques modifications : l'apprentissage des majuscules retourne au Cours Elmentaire (on ne parle plus de cycles) o la courte copie prend place galement ; l'attention aux signes de

ponctuation et accents passe au Cours Prparatoire ; au Cours Moyen, on parle d' 'amlioration de la qualit technique de l'criture manuelle' 61 , et non plus de recherche de vitesse. En 1995, les comptences sont dissocies des programmes, au moins partiellement car il s'agit parfois d'une formulation diffrente de la mme ralit. Le programme de maternelle est dj trs important, mais demeure cependant peu prcis. Ainsi, 'tout enfant doit commencer s'entraner l'criture cursive' 62 et dcouvrir la fonction de l'criture. Le lgislateur indique les lments de travail suivants :

'Utilisation de l'espace d'une feuille ; dcouverte des diffrents types de tracs ; disposition des tracs sur des lignes droites ; premiers essais d'criture ; copie et copie diffre de formes rgulires, de mots et de lettres ; exploration du fonctionnement de l'criture alphabtique ; contrle des tracs de l'criture cursive, de manire viter les retours en arrire ; dcouverte de l'organisation spatiale d'une information crite (listes, tableaux deux colonnes, regroupements spatiaux des textes...).

Dans ces activits, il faudra veiller la position du corps ; il faudra prendre des prcautions trs particulires avec les enfants rellement gauchers, pour qu'ils parviennent crire aussi lisiblement et rapidement que les droitiers.' 63 Nous avons reproduit toutes ces prescriptions car elles montrent de fortes exigences de la part du lgislateur et la formulation des consignes qui ne permet pas de savoir immdiatement comment les appliquer. Ainsi, comment contrler les 'tracs de l'criture cursive afin d'viter les retours en arrire' et surtout comment apprendre le faire ? Quelles 'prcautions trs particulires' faut-il prendre avec 'les enfants rellement gauchers' ? Qu'est-ce qu'un enfant rellement gaucher ? Pour le cycle des apprentissages fondamentaux, le lgislateur prescrit la 'reproduction de lettres minuscules cursives et [la] liaison entre elles de lettres constituant un mot [et la] reproduction progressive de majuscules de l'criture cursive' 64 ; on retrouve les donnes prcdentes. Il n'est pas ncessairement question d'apprentissage du ductus, c'est--dire de la conduite du geste, de la trajectoire, mais de reproduction. 'Au cycle des approfondissements, l'lve crit soigneusement, rapidement et lisiblement' 65 : cela signifie-t-il un apprentissage pour y parvenir ? Le lgislateur ne le dit pas.

5.4 En conclusion L'importance de l'criture a toujours t affirme par le lgislateur et, lorsque son apprentissage a t un peu dlaiss pour le Cours Moyen, les inspecteurs de l'Education Nationale ont donn aux enseignants les moyens d'y conserver sa place malgr tout. Cette importance s'est manifeste jusque par des directives concernant des programmes et des horaires d'criture dans les coles normales. Il n'en est plus de mme aujourd'hui. Peut-tre d'ailleurs est-ce l une des causes de la crise qui retient notre attention : non pas que ces programmes aient t supprims, mais qu'il n'y ait plus de formation des enseignants l'criture et sa pdagogie. Une telle formation permettrait de compenser une absence sans doute justifie de directives prcises pour l'enseignement de l'criture l'cole, voire de la remplacer

avantageusement. Mais il ne s'agit certainement pas de reprendre les programmes des coles normales de la fin du sicle dernier qui taient centrs sur l'apprentissage de divers genres d'criture par les futurs enseignants. Il s'agirait plutt de permettre ceux-ci d'acqurir les connaissances, les repres suffisants pour concevoir leur pratique. Car c'est ce qui leur est demand aujourd'hui et qui est rendu indispensable du fait de la moindre prcision des textes officiels. Les directives ministrielles montrent une volution considrable en ce qui concerne les finalits de l'apprentissage de l'criture. Il s'agit, dans un premier temps, de conserver la mcanique corporelle en bon tat de fonctionnement. Ensuite vient le souci de faciliter l'acte graphique, l'criture rgulire et rapide devant tre obtenue sans effort excessif. Puis l'criture devient moyen d'ducation au contrle de soi, sans perdre de vue qu'il faut pouvoir crire avec aisance, pour les tudes et la vie future. C'est alors que les possibilits psychomotrices de l'enfant constituent, pour le lgislateur, un facteur essentiel de progrs dans l'apprentissage de l'criture. Et ces possibilits psychomotrices sont dveloppes par le travail fait en maternelle, travail que les enseignants de l'cole lmentaire sont invits poursuivre en cas de besoin. Il reste savoir comment dterminer ce besoin et quels dispositifs mettre en oeuvre pour dvelopper des possibilits psychomotrices qu'il convient de dfinir. De toute vidence, il y a l un manque. En maternelle, il s'agit aussi d'adapter les propositions pdagogiques aux capacits de l'enfant. Il est donc indispensable de pouvoir les valuer. Que proposer l'enfant selon son ge et ses capacits ? C'est une question importante. Les instructions de la rforme 'Haby', redisant le souci d'une bonne tenue et d'une bonne prhension de l'outil scripteur, prcisent que l'exigence des matres ne suffit pas : c'est l'habilet motrice et la conscience posturale qu'il convient de dvelopper pour favoriser l'excution correcte et aise de l'criture. L'acte d'crire se trouve mme dot par le lgislateur d'une fonction de lien entre la motricit et l'intellect. Si ceci nous semble discutable, nous ne pouvons qu'adhrer au souci de prise en compte d'une globalit de l'tre dans l'ducation et l'apprentissage. C'est ce souci de comprhension globale de la personne qui a prsid l'mergence et au dveloppement de la psychomotricit. Mais, si l'on peut admettre que l'habilet motrice et la conscience posturale favorisent la bonne tenue, la bonne prhension de l'outil scripteur, l'excution correcte du trac, il reste dfinir celles-ci. Et leur acquisition par l'enfant, qui ne peut tre que progressive, demande rflexion pour que la pdagogie soit adapte aux capacits de l'apprenant. Comment ces orientations des textes officiels peuvent-elles tre mises en oeuvre par les enseignants si ceux-ci n'ont pas cette comprhension de la globalit de l'tre humain, de l'volution de l'acte graphique, ni les moyens de les dvelopper ? Il y a donc ncessit d'une formation thorique et d'une proposition d'outils pratiques. La psychomotricit est, non pas seule mais en complment d'autres disciplines, en mesure d'apporter cela. Les programmes de 1995 mettent l'accent sur le sens que peut avoir l'acte d'crire pour l'enfant. Le seul exercice considr est l'exercice graphique. C'est lui qui va permettre l'amlioration du geste, la tenue de l'outil et l'exploration des outils. Il n'est plus question de possibilits psychomotrices dvelopper, ce que nous ne pouvons que dplorer. Si la psychomotricit est, comme nous le pensons, un moyen de contribuer rsoudre la crise de la pdagogie de l'criture, c'est, en effet, regrettable que les textes officiels l'oublient. Nous avons constat que les programmes prcis se sont considrablement rduits. L'enseignant, par le fait mme, n'est plus simple excutant de directives ministrielles. Mais concevoir sa pratique est plus complexe qu'appliquer des consignes. Une formation qui comporte, non seulement des 'recettes' en termes de savoir-faire, mais aussi des lments

thoriques, s'avre indispensable. En ce qui concerne la pdagogie de l'criture, la psychomotricit peut constituer un outil de formation. On pourrait aussi penser que les manuels scolaires relatifs l'apprentissage de l'criture peuvent suffire aux enseignants. Mais, nous allons le voir, ils ne prsentent pas suffisamment de cohrence. La pdagogie de l'criture est en crise. Les enseignants ne savent pas comment aider les enfants dans leur apprentissage de l'criture. Ils ne savent pas bien ce qu'ils doivent enseigner, particulirement en ce qui concerne les lettres (types de lettres, ornementations, ductus) car l'ducation de la motricit graphique ne fait gnralement mme pas partie de leurs proccupations. Lorsque l'outil scripteur imposait par lui-mme une adaptation du geste, le problme ne se posait que peu. Le lgislateur et les mthodes indiquaient aussi aux enseignants les normes tant sur le plan de la posture et du geste graphique que sur celui des modles apprendre. L'enseignant n'avait pas se proccuper du contenu de son enseignement ; il lui suffisait d'appliquer les directives. Nous avons vu que celles-ci ont perdu de leur prcision alors que les outils scripteurs se sont diversifis et sont devenus plus aiss manier. De plus, la formation des matres en ce qui concerne la pdagogie de l'criture semble avoir presque compltement disparu. Les psychologues et psychanalystes ont interrog les pratiques des enseignants, bien entendu sans leur fournir de nouveaux modles pdagogiques. La centration sur le sens du message, au dtriment de sa forme et de l'acte qui le ralise, s'est rpandue du fait de certains crits (Ferreiro, Vigotsky, Charmeux...). Tout cela a contribu liminer les modles existants de pdagogie de l'criture centre sur les acquisitions graphomotrices. Les enseignants s'en trouvent donc dsempars. Pourtant, la matrise de l'acte graphique n'est pas un but en soi : non seulement elle ne s'oppose pas la production de sens, mais elle est son service. Nous retiendrons aussi, pour notre part, que les textes officiels ont, entre 1970 et 1980, affirm que 'le progrs de l'criture dpend des possibilits psychomotrices de l'enfant' 66 . Il fallait donc, selon le lgislateur, dvelopper ces possibilits : habilet motrice, conscience posturale. L'cole maternelle permet dj des acquisitions sur ce plan, et l'cole lmentaire doit poursuivre le travail entrepris. Le souci de prise en compte de la globalit de l'tre humain est affich, mais les fonctions psychomotrices qui sont ncessaires l'apprentissage de l'criture ne sont pas suffisamment prcises. Les programmes et comptences de 1995 ne mentionnent plus du tout la psychomotricit. Nous le dplorons, mais cela peut se comprendre par le fait qu'il ne suffit pas que les textes officiels affirment la ncessit de prendre en compte la globalit de la personne pour que cela puisse se faire. Il est indispensable que les enseignants comprennent cette globalit pour qu'ils puissent intgrer cette conception de l'tre humain dans leur pratique pdagogique. Or, mme les textes officiels restent imprcis en ce qui concerne les fonctions psychomotrices qui permettent l'apprentissage de l'criture. Nous comprendrons mieux, lorsque nous aborderons l'aspect historique de la psychomotricit l'cole, pourquoi celle-ci a t abandonne dans les annes 1980.

CHAPITRE 2 UNE MANIFESTATION DE LA CRISE : LES INCOHERENCES DES MANUELS DE PEDAGOGIE DE L'ECRITURELa crise de la pdagogie de l'criture a contribu la parution de plusieurs de ces ouvrages qui se veulent directement utilisables par les enseignants dans leur pratique pdagogique. Il fallait bien tenter de rsoudre la crise ; mais il n'est pas vident que le rsultat soit la hauteur des ambitions. En effet, on y trouve des contradictions entre eux et parfois l'intrieur d'un mme livre. L'examen de ces ouvrages 67 prsente pour nous un intrt, au-del du fait qu'ils affirment l'existence de la crise : d'une part, ils nous indiquent les lments que l'on cherche aujourd'hui prendre en compte pour l'apprentissage de l'criture ; d'autre part, leurs interrogations, leurs incohrences et leurs contradictions nourrissent notre questionnement. Tous les auteurs consults, qu'ils soient enseignants, conseillers pdagogiques, rducateur en psychomotricit ou inspecteurs dpartementaux de l'Education Nationale (ce sont les quatre catgories parmi ceux qui indiquent leur profession), affirment la ncessit d'un apprentissage de l'criture dans sa double perspective d'apprentissage de la rdaction et d'apprentissage de la graphie. Selon eux, ce deuxime aspect a t trop nglig ces dernires annes et il est indispensable d'y revenir. Ils confirment donc ce que nous avons nous-mme peru, savoir la moindre attention porte l'apprentissage de l'acte graphique de la part des enseignants. Mais souhaiter aider les enfants mener bien cet apprentissage de l'acte graphique ne suffit pas pour que le problme soit rsolu. Les questions sont nombreuses et touchent autant la conception mme de l'criture et de son apprentissage scolaire que les aspects concrets de celuici.

1. Quand commencer l'apprentissage de l'criture ?Il est difficile de savoir si le moment est venu pour l'enfant d'entreprendre cet apprentissage qui, comme le souligne Berthet, ncessite une certaine maturit intellectuelle, affective. C'est pourquoi elle affirme que 'la notion de trajectoire avec la contrainte qu'elle comporte ne peut tre introduite qu'en Grande Section' 68 . C'est aussi pourquoi elle rserve l'apprentissage de l'criture proprement dit au Cours Prparatoire. Elle est l en accord avec Casteilla 69 ainsi qu'avec Valot qui pense qu'il est risqu de faire crire les enfants trop tt et que 'la premire prcaution consiste ne pas faire crire prmaturment les enfants dans les classes enfantines ou maternelles' 70 ; il affirme que l'apprentissage de l'criture ne doit pas commencer avant le Cours Prparatoire, mme pour des enfants de cinq ans maintenus en Grande Section maternelle. Il demande que l'on ne fasse pas de graphisme en lien avec la langue crite avant l'cole lmentaire. Selon Calmy 71 , c'est un ge mental de cinq ans qui est ncessaire pour apprendre crire. Et c'est le test maison, labor par Simon, qui permet de dceler l'ge de l'criture. Il faut le faire passer de mois en mois dans les Moyennes et les Grandes Sections de maternelle afin de ne pas laisser passer la priode sensible. Selon les rsultats au test, soit l'enfant fera des

exercices quotidiens d'criture, soit il en fera une ou deux fois par semaine, soit il fera des exercices graphiques quotidiens et quelques exercices d'criture de semaine en semaine. L'apprentissage ne doit tre ni trop prcoce ni trop tardif. Mme si elle reconnat un risque de prcocit, Calmy suggre de faire crire des noms et des dterminants, des verbes et des sujets, ds la Moyenne Section. Hebting, prenant en compte les rsultats des travaux de Lurat, affirme qu'entre 4 et 5 ans 'se pose sans doute dj le problme de la motivation de l'criture' 72 , mais l'apprentissage de l'criture se fait au Cours Prparatoire. Octor et Kaczmarek citent les instructions officielles de 1977 et prconisent ainsi l'apprentissage du trac de graphismes signifiants dans le but de correspondre avec des personnes absentes. Pourtant, aprs avoir fait crire son prnom par l'enfant de Moyenne Section, ils font crire lettres et chiffres en Grande Section o l'enfant apprend aussi 'copier des mots du vocabulaire affectif [et] copier un texte court en relation avec les activits de la classe' 73 . Pour Chaumin et Lassalas, c'est au dbut de la Grande Section de maternelle que se pose la question de l'apprentissage de l'criture. Elles prconisent d'observer les enfants pour leur proposer ce qui leur est adapt : l'institutrice 'attend les mergences, provoque ensuite ce qui permettra l'exercice de fonctions qui se cherchent et se construisent progressivement' 74 . Que retenir de ces prconisations ? A quel ge faut-il commencer l'apprentissage de l'criture ? Voil une premire question laquelle il n'est apparemment pas simple de rpondre, puisque nous nous trouvons, avec les sept ouvrages cits, dans trois orientations diffrentes. Pour Chaumin et Lassalas, c'est l'observation, partir du dbut de la Grande Section maternelle, qui doit permettre d'adapter les propositions de l'enseignant aux capacits des lves. Pour Calmy, le test maison constitue l'outil de dtermination de la priode sensible de l'apprentissage de l'criture, priode qui se situerait de la Moyenne Section la Grande Section de l'cole maternelle, alors que, pour Casteilla, Valot et Hebting, il faut attendre le Cours Prparatoire pour envisager cet apprentissage. Seul Hebting se rfre aux travaux de Lurat pour tayer son point de vue. Calmy, bien qu'elle connaisse aussi ces travaux, n'y fait pas rfrence pour choisir l'ge d'apprentissage de l'criture. Elle prfre avoir recours au test maison, labor par Thodule Simon, et qui est cens dterminer un ge mental. On constate que les rsultats ce test n'entranent qu'une modification de frquence des exercices d'criture auxquels sont ajouts, si les rsultats sont faibles, des exercices graphiques. Il parat peu cohrent de ne faire varier que cela si le test dtermine la capacit entrer dans l'apprentissage de l'criture. On pourrait en effet penser que les exercices d'criture ne devraient intervenir que lorsque l'ge mental de cinq ans, affirm par la russite au test maison, serait atteint. Une autre contradiction apparat chez Calmy : alors qu'elle souligne le risque de prcocit d'apprentissage de l'criture, elle fait crire des noms et des dterminants, des verbes et des sujets, ds la Moyenne Section de l'cole maternelle. On retrouve, un moindre degr, cette contradiction chez Octor et Kaczmarek puisqu'ils font copier, ds la Grande Section, des mots et des phrases qui ne semblent pas destins la correspondance avec une personne absente alors qu'ils s'appuient sur les instructions officielles pour lesquelles c'est la condition d'apprentissage de signes arbitraires. Quant Hebting, il n'explicite pas le dcalage d'ge entre la motivation pour l'criture et son apprentissage. Enfin, Chaumin et Lassalas, qui prconisent d'observer l'enfant, n'outillent pas les enseignants pour cela. Car attendre les mergences peut tre tout fait pertinent si l'on sait les reprer. Les enseignants ont donc besoin de savoir quoi observer.

Nous ne pouvons nous contenter d'une approche psychomtrique comme Calmy. Ne prendre en compte que la notion d'ge mental pour dterminer la capacit entrer dans l'criture nous parat discutable. Une approche plus globale, prenant en compte les diffrentes composantes du dveloppement, nous semble indispensable. Car l'apprentissage de l'criture demande, certes, une certaine maturit intellectuelle et affective, mais aussi une maturit motrice. Si les travaux de Lurat sont particulirement importants pour situer l'enfant dans son volution graphique, ceux de Perron et Coumes 75 et ceux de Ajuriaguerra et Auzias 76 le sont tout autant. La psychomotricit peut les complter et fournir avec eux aux enseignants d'autres repres d'observation, complmentaires de ceux qu'apportent les crits de Lurat.

2. Prparation l'apprentissage de l'critureQuel que soit l'ge idal pour commencer l'apprentissage systmatique de l'criture, n'y a-til pas ncessit de dvelopper certaines fonctions auparavant afin qu'il puisse se faire sans difficult ? Bien qu'avec des termes diffrents, presque tous les auteurs consults l'affirment. Seul Casteilla se centre exclusivement sur l'apprentissage de l'criture proprement dit.

2.1 Des pr-requis ? A l'exception, donc, de Casteilla, les auteurs consults prconisent une 'prparation' l'criture, la mise en place de 'pr-requis', le dveloppement de 'pralables indispensables' et la ralisation de 'pr-apprentissages spcifiques'. Cette diversit de mots ou d'expressions recouvre une diversit de conceptions. Parle-t-on de savoirs ou de capacits indispensables pour commencer l'apprentissage de l'criture, c'est--dire de ce qui a t nomm pr-requis, ou des moyens de les acqurir ? Il est clair qu'il existe l une confusion chez plusieurs auteurs. Ainsi, le titre mme du chapitre 'Pralables indispensables l'criture. Prparation du corps, de l'quipement grapho-moteur' 77 montre que les deux registres sont confondus par Berthet. Le contenu de ce chapitre le confirme : ainsi, aprs avoir indiqu qu'il est ncessaire de travailler sur le schma corporel, l'organisation dans l'espace, les rythmes, la dominance latrale et la reprsentation mentale, Berthet indique les 'conditions ncessaires pour la mise en place de l'criture' 78 , conditions qui se limitent la coordination oculo-manuelle et une bonne rgulation tonique. Que conclure ? Qu'il est ncessaire de travailler l'organisation du schma corporel, l'organisation dans l'espace, les rythmes, la dominance latrale et la reprsentation mentale, mais que ces lments ne sont pas indispensables, ce qui est en contradiction avec le titre mme du chapitre ? Suit un second chapitre de 'pr-apprentissages spcifiques' qui traite de la motricit fine manuelle, de la trace graphique et de la 'ncessit d'une maturit intellectuelle et affective'. Les trois lments sont mis sur le mme plan ; or, si l'on peut considrer la motricit fine et la trace graphique comme objets d'apprentissage, encore que, de toute vidence, ils ne sont pas du mme ordre, la maturit intellectuelle et affective ne peut en aucun cas en tre un. Un autre exemple de cette confusion nous est donn par Hebting. Ainsi, il parle de 'prrequis souhaitables' 79 , expression qui est ambigu puisqu'un pr-requis est, par dfinition, indispensable et pas seulement souhaitable. Il inclut ces pr-requis l'ducation du membre suprieur dans le schma corporel, avec mobilisation de l'paule, du bras, de la main par reproduction de mouvements, avec verbalisation d'actions, symbolisation par schma ou dessin. Le pr-requis n'est donc pas ici une capacit, mais une ducation qui se fait par des actions, une

verbalisation et une reprsentation symbolique de ces actions. Les autres pr-requis indiqus consistent bien en des savoirs et savoir-faire : structuration de l'espace, structuration du temps. Commentaires Il est donc bien difficile de connatre les capacits indispensables l'enfant pour qu'il puisse apprendre crire. La notion de pr-requis, qui tend disparatre aujourd'hui de l'cole, parat bien mal dfinie, en tout cas en ce qui concerne l'apprentissage de l'criture. Mais la notion de pr-acquis, qui lui a succd dans le langage d'enseignants et de conseillers pdagogiques, n'est pas d'une fonctionnalit plus grande ! La complexit des capacits que l'on cherche dvelopper chez l'enfant pour le prparer cet apprentissage y est certainement pour quelque chose. Qu'il s'agisse du schma corporel ou de l'organisation spatio-temporelle, on ne se situe pas, en milieu scolaire, sur le plan de la mesure. Il est bien difficile de savoir quel est le degr d'acquisition de ces lments par l'enfant. La complexit de l'acte d'crire lui-mme rend aussi bien difficile l'identification de prrequis. Par contre, il est vident qu'il met en jeu bien des capacits que l'on peut chercher dvelopper pour elles-mmes, avant mme le dbut de l'apprentissage de l'criture, mais aussi au cours de celui-ci.

2.2 Contenus de la prparation l'apprentissage de l'criture Nous venons d'voquer, au paragraphe prcdent, quelques lments de la prparation l'apprentissage de l'criture. On peut reconnatre un certain accord entre les auteurs pour affirmer que cet apprentissage comporte une prparation motrice et une prparation sensorielle. Le travail de la motricit digitale est cit par tous, comportant pour la plupart des exercices graphiques. La motricit plus large, mettant en oeuvre les bras ou le corps dans son ensemble, est mentionne par quelques auteurs seulement. Calmy seule situe le travail moteur selon une progression qui respecte les lois cphalo-caudale et proximo-distale, visant par consquent une progressive indpendance segmentaire et, s'agissant du geste graphique, une rduction progressive du trac. Quant aux aspects sensoriels, ils ne sont cits que par Octor et Kaczmarek, et par Calmy. Ils consistent en des exercices de discrimination visuelle pour Octor et Kaczmarek, en une ducation sensorielle avec verbalisation pour Calmy qui y fait intgrer tout un vocabulaire d'orientation spatiale et y fait effectuer la schmatisation d'un parcours. D'autres auteurs visent aussi le dveloppement de l'organisation spatio-temporelle, sans utiliser la dnomination de prparation sensorielle, sans doute du fait que le travail ralis cet effet met en jeu les fonctions motrices autant que les fonctions perceptives. Selon plusieurs auteurs, la prparation l'criture concerne le schma corporel, mais de faons diverses. Ainsi, lorsque Hebting parle de l'ducation du membre suprieur dans le schma corporel, il indique la mobilisation de l'paule, du bras, de la main avec reproduction de mouvements, verbalisation d'actions, symbolisation par schma ou dessin, mais aussi dissociation coude et corps, main et avant-bras, ducation de la main, relaxation, immobilisation volontaire d'un segment et tenue de l'outil scripteur. Il inclut la latralit dans l'organisation du schma corporel. Pour Calmy, la fermeture des yeux lors d'exercices aide l'enfant intgrer son schma corporel. Quant Berthet, la prparation du corps en ce qui concerne le schma corporel consiste en l'exercice des fonctions motrices, en la conscience du corps en mouvement, enfin en l'intriorisation, la reprsentation mentale, la mmorisation. Ces trois auteurs parlent-ils de la mme chose ? Seule Berthet indique la dfinition du schma corporel que donne le

Docteur Le Boulch, savoir 'l'intuition d'ensemble ou la connaissance immdiate que nous avons de notre corps l'tat statique ou en mouvement dans le rapport de ses diffrentes parties entre elles et surtout dans ses rapports avec l'espace et les objets qui nous environnent' 80 . La question de la latralit n'est galement aborde que par quelques auteurs. Ils sont tous d'accord pour affirmer que la latralit concerne une dominance fonctionnelle d'un ct sur l'autre, ou une asymtrie fonctionnelle, encore qu'on pourrait discuter de l'quivalence de ces expressions. Ils sont aussi d'accord sur le fait que la latralit se met en place pendant les premires annes de la vie et est gnralement tablie vers six ans. Par contre, il est bien d'autres aspects de la latralit sur lesquels leurs propos divergent. Rieu et Frey-Kerouedan, prconisent d'aider l'enfant acqurir une latralit homogne, c'est-dire une mme prvalence pour l'oeil, la main et le pied. Octor et Kaczmarek pensent qu'une latralit htrogne, qu'ils nomment 'dysharmonique', peut tre source de difficults. Hebting et Berthet se contentent l'un et l'autre de constater que tout le monde n'a pas une latralit homogne. Pour eux, une prvalence latrale doit s'tablir au niveau manuel. Mais, alors que Hebting affirme que les ambidextres peuvent tre ou non latraliss, Berthet considre l'ambidextrie comme une mauvaise latralisation. Rieu et Frey-Kerouedan, Octor et Kaczmarek prconisent de dterminer la dominance latrale de l'enfant. Pour ce faire, ils n'utilisent pas les mmes tests ; Octor et Kaczmarek en mentionnent beaucoup plus. Pour Rieu et Frey-Kerouedan, on devra renforcer la dominance latrale ainsi dtermine par 'des situations pdagogiques particulires [dans lesquelles] l'enfant pourra entraner son ct privilgi, sans que lui soit impose d'emble une dominance latrale arbitrairement dicte par la pression sociale' 81 ; mais ils ne disent pas ce que sont ces situations pdagogiques ! Chez Octor et Kaczmarek, la finalit de l'examen de la latralit n'est pas vidente : ils indiquent seulement qu'il faut le raliser lorsque l'enfant a des difficults graphiques ou pour 'viter de baptiser gaucher un enfant non ou mal latralis' 82 . Ils jugent important de proposer aux jeunes enfants de multiples occasions 'd'exercer leur habilet manuelle, et surtout en les laissant librement utiliser les deux mains' 83 et d'apporter une aide particulire l'enfant gaucher dans l'criture. On ne sait donc pas pourquoi l'examen de la latralit doit tre effectu lorsque l'enfant a des difficults graphiques. Par contre, si l'enfant est gaucher, le fait d'en avoir la certitude permet de lui apporter l'aide dont il a besoin pour apprendre crire. Berthet considre qu'il est ncessaire de dterminer le ct prvalent en cas de question sur le choix de la main pour crire. Elle propose des 'exercices de latralisation' 84 , mais ceux-ci concernent l'orientation dans l'espace corporel et extra-corporel et non la latralit. Berthet justifie son choix en affirmant que, 'si l'enfant connat bien son corps au niveau du vcu et du senti, et pas simplement intellectuellement, s'il a de bons repres spatiaux, la latralisation ne pose en gnral aucun problme' 85 . Pour les enfants qui ont davantage de difficults, les exercices qu'elle propose visent dvelopper 'une prise de conscience susceptible de renforcer la tonicit et la connaissance du ct dominant' 86 . Il serait ncessaire de montrer comment la prise de conscience peut renforcer la tonicit, car cela est loin d'tre vident. Cette prparation l'apprentissage de l'criture en est, selon les auteurs, plus ou moins loigne sur le plan temporel. En effet, elle peut commencer trs tt en maternelle, mais aussi continuer se faire alors mme que l'enfant a dj commenc apprendre crire. La plupart des auteurs semblent d'accord pour affirmer que l'criture met en jeu des capacits motrices et sensorielles qui doivent donc tre dveloppes pour que l'enfant puisse apprendre crire. Mais seule Berthet utilise des exercices qui sont issus de la rducation

psychomotrice de l'criture telle qu'elle a t labore par Auzias et Denner. Seule Calmy se rfre aussi la mthode du Bon Dpart, qui est elle-mme galement une mthode de rducation psychomotrice. Deux questions se trouvent ainsi poses : celle du passage du champ rducatif au champ pdagogique et celle des relations entre la psychomotricit et la pdagogie de l'criture. Cette dernire est aussi pose par la prparation l'criture qui se fait, pour certains auteurs, par des exercices psycho-moteurs. Calmy va encore plus loin en prconisant une ducation psycho-motrice du geste graphique dont le principe essentiel est : 'vivre les mouvements dans l'espace avant de vivre des trajectoires sur le papier' 87 . Sans qu'ils qualifient leur pdagogie de psychomotrice, Rieu et Frey-Kerouedan 88 font aussi exprimenter les formes et trajectoires des lettres de l'alphabet avant de les faire tracer sur le papier. Mais Calmy fait, en outre, reprsenter des trajectoires ralises par d'autres enfants. Le passage du mouvement au graphisme est donc ralis de deux faons diffrentes : l'enseignant fait reprsenter par des enfants, soit les parcours ou mouvements raliss par d'autres lves, soit ceux qu'ils viennent eux-mmes d'effectuer. Commentaires L'apprentissage de l'criture se prpare sur le plan moteur et sur le plan perceptif. L'enfant ne peut pas apprendre crire si sa motricit et son organisation perceptive ne sont pas suffisamment dveloppes. L'cole maternelle cherche favoriser ce dveloppement. Mais, nous l'avons vu, il existe des diffrences en ce qui concerne ce que les auteurs tudis prconisent pour cela. Si tous se proccupent du dveloppement de la motricit fine, certains seulement prennent en compte la motricit large et seule Calmy s'appuie sur les lois du dveloppement psychomoteur pour rechercher l'indpendance segmentaire. Quant l'ducation sensorielle, nous avons vu galement qu'elle diffrait d'un auteur l'autre. Nous avons constat aussi que des lments psychomoteurs sont pris en compte par plusieurs auteurs : le schma corporel, qui a constitu le concept central de la psychomotricit pendant toute une priode, et la latralit dont les troubles sont traits par les psychomotriciens. Nous avons pu mettre en vidence les divergences entre ces auteurs, posant la question de la dfinition mme des concepts concerns. Celle du schma corporel n'a d'ailleurs t donne que par un seul auteur, Calmy. En ce qui concerne la latralit, les divergences portent sur les moyens de l'valuer et sur la finalit de cette valuation, ainsi que sur les moyens d'action sur la latralit. Si Rieu et Frey-Kerouedan prconisent d'aider l'enfant acqurir une latralit homogne, on ne voit pas comment ce rsultat va tre obtenu simplement en le laissant utiliser librement sa motricit. La mme contradiction apparat chez Octor et Kaczmarek. De toute vidence il existe des divergences entre les auteurs et des contradictions l'intrieur d'un mme ouvrage. Il parat donc ncessaire de dfinir les concepts utiliss ici et d'tudier prcisment leurs implications. Il est certain qu'ils ont leur importance dans le cadre de la prparation l'criture qui est une activit psychomotrice complexe imposant le choix d'une main. La question de l'utilisation de techniques de rducation psychomotrice dans le cadre de la prparation l'criture l'cole doit galement tre examine. On peut penser que c'est la psychomotricit, mme si elle n'a pas t seule en cela, qui a conduit faire excuter des trajectoires par le mouvement global avant de les reproduire sur le papier. La pertinence de cette dmarche doit aussi tre interroge, d'autant plus que l'on a pu voir qu'elle se met en pratique de diffrentes faons.

3. L'observation de l'enfantL'apprentissage proprement parler de l'criture varie considrablement d'un auteur l'autre. Calmy affirme, comme Chaumin et Lassalas, l'importance de l'observation et prcise que 'ce serait une erreur grave que de ne pas observer soigneusement, non seulement le graphisme enfantin, mais surtout l'enfant en train d'crire' 89 . L'attention sera ainsi porte sur la posture et les attitudes de l'enfant, sur la libert de mouvement du poignet et sur la tenue de l'instrument. Mais il est bien difficile de savoir ce que Calmy fait de cette observation de l'enfant qui crit. En effet, elle affirme qu'il fa